Étiquette : Niger

  • Le G5 Sahel, l’Union européenne et la MINUSMA réunis à Nouakchott

    Nouakchott a abrité mardi 29 septembre 2020 la réunion tripartite Nations Unies, Union européenne et G 5 Sahel dans le cadre de l’arrangement technique pour la fourniture d’un appui opérationnel et logistique à la force conjointe du G 5 Sahel. Alors que le Conseil de sécurité des Nations Unies vient d’élargir les prérogatives de la Minusma, l’Union européenne, seul partenaire du G 5 Sahel, promet d’injecter 400 millions d’Euros avec un focus sur les droits de l’homme.

    En plus de la Mauritanie, des délégations sont venues des quatre autres pays membres du G5 Sahel (Burkina Faso, Niger, Mali et Tchad) et de son secrétaire exécutif, Maman Sambo Sidikou, ainsi que le Chef de la MINUSMA, représentant spécial du Secrétaire général des Nations unies pour le Mali, Mahamat Saleh Annadif, et l’ambassadeur en chef de la délégation de l’Union européenne en Mauritanie, SEM. Giacomo Durazzo. Nouakchott fut ainsi le lieu d’une réunion tripartite de très haut niveau.

    Retrouver le maillon manquant du G5 Sahel

    Comme l’a rappelé dans son discours le Chef de la MINUSMA, force de maintien de l’ordre au Mali, M.Mahamat Amadif, «cette réunion tripartite vient combler une lacune, voire un maillon qui a pu manquer au lancement de la force conjointe G5 Sahel depuis qu’elle a été initiée en février 2017 ».

    Il a aussi rappelé que les Nations Unies n’ont pas seulement salué la mise en place du G 5 Sahel en tant qu’institution en 2014, elles ont surtout salué la mise en place de cette structure comme outil de développement et de sécurité.

    Il a souligné l’engagement du Secrétaire général des Nations Unies à rendre opérationnelle cette force conjointe, car selon lui sa mission ne doit pas seulement concerner les seuls pays du G 5 Sahel mais doit régler de manière globale les questions de sécurité.

    Il a expliqué les difficultés au sein du Conseil de sécurité pour faire passer le message, ce qui a abouti à un minima avec la résolution 2391 de 2017 accompagné par l’arrangement technique signé en février 2018 à Bruxelles, qui a permis la mise en place de ce financement par l’Union européenne et qui mandate la MINUSMA de fournir cet appui logistique (rations alimentaires, carburant, évacuations médicales et autres).

    Un pas politique important

    Enfin, le Chef de la MINUSMA a salué au passage la dernière résolution du Conseil de sécurité, la résolution 2531 qui selon lui a apporté un plus, soulignant que c’est cette résolution qui a permis cette présente concertation tripartite et qui a permis de façon claire de déclarer que «l’appui des Nations Unies à travers la MINUSMA doit être coordonnée avec le Secrétariat Exécutif du G5 Sahel». Il s’agit, d’après lui, d’un pas politique extrêmement important, parce que c’est le maillon qui manquait.

    «La réunion de ce matin a pour objectif de matérialiser cette décision importante prise par le Conseil de Sécurité » a-t-il insisté.

    Auparavant, le Secrétaire Exécutif du G5 Sahel, Mahamat Sambo Sidikou, avait évoqué les insuffisances à combler afin de rendre les opérations plus efficaces. Selon lui, l’objectif assigné aux bataillons ne peut être atteint par le système actuel. Cette réunion est pour lui une occasion de revisiter les méthodes actuelles, ajoutant que le meilleur moyen d’atteindre les objectifs visés est d’impliquer les opérateurs locaux.

    Le respect des droits de l’homme, la priorité

    De son côté, l’ambassadeur Délégué de l’Union européenne en Mauritanie a mis l’accent sur l’apport de l’Europe en termes financiers dont une promesse de 400 millions d’euros déjà tenue, a-t-il souligné, évoquant une enveloppe de plus de 230 millions d’Euros déboursés grâce à la facilité africaine de paix qui se décline selon lui en plusieurs composantes. Il a cependant insisté sur deux aspects, le cadre de conformité qui met un accent particulier sur le respect des droits de l’homme et le soutien à l’équipe chargée de ce volet (HRDDP) de la MINUSMA. Il a souhaité que cette réunion puisse encourager la collaboration entre la force conjointe G 5 Sahel, la MINUSMA et le Haut Commissariat aux Droits de l’Homme.

    Les responsables ont par la suite répondu aux questions des journalistes avant de poursuivre leurs travaux en huis clos.

    Cheikh Aïdara

    Source : Le Courrier du Nord, 30 sept 2020

    Tags : Sahel, ONU, G5, terrorisme, Mauritanie, Mali, Niger, Tchad, Burkina Faso,droits de l’homme, MINUSMA, 

  • Tchad : Saisie d’armes par la Force conjointe du G5 Sahel en territoire tchadien

    La Force conjointe du G5 Sahel composée de soldats du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad, a saisi la semaine passée une vingtaine d’armes lors des fouilles effectuées dans la zone de Wour en terriroire tchadien, a annoncé la cellule de communication de la force.

    Dans la conduite des opérations de routine que sont les patrouilles sur les axes et pistes principaux ainsi que la sécurisation des points sensibles, le Fuseau Est de la FC-G5 Sahel a saisi, le jeudi 24 septembre, 23 armes.

    Dix de ces armes ont été récupérées lors des fouilles de campements dans la zone de Wour et les treize autres, ont été saisies sur des civils lors des contrôles au niveau des différentes positions dans le secteur, lit-on dans un communiqué de la force.

    La Force conjointe du G5 Sahel est à pied d’œuvre pour couper les différents canaux de ravitaillement des groupes armés terroristes et des groupes criminels organisés. Les unités de la zone sont instruites pour accentuer leurs activités dans tout le secteur, afin d’assurer davantage la protection et la sécurité des populations civiles ainsi que de leurs biens.

    La Force conjointe du G5 Sahel est une force régionale qui a pour mission de lutter contre les terroristes dans les régions frontalières communes aux pays du G5 Sahel en étroite coordination avec toutes les forces nationales et la force Barkhane.

    La Force conjointe du G5 Sahel, composée d’unités provenant du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad, est mandatée pour pouvoir intervenir au-delà des frontières de ces pays dans le cadre d’une règlementation paraphée par les cinq chefs d’Etat du G5 Sahel.

    Source : Centre Essahraa d’Etudes et de Consultations, 2 oct 2020

    Tags : Tchad, Sahel, G5, Mauritanie, Mali, Niger, Burkina Faso, armes, terrorisme, 

  • Point de presse quotidien du Bureau du Porte-parole du Secrétaire général de l’ONU: 4 mai 2020

    (La version française du Point de presse quotidien
    n’est pas un document officiel des Nations Unies)



    Ci-dessous les principaux points évoqués par M. Stéphane Dujarric, Porte-parole de M. António Guterres, Secrétaire général de l’ONU:

    Secrétaire général/Liberté de la presse

    Il y a quelques instants, le Secrétaire général a participé au Dialogue de haut niveau en ligne sur la liberté de la presse et la lutte contre la désinformation dans le contexte de la pandémie de COVID-19, un évènement organisé par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). Il a souligné la pression croissante que les médias ont subie ces dernières années, de nombreux journalistes faisant actuellement face à des menaces, au harcèlement et à des agressions violentes. « Lorsque les journalistes sont attaqués, les sociétés dans leur ensemble en paient le prix », a-t-il déclaré, ajoutant qu’aucune démocratie ne peut fonctionner sans liberté de la presse.

    Le Secrétaire général a également déclaré qu’avec la pandémie actuelle, nous assistons à une dangereuse recrudescence de désinformation, allant de conseils de santé nocifs à des discours haineux, en passant par des théories déchaînées de complot. Il a souligné que l’antidote est une information et une analyse fondées sur des faits. Et maintenant plus que jamais, a-t-il dit, nous avons besoin des médias pour documenter ce qui se passe, faire la distinction entre les faits et la fiction, et tenir les dirigeants responsables.

    Riposte mondiale à la COVID-19

    Le Secrétaire général a également pris la parole, un peu plus tôt ce matin, lors d’un événement en ligne destiné à recueillir des promesses de dons pour financer la riposte mondiale au Coronavirus. Il a remercié la Commission européenne et ses partenaires d’avoir accueilli la conférence, y voyant exactement le type de leadership dont le monde a besoin aujourd’hui.

    Le Secrétaire général a souligné à quel point des mesures de santé publique globales et coordonnées sont essentielles pour ralentir la transmission et sauver des vies, mais il a averti que même les pays qui ont pris de telles mesures restent en danger. Il a noté que le virus est susceptible de frapper de nombreux pays qui sont les moins en mesure de faire face. Dans un monde interconnecté, il a souligné que personne n’est à l’abri du danger jusqu’à ce que tout le monde le soit.

    Le Secrétaire général a également souligné que les nouveaux diagnostics, thérapies et vaccins contre la COVID-19 doivent être considérés comme des biens publics mondiaux disponibles et abordables pour tous. Pour un monde exempt de COVID-19, il faudra déployer l’effort de santé publique le plus énorme de l’histoire. Il a ajouté qu’avec l’événement et les engagements pris d’aujourd’hui, une nouvelle étape est franchie dans la mobilisation des ressources pour cette entreprise vitale.

    Le Secrétaire général s’est également félicité des généreuses contributions annoncées aujourd’hui en vue de l’objectif initial de 7,5 milliards d’euros. Il a toutefois ajouté que, pour pouvoir aider tout le monde, partout, il faudra probablement cinq fois ce montant.

    Liban

    À New York, le Coordonnateur spécial des Nations Unies pour le Liban, Ján Kubiš, a fait un exposé devant le Conseil de sécurité au cours d’une séance de consultations sur la situation dans le pays. Le Secrétaire général adjoint aux opérations de paix, Jean-Pierre Lacroix, a également informé les membres du Conseil des travaux de la Force de maintien de la paix de l’ONU sur le terrain, la FINUL. À l’issue des consultations, il est possible que le Président du Conseil de sécurité, le Représentant permanent Sven Jurgenson, lise une déclaration à la presse.

    COVID-19/Afrique orientale et australe 

     L’UNICEF a déclaré aujourd’hui que plus de 127 millions d’enfants en Afrique orientale et australe, qui devaient retourner à l’école cette semaine, resteront chez eux en raison de la menace posée par le virus. 

    Dans cette région du monde, un foyer sur cinq a accès à Internet et 84% de la population rurale n’ont pas d’électricité.

    L’UNICEF et ses partenaires travaillent sans relâche pour appuyer l’apprentissage par le biais de la radio, de SMS et de documents imprimés.

    Cependant, même avec les mesures d’apprentissage alternatives déployées par les gouvernements, ainsi que par l’UNICEF et ses partenaires, des dizaines de millions d’enfants ne pourront pas en bénéficier. Ces enfants sont souvent parmi les plus marginalisés et les plus vulnérables. Ils dépendent largement des écoles pour leur éducation, leur santé, leur sécurité et leur alimentation.

    L’UNICEF a souligné que les gouvernements, les entreprises et les parents doivent œuvrer ensemble afin de garantir des moyens inclusifs et réalistes pour atteindre tous les enfants.

    COVID-19/Service aérien

    Le Programme alimentaire mondial (PAM) veille à faciliter la logistique de la riposte à la pandémie, en fournissant des services aériens à l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et à la communauté humanitaire internationale.

    Aujourd’hui, le PAM a annoncé que les Émirats arabes unis (EAU) consacreront à cette fin une flotte de trois appareils jusqu’à la fin de l’année. Cela devrait permettre l’acheminement de cargaisons et de personnels essentiels là où les besoins sont les plus pressants.

    Dans les mois à venir, cette flotte aidera au transport de millions d’articles médicaux et de milliers de tonnes de cargaisons humanitaires vers les communautés vulnérables et les travailleurs qui sont en première ligne dans plus de 100 pays.

    Les trois appareils feront des rotations entre les Émirats arabes unis et des lieux clefs en Europe, en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient.

    Dans le cadre de l’appel humanitaire mondial, le PAM a été mandaté de fournir des services humanitaires communs, pour le financement desquels un premier appel de 350 millions de dollars a été lancé.

    COVID-19/Somalie  

     En Somalie, l’ONU et ses partenaires soutiennent la réponse du Gouvernement au virus. Le Coordonnateur humanitaire a provisoirement alloué des fonds du Fonds humanitaire pour la Somalie à l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) pour l’achat de ventilateurs. Des fonds ont également été alloués au Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) pour fournir des générateurs au principal centre de traitement de la COVID-19 à Mogadiscio. 

      En outre, les agences de l’ONU ont alloué 2,6 millions de dollars pour les réponses liées au virus dans le pays.  Dans ce cadre, l’ONU fournit des kits d’hygiène et des équipements de protection individuelle (EPI) au personnel médical qui fournit des services de santé à 30 000 réfugiés et demandeurs d’asile. 

      L’ONU atteint également des dizaines de milliers de personnes avec des articles d’hygiène essentiels, de l’eau potable distribuée par camion-citerne et du matériel de sensibilisation. 

     L’ONU et ses partenaires continuent de répondre aux situations d’urgence liées aux conflits et aux catastrophes naturelles en Somalie, notamment les inondations et les criquets pèlerins. Rien qu’en mars, 623 000 personnes ont pu bénéficier d’une aide vitale. 

    COVID-19/Ghana  

    Au Ghana, la Coordonnatrice résidente par intérim, Mme Sylvia Lopez-Ekra, et l’équipe de pays de l’ONU ont réorganisé les ressources existantes pour soutenir la réponse du Gouvernement à la pandémie et à ses impacts sanitaires, économiques et socioéconomiques.

    L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) a fait don de fournitures de laboratoire et de matériels d’analyse.  Elle a également déployé un expert technique de son bureau régional pour l’Afrique afin d’appuyer la coordination et l’assistance au Ministère de la santé et au centre des opérations d’urgence. 

    Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) travaille avec le Gouvernement du Ghana pour mesurer l’impact du virus sur l’économie et préparer un plan, avec l’équipe de l’ONU, pour améliorer les moyens de subsistance. 

    Le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) a aidé à mettre en place une permanence téléphonique 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, pour répondre à la violence sexiste. Le Programme alimentaire mondial (PAM) aide le Gouvernement à surveiller les prix des denrées alimentaires. 

    Pour sa part, l’UNICEF travaille avec des partenaires pour ouvrir des laboratoires de dépistage au niveau sous-national, tout en collaborant avec le Gouvernement pour avancer les paiements de 322 000 ménages. 

    COVID-19/Cameroun

    Au Cameroun, ou plus de 2 000 cas de COVID-19 ont été confirmés, la Coordonnatrice résidente, Mme Allegra Baiocchi, et l’équipe de pays de l’ONU appuient le Gouvernement depuis avant la détection du premier cas dans le pays.

    Pour ce qui est des besoins de santé immédiats, 14 entités de l’ONU ont élaboré un plan de prévention et de réponse pour appuyer les initiatives nationales avec un déficit de financement de 15,5 millions de dollars.

    L’ONU aide au recrutement d’agents de santé, fournit des véhicules pour la recherche des contacts, appuie la fourniture de tests et fournit des équipements médicaux ainsi que des équipements de protection individuelle.

    Le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), la Banque mondiale et le Fonds mondial appuient l’achat d’équipements médicaux, y compris de ventilateurs.

    ONU-femmes travaille avec des dirigeants religieux et des organisations féminines et de jeunesse, tandis que l’UNICEF et les autorités locales installent des stations de lavage des mains et fournissent des masques aux groupes vulnérables.

    COVID-19/Burkina Faso, Mali et Ouest du Niger

    Dans le centre du Sahel, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires (OCHA) fait état d’une détérioration sans précédent de la situation dans les zones frontalières entre le Mali, le Burkina Faso et l’ouest du Niger, également connues sous le nom de zone des trois frontières.

    Outre l’insécurité, la pandémie de COVID-19 se propage rapidement dans la région qui compte certains des systèmes de santé les plus fragiles au monde.

    Plus de trois millions de personnes souffrent à présent d’un grave niveau d’insécurité alimentaire et le nombre de déplacés continue d’augmenter. Un million deux cent mille personnes sont à présent déplacées, quatre fois de plus que l’an dernier, et il y a également 107 000 réfugiés.

    L’augmentation de la violence armée contraint non seulement les personnes à fuir leur foyer, mais alors que les écoles et les centres de santé sont pris pour cible, les communautés vulnérables se voient privées des services essentiels.

    Le risque de transmission du virus est également aggravé dans les zones à forte densité de population, notamment les sites de déplacement qui n’ont pas un accès adéquat en matière d’abris, d’eau propre, d’hygiène et d’assainissement de base.

    Cette année, 7,5 millions de personnes dans les régions affectées ont besoin d’une aide d’urgence. L’ONU et ses partenaires humanitaires demeurent sur le terrain pour livrer une aide vitale mais des ressources urgentes sont nécessaires. À compter de la fin du mois d’avril, seul 12% des 988 millions de dollars nécessaires pour financier la réponse humanitaire avaient été reçus.

    Le Fonds central pour les interventions d’urgence (CERF) a alloué 42 millions de dollars aux pays du centre du Sahel depuis le début de l’année, principalement pour fournir vivres et nutrition, eau, hygiène et assainissement, abris, protection et santé.

    Au Burkina Faso, le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) a condamné les violences perpétrées à l’encontre de réfugiés maliens, faisant 32 blessés. L’incident s’est déroulé au courant du week-end dans le camp de réfugiés de Mentao qui abrite quelque 6 500 réfugiés à proximité de la frontière du Burkina Faso avec le Mali.

    Tous les blessés reçoivent actuellement des soins dans des centres de santé. Le HCR a réclamé une enquête urgente sur cet incident.

    Contribution financière

    La Chine a versé la totalité de sa contribution au budget ordinaire de l’ONU, amenant à 88 le nombre d’États Membres à en avoir fait de même.

    Tags : Afrique, Liban, Somalie, Ghana, Cameroun, Burkina Faso, Mali, Niger, Sahel,


  • Maroc : Les arguments farfelus sur le Sahel (document confidentiel)

    Les enjeux de sécurité au Maghreb : des facteurs de tension

    Les problématiques de sécurité au Maghreb sont au cœur des préoccupations de l’ensemble des acteurs impliqués dans la région. Ces éléments ont longtemps été considérés comme des questions internes à chaque État, ce qui a conduit à les gérer de façon fragmentée et isolée. Cependant, les dernières évolutions (mutations du terrorisme islamiste, développement de la criminalité, enlisement des tensions inter-étatiques, etc.) incitent désormais à appréhender ces éléments dans leur globalité et dans leurs interactions. En effet, il apparaît que les enjeux de sécurité au Maghreb doivent être abordés dans un environnement élargi au sud, à l’ouest et à l’est, dans une perspective de renforcement des coopérations tant au niveau local (coordination des acteurs de terrain), régional (collaborations interétatiques et régionales), que global (implication de l’UE et des États-Unis). Cette gestion intégrée des enjeux permettra de donner une cohérence tout à la fois régionale et durable aux politiques de sécurité.
    L’UE, du fait de sa proximité géographique et des liens qui l’unissent au Maghreb, doit se sentir tout particulièrement impliquée par ces enjeux. La récente adoption, en février 2010, du document-cadre de sa Stratégie de sécurité intérieure marque un pas encore timide mais encourageant dans cette direction1 – celle d’une meilleure prise en compte des enjeux globaux et du renforcement de la coopération avec ses voisins afin de construire un futur partagé, sécurisé et durable… dans son intérêt comme dans le leur.

    1. Les tensions contre les États : terrorisme et criminalité

    1.1. Les mutations du terrorisme islamique : une problématique sahélo-maghrébine

    La menace de l’islamisme radical et du terrorisme a toujours été prise au sérieux par les États de la région, qui luttent contre ce phénomène depuis le début des années 1980. Considérée initialement comme domaine réservé de la politique intérieure, la lutte anti-terroriste devient le premier domaine de coopération entre les États d’Afrique du Nord, aussi efficace qu’inattendu, comme l’illustre par exemple le partenariat entre l’Algérie et la Tunisie2.

    Les efforts en la matière ont permis de circonscrire à la fin des années 1990 les activités de mouvements comme le Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat en Algérie (GSPC) ou le Groupe Islamique Combattant en Libye (GICL). Cependant, après les attentats du 11 septembre 2001, ces mouvements trouvent un second souffle. L’invasion de l’Irak par les États-Unis a ainsi été instrumentalisée pour renouveler le discours de légitimation du terrorisme, qui prend alors un nouvel essor au Maghreb ; en 2007, le GSPC rejoint même la mouvance de Ben Laden pour fonder Al-Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI), organisation qui aspire à fédérer les djihadistes de tout le Maghreb. Néanmoins, après une explosion des violences entre 2001 et 2008, culminant avec l’apparition d’attentats suicides jusqu’alors inconnus dans la région, l’année 2008-2009 marque une rupture dans le développement d’AQMI. En effet, malgré le ralliement peu significatif de quelques combattants tunisiens, libyens, ou mauritaniens, AQMI reste un phénomène essentiellement algérien. Les attentats dans le Maghreb Central diminuent au profit de pratiques de banditisme, avec notamment une recrudescence d’enlèvements de ressortissants occidentaux contre le paiement de rançons.

    Quatre raisons principales peuvent être évoquées pour comprendre ce coup d’arrêt : l’islam maghrébin est traditionnellement modéré et constitue un rempart culturel et religieux à la montée du radicalisme ; les actions du gouvernement algérien se sont révélées globalement efficaces dans la lutte anti-terroriste ; les attaques d’Al-Qaeda contre les Sunnites en Irak ont largement terni l’image du mouvement au Maghreb ; enfin, les pratiques employées par AQMI, notamment les attentats suicides, sont étrangères aux traditions locales et « la greffe » n’a en quelque sorte pas pris, d’autant plus que la société algérienne a suffisamment souffert du terrorisme aveugle pour en rejeter les actions.

    En réaction, le centre de gravité du terrorisme dans la région s’est déplacé de façon préoccupante vers le sud : profitant de la porosité des frontières, de la prolifération de trafics en tout genre, et de la faiblesse de certains États, les mouvements djihadistes se sont installés dans la région désertique du Sahel, depuis les régions semi-arides du Sénégal jusqu’à certaines parties de la Mauritanie, du Mali et du Niger. L’émergence du Chiisme radical en Afrique subsaharienne constitue sans doute à ce titre le plus grand défi sécuritaire de la région à court et moyen termes. L’attentat suicide contre l’ambassade de France de Nouakchott, l’assassinat d’un ressortissant Américain ou l’enlèvement revendiqué par AQMI d’un Français au Nord du Mali, tous survenus au cours de l’année 2009, illustrent ce glissement. Les acteurs impliqués dans la région prennent peu à peu conscience de cette réalité, comme le démontre la récente déclaration conjointe UE-Maroc qui stipule que « la précarité de la situation dans la région du Sahel et les nombreux défis qui en découlent mettent en évidence la nécessité d’une coopération régionale accrue et d’une approche intégrée dans les domaines de la sécurité et du développement. Le Maroc et l’UE considèrent [ainsi] que le Sahel représente une zone prioritaire de la lutte contre le terrorisme et la radicalisation »3.

    L’établissement d’une zone refuge pour les terroristes au Sahel menace la sécurité de toute l’Afrique du Nord mais aussi de l’Europe et des États-Unis, dont les ressortissants et les intérêts sont les cibles privilégiées des terroristes. Dès lors, comme le souligne le représentant du général William E. Ward, chef du commandement militaire américain pour l’Afrique (Africom) « une approche globale face au terrorisme est indispensable au Maghreb »4. À cet égard, la décision annoncée en juillet 2009 par l’Algérie, la Libye et le Mali d’associer leurs moyens militaires et de renseignement pour combattre le terrorisme dans la bande sahélo-saharienne doit être saluée ; elle s’inscrit dans une volonté de travail de fond sur le long terme, permettant d’asseoir les bases d’une sécurité durable dans la région5.

    1.2. Les développements de la criminalité : facteur de déstabilisation et impact sociétal

    Le crime organisé au Maghreb prend la forme classique de différents trafics, comme celui de la drogue ou de la contrebande de cigarettes. Au Maroc, la culture du cannabis produit un revenu de 200 millions de dollars par an pour les paysans et génère un bénéfice de 12 milliards de dollars pour les trafiquants. La « Stratégie nationale de lutte antidrogue » mise en œuvre par le royaume depuis 2005 produit des résultats encourageants, comme le note l’Organe international de contrôle des stupéfiants des Nations Unies (INCB) qui souligne dans son dernier rapport que « la superficie totale des cultures de cannabis a été réduite de 55 % et ramenée de 134 000 hectares en 2003 à 60 000 hectares en 2008 »6. Cependant la culture du cannabis reste encore une activité économique importante de la région du Rif, une des plus pauvres du pays, et les efforts de développement des cultures alternatives doivent être poursuivis. L’Algérie en est quant à elle devenue le relais d’acheminement vers la Tunisie et la Libye, puis vers l’Europe.

    Par ailleurs, le Maghreb tend à devenir une plaque tournante d’autres trafics : plusieurs observateurs notent le développement dans les espaces les plus désertiques et les moins contrôlés, d’une « route africaine » de la cocaïne écoulée en Europe, facilité par le degré encore élevé de corruption, la porosité des frontières, l’absence de formation des polices locales et des systèmes judiciaires inadaptés. Interpol estime ainsi qu’environ 50 tonnes de cocaïne – d’une valeur de 1,8 milliards de dollars – circulent chaque année en Afrique de l’Ouest7. Ces drogues en provenance d’Amérique du sud arrivent par les ports d’Afrique de l’Ouest, traversent le Nigeria, la Guinée et le Sénégal, pour gagner ensuite le Maghreb puis l’Europe. Or, la circulation des drogues n’est pas sans conséquences pour les populations locales : de pays de transits, les États de la région sont peu à peu devenu également consommateurs avec tout le potentiel déstabilisateur que cela implique. Moins connus sont les effets dévastateurs de la culture du cannabis sur l’écosystème des pays producteurs. À terme, les destructions qu’elle engendre (déforestation, pollution par les pesticides, etc.), et l’absence de réussite des projets de cultures alternatives risquent de produire une migration massive des populations de régions comme le Rif8.

    Dans une zone où le chômage frappe très durement les jeunes, il existe par ailleurs un risque inquiétant de voir ces trafics progresser rapidement et les trafiquants devenir des modèles de réussite pour les jeunes en perte de repères, En revanche, si les liens entre criminalité et terrorisme sont avérées au niveau international, la mise en évidence de connexions directes dans la région est moins évidente : les trafiquants maghrébins n’ont intégré ni l’appareil d’État ni la classe politique, et agissent davantage comme une composante de l’économie illégale que comme une force de déstabilisation structurée. Par ailleurs, les logiques s’opposent pour une part : du côté des trafiquants, l’anonymat prime sur les principes de publicité et de communication recherchés par les terroristes. L’Europe est directement concernée par ces développements, étant la première cliente des drogues produites ou transitant par le Maghreb, et une terre d’immigration privilégiée pour les candidats au départ. De surcroît, la montée des réseaux criminels associés aux trafics (passeurs, faux papiers, prostitution, etc.), qui se prolongent jusque sur le territoire communautaire, pose de réels problèmes de sécurité à l’UE. Le démantèlement récent d’un réseau de trafic de cannabis depuis le Maroc vers la France, via l’Espagne, ayant permis la prise record de plus de 3 tonnes de drogue, illustre ce risque. Lors de cette opération, les forces de police ont en outre saisis près d’une trentaine d’armes, dont des pistolets automatiques, plusieurs fusils et pistolets-mitrailleurs, un lance-roquette et des gilets pare-balles9.

    – Renforcer les coopérations existantes en matière de lutte anti-terroriste et anti-criminalité, en intégrant la dimension géographique élargie : la gestion des trafics et du terrorisme doit être appréhendée dans sa globalité sahélo-maghrébine, voire au-delà comme le suggèrent les connexions avec les trafiquants de drogue sud-américains.

    – S’attaquer en parallèle aux racines du problème si l’on veut jeter les base d’un développement et d’une sécurité durables. La prise en compte des difficultés socio-économiques dont pâti la région est alors essentielle : en donnant des alternatives de réussite sociale aux jeunes on sapera à terme les possibilités de recrutement tant des criminels que des terroristes.
    – Soutenir et appuyer toute coopération régionale, suivant une logique de subsidiarité. Ces actions doivent en effet être optimisées de façon pragmatique, en utilisant par exemple les canaux bilatéraux aussi souvent que possible et en optant pour les coopérations à l’échelle régionale lorsque nécessaire.

    2. Les tensions inter-étatiques : le Sahara Occidental et la problématique des frontières

    2. 1. Contre l’enlisement du Sahara Occidental

    Ce conflit, qui dure depuis plus de 30 ans, constitue la pierre angulaire des tensions algéro-marocaines : la fermeture de la frontière entre les deux pays depuis 1994, l’échec de l’Union du Maghreb Arabe, la course aux armements, la décision du Maroc de quitter l’OUA et son refus de siéger à l’Union africaine lui sont en grande partie imputables. De telles implications illustrent bien le niveau de blocage atteint par la situation qui mine toute tentative de développement et de sécurisation commune.
    Le Sahara Occidental est inscrit depuis 1963 sur la liste des territoires non autonomes qui restent à décoloniser et a donné lieu depuis à d’innombrables arguties juridiques entre les parties. Cependant, comme le souligne Laurence Ammour, chercheur associé au Maghreb Center de Washington, « la gestion de ce contentieux par le droit international s’est avérée insuffisante et impuissante dans la mesure où les fondements juridiques qui ont présidé aux propositions de règlement […] n’ont pas évolué depuis 30 ans »10. Ce décalage explique les échecs successifs des plans l’ONU qui, s’ils ont permis un cessez-le-feu garanti par les casques bleus depuis 1991, n’ont pas résolu le conflit. Dès 2000, Kofi Annan, alors Secrétaire Général des Nations Unies, déclarait qu’il faudrait se préparer « à étudier d’autres moyens [que le référendum] de parvenir à un règlement rapide durable et concerté »11 du conflit. Car la tenue d’un référendum dans les conditions actuelles n’est objectivement pas envisageable : il n’existe toujours pas de consensus sur la constitution des listes électorales, l’ONU n’a aucun moyen d’imposer le référendum au Maroc, et le verrouillage politique et idéologique appliqué dans les camps de réfugiés sahraouis laisse peu d’espoir quant à une autodétermination sans contrainte et en toute connaissance de cause de la part des Sahraouis. En 2004, le Ministre des Affaires Étrangères espagnol, Miguel Angel Moratinos, considérait que « dans les circonstances actuelles, un référendum sans solution politique préalable pourrait conduire à une situation de crise généralisée en Afrique du Nord »12. Cette analyse reste d’actualité : sans accord politique entre les protagonistes, la règle de droit, inapplicable seule, ne suffira pas à sortir de l’impasse.

    Par le passé, les deux acteurs principaux, l’Algérie et le Maroc, ont en effet longtemps campé sur des positions de principe : entre revendication d’une souveraineté héritée de l’Empire Almoravide (1056-1147) et revendication d’indépendance au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, le débat ne laisse que très peu d’espace à la négociation. Ces crispations s’expliquent par le fait qu’aucun des protagonistes ne peut se permettre de perdre :

    • Au Maroc, le maintien des Provinces du Sud renvoie au principe fondamental d’intégrité territoriale ; le Royaume ne peut donc consentir à une amputation conséquente de son territoire.

    • Pour l’Algérie, l’attachement aux principes d’autodétermination et de liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes s’accompagne d’un intérêt géoéconomique majeur que constituerait une voie d’accès sur l’Atlantique pour l’exportation du gaz et du fer du Sahara algérien, et la nécessité de demeurer cohérent avec un discours qui n’a pas évolué depuis 30 ans. La reconnaissance de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) conférerait par ailleurs à l’Algérie un allié stratégique dans la région.

    • Dans les deux États, le conflit saharien a pu être initialement utilisé sur la scène intérieure pour masquer les difficultés intérieures respectives en focalisant la population sur un ennemi extérieur. Il s’inscrit aussi dans le cadre d’une course pour le leadership régional.

    • Le Front Polisario enfin ne peut abandonner le combat sans voir disparaître du même coup sa raison d’être ; cela signifierait en outre que les réfugiés auraient vécu 30 ans d’exil dans les camps pour rien…
    Or cette situation génère un coût considérable en termes économiques, humains, politiques et sécuritaires, qui entrave l’établissement d’une véritable sécurité durable dans la région. Ce coût, reconnu par tous, semble cependant être accepté ou du moins toléré par les protagonistes :

    • Pour le Maroc, le coût est d’abord économique, avec un budget militaire important consacré au Sahara Occidental, un investissement massif dans les provinces du Sud, des exonérations fiscales nombreuses, des salaires des fonctionnaires plus élevés, etc. L’International Crisis Group affirme que ce sont plusieurs points de PIB qui ont été engouffrés dans ce dossier13.

    • Le coût économique pour l’Algérie est également très conséquent, avec le financement de l’aide aux réfugiés (surtout depuis la diminution de l’aide internationale suite à la révision à la baisse des estimations de la population des camps par l’UNHCR en 2006), les dons de matériel militaire aux indépendantistes, le maintien de plusieurs dizaines de milliers de soldats à la frontière dans la région de Tindouf, et un investissement politique et diplomatique important pour soutenir la RASD au niveau international et contrer les efforts de communication marocains.

    • Pour tout le Maghreb, le dossier du Sahara Occidental rend impossible l’intégration, limite les investissements étrangers et entretient une atmosphère de suspicion et de défiance entre les acteurs. En outre, l’enlisement constitue un risque préoccupant de balkanisation de la région : les trafics de cigarettes, drogues, armes ou essence se développent fortement dans cette zone qui comprend le Sahara occidental, le nord de la Mauritanie et le sud-ouest algérien, et dont certaines sous-régions sont difficilement gouvernable, alors que les tensions liées au conflit rendent là encore impossible une coopération raisonnée en matière de sécurité.

    • Le conflit a également un coût financier et en termes de crédibilité important pour la Communauté internationale, qui maintient la force d’intervention de la MINURSO sur place pour un budget de 35 millions d’euros par an, sans résultat probant depuis bientôt vingt ans.

    En attendant, les réfugiés des camps de Tindouf vivent dans des conditions déplorables, souffrant de pénuries alimentaires, du manque d’eau, d’infrastructures sanitaires insuffisantes… Le déclin du Polisario, qui a perdu ses soutiens politiques et idéologiques de la Guerre froide, fait également craindre un effondrement de l’organisation fragile des camps : la corruption au sein de la RASD, dirigée exclusivement par le Polisario, le clientélisme appliqué dans l’attribution de l’aide humanitaire internationale, la monopolisation du pouvoir et l’immobilisme politique qui en découle sont de plus en plus mal acceptés par la nouvelle génération. L’identité nomade sahraouie, qui avait été déconstruite pour s’incarner dans la lutte pour un territoire perdu, est en train de se reconfigurer. Ainsi, les Sahraouis « qui optent pour la Mauritanie font preuve de la même volonté d’affirmation identitaire que ceux qui restent à Tindouf, non pas quant à une indépendance qui leur paraît irréalisable, mais dans leur identité : en s’installant en Mauritanie, ils renoncent à leur militantisme pour l’indépendance de la RASD, mais ils demeurent des Delimi, des Tekna, des Ahl Ma El Aïnin ou des membres de tout autre tribu »14. Parallèlement, le Maroc administre et développe de fait le Sahara Occidental depuis 1979, conférant aux populations locales (Marocains du Nord installés au Sahara et Sahraouis) un niveau de vie évidemment bien meilleur que dans les camps. Désormais, les progrès pour la reconnaissance des Sahraouis sous administration marocaine comme des citoyens à part entière doivent être poursuivis dans le cadre global de la défense et de la promotion des droits de l’homme au Maroc.

    Les enjeux initiaux et ceux qui sont venus se greffer et se cristalliser sur le Sahara Occidental sont donc tels que le coût supposé ou estimé de l’impasse est longtemps apparu préférable à celui qu’impliquerait une issue défavorable, et ce malgré le potentiel de développement et de stabilité sécuritaire que permettrait la normalisation du conflit. Par conséquent, seule une solution politique négociée, englobant l’ensemble des problématiques liées au conflit, et dans laquelle aucun acteur ne perdrait la face semble à même de débloquer la situation. La proposition marocaine d’un Plan d’autonomie pour la région du Sahara Occidental, présentée devant le Conseil de Sécurité de l’ONU en 2007 est à ce titre la première alternative crédible au gel des positions de principe évoquées plus haut.

    L’autonomie de gestion proposée par le Maroc prévoit la mise en place d’organes législatif, exécutif et judiciaire au niveau local, dont la compétence portera sur de nombreux domaines15. À l’instar des différents modèles fédéraux européens, l’État conservera une compétence exclusive sur les domaines régaliens, qui au Maroc comprennent notamment la sécurité, la coopération internationale et les relations extérieures, la commanderie des croyants, et le système judiciaire. A la recherche d’un consensus le plus large possible, Rabat souhaite organiser un référendum de ratification du projet d’autonomie par les populations des provinces du sud, et, compte tenu de la nécessité de réformer la constitution du Royaume pour y intégrer le concept d’autonomie, réaliser également une consultation de l’ensemble du peuple marocain.

    Il apparaît donc bien que cette proposition d’autonomie doivent être considérée comme une base tangible de négociation, qui s’inscrit en outre dans la démarche plus générale de régionalisation et de démocratisation du pays évoquée dans la première partie. Car personne ne peut dire aujourd’hui si l’indépendance du Sahara Occidental constituerait une option viable, s’il ne risquerait pas de se transformer en zone grise propice à tous les trafics, à la prolifération du terrorisme et in fine à la déstabilisation de la région. Certains, comme le porte-parole du Département d’État américain en 2008 ont même été jusqu’à considérer qu’un État Sahraoui indépendant ne pouvait être considéré comme une « une option réaliste »16, ni « un objectif accessible », pour reprendre la formule de l’ancien représentant spécial du Secrétaire Général de l’ONU pour le Sahara Occidental, Peter van Walsum17. Il est en tout cas certain que la sécurité de la zone ne peut admettre un « failed » state, surtout si ce dernier sert de nouvel alibi pour renforcer les crispations et le maintien sous tutelle des sociétés maghrébines.

    En revanche, tout le monde reconnaît l’intérêt considérable en termes de croissance et d’amélioration des conditions de vie des populations que constituerait la fin des politiques de défiance au Maghreb et la progression de l’intégration régionale. La normalisation de la question du Sahara Occidental, qui implique nécessairement l’engagement de toutes les parties, permettrait en outre d’initier une sécurisation globale et durable de cette région fragile. Il convient désormais de convaincre les protagonistes que leur place et leurs intérêts seront préservés une fois le pas franchi : le Maghreb a besoin d’ouverture et de stabilité, pas d’une escalade sécuritaire.

    – L’UE doit soutenir la proposition marocaine d’autonomie, qui semble aujourd’hui la seule option réaliste de sortie de crise. Cette issue n’est envisageable que sur la base du plan marocain élargi afin de répondre à toutes les dimensions du conflit en particulier : (1) donner des garanties aux populations sahraouies sous administration marocaine, notamment concernant l’intégration d’une voix politique légale sahraouie. La décorrélation progressive actuelle entre identité Sahraouie et revendication territoriale est à ce titre de bon augure ; (2) établir des accords bilatéraux commerciaux et de coopération permettant la préservation des intérêts géo-économiques des deux grands États, au premier rang desquels figurent le phosphate pour le Maroc, le gaz et le fer pour l’Algérie, et l’exploitation du pétrole saharien pour les deux partie.

    – Pour ce faire, la voie des négociations directes entre les protagonistes, y compris en y associant l’Algérie doit être privilégiée et soutenue par l’UE. En ce sens, les dernières négociations informelles entre le Maroc et le Front Polisario qui se sont déroulées les 10 et 11 février 2010 à New York en présence de l’Algérie et de la Mauritanie sont encourageantes. Bien que peu d’information aient filtré au sujet des négociations en elles-mêmes, la décision des parties de se revoir prochainement est en soi une avancée qu’il convient d’appuyer. Dans la Déclaration conjointe issue du Sommet UE-Maroc du 7 mars 2010, l’UE a d’ailleurs réitéré son soutien aux « efforts du Conseil de Sécurité des Nations Unies, du Secrétaire Général et de son Envoyé personnel pour le Sahara Occidental pour parvenir à une solution politique définitive, durable et mutuellement acceptable [en exprimant son] soutien au processus de négociations en cours, dans le cadre des directives du Conseil de Sécurité et notamment la Résolution 1871 (2009) »18.

    2. Le gâchis du blocage des frontières

    Cette logique de défiance qui paralyse la région est également au cœur de la problématique des frontières, tant internes au Maghreb qu’avec les pays voisins. Parmi les tensions générées par les enjeux de sécurité, la fermeture des frontières est sans l’une des plus emblématiques, et demeure un frein considérable au développement de la région. Les frontières sont traditionnellement un marqueur de souveraineté et un baromètre des relations régionales. Elles sont d’abord un enjeu de souveraineté, comme l’a illustré la “guerre des sables” de 1963 entre le Maroc et l’Algérie qui n’a pris fin qu’en 1992 avec la Convention fixant les frontières entre les deux États.

    Les tensions entre les pays du Maghreb se traduisent ainsi immanquablement par un durcissement des contrôles comme entre l’Algérie et la Tunisie en 2007, pouvant aller jusqu’à la fermeture complète, comme c’est le cas depuis plus de 15 ans entre l’Algérie et le Maroc, un bouclage qui ruine l’économie régionale, déchire de nombreuses familles, et ne trouve pas d’issue malgré la demande de réouverture souvent réitérée par le Maroc.

    La coopération en matière de sécurité, de contrôle des frontières et de lutte contre les trafics ne doit pas se faire au détriment des populations et du développement économique. De telles mesures, si elles améliorent à court terme la gestion des trafics, ne permettent pas d’établir une sécurité profitable à tous sur le long terme.

    La réticence à l’ouverture n’est pas le fait des États seulement. La mise en œuvre de l’accord de libre-échange d’Agadir, signé en février 2004 et entré en vigueur en avril 2007, souffre de cette réalité : réunissant le Maroc, l’Égypte, la Jordanie et la Tunisie, il était conçu initialement pour permettre la levée immédiate des barrières non tarifaires et l’instauration progressive d’une zone de libre-échange. Trois ans plus tard, malgré l’accord politique officiel des États, force est de constater que les résultats attendus ne sont pas au rendez-vous, comme en témoignent la faiblesse des échanges entre les pays signataires. Pour de nombreux analystes, ce blocage serait le résultat direct des réticences de certaines entreprises. Par exemple, les exportations de la voiture Logan sont très difficiles vers l’Égypte, compte tenu des entraves administratives mises en place sous la pression des chaînes de montages égyptiennes, qui veulent conserver leurs parts dans un marché interne de l’automobile très protégé. Ces réflexes protectionnistes se retrouvent également du côté maghrébin, avec par exemple des campagnes menées contre l’importation de riz égyptien. Pour Omar Hilale, Ambassadeur représentant permanent du Maroc auprès de l’Office des Nations unies à Genève, ces blocages proviennent de « la prévalence des intérêts sectoriels sur les intérêts stratégiques collectifs de la région », au détriment de l’avenir même du Maghreb.

    – Réorienter les approches en privilégiant une gestion responsable des flux qui conjugue les exigences sécuritaires nationales légitimes et les échanges locaux, source durable de développement économique et humain.

    – Poursuivre l’effort envers l’ensemble des acteurs des sociétés civiles maghrébines en vue de les convaincre que l’ouverture aux voisins est une chance et répondre à leurs craintes est essentiel. Dans cette perspective, l’UE doit soutenir des politiques publiques d’information qui doivent permettre de faire sauter les verrous psychologiques de l’isolement et du repli sur soi.

    Source : Maroc Leaks, 26 mars 2020

    Tags : Maroc, Sahara Occidental, Sahel, terrorisme, Boko Haram, Mali, Niger, Nigeria, Burkina Faso,

  • Sahel : l’exception mauritanienne

    par Isselkou Ahmed Izidbih

    Le vocable « Sahel » signifie « rivage » en langue arabe, en référence à la bordure méridionale de la « mer de sable » qu’est le Sahara. Il s’agit d’une bande géographique qui s’étend des côtes atlantiques mauritaniennes à l’Ouest aux côtes érythréennes sur la mer rouge à l’Est, soit environ 7000 km, et dont la profondeur variable sépare les dunes vives du Sahara et la savane subsaharienne.

    C’est une région de transition par excellence, jadis majoritairement peuplée de nomades. La religion musulmane y est omniprésente, aux côtés du christianisme et de divers autres rites religieux locaux.

    1. Des racines de la crise au Sahel

    Les spécialistes évoquent différentes causes à l’origine de la profonde crise que traverse le Sahel, dont les effets désastreux du réchauffement climatique sur le mode de vie traditionnelle des populations sahéliennes. En effet, l’élevage extensif du bétail, la culture de subsistance et le commerce sont simultanément et négativement impactés par le déclin du cumul pluviométrique annuel, le caractère erratique des précipitations et leur conséquence et une accélération de la désertification. Cette réduction drastique des ressources économiques est accompagnée d’une explosion démographique qui fera passer la population des seuls pays du G5-Sahel d’environ 83 millions (2019) à 196 millions en 2050. Le stress environnemental est perceptible dans la tension accrue entre des éleveurs tentés de descendre toujours davantage en direction du Sud à la recherche de nouveaux pâturages pour leurs troupeaux, et des cultivateurs confrontés à une telle pression doublée d’un déclin des quantités d’eau disponibles et de l’érosion des sols. Ainsi, une sorte de « sahélisation » dynamique engloutit, chaque année, des zones de la savane subsaharienne autrefois impropres à la pratique de l’élevage extensif, exacerbant à l’extrême une rivalité entre éleveurs et cultivateurs, prégnante dans la région, comme c’est le cas en ce moment au niveau la zone du Luptako-Gourma dite “zone des trois frontières”, un territoire de 370 000 km2, aux confins du Burkina Faso, du Mali et du Niger, véritable ventre mou sécuritaire du Sahel.

    Parmi les causes de la crise au Sahel, l’on peut également citer les tensions politico-ethniques latentes, notamment au Nord du Mali remontant au début des années soixante, les répercussions des événements politiques survenus en Algérie au cours des années quatre-vingt-dix, et plus récemment la crise en Libye. L’effondrement de l’Etat central libyen, en 2011, a non seulement créé un vide géopolitique propice à toutes sortes d’exploitations préjudiciables à la sécurité régionale et mondiale, mais il a aussi été à l’origine de la dissémination des arsenaux libyens à travers le Sahel, des arsenaux réputés les plus colossaux d’Afrique. Des groupes, précédemment enrôlés dans l’armée régulière libyenne, ont pu rejoindre, avec armes et bagages, leur pays d’origine, notamment le Nord du Mali, bouleversant les rapports de force sur le terrain en faveur d’une rébellion historique ou d’un groupe terroriste préexistants, et fragilisant ainsi (davantage) la souveraineté territoriale de certains Etats de la région.

    Le trafic de drogue en direction des marchés lucratifs du Nord, constitue, lui aussi, un élément causal de la présente crise au Sahel, car les (auto)routes traditionnelles qu’empruntait ce produit étant à présent hermétiquement closes, les réseaux de narcotrafiquants ont décidé d’en établir de nouvelles qui passent par des zones de « moindre résistance » sécuritaire, idéalement le Sahel, puis la Libye, ensuite l’Europe méditerranéenne et le Proche-Orient. Une forme de connivence s’est progressivement instaurée entre, d’une part, les réseaux de trafiquants et de nombreux groupes établis au Sahel. Les enjeux financiers sont désormais irrésistibles pour un chef local ou un simple éleveur nomade sahélien, car les droits perçus en contrepartie de la sécurisation du transit d’une tonne de résine de cannabis, peuvent égaler ou dépasser les fruits cumulés de toute une vie de labeur. D’éleveurs sobres et résilients, certains habitants du Sahel se sont transformés en une armée de redoutables passeurs de cargaisons de stupéfiants, de preneurs d’otages, de contrebandiers de cigarettes prohibées ou de trafiquants d’armes et d’immigrants illégaux.

    Il convient de noter qu’à chaque payement de rançon pour libérer un otage au Sahel, les membres de ce véritable écosystème crapuleux acquièrent des moyens logistiques supplémentaires leur permettant d’accroître leur rayon d’action pour perpétrer de nouveaux kidnappings et autres actes violents, comme le prouvent les tragiques événements du 13 mars 2016, au Grand Bassam, en Côte d’Ivoire ; raison pour laquelle, la Mauritanie a constamment été contre le payement de rançons pour la libération d’otages au Sahel, et ce en dépit de la grande sensibilité de cette question d’un point de vue strictement humanitaire et sur le plan politique, particulièrement au sein des opinions publiques occidentales.

    Contrairement à une thèse assez répandue, la dimension religieuse dans la crise au Sahel, n’a pas toute la prépondérance que d’aucuns veulent lui attribuer, pour une raison somme toute évidente: tous les habitants du foyer historique de la crise au Sahel, le Nord du Mali, sont musulmans sunnites, de rite malékite ; on peut ainsi considérer qu’un prosélytisme offensif pouvait se choisir meilleure location à travers la planète, autre qu’une région islamisée depuis une dizaine de siècles, car, selon le dicton local, nul besoin “d’apporter des pierres à la montagne”.

    En Mauritanie, l’expression « activité mafieuse à but lucratif, menée sous un habillage islamique » servait de définition aux agissements d’AQMI au Sahel. Il est cependant vrai que des acteurs étrangers ont eu le temps et les moyens de prêcher des thèses religieuses radicales, sans rencontrer de résistance doctrinale à laquelle on pouvait s’attendre, sans doute en raison de la misère économique ambiante et du niveau de ressentiment de populations livrées à elles-mêmes ( pas d’école, ni de dispensaire ou poste de sécurité), à l’endroit de certains pouvoirs publics locaux.

    Face aux redoutables tactiques de guérilla dans un espace géographique et social qui s’y prête idéalement, grâce notamment à l’usage de motocyclettes et de pickups armés, certains pouvoirs politiques et militaires désemparés, recourent à la mobilisation de « milices d’autodéfense » suivant les lignes de fracture tribales et ethniques ; une stratégie d’apprenti sorcier qui jette de l’huile sur le feu et donne parfois à la crise sécuritaire au Sahel, des allures de guerre civile larvée.

    La Mauritanie, le premier pays du G5-Sahel, à subir les attaques meurtrières du terrorisme.

    Une série d’attaques terroristes contre la Mauritanie fut perpétrée entre 2005 et 2011, citons-en:

    * le 4 juin 2005, l’attaque de Lemgheyty, par le GSPC( Groupe Salafiste pour la Prédication et le Combat) près des frontières avec l’Algérie et le Mali, eut pour bilan la mort de 15 soldats mauritaniens et de neuf terroristes

    * le 24 décembre 2007, quatre touristes français sont sauvagement assassinés par des terroristes d’AQMI ( Al-Qaeda au Maghreb Islamique, nouvelle dénomination du GSPC), près de la ville d’Aleg

    * le 27 décembre 2007, l’attaque contre un objectif militaire à Elghallaouya fut à l’origine de la mort de quatre soldats mauritaniens

    * le 14 septembre 2008, 12 soldats mauritaniens sont tués lors d’une embuscade tendue par AQMI à Tourine, près de la ville minière de Zouérate

    * le 25 août 2010, un véhicule bourré d’explosif refusa d’obéir aux tirs de sommation de la caserne de Néma, à l’extrême sud-est mauritanien, et explosa à l’entrée de la caserne, sans faire de victimes, autre que ces occupants

    * du 17 au 19 septembre 2010 et pour contrer une attaque imminente contre cette même garnison de Néma, l’armée mauritanienne engagea une opération terrestre à Hassi Sidi puis à Ras-el-maa, au Mali

    * le 29 novembre 2010, trois travailleurs humanitaires espagnols furent victimes d’un rapt, « pour le compte » d’AQMI, sur la route Nouakchott-Nouadhibou

    * les 29 janvier et 2 février 2011, un double attentat visant le Ministère de la défense nationale et l’ambassade de France à Nouakchott, fut déjoué in extremis, aux portes de Nouakchott, après que deux véhicules bourrés d’explosifs (1,5 tonne chacun) ont été neutralisés par les forces armées mauritaniennes

    * en juin-juillet 2011, l’armée mauritanienne lança, avec succès, une opération militaire d’envergure ayant duré une quinzaine de jours, contre une importante base d’AQMI dans la forêt malienne de Wagadou, près de la frontière entre les deux pays

    * Le 20 décembre 2011, le gendarme Ely Ould Mokhtar est enlevé par un commando d’AQMI à Adel Bagrou, environ 1400 km de Nouakchott, à quelques encablures de la frontière malienne

    * Durant cette même période, une autre demi-dizaine d’incidents sécuritaires divers, impliquant AQMI ou ses « proxies », fut également enregistrée au niveau des axes routiers et dans certaines localités excentrées du pays (Cheggatt, Tamchekett …).

    Au vu de ce qui précède, l’on peut relever que la Mauritanie fut le premier pays du G5-Sahel, à avoir subi de plein fouet les attaques meurtrières du terrorisme venu du Nord, et ce dès 2005, prenant au dépourvu des forces armées nationales sous-entraînées et sous-équipées pour affronter ce nouveau type de défi sécuritaire, spécialement entre 2005 et 2010. À titre d’illustration, des témoignages crédibles font état, à l’époque, de difficultés logistiques quasi insurmontables pour les forces armées mauritaniennes pour apprendre en temps réel les graves exactions dont étaient victimes de petites garnisons isolées dans l’extrême Nord-Est du pays, sous les coups de boutoir d’un GSPC et de ses complices, maîtres du terrain. Pour acheminer les premiers secours ou renforts, lors de certaines de ces agressions, l’armée mauritanienne a, parfois, recouru à de vulnérables moyens de transport de marchandises, empruntés à des hommes d’affaires du pays. Mais comme le prouvent les échecs des opérations de février 2011, contre le ministère de la Défense nationale et l’ambassade de France à Nouakchott, contre la garnison militaire de Néma en août 2011, et la réussite exemplaire de l’audacieuse frappe préventive contre la base de Wagadou au Mali, l’armée mauritanienne a non seulement réussi, à partir de 2010, à contrecarrer les menées terroristes sur son territoire, mais aussi à porter des coups décisifs à l’ennemi, y compris au niveau de ses bases réputées inexpugnables, en profondeur du territoire malien.

    De la sécurité nationale à la sécurité régionale

    Lorsque la Mauritanie a réussi le tour de force de sécuriser, dans la durée, son territoire, en boutant dehors les bandes terroristes et en dissuadant les auteurs d’incursions contrebandières hostiles venues du Nord et de l’Est de s’aventurer dans ses « zones militaires interdites », elle a acquis l’autorité et la légitimité de parler au sujet de la sécurité sous-régionale, sur les scènes africaine et internationale, en adoption de la sagesse ivoirienne : « quand la case de ton voisin brûle, hâtes-toi à l’aider à éteindre le feu de peur que celui-ci ne s’attaque à la tienne ».

    Une dimension diplomatique venait ainsi étoffer l’approche mauritanienne en matière de paix et de sécurité. Ce fut donc tout logiquement que la première conférence de la « Mission de l’UA pour le Mali et le Sahel » fut lancée à Nouakchott , le 17 mars 2013, avec la participation de onze pays sahélo-sahariens et de partenaires internationaux, marquant la naissance du Processus de Nouakchott, en déclinaison de l’« Architecture africaine de paix et de sécurité », au niveau du Sahel.

    Cette conférence s’est tenue, deux mois après le lancement, le 11 janvier 2013, de l’opération militaire française Serval, sans laquelle les groupes armés au Mali, renforcés par les soutiens fraîchement arrivés de Libye, auraient « somalisé » non seulement ce pays frère, mais bien au-delà, en profondeur de l’Afrique occidentale…

    En vertu de la Résolution 2100 du Conseil de sécurité de l’ONU, en date du 25 avril 2013, la Mission multidimensionnelle intégrée de stabilisation au Mali, plus connue sous l’acronyme MINUSMA, fut mise sur pied. Les règles d’engagement de cette mission de paix, fruits de tractations intenses, principalement entre les cinq membres permanents du Conseil de sécurité, n’ont pas paru répondre aux attentes des dirigeants de la région ; d’ailleurs un rapport ultérieur sur l’évaluation de l’efficacité de cette mission, la qualifierait de « la plus meurtrière » de toutes les missions similaires. C’est dans ce contexte, foisonnant d’initiatives et d’appréhensions, spécialement côté sahélien, qu’il convient d’inscrire la création, le 16 février 2014, du G5 Sahel, à la faveur d’un sommet des dirigeants du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie, du Niger et du Tchad, à Nouakchott. En plus des réserves déjà évoquées au sujet de la mission de la MINUSMA, ces dirigeants mettaient en avant le nécessaire couplage de la dimension sécurité avec celle de développement, pour accroître les chances d’une résolution, à moyen terme, de la crise économico-environnementale, en grande partie à l’origine, à leurs yeux, de la crise que traverse le Sahel.

    Doté d’un secrétariat permanent basé à Nouakchott, le G5 Sahel a désormais plusieurs initiatives politiques, militaires et économiques à son actif, la plus importante étant, sans doute, la création, le 2 juillet 2017, à Bamako, d’une Force conjointe (FC-G5 Sahel) des cinq États membres, à raison de 1000 soldats par pays, pour combattre, ensemble, le terrorisme, le crime organisé transnational et la traite des êtres humains, avec un droit de poursuite de 50 km à l’intérieur des frontières du pays voisin.

    L’opérationnalisation de cette force régionale, en trois « fuseaux » (Est [Tchad-Niger], Centre [Burkina Faso-Niger-Mali] et Ouest [Mali-Mauritanie]), a connu bien des retards, pour des raisons politiques et logistiques, car certains membres permanents du Conseil de sécurité ne voyaient pas d’un bon œil l’inscription d’une telle force sous le Chapitre VII de la charte de l’ONU, une exigence fermement et unanimement défendue par les dirigeants des cinq pays membres du G5 Sahel. Le 20 juin 2017, à l’initiative de la France, le Conseil de sécurité « accueillit favorablement » la nouvelle force, sans apporter de solution définitive à son mode de financement.

    En résumé, le Conseil a, en l’espèce, donné son « autorisation », sans donner de « mandat ». En dépit d’actions concluantes sur le terrain, cette force régionale tarde à monter en puissance en raison justement des deux considérations tantôt évoquées: l’ambiguïté de son statut du point de vue onusien et l’absence de visibilité quant à la question de son financement. Pourtant, une fois prise en compte dans le cadre de la nécessaire synergie opérationnelle entre les différentes forces présentes au Sahel, cette force régionale pourrait surprendre bien des détracteurs sur la scène internationale. Dans cette dynamique sous-régionale en faveur de la paix et de la sécurité, la Mauritanie, comme nous l’avons vu, a joué et joue encore pleinement son rôle de pays « pourvoyeur » de bonnes pratiques.

    La région du Sahel souvent présentée par les médias internationaux sous l’angle quasi exclusif de la menace sécuritaire ou marginalement du pourcentage élevé ( environ 80%) de ses ressortissants dans la composition des migrants clandestins en direction de l’Europe méridionale, représente en réalité l’un des horizons énergétiques les plus prometteurs de la planète, renferme des ressources minières colossales, dispose d’un marché intégré conséquent et d’un dividende démographique enviable.

    Dans sa nouvelle diplomatie globale post-Brexit, le Royaume Uni, membre permanent du Conseil de sécurité de l’ONU et puissance scientifique, industrielle et financière incontestée, dispose, en la Mauritanie, d’un allié stratégique sûr aux portes du Sahel, et bien au-delà au Maghreb et en Afrique subsaharienne. Le Président de la République, SEM Mohamed Ould Cheikh El-Ghazouani, a récemment rappelé cet extraordinaire potentiel de coopération mauritano-britannique, lors d’une intervention dans le cadre du « Sommet de l’Investissement R.U.-Afrique », tenu à Londres, le 20 janvier 2020.

    Mauritania Malouma

    Tags : Mauritanie, Sahel, G-5, terrorisme, djihadisme, Mali, Burkina Faso, Niger,