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  • Sahel : une géopolitique de l’invisible !

    Sahel : une géopolitique de l’invisible !

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    Malgré sa pauvreté manifeste, le Sahel s’érige aujourd’hui en hub énergétique mondial, de plus en plus convoité par les grandes puissances. Zone charnière entre l’Afrique subsaharienne et la Méditerranée, avec ses 80 millions d’habitants, ce vaste territoire de plus de 9 millions de km², difficilement contrôlable, est devenu un sanctuaire dédié à l’insécurité. Écologiquement et économiquement délabré et laissé pour compte, l’immensité du Sahel constitue un véritable Eldorado pour abriter les nouveaux terrorismes franchisés d’Al-Qaïda et des activités illicites et criminelles de tous bords.

    Au sein des pays du Sahel, la position géopolitique et géostratégique de la Mauritanie est d’autant plus cruciale que périlleuse. Longtemps considérée comme trait d’union entre l’Afrique occidentale et le Maghreb, la Mauritanie reste fortement tributaire des écarts disproportionnés entre la géographie de son histoire et l’histoire de sa géographie. Étant le plus grand portail du Sahel sur l’Atlantique avec ses 754 km de côtes, sa superficie surdimensionnée de plus d’un million de km², ses reliefs difficiles et accidentés, ses labyrinthes sahariens à faible densité humaine, la Mauritanie est par excellence le pays le plus fragile et le moins contrôlable de la région.

    Pourtant, la Mauritanie officielle, au lendemain d’une longue et tumultueuse période d’exception, ne se résigne pas à faire la politique de ses moyens, quand bien même elle n’a pas les moyens de sa politique. Inévitablement, elle devient de plus en plus confrontée, eu égard à sa fragilité structurelle et conjoncturelle, aux menaces d’insécurités tous azimuts.

    Dans ce contexte particulièrement incertain, l’ampleur des menaces au Sahel, la nécessité de faire une lecture habile de la donne internationale brouillée et le bon sens de voisinage stratégique, appellent les différents acteurs de la région à collaborer autrement. Afin de briser le cycle de la violence et éviter l’enracinement de l’insécurité au Sahel, des actions atypiques, concertées, minutieusement préparées et exécutées sont indispensables. L’instauration de nouveaux termes d’échange en matière de communication, de diplomatie, de coopération, de circulation des informations et des renseignements devient incontournable. Seule une perception partagée des intérêts et des menaces en commun, permettraient de dépasser des stratégies, jusqu’ici, circonscrites, qui se neutralisent ou se disputent, afin de pouvoir coordonner les efforts et ménager les moyens de lutte contre l’insécurité.

    Avec l’émergence de la sécurité humaine au sens élargi du terme, une certaine vision étroite de la notion de sécurité a substantiellement changé. L’exigence de sécurité ne renvoi plus exclusivement à la protection de l’État, de ses symboles, de ses personnages et de sa souveraineté territoriale. Toutefois, l’obligation d’y intégrer convenablement la sécurité humaine passe nécessairement par une profonde reforme du secteur de sécurité. Il s’agit là d’un impératif pour assurer notamment, la protection des personnes et des populations qui ont besoin d’être mises à l’abri de la peur, de la maladie et des autres menaces physiques, morales ou politiques. Autant cette promesse constituerait une planche de secours pour un Sahel inachevé, elle demeure un défi majeur à relever par tous les acteurs de la région.

    Les puzzles de la Seibâ

    La terminologie du Sahel est profusément contrastée. Mot arabe qui signifie littéralement rivage, le Sahel désigne aujourd’hui exactement le contraire de son sens d’origine. A priori, le Sahel serait là où la régularité des conditions de l’écologie et du climat rend à nouveau la vie possible après le franchissement particulièrement pénible de l’immense désert saharien. De nos jours, le Sahel est antinomique de sa propre signification.

    Déjà à l’époque médiévale, les géographes arabes distinguaient, en se référant aux grands empires sahéliens, entre deux notions, celle de « Bilad es Seibâ » ou pays de la dissidence et celle de « Bilad es Silm » ou pays de la paix. Entre ces deux repères géographiques, il y a eu toujours des espaces d’indécision socio-politiques et militaires. Historiquement, la plus grande partie du territoire du Sahel se composait de zones grises qui s’étendent sur plusieurs milliers de kilomètres. Il s’agit d’un espace mouvant où des puzzles de terroirs, pratiquement incernables et indécis, oscillaient selon les dispositions des rapports de forces conjoncturels, entre les différents centres de décision politico-militaires, plus ou moins stables et sédentarisés situés sur les confins de cette région.

    Les modes opératoires de gestion de l’espace sahélien n’avaient pas connu de changements véritables depuis des siècles. Les anciennes revendications territoriales, commerciales ou culturelles, notamment pour l’accès à l’eau, à la terre et aux ressources naturelles, s’imbriquent de nos jours, avec les nouvelles difficultés générées par la mondialisation des flux d’échanges planétaires. Les modes traditionnels d’exercice du pouvoir sur ces espaces charnières, sous-administrés et sous-défendus de tous les temps, se faisaient à travers des droits de passage, de protection et d’usufruits réclamés par les riverains. Affaiblis, voire neutralisés par la nouvelle notion de frontières, introduite par la colonisation, ces modalités s’avèrent aujourd’hui profitables à la pénétration et à la prolifération des groupes criminels avec autant de risques d’insécurité et de conflits dans cette région. En effet , ce fameux territoire du Sahel, vulnérable du fait même de sa géopolitique saharienne propice à la dilution des frontières et à la mobilité des personnes, des montures et des équipements, a été historiquement le théâtre éludé de nombreux flux ambulants : humains, marchands, financiers, culturels, religieux et militaire. Nonobstant, le champ sahélien n’obéit pas à un système de forces homogènes. Il reste incapable de s’autoréguler, de parvenir à une certaine stabilité autour d’un ultime point d’équilibre. Les altercations au Sahel évoquent les dissonances d’un orchestre sans chef. Dans cette vaste région débridée, allant de l’Atlantique à la Somalie et de la Méditerranée au Golfe de Guinée, l’évaluation des enjeux de sécurité à travers le prisme des flux dévoile les parcours transsahariens qui, loin d’être des terroirs hermétiques et compartimentés, se chevauchent et se recoupent pour créer une multitude d’équations géopolitiques intangibles. Il s’agit d’une zone dans laquelle les espaces lacunaires et les angles morts favorisent l’amplitude et l’imbrication des flux criminels de tous bords. Il serait vain alors, d’analyser séparément ces menaces tant elles sont étroitement juxtaposées et solidaires. L’insécurité, la criminalité organisée et le terrorisme ne peuvent être appréhendés sans les envisager comme un tout intégral. Du point de vue stratégique, d’importants changements géopolitiques sont survenus dans la région durant les dernières décennies. Des éléments nouveaux doivent être pris en compte pour mieux apprécier la situation des enjeux de stabilité au Sahel. Cette évolution concerne aussi bien les acteurs de la sécurité, la nature des menaces que la transformation de la notion même de sécurité.

    État post-colonial et facteurs d’instabilité

    La fragilité endogène du Sahel découle d’une profonde vulnérabilité des États post-coloniaux qui en composent le tissu. Espace tampon, mais surtout espace de contacts et d’échanges, le Sahel ne cesse de développer une conflictualité endémique de plus en plus difficilement contrôlable. Dans cette région, les facteurs déstabilisateurs sont nombreux et variés : la fragilité structurelle et conjoncturelle de ses États, l’extrême pauvreté de ses populations, la sécheresse et la dégradation de son milieu naturel, les luttes internes de pouvoir qui y gangrènent, la militarisation croissante de ses rapports sociopolitiques, la forte pression de sa démographique, les conflits régionaux, l’insécurité généralisée et les velléités étrangères, qui la transforment en espace de confrontation géopolitique permanente.

    Un demi-siècle après leur indépendance, les États post-coloniaux demeurent incapables de parachever leurs autorités sur leurs propres territoires. Cette incapacité des États sahéliens à exercer leur principale fonction régalienne, constitue une problématique fondamentale qui alimente les risques de déstabilisation et de conflits armés dans cette région. Le délitement de tout État fragile le livre potentiellement à ses forces anarchiques intrinsèques et/ou à la domination extérieure. Étant un espace particulièrement sous-administré et mal géré, le Sahel souffre d’une mauvaise gouvernance chronique qui hypothèque dangereusement son avenir.

    Les douze pays qui constituent officiellement la région du Sahel sont pratiquement classés, à un titre ou un autre, comme pays fragiles selon les critères de l’OCDE. Ce classement signifie que les systèmes de sécurité des pays concernés, sont incapables de jouer avec efficience le rôle majeur qui leur est dévolu. Ce rôle qui consiste à assurer la protection de la souveraineté, du territoire, des personnes et des populations des pays en question. Pire encore, dans certains contextes, les crises d’instabilité qui affectent périodiquement et/ou fréquemment ces pays, faisaient apparaître leurs systèmes de sécurité comme étant cause ou partie prenante dans les facteurs d’insécurité et d’instabilité qui menacent la démocratie, l’État de droit et la sécurité humaine dans lesdits pays. Seuls deux pays du Sahel sur douze avaient échappé à un coup d’État militaire en 45 ans ; seuls quatre pays membres de la CEDEAO sur 15 n’ont pas été affectés depuis 30 ans par un conflit violent aux frontières ou à l’intérieur.

    La région du Sahel est souvent soumise à de nombreux soubresauts politiques, à des guerres civiles, des conflits frontaliers (Sénégal, Niger, Nigeria, Tchad, Soudan, Somalie) et des coups d’État : (Mauritanie- Août 2005 et Août 2008), (Guinée Bissau- Mars 2009 et Avril 2010) et (Niger- Février 2010). D’autre part, il y a aussi l’hyperstabilité de pouvoir (M. Campaoré au pouvoir depuis Octobre 1987 et M. Déby depuis Février 1991). Paradoxalement, la redistribution du pouvoir est souvent aussi déstabilisatrice et génératrice de frustrations et donc de conflits.

    Au Sahel, l’insécurité revêt plusieurs facettes et s’affiche sous différents visages dans une région devenue un véritable Eldorado pour tous les trafics illicites de contrebande. Les flux de la criminalité organisée y ont trouvés largement leur place, soit en s’adossant aux circuits traditionnels des flux d’échange, soit en occupant les espaces laissés vacants par la relâche des États affaiblis. Allant du trafic des migrants clandestins, estimé entre 65.000 à 120.000 par an, à celui des armes légères avec environ 8 millions de pièces qui circulent en Afrique de l’Ouest, dont plus de 100.000 kalachnikovs au Sahel, en passant par celui des drogues, pour finir avec le terrorisme régional et international.

    La criminalité organisée, y compris le terrorisme transsaharien, a été érigée en créneau porteur à travers une dynamique capitalistique en plein essor dans un environnement d’extrême pauvreté. Sachant qu’il existe principalement deux couloirs de trafic des drogues prohibées en Afrique, à savoir l’héroïne dans l’Est et la cocaïne dans l’Ouest, il est curieux que 0,2% seulement des quantités des drogues transitant par ce continent soient saisies chaque année. La jonction de ces deux circuits, qui se rejoignent dans le Sahara, permettent au gros lot d’emprunter, grâce aux complicités locales, de nouveaux itinéraires vers l’Europe à travers le Tchad, le Niger, le Mali et la Mauritanie. L’évolution du trafic de la drogue est impressionnante. Ainsi, entre 2004 et 2007, des saisies de 33 tonnes de cocaïne ont été effectuées en Guinée-Bissau, où résideraient quelques dizaines de narcotrafiquants colombiens. En 2006, des saisies importantes ont été enregistrées : 2 tonnes au Ghana, sur une seule opération, alors qu’en en 2007, 630 et 830 kg de cocaïne ont été saisis en Mauritanie, 5,5 tonnes saisies au Sénégal et, en 2008, 750 kg ont été saisis au Mali. L’évolution des flux des trafics illicites, particulièrement profitables en termes de chiffre d’affaires, est autant plus importante qu’elle reste intimement liée au phénomène de prolifération de la corruption à grande échelle dans les différents pays de la région. Symptôme de dysfonctionnement politique et économique des États sahéliens, cette pratique familière et répandue mine la bonne marche de l’ensemble des institutions des États sahéliens. La connivence entre les réseaux sociaux et familiaux avec les agents d’État affectés au contrôle des frontières, en particuliers policiers, douaniers, gendarmes, gardes-côtes et militaires, est souvent la pierre angulaire qui perpétue ces pratiques et fait prospérer les flux de la criminalité organisée sous toutes ses formes.

    L’opacité et l’impunité font de la région du Sahel une zone où la pratique de la corruption pénalise sévèrement la croissance et empêche la redistribution des richesses. Transparency International a publié, en octobre dernier, son rapport 2010 sur la perception de la corruption dans 178 pays dans le monde. Les scores des pays sahéliens dans ce classement sont sans appel. Parmi les plus mauvais élèves de la planète on peut compter : la Mauritanie au 143ème rang, le Tchad 171ème, le Soudan 172ème, le Burkina Faso, le Sénégal, le Bénin et le Mali occupent respectivement les 98ème, 105ème, 110ème et 116ème rangs.

    Au-delà de la cruauté des faits, des interprétations iconoclastes des actes dénaturés font ressortir que la corruption n’est pas forcément perçue par l’opinion publique dans cette région comme étant un délit, mais plutôt comme une façon de redistribuer autrement des revenus à large échelle. Les trafics illicites ne sont pas alors considérés comme des infractions majeures mais plutôt, elles deviennent une ressource de rente profitable là où il y a connexion avec des acteurs gouvernementaux.

    Ainsi, la subtilité de la corrélation entre sécurité humaine, bonne gouvernance et développement durable n’est plus à démontrer. L’absence de sécurité hypothèque les efforts de développement et, réciproquement la fragilité socio-économique favorise les conflits et l’insécurité. Les crises liées à l’insécurité ont ralenti ou fait échouer les efforts de développement durable dans diverses régions du monde, notamment en Afrique subsaharienne. Au Sahel, où la plupart des pays se trouvent actuellement dans une dynamique de sortie de crise ou dans une situation de stabilisation et de reconstruction post-conflit, la sécurité constitue véritablement un défi majeur et un enjeu pour le développement durable de cette région.

    Enjeux énergétiques et conflits d’intérêt

    Dans un contexte géopolitique mondial marqué par la hausse continue des cours des hydrocarbures et une forte demande en la matière, les enjeux énergétiques sont plus que jamais au centre des conflits internationaux. Paradoxalement, le Sahel synonyme d’extrême pauvreté et de misère, devient de plus en plus un espace de confrontation géopolitique et géostratégique entre les différentes puissances régionales et internationales pour le contrôle des richesses naturelles, qu’il recèle : pétrole, gaz, or, phosphates, diamants, cuivre, fer, charbon, nickel, zinc, bauxite, uranium, plutonium, manganèse, cobalt, argent, chrome, étain, sels minéraux, eaux douces, poissons, crustacés, diversité biologique, cheptels de bétails, bois précieux, etc. Les revirements des enjeux énergétiques et les conflits d’intérêt dans la région du Sahel, particulièrement riche d’importantes réserves d’énergies fossiles et de gisements de minerais stratégiques attisent les appétits des puissances étrangères à trouver un prétexte pour s’y déployer. La France y est déjà bien avancée avec des troupes positionnées dans la région du Sahel ou à proximité. Elle dispose de quatre bases militaires permanentes : au Sénégal (1200 hommes), au Tchad (1250), en Côte d’Ivoire (2000), au Gabon (900) et à Djibouti (2900), en plus de sa présence limitée et non permanente dans d’autres pays de la sous région comme au Cameroun, en Mauritanie, au Burkina Faso et en Centre Afrique.

    Concernant les États-Unis, bien que leur présence militaire officielle au Sahel n’existe pas encore, les câbles diplomatiques récemment dévoilés par WikiLeaks révèlent une autorisation « réticente » de survol accordée par les autorités algériennes à l’US Air Force pour des missions au Sahel contre l’Aqmi. Déjà, les États-Unis avaient lancé dès 2002 l’initiative Pan Sahel et organisent régulièrement les exercices militaires de type Flintlock avec les armées des pays du Sahel. En Décembre 2008, la Force tactique en Europe du Sud (SETAF) a été transformée en U.S Army Africa (Armée USA pour l’Afrique), qui est une composante du Commandement Africa (AfriCom) devenu opérationnel depuis octobre 2009. D’après des officiels US, cette transformation constitue une « nouvelle façon de regarder vers l’Afrique ». Bien que la base de l’U.S Army Africa soit actuellement à Vicence en Italie, ce corps opérera sur le continent africain avec de petits groupes pour conduire des opérations de « réponse aux crises » en se servant de la 173ème Brigade aéroportée. Fruit de la reconnaissance américaine de l’importance stratégique croissante de l’Afrique, l’U.S. Army Africa continuera à s’agrandir dans le cadre de commandement des forces navales AfriCom.

    Le commandement du fameux AfriCom ne trouvant pas encore de place pour s’installer en Afrique du Nord, l’US Army Corps of Engineers, vient de lancer en début de ce mois, un intriguant appel d’offres pour la construction d’un terrain d’aviation militaire dans un pays d’Afrique du Nord. Sans préciser le nom du pays dont il s’agit, l’objectif serait d’installer une base militaire aérienne américaine dans la région qui servira aux missions d’espionnage que le Pentagone envisage de lancer, officiellement, pour traquer les membres d’Al Qaïda au Sahel.

    La Chine a également fait ses entrées économiques colossales dans la région du Sahel depuis quelques années déjà. La concurrence chinoise avec les autres pays est en expansion. La Chine est actuellement le second partenaire commercial de l’Afrique, après les États-Unis. Les investissements chinois sont en forte croissance même dans les pays traditionnellement liés aux USA. En Éthiopie, la China Exim Bank a investi récemment 170 millions de dollars pour la construction d’un complexe résidentiel de luxe à Addis Ababa, et une autre société chinoise, Setco, a annoncé la construction de la plus grande usine de pvc dans ce pays. Au Liberia, la China Union Investment Company a investi 2,6 milliards de dollars dans les mines de fer. Des sociétés chinoises ont effectué aussi de gros investissements qui dépassent 2 milliards de dollars par pays, dans les secteurs pétroliers au Nigeria et en Angola, jusque là dominés par les compagnies occidentales. Mais la concurrence chinoise aux États-Unis ne se limite pas au plan économique, Pékin soutient aussi certains gouvernements, comme ceux du Zimbabwe et du Soudan. En plus, elle fournit aussi des armes un peu partout en Afrique.

    Israël est présente au Sahel elle aussi, l’Iran s’intéresse aux minerais stratégiques du Sahel, l’uranium notamment et, cherche à y réaliser des percées substantielles. La Russie, l’Inde et le Brésil seraient aussi déterminés à être de la partie. L’intensification de la présence économique et militaire des acteurs extérieurs et les conflits d’intérêt qui en découlent, contribuent à déstabiliser davantage les États fragiles et affaiblis dans la région de Sahel.

    La richesse controversée du Sahel attise les convoitises des puissances étrangères désirant s’en assurer le contrôle. Une véritable géopolitique des tubes, sur fond de rivalités internationales croissantes, commence à se dessiner au Sahel. Les grands États de la planète s’activent depuis quelques années déjà pour organiser progressivement le désenclavement des richesses du Sahel afin de les acheminer ensuite vers les zones de consommation, en Asie via le Soudan, en Amérique via le Golfe de Guinée et vers l’Europe continentale à travers l’Atlantique, le Sahara et le Maghreb.

    A partir de 2011, l’Afrique sub-saharienne serait susceptible de devenir pour les États-Unis une source d’énergie aussi importante que le Moyen-Orient, disposant de quelques 60 milliards de barils de réserves pétrolières avérées. Les experts s’attendent à ce que 1 sur 5 barils de pétrole entrant dans le circuit de l’économie mondiale proviendrait du golfe de Guinée, et que la part des importations américaines du pétrole africain passera de 20% en 2010 à 25% en 2015. Les investissements des compagnies pétrolières européennes et américaines sont en constante progression depuis 2000. ELF y puise près de 60% de sa production de pétrole. Total et Gazprom s’apprêtent à financer le projet de gazoduc transsaharien de 4000 km pour relier le Nigeria à l’Algérie d’ici à 2015.

    L’attractivité du golfe de Guinée est de plus en plus grandissante depuis la mise en service, en 2003, de l’oléoduc Tchad-Cameroun qui relie les champs pétrolifères de Komé, dans le sud-ouest du Tchad au terminal maritime camerounais de Kribi, sur un parcours de 1.070 km. Ce pipeline qui draine 250.000 barils de pétrole par jour vers l’Atlantique, donnera accès à terme, aux champs pétroliers du Soudan, bien que l’exploitation du pétrole dans ce pays est fortement dominée par la Chine, dont le Soudan ne couvre pourtant que 4,5% de ses besoins en or noir. La China National Petroleum Company (CNPC) est le plus gros investisseur étranger au Soudan, avec quelque 5 milliards de dollars dans le développement de champs pétroliers. Depuis 1999, la Chine a investi au moins 15 milliards de dollars au Soudan. Elle possède 50% d’une raffinerie de pétrole, près de Khartoum, en partage avec le gouvernement soudanais. Le schéma des alliances sous régionales se recoupe curieusement avec celui des antagonismes politico-économiques entre la Chine, la France et les États-Unis pour le contrôle des ressources pétrolières dans beaucoup de pays de la région, comme au Soudan, au Tchad, au Niger et au Cameroun notamment. C’est au gré des intérêts croissants des puissances internationales que la tectonique des frontières conflictuelles sera de plus en plus récurrente dans la région du Sahel. La sécession du Sud Soudan apparaît aujourd’hui plus que jamais probable. Très probablement, cette région extrêmement riche en ressources naturelles, pétrole et gaz notamment, accédera à l’indépendance à l’issue du référendum du 9 janvier prochain. Ce résultat ne peut être fortuit, eu égard à l’appui occidental sans précédent qui a été méthodiquement apporté à tous les mouvements séparatistes dans ce pays, durant les quarante de dernières années.

    La demande mondiale en pétrole et en gaz naturel étant appelée à doubler dans les vingt prochaines années, le Sahel pourrait alors jouer un rôle prépondérant de fournisseur d’énergie. Sans compter le potentiel d’Algérie en pétrole et en gaz, le Mali est troisième producteur d’or du continent, le Niger avec ses gisements d’uranium, qui le placent au second rang mondial, la récente entrée de la Côte-d’Ivoire, du Ghana, du Tchad et de la Mauritanie dans le groupe des pays producteurs de pétrole, confirme la tendance. La production du champ off-shore ghanéen est estimée à 120.000 barils/jour, celle de Côte-d’Ivoire à 80.000 barils/jour. C’est dans ce contexte, des stratégies de positionnement, de prise de contrôle, d’encerclement et de contre-encerclement que se définissent des enjeux géopolitiques, géostratégiques et géoéconomiques de la zone sahélienne.

    Paradoxalement, l’abondance des ressources naturelles et l’importance de la position géostratégique de la région du Sahel vont de paire avec la fragilité de la plupart de ses États eu égard à leur instabilité et insécurité caractéristique. Avec une démographie galopante, qui devrait atteindre 100 millions d’habitants en 2020 et 150 millions en 2040, avec un taux d’illettrisme qui dépasse 54%, une pauvreté endémique qui touche au-delà de 50% des populations, une corruption généralisée, une conflictualité constante, le Sahel ne décolle pas. La conjugaison de l’ensemble de ces problèmes génère souvent des crises politiques et militaires ou des catastrophes alimentaires, des pénuries, des famines et des disettes récurrentes qui engendrent des déplacements massifs de populations en désordre sous formes de réfugiés et/ou de migrants clandestins. Le jeune cinéaste et musicien canadien d’origine sénégalaise Musa Dieng Kala, n’est pas le seul à se demander : « Dieu a-t-il quitté l’Afrique ? ».

    En conséquence, une grande partie les populations pauvres du Sahel, dépourvues de leurs droits à la sécurité humaine au sens élargi du terme, incluant la sécurité alimentaire, la sécurité sanitaire, l’accès à l’eau potable, etc., se retrouvent souvent contraints de prêter allégeance à des groupes criminels, rebelles et/ou terroristes soit pour bénéficier des retombées des trafics illicites ou pour obtenir une ultime protection. A cela s’ajoutent les effets pervers de la mise en place d’économies parallèles bâties sur la corruption et le racket, et enfin, la sanctuarisation de groupes terroristes délocalisés d’Al Qaida, Aqmi et Cie. Désormais, la connexion opérationnelle de ces réseaux et groupes terroristes est devenue réalité à travers leur alliance au Sahel : le fameux GSPC algérien devenu AQMI à partir de 2006, le Groupe islamique combattant marocain ou GICM, le GICL libyen et GICT tunisien, ainsi que d’autres petits groupuscules terroristes issu de divers pays sahéliens comme celui de Ansarou Allah Al Mourabitoune de Mauritanie, ceux du Mali, du Niger et du Nigeria. Ces groupes terroristes et ces réseaux mafieux sont en quête inlassable pour s’assurer une arrière base territoriale afin de perpétuer leurs activités transnationales.

    Terrorismes franchisés et géopolitique des menaces

    Au Sahel toutes les menaces d’insécurité s’entremêlent. L’islamisme combattant va de pair avec le terrorisme international, la piraterie et toutes sortes de trafics illicites. Les anciens réseaux et ceux récemment recréés s’imbriquent pour pérenniser et sécuriser le système de la criminalité internationale organisée en s’affranchissant des distances et des frontières. En pleine mutation, ces différents réseaux transfrontaliers bénéficient grandement des recettes des trafics pour acquérir de nouveau les moyens nécessaires pour pouvoir développer et continuer leurs activités criminelles.

    C’est pourquoi, il ne peut y avoir de lutte anti-terroriste efficace sans lutte globale contre toutes les autres formes de criminalité, leur interdépendance étant désormais attestée. Il est connu que ces activités se nourrissent les unes des autres au sein d’une alliance objective entre crime organisé et terrorisme sahélien. Guidées principalement par leurs soucis de survivre et leurs intérêts convergents : les organisations criminelles profitent des actions violentes des organisations terroristes et des guérillas ou des rébellions, tandis que ces dernières bénéficient des financements que les activités criminelles sont en mesure de leur fournir. Actuellement, la collaboration entre AQMI et les réseaux mafieux du Sahel se développe plutôt vers une forme de spécialisation de l’entreprise criminelle. Cette tendance a été révélée récemment lors du procès controversé d’Oumar Sahraoui en Mauritanie. Ce malien de souche Maure, ancien du Polisario, reconverti dans le trafic de drogue dans la région du Sahel, était le responsable de l’opération de la prise des otages espagnols en Mauritanie en 2009. Il avait affirmé qu’il agissait pour le compte d’AQMI. Par ailleurs, il existe d’autres hypothèses sur une éventuelle dérive narcotrafiquante signalée depuis quelques temps chez le Front Polisario et aussi chez certains leaders du Front Populaire de Libération de l’Azawad. Cette hypothèse rebondit actuellement dans l’actualité sahélienne, à l’occasion d’une série d’arrestations d’importants groupes de narcotrafiquants, opérées ces dernières semaines par les armées mauritanienne et malienne. Selon l’AFP, les six trafiquants de drogue internationaux sont issus des rangs du Polisario. Le chef du groupe, un certain Sultan Ould Bady, serait à la tête de l’un des trois plus gros réseaux qui organisent le trafic de drogues en direction de l’Europe en passant par la région du Sahel. Ould Bady, qui défraye la chronique présentement, serait également impliqué dans l’enlèvement et la revente de plusieurs ressortissants européens en faveur d’AQMI ces dernières années.

    Infiltrés aussi bien par les services de renseignement des pays riverains comme par les intelligences internationales, la dynamique des réseaux terroristes s’imbrique avec les calculs géopolitiques des rivalités régionales extrêmement sensibles et complexes. Cette attitude alimente l’instrumentalisation de la sécurité comme enjeu majeur dans les rapports de force tout comme dans la gestion des conflits d’intérêts politiques, économiques, et stratégiques à l’échelle régionale. Les cas de figures sont nombreux et diversifiés, allant des subtiles controverses des relations bilatérales entre l’Algérie et la France, fortement marquées par le poids du passé colonial, aux instigations des conflits régionaux ajournés, dont la persistance constitue une source d’inquiétude supplémentaire pour la sécurité de toute la région, notamment, dans les cas du Sahara occidental et celui du mouvement indépendantiste touareg dans le Nord du Mali.

    L’implication de la communauté internationale (ONU, G8, UE) dans le renforcement des capacités du système régional de sécurité au Sahel se heurte à plusieurs difficultés. Au delà des problèmes d’encrage juridique, institutionnel et politique, de manque de moyens financiers et logistiques, d’absence de réforme du secteur de sécurité, la coordination des efforts de lutte contre les menaces d’insécurité au Sahel prêtent souvent à une tentation d’internationalisation de la menace Al-Qaïda dans cette région par transposition du modèle afghan. Cette perspective est souvent assimilée à une sordide connivence avec des agendas néo-colonialistes dont les objectifs inavoués visent le contrôle par des puissances occidentales, les Américains et les Européens notamment, de la route de l’ouest des flux énergétiques notamment dans les nouveaux sites et réserves récemment découvert dans cette région, au détriment des autres puissances régionales ou internationales comme les Russes, les Chinois et les Brésiliens, etc. Avec l’émergence de la notion de sécurité humaine, qui a été initiée par la diplomatie canadienne à la fin du siècle dernier et adoptée par les Nations Unies à partir de 2004, la région du Sahel n’a cessé de consigner davantage de contre-performances sur son registre déjà épuisé.

    Dans cette perspective, la problématique d’intégration de la sécurité humaine comme dimension incontournable dans toute approche pour contrer les flux d’insécurité au Sahel, devra contribuer utilement à renouveler les conceptions, les approches et les stratégies relatives globalement à la régulation de la sécurité dans la région. Deux catégories de changements s’avèrent alors indispensables à introduire dans ce schéma de réflexion. La première vise à améliorer les relations souvent brouillées et difficiles entre le gouvernement, la société civile et les institutions de sécurité. La seconde a pour objectif la refonte complète des institutions de sécurité en termes d’organisation, de recyclage, d’introduction et de réhabilitation de culture institutionnelle et de relations avec l’autorité civile sur conçues sur la base des valeurs démocratiques et humanistes fondées sur le profond respect des droits de l’Homme, de l’équité et de la justice. Toutefois, les mesures politico-militaires qui ont été décidées par différents pays du Sahel au cours des six derniers mois n’augurent pas de vision positive pour la régulation des problèmes insolubles d’insécurité dans un avenir proche. Grosso modo, le constat objectif fait que ces mesures sous-estiment gravement le poids réel des facteurs d’insécurité et compliqueraient en définitive toute stratégie de lutte commune contre la menace terroriste comme problème majeur d’insécurité dans cette région. Il s’agissait plutôt de démarches désarticulées et sectaires, souvent déterminées par les instincts de subtile méfiance et de sourde défiance qui divisent encore les gouvernements des pays de l’espace sahélien, alors que les sérieuses menaces d’insécurité dictent plutôt un schéma de réflexion collégial, non exclusif et confiant, afin de pouvoir dégager des actions profondément concertées pour être efficaces. Les mesures incohérentes concernent notamment : (a) L’instauration d’un comité d’état-major conjoint contre le terrorisme initié par quatre pays sahéliens qui sont l’Algérie, le Mali, la Mauritanie et Niger, lors de la réunion de Tamanrasset le 21 avril 2010 en excluant trois autres États nord-africains, (b) L’opération militaire isolée franco-mauritanienne menée le 22 juillet 2010 contre un camp AQMI au Mali pour libérer l’otage français Michel Germaneau et, (c) La réunion de Bamako tenue les 6 et 7 Août 2010 regroupant six États subsahariens à l’exclusion des États du Maghreb.

    Sécurité humaine et perspectives d’avenir

    En termes de réflexion prospective, la concertation et la coopération entre les différents acteurs sahéliens seraient indispensables pour lutter efficacement contre l’insécurité et pour inviter un développement durable dans la région du Sahel. Sachant qu’il n’y a pas de développement sans sécurité et pas de sécurité sans développement et, compte tenu de ses potentialités économiques, le développement durable et la stabilité au Sahel pourraient éventuellement trouver un nouvel élan à moyens termes. Tous les espoirs sont permis, toutefois, la condition sine qua non d’une telle évolution reste la volonté et le courage des décideurs politiques pour dépasser avant tout les pesanteurs locales et les schémas réducteurs de la petite histoire au profit des avantages de la grande géographie de leurs pays, pour mieux appréhender la thématique de la sécurité humaine suivant des paramètres d’intérêts économiques équitablement partagés.

    Pour certains optimistes, la perspective d’intégration régionale, notamment le développement d’un marché commun à l’échelle régionale pourrait alors contribuer à atteindre un « Sahel nostrum » (à l’image de la « Mare nostrum » des Romains). La lutte contre le terrorisme et le crime organisé au Sahel ne saurait se concevoir sans dépasser relativement une certaine vision figée des notions formelles sur l’intangibilité des frontières, le fétichisme de la souveraineté nationale et la non-ingérence, car au-delà des légitimes préoccupations nationales de chaque pays, seules des grandes actions collégialement concertées pourraient éventuellement briser le cycle de la violence et éviter l’enracinement de l’insécurité dans cette ultra fragile région du Sahel. La persistance des conflits de la sous-région au cours des vingt dernières années a empêché les pays de se concentrer sur le développement et détourné les Organisations panafricaines comme l’Union africaine et la CDEAO de leur rôle initial de promotion de l’intégration économique régionale. Ces organisations se trouvent aujourd’hui plongées au cœur des problématiques de sécurité, de la gestion des conflits et du maintien de la paix. Pour mener à bien cette mission délicate, elles avaient développées un certains nombre de Mécanismes de prévention, de gestion, de règlement des conflits, de maintien de la paix et de la sécurité dont le schéma a été mis en place depuis la conférence d’Abuja en 1999.

    Théoriquement, ces mécanismes permettent à l’UA et à la CEDEAO d’intervenir en cas de risques importants comme les désastres humanitaires, les menaces à la paix et à la sécurité de la sous-région, la lutte contre la circulation illicite des armes et la recrudescence de la criminalité transfrontalière. Toutefois, leur application, qui s’appuie sur un certain nombre de structures officielles comme la Conférence des chefs d’État, le Secrétariat exécutif et le Conseil de sécurité et de Médiation, se heurte souvent à des difficultés. Pour que l’apport, vivement souhaité au Sahel, de ces organisations soit efficace et durable, il aura toujours besoin d’être appuyé par une volonté politique, des moyens nécessaires et une redynamisation permanente.

    Mauritanie : espoirs et risques d’enlisement

    Dans le cas de la Mauritanie, les menaces d’insécurité au Sahel et leurs incidences directes se conjuguent avec la complexité de la condition géostratégique fragile de ce pays. Le résultat est un véritable engrenage de postures inquiétantes voire dangereuses.

    Au lendemain de la sortie d’une longue série de périodes d’exception en cascades, la Mauritanie, qui reste fortement tributaire des écarts disproportionnés entre la géographie de son histoire et l’histoire de sa géographie, se trouve aujourd’hui inopportunément piégée au milieu d’un duel périlleux au Sahel entre les David et Goliath. Au terme d’un demi-siècle d’indépendance, la Mauritanie est de nouveau attrapée dans les feux croisés d’une bataille que se livrent des stratégies internationales et sous-régionales diamétralement opposées quand bien même elles sont subtilement convergentes. Les arrangements tactiques franco-américains conflueraient actuellement pour faire de la Mauritanie une pierre de lance dans leur lutte contre Al-Qaida dans la région du Sahel, alors que ce pays se trouve pleinement visé par la nouvelle stratégie de survie d’AQMI à travers sa descente dans l’espace saharo-sahélien. AQMI cherche obstinément à développer son action plus au Sud dans le cadre d’une approche qui lui permettrait de contrôler des réseaux de trafics illicites afin d’obtenir encore plus de fonds pour financer ses activités et, du coup, se mettre plus à l’abri de la poursuite qui le guète en milieu urbain. Actuellement, le recoupement des données disponibles permet de situer le tarif de base conventionnel pour la libération d’un otage à 5 millions d’euros. Certains spécialistes estiment que les enlèvements d’Occidentaux au Sahel ont rapporté aux terroristes, durant les dernières années, une recette de plus de 50 millions d’euros auxquels s’ajoute un montant de 100 millions d’euros collectés sous diverses formes.

    Depuis plus d’une décennie, le no man’s land mauritanien est devenu un terrain d’accueil privilégié pour le potentiel de nocivité des différents réseaux terroristes et contrebandiers délocalisés dans la région du Sahel. Étant le plus grand portail atlantique du Sahel avec ses 754 km de côtes, sa superficie surdimensionnée de plus d’un million de km², ses reliefs difficiles et accidentés, ses labyrinthes désertiques à faible densité humaine, la Mauritanie est par excellence le pays sahélien le plus fragile et le moins contrôlable. Désormais, les lisières périphériques du Nord et du Nord-est de la Mauritanie, où les frontières avec ses voisins d’Algérie et du Mali se perdent immuablement dans l’immensité impitoyable du désert, offrent indiscutablement un véritable paradis pour toutes sortes de trafics illicites : armes, cigarettes, carburant, drogues, devises, etc.

    Cependant, la Mauritanie est restée curieusement le maillon le plus faible de la région du Sahel, malgré son potentiel considérable de ressources naturelles, fer, cuivre, pétrole, gaz, or, poissons, crustacés et cheptels de bétail. Les statistiques de GlobalSecurity estiment que le budget annuel de dépenses militaires de la Mauritanie ne dépassait pas le montant de 19 millions de dollars US en 2005, contre 45 millions pour le Niger, 50 millions pour le Mali, 117 millions pour le Sénégal, 2,3 milliards de dollars US pour le Maroc et 3 milliards pour l’Algérie, au titre de la même année.

    Certes la Mauritanie est héritière de l’empire des Almoravides, (en arabe al-Murābitūn), cette dynastie berbère, qui avait constitué le plus grand empire du Sahel, englobant l’Ouest du Sahara, la partie occidentale du Maghreb et une bonne partie de la péninsule Ibérique au XIe et XIIe siècles, après avoir repris Aoudaghost, principal comptoir commercial sahélien de l’empire du Ghana en 1054, fonder Marrakech et conquérir l’Espagne en 1086.

    Durant plusieurs siècles, les anciennes Cités historiques de Mauritanie comme Ouadane, Tinigui, Chinguetti, Azougui, Tichit, Oualata, Combi Saleh etc., avaient brillées par leur inexorable pratique de commerce transsaharien florissant et leurs importantes positions géostratégiques et militaires. Au début du 20éme siècle, la Mauritanie avait attiré la convoitise des Français déjà installés à Saint-Louis, qui y voyaient un haut lieu stratégique pour contrôler les périphéries de leurs colonies en Afrique du Nord et en Afrique occidentale et pour neutraliser les mouvements nationalistes de résistance.

    Toutefois, le statut géopolitique de la Mauritanie actuelle ainsi que son potentiel économique et militaire, ne font plus de la mémoire impériale de ce pays que l’ombre d’elle-même. Confrontée aux menaces d’insécurités tous azimuts, la logique des choses et le bon sens interpellent plutôt la Mauritanie à se résigner inévitablement à faire la politique de ses moyens quand bien même elle n’a pas les moyens de sa politique.

    Nonobstant, l’actuel gouvernement mauritanien semble avoir un autre point de vue sur cette question. Le volontarisme de plus en plus résolu de la Mauritanie pour aller en solo, à la Napoléonienne, dans la lutte contre les réseaux terroristes d’AQMI au Sahel, est autant contesté à l’intérieur comme à l’extérieur. Loin d’être un sujet d’unanimité au niveau national et, moins encore un sujet de concertation avec les pays voisins, l’implication de l’armée mauritanienne dans des opérations militaires en dehors du territoire national, notamment dans des missions conjointes doublées d’un appui de troupes d’élites françaises avec l’assistance de la technologie spatiale de surveillance américaine de l’OTAN, posent énormément de points d’interrogation sur la cohérence d’une telle démarche. Est-il concevable aujourd’hui que les armées africaines acceptent de jouer le rôle des « tirailleurs » comme à l’époque coloniale dans des dispositifs d’intervention rapide en Afrique ? Loin d’être de nature à rassurer sur l’avenir de la stabilité du pays, les récents événements ne font que dresser les axes divergents de ralliement classiques et de positionnement géopolitique dans la région et exacerber davantage les méfiances mutuelles des pays riverains.

    Acteur et victime de l’ambivalence de sa propre politique étrangère, la Mauritanie a été l’un des pays sahéliens qui avaient accueilli des équipes spéciales de la US European Command (EUCOM) en 2004 dans le cadre de la guerre contre le terrorisme. L’objectif de cette mission portait sur la mise en œuvre des formations et entrainements internes du programme d’assistance de sécurité « Initiative Pan-Sahel », fournis par le département d’État américain à la Défense.

    Cette même Mauritanie qui se permet de bousculer les velléités de l’Algérie voisine comme gendarme du Sahel, abrite plutôt discrètement, depuis plus d’un an, un détachement du Commandement des Opérations Spéciales Françaises (COS). La décision de l’Élysée de dépêcher cette formation d’élite en Mauritanie, qui a été prise apparemment dans la plus grande discrétion, rentre dans le cadre de la mise en place d’un plan d’aide militaire aux pays du Sahel. Le détachement d’une centaine d’hommes environ basé à Atar est chargé de la formation des GSI, ou Groupements spéciaux d’intervention de l’armée Mauritanienne impliqués dans les opérations récentes contre AQMI au Mali. Le détachement aurait participé également en juillet dernier à l’opération militaire franco-mauritanienne dans le Nord du Mali pour libérer l’otage français Michel Germaneau. A en croire certaines sources spécialisées, ce même détachement, qui a été récemment déployé à Ouagadougou, pour une éventuelle action contre AQMI au Mali, à la suite de l’enlèvement des Français au Niger, serait actuellement à pied d’œuvre pour intervenir en Côte d’Ivoire. N’empêche, l’idée de la formation des Groupes Spéciaux d’Intervention (GSI) pour la lutte contre le terrorisme au Sahel serait éventuellement élargie au Mali et au Niger.

    D’un point de vue géostratégique, l’analyse des imbrications des données actuellement disponibles et leurs incidences potentielles sur l’aggravation des menaces d’insécurité et d’instabilité en Mauritanie fait ressortir indiscutablement des risques d’enlisement réels. De part et d’autre, les manœuvres en lice au Sahel, bien que initialement antinomiques, elles convergent néanmoins vers les mêmes objectifs. Épuisés, les réseaux d’AQMI et Cie, qui ont drôlement besoin d’acquérir une nouvelle légitimité symbolique au Sahel, rêvent sans doute d’une internationalisation rapide de la guerre contre eux. Cependant, la diabolisation d’AQMI pourrait aussi en faire l’arbre qui cache la forêt pour voiler les véritables enjeux de la confrontation. La menace terroriste au Sahel ne serait-t-elle pas délibérément amplifiée pour servir d’alibis aux interventions visant à prendre le contrôle exclusif des richesses de la région ?

    Au cours de la prochaine décennie, la géopolitique du Sahel serait déterminante pour l’avenir de la stabilité de l’Afrique et celle de ses voisins Européens et Asiatiques notamment. En panne d’espérances, le Sahel, qui demeure à la croisée des chemins de tous les dangers, restera encore longtemps une zone sensible où se jouera une grande partie de l’avenir du monde.

    Mohamed Saleck

    Agoravox, 21 décembre 2010

    #Sahel #Mali #Tchad #Mauritanie #Niger #Burkina_Faso

  • Mali: JNIM, Daech, Wagner, FAMA qui se bat contre qui?

    Mali: JNIM, Daech, Wagner, FAMA qui se bat contre qui?

    Mali, Sahel, JNIM, Daech, Al Qaïda, France, Barkhane, Niger, Burkina Faso, Russie, Wagner,

    Selon le site 20 Minutes, l’armée française, poussée au départ du Mali, n’a pas fini de se battre contre les principaux groupes terroristes qui sévissent au Sahel.

    D’un côté, Al-Qaïda et Daech, sont implantés depuis des années en Afrique subsaharienne. Aqmi y sévit sous la bannière du JNIM (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans), la branche officielle d’Al-Qaïda au Mali. Et Daesh. Des combats opposent régulièrement les deux groupes, sur les zones frontalières, au Niger, Burkina Faso et Mali.

    L’Association malienne pour la survie du Sahel (AMSS) rapporte ainsi des « combats meurtriers » entre les deux groupes qui ont eu lieu en février dernier dans le cercle d’Ansongo qui se trouve au carrefour des deux pays voisins du Mali à savoir le Niger et le Burkina Faso.

    De leur part,les forces armées maliennes, soutenues par la Russie, tentent tant bien que mal de combattre, mais les résultats se font attendre. « Même avec la France elle n’y arrivait pas, donc là elle y parvient encore moins, même aidée par Wagner, car ce sont des mercenaires pas professionnels et sans équipements et moyens de professionnels », rapporte Wassim Nasr. Wagner, ce sont ces mercenaires russes également déployés Syrie ou plus récemment dans l’Est de l’Ukraine.

    Les forces françaises qui ont quitté le Mali et sont installées au Niger. Elles agissent avec beaucoup de discrétion. Au Niger par exemple, « elle ne brandit pas le drapeau tricolore, contrairement au Mali », souligne Wassim Nasr. Elle est bien présente, mais n’en fait pas particulièrement état. D’ailleurs, cette collaboration avec Niamey, se passe plutôt bien et est « assez efficace », précise le spécialiste, avec « un bon niveau de confiance mutuelle ».

    #Mali #Sahel #France #JNIM #Daech #FAMA #Barkhane #Niger

  • Les moyens d’action d’Al-Qaida au Maghreb Islamique

    Les moyens d’action d’Al-Qaida au Maghreb Islamique

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    Note hebdomadaire du Secrétariat Général du Ministère des Affaires Étrangères et de la Coopération du Royaume du Maroc. Envoyé au MAEC le 31 octobre 2013


    Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI), branche du réseau Al-Qaida, a fait allégeance à Oussama Ben Laden le 13 septembre 2006 et est implanté dans la région du Sahel où il opère principalement. AQMI est organisée en deux commandements pour l’exécution de ses opérations : à l’Ouest sahélien, Mokhter Belmokhtar dirige une unité qui concentre ses actions principalement sur la Mauritanie. A l’Est, Abou Zeid dirige et exécute des opérations armées au Nord du Mali jusqu’au Sud de la Tunisie.

    AQMI a pour objectif de créer un « Emirat Islamique » à l’échelle du Maghreb, le but étant de fondre l’Algérie, le Maroc, la Tunisie et la Mauritanie dans un unique Etat qui serait placé sous l’autorité d’un chef religieux, d’où la déstabilisation volontaire des régimes politiques de la sous-région. AQMI distingue généralement deux types d’ennemis : l’ennemi proche ou voisin qui fait référence aux pays maghrébins (qui se positionnent comme étant l’ennemi prioritaire à combattre) et l’ennemi lointain, qui renvoie à l’occident (et aux alliés des ennemies proches).

    A l’image des autres groupes terroristes existants, Al Qaida dispose de divers modes d’actions. En effet, une première fatwa, remonte au début des années 90, autorisait le financement du djihad par des activités illicites. Mais c’est 2001 qu’une autre fatwa de l’égyptien Abou Bassir al-Tartousi, légitime le recours au vol, au trafic en tout genre, à la contrebande et au racket, si cela pouvait servir le djihad. Depuis, ces pratiques ont largement été mis en oeuvre et restent les principaux modes d’actions de l’AQMI.

    I. La prise d’otage ou les enlèvements

    La prise d’otage pour les groupes terroristes et plus particulièrement pour AQMI, reste le moyen le plus sure pour s’attirer tout le réseau média et l’attention de toute la communauté internationale. Le rapt, souvent accompagné de menaces de mort si les revendications de ses auteurs ne sont pas respectées, reste la source financièrement la plus rentable.

    Ainsi, les terroristes d’Al Qaida n’hésitent pas à recourir à ce moyen dés que l’occasion se présente pour d’une part, obtenir des rançons pour financer leur structure et acquérir des armements de plus en plus sophistiqué et puissants, et d’autre part, pour exiger la libération de membres terroristes emprisonnés dans les pays du Sahel. De ce fait, 90% des ressources d’AQMI proviennent des rançons versées et on évoque aussi 90 millions d’euros réclamés par AQMI, pour la libération des 4 otages (français enlevés au Niger en septembre 2010) encore retenus. Ce montant représente plus de deux fois l’aide annuelle de la France au Mali ou au Niger.

    1. Aperçu sur le nombre d’otages enlevés et tués dans le Sahel et au Nigeria depuis 2009

    -3 juin 2009 : AQMI revendique la mort du Britannique Edwin Dyer, enlevé le 22 janvier dans la zone frontalière entre le Mali et le Niger. Trois autres touristes européens, deux Suisses et un Allemand enlevés avec lui sont libérés en avril et juillet.
    -25 juillet 2010 : AQMI revendique l’exécution du Français, Michel Germaneau, un ancien ingénieur de 78 ans, enlevé dans le nord du Niger le 19 avril puis transféré au Mali.
    -8 janvier 2011 : Antoine De Léocour et Vincent Delory (deux français) sont tués au cours d’une opération de sauvetage franco-nigérienne en territoire malien, au lendemain de leur enlèvement par des membres d’Aqmi dans un restaurant de Niamey.
    -24 novembre 2011 : Philippe Verdon et Serge Lazarevic (deux Français) sont enlevés par des hommes armés dans le Nord-Mali. Un rapt qui porte aussi la griffe d’AQMI.
    -25 novembre 2011 : Un Allemand est tué en tentant de résister à son enlèvement à Tombouctou (nord du Mali) par des hommes armés qui kidnappent trois autres touristes se trouvant avec lui. AQMI, qui a revendiqué l’enlèvement, a menacé en janvier dernier de tuer les trois otages, un Suédois, un Néerlandais et un Britannique ayant aussi la nationalité sud-africaine.
    – 8 mars 2012 : Deux ingénieurs britannique et italien, otages au Nigeria depuis le 12 mai 2011 sont tués.

    Les otages ont été « assassinés » par leurs ravisseurs appartenant au groupe islamiste Boko Haram.

    Les prises d’otages les plus marquantes restent celles des deux humanitaires espagnols Albert Vilalta et Roque Pascual enlevé en novembre 2009 puis libéré en mars 2010 en contrepartie d’une rançon estimée entre 5 et 10 millions de dollars versés à AQMI. Un français Pierre Camatte enlevée au Mali en 2009 a quant à lui été libéré en échange de la libération de quatre islamistes de l’organisation détenu par Bamako. Aujourd’hui, au total, 12 Européens dont 6 Français, sont encore retenus au Sahel par AQMI et le MUJAO.
    Si AQMI qui dispose de réseaux dans plusieurs pays sahéliens (Mauritanie, Mali, Niger, nord du Nigeria…) est bien derrière l’enlèvement des nombreux occidentaux, elle a aussi démontré qu’elle pouvait frapper les intérêts occidentaux dans toute la région sahélienne. Pour rappel, après la fin de la rébellion touareg au Niger en 2009, certains membres de la communauté touareg ont tissés des liens avec des islamistes armés et il leur arrive de vendre leurs services pour des enlèvements ou des trafics, sans pour autant partager leur idéologie, le but étant purement financier.

    Aussi, pour repérer ses cibles, AQMI s’appui également sur le soutien des populations locales qui informe le groupe de la présence de touristes ou d’humanitaires dans la région et ce, par intérêt ou pour des raisons de solidarité ou par complicité. C’est dans ce sens que des groupes autonomes sans appartenance terroriste kidnappent et revendent des otages.

    Aujourd’hui il est difficile de chiffrer le nombre de prises d’otages dans le Sahel en raison de la nature même de ce type de crime. Les informations restent peu fiables et peu vérifiables car ce genre d’événements n’est pas toujours publiquement rapporté et les autorités des pays « victimes » ne sont pas toujours coopératifs. Cependant des consultants spécialisés dans la prise d’otage estiment qu’il y aurait annuellement entre 20.000 et 30.000 enlèvements dans le monde.

    2. Evolution de l’industrie de l’enlèvement dans le Sahel
    Au cours de cette décennie, ce sont prés de 120 millions de dollars qui ont été collectés par les organisations terroristes en matière de paiements de rançons, avec en tête l’AQMI qui a encaissé le plus d’argent depuis 2008.
    A titre d’exemple, l’Espagne aurait payé 8 à 9 millions d’euros pour obtenir la libération de ses otages, le Canada quelques millions d’euros, l’Autriche entre 2 et 3,5 millions d’euros pour la libération de deux Autrichiens. L’Italie 3 millions d’euros en 2002/2003, l’Allemagne aurait payé 5 millions d’euros pour la libération d’otages européens, idem pour la Suisse. Des pays comme la Grande-Bretagne ne paient jamais de rançons.
    L’autre constat inquiétant, est l’augmentation continue des montants des rançons exigées, passant de 4,5 millions de dollars en 2010 à 5,4 millions de dollars en 2011. A titre d’exemple, une filiale d’Al-Qaïda aurait tenté d’extorquer des paiements annuels importants, estimés à des millions d’euros, auprès d’une société (probablement Areva) basée en Europe, en échange de la promesse de ne pas porter atteinte à ses intérêts en Afrique. Mais cela n’est que le début d’un cercle vicieux : en réalité payer une sorte de redevance annuelle à des groups terroristes reviendrait à financer d’autres opérations d’enlèvements qui, à leur tour, conduisent à la demande d’autres rançons.

    Les américains appelleraient donc les gouvernements européens à ne plus payer de rançons, alors que les européens acceptent mal cette position car au final, tous les pays concernés finissent sous la pression et sous la menace d’exécuter les otages par payer des rançons pour voir libérer leurs ressortissants otages d’AQMI au Sahel. Lorsque ce ne sont pas les gouvernements qui paient, ce sont des entreprises privées qui sont sollicitées pour régler la rançon.

    II. Trafics, contrebande et racket

    Si le Sahel est considéré comme étant un véritable « hub » énergétique, il en est de même en matière de trafics en tout genre et de contrebande. La zone sahélienne est devenu le lieu de passage privilégié pour de nombreuses filières criminelles qui font aujourd’hui du Sahel une plaque tournante de plusieurs trafics. Aux portes de l’Europe (premier consommateur mondial), cette zone reste incontrôlée et l’Amérique du Sud n’est pas la seule région d’où provient la drogue qui transite par le Sahel : cocaïne et héroïne en provenance d’Afghanistan transit aussi par cette zone. Les marchandises remontent, ensuite vers l’Europe, empruntant des itinéraires clandestins à travers le Tchad, le Mali et le Niger. On estime ainsi aujourd’hui que le Sahel sert de transit à 50 voire 70 tonnes sur les 200 à 250 tonnes de cocaïne produite en Amérique du Sud.

    AQMI n’intervient donc pas directement dans le trafic, mais prélève une taxe imposée et illégale sur les transits de drogue, en contrepartie du contrôle et de la sécurité qu’elle assure aux trafiquants chargés d’approvisionner les pays du Sahel et lors des passages de convois.

    La contrebande de cigarettes à travers le Sahel est également une pratique très courante et génératrice de revenus difficilement chiffrable, mais qui se compterait annuellement en plusieurs centaines de millions d’euros. Les marchés visés par ces trafics sont d’abord ceux du Maghreb, de l’Egypte et du Moyen-Orient. Cette contrebande très lucrative attire fortement les groupes terroristes locaux qui, s’ils ne s’impliquent pas directement, imposent un « service de protection » aux contrebandiers contre une dîme sur la marchandise, d’où l’implication particulière de Mokhtar Belmokthar, un des responsables d’AQMI alias « Mister Marlboro», dans le trafic de cigarettes au Sahel.

    III. Appuis et investissements extérieurs

    Ces appuis sont constitués de dons plus ou moins volontaires en provenance des communautés maghrébines installées en Europe et plus généralement à l’étranger. Ces fonds sont transférés via des organismes financiers de transferts de fonds (Western Union…). Le rapatriement de ces fonds est peu contrôlé et les traces difficiles à remonter, compte tenu du fait que de faux documents et renseignements justifiant l’origine et la destination des fonds sont présentés.

    Aussi, AQMI serait soutenu voire assisté financièrement et militairement par des pays comme : l’Arabie Saoudite, la Libye, l’Iran ou encore le Pakistan. L’objectif étant de bénéficier de la protection d’AQMI pour ce qui est de leurs intérêts économiques et financiers dans la région du Sahel.

    Depuis la prise en otage de 16 personnes travaillant pour la multinationale Areva, au Niger, en septembre 2010, AQMI tirerait aussi ses soutiens financiers de firmes multinationales qui utilisent AQMI comme un moyen criminel pour atteindre des fins stratégique.

    IV. Recrutements, Kamikazes et le réseau Internet

    AQMI ne compterait aujourd’hui que 500 combattants actifs, autour de Abdelmalek Droukdal, le chef du Groupe salafiste pour la prédication et le combat, au nord-est de l’Algérie. On compte 400 autres combattants logés dans le nord du Mali, soit un faible nombre de terroristes, au sein d’une organisation marquée par des tensions internes entre chefs rivaux et dont certains sont idéologiquement intransigeants et d’autres tout simplement des trafiquants.  Au total, d’après les données qui circulent dans le milieu du renseignement, il y aurait entre 500 et un millier de terroristes membres d’AQMI, essentiellement répartis entre les katibas du Sahel et celles du nord de l’Algérie. Pour information, au moins 150 terroristes auraient été arrêtés, tués ou se sont rendus entre janvier et octobre 2012.

    Les moyens d’action d’AQMI ne sont pas que financiers, ils sont aussi humains, notamment à travers le recrutement des jeunes maghrébins généralement en détresse pour en produire des postulants au martyre. Le recrutement se fait principalement en Algérie, dont 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Le recrutement se fait également au niveau des prisons (notamment françaises) où cohabitent délinquants mineurs et terroristes. Ces derniers enrôleraient des jeunes en leur inculquant une idéologie meurtrière durant des séances d’endoctrinement.

    Si ce n’est pas au sein des prisons, c’est sur le réseau Internet que le groupe AQMI attire des volontaires à travers des vidéos (diffusées en plusieurs langues pour toucher le maximum de zones géographiques) et des messages de vengeance à l’encontre des apostats, des juifs et des « mécréants ». Le but étant une propagande très bien étudiée pour promouvoir le djihad et inciter les jeunes au service de la cause d’AQMI.

    Enfin pour reprendre Jean Luc Marret, spécialiste des questions de violence, du terrorisme et des Etats fragiles, AQMI est « une entreprise politique, composée de professionnels, exigeant une formation, poursuivant une carrière et pratiquant un métier, ayant des partenaires (…) disposant d’un capital, à la recherche de publicité et dont le nom équivaudrait à une marque ».

    Nadia El Mahjoubi
    Secrétariat Général
    Ministère des Affaires Étrangères et de la Coopération du Royaume du Maroc
    Tel:  00212 37 67 60 39
    Fax: 00212 37 66 01 28
    Poste: 6039



  • Crise malienne et situation dans le Sahel -Note du MAEC-

    Crise malienne et situation dans le Sahel -Note du MAEC-

    Mali, Sahel Azawad, MNLA, Maroc, Al Qaïda, FLNA, MUJAO, Algérie, CEMOC, Ansar Eddine, CEDEAO, Mauritanie, Niger,


    ⦁ Depuis le mois de mars, le Mali connaît une grave crise : les rebelles du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) revendiquent la région de l’AZAWAD, coupant ainsi le pays en deux. D’une part, le groupe des Ansar-dine veulent une application stricte de la Chariaa sur l’ensemble du territoire national, d’autre part des sous-officiers s’estiment trahis par leur hiérarchie et provoquent une insurrection. Les trois régions du nord Mali, Tombouctou, Gao et Kidal ne sont plus sous le contrôle étatique. Le président Amadou Toumani Touaré est renversé, un nouveau gouvernement est mis en place.

    ⦁ Grave au Nord, la crise est violente à Bamako avec un risque de devenir une crise africaine généralisée avec une économie criminelle à travers les exportations irrégulières et illégales des produits nationaux (coton et or) et les trafics (armes et drogues). Au Libéria, au Sierra Léone et en Côte d’Ivoire, des cartels risquent d’entrer en action pour  promouvoir les trafics illicites en tout genre. Au Nord, les rebelles disposent déjà de trois aéroports  : Gao, Tessalit et Tombouctou qui peuvent accueillir de gros porteurs et recevoir tous les commerces, y compris ceux de la drogue, des armes et aussi des militants étrangers.

    ⦁ L’armée nationale est divisée à tous les niveaux et la classe politique est également éclatée.

    ⦁ Les radicaux (Aqmi, Ansar Dine, Mujao, Boko Haram) qui occupent le Nord et les autres groupes, le MNLA en particulier et le FLNA jouent la compétition au plus extrémiste. Les islamistes veulent renforcer globalement leur présence, ce qui cependant comporte des risques de division. L’incertitude politique et sécuritaire à Bamako les aident à renforcer leurs rangs, leur unité, leur expansion et l’exécution de leur agenda.

    ⦁ L’appel à l’envoi des troupes étrangères au Mali constitue une excellente publicité pour les jihadistes. Il facilite les recrutements, donne du prestige aux radicaux et attire les combattants étrangers. Si les troupes de la CEDEAO n’interviennent pas il y aura certainement une déconsidération pour cette organisation.

    I. La crise malienne
    1. Eléments de rappel  :
    ⦁ 22 mars 2012  : Prise du pouvoir à quelques jours des élections présidentielles. Le président malien, Amadou Toumani Touré (ATT) est renversé par des éléments de l’armée. Des mutins ont arrêté une grande partie des membres du gouvernement. Le Mali fait alors face à une crise institutionnelle et sécuritaire grave.

    ⦁ Ce coup d’état a été suivi d’un effondrement de l’armée malienne dans la partie nord du pays où la rébellion touarègue, aux côtés de laquelle évoluent des groupes relevant d’Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), a annexé d’importants territoires, s’emparant successivement des villes de Kindal, Gao et Tombouctou.

    ⦁ 2 avril 2012  : Pour obliger les mutins à restituer le pouvoir aux autorités civiles, la CEDEAO adopte des sanctions économiques, financières et diplomatiques à l’encontre de la junte à Bamako, en décrétant notamment un embargo total sur le pays.

    ⦁ 6 avril 2012  : le principal groupe d’opposition touarègue, le MNLA, revendique Kidal, Gao et Tombouctou afin de créer un nouvel Etat, la République de l’Azawad, dont il a unilatéralement déclaré l’indépendance.

    ⦁ 7 avril 2012  : les sanctions imposées sont levées à la suite de l’acceptation par le Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’État (CNRDRE) d’un accord-cadre négocié par la CEDEAO, prévoyant un plan de transition pour un retour à l’ordre constitutionnel avec le transfert du pouvoir exécutif au président de l’Assemblée nationale.

    ⦁ 12 avril 2012  : investiture de Dioncounda Traoré. Le président intérimaire est chargé de conduire un gouvernement d’Union nationale pour rétablir l’intégrité du territoire national. Un intérim qui doit durer 40 jours pendant lesquels le président intérimaire est chargé d’organiser des élections. Compte tenu de la situation exceptionnelle que vit le Mali, ce délai est impossible à respecter.

    2. Les causes de la rébellion au Mali

    ⦁ Les Touaregs revendiquent le Nord du Mali (Azawad) comme leur territoire ancestral  : ils ont toujours été le relais des insurrections et des mutineries armées contre Bamako à travers notamment le MNLA. Autrefois leurs revendications étaient moins radicales  : elles étaient principalement liées au développement économique, commerciale ou à l’autonomie politique du Nord Mali. Désormais, le MNLA et ses alliés se radicalisent proclamant unilatéralement l’indépendance de l’Azawad. Mais ont-ils réellement les moyens pour dominer un territoire si étendu comme le Nord du Mali?

    ⦁ Le MNLA est un mouvement politico- militaire dont le désarmement n’a jamais été effectif même durant la période de trêve.

    ⦁ Grâce à la crise libyenne, le MNLA a multiplié et renforcé ses capacités militaires et son opérationnalisation au point de doubler l’armée régulière  : la chute de Kadhafi a entraîné une désintégration de la dictature libyenne, mais a eu pour conséquence une circulation incontrôlée d’armes à feu et de matériel létal lourd, ainsi que le repositionnement, voire redéploiement des islamistes, dont la présence s’est renforcée dans la zone sahélo-saharienne.

    ⦁ Les Touaregs autrefois combattants aux côtés de Kadhafi ont profité de cette nouvelle donne politique pour introduire des armes au Nord du Mali afin d’y préparer les futures hostilités. Il s’ensuit un renforcement et une réapparition de la rébellion au Nord  :

    ⦁ Ainsi, les touaregs dont l’assise est transnationale, habitent le Sahel et y exercent des manoeuvres militaires sans contraintes, connaissent le terrain mieux que l’armée régulière et une sérieuse disproportion existe entre l’étendue immense du pays qui fait plus d’un million 200 mille km et ne comptant que sur une armée de moins de vingt mille hommes. Cette armée reste confrontée a des difficultés relatives à la couverture administrative du territoire et dans la gestion de l’adversité découlant de la rébellion, mais aussi et surtout de la criminalité et du terrorisme. Cela fait qu’un pays pauvre comme le Mali, ne peut ni contrôler, ni maîtriser son territoire, encore moins la bande sahélienne qui couvre des centaines de milliers de kilomètres. Depuis le 27  juin, les groupes islamistes radicaux ont pris le contrôle de près de deux tiers du territoire malien.

    ⦁ Aussi, les rebelles visent deux principaux objectifs: cibler les grandes villes pour provoquer des déplacements massifs de populations et provoquer délibérément une crise humanitaire sans précédent au Mali.

    3. Les groupes armés présents au Nord du Mali  :

    ⦁ Le Mali est en présence d’un côté, le MNLA, branche politique qui revendique l’autodétermination du Nord Mali et d’un autre côté, les salafistes d’Ansar Dine qui ont des revendications plus religieuses que politiques, comme l’application de la Chariaa, sur l’ensemble du Mali. Enfin les Touaregs dont la rébellion n’est pas homogène.

    ⦁ Avec le soutien d’Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) et le Mouvement intégriste nigérian Boko Haram, les extrémistes religieux contrôlent les villes principales comme Gao et Tombouctou, épicentres des plus grands risques.

    ⦁ L’interaction des mouvements politico-religieux entre d’une part, le MNLA et le Front de Libération Nationale de l’Azawad (FLNA) et d’autre part, les salafistes d’Ansar Dine, le Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) et les fondamentalistes de Boko Haram, constituent un réel danger pour toute la zone sahélo-saharienne, où terrorisme et trafic de drogue dans cette zone se fait en toute impunité.

    4. L’option diplomatique ou militaire  pour contrer la crise malienne :

    ⦁ La crise malienne nécessite un dialogue politique et l’option militaire ne doit en pincipe intervenir qu’après l’épuisement de tous les recours politiques possibles. Cependant, dans le cas où le dialogue échoue avec la junte et le MNLA, l’Union Africaine et la Communauté internationale doivent soutenir l’option militaire prônée par la Communauté Économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pour rétablir l’intégrité territoriale du Mali.

    ⦁ Toutefois, pour éviter l’idée d’interventionnisme occidentale, la Communauté internationale doit mettre aux devant les troupes maliennes et de la CEDEAO, qui auront besoin de soutien logistique, comme les renseignements, la communication et la mobilisation des troupes et l’appui aérien pour leur progression dans les contingences du combat réel sur le terrain et afin d’assurer une victoire rapide et efficace.

    ⦁ Ainsi, toute action militaire doit se faire conformément à une stratégie politique en vue d’une réunification du pays. L’objectif de ce processus politique est de forger une vision nationale et inclusive pour l’avenir du Mali, ce qui exige une feuille de route pour la transition.

    ⦁ Tout processus politique au Mali doit permettre aux autorités de transition de s’engager dans des négociations avec les groupes rebelles du nord mais à condition de cesser tout contact avec les organisations terroristes et ce, conformément aux exigences de la résolution 2071 du Conseil de sécurité . Cette résolution donne 45 jours à la CEDEAO pour préciser les modalités d’une opération militaire, que le Conseil de sécurité se dit prêt à envisager.

    5. Les risques si la crise malienne perdure  :
    Si la crise malienne perdure :
    ⦁ Les divisions entre les différents centres du pouvoir à Bamako se multiplieront et s’approfondiront  ;
    ⦁ Les radicaux islamistes renforceront leurs positions locales et attireront des combattants étrangers  ;
    ⦁ Plus la crise fera partie du paysage international et plus elle se banalisera comme le cas des conflits de l’Afghanistan ou de la Somalie.

    II. Impact sur la sous-région sahélienne

    Le Sahel constitue un ensemble géopolitique cohérent  : plus la crise s’aggravera et plus elle affectera toute la région. Les principaux effets de la crise seront donc :

    ⦁ Le détournement de l’attention et des efforts des gouvernements  : les priorités politiques et économiques nationales seront relégué au second plan ;
    ⦁ La   diversion des ressources vers le sécuritaire au détriment de l’économique : achat d’armes, gonflement des effectifs des forces de sécurité… ;
    ⦁ Le découragement des investisseurs nationaux et surtout étrangers;
    ⦁ Une radicalisation des groupes et mouvements religieux par effet de contagion ou d’imitation et pour conserver leur espace  d’action. Des pays tel le que le Sénégal où les confréries sont puissantes peuvent être atteints ;
    ⦁ Une émergence de tensions et de suspicions entre états au Nord et au Sud du Sahel  ;
    ⦁ Le   ralentissement ou la suspension de l’aide internationale avec une priorité pour l’humanitaire.

    1. Position des pays dits du «  champ  »  :

    ⦁ L’Algérie, la Mauritanie, le Mali et le Niger sont les principaux pays acteurs concernés par la situation dans le Sahel  : l’Algérie, ayant elle-même connu le terrorisme islamiste dans les années 90 et disposant d’une armée puissante se prévaut d’un statut de leadership dans la sous-région sahélienne. Aucune solution viable ne pourrait être envisagée sans l’appui politique et militaire de cette dernière, notamment, pour ce qui est de la crise au Mali ou dans l’établissement d’une réelle coopération régionale dans la lutte contre les djihadistes au Sahel.
    ⦁ La Mauritanie quant à elle développe de bonnes relations avec tous ces partenaires dans la région  : préoccupée par les questions sécuritaires et de son intégrité territoriale, elle met l’accent sur la lutte armée contre les terroristes dans la région, mais ne souhaite pas intervenir militairement au Mali.
    ⦁ Le Mali est implicitement accusé par ces partenaires dans la région de laisser les réseaux djihadistes contrôler le nord du pays. ATT affirmait avant son renversement que l’AQMI n’était pas un problème malien et que par conséquent il ne pouvait lutter seul contre ce groupe.
    ⦁ Enfin, depuis l’élection du Président Mohamadou Issoufou en avril 2011, le Niger a réitéré sa volonté de lutter par tous les moyens contre le terrorisme islamiste dans la région, notamment en réglant si nécessaire la crise malienne par les armes. Le Niger jouit d’une certaine stabilité et d’une reconnaissance grâce à la réussite obtenue par les gouvernements précédents dans la négociation des crises avec les touaregs du Niger , alors que le Mali a échoué.

    2. Effets engendrés par les grandes crises politiques au Sahel  :

    ⦁ Circulation d’armes au Sahel
    ⦁ Il y a aurait  prés de 80 000 Kalachnikovs en circulation dans la région du Sahel (prix variant entre 200 et 300 euros l’unité). Selon l’ONG Oxfam,  prés de 640 millions d’armes légères sont disséminées à travers le monde, dont 100 millions en Afrique.
    ⦁ Selon l’OTAN, la trace d’au moins 10  000 missiles sol-air a été perdue en Libye post-conflit et d’après Human Rights Watch (HRW) après la fin du conflit libyen, la présence d’un arsenal de dizaines de milliers de tonnes de munitions de fabrication russe et française circule dans le Sahel.
    ⦁ Les inquiétudes les plus vives concernent les explosifs et les armes légères et de petit calibre  : une partie entre 800  000 à 1  000  000 d’armes légères seraient tombées entre les mains de l’AQMI.
    ⦁ Au nord du Niger, l’armée nigérienne aurait intercepté une importante quantité de Semtex (645 kilos) et 445 détonateurs et 11 000 munitions de différents calibres.
    ⦁ Début 2012, aux frontières algéro-nigériennes, un convoi a été intercepté disposant de 71 armes de guerre de type PM AK, 38 fusils mitrailleurs, 02 lance-roquettes de type RPG-7, 04 mitrailleuses, 05 fusils à lunettes ainsi que de 16 fusils mitrailleurs.
    ⦁ Un autre arsenal de guerre provenant de la Libye enterré dans le sable de la région désertique d’In Amenas aurait été découvert  : il comptait 15 missiles antiaériens de fabrication russe capable d’abattre des avions en plein vol, ainsi qu’une grande quantité de munitions.
    ⦁ Pour lutter contre le trafic d’armes au Sahel, certains Etats du Sahel ont lancé un certain nombre de programmes et d’initiatives pour sécuriser leurs frontières  : les mesures de sécurisation et les programmes de lutte contre le terrorisme et le trafic d’armes se sont donc multipliés, au niveau national ou régional.
    ⦁ Des initiatives nationales des pays concernés comme les services de sécurité d’Algérie, du Mali, du Niger et de la Mauritanie ont établi une liste de 26 trafiquants d’armes libyennes et ont lancé des mandats d’arrêt internationaux à leur encontre  : ils seraient originaires des pays du champ mais aussi des pays voisins comme le Tchad, le Nigeria, le Sénégal, le Burkina-Faso et bien sûr la Libye.
    ⦁ Le Mali quant à lui opté pour une nouvelle approche qui consiste à racheter des armes des militaires maliens qui étaient dans les rangs de Kadhafi en Libye. A cette fin, il a été établi une structure dans le nord du pays qui a pour mission de centraliser ces actions pour permettre d’éviter une dispersion dans les mains des indépendantistes.

    ⦁ Ce model a poussé le président nigérien récemment élu, à prendre soin de s’attacher aux Touaregs nigériens, eux aussi rentrés par milliers, bien armés et entraînés, en nommant l’un de leurs chefs Touaregs comme chef de gouvernement pour éviter une nouvelle révolte.
    ⦁ Réfugiés et déplacés

    ⦁ Aujourd’hui prés de 436.000 personnes déplacées ou réfugiées ont fui à cause de la crise au Mali depuis le début des attaques contre l’armée malienne dans le Nord. Ce total comprend 261.624 réfugiés maliens enregistrés dans les pays voisins par le Haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés, et 174.000 maliens déplacés internes.
    ⦁ Tombouctou, Gao et Kidal, occupées par des islamistes armés comptent le plus de déplacés internes soit 105.000 personnes (plus de 60%). Elles sont suivies de Mopti (centre) comptant 32.500 déplacés, le reste étant réparti entre les autres villes et régions du Sud.

    ⦁ La crise humanitaire au Sahel

    ⦁ La région sahélienne est à une sévère crise alimentaire et nutritionnelle  : environ 15,6 millions de personnes sont déjà touchées par l’insécurité alimentaire et plus d’un million d’enfant souffre de malnutrition aiguë. Le Burkina Faso, le Tchad, le Mali, la Mauritanie, le Niger et l’Algérie ont déclaré l’état d’urgence et demandé une aide internationale. 20 millions d’euros serait nécessaire pour venir en aide aux victimes de cette crise.

    Pays Nombre de personnes
    Niger 5,5 millions
    Mali 3,5 millions
    Burkina Faso 2,85 millions
    Tchad 1,6 millions
    Sénégal 850 000
    Mauritanie 700 000
    Gambie 600 000
    Total 15,6 millions

    Personnes souffrant d’insécurité alimentaire – Répartition par pays

    ⦁ L’Impact de la crise en Côte d’Ivoire et en Libye et le retour massif de travailleurs migrants vers leur pays d’origine dans la région du Sahel, ont joué un rôle dans cette crise alimentaire. Le Niger et le Tchad sont les pays les plus touchés par les retours des migrants où le nombre de rapatriés est estimé à 103 297 personnes au Niger et à plus de 50 000 personnes au Tchad. Par ailleurs environ 3 millions de personnes dans le Sahel seraient directement touchées par la crise libyenne.
    ⦁ Du fait de la détérioration des conditions de sécurité au Sahel, il est devenu plus difficile pour les organismes des Nations Unies et leurs partenaires humanitaires de se rendre auprès des populations et de mener à bien leurs opérations.
    ⦁ Dans certaines zones isolées, privées d’assistance humanitaire en raison de l’insuffisance ou de l’absence de services de l’Etat, des organisations criminelles comme l’AQMI se chargent de fournir des services et une aide humanitaire. Cette situation pourrait permettre à AQMI de recruter davantage et de développer des réseaux locaux d’informateurs et de fournisseurs d’armes.
    ⦁ Criminalité transnationale organisée et trafic de drogues au Sahel
    ⦁ L’apparition récente de drogues parmi les articles faisant l’objet de contrebande et de trafic vient accroître encore les inquiétudes, compte tenu de leurs effets déstabilisateurs sur la région.
    ⦁ La zone du Sahel est devenue la plaque tournante du trafic de drogue en provenance de l’Amérique latine  : le Sahel étant un vaste espace dont le contrôle effectif échappe aux pays de la zone. 46 tonnes de drogue ont été saisies entre 2005 et 2008 à destination de l’Europe. Aujourd’hui, pas moins de 50 tonnes de cocaïne transitent tous les ans par ce canal. La Mauritanie, le Mali, la Guinée, le Niger et le Nigeria sont les plus touchés.

    ⦁ AQMI est impliquée  : une part du trafic de drogue alimente le budget du groupe terroriste en assurant la protection de la marchandise dans la zone du Sahel contre de fortes sommes d’argent pour financer son mouvement dans la région.
    ⦁ Impact sur l’économie
    ⦁ Après la Côte d’Ivoire, c’est au tour du Mali, connu jusqu’alors comme modèle de démocratie en Afrique de connaître une crise sans précédent. Pays enclavé avec des difficultés propres aux pays sahéliens, le Mali connait une récession sans précédent. L’économie malienne qui devait connaitre une croissance de 5.4% cette année, aura certainement une croissance négative (-1.2%) suite aux conséquences du coup d’état.
    ⦁ Les pertes d’emplois subséquentes aux fermetures d’entreprises, l’assèchement des revenus fiscaux, la détérioration des échanges extérieurs et la réduction de la production agricole ont entraînés une augmentation des prix des denrées de base, ainsi que des difficultés d’approvisionnement.
    ⦁ Les   fonds gelés par l’UEMOA, la BAD et la BOAD ajoutés à la suspension de financement de  certains projets de développement représentent plus de la moitié du budget national.
    ⦁ Les sanctions adoptées par la CEDEAO et par les pays voisins pour faire plier la junte ont contribué à aggraver la situation  : plus de 10% du budget devait provenir de la BCEAO, plus de 70% des biens de consommation doivent transiter par les pays frontaliers. Aussi, tout durcissement de mesures (conditions d’octroi de crédit de la BCEAO, embargo de la CDEAO, etc…) affecte négativement les conditions de vie des Maliens surtout ceux vivant dans le nord du pays.

    ⦁ Le risque d’une «  Afghanisation  » du Sahel
    ⦁ Parmi les différents groupes armés présents au nord du Mali, ce sont les groupes islamistes qui se sont imposé  : l’AQMI a déjà mis en place des camps d’entraînement dans le Nord-Mali. Son objectif est d’y instaurer «  un émirat islamique  » dans lequel les djihadistes marginalisés dans leur pays viendraient pour s’entraîner dans des structures beaucoup plus importantes, comme celles existant en Afghanistan.
    ⦁ Sur le long terme, l’AQMI veut créer une nouvelle base d’Al Qaida en Afrique pour organiser des attentats en Occident ou contre les intérêts occidentaux. A cet effet, le président nigérien Mahamadou Issoufo aurait affirmé qu’il aurait des djihadistes afghans, pakistanais (étrangers au Mali) et qui entraîneraient des groupes terroristes sur place.
    ⦁ D’un autre côté, le groupe Ançar Dine serait bien plus puissant au Mali, que les forces d’AQMI  : son objectif se limiterait à l’instauration d’un Etat islamique appliquant la Chariaa dans le pays.
    ⦁ La présence d’islamistes au nord du Mali pourrait également inciter d’autres rébellions dans la région du Sahel  : AQMI et Ançar Dine pourrait se constituer en assise au Burkina.
    ⦁ Les pays voisins redoutent surtout que la revendication d’indépendance des touaregs maliens ne fasse des rivaux dans leur propre pays  : l’Algérie, la Mauritanie, le Niger et le Burkina compterait entre 10 et 30  % de touaregs.
    ⦁ La CEDEAO a demandé au Conseil de sécurité de l’ONU d’autoriser une option militaire et se dit prête à envoyer entre 2 000 et 3 000 hommes, même si elle ne dispose pas de bras armé organisé. Mais une intervention armée ne ferait qu’empirer la situation car elle déstabiliserait davantage le Sahel, accélérera la scission du Mali, ce qui profiterait à l’AQMI.

    III. Réaction marocaine

    1. Fondements de la position marocaine

    Le Maroc  :

    ⦁ Estime que l’urgence doit porter sur le recouvrement par le Mali de son intégrité territoriale et sur la lutte contre les activités terroristes et criminelles commises à l’encontre des populations du pays et de la région sahélienne en général, tout en restant focalisé sur la nécessité d’aider et de soutenir les pays sahélien à renforcer leurs institutions sécuritaires pour assurer une meilleure gestion de leurs frontières et faire face au terrorisme, au crime organisé transnational et aux trafics de tous genres  ;
    ⦁ Soutien la mise en place d’une stratégie globale et intégrée pour la région du Sahel, qui pourrait permettre la mise en place de mesures permettant de relever les défis sécuritaires, humanitaires et de développement sur le court, moyen et long terme dans la région du Sahel  ;
    ⦁ Encourage la recherche d’une solution politique et pacifique, qui reste le moyen le plus approprié au règlement de la crise malienne  ;
    ⦁ S’oppose à toutes formes d’intervention militaire au Mali  (cette position va à l’encontre la position défendue par les membres de la CEDEAO qui exhortent l’ONU à approuver le déploiement d’une force de paix africaine dans le nord du pays);
    ⦁ Reste préoccupé par la situation au Sahel et plus particulièrement au Nord du Mali, concernant les violations des droits de l’Homme, telles que les exécutions sommaires, la torture, les châtiments cruels, les recrutements d’enfants soldats, les violences à l’égard des femmes  ;
    ⦁ Pense que les effets de la crise libyenne n’ont fait qu’exacerber cette situation, alors que des initiatives louables ont vu le jour pour faire face aux défis sahéliens, d’où la nécessité d’asseoir une coopération régionale accrue afin de faire face aux problèmes structurels  ;
    ⦁ S’engage à suivre de près la situation humanitaire dans la région et ne ménagera aucun effort pour assister les réfugiés, jusqu’au rétablissement de la paix et de la stabilité dans la région du Sahel.

    Le Maroc  en tant que pays africain membre non-permanent du Conseil de Sécurité :

    ⦁ Soutien l’adoption par le C.S de l’ONU de la Résolution 2056 sur la situation au Mali, qui appelle les Etats du Sahel et du Maghreb à intensifier leur coopération en vue de lutter contre les activités de l’AQMI et des groupes qui y sont affiliés dans la région du Sahel  ;
    ⦁ A co-parrainé l’adoption par le C.S de l’ONU de la Résolution 2071 autorisant le déploiement d’une opération africaine au Mali (après concertation avec la CEDEAO), avec pour objectif de permettre aux maliens de recouvrer leur souveraineté et l’intégrité de leur territoire et de lutter contre le terrorisme international  ;
    ⦁ Favorablement accueilli la désignation par le SG de l’ONU d’un envoyé spécial des N.U pour le Sahel et dont la mission sera basée sur l’accompagnement des efforts entrepris par la CEDEAO et par le Mali, pour trouver une solution à la question sécuritaire au Sahel et une issue pacifique à la sortie de crise  ;
    ⦁ Appelle la communauté internationale à porter une attention particulière aux défis socio-économiques et à la question du développement humain, auxquels doivent faire face les pays sahélo-sahariens et les Etats ouest africains.

    2. Sur le plan politique  :

    Le Maroc réitère sa disposition à poursuivre les efforts en matière d’aide et d’assistance en vue de contribuer à la restauration de la paix et de la sécurité dans la région du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest et ce, à travers les initiatives suivantes  :

    – Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) 

    Le Maroc soutien les efforts de la CEDEAO visant à trouver une solution politique et pacifique à la crise malienne, sans intervention militaire.

    – Conseil exécutif de la Communauté des Etats sahélo-sahariens (CEN-SAD)

    Le Maroc soutien les efforts de la CEN-SAD en matière de lutte contre le terrorisme, le trafic de drogue et d’armes, et le crime organisé dans la région du Sahel (session extraordinaire du Conseil exécutif de la CEN-SAD tenue à Rabat dernièrement 2012). Il encourage également la recherche de solutions agissantes pour relever les défis de la région sahélienne, toujours dans le cadre de la CEN-SAD.

    ⦁ Conférence régionale pour la sécurité aux frontières

    ⦁ Le Maroc réitère sa volonté a intensifier la coopération régionale, notamment a travers l’examen des problèmes de sécurité dans la région, dont la prolifération et le trafic d’armes transfrontaliers, le terrorisme, le trafic de stupéfiants, l’immigration clandestine, le crime organisé transfrontalier et le trafic de migrants  ;
    ⦁ Le Maroc encourage également la consolidation du dialogue stratégique, l’échange d’expertises et d’informations, ainsi que la coordination opérationnelle dans le domaine de la sécurité frontalière.

    – Conférence ministérielle des Etats d’Afrique riverains de l’Atlantique

    Le Maroc encourage les synergies interrégionales traitant des questions à caractère sécuritaire entre les différentes organisations présentes dans l’espace ouest africain. Le pays soutien une coopération élargie basée sur le principe de responsabilité partagée, nécessaire pour trouver des solutions concrètes à la menace du crime organisé. 

    3. Sur le plan humanitaire  :

    ⦁ Le Maroc très présent sur le terrain, exprime sa profonde préoccupation quant à la détérioration de la situation humanitaire dont souffre un grand nombre de déplacés civils, en provenance notamment du Nord du Mali  ;
    ⦁ La crise au Nord du Mali a aggravé la sécurité alimentaire dans la région sahélienne, déjà désastreuse en raison des sécheresses et des aléas climatiques. D’importantes aides humanitaires ont été acheminés au profit de réfugiés maliens en Mauritanie, au Niger et au Burkina Faso sous forme de denrées alimentaires et de produits pharmaceutiques  (46 tonnes de denrées alimentaires au Niger et 50 tonnes de produits alimentaires et pharmaceutiques au Burkina Faso).

    Nadia El Mahjoubi
    Secrétariat Général
    Ministère des Affaires Étrangères et de la Coopération du Royaume du Maroc
    Tel:  00212 37 67 60 39
    Fax: 00212 37 66 01 28
    Poste: 6039

    P.S.: Note envoyée au MAEC le 31 octobre 2013

    #Mali #Sahel #Niger #Mauritanie #Algérie #MNLA #FLNA #CEDEAO #CEMOC #MUJAO #AlQaida

  • L’alliance stratégique entre le terrorisme et l’impérialisme

    L’alliance stratégique entre le terrorisme et l’impérialisme

    Mali, Sahel, Burkina Faso, Niger, djihadistes, terroristes,

    Editorial du 12 août 2022

    Les organisations terroristes d’Al Qaida et de l’Etat Islamique, s’entendant soudain comme larrons en foire, concentrent actuellement leurs coups les plus durs et les plus tordus contre l’armée et le peuple maliens. Alors que ces derniers jours, un calme plat relatif semble régner au Burkina Faso, au Niger, où Al Qaida et l’Etat Islamique ont pourtant leurs tentacules meurtrières bien étendues, le Mali est devenu le point focal de la violence terroriste. Comment expliquer cette concentration des attaques contre le Mali, dans une zone des Trois frontières pourtant infestée des brigands soutenus par les deux grandes organisations terroristes mondiales parrainées par les monarchies du Moyen-Orient, elles-mêmes alliées notoires de la coalition occidentale ? La réponse à cette question se trouve dans la maîtrise parfaite de deux autres questions : a) La nature de l’agression subie par l’Afrique depuis 2011 ; b) la différence de nature entre le régime politique du Mali Kura, dirigé par le Président GoÏta et les régimes politiques du Burkina Faso et du Niger.

    Derrière le jihadisme, terrorisme et impérialisme alliés au Sahel

    Abordons donc la première sous-question. De quelle nature est l’agression terroriste que l’Afrique, et notamment la bande sahélienne subit depuis 2011 ? En apparence, il s’agit d’une agression jihadiste. L’Etat Islamique et Al Qaida aimeraient, nous claironne-t-on, imposer aux peuples africains leur conception radicale de l’Islam. Ce serait donc pour imposer une civilisation de la Charia que les terroristes tueraient musulmans africains, chrétiens africains et traditionnalistes africains, sans distinction. Mais lorsqu’on analyse ce jihadisme africain de façade en profondeur, on découvre qu’il n’a pas de but proprement religieux, au sens de la transformation spirituelle de l’humain dans le but de la sainteté, de la bonté et de la piété, signes de la vraie soumission au Tout-Puissant Créateur de tous les êtres. Les soi-disant combattants du Califat se droguent, violent, tuent sans pitié et ne prient que quand leurs cerveaux frelatés font mine d’oublier leur propre méchanceté.

    En réalité, ce ne sont pas des musulmans qui attaquent l’Afrique, mais bien plutôt des terroristes aux ordres de Chefs bandits, pirates du désert, trafiquants de drogues, marchands d’esclaves, preneurs d’otages, exécuteurs de sales besognes de manipulateurs géopolitiques tapis dans l’ombre. Une simple analyse de la structure hiérarchique de l’Etat Islamique et d’Al Qaida nous conduit directement vers leurs puissances parraines notoires : l’Arabie Saoudite et le Qatar et d’autres monarchies du Moyen-Orient non moins concernées par cette étonnante bienveillante envers les pires criminels de ce temps. Or les monarchies du Moyen-Orient qui parrainent et financent[1] ces organisations sont les plus grandes et fidèles puissances alliées de l’Occident, qui leur fournit armes lourdes et munitions, en échange de leurs richesses pétrolières. Il s’ensuit, de manière nécessaire, que les puissances moyen-orientales et les puissances occidentales sont étroitement impliquées dans la dévastation actuelle du Sahel[2]. Le jihadisme sahélien n’est en fait que le cache-sexe de l’alliance stratégique entre le terrorisme et l’impérialisme.

    La destruction de la Libye, par la coalition occidentale de l’OTAN en 2011, avec en prime l’assassinat assumé de Mouammar El Kadhafi, a été opérée dans un plan de déstabilisation continentale que reflètent bien les propos du Président Macron dans une interview accordée au Figaro en juin 2017. Voici comment le site web derechos rapporte ces propos :

    « Le Président français Emmanuel Macron a qualifié d’erreur la participation de la France à l’intervention militaire en Libye en 2011. La France a été le premier pays à porter une frappe aérienne contre des objectifs militaires libyens, suivie le même jour par le Royaume-Uni et les États-Unis.

    La participation des Forces armées françaises à l’opération militaire en Libye en 2011 a été une erreur et la France doit éviter ce scénario en Syrie, a déclaré mercredi le Président français Emmanuel Macron dans une interview accordée à huit médias européens (Le Figaro, Suddeutsche Zeitung, Le Soir, The Guardian, Corriere Della Serra, El País, Gazeta Wiborcza et Le Temps).

    «Avec moi, ce sera la fin d’une forme de néo-conservatisme importée en France depuis dix ans. La démocratie ne se fait pas depuis l’extérieur à l’insu des peuples. La France n’a pas participé à la guerre en Irak et elle a eu raison. Et elle a eu tort de faire la guerre de cette manière en Libye. Quel fut le résultat de ces interventions? Des États faillis dans lesquels prospèrent les groupes terroristes. Je ne veux pas de cela en Syrie», a indiqué le Président Macron.

    Le 19 mars 2011, une coalition réunissant plusieurs pays occidentaux, dont la France, le Royaume-Uni et les États-Unis, a opéré des frappes aériennes sur les troupes du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. Le 31 mars, ces raids ont été placés sous le commandement de l’Otan. Le but déclaré de l’opération internationale baptisée «Protecteur unifié» était d’assurer l’embargo sur les livraisons d’armes au régime libyen, de faire respecter la zone d’exclusion aérienne et de protéger les populations civiles.

    Des hostilités entre groupes armés rivaux ont éclaté en Libye suite au renversement et à l’assassinat de Mouammar Kadhafi en 2011. La plupart des pays occidentaux ont évacué le personnel de leurs missions diplomatiques de Tripoli. La Libye a été plongée dans le chaos politique où jusqu’alors oeuvraient deux parlements. Le pouvoir dans le pays est revendiqué d’une part par le parlement, qui a remporté les élections et siège à Tobrouk, et d’autre part par le Congrès général national siégeant à Tripoli à la tête duquel on trouve le Premier ministre islamiste Omar al-Hassi. Le groupe terroriste Daech opère activement dans le pays, dont plusieurs régions échappent au contrôle des autorités centrales. »[3]

    Le néoconservatisme évoqué par le Président Macron en juin 2017, c’est la doctrine américaine de l’America First, l’obsession de la Destinée Manifeste[4], du monde unipolaire dominé par les Etats-Unis, dont l’OTAN est l’instrument militaire mondiale. C’est donc pour soumettre l’Afrique à l’hégémonie de l’Occident et notamment de la grande puissance américaine que la Libye a été détruite et le Sahel déstabilisé. Il s’agissait d’imposer par un chaos maîtrisé la suprématie militaire, économique et politique de l’Occident sur une Afrique dont les richesses stratégiques importent infiniment plus pour la consolidation de l’hégémonie occidentale que les centaines de millions de personnes africaines.

    La différence de nature entre les régimes malien, nigérien et burkinabé

    On l’aura donc bien compris. Tous les régimes africains qui ont accepté de s’accommoder de la destruction de la Libye et du repositionnement des armées de l’OTAN – et notamment de l’armée française- sur le continent, vivent désormais sous l’emprise d’un chaos relativement maîtrisé. L’aide à la lutte contre le terrorisme ne vise pas à anéantir le terrorisme, mais bien plutôt à le stabiliser, comme une piqûre de rappel, une épée de Damoclès pendant sur la tête des Africains, et obligeant les Etats à se soumettre aux conditions de coopération économique, sécuritaire et politique, dictées par l’Occident.

    Les régimes au pouvoir au Niger, au Burkina Faso, issus de coups d’Etat réactionnaires civil et militaire, se sont soumis à cette donne. Bien que leurs dirigeants aient parfaitement compris que c’est la destruction de la Libye qui a engendré, par effet de dominos tout à fait prévu par les assaillants, le chaos relatif qui règne dans toute la bande sahélienne. Mohamed Bazoum, alors ministre du Président nigérien Issoufou, a témoigné d’une scène célèbre de débat entre les présidents Issoufou et Obama, le premier avertissant le second que si la Libye était attaquée, le Sahel et toute l’Afrique seraient déstabilisés. La réponse de Barack Obama fut sans appel, selon le témoignage de l’actuel président du Niger. Obama trancha sec devant un Issoufou médusé : « We will finish the job » ; « Nous allons finir notre travail »[5]. De telle sorte que l’ensemble des pays africains qui combattent aujourd’hui le terrorisme en s’appuyant sur les puissances impérialistes occidentales qui ont détruit la Libye et déstabilisé le Sahel savent que cette coopération est une éternelle impasse, car la Coalition otanienne ne peut pas définitivement combattre un chaos qu’elle a elle-même sciemment organisé pour se rendre indispensable aux africains.

    Or, le régime malien, issu d’un coup d’Etat révolutionnaire parachevant une révolte populaire, du Président Assimi Goita a refusé d’accepter cette impasse. Lutter contre le terrorisme en s’appuyant sur les impérialistes qui ont ouvert le chemin au terrorisme, c’est se prendre dans un serpent de mer. Fuir la pluie pour se cacher dans une rivière. Le Mali, depuis la révolution du M5-RFP jusqu’à l’annonce de son programme de Transition jusqu’aux élections de 2024, a choisi de s’allier à la Fédération de Russie et à la Chine, réputées n’avoir par participé à la déstabilisation de l’Afrique dans son histoire récente comme dans son histoire longue.

    Ainsi, vous venez de comprendre pourquoi les coups des terroristes, mais aussi l’hostilité des impérialistes occidentaux, à l’instar de la déclaration menaçante de 16 pays occidentaux le 23 décembre 2021[6], se concentrent aujourd’hui contre le Mali. Le duo Iyad Ag Ghali et Amadou Koufa au nord et au centre du Mali, opère dans un environnement favorable à la chute du régime malien. Les bases-arrières des terroristes dans les pays ouest-africains favorables à la coalition qui a détruit la Libye et déstabilisé toute l’Afrique sont tout naturellement raffermies et consolidées. L’ambition ? Soumettre Goita et le Mali à l’imperium, car comme l’a ouvertement dit le Sénateur Français Christian Cambon , président de la Commission sénatoriale chargée de la Défense : « Je pense que le Mali payera très cher le fait de s’être séparé de manière aussi violente des forces françaises qui, pendant huit ans, ont assuré la souveraineté du pays »[7]

    Le scandale ici, c’est bien de reprocher au Mali de rompre avec une souveraineté par procuration pour vouloir s’assumer lui-même. Ainsi s’éclairerait le mystère de la concentration des coups durs des terroristes contre le Mali dans la très riche zone des 3 frontières[8]. Aux Etats soumis, est infligé le chaos maîtrisé et ainsi est assuré le contrôle par procuration de leur souveraineté économique, sécuritaire et politique. Aux Etats insoumis, est infligé par contre le chaos total, afin de les soumettre au principe de l’Ordre par le Chaos, du règne des maîtres du monde par la division instrumentale des peuples.

    L’Afrique[9] doit ainsi comprendre que la lutte actuelle contre le terrorisme est inséparable de sa lutte multiséculaire contre l’impérialisme oriental et occidental. L’Afrique doit prendre elle-même, par tous les moyens nécessaires et légitimes, le contrôle de ses terres, airs et mers, si les populations africaines veulent accéder à la pleine dignité anthropologique. Manifestement, c’est pour avoir pris cette résolution que le Mali paie cher. Mais, il y a deux façons de vivre et deux façons de mourir. Vivre et mourir dans l’indignité, c’est avoir vécu en vain et on ne laisse rien qui vive. Vivre et mourir dans la dignité, c’est avoir vécu pleinement et c’est se donner la possibilité de vivre toujours par son œuvre, ici-bas ou au-delà. La lutte émancipatoire africaine doit ainsi être assise sur une spiritualité profonde de la liberté et de la vie sensée, de la vie infinie.

    [1] Lire Samuel Laurent, L’Etat Islamique : organigramme, financements, filières, Paris, Seuil, 2014

    [2] Lire très utilement le livre d’Anne Poiret, Mon pays vend des armes, Paris, Les arènes, 2019. La journaliste montre en particulier l’incongruité de la vente d’armes par la France aux puissances criminelles du moyen-orient qui parrainent les organisations terroristes et qui sont des ennemies jurées du système démocratique.

    [3] https://www.derechos.org/peace/libya/doc/lby1982.html

    [4] https://les-yeux-du-monde.fr/actualites-analysees/amerique/23764-le-mythe-de-la-destinee-manifeste/

    [5] « « We are joined in our resolve to finish the job, » Obama said after talks with French President Nicolas Sarkozy at the G8 summit in the French resort of Deauville.

    But the US leader warned that the « UN mandate of civilian protection cannot be accomplished when Qaddafi remains in Libya directing his forces in acts of aggression against the Libyan people. » « We are joined in our resolve to finish the job, » Obama said after talks with French President Nicolas Sarkozy at the G8 summit in the French resort of Deauville.But the US leader warned that the « UN mandate of civilian protection cannot be accomplished when Qaddafi remains in Libya directing his forces in acts of aggression against the Libyan people. »

    [6] https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/mali/evenements/article/communique-conjoint-sur-le-deploiement-du-groupe-wagner-au-mali-23-12-21

    [7] https://actucameroun.com/2022/05/10/christian-cambon-senateur-francais-le-mali-payera-cher-le-fait-de-setre-separe-des-forces-francaises-video/

    [8] https://www.la-croix.com/Monde/Mali-zone-des-trois-frontieres-epicentre-violence-djihadiste-2022-08-11-1201228548

    [9] https://www.lopinion.fr/international/avec-le-depart-des-francais-du-mali-assimi-goita-prend-le-controle-des-airs

    Médiapart, 12/08/2022

  • La militarisation du Sahel ne rendra pas l’Europe plus sûre

    La militarisation du Sahel ne rendra pas l’Europe plus sûre

    Sahel, Union Européenne, UE, Mali, France, Barkhane, Burkina Faso, Takuba, Tchad, Niger,

    L’obsession de l’UE pour la sécurité au Sahel est le reflet de ses propres angoisses – et une trahison de ses valeurs.

    Par Delina Goxho, doctorante à la Scuola Normale Superiore, et Yvan Guichaoua, maître de conférences à la Brussels School of International Studies de l’université du Kent.

    Depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en Libye il y a 11 ans et la crise sécuritaire qui a suivi au Mali, l’Europe a accéléré le processus de repoussage des frontières de son voisinage immédiat au sud. Elle a engagé davantage de dépenses, lancé plus de programmes de développement et de stabilisation, et renforcé son empreinte militaire étrangère dans les pays du Sahel africain, en particulier le Mali, le Niger et le Burkina Faso, qui sont désormais considérés comme faisant partie du « seuil » de l’Europe. »

    Avant 2011, la région du Sahel était perçue par les décideurs européens comme une terre désertique éloignée, sujette aux sécheresses et ayant besoin d’infrastructures et d’aide humanitaire. Elle est désormais considérée comme la source d’une croissance démographique dangereuse, d’une migration indésirable et d’un extrémisme violent, et comme le terrain de prédilection de mercenaires russes cupides. Elle a donc été transformée en un laboratoire où l’Europe met en scène ses insécurités géopolitiques.

    L’Europe aime se considérer comme une puissance normative – un diffuseur mondial d’idées libérales par le biais de sa politique étrangère généreuse – mais chercher à freiner la migration dans des régions comme Agadez au Niger, insister sur le fait que le Sahel est un laboratoire pour les ambitions de l’Europe en matière de sécurité et de défense, et finalement permettre la militarisation de toute une région sont des politiques qui vont à l’encontre de la promotion des droits de l’homme, de l’égalité des sexes et des solutions diplomatiques aux crises.

    Pour faire face aux multiples crises dans la région, dont le Mali est l’épicentre, l’Union européenne et ses États membres ont mis en place un nombre considérable d’initiatives dans lesquelles la sécurité est la préoccupation primordiale.

    La stratégie européenne pour le Sahel 2021 met en avant une variété de menaces présumées, mêlant un peu tout : terrorisme international, flux migratoires incontrôlés, trafics illicites, instabilité politique et réchauffement climatique. Ces multiples menaces, regroupées dans un même panier éclectique, semblent représenter différents degrés de peur. Le pronostic d’un boom démographique africain (ou d’une « bombe à retardement », comme l’appellent de nombreux responsables européens) de jeunes hommes sans emploi, éventuellement radicalisés, qui alimenteront la prochaine crise migratoire, est considéré comme la principale menace pour la sécurité européenne. La pauvreté, le trafic de marchandises et le réchauffement climatique sont présentés comme des facteurs exacerbants.

    Le Sahel est présenté à Bruxelles comme un problème pour l’avenir de l’Europe. L’endiguement des migrations et la promotion de la collaboration européenne en matière de sécurité sont les principaux objectifs de l’UE. La guerre en Ukraine et l’expansionnisme diplomatique et militaire agressif de la Russie en Afrique – qui se manifeste par le déploiement de ses mercenaires au Mali et ailleurs sur le continent (principalement en République centrafricaine, mais aussi en Libye et au Soudan) – ont ajouté une nouvelle couche d’anxiété.

    Le Sahel est désormais aussi un terrain de jeu où des pays que l’Europe considère comme des concurrents stratégiques, tels que la Russie, la Chine et la Turquie, doivent être tenus en échec. Alors que des mercenaires du groupe russe Wagner tentent actuellement de séduire le régime militaire du Burkina Faso après avoir fait une percée au Mali, il est urgent de discuter à Bruxelles de l’accélération des moyens de dépenser la Facilité européenne de soutien à la paix, un instrument financier au nom ironique qui permettrait à l’UE de fournir des armes létales aux dirigeants sahéliens, pour relever le défi.

    La France, qui est intervenue militairement au Mali début 2013 après que les deux tiers du territoire du pays soient tombés aux mains des forces djihadistes, a demandé aux partenaires européens de se joindre à son aventure militaire, complétée par une aide au développement accrue. Une dynamique vertueuse – combinant fourniture de sécurité et développement – était censée suivre. Sur le plan militaire, l’effort de partage du fardeau s’est traduit par la Task Force Takuba, une coalition de volontaires intégrée à l’opération française Barkhane.

    L’objectif était d’offrir un encadrement plus étroit aux armées sahéliennes par le déploiement de forces spéciales tout en répartissant le coût financier et politique entre un plus grand nombre de participants. L’européanisation de l’interventionnisme était, selon le raisonnement français, un moyen de diluer les accusations de néocolonialisme et d’affirmer en même temps l’autonomie stratégique de l’Europe vis-à-vis de l’OTAN. La Task Force Takuba était de petite taille, mais elle était censée ouvrir la voie à des plans plus ambitieux en vue de la création d’une véritable défense européenne défendue par la France.

    Mais la Task Force Takuba a finalement pris fin avant de se concrétiser, tout comme la mission de formation spécifique de l’UE au Mali. Leur rejet par les autorités maliennes après un second coup d’État militaire en mai 2021 est la principale raison de leur arrêt. Près de dix ans d’efforts français de lutte contre le terrorisme, pour la plupart inefficaces, ont rendu l’interventionnisme occidental malvenu.

    Du côté européen, les choses ne se sont pas passées sans heurts non plus, l’unilatéralisme français ayant provoqué la frustration des partenaires européens. En outre, l’appétit de participer à l’aventure militaire était inégalement réparti. De nombreuses forces européennes sont intégrées dans la mission de maintien de la paix des Nations unies au Mali, et elles n’ont pas l’intention d’investir davantage de troupes, mais comptent plutôt sur des formes de participation militaire plus éloignées, telles que la puissance aérienne ou les missions de formation.

    L’adhésion à la coalition des volontaires était aussi principalement basée sur la diplomatie transactionnelle. Par exemple, l’Estonie n’a que peu d’intérêt pour le Sahel, mais elle tient à renforcer sa relation de sécurité avec la France en raison de ses propres inquiétudes concernant la Russie. Il est important de noter que les objectifs de la France en matière de lutte contre le terrorisme ne sont pas aussi importants pour plusieurs de ses partenaires européens, tels que l’Italie et l’Espagne, qui sont plus préoccupés par la migration, et l’absence d’accord sur un sujet aussi crucial semble avoir un effet fragmentant sur les efforts européens au Sahel.

    Paris dirait à Madrid : « Oui, le contre-terrorisme n’est pas votre objectif principal, mais je suis sûr que vous vous souciez de la migration – pourquoi n’envoyez-vous pas vos gendarmes pour endiguer les flux de migrants ? Cela contribuera également à mes objectifs de lutte contre le terrorisme. » Selon cette logique, tout le monde est politiquement gagnant – même si, sur le plan opérationnel, un patchwork désordonné d’initiatives de sécurité finit par être mis en œuvre.

    Alors qu’à Bruxelles, les responsables peuvent penser que les populations du Sahel ignorent totalement quels sont les objectifs de l’UE, les Sahéliens savent que les Européens ne sont pas là avec les mêmes objectifs qu’avant la crise malienne de 2012, à savoir le développement et la coopération. Ces jours-ci, l’ordre du jour est l’endiguement des menaces. L’accusation de néocolonialisme que la France voulait esquiver a été largement déviée vers l’Europe plus largement.

    L’opinion publique régionale, déjà bien versée dans les récits anti-impérialistes, approuve de plus en plus les théories du complot qui envahissent les médias sociaux sahéliens. Le rejet brutal de l’interventionnisme occidental par le Mali ne le fait pas disparaître. Désormais, l’opinion fermement ancrée selon laquelle le Sahel dans son ensemble est un problème de sécurité crucial signifie que les efforts de sécurisation européens doivent être placés sur les pays voisins.

    Mais les leçons maliennes ont-elles été tirées ? L’opération militaire française Barkhane va redéployer une version transformée d’elle-même au Niger, et il est également probable que la présence de la France y soit contestée. Même une approche légère pourrait ne pas suffire, car l’approche de guerre à distance choisie par les puissances occidentales entraîne des problèmes qui lui sont propres, tels que la saturation de l’aide militaire, la coordination, l’efficacité stratégique et la responsabilité. Ce qui est considéré comme de l’interventionnisme à distance dans les capitales européennes n’est pas perçu de cette manière au Sahel, où les donateurs et les troupes européennes provoquent une distorsion des dynamiques nationales et régionales.

    Une perception déformée du Sahel, qui met trop l’accent sur les menaces démographiques et sécuritaires pour l’Europe, a fait d’une certaine forme d’intervention européenne une nécessité aux yeux des décideurs européens. Les craintes à l’égard du Sahel ont augmenté à un point tel que la non-intervention est devenue impossible.

    Mais un catalogue de craintes ne devrait pas faire une politique – et l’histoire récente des relations entre l’Europe et le Sahel a jeté un doute sur les moyens efficaces d’intervenir. Compte tenu de la valeur que l’Europe a accordée à la région, un échec au Sahel pourrait plonger l’Europe dans un puits d’insécurité plus profond.

    Pour élaborer des politiques européennes efficaces, il faut reconnaître certaines réalités fondamentales. L’élaboration de politiques fondées uniquement sur les craintes européennes a peu de chances de répondre aux aspirations des Sahéliens à un changement significatif. L’époque de l’édification d’un État par l’étranger est révolue. La construction d’une future politique stable au Sahel nécessite des négociations locales auxquelles les insurgés peu libéraux devront peut-être participer. Pour ce faire, un espace civique ouvert et sain est nécessaire. À court terme, la réponse aux besoins humanitaires causés par la crise prolongée nécessitera une mobilisation importante de ressources, ce qui signifie également qu’il faut laisser les gens se déplacer.

    L’Europe peut apporter une aide significative et humble dans ces domaines, mais catastrophiser la région et la militariser davantage ne fera qu’empirer les choses.

    Foreign policy, 05/08/2022

    #Sahel #Mali #Union_européenne #UE #France #Barkhane #Takuba #Burkina_Faso #Tchad #Niger


  • L’Algérie remporte la bataille du Gazoduc Transaharien

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    L’Algérie a gagné une importante bataille gazière, pour devenir un acteur incontournable dans le club des ténors des pays exportateurs et producteurs du gaz, dans une conjoncture internationale marquée par la naissance d’un nouvel ordre mondial, dont la détention des matières premières demeure, l’arme-clé indispensable pour la préservation et la pérennité de l’Etat-nation.

    La signature ce jeudi 28 juillet, d’un mémorandum pour le lancement du projet du gazoduc Transsaharien reliant le Nigeria à l’Europe, via le Niger et l’Algérie, constitue une grande victoire de l’Algérie dans sa guerre contre les instruments de la néocolonisation, que sont le Makhzen, la 5ème colonne et aussi l’entité sioniste.

    La faillite de la propagande du Makhzen

    Algérie 54, avait dans plusieurs articles mis l’accent sur la mobilisation des instruments propagandistes du Makhzen, à l’instar des médias Jeune Afrique, Maghreb Intelligence, Africa Intelligence, Sahel Intelligence, Afrik.com, Afrique l’Adulte, Ecofin, et sieur Abdou Semmar et Algériepart. Un Abdou Semmar qui vit intellectuellement au dessus de ses moyens , un jour il va faire faillite. Abdou Semmar avait mené une campagne de dénigrement et de mensonges sur le dossier énergétique et sur les projets initiés par la Sonatrach, comme le Gazoduc TSGP, ou le non-renouvellement du contrat gazier avec le Maroc via le GME, ou bien le dernier contrat signé il y a quelques jours par la Sonatrach avec Eni, Occidental et Total.

    Un contrat de 4 milliards de dollars, portant sur le périmètre contractuel de Berkine (Blocs 404 et 208), situé à 300 km au Sud Est de Hassi Messaoud . Un contrat signé dans le sillage de nouvelles découvertes pétrolières et gazières, accordant à Sonatrach le droit de jouer un rôle pionnier sur le marché énergétique international.

    Lire aussi : Gazoduc Transsaharien: Le projet s’accélère

    Un investissement à court terme de l’ordre de 39 milliards de dollars

    Sur ce registre, il est primordial de souligner que le groupe Sonatrach prévoit d’investir une cagnotte de 39 milliards de dollars durant la période allant de 2022 à 2026, dont 8 milliards de dollars pour l’année en cours. Un investissement destiné en premier lieu vers l’exploration et la production, en vue de satisfaire la demande locale en hausse annuellement de 5% et de promouvoir les capacités productives orientées vers les exportations.

    «Nos capacités financières sont importantes et nous permettent de faire face à notre business plan», avait souligné le PDG de la Sonatrach Toufik Hakkar, lors d’une interview accordée à la chaîne AL24. Et d’ajouter : « La politique du groupe se base sur l’autofinancement. Mais les projets d’explorations dont l’investissement est risqué, nécessitant le recours à des partenariats». Sur ce registre, Sonatrach accorde la priorité au financement algérien, et au financement étranger, moins risqué.

    Les officines hostiles à l’Algérie, dans la tourmente

    La signature du mémorandum d’entente entre l’Algérie, le Niger et le Nigeria, a mis KO, ceux qui diffusaient le « mensonge » de la réalisation d’un gazoduc reliant le Nigeria à l’Europe via 15 pays dont le Maroc. La raison est simple, il s’agit du coût du projet, estimé aux alentours de 30 milliards de dollars, alors que le montant de la réalisation du gazoduc TSGP est estimé à 10 milliards de dollars. Par ailleurs, il faut noter, que la conjoncture internationale, marquée par la baisse d’approvisionnement de l’Europe, en gaz, suite au conflit ukrainien a pesé dans la balance de la concrétisation du projet du TSGP. Les arguments avancés sur la sécurisation du tronçon, ou le financement du projets par l’appareil propagandiste du Makhzen, ne sont que des élucubrations mises en ligne dans les temps morts, à l’instar de celles avancées par Africa Intelligence qui évoque des difficultés pour l’Algérie de financer le projet. Le ministre Algérien de l’énergie et des mines Mohamed Arkab avait souligné lors d’une interview accordée le mois dernier, au sérieux et crédible magazine allemand Der Spiegel, que l’Algérie est dans la capacité de financer le tiers du projet, appelant les autorités allemandes à y inscrire dans sa concrétisation.

    S’adressant aux allemands, Mohamed Arkab lancera un appel pour un partenariat mutuellement bénéfique, annonçant que l’Algérie a élaboré un programme ambitieux de 39 milliards de dollars pour accroître la production dans le secteur pétrolier et gazier d’ici 2026. Pour Mohamed Arkab, le gazoduc peut être achevé en trois ans et pourrait transporter 20 à 30 milliards de mètres cubes de gaz à partir du Nigeria.

    Les allemands sont bien entendus intéressés à plus d’un titre, après la baisse de l’approvisionnement en gaz russe, et la détermination de Berlin à rechercher d’autres sources d’approvisionnement. Les allemands ont même procédé à la formation d’unités nigériennes pour la sécurisation du tronçon en terre nigérienne, longue de 250 km. Outre les allemands, de nombreuses multinationales sont intéressées par le projet qui devrait exploiter un gigantesque gisement nigérian estimé 10% des réserves gazières du monde. Parmi, les firmes internationales, on y trouve Total, qui vient de signer un accord avec Sonatrach, Eni et Occidental pour l’exploitation d’un gisement au sud Algérien. Les chinois, russes, américains sont également intéressés au grand dam des propagandistes et leurs employeurs, dont les sionistes.

    L’échec grandissant de l’entité sioniste

    Comme nous l’avons souligné dans un précédent article intitulé: Entité sioniste: diversion au Maghreb et convoitise gazière de l’Eldorado du marché européen, les ambitions sionistes d’édifier une Palestine Occupée en terre marocaine, ne sont pas étrangères à la campagne mensongère du Makhzen, visant le projet du gazoduc TSGP. https://algerie54.dz/2021/11/27/entite-sioniste-gaz/?fbclid=IwAR2oGe8br7sd4H781nOBpXBSPSQQcA9hUVaWxjZXMqb6IlO4v6EBHPFI2fY.

    Les ambitions sionistes d’être un acteur-clé sur la scène internationale, au sujet du dossier du gaz, interviennent à l’occasion de la découverte du grand gisement (Leviathan), survenue peu après la découverte du gisement (Tamar2 ,bloc 9) au large de la ville palestinienne occupée Haifa,par un consortium mené par la compagnie américaine Nobel Energy. La découverte du grand gisement (Leviathan) d’une capacité de 460 Gm3, donnera des ailes aux sionistes pour intégrer le club des grands exportateurs du gaz. Cela ne devrait être effectif, qu’avec la réussite d’empêcher les autres, comme c’est le cas pour l’embargo imposé au gaz iranien, vénézuélien, ou des tensions géopolitiques, comme c’est le cas au Maghreb. Les dirigeants sionistes tentaient de profiter du conflit ukrainien et les sanctions occidentales imposées à la Russie, pour se positionner sur l’échiquier. Tout d’abord en soutenant son partenariat avec Chypre, membre de l’Union Européenne, via l’adaptation des textes législatifs, permettant une intrusion rapide du marché européen.

    L’exploitation du champ gazier de Karish, un exemple édifiant

    La détermination sioniste à mettre la main sur le gisement gazier offshore Karish, située dans une zone maritime à contentieux entre le Liban et l’entité sioniste, illustre bien la gabegie et la prédation du régime d’Apartheid. L’Algérie par le biais de la Sonatrach pourrait aider les libanais à exploiter cette ressource énergétique, en vue de subvenir à leurs besoins, et par voie de conséquence rendre la monnaie aux sionistes qui ne lésinent pas sur les moyens pour piétiner les actions algériennes en faveur de la paix et du développement socioéconomique en Afrique.

    Algérie54, 31/07/2022

    Lire aussi : Algérie-Nigeria: Le gazoduc Transaharien devient une réalité

    #Maroc #Algérie #Nigeria #Niger #Gaz #Transaharien

  • Gazoduc Transsaharien: Le projet s’accélère

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    Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a reçu, jeudi dernier à Alger, le ministre d’Etat nigérian des Ressources pétrolières, Timipre Sylva, et le ministre nigérien de l’Energie et des Energies renouvelables, Mahamane Sani Mahamadou.

    L’audience s’est déroulée au siège de la présidence de la République, en présence du directeur de cabinet à la présidence de la République, Abdelaziz Khellaf, et du ministre de l’Energie et des Mines, Mohamed Arkab. Dans une déclaration à l’issue de l’audience, le ministre nigérien a réitéré l’«engagement personnel» du président Mohamed Bazoum pour «mener à bien» ce projet qui a «une importance capitale pour nos trois pays (Algérie, Niger, Nigeria)». Il a, en outre, relevé que sa rencontre avec le président Tebboune a été l’occasion de lui faire un compte rendu des échanges qu’il a eus avec ses homologues de l’Algérie et du Nigeria.

    «C’est la 3e fois que nous nous retrouvons après la rencontre de Niamey en février et celle d’Abuja en juin, et nous sommes très optimistes», a-t-il souligné. Il a, à ce propos, fait savoir que «les travaux de la task force qui a été mise en place à l’occasion de la réunion d’Abuja avancent très bien», ajoutant avoir reçu «les encouragements du président Tebboune». De son côté, le ministre nigérian des Ressources pétrolières, Timipre Sylva, a réitéré la volonté de son pays d’œuvrer pour la concrétisation dans «les plus brefs délais» du projet du gazoduc transsaharien devant relier les gisements gaziers du Nigeria, via le Niger, au réseau algérien.

    «Nous faisons en sorte que ce projet avance rapidement, car cela permettra de régler des problématiques liées à la sécurité énergétique», a déclaré le ministre nigérian à l’issue de l’audience. Tout en rappelant que la réalisation de ce projet, lancé en 2009, a pris «beaucoup de temps», le ministre nigérian a assuré que son pays «a d’ores et déjà entamé la construction de ce pipeline sur son territoire».

    Il a affirmé, à ce titre, que l’Algérie a, de son côté, «entamé plusieurs travaux dans ce sens», se félicitant de l’adhésion du Niger à ce projet. «Le Niger rejoint nos efforts» pour la concrétisation de ce projet, a-t-il affirmé.

    Signature d’un mémorandum d’entente

    Les travaux de la 3e réunion ministérielle tripartite Algérie-Niger-Nigeria, tenue jeudi dernier à Alger, sur le projet du gazoduc transsaharien (TSGP) ont été sanctionnés par la signature d’un mémorandum d’entente entre les trois parties.

    Le mémorandum d’entente, nouveau pas vers la concrétisation du projet, a été cosigné par le ministre de l’Energie et des Mines, Mohamed Arkab, le ministre d’Etat nigérian des Ressources pétrolières, Timipre Sylva, et le ministre nigérien de l’Energie et des Energies renouvelables, Mahamane Sani Mahamadou, en présence du PDG du groupe Sonatrach, Toufik Hakkar.

    Dans une déclaration à la presse au terme de la signature du mémorandum d’entente au Centre international des conférences Abdellatif-Rahal (Alger), Arkab a indiqué que «le document signé vise à aller de l’avant dans la réalisation du projet du gazoduc transsaharien». Cela implique de poursuivre la mise en œuvre de tous les programmes tracés pour la réalisation du projet, notamment l’élaboration des études et des différents aspects liés à la réalisation, a-t-il dit, ajoutant que «les trois pays ont convenu de faire aboutir le projet dans un court délai».

    «La réunion d’Alger revêt une grande importance et porte sur un projet stratégique», a-t-il précisé, rappelant qu’elle «intervient après deux précédentes réunions tenues à Niamey et Abuja, où plusieurs décisions ont été prises, notamment la mise en place d’une équipe technique et d’une commission de contrôle de haut niveau, chargées de l’élaboration et de l’actualisation de toutes les études techniques et financières, ainsi que les études de faisabilité relatives à la réalisation de ce projet».

    Un tracé de plus de 4.000 km

    Concernant la réunion d’Alger, Arkab a indiqué que les trois parties avaient examiné, ce jeudi, le rapport détaillé du comité technique et du comité de suivi, avant la signature du mémorandum d’entente. Pour sa part, le ministre d’Etat nigérian des Ressources pétrolières, Timipre Sylva, a déclaré que la réunion d’Alger «se veut une attestation de l’engagement de l’Algérie, du Niger et du Nigeria à concrétiser ce projet», ajoutant que «la signature du mémorandum d’entente dénote la volonté des pays africains à mener une action commune pour la réalisation des mégaprojets».

    «Nous nous sommes rencontrés en juin dernier à Niamey puis à Abuja et aujourd’hui à Alger, où nous avons signé un mémorandum d’entente pour œuvrer ensemble à concrétiser ce projet», a poursuivi Sylva.
    S’exprimant à l’occasion, le ministre nigérien de l’Energie et des Energies renouvelables, Mahamane Sani Mahamadou, a indiqué qu’après trois rencontres entre les trois pays, «nous sommes très optimistes quant à l’état d’avancement du projet», notamment après la constitution du comité technique chargé de l’élaboration des études de faisabilité lié au TSGP. Sani Mahamadou a estimé que la coopération de son pays avec l’Algérie et le Nigeria témoigne de la capacité des pays africains à coopérer pour réaliser des projets en faveur du continent africain. Le TSGP est un mégaprojet de transport de gaz reliant les trois pays sur un tracé dépassant les 4.000 km.

    Horizons, 30/07/2022

    #Algérie #Nigeria #Niger #Gazoduc #Transaharien #Gaz

  • Transsaharien: l’Algérie abrite ce jeudi une importante réunion

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    L’Algérie abrite ce jeudi la 3e réunion interministérielle consacrée au projet du Gazoduc transsaharien , a annoncé le ministère de l’Energie et des Mines dans un communiqué.

    Les ministres de l’Algérie, du Nigeria et du Niger se réuniront à Alger pour la 3e fois en quelques mois pour discuter des avancées de ce projet stratégique, devant relier les 3 pays sur une longueur de 4.000 km et permettre le transport de « plusieurs milliards » de m³ de gaz.

    Cette rencontre « sera l’occasion d’examiner l’ensemble des aspects du projet, notamment, l’état d’avancement de la mise en œuvre de la feuille de route arrêtée à Abuja et ce, dans le cadre des travaux de la Task Force composées des experts des trois pays », explique le ministère dans son communiqué.

    Les trois parties avaient convenu lors de la dernière réunion organisée dans la capitale Abuja de poser les «premiers jalons», à travers une étude technique de faisabilité du projet dans le cadre de l’intensification des efforts des pays concernés, pour la concrétisation les «plus brefs délais», pour un coût de 13 milliards de dollars.

    Selon les premières estimations la durée de réalisation de ce projet serait de 36 mois (03 ans). La future structure permettrait de transporter 20 à 30 milliards de mètres cubes de gaz depuis le Nigeria.

    Un timing inespéré

    Ce sérieux coup d’accélérateur au projet du gazoduc transsaharien intervient dans un contexte d’envolée des prix du gaz en Europe, suite aux restrictions russes de 20 % sur les livraisons de gaz via le gazoduc Nord Stream. Une situation qui pousse les Etats membre de l’UE à chercher d’autres solutions viables pour satisfaire leurs besoins en gaz naturel.

    Le ministre du Pétrole du Nigeria, Timber Silva, avait d’ailleurs révélé vendredi dernier qu’il se rendrait en Algérie pour discuter du projet de gazoduc transsaharien (TSGP). Une annonce faite alors qu’il recevait une délégation de l’UE, composée de membres du département de l’énergie de la Commission européenne.

    Un représentant de l’UE avait déclaré que sa visite au Nigeria s’inscrivait dans le cadre d’un effort visant à établir un nouveau partenariat durable et une nouvelle campagne d’investissement dans le pays, en réitérant l’engagement de l’UE à «faire des projets gaziers en cours une réalité».

    L’Algérie aujourd’hui, 28/07/2022

    #Algérie #Nigeria #Niger #Gazoduc_transaharien #Gaz



  • Le Sahel a besoin d’une coordination africaine et des partenaires

    Le Sahel a besoin d’une coordination africaine et des partenaires

    Chidi Blyden, Etats-Unis, Sahel, Afrique, Etat Islamique, Mali, Tchad, Niger, Burkina Faso,

    Blyden déclare que les problèmes du Sahel nécessitent une coordination africaine et des partenaires

    L’Afrique est un continent immense et complexe. Ses problèmes sont tels qu’il faudra que les nations africaines travaillent avec d’autres pays partenaires pour résoudre les problèmes complexes qui l’assaillent, a déclaré Chidi Blyden, sous-secrétaire adjoint du ministère de la Défense pour les affaires africaines, à la commission sénatoriale des relations étrangères.

    Blyden a témoigné aux côtés de représentants du Département d’État et de l’Agence américaine pour le développement international. Le trio a souligné la nécessité pour les trois entités de travailler ensemble et de travailler avec des partenaires africains pour accomplir la stratégie américaine.

    L’audience a porté spécifiquement sur la région du Sahel en Afrique – une large bande qui s’étend entre le sud du désert du Sahara et les terres de savane au sud. Il abrite certains des pays les plus pauvres du monde et la sécurité est précaire dans les nations, certains souffrant de coups d’État militaires.

    La stratégie de défense nationale des États-Unis définit trois priorités en matière de sécurité en Afrique : lutter contre les organisations extrémistes violentes ; renforcer les alliés et les partenaires pour soutenir les objectifs de sécurité mutuels ; et répondre aux problèmes de concurrence stratégique ciblés qui présentent un risque militaire pour les États-Unis.

    « Au Sahel, ces trois priorités se recoupent d’une manière qui nécessite non seulement une approche intégrée, mais une approche pangouvernementale », a déclaré Blyden. « Au cours des six derniers mois, nous avons vu que l’intersection de ces trois défis au Sahel a entraîné des coups d’État militaires et des transitions politiques constitutionnelles, un recul démocratique en Afrique de l’Ouest, la propagation inhérente des VEO et une augmentation exponentielle de leurs attaques. « 

    Elle a noté que le groupe russe de mercenaires Wagner est actif dans la région. « Ces défis transcendent les frontières nationales et nécessitent donc une approche régionale coordonnée », a-t-elle déclaré. « A ce titre, il nous incomberait de les aborder avec nos partenaires africains ».

    Les groupes extrémistes exploitent les vides de pouvoir, l’instabilité, les tensions locales et la faiblesse des institutions gouvernementales et des pratiques de gouvernance, a-t-elle déclaré. « Ces groupes compromettent la stabilité, la démocratie et la paix, ce qui offre en outre des opportunités à l’extrémisme de proliférer, créant une boucle de rétroaction vicieuse alimentée par un manque de bonne gouvernance et de responsabilité en matière de droits de l’homme », a déclaré Blyden. « Lorsque les gouvernements luttent pour maintenir la sécurité, fournir des services essentiels, faire respecter les principes humanitaires ou même offrir des opportunités économiques et des environnements de conflit, les conditions sont réunies pour que les VEO exploitent et attirent les populations marginalisées vulnérables et non protégées. »

    Ces groupes terroristes utilisent le trafic de drogue, d’armes et d’êtres humains pour se financer.

    Blyden a déclaré qu’il y avait plus d’une douzaine d’affiliés/cellules actifs de l’État islamique et d’Al-Qaïda en Afrique, qui s’étendaient « du Sahel au bassin du lac Tchad, de la Somalie à [la République démocratique du Congo] ».

    Ces groupes présentent un danger pour les autres nations d’Afrique, y compris celles d’Afrique de l’Ouest. « Le DOD travaille en étroite collaboration avec [le Département d’État et] l’USAID pour développer des programmes pour les pays côtiers d’Afrique de l’Ouest dans le cadre de la loi sur la fragilité mondiale, … et de la stratégie américaine de prévention des conflits et de promotion de la stabilité », a-t-elle déclaré.

    Un groupe de personnes descend les marches.

    Mais toute solution dans la région doit être une solution africaine. « Nous devons intégrer l’ensemble de notre approche au Sahel avec nos partenaires africains, sinon nous risquons de saper nos propres efforts et d’offrir des opportunités supplémentaires aux VEO et aux concurrents stratégiques d’accéder et d’influencer », a-t-elle déclaré.

    « Alors que le Tchad reste l’un des partenaires les plus capables de la région et que N’Djamena est le nouvel hôte du siège du G5 Sahel, la fin de la coopération américaine en matière de sécurité a affecté notre engagement bilatéral », a déclaré Blyden. « Alors que le Conseil militaire de transition travaille à un retour à un gouvernement démocratiquement élu et dirigé par des civils, nous restons déterminés à soutenir le peuple tchadien. Le Tchad était l’un des six seuls pays du continent africain à approuver la suspension de la Russie du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies. Le Tchad est confronté à des menaces terroristes, à des crises humanitaires et à l’influence malveillante de la Russie dans sa propre région. Les États-Unis ont le potentiel de fournir une coopération significative en matière de sécurité pour former les services militaires et civils du Tchad, en particulier compte tenu de son rôle de contributeur de troupes à l’ONU et à la paix régionale. opérations. »

    Les États-Unis ne sont pas le seul pays à pouvoir travailler avec les nations de la région. « Nous encourageons nos alliés européens et nos partenaires africains opérant au Sahel à adopter une approche similaire à… la stratégie du Sahel, une approche qui recherche des solutions intégrées à l’ensemble du gouvernement et dirigées par les Africains », a-t-elle déclaré. « Nous estimons que l’action militaire unilatérale est insuffisante pour faire face à l’ampleur des menaces auxquelles nous sommes confrontés sur le continent. Et bien que le continent regorge de nouvelles initiatives, il bénéficierait vraiment de la gestion de la communauté internationale pour soutenir nos partenaires et leurs efforts soutenus localement. . »

    Le rôle des États-Unis est de permettre aux partenaires africains de réussir à créer et à maintenir leur propre sécurité. Les nations doivent « s’approprier » leur sécurité, a-t-elle déclaré. « La meilleure façon de les aider à s’approprier leur propre sécurité est de leur permettre de diriger l’élaboration de notre soutien à leurs efforts », a-t-elle déclaré.

    L’Afrique est aussi une scène de compétition stratégique. La Russie et la Chine voient le potentiel stratégique du continent. La Chine consacre de l’argent et du temps à cultiver les nations africaines. « Dans le cadre de son engagement, la Russie et la RPC fournissent régulièrement des articles d’entraînement et de défense aux nations africaines », a déclaré Blyden. « Alors que nos partenaires africains ont déclaré à plusieurs reprises qu’ils préféraient nos articles d’entraînement et de défense, ils se tournent vers nos concurrents lorsque nous ne répondons pas à leurs demandes. Nous devons travailler pour être plus réactifs et plus présents si nous voulons réussir dans ce domaine. « 

    Département de Défense USA, 12/07/2022

    #Sahel #Mali #Russie #Chine #