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  • Quand Mandela s’indignait de certaines « pratiques » au Maroc

    Tags: Maroc, Nelson Mandela, Touarga, esclaves, racisme, noirs, Madiba, Hassan II – Quand Mandela s’indignait de certaines « pratiques » au Maroc

    Il n’a pas été le seul à s’en indigner, mais il était celui dont l’indignation était la plus sincère. Selon une source proche d’un défunt et connu politicien, lors de sa visite au Maroc en avril 1995, Nelson Mandela aurait appris que les noirs qui servaient directement Hassan II, ses « abids » (esclaves), comme disent encore certains au Maroc, lui baisaient la main. Mais pas de la même manière que le font pratiquement tous les Marocains, mais d’une manière assez spéciale.

    Hassan II obligeait ses « abids » à baiser sa main enveloppée d’une sorte de mouchoir en tissu ou un fichu.

    « Sidna » senior estimait que les lèvres aimantes charnues de ses noirs, dont la plupart vivaient et résident encore à Touarga, le quartier situé à l’intérieur du palais royal de Rabat, étaient indignes d’effleurer sa divine main.

    Mandela, chantre de la lutte contre le racisme anti-noir, en aurait gardé un souvenir amer jusqu’au point de le dire en privé à ce politicien marocain qu’il considérait comme un ami.

    Mais pourquoi cette indignation sélective cher Madiba ? Il y avait pire au Palais. Certains, et pas un petit nombre, noirs et blancs, ne baisaient pas seulement les mains de « Sidna » senior, ils lui baisaient également les pieds.

    Demain Online, 09/12/2013

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    Le Maroc ce pays qui n’aime pas les africains-noirs.

    Au Maroc, les marocains attisent et pratiquent la haine des subsahariens jusqu’à la lie. Samedi dernier, la radio française Rfi a diffusé un élément dans lequel elle a recueilli des témoignages d’africains victimes de racisme et de traitements dégradants de la part de marocains qui les accusent de tous les péchés d’Israël. Un jeune Africain noir a décrit avec amertume le traitement qu’il a subi alors qu’il était régulièrement établi à Tanger, ville du nord du royaume. Il a été expulsé de son immeuble, ses affaires détruites, avant de se retrouver sans aucune ressource dans la rue, essuyant, comme si cette humiliation ne suffisait pas, des jets de pierre.

    Bien avant Rfi, la chaîne de télévision France 24, dans son émission « les observateurs », a montré le calvaire de ces jeunes aventuriers noirs africains traqués par la police marocaine. La chaîne ivoirienne TV2 en 2014 a également diffusé un documentaire sur la misère des réfugiés africains au Maroc. A priori on pourrait croire à un de ces matraquages médiatiques pour discréditer l’image du Maroc comme en ont l’habitude les médias occidentaux. Mais la récurrence des faits et les témoignages d’Ivoiriens qui se sont réfugiés dans ce pays lors de la crise postélectorale, finissent par dissiper tous les doutes sur l’effectivité du racisme au Maroc, un pays africain. Des Africains qui maltraitent d’autres Africains, cela se passe dans le royaume chérifien. Pourtant depuis qu’il a pris le trône, Mohamed VI ne cesse de multiplier les relations avec les pays au sud du Sahara, à coups d’investissements, particulièrement en Afrique de l’Ouest. Ces dernières années, le roi Mohamed VI en personne a fait le tour des capitales africaines à la conquête de débouchés pour les investisseurs marocains. Banques, Btp, cimenteries, pêche, commerce, de nombreuses entreprises marocaines ont gagné des parts de marché dans ces domaines. Des contrats juteux assortis de signatures d’accord de coopération bilatérale avec à la clé l’établissement de marocains dans ces pays sans la moindre entrave ni de la part des états, ni de la part des populations noires.

    Tel est donc le Maroc dont les ressortissants sont bien accueillis en Afrique Noire mais qui se refuse à toute réciprocité à cause de la différence de peau. Ce qui est écœurant, c’est que cette maltraitance des Africains noirs du Maroc se passe dans la plus grande indifférence des pouvoirs publics. On ferme les yeux là-dessus comme on ferme les yeux sur les drames de la migration vers l’Europe en pirogue à travers la Méditerranée.

    À Tanger, des Noirs africains attaqués à la machette

    Des Noirs africains manifestent dans les rues de Tanger pour dénoncer la violence dont ils sont victimes. Photo de Yassine Lachiri pour Tanja 24.com

    Des attaques sanglantes à l’arme blanche ont eu lieu dans le quartier Boukhalef à Tanger, où vivent majoritairement des Noirs subsahariens sans-papiers, candidats à l’immigration en Europe. Témoignages de migrants sous le choc…

    Les attaques sont survenues vendredi 29 août, dans quartier Boukhalef à la sortie de Tanger, expliquent plusieurs témoins contactés par France 24. Si les assaillants n’ont pas été identifiés, les personnes ciblées sont toutes des Noirs africains, la plupart sans papiers. Quatorze d’entre eux ont été blessés, selon les rapports de la police de Tanger. Un Sénégalais a par ailleurs été retrouvé égorgé à proximité des lieux de l’attaque. Sur une vidéo amateur publiée sur Facebook, on le voit allongé par terre sans vie, dans une flaque de sang.

    « Ils ont brûlé mon argent et mes affaires : je n’ai plus rien et j’ai peur de retourner à Boukhalef »

    Daouda (pseudonyme) est un Ivoirien sans-papiers, qui cherche à partir en Espagne. Il a été blessé à la tête lors de l’attaque de vendredi soir. En convalescence à l’hôpital Mohamed V de Tanger, il a accepté de témoigner.Nous étions dans le quartier Boukhalef avec des amis, lorsqu’on a vu des Noirs courir en notre direction et dire « Barrez vous, les Arabes arrivent ! ». Au loin, on a aperçu des gens avec des djellabas. Certains avaient le visage caché. Ils jetaient des cailloux, mais d’autres étaient armés de machettes et de couteaux. J’ai voulu m’enfuir, mais j’ai reçu une pierre sur la tête et je me suis évanoui. Quand je me suis réveillé, j’étais à l’hôpital. J’ai une grosse entaille sur la tête et j’ai été lacéré dans le dos.J’ai fui la Côte d’Ivoire il y a quatre ans, et ça fait trois mois que je suis à Tanger. Des amis m’avaient proposé de venir habiter à Boukhalef avec eux. Je n’ai pas eu d’alternative : ailleurs, c’était soit trop cher, soit les locataires noirs n’étaient pas les bienvenus.Hier, mes amis m’ont appelé pour me dire que les assaillants étaient entrés chez nous et avaient tout saccagé. Je n’avais pas grand-chose : juste quelques vêtements, des photos et un peu d’argent gagné en faisant des petits boulots de maçon. Tout est parti en fumée. J’ai peur d’y retourner, car je sais que ça va recommencer et que la prochaine fois, ils ne me rateront pas.

    « Les assaillants accusent les Noirs d’être des squatteurs, des alcooliques »

    Konaté (pseudonyme) travaille pour l’association espagnole Caminando Fronteras, qui fournit une aide humanitaire aux migrants à Tanger. Il prenait un thé dans le quartier quand les violences ont éclaté.On m’a dit qu’il fallait que je parte car j’étais noir. Pourtant, j’ai un travail, j’ai mes papiers. Mais ces soirées-là, où ça chauffe, il n’y a aucune distinction. Ce ne sont rien d’autre que des scènes de justice populaire : les assaillants accusent les Noirs d’être des squatteurs, des alcooliques, à l’origine de problèmes d’insécurité dans le quartier [RFI évoque des expéditions commanditées par des promoteurs immobiliers pour pousser au départ les migrants squatteurs NDLR]. Comme ils estiment que les autorités ne prennent pas suffisamment le problème au sérieux, ils ont décidé de les chasser eux-mêmes. Ils font l’amalgame entre « Noir-sans-papier-insécurité », alors qu’il y a beaucoup d’habitants en situation régulière à Boukhalef, qui payent leur loyer.Ce sont des groupes organisés avec un chef qui donne des ordres. Ils sortent le plus souvent le vendredi, après la prière du soir, et visent à la tête, ce qui laisse penser qu’ils veulent blesser mortellement. Ils entonnent des chants racistes en arabe tels que « on ne veut plus voir ces singes ici « ou « c’est notre guerre sainte ! « .
    Le plus grave, c’est que cela se passe souvent sous l’œil des policiers qui n’interviennent pas. Vendredi, le Sénégalais a été tué à quelques mètres du commissariat de Boukhalef. Des personnes dont on a détruit les appartements ou qui ont été blessées ont attendu des heures pour déposer plainte. Tout est fait pour dissuader les Noirs africains de rester ici.

    En réaction à ces attaques, une centaine de Noirs africains ont défilé dans les rues de Tanger pour dénoncer les violences dont ils sont régulièrement victimes, avant d’être dispersés par la police. Ces épisodes haineux se sont multipliés ces six derniers mois. Il y a quinze jours, dans le même quartier, quatre personnes avaient été blessées à l’arme blanche dans une attaque similaire.

    Lundi, une présence policière renforcée était visible dans les rues du quartier Boukhalef. Le parquet de Tanger a annoncé l’ouverture d’une enquête approfondie et affirme avoir arrêté plusieurs personnes dans les deux camps, accusées d’être impliquées dans les violences de vendredi. Contacté par France 24 pour s’exprimer sur le sujet, le conseil régional des droits de l’Homme pour Tanger, organisme étatique du ministère des Affaires étrangères, n’était pas disponible ce lundi.

    La région de Tanger compterait plus d’un millier de migrants subsahariens, dont environ 800 dans le quartier Boukhalef, en attente de passer en Espagne. D’après les chiffres officiels, le Maroc compterait 30 000 sans-papiers sur son territoire.

    Cet article a été rédigé en collaboration avec Alexandre Capron (@alexcapron), journaliste pour les Observateurs de France 24.

    France 24

    #Maroc #Racisme #Noirs #Africains #Subsahariens

  • Si l’extrême droite arrivait au pouvoir en France

    Par Mohamed Habili

    Il était question hier de la crise dans laquelle plongerait sûrement la France si au lieu du président sortant, c’est la candidate d’extrême droite qui était élue à la présidentielle de l’année prochaine. Le cas échéant, ce ne serait pas non plus sans danger sur nous. C’est d’ailleurs là la raison principale de l’intérêt particulier que nous portons à cette élection. L’extrême droite française est en effet un regroupement de nostalgiques inconsolables de l’Algérie française. Si elle arrivait au pouvoir et qu’une opportunité s’offrait à elle, nul doute qu’elle ne manquerait pas de nous nuire. Déjà que le gouvernement actuel travaillait jusqu’à récemment à nous déstabiliser sans trop s’embarrasser de scrupules, si bien que les autorités algériennes ont menacé d’expulsion son représentant à Alger, lequel semble s’être calmé depuis.

    La prochaine élection présidentielle en France est autant dire une question de vie ou de mort pour ce pays. Pendant la campagne électorale, qui du reste a déjà commencé, il sera à peine question de l’Algérie, mais soyons certains qu’elle sera à tout moment dans les esprits. Elle y sera parce que l’extrême droite y pense sans arrêt pour sa part. C’est même cette hantise du paradis perdu qu’elle représente pour elle qui en fait un cas à part dans la fachosphère européenne.

    Il ne faut jamais perdre de vue ce qui s’est déjà produit, car autrement il se répétera, et sous une forme malgré tout reconnaissable. Toute l’idéologie de l’extrême droite est dans la désignation d’un bouc émissaire comme la cause de tous les maux du présent. C’était le Juif dans les années 1940. C’est l’immigré maghrébin et africain aujourd’hui. L’extrême droite revenue au pouvoir fera ce qu’a fait le régime de Vichy, dont elle procède, à peine celui-ci installé.

    Sa première cible sera ce qu’elle appelle les Français de papiers, qu’elle voudra dépouiller de leur nationalité française pour mieux les expulser ensuite. C’est ce qu’a fait le régime de Vichy avec les Juifs d’Algérie naturalisés dès 1870 de par le décret Crémieux. Non seulement il leur a enlevé la nationalité française, mais il a incité les non-Juifs à s’emparer de leurs biens. Pas un Algérien n’a pris un bien à un Juif. Les Oulémas ont pris les devants d’ailleurs en émettant une fatwa interdisant ce crime.

    Les fascistes d’aujourd’hui arrivant au pouvoir en France s’en prendraient aux Arabes, comme à ceux qui pour eux leur sont assimilables. Un fasciste n’est pas un fasciste s’il n’est pas raciste et brutal. S’il n’est pas ennemi du genre humain. La haine du plus faible parce qu’il est le plus faible, tel est son ADN, sa nature profonde, son identité politique. Dans la première tribune des généraux, puisqu’une deuxième serait en préparation, il a été question de “hordes de banlieue” à mater, à réduire. Tout est là : le bouc émissaire et le sort affreux à lui réserver.

    L’extrême droite commettra par les temps qui courent des crimes non moins horribles que ceux du passé si l’occasion s’en présente, dans quelque pays que ce soit, en France ou ailleurs. Il se trouve qu’en France, il y a un précédent. Elle ne sera pas prise au dépourvu, elle en particulier. Nous autres Algériens, Maghrébins et Africains, aurons de bonnes raisons de nous estimer directement menacés par l’extrême droite au pouvoir en France. Il nous sera impossible de garder les mêmes relations avec elle.

    Le Jour d’Algérie, 09 mai 2021

    Etiquettes: France, Algérie, extrême droite, fascisme, racisme, xénophobie, régime de Vichy, haine, arabes, musulmans, noirs,

  • Les Tunisiens noirs défient les interdits

    Fatima-Ezzahra Bendami

    En Tunisie, face au déni persistant de l’identité africaine, la communauté noire ne veut plus attendre.

    Juin 2020, sur l’avenue Habib Bourguiba, principale artère de Tunis, un hommage est rendu à George Floyd. L’émotion soulevée par la mort de l’africain-américain, tué par la police de Minneapolis, a trouvé un écho en Tunisie. Plus de 200 personnes se sont réunies devant le théâtre municipal. Pour crier des slogans, « I can’t breath », « let us breath », pour brandir des pancartes où figure ces trois mots « black lives matter », « denying racism suports it ».

    Des manifestants de tous les âges, de tous les sexes, beaucoup de Tunisiens, certains originaires d’Afrique subsaharienne.

    Maya est certainement la plus jeune ici. Elle a 14 ans et elle a écrit sur un morceau de carton une liste funeste des dernières victimes de violences policières aux Etats-Unis. Elle y a ajouté le nom de « Falikou Koulibaly », un Ivoirien tué en 2018 à Tunis, lors d’une agression. « En Tunisie, il y a autant de racisme envers les Noirs. » Mais tout le monde n’est pas du même avis. Une passante demande la raison de ce rassemblement : « Le racisme ? Ça n’existe pas chez nous. » Et beaucoup pensent comme elle.

    Ce samedi ensoleillé de juin, une grande partie des personnes réunies a répondu à l’appel de M’nemty. L’association anti-raciste tunisienne existe depuis 2013. Elle est dirigée par Saadia Mosbah. Ce jour-là, quand la militante parle de George Floyd, elle ne peut pas retenir ses larmes. « Ça parle aux personnes Noires du monde entier et d’ici aussi. C’est à peu près la même condition, plus ou moins, selon certains degrés. La particularité du racisme en Tunisie, c’est qu’il est silencieux. (…) C’est une hypocrisie sociale insoutenable. »

    Deux mois plus tard, nous la retrouvons dans une grande villa du Bardo, à deux pas du parlement. « M’nemty c’est un rêve, un rêve d’égalité pour tous », explique-t-elle en traduisant le nom de son association, tiré du dialecte tunisien. Elle a installé le siège dans la maison familiale, construite par son père qui était architecte.

    A plus de soixante ans, Saadia Mosbah est une hôtesse de l’air à la retraite, qui consacre tout son temps, ou presque, à son combat très personnel. Tout a commencé pour elle après la révolution. Le changement de régime s’est accompagné d’une libération de la parole et de la société civile. « Avant, il y avait quelques petits mouvements. D’abord le chanteur Salah Mosbah, qui a chanté sa négritude, qui s’est battu et se bat encore. Il y a eu Affet Mosbah, qui a écrit une tribune ”Etre noir en Tunisie”, en juillet 2004. »

    Elle vient de citer son frère et sa sœur, engagés dans l’antiracisme à une époque, où il était interdit d’en parler dans son pays. Elle raconte comment la tribune de sa sœur publiée dans le magazine Jeune Afrique a été censurée : « Je me dirige vers le kiosque pour récupérer les copies, je ne trouve rien, le vendeur me dit que tout a été ramassé. Les Tunisiens n’ont pu accéder à cet article qu’après 2010 sur Internet. L’article de 2004, personne ne l’a eu en version papier. Nous, on l’a acheté à Paris, on l’a lu à la maison. J’ai alors vu l’émotion de mon père et sa fierté. Je pense que quelque part, elle avait écrit ce qu’il avait toujours pensé et il n’avait jamais dit tout haut. »

    Racisme au placard

    Abdessattar Sahbani est sociologue à la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis. Il est membre d’honneur de l’association M’nemty. Pour lui, l’Etat a rendu invisibles les Tunisiens Noirs pendant des décennies, empêchant de traiter des questions raciales. A l’indépendance, « on a essayé de donner de la Tunisie une image moderniste, ouverte ». « Cette Tunisie n’était pas noire. C’était ça le discours de Bourguiba (premier président de la Tunisie). Le Tunisien était de loin plus développé que les Africains, de loin plus développé que les musulmans, de loin plus développé que les arabes. Il aspirait à être européen. » Absents des postes à responsabilité, dans l’économie, en politique, dans l’administration, les Tunisiens Noirs sont comme mis de côté, et avec eux le problème du racisme.

    Le silence de l’Etat a des conséquences très concrètes. Dans la société tunisienne, on peut être victime de discriminations, c’est un fait normal et accepté. Saadia Mosbah a travaillé pour la compagnie aérienne nationale pendant trente-neuf ans. Elle était cheffe de cabine : « Je me souviens d’une dame qui arrête ses enfants en disant ”Stop on n’est pas sur Tunisair, on a dû se tromper de porte”. Je lui ai répondu que non ”Vous voyez bien que je porte l’uniforme avec l’insigne de la compagnie”. » Plus tard, pendant le vol, la passagère demande à lui parler. « Elle me questionne ”Mais comment ça vous êtes tunisienne, noire et hôtesse de l’air à la fois ?” » En Tunisie, dit Saadia Mosbah, « le noir ne doit pas faire d’études, ne doit pas être bien habillé, ne doit pas avoir de voiture. C’est très bien s’il est garçon de café, c’est très bien s’il fait des petits travaux, s’il est cireur, s’il est porteur, mais dès qu’il a un diplôme en poche, qu’il veut travailler ou aller à la faculté, ça pose problème. »

    C’est ce racisme violent mais terriblement ordinaire qu’Anis Chouchène essaie de décrire, d’expliquer. Il est poète et chanteur. Il connaît donc la puissance de la parole. « L’impact des mots est plus fort que les armes, une bombe agit en une fraction de seconde, alors que les mots ça détruit sur le long terme. » Il a écrit des textes sur le racisme, pour évacuer sa souffrance, dit-il. « Les mots comme Kahlouch (noiraud), degla (datte), oussif (esclave), kahla (noir), moi je ne réponds pas quand on m’appelle comme ça. » Parfois, c’est encore plus dur. Quand on le prend un étranger et qu’on parle de lui en arabe, en pensant qu’il ne va pas comprendre.

    Anis Chouchène ne laisse plus rien passer désormais. « Des fois, je me bagarre avec des amis Noirs pour qu’ils se fassent respecter et affrontent le racisme. Ça me touche quand je dis à quelqu’un de ne pas se taire et qu’il dit ”non ce n’est pas grave, ils n’ont pas fait exprès”. » Pour certains Tunisiens ces mots font partie du langage courant, sans connotation péjorative. « Les insultes sont devenues folkloriques et on les accepte comme moyen d’intégration sociale », analyse Abdessattar Sahbani.

    Dans la maison de son enfance, Saadia Mosbah allume une cigarette, aspire une bouffée de tabac avant de raconter de vieux souvenirs, comme s’ils s’étaient passés la veille. Elle a huit ans, quand sa meilleure amie de l’école la traite d’« oussifa ». « Pour ma mère, comme pour tout le monde, oussifa désignait la couleur. Pour moi, je ne sais pas pourquoi, c’était une insulte. C’est quelque chose que vous ressentez tout simplement. Il est dit seulement aux noirs ce mot ”Ya Oussif”, mais il sort comme un carton rouge : ”Attention n’oublie pas qui tu es.” »

    Mécanisme de protection

    Même cette militante a dû apprendre à composer avec le racisme de sa société. Plus jeune, Saadia Mosbah a dû parfois faire comme s’il n’existait pas. « On dit qu’on n’a jamais rien subi, car on ne veut rien entendre, c’est une réaction que je connais, c’est une réaction que j’adoptais moi-même. J’étais sportive, je faisais partie de l’équipe nationale de basketball. Au moment de rentrer sur le terrain, je ne voyais plus rien, je n’entendais plus personne. Dans un match on peut rater 10 lancers, même 20 lancers, imaginez si à chaque fois on vous traite d’oussifa. C’est quelque chose ! »

    Zyed Rouin était comme ça. Pendant longtemps, il a refusé de regarder la réalité en face. Ce trentenaire s’est engagé dans l’antiracisme à partir de 2013. Aujourd’hui, c’est un pilier de l’association M’nemty. Il est aussi consultant pour l’ONG Minority Rights Group International, qui défend les droits des minorités à travers le monde. Pourtant, Zyed Rouin dit avoir mis du temps à se rendre compte de sa différence et de ce qu’elle signifiait.

    Sa rencontre avec Saadia Mosbah a été déterminante. Lors d’une conférence, il s’oppose à la militante et soutient qu’il n’y a pas de racisme en Tunisie, qu’il n’a jamais subi aucune discrimination. « Elle m’a dit ”prends ton temps, essaie de rassembler tes souvenirs et on en parlera après”. » Cette phrase lui fait l’effet d’un électrochoc. Il réunit ses souvenirs et réalise qu’il a toujours été le seul Tunisien Noir de sa bande : « A l’école, avec mes amis, je me sentais obligé de fournir plus d’efforts pour être accepté, avoir les meilleurs résultats, faire plus de blagues. Je n’ai jamais eu d’amis Noirs, quand je montais dans un bus, par exemple, si j’apercevais un groupe de personnes Noires, je les évitais. »

    Remontent alors à la surface des moments de sa vie qu’il avait enfouis profondément dans sa mémoire, comme son premier jour d’école. « Ma mère m’a encouragé en me disant qu’à l’école j’allais rencontrer de nouveaux enfants, qu’on allait jouer ensemble, que j’allais m’amuser… J’attendais le moment de rencontrer mon premier nouvel ami, mais en arrivant je me retrouve dans une classe où je suis le seul Tunisien Noir. Ce sont les enfants qui me l’ont fait comprendre, avec des expressions et des phrases que j’entends pour la première fois alors, du genre ”Qu’est-ce que tu as, tu es brûlé ou quoi ? Tu es noir, c’est parce que Dieu ne t’aime pas” et j’en passe. Je me retrouve avec une réalité autre que celle qu’on m’a promise à la maison. L’enfant de six ans que j’étais n’avais aucun moyen de se défendre et à ce moment-là les enfants de mon âge avaient beaucoup d’arguments pour m’expliquer que j’étais Noir et différent. »

    Selon le sociologue Abdessattar Sahbani, ce « déni » est « un mécanisme de protection et d’intégration ». « Je dois me protéger et accepter le racisme pour trouver ma place. » Ce déni constitue une « immunité sociale » que chaque Tunisien Noir doit acquérir dès son plus jeune âge « pour protéger son enfant dans une société qui est raciste ». En résulte un consentement psychologique: l’enfant très tôt est « conscient qu’il est Noir et qu’il n’est pas dans la même situation, une situation analogue à celles des autres enfants ».

    Pendant la révolution, Saadia Mosbah a été marquée par l’absence des Tunisiens Noirs dans les cortèges. C’est aussi ça qui l’a encouragé à militer. « Ils ne se sentaient pas tunisiens, ils ne se sentaient pas citoyens, voilà le terme. Ils se sentaient exclus et s’auto-excluaient. (…) M’nemty c’était ça, cette recherche de citoyenneté d’abord, d’égalité et d’équité. Il est inconcevable qu’on soit tunisiens et qu’on ait peur d’entrer dans la foule et qu’on ait peur de dénoncer quoique ce soit, et qu’on ait peur de participer à une manifestation. »

    Le problème est profond, estime Saadia Mosbah. A l’origine : Le refus de son pays de se reconnaître comme société « multi-ethnique » et « multiculturelle ». « La Tunisie a donné son nom à notre continent et pourtant rejette son africanité, c’est ça ce qui est gênant. »

    L’Africain c’est l’autre

    L’historien Nouri Boukhchim, enseignant chercheur à l’Université de Tunis, partage ce point de vue. Tout commence par la négation d’une évidence : le pays se trouve en Afrique. « Le regard des Tunisiens est tourné vers la Méditerranée, vers le nord et non pas vers le sud. C’est comme ça qu’on s’est éloigné de notre africanité, au nom de l’unification du peuple tunisien. » C’est Habib Bourguiba, le premier président de la Tunisie indépendante, qui lance dans les années cinquante-soixante de grandes réformes pour « moderniser le peuple tunisien ». « Tout doit changer, le mode de vie, l’habitat… » Tout cela aboutit à une refonte de l’identité tunisienne, une rupture historique. Pour Nouri Boukhchim, « il y a un déni dans la société tunisienne, l’Africain c’est l’autre ».

    Cependant, les recherches scientifiques qu’il a mené avec son équipe, dans le sud de la Tunisie, montrent l’inverse. Les populations de la région ont des origines très diverses. « On a prélevé 80 échantillons d’ADN dans 3 localités, résultats : un mélange Afrique est/ouest et arabe. (…) Il ne faut pas oublier qu’il n’y avait pas de frontières, les populations se déplaçaient beaucoup. »

    Tant que la question raciale n’aura pas été résolue dans le pays, les Tunisiens Noirs devront vivre avec les discriminations et seront obligés de développer des stratégies de contournement. Dans la rue, Saadia Mosbah est imperturbable : « J’ai des œillères et je n’entends plus rien, parce que nos oreilles ont été polluées par les propos racistes, par des hommes qui vous disent ”L’Oussifa purifie le sang” ils fantasment sur votre physique, sur votre corps que vous avez envie de cacher, vous avez envie de courir, vous n’avez même plus envie de porter des couleurs tellement on vous embête dans la rue. Parfois des gens me disent ”Je t’ai appelée, tu ne m’as pas répondu, tu étais en face de moi, je te faisais des signes, tu ne m’as pas vu”. Et bah non, je ne vois rien, je n’entends rien. »

    Africa is a country, 24 mars 2021

    Tags : Afrique, Tunisie, racisme, noirs, discrimination,

  • Etats-Unis : 40% des soldats américains sont des noirs

    Donald Trump qui a voulu mobiliser l’armée contre la communauté Africaine-Américaine a oublié un fait que les principaux responsables des institutions du pays, ont eux pris en compte pour désobéir à leur  » chef des armées ».

    L’armée étatsunienne est aujourd’hui composée à 40% de Noirs. Elle a été la première institution du pays à avoir aboli la ségrégation au sein de ses rangs suite au décret 9981 signé par le président Truman le 26 juillet 1948.
    Colin Powell a été le premier chef d’état-major interarmées, noir des États-Unis. Depuis, on ne compte plus les officiers noirs de haut rang au sein de l’armée américaine.

    Demander aujourd’hui à l’armée de tirer sur des Noirs pour restaurer  » la loi et l’ordre » selon Donald Trump aurait été prendre le risque d’introduire à nouveau de la division raciale dans l’une des principales institutions des États-Unis.
    Le pouvoir blanc a toujours eu peur que des Noirs portant des armes ne les retournent contre lui.
    Nous ne sommes pas naïfs.

    La question des armes a constitué le premier facteur qui est en train d’amener de plus en plus de Blancs aux États-Unis à poser un genou à terre en signe de repentance pour 5 siècles de régime de domination raciale contre les Noirs.

    Dans toute révolution, même pacifique, la question de la violence et des armes n’est jamais très loin. Et tout système d’oppression prend toujours soin de ménager l’état d’esprit de ceux des opprimés qu’il a intégré dans ses rangs en leur permettant de porter des armes. Parce que ces derniers gardent toujours des liens affectifs très forts avec ceux du camp d’où ils viennent.

    Ahmad Nougba

    Source

    Tags : Etats-Unis, armée, racisme, marines, noirs, afro-américains, George Floyd,

  • En France aussi, la police assassine les noirs

    En France aussi la police et ses soutiens de l’extrême droite utilisent les mêmes méthodes contre les Noirs et les Non-Blancs.

    Source : Urgence, notre police assassine
    Depuis des décennies au moins.
    Le 6 avril 1993 le jeune Makomé est exécuté dans un commissariat par un policier d’une balle dans la tête.
    Le 21 février 1995 le jeune Ibrahim Ali, 17 ans est assassiné d’une balle dans le dos par un colleur d’affiches du FN.
    C’est qu’en 1986 en arrivant aux affaires Charles Pasqua le ministre de l’intérieur de l’époque avait déclaré à ses hommes, au sujet des bavures policières :  » je vous couvrirais. »

    Source : Humanité
    Au lendemain de la mort de Malik Oussekine le 6 décembre 1986, lynché à mort dans une cage d’escalier par deux policiers de la section des voltigeurs,
    Robert Pandraud le ministre délégué à la sécurité, le second de Pasqua enfonce le clou en criminalisant la victime.
    Il insulte publiquement la mémoire de Malik Oussekine en déclarant :  » si j’avais un fils sous dialyse j’éviterais qu’il faille faire le con dans la nuit ».

    Source: France Inter
    Les policiers y ont vu un passe-droit et depuis, les violences policières contre les gens des quartiers sont devenues structurelles.
    Les morts de Zyed et Bouna le 27 octobre 2005 mettront le feu dans les cités de France pendant 3 semaines.
    Ce soulèvement avait surgi quelques mois après que Nicolas Sarkozy, le ministre de l’intérieur de l’époque, en déplacement à la Courneuve le 20 juin 2005 ait déclaré :
     » il faut nettoyer au Karcher les 4000. »
    Le 20 octobre suivant il avait récidivé dans l’insulte public à Argenteuil en traitant les jeunes des quartiers de « racailles ».
    Depuis, les affaires de meurtres policiers se sont multipliées.
    Et la liste des victimes ne cesse de s’allonger.
    Les affaires sont sordides. Ce sont des exécutions humaines, excusées par la justice, soutenues par le pouvoir politique.
    Le 20 janvier 2020, Emmanuel Macron a refusé de reconnaître ces actes comme des violences policières.

    Source: BFMTV
    Le cycle de violences policières se poursuit donc en France.
    Mais la police a désormais face à elle des familles de victimes des associations et collectifs de militants qui
    se sont organisés pour lui réclamer des comptes.
    En France aussi, la vie des des Noirs des Arabes des Musulmans des Migrants, des Rohms, celle des Non-Blancs et des populations issues des immigrations post-coloniales compte.

    Ahmed Nougbo

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    Tags : France, racisme, noirs, discrimination,

  • Les africains découvrent toute la férocité de la négrophobie occidentale

     » Mon sang nourrira l’arbre qui portera les fruits de la liberté. Dites à mon peuple que je les aime et qu’ils doivent continuer la lutte « . (Solomon Mahlangou, membre de MK, Umkhoto We Sizwe, la branche armée de l’ANC, la lance de la nation. Assassiné par pendaison le 6 avril 1979, sur injonction du pouvoir raciste de Prétoria).


    On aurait pu penser que la pandémie du Covid19 mettrait en sourdine pour un temps la négrophobie pathologique des racistes occidentaux.

    Or c’est tout le contraire, la pandémie n’a fait qu’exciter leur négrophobie.
    Comme si cette négrophobie était la dernière chose qu’ils devaient exprimer au moment où ils devraient quitter notre monde.

    De nombreux Noirs, pas forcément informés des questions raciales sont en train de découvrir toute la férocité de cette négrophobie occidentale. Et ils en éprouvent de la déception et de la crainte. Mais selon moi, ils ne devraient pas.

    Parce que les racistes se sont toujours comportés ainsi envers nous depuis des siècles.

    Nous n’avons pas à avoir peur d’eux. Au contraire, nous devons leur faire face avec toutes les ressources dont nous disposons.

    Au nom de nos aînés qui se sont sacrifiés pour les espaces de liberté dont nous jouissons aujourd’hui.

    Et au nom de nos enfants que personne ne protègera si ce n’est nous leurs parents et leurs aînés.

    La vie des Noirs compte

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    Tags : racisme, noirs, négrophobie, Solomon Mahlangu,