Étiquette : Omar Radi

  • Press release of Frente Polisario

    Tags : Western Sahara, Morocco, Frente Polisario, UNO, General Assembly, Omar Radi,

    PRESS RELEASE
    PRESS RELEASE

    New York, 27 September 2023

    The Statement of the Representative of the Occupying State is a discordant voice and an affront to everything that the United Nations stands for The occupying state of Morocco continues its desperate attempts to distort the established facts regarding the international status of Western Sahara and the legitimate struggle of the Sahrawi people, which is manifested in the statement delivered yesterday by the representative of the occupying state to the United Nations on behalf of his country before the seventy-eighth session of the United Nations General Assembly.

    The statement of the representative of the occupying state is an insult to the intelligence of Member States because of the blatant lies and distortions that it contains regarding the question of Western Sahara, which has been on the agenda of the United Nations General Assembly and its subsidiary bodies since 1963 as a decolonisation issue in recognition by the International Organisation of the inalienable right of the Sahrawi people to self-determination and independence in accordance with General Assembly resolution 1514 (XV) concerning the Declaration on the Granting of Independence to Colonial Countries and Peoples.

    Following the statements in support of the right of the Sahrawi people to self-determination and independence delivered successively by Member States since the beginning of the General Assembly session on Tuesday, the statement of the representative of the occupying state of Morocco came as a discordant voice and an affront to everything that the United Nations stands for, including the commitment to the principles of international law, the defence of peoples’ rights to freedom and independence, and the inadmissibility of the acquisition of land by the use of force.

    The false allegations contained in the statement of the occupying state of Morocco concerning the international status of Western Sahara and the legitimate struggle of the Sahrawi people had already been refuted by documented and irrefutable arguments in the letter (S/2023/219) dated 20 March 2023 and the letter (S/2023/456) of 19 June 2023, which were distributed to Member States as official documents of the Security Council, among other things. Therefore, rehashing the same preposterous allegations before the United Nations General Assembly demonstrates once again the incoherence of the representative of the occupying state and his lack of any “argument” to support his untenable position.

    What makes matters worse is that the representative of the occupying state of Morocco has resorted, as usual, to blaming others in a barefaced attempt to divert attention from the chronic structural problems facing his ruling regime, especially in the wake of the natural disaster that recently befell the Moroccan people, which exposed the Moroccan fragile regime before the whole world and showed its true face, despite its attempts to hide the dire situation with its false propaganda and poorly staged “charades”.

    The intransigence evident in the statement of the occupying sate of Morocco before the United Nations General Assembly demonstrates once again that the occupying state is a rogue state that disregards international law, and that it has no political will to comply with the resolutions of the United Nations and the African Union on the need to reach a peaceful, just and lasting solution to the decolonisation of Western Sahara, the last colony in Africa.

    However, no matter how long the occupying state of Morocco persists in its escalatory rhetoric and intransigence, the Sahrawi people, who are firmly attached to their internationally recognised and legitimate rights, will resolutely carry on their liberation struggle by all legitimate means until they attain their non-negotiable freedom and independence and the establishment of sovereignty over the entire Sahrawi Republic.

    Ambassador Sidi M. Omar

    Representative of the Frente POLISARIO at the United Nations and Coordinator with MINURSO

    #Western #Sahara #Westernsahara #Polisario #Morocco #UNGA #Omar_Hilale

  • Maroc: L’acharnement contre l’historien Maâti Monjib dénoncé

    Tags : Maroc, Maati Monjib, Nasser Zefzafi, Toufik Bouachrine, Soulaiman Raissouni, Omar Radi,

    Des militants des droits de l’homme marocains ont dénoncé, vendredi, les restrictions imposées par le régime du Makhzen contre l’historien et défenseur des droits de l’homme Maâti Monjib, frappé d’une interdiction de voyager.

    La Commission nationale de soutien aux prisonniers d’opinion et aux victimes de violation de la liberté d’expression au Maroc a indiqué que le militant des droits de l’homme, Maâti Monjib, était « interdit de voyager depuis l’automne 2020 sans aucune justification légale ».

    Dans un communique rendu publique, la commission a souligné que cette mesure constitue « une violation manifeste de ses droits fondamentaux ».

    L’historien et militant des droits de l’homme a déclaré, jeudi, qu’ »il faisait l’objet de persécutions politiques depuis 2015″. Il est visé par un certain nombre de décisions illégales prises à son encontre, dont la dernière en date est sa suspension officielle de son travail de professeur d’université.

    Monjib qui observe depuis mercredi, 8 mars, une grève de la faim d’avertissement et qui se poursuivra jusqu’à ce vendredi, a évoqué aussi la suspension de son salaire et le gel de son compte bancaire.

    Il a averti qu’ »il n’était pas le seul à souffrir de persécutions et a appelé les familles des personnes persécutées à lutter et à ne pas avoir peur des sanctions plus sévères pour leurs enfants, et à rester fermes contre l’usurpation des libertés et l’atteinte aux droits ».

    Le militant a affirmé qu’il était ciblé en raison de ses écrits et activités en matière des droits de l’Homme, et de sa critique des autorités devant les médias internationaux, notamment en ce qui concerne les violations flagrantes des droits de l’Homme.

    A l’origine de cette cabale contre le militant, sa dénonciation de la détention des militants du mouvement de protestation du Rif, de la torture du leader de ce mouvement Nasser Zefzafi et de son intimidation ainsi que de la condamnation des journalistes qui ont dénoncé la corruption et la tyrannie du régime en l’occurrence, Toufik Bouachrine, Soulaiman Raissouni et Omar Radi.

    Le 29 décembre 2020, Monjib est arrêté à Rabat. Après une grève de la faim, il a obtenu une libération conditionnelle le 23 mars 2021.

    Plusieurs groupes et organisations internationales ont dénoncé son arrestation et fait campagne contre le « harcèlement » auquel il était confronté, notamment Amnesty International et le Parlement européen.

    #Maroc #Maati_Monjib

  • Maroc : La santé d’Omar Radi se déteriore

    Maroc : La santé d’Omar Radi se déteriore

    Maroc, Omar Radi, presse, journalistes, journalisme,

    Selon la journaliste indépendante, Omar Radi souffre de problèmes de santé en prison. « Je suis consternée de savoir que mon ami le journaliste Omar Radi souffre de problèmes de santé en prison. Consternée de savoir, qu’après deux ans de détention injuste, on interdit et on empêche sa famille d’organiser un sit in de solidarité à Casablanca », a-t-elle écrit dans un twit le 13 octobre.

    D’après son père, Omar vit sa détention dans la prison de Tiflet2 sans dormir la nuit . « Il m’a dit qu’il trouve le sommeil à cinq heure du matin. J’en tire qu’il a peur de fermer l’œil alors qu’il n’a pas confiance en ceux qui lui font compagnie », rapporte Driss Radi.

    Une page du Washington Post du 16 octobre a été consacrée entièrement à un appel à la libération d’Omar Radi. Voici son texte:

    « Les autorités marocaines ne trompent personne avec ce simulacre de représailles judiciaires. Radi doit être libéré immédiatement » (Comité pour la protection des journalistes)

    Le journaliste Omar Radi est en prison depuis plus de deux ans pour avoir fait son travail. Il a été ciblé pour avoir enquêté sur les biens de la famille royale marocaine et de ses proches. Condamné en juillet 2021 à six ans de prison sur la base d’accusations forgées de toutes pièces, Radi est actuellement en attente de la réponse de la justice marocaine à son appel.

    Au Maroc, les journalistes indépendants sont régulièrement harcelés et font l’objet d’accusations absurdes. Au moment de son arrestation, Radi travaillait sur une enquête sur les expropriations foncières et avait déjà reçu des menaces pour son travail.

    Nous demandons la libération immédiate d’Omar et continuerons à mener une lutte sans relâche pour qu’il sorte de prison et retrouve la liberté qu’il n’aurait jamais dû perdre.

    Les journalistes ne doivent pas être détenus pour avoir recherché la vérité.
    Le Maroc est classé 123e/180e au monde pour la liberté de la presse. Voir le classement complet sur RSF.org

    #Maroc #Omar_Radi #Presse #Journalistes #Journalisme

  • Maroc: L’expropriation pour enrichir les hauts dirigeants

    Maroc: L’expropriation pour enrichir les hauts dirigeants

    Maroc, expropriation, Omar Radi,

    Le régime du Makhzen marocain se sert de l’expropriation pour se constituer une assiette foncière à bas coût dans le but d’enrichir de hauts responsables et dirigeants du royaume, révèle une enquête de l’organisation Forbidden Stories. Cette enquête publiée sous le titre « Maroc : le rouage d’une machine à cash », poursuit le travail du journaliste marocain emprisonné, Omar Radi, sur les expropriations foncières dans le royaume. Le 3 mars 2022, Omar Radi est condamné par la cour d’appel de Casablanca à six ans de prison pour deux affaires totalement distinctes – « viol » et « espionnage »- instruites et jugées lors du même procès, à rebours de toute logique judiciaire, rappelle l’organisation.

    Le journaliste marocain, dont le piratage du téléphone par le logiciel sioniste Pegasus avait été révélé par un rapport d’Amnesty International en juin 2020, « travaillait alors à une enquête au long cours sur les expropriations foncières ». Après plusieurs mois d’enquête pour poursuivre son travail, Forbidden Stories révèle comment des terres tribales ont servi à l’enrichissement de hauts responsables et dirigeants.

    L’enquête signée Cécile Andrzejewski et Hicham Mansouri fait savoir que ces terres tribales à une trentaine de kilomètres au Nord de Rabat, appartenant aux habitants du douar Ouled Sbita, un village à deux pas d’un bord de mer paradisiaque, sont tombées dans les mains de la société Addoha, dirigée par Anas Sefrioui.

    La société en question aurait fait main basse, à la fin des années 2000, sur des terres agricoles pour lancer son projet de la « Plage des Nations » et en faire un complexe immobilier et touristique, expropriant, au passage, des centaines de personnes, au prix de faible indemnisation. Une affaire que le journaliste Omar Radi, habitué à travailler sur les liens entre pouvoir et business dans son pays, depuis longtemps critique de l’appareil d’Etat marocain, avait dénoncée peu avant sa condamnation comme étant une instrumentalisation de la notion « d’expropriation pour utilité publique ».

    « Dans cette zone où la pression immobilière se fait de plus en plus forte, elles (les terres agricoles, ndlr) aiguisent les appétits. En l’espèce, c’est le promoteur immobilier Addoha qui a jeté son dévolu sur elles, dès l’automne 2006, pour y déployer son projet de la Plage des Nations », précise Forbidden Stories. Après avoir détaillé comment Anas Sefrioui a pu mettre la main sur les terres des habitants du douar Ouled Sbita grâce à un subterfuge, couvert par l’Etat, en défiant notamment les lois du Royaume qui interdit au privé de s’approprier des terres collectives.

    Pour illustrer l’implication du Makhzen dans ces affaires d’expropriation illicites, l’enquête souligne que c’est sous les yeux de hauts responsables « qu’est lancé le projet de la Plage des Nations (où sont construits un terrain de golf, des villas de luxe, avec piscine et une plage privée à la place d’une forêt protégée) qui aboutira à l’expulsion de la tribu » de Ouled Sbita, avant même que celle-ci n’en soit informée.

    En effet, le projet a vu le jour grâce à la signature, le 11 novembre 2006, de deux mémorandums d’entente relatifs à des investissements touristiques et immobiliers à Rabat, explique Forbidden Stories. Mais l’affaire, poursuit l’organisation, « s’avère plus fumeuse encore », car la veille de ces annonces, la valeur de l’action Addoha va exploser.

    « Une folie boursière qui trouvera finalement son explication le lendemain avec la signature par le groupe Addoha de ces deux mémorandums d’investissement avec l’Etat ».

    #Maroc #MohammedVI #Omar_Radi

  • Maroc: Les rouages d’une machine à cash

    Maroc: Les rouages d’une machine à cash

    Maroc, Omar Radi, enquêtes, carrières, Pegasus, espionnage, expropriations foncières,

    Le 3 mars 2022, Omar Radi est condamné par la cour d’appel de Casablanca à six ans de prison pour deux affaires totalement distinctes – « viol » et « espionnage » – instruites et jugées lors du même procès, à rebours de toute logique judiciaire. Le journaliste marocain, dont le piratage du téléphone par le logiciel Pegasus avait été révélé par un rapport d’Amnesty International en juin 2020, travaillait alors à une enquête au long cours sur les expropriations foncières. Une investigation qui lui avait déjà valu des menaces et pour laquelle il avait commencé à collecter des documents : acte notarié, vidéos, photos… Grâce à ces éléments, auxquels nous avons eu accès, et après plusieurs mois d’enquête pour poursuivre son travail, Forbidden Stories révèle aujourd’hui comment des terres tribales ont servi à l’enrichissement de proches du roi. Plongée au cœur d’une machine à cash.

    Par Cécile Andrzejewski
    avec Hicham Mansouri

    La voix chaleureuse d’Ihsane El Kadi invite d’emblée à l’écoute. Directeur des médias indépendants algériens Radio M et Maghreb Emergent, il officie comme présentateur de l’émission « L’invité du direct » sur Radio M, « La petite radio du grand Maghreb ». À l’antenne, on le devine heureux de recevoir son invité du jour, le 22 décembre 2019.

    « Amis auditeurs de radio M, nous avons le très grand plaisir d’accueillir ce matin, dans « L’invité du direct » Omar Radi, journaliste indépendant au Maroc », se réjouit-il. Avant de lancer la discussion sur des réalités de l’investigation au Maghreb, et au Maroc en particulier, puis sur l’enquête en cours d’Omar Radi sur l’expropriation des terres au royaume chérifien.

    « Je travaille avec une tribu, au Nord de Rabat, Ouled Sbita, raconte-t-il. Ils ont été virés de leurs terres agricoles où il y avait une forêt. La forêt [a été] rasée, on a mis à sa place un terrain de golf et on a privatisé la plage (…). On a mis des centaines de villas et de logements de luxe. Nous sommes dans une logique de prédation foncière. »

    Comme à son habitude, le journaliste va droit au but, cash et sans tergiversations.

    Quelques jours plus tard, de retour au Maroc, Omar Radi est convoqué par la police, arrêté et placé en détention, au prétexte d’un tweet vieux de plusieurs mois où il s’en prend à un juge. Après une semaine, il est libéré à titre provisoire, suite à une campagne massive de soutien. « J’ai été puni pour l’ensemble de mon œuvre », estime-t-il alors auprès de Forbidden Stories. Le journaliste habitué à travailler sur les liens entre pouvoir et business dans son pays, depuis longtemps critique de l’appareil d’État marocain, est loin de se douter que ses ennuis ne font que commencer.

    Lauréat en 2019 d’une bourse de la Bertha Foundation – une ONG basée à Londres cherchant à « soutenir les militants, les storytellers et les avocats œuvrant pour la justice sociale et les droits humains », au moment de son arrestation, Omar Radi est occupé à scruter les violations des droits fonciers au Maroc, notamment via l’instrumentalisation de la notion « d’expropriation pour utilité publique ». Il s’est donné pour mission de lancer un site Internet, Aradi, « terre » en arabe, rassemblant toutes les informations relatives aux politiques foncières du pays. Il n’en aura jamais l’occasion.

    En juin 2020, Amnesty International et Forbidden Stories révèlent que son téléphone a été infecté par le logiciel espion Pegasus. Le début d’un long calvaire qui aboutira à sa condamnation le 3 mars 2022 à six ans de prison ferme pour « viol » et « atteinte à la sécurité intérieure de l’État » avec « financement de l’étranger » – deux dossiers distincts, pourtant instruits et jugés conjointement.

    Dans la première affaire, une ancienne collègue au journal le Desk, pour lequel travaillait Omar Radi, l’accuse de l’avoir violée dans la nuit du 12 au 13 juillet 2020. Le journaliste, lui, reconnaît une relation consentie.

    Dans la seconde affaire, il a été reproché à Omar Radi d’avoir rencontré des officiels néerlandais, considérés comme des « officiers de renseignement » par le parquet. Parmi les autres éléments à charge: des missions d’audit effectuées par le journaliste auprès de deux sociétés de conseil économique britanniques, qui lui valent d’être accusé de leur avoir « fourni des informations de l’ordre de l’espionnage », et la bourse de la Fondation Bertha pour son travail sur la dépossession des terres tribales.

    Un verdict « inique » pour l’association Human Rights Watch (HRW). « Les charges pour espionnage étaient irrecevables parce que basées sur rien. Quant à l’accusation de viol, elle aurait mérité un procès juste, autant pour l’accusé que pour la plaignante » a déploré Ahmed Benchemsi, le directeur de la communication et du plaidoyer pour le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord de l’ONG après la condamnation.

    De fait, plusieurs ONG et enquêtes journalistiques dénoncent l’instrumentalisation par le régime marocain de la lutte contre les violences sexuelles à des fins politiques et sécuritaires, afin de faire taire les opposants. D’autres journalistes ont eux aussi été poursuivis pour adultère, avortement, relations sexuelles hors mariage ou agression sexuelle, entre autres. ​​Selon un décompte de RSF, 9 journalistes et 3 collaborateurs de médias sont à ce jour en prison au Maroc.

    « Un cadre de vie exceptionnel »

    Une des pistes suivies par Omar Radi avant ses déboires judiciaires mène à une trentaine de kilomètres au Nord de Rabat, sur les terres des habitants du douar Ouled Sbita, un village à deux pas d’un bord de mer paradisiaque.

    Dans cette zone où la pression immobilière se fait de plus en plus en forte, elles aiguisent les appétits. En l’espèce, c’est le promoteur immobilier Addoha qui a jeté son dévolu sur elles, dès l’automne 2006, pour y déployer son projet de la Plage des Nations.

    « Un lieu particulier [qui] cristallise à la fois l’échec du développement, le mal-développement, mais aussi l’injustice et la prédation », décrivait Omar Radi dans un brouillon d’article peu avant son arrestation. « Un cadre de vie exceptionnel été comme hiver », vante Prestigia, la filiale luxe d’Addoha sur son site Internet. Contactés, ni le service communication de l’entreprise, ni son avocat n’ont donné suite à nos demandes d’entretien.

    À l’époque du lancement du projet de la Plage des Nations, le PDG d’Addoha, Anas Sefrioui, une des plus grandes fortunes du Maroc, fait partie de l’entourage du roi Mohammed VI. Plus précisément, le businessman serait un proche de Mounir Majidi, secrétaire personnel du monarque et gestionnaire de la fortune royale. Le nom de ce dernier est par ailleurs apparu dans les Panama Papers, lié à deux sociétés dont il a bien été l’administrateur mais qui « ont été créées de façon totalement légale et transparente vis-à-vis des autorités marocaines et étrangères », selon son avocat.

    Cette proximité d’Anas Sefrioui avec l’entourage royal agace certains concurrents du promoteur immobilier. Un homme d’affaires marocain, décédé depuis, Miloud Chaâbi va jusqu’à accuser l’entreprise Addoha de bénéficier de faveurs de l’État. Dans une allusion à peine voilée, il s’en prend ainsi à « ceux qui s’offrent terrains et fonciers à des prix symboliques ». En 2013, le propre cousin du roi Mohammed VI, le prince Hicham, soutient lui aussi qu’Addoha est « lié au palais ».

    Anas Sefrioui serait tombé en disgrâce deux ans plus tard. Mais en 2007, lorsque le projet de la Plage des Nations est lancé, sa côte de popularité atteint des sommets dans l’entourage royal. Cette année-là, « la société Addoha a commencé à s’intéresser à nos terres, dénonce Mohamed Boudouma, un des habitants en lutte, auprès de France 24, en février 2017. Notre tribu a été approchée par des représentants de l’État qui voulaient [en] acheter les portions littorales. Des délégués, que nous n’avons pas choisis, ont négocié en notre nom avec le ministère de l’Intérieur, lequel est propriétaire de ces terres, selon une loi héritée de l’époque coloniale. Nous n’en avons qu’un droit d’usage. Ces délégués nous ont floués en disant que ces terres le long du littoral seraient vendues au roi. En réalité, elles ont été vendues à la société Addoha », pour son projet Plage des Nations.

    C’est précisément sur cette manipulation que travaillait Omar Radi. « Les Ouled Sbita sont une tribu de paysans, qui vivent dans un endroit magnifique, près de Rabat », décrit-il en 2020 auprès de la Bertha Foundation.

    « Un jour, ils ont reçu une notification d’expropriation. Les autorités ne leur ont pas demandé de partir, elles leur ont expliqué que Sa Majesté avait besoin de ces terres et que, pour cette raison, la tribu devait les quitter. Comme les habitants ont cru que le roi voulait ce terrain, pour le bien du Maroc, ils ont accepté. » Avant de s’apercevoir de la tromperie, explique le journaliste.

    LES MEMBRES DE LA TRIBU ONT DÉCOUVERT QUE C’EST FINALEMENT UNE ENTREPRISE TOTALEMENT PRIVÉE, ADDOHA, QUI A RÉCUPÉRÉ CES TERRES.

    Une législation coloniale
    Car les terres des Ouled Sbita ont un statut spécial. Il s’agit de terres collectives, régies par une loi remontant à l’époque coloniale : le dahir du 27 avril 1919. Ce décret royal les rend inaliénables, incessibles et intransmissibles, tout en les plaçant sous la tutelle du ministère de l’Intérieur. Concrètement, la tribu qui y vit en a l’usufruit mais pas la propriété.

    La gestion revient à une assemblée de représentants de la collectivité, les nouab en arabe. Les mêmes dont Mohamed Boudouma remettait en cause la légitimité auprès de France 24. De fait, ces nouab ne sont pas élus, mais simplement désignés par les autorités locales, avec dans les faits, quasiment aucun pouvoir pour s’opposer aux consignes du ministère de tutelle.

    « Avec sa tutelle, l’État peut mobiliser une partie des terres collectives pour des projets d’intérêt général », retrace le juriste Ahmed Bendella.

    La règle de 1919 ne va pas beaucoup changer après l’indépendance. Pire, cette loi coloniale va devenir un outil du Makhzen (selon l’expression marocaine désignant l’administration et le pouvoir du pays, ndlr) pour se constituer une assiette foncière à bas coût, quand ses propres ressources terriennes s’amenuisent. Et pour cause.

    « S’étendant sur une superficie estimée à 15 millions d’hectares (selon les propres estimations du Ministère de l’intérieur marocain en 2013, ndlr), cette catégorie foncière est particulièrement touchée, aujourd’hui, par l’intensification de l’accaparement des terres agricoles et pastorales au profit de projets économiques de grande envergure », écrit la politologue Yasmine Berriane en 2015.

    « Avec l’expansion urbaine, ces terres jusque-là dévalorisées ont commencé à intéresser, elles ont soudain pris un énorme potentiel, continue Ahmed Bendella. La possibilité de céder des terrains reste à une double condition : au profit d’un organisme public et pour un projet d’utilité publique, comme la construction d’une école, de bâtiments administratifs, de routes… »

    Une exigence qui disparaît en 2019, à l’occasion de la refonte de la loi. Mais en 2007, quand les terres du douar Ouled Sbita attirent l’attention des promoteurs, il n’est pas encore question de revoir la législation. À cette époque, impossible pour le privé de récupérer ce domaine.

    Officiellement du moins. Car, un subterfuge, couvert par l’État, va permettre à Addoha de mettre la main sur les terres des Ouled Sbita. C’est ainsi que le terrain va être vendu à un établissement public, comme la loi l’autorise, par la tribu, représentée par… le Secrétaire d’État à l’intérieur, au nom de la tutelle de l’État sur les terres collectives. Ce même établissement public va ensuite remettre le domaine à l’entreprise qui a en fait avancé le prix de vente. Rendant ainsi légale l’opération d’achat normalement interdite par la loi.

    L’institution financière publique en embuscade

    « Comme ce serait illégal que la cession se déroule directement en faveur du privé, elle se fait au profit d’institutions étatiques qui cèdent ensuite la terre aux investisseurs », détaille une spécialiste du sujet ayant requis l’anonymat. Une manière de contourner la loi pour permettre au secteur privé de s’accaparer les terres normalement protégées par l’État. Omar Radi s’apprêtait justement à décortiquer ce tour de passe-passe.

    D’après un acte de réquisition qu’il s’était procuré, « le 21 octobre 2010, « la collectivité ethnique Ouled Sbita », représentée par le Secrétaire d’État à l’Intérieur, a vendu à la Caisse de Dépôt et de Gestion, représentée par son Directeur Général, la totalité de la propriété dite « Bled Ouled Sbita », située à Salé, Bouknadel, Plage des Nations, consistant en une parcelle de terrain nu, d’une superficie approximative de 355 hectares ». La Caisse de Dépôts et de Gestion (CDG) y déclare ensuite, dans « un acte reçu par le Notaire le même jour » que la propriété en question « a été acquise pour le compte de la Société Anonyme « Douja Promotion Groupe Addoha » qui a effectivement avancé la totalité du prix de vente ». En clair, la collectivité n’ayant pas la capacité juridique de vendre elle-même sa terre, c’est l’État, en vertu de sa tutelle, qui a cédé les terres des Ouled Sbita à la CDG, établissement public. Et la société Addoha, qui a avancé l’argent, les a ensuite récupérées auprès de la CDG. Le document ne mentionne cependant aucun prix de vente.

    Avant son arrestation, Omar Radi a transmis à la Bertha Foundation ce document central pour l’enquête : l’acte de réquisition, dévoilant le subterfuge ayant permis à Addoha de mettre la main sur les terres des Ouled Sbita (Photo : Omar Radi).

    Au sein du ministère des finances, sous couvert d’anonymat, un cadre décrypte : « Comme il s’agit de terres collectives, un type de foncier spécifique, la CDG, en tant qu’établissement public, a joué le rôle de portage. Ça se fait souvent, c’est une manière de détourner la procédure. Dans un schéma de dépossession d’une collectivité tribale de ses terrains. » Une opération légale pour maquiller un arrangement avec la loi.

    Institution publique marocaine créée en 1959, la Caisse de Dépôts et de Gestion a pour mission de centraliser et gérer les fonds d’épargne de la Caisse nationale de sécurité sociale, de la Caisse d’épargne nationale et la Caisse nationale de retraites et d’assurances.

    Dotée d’une autonomie financière, la CDG, qui n’a pas répondu à nos demandes d’interview, entretient des relations privilégiées avec « des groupes et entreprises privés connus pour leur proximité du pouvoir politique », d’après les chercheurs Mohamed Oubenal et Abdellatif Zeroual. Parmi ces sociétés, Addoha.

    Si l’on en croit le même cadre anonyme du ministère des finances, c’est justement en raison de ces liens étroits entre la CDG et Addoha que l’établissement a servi dans cette opération triangulaire. « Il fallait une troisième partie pour blanchir l’affaire. » Pour lui, le document de réquisition que s’est procuré Omar Radi « démontre de façon claire et évidente la connivence des parties pour détourner la loi. »

    LE MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR SAVAIT. C’EST PIRE QUE L’EXPROPRIATION, CES GENS ONT ÉTÉ DÉPOSSÉDÉS DE LEUR TERRAIN.

    Cette dépossession était au cœur du travail d’Omar Radi. La lutte des Ouled Sbita contre l’entreprise Addoha aussi. Et c’est en s’intéressant de plus près à cette société que Forbidden Stories a découvert que le scandale va plus loin encore : l’histoire de la Plage des Nations s’avère certainement liée à un délit d’initié, qui aurait enrichi les plus proches du roi. Car si les habitants du douar ont été approchés par le promoteur immobilier en 2007, le projet de la Plage des Nations a lui été annoncé dès 2006. En grandes pompes.

    Le 11 novembre 2006, « [Sa Majesté] le Roi préside la signature de deux mémorandums d’entente relatifs à des investissements touristiques et immobiliers à Rabat. Une enveloppe de près de 11 milliards de dirhams (1 milliard d’euros, ndlr) pour la réalisation d’un parc zoologique (4,7 milliards de Dhs – près de 450 millions d’euros, ndlr) et l’aménagement de la plage des Nations, (6 milliards de Dhs – plus de 560 millions d’euros, ndlr), comprenant des milliers de résidences, plusieurs hôtels, restaurants (…), écrit l’agence de presse du royaume. Ces mémorandums d’entente [ont été ] conclus entre l’Etat et le Groupe Addoha. »

    C’est donc sous les yeux du souverain qu’est lancé le projet de la Plage des Nations, qui aboutira à l’expulsion de la tribu. Avant même que celle-ci n’en soit informée.


    Mais l’affaire s’avère plus fumeuse encore. Car le 10 novembre, à la veille de ces prestigieuses annonces, la valeur de l’action Addoha va exploser. Une drôle de coïncidence qui nécessite de remonter le cours de l’actualité boursière de l’époque. En juillet 2006, la société Addoha introduit 35 % de son capital en Bourse. L’opération, juteuse, rapporte 2,7 milliards de dirhams (soit 270 millions d’euros) à Anas Sefrioui – ironie du sort, si l’on en croit plusieurs sources, lui-même aurait été réticent à cette ouverture de capital et n’aurait cédé qu’à la suite de pressions en haut lieu. La valeur d’Addoha décolle rapidement et le cours de l’action ne cesse d’augmenter.

    Jusqu’à l’explosion ce fameux vendredi 10 novembre 2006. Ce jour-là, « la place de Casablanca est en pleine ébullition. Dans les sociétés de Bourse, les ordres d’achat et de vente pleuvent dès l’ouverture. La coqueluche de la cote, Addoha, dépasse les 2000 dirhams (…). Les traders surexcités ne savent plus où donner de la tête. Les échanges sur le titre totalisent un milliard de dirhams », raconte alors Le Journal hebdomadaire – le périodique indépendant a mis la clé sous la porte en 2010, étranglé par les procédures baillons.

    Cette folie boursière trouvera finalement son explication le lendemain avec la signature par le groupe Addoha de ces deux mémorandums d’investissement avec l’État, présidée par Mohammed VI en personne.

    Une semaine plus tard, Noreddine El Ayoubi, alors directeur général d’Addoha, détaille les ambitions du groupe pour ce qui constitue encore le terrain de la tribu Ouled Sbita. « Il s’agit de la réalisation d’un pôle touristique à la Plage des Nations sur une assiette foncière de plus de 450 ha » – soit une centaine d’hectares supplémentaires que ce qui sera signé ensuite avec les représentants de la collectivité. « Ce projet comprend une zone résidentielle, des hôtels, un parcours de golf de 18 trous, des équipements de loisirs ainsi qu’une zone commerciale. » Un plan colossal ne tenant qu’à la possibilité d’exploiter ces terres collectives.

    « Si ce n’est pas du délit d’initié, ça y ressemble… »

    L’envolée boursière suscite rapidement les critiques. Dans ce même article du Journal hebdomadaire, un trader s’interroge : « Si ce n’est pas du délit d’initié, ça y ressemble à s’y méprendre. » L’affaire sera bien vite enterrée par le gendarme de la Bourse marocain, le Conseil déontologique des valeurs mobilières (CDVM, depuis remplacé par l’Autorité marocaine du marché des capitaux ou AMMC), qui n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien. Et il faut creuser profondément pour retrouver les traces d’un début d’investigation.

    C’est en se plongeant dans les quelques 600 pages du premier volume du rapport annuel de la Cour des Comptes de 2010, qu’on tombe sur une critique de la Cour à l’égard du CDVM. Le gendarme de la Bourse aurait classé « sans une instruction approfondie » certains dossiers relatifs à de possibles délits boursiers. Celui de « l’affaire AD », par exemple. Des initiales bien mystérieuses qui renvoient en fait… à Addoha.

    « On ne fait pas apparaître les noms dans les rapports, explique un magistrat de la Cour. Mais on fait allusion à l’organisme et aux années. En faisant attention, on peut bien entendu arriver aux concernés. » Tout semble fait pour que ces affaires passent inaperçues. La preuve, en dehors de nos confrères de Lakome, personne n’avait établi de lien entre la société « AD » du rapport de la Cour des comptes et l’entreprise Addoha.

    Une fois ce nom de code déchiffré, on comprend donc que, concernant les soupçons de délit d’initié ayant pesé sur Addoha, le CDVM a bien ouvert une enquête « suite au constat, lors de la surveillance, de mouvements massifs d’achat sur la valeur à l’approche de la publication des deux communiqués de presse de la société ».

    Mais cette investigation a, d’après la Cour, eu l’honneur d’un « traitement spécial » : « Le dossier n’a pas fait l’objet de discussion [au conseil d’administration du CDVM] et le directeur général du CDVM a décidé son classement, le 26 septembre 2008, sans en préciser les motifs ».

    Contactée, Dounia Taârji, directrice générale du CDVM au moment des faits, a décliné notre demande d’entretien, nous expliquant que « les enquêtes du CDVM étant couvertes par un engagement de confidentialité, [elle n’était] pas en mesure de répondre à nos questions. ».

    La Cour des comptes écrit cependant dans son rapport que cinq individus, dont les noms ont été anonymisés, ont bel et bien été suspectés de délit d’initié.

    Le CDVM s’est en effet penché sur des « personnes ayant un lien familial avec les dirigeants ou de fonction avec la société » qui auraient « [dégagé] des plus values considérables se chiffrant à des millions de dirhams ». Plus précisément, près de 200 millions pour l’une (soit 20 millions d’euros), 2, 6, 11 ou 29 millions pour les autres (de 200.000 à 2,9 millions d’euros).

    De ces suspects, rien ne sera dévoilé, si ce n’est donc leur lien avec la société, par leur famille ou leur poste dans l’entreprise. Surtout, d’après plusieurs observateurs, les bénéficiaires réels de ce probable délit d’initié ne sont pas à chercher de ce côté.

    « Vous ne trouverez jamais l’identité de ceux sur lesquels le CDVM a enquêté », affirme Aboubakr Jamai, journaliste marocain, en exil depuis 2007, fondateur du Journal Hebdomadaire et ancien directeur de la version francophone de Lakome, aujourd’hui professeur d’économie à l’université d’Aix en Provence.

    Il est vrai que la répression féroce qui s’abat au Maroc sur les journalistes, lanceurs d’alerte et opposants porte ses fruits. Peu de sources contactées acceptent de nous parler sur cette affaire, pourtant vieille d’une quinzaine d’années. Et les rares téméraires se risquant à nous répondre ne le font que sous couvert d’anonymat.

    Dans le rapport du CDVM, seuls sont pointés des salariés d’Addoha ou des proches de Monsieur Sefriou, or selon Aboubakr Jamai, « l’enrichissement aurait surtout concerné l’entourage du roi. » Un autre connaisseur de la royauté renchérit, sous couvert d’anonymat : « Au départ, des proches du roi ont acheté Addoha, puis il y a eu ces annonces qui ont catapulté la boîte : la Plage des Nations, le zoo… Le Palais a carrément présidé la signature. Et au fur et à mesure que l’action a explosé, ils ont empoché la plus value. Ils ont gagné beaucoup d’argent dans cette affaire. » Selon cette source, le foncier sert régulièrement de machine à cash aux fortunes au royaume.

    LA FAÇON LA PLUS CLEAN D’IMPRIMER DU BILLET DE BANQUE, C’EST DE PRENDRE UN BOUT DE TERRE QUI NE VAUT RIEN ET DE LE TRANSFORMER EN TERRE QUI VAUT UNE FORTUNE.

    Par exemple, en bâtissant des villas de standing sur des terres collectives expropriées à une tribu.

    « Ce terrain nous l’avons acquis à 50 Dhs/m² (environ 5€/m²), soit 225 millions de dirhams (un peu plus de 22 millions d’euros, ndlr) », précise en 2006 Noreddine El Ayoubi, directeur général du groupe Addoha à Aujourd’hui Le Maroc.

    Combien vaut désormais le m² à la Plage des Nations ? Sur son site, le promoteur propose plusieurs biens. Par exemple, des lots de terrain sur mesure, « parcelles qui vous permettront de construire la demeure de vos rêves sur golf dans un cadre idyllique », vendues à 3500 Dhs/m² (environ 350 €/m²), soit 70 fois plus que la somme accordée aux Ouled Sbita. Certes, comme le rappelle à La Libre Belgique Saad Sefrioui, directeur général d’Addoha jusqu’en mars dernier et neveu d’Anas Sefrioui, « les terres étaient nues, il a fallu investir dans la connexion au réseau d’eau et d’assainissement, en plus de la construction ».

    Mais comment le terrain des Ouled Sbita a-t-il pu être cédé à un tarif aussi bas, au regard de son exceptionnelle location ?

    « Dans la majorité des cas, il n’y a pas d’utilité publique dans les expropriations »

    Les autorités utilisent en fait l’expropriation pour utilité publique « pour obtenir des terres quasiment gratuitement. Une grande partie des terres ainsi obtenues servent à enrichir le secteur privé », affirmait Omar Radi auprès de la Bertha Foundation. Il est vrai que le problème de l’écart entre l’indemnisation accordée et le prix de vente sur le marché s’avère récurrent. « La même administration peut me dire que mon terrain vaut 20.000 Dhs/m² quand je subis un redressement fiscal mais qu’il n’en vaut en réalité que 30 Dhs/m² si je suis exproprié », ironise un expert.

    Dans un discours tenu face au Parlement le 14 octobre 2016, Sa Majesté Mohammed VI évoque « ces nombreux citoyens [qui] se plaignent des affaires d’expropriation », déplorant que « le montant de l’indemnisation [soit] en deçà des prix de vente en vigueur ».

    À raison, car le référentiel des prix utilisé par les impôts pour connaître les tarifs de l’immobilier n’est pas celui auquel le ministère des finances a recours pour déterminer la valeur d’un terrain exproprié. C’est pourtant bien une commission administrative, où siègent des représentants de la direction des impôts et des domaines, entités du ministère des finances, qui fixe le prix des terres expropriées.

    Mais « les montants des indemnisations ne reflètent pas la réalité », reconnaît Lahcen Maazizi, directeur des affaires administratives et juridiques au Ministère de l’Équipement et de l’eau, lors d’une rencontre sur « l’expropriation pour cause d’utilité publique » organisée par son ministère, les 15 et 16 mars derniers. Khalid Sbia, inspecteur des finances au ministère de l’Économie, y démontre que le prix de la terre fixé par l’administration lors de l’expropriation peut être 8 fois, 20 fois, voire 40 fois inférieur à celui décidé par la justice en cas de litige. « Il y a un vrai problème : soit ces comités [administratifs] sont hors de toute réalité, soit ce sont les décisions judiciaires qui le sont », commente-t-il.

    Les participants à cette rencontre vont plus loin encore. Ils remettent en cause, purement et simplement, le principe même d’expropriation pour utilité publique. La notion n’a en fait jamais été définie dans la loi, selon Hamid Oulad Leblad, conseiller à la Cour de Cassation. Khalid Sbia, l’inspecteur des finances pointe aussi sans détour « le manque d’une définition juridique ». « Les décisions judiciaires et la jurisprudence ont montré que dans la majorité des cas il n’y a pas d’utilité publique dans les expropriations. » Voilà qui a le mérite d’être clair.

    Ce constat n’est pas sans rappeler les interrogations des habitants du douar Ouled Sbita. « On nous a dit que le promoteur immobilier venait pour le bien commun. Mais est-ce que construire des golfs et des villas, c’est agir pour le bien commun ? », questionne ingénument Saïda Seqqat, auprès de Libération en 2017. Ironie de l’histoire : quinze ans après son lancement, le projet n’est toujours pas terminé.

    « La zone commerciale prévue n’a jamais vu le jour, regrette Michel*, propriétaire depuis 2012 d’une villa de 450 m², avec piscine privée et jardin de 150 m², obtenue à l’époque pour environ 350 000 euros (3,5 millions de dirhams). Beaucoup de gens ont acheté mais n’habitent pas sur le site, ils viennent seulement l’été ou le louent pour les vacances. Ça bloque l’implantation de commerces. Il y a une petite épicerie, mais c’est tout. En dehors des mois d’été, sans voiture, vous ne pouvez rien faire. On est très loin de l’objectif du projet, ils ont vu trop grand. »

    Dans l’attente du passage de son affaire en Cour de cassation, Omar Radi est toujours condamné à six ans de prison. Il lui en reste quatre à passer derrière les barreaux.

    *Le prénom a été modifié.

    LES ENQUÊTES SENSIBLES D’OMAR RADI

    En 2013, Omar Radi obtient le Prix du journalisme d’investigation IMS-AMJI pour son enquête sur l’exploitation des carrières de sable. Il y dénonce l’opacité du système d’agréments qui permet l’exploitation de ces carrières et notamment l’implication de sociétés domiciliées dans des paradis fiscaux qu’il identifie en épluchant les registres du commerce.

    En 2016, l’affaire dite « des serviteurs de l’Etat » fait scandale au Maroc. Omar Radi ne signe pas l’enquête mais il est à l’origine de la fuite de données à l’origine du scandale. Les documents qu’il parvient à se procurer montrent que des terrains très coûteux ont été offerts gracieusement à des personnalités proches des autorités marocaines.

    En octobre 2017, son travail sur le mouvement de contestation du Rif dit le « Hirak » lui vaut une garde à vue de 48h. Cette année-là, Omar Radi réalise – avec ATTAC Maroc – un film documentaire sur le sujet, « Mourir plutôt que vivre humilié », qui retrace le soulèvement des habitants de la région d’Al Hoceima au nord du pays. Le récit commence avec la mort de Mohsen Fikri, un vendeur de poissons broyé dans une benne à ordure alors qu’il tente de s’opposer à la saisie de sa marchandise. Au Maroc, l’événement déclenche un mouvement de protestation qui prend une tournure de plus en plus politique au fil des mois. En mars 2020, Omar Radi est condamné à 4 mois de prison avec sursis pour avoir fustigé la condamnation de membres du Hirak.

    Forbidden stories, 19/09/2022

    #Maroc #Omar_Radi #Enquête_carrières #Hirak #Rif

  • Maroc. La liberté de la presse, dans son pire moment

    Maroc, presse, journalistes, Taoufik Bouachrine, Souleiman Raissouni, Omar Radi,

    Le 30 juillet, le Maroc a célébré le 23e anniversaire de l’accession au trône de son monarque, Mohammed VI, lors d’un événement connu sous le nom de « fête du trône ». Reporters sans frontières (RSF) dénonce que la situation des médias dans le pays est la pire depuis que le mandataire est devenu roi en 1999. L’organisation demande aux autorités de libérer les journalistes emprisonnés et d’abandonner toutes les poursuites judiciaires en cours contre eux.

    « Le retour aux pratiques des années les plus sombres du Maroc est inquiétant et inacceptable « , déclare Khaled Drareni, représentant de RSF en Afrique du Nord. « Cela contredit l’image respectable que le gouvernement se plaît à donner au monde et, surtout, cela va à l’encontre des aspirations légitimes des Marocains à exercer efficacement leurs libertés, y compris celle de la presse . Nous exigeons des autorités qu’elles libèrent les journalistes emprisonnés, annulent leurs condamnations, notamment celles de Souleiman Raissouni et d’Omar Radi, et abandonnent toutes poursuites judiciaires en cours . »

    La liberté de la presse est plus précaire aujourd’hui qu’elle ne l’a jamais été depuis l’époque la plus oppressive du roi Hassan II. Trois journalistes ( Taoufik Bouachrine , Souleiman Raissouni et Omar Radi ) sont actuellement en prison. Officiellement, ils ont été emprisonnés pour des crimes non politiques, mais la réalité est qu’ils ont été persécutés pour leur travail de journalistes, car le ton indépendant et critique de leur journalisme déplaît aux autorités.

    Le rédacteur en chef du journal Akhbar Al-Yaoum , désormais fermé , Bouachrine , purge une peine de 15 ans de prison (confirmée par la Cour de cassation en septembre 2021) pour traite des êtres humains, abus de pouvoir à des fins sexuelles, viol et tentative de râpé. Il a toujours nié ces accusations, que sa défense a qualifiées de nouvelle tentative de pression sur son journal. Bouachrine avait déjà été poursuivi en 2009 pour une caricature jugée irrespectueuse envers la famille royale et le drapeau marocain ; en 2015 pour un article portant atteinte à « la réputation du Maroc » ; et en 2018 pour « diffamation » de deux ministres.

    Journalistes soutenus par RSF et des ONG de défense des droits humains

    Les cas de Raissouni et de Radi sont les plus emblématiques de la situation dramatique dans laquelle se trouvent les journalistes indépendants au Maroc. Raissouni a été condamné à 5 ans de prison par un tribunal de Casablanca, en juillet 2021, à l’issue d’un procès marqué par des irrégularités flagrantes. Sa condamnation (basée sur une accusation manifestement fausse d’agression sexuelle qu’il a toujours niée) a été confirmée en appel en février 2022. Assisté de RSF et d’autres organisations de défense des droits de l’homme, il attend la décision de son appel devant la Cour de justice.

    Lorsque Raissouni a été soudainement transféré à la prison d’Ain Borja en mai, les gardiens ont déchiré nombre de ses notes et de ses livres et, à son arrivée dans la nouvelle prison, il a été placé à l’isolement. RSF a réagi en condamnant les méthodes qui avaient une nouvelle fois violé les droits d’un journaliste emprisonné.

    Journaliste d’investigation et défenseur des droits humains bien connu qui a déjà purgé deux ans de détention, Radi purge une peine de six ans pour des accusations de viol et d’espionnage qui ont été confirmées en appel le 4 mars. Son collègue, Imad Stitou , a été condamné à 12 mois de prison (dont 6 n’ont pas entraîné son entrée en prison) dans le cadre de l’affaire de viol, mais il a évité la peine en fuyant le Maroc 4 mois avant que la peine ne soit confirmée. Stitou est convaincu que la seule raison pour laquelle il a été condamné est son refus de céder aux pressions policières pour témoigner contre Radi.

    Accaparement des terres et corruption

    Emprisonné une première fois en décembre 2019 pour avoir critiqué la décision d’un juge d’emprisonner des participants aux manifestations dites du « Hirak » dans la région du Rif (nord du Maroc) en 2016 et 2017, Radi est dans le collimateur de la monarchie depuis des années. Selon sa famille et ses collègues, les autorités ne lui ont jamais pardonné ses opinions exposées dans les médias et les réseaux sociaux durant les deux années précédant son arrestation.

    Il a également réalisé des rapports d’enquête sur la confiscation de terrains publics par des spéculateurs et mis au jour le scandale de corruption des soi-disant « serviteurs de l’État » dans lequel une centaine de personnes étaient impliquées, dont des hauts fonctionnaires.

    En décembre 2019, il est libéré quelques jours après avoir été arrêté grâce aux pressions de RSF et de nombreuses autres organisations, et est finalement condamné à 4 mois de prison, ce qui n’entraîne cependant pas son incarcération. Cependant, la persécution ne s’est pas arrêtée. En juin 2020, Amnesty International a signalé que les autorités marocaines avaient utilisé Pegasus, le logiciel espion commercialisé par la société israélienne NSO Group, pour pirater le mobile de Radi et surveiller ses activités. Le mois suivant, le journaliste est allé en prison pour la deuxième fois.

    Une campagne est menée tant au Maroc qu’à l’étranger pour obtenir la libération de Raissouni et Radi , qui ont toujours insisté sur le fait qu’ils étaient persécutés pour leurs opinions et la pratique du journalisme, y compris la couverture des troubles sociaux et de la corruption dans le pays. Dans le cas de Raissouni, il semble que ce soit sa critique de la domination de la monarchie dans l’économie qui ait le plus offensé les autorités.

    D’autres journalistes marocains ont fait preuve d’un grand courage face à un régime qui ne tolère aucun média indépendant. Le dernier bel exemple en date est celui de Hanane Bakour , qui est dans le collimateur du gouvernement depuis un certain temps et qui a reçu une convocation au tribunal le 27 juin, juste après que le parti du Premier ministre Aziz Akhannouch, le RNI, ait porté plainte contre elle pour un post sur Facebook. . La journaliste utilise régulièrement ses réseaux sociaux pour critiquer les décisions économiques du Gouvernement et. à l’aide de hashtags, qualifier d’antisociales les mesures du Premier ministre. RSF a qualifié cette convocation d’intimidation judiciaire inacceptable.

    Processus sans fin

    Deux autres journalistes, Ali Anouzla et Maati Monjib , ont fait l’objet de longues poursuites judiciaires, bien qu’aucun des deux ne soit actuellement en détention. Anouzla est harcelée pour avoir enquêté sur le budget de la monarchie et les dépenses de la famille royale. A la suite de ses posts sur ce sujet tabou, des accusations absurdes de soutien à des « mouvements terroristes » ont été portées contre lui . RSF suit son dossier de près depuis que ses démêlés avec la justice ont repris en 2017 .

    Fondatrice du site d’information Lakome.com, Anouzla a défrayé la chronique en septembre 2013 après avoir mis la monarchie dans l’embarras en révélant que Daniel Galván, un citoyen espagnol condamné et incarcéré au Maroc pour viols d’enfants, avait été libéré au moyen d’une grâce royale. Après le refus initial de connaître la gravité des accusations portées contre Galván, le roi a reculé et a annulé la grâce. Peu de temps après, Anouzla a été arrêtée pour une fausse accusation de terrorisme et a passé cinq semaines en prison.

    En tant que l’un des principaux défenseurs des droits humains au Maroc et chroniqueur respecté, Monjib a également payé cher son rôle dans la défense des droits humains et de la liberté de la presse. En octobre 2015, il a entamé une grève de la faim de 21 jours pour protester contre une interdiction de voyager à l’étranger qui l’empêchait d’assister à des conférences internationales (une restriction imposée parce qu’il était accusé de mettre en danger la sécurité de l’État).

    Après avoir été incarcéré le 20 décembre 2020, Monjib a été condamné à un an de prison et à une amende de 15000 dirhams (1400 €) par un tribunal de Rabat en janvier 2021, pour des accusations non fondées de « fraude » et « atteinte à la sécurité de l’État » . Ses avocats et son comité de soutien ont dénoncé non seulement la peine elle-même, mais aussi le fait qu’elle ait été prononcée lors d’une audience tenue en l’absence de Monjib et que ses avocats n’aient même pas été prévenus que l’audience avait lieu ou n’aient été invités à y assister.

    « Cette condamnation est doublement injuste car ni mes coaccusés ni moi n’avons jamais menacé la ‘sécurité intérieure de l’État’ et n’avons commis aucun autre crime autre que l’exercice de notre droit à la liberté d’expression et d’association », déclare Monjib à RSF.

    Monjib a entamé une grève de la faim pour protester contre la condamnation du 4 mars 2021 et a finalement obtenu une libération provisoire après s’être abstenu de manger pendant 20 jours.

    Le Maroc est classé 135e sur 180 au Classement mondial de la liberté de la presse 2022 de RSF .

    RSF, 02/08/2022

    #Maroc #Presse #Journalistes

  • Maroc: Derrière la Fête du Trône, la répression des journalistes

    Maroc, Fête du Trône, journalistes, presse, répression, Omar Radi, Souleïman Raïssouni, Taoufik Bouachine,

    Ce samedi 30 juillet, le Maroc s’apprête à célébrer sans faste l’accession au pouvoir, il y a 23 ans, du roi Mohamed VI. Cette “Fête du Trône” coïncide avec la pire situation pour la presse et les journalistes depuis son intronisation. Reporters sans frontières (RSF) appelle les autorités marocaines à libérer les journalistes emprisonnés comme Omar Radi et Souleiman Raissouni et à abandonner toutes les charges judiciaires qui pèsent sur eux.

    “Le retour aux pratiques des années de plomb au Maroc est inquiétant et inacceptable, estime Khaled Drareni, représentant de RSF en Afrique du Nord. Il va à l’encontre de l’image de respectabilité que veut se donner le régime à l’étranger. Il est surtout en contradiction avec les aspirations légitimes des Marocains à exercer leurs libertés, dont celle de la presse, de manière effective. RSF appelle les autorités marocaines à libérer les journalistes emprisonnés et à abandonner toutes les charges judiciaires à leur encontre, en particulier celles qui pèsent sur Omar Radi et Souleiman Raissouni.

    Jamais, depuis le règne de Hassan II, la situation de la liberté de la presse n’a été aussi précaire au Maroc. Trois journalistes sont actuellement en détention, officiellement pour des faits de droit commun. Ils subissent en réalité une répression caractérisée en raison de leur travail de journalistes, dont la tonalité indépendante et critique déplaît aux autorités. Il s’agit de Taoufik Bouachrine, Omar Radi et Souleiman Raissouni.

    Dans le cas de Taoufik Bouachrine, la Cour de cassation a confirmé, en septembre 2021, la peine de 15 ans de prison infligée au directeur du journal Akhbar Al-Yaoum pour « traite d’êtres humains », « abus de pouvoir à des fins sexuelles et « viol et tentative de viol ». Des accusations que le journaliste a toujours niées. Sa défense a notamment mis en avant les pressions subies par son journal aujourd’hui disparu. Taoufik Bouachrine avait déjà fait l’objet de poursuites en 2009 pour une caricature jugée irrespectueuse de la famille royale et du drapeau marocain, en 2015 pour un article attentatoire “à la réputation du Maroc”, et début 2018, pour “diffamation” envers deux ministres.

    Des journalistes soutenus par RSF et plusieurs organisations de défense des droits de l’homme

    Les cas de Omar Radi et Souleiman Raissouni sont encore plus emblématiques de la situation dramatique des journalistes indépendants au Maroc. En détention depuis deux ans, Souleiman Raissouni a été condamné le 24 février par la cour d’appel de Casablanca à cinq ans de prison, à la suite d’un procès pour agression sexuelle entâché d’irrégularités. Une accusation que le journaliste a constamment niée. Soutenu par RSF et plusieurs autres organisations de défense des droits de l’Homme, il attend dorénavant le résultat de son pourvoi en cassation. En mai, Souleiman Raissouni a été transféré à la prison de Ain Borja. Un transfert au cours duquel ses documents et livres ont été déchirés et après lequel il a été placé à l’isolement. Reporters sans frontières a alors dénoncé le recours à des méthodes qui violent, une fois de plus, les droits d’un journaliste en détention.

    En détention depuis deux ans jour pour jour, le journaliste et défenseur des droits humains Omar Radi, a lui été condamné, en appel, à six ans de prison ferme le 4 mars dans une double affaire d’espionnage et de viol. Cité dans la même affaire, son confrère Imad Stitou n’a pas été incarcéré mais n’a pas non plus échappé aux foudres de la justice marocaine. Il a été condamné à un an de prison, dont six mois ferme. Quatre mois avant cette énième condamnation, Imad Stitou a décidé de quitter le Maroc. Le journaliste est persuadé que l’origine de ses ennuis judiciaires est sa décision de ne pas témoigner contre Omar Radi pour l’accabler, comme le lui avaient demandé les gendarmes.

    Accaparement des terres publiques et affaires de corruption

    Emprisonné une première fois en décembre 2019 pour avoir critiqué une décision de justice contre des manifestants du Rif (mouvement contestataire dans le nord du Maroc commencé en octobre 2016), Omar Radi est en fait depuis de nombreuses années dans le viseur du Palais. D’après sa famille et son entourage proche, les autorités ne lui ont jamais pardonné ses avis exprimés sur les réseaux sociaux et dans les médias durant les deux dernières années précédant son arrestation.

    Plus encore, Omar Radi, journaliste d’investigation réputé et respecté, a publié ces dernières années des articles sur l’accaparement de terres publiques par des spéculateurs. Il est aussi à l’origine de l’éclatement du scandale de corruption dit des « serviteurs de l’État » qui a éclaboussé une centaine de personnes, notamment des officiels de haut rang dans le royaume.

    Le journaliste avait finalement été libéré quelques jours après sa première arrestation en décembre 2019 grâce à une pression exercée par RSF et de nombreuses organisations. Il avait finalement écopé d’une peine de quatre mois de prison avec sursis. Mais l’acharnement n’allait pas s’arrêter là. Un rapport publié par Amnesty International révèle quelques jours plus tard que le téléphone du journaliste avait été espionné par le Maroc à l’aide du logiciel Pegasus de l’entreprise israélienne NSO.

    Soutenus par une campagne de solidarité au Maroc et à l’étranger qui demande leur libération, Omar Radi et Souleiman Raissouni ont toujours affirmé être poursuivis en raison de leurs écrits et de leur travail journalistique, notamment en faveur des mouvements sociaux et contre la corruption. Pour Souleiman Raissouni, ce sont ses critiques envers la prédominance de la place de la monarchie dans l’économie du pays qui lui sont implicitement reprochées.

    D’autres journalistes au Maroc se font remarquer pour leur courage face à une politique répressive qui ne tolère aucun média libre et indépendant. Hanane Bakour en est l’exemple le plus parlant. Déjà dans le collimateur des autorités, la journaliste a été convoquée au tribunal, le 27 juin, après que le RNI (Rassemblement national des Indépendants), parti du Premier ministre Aziz Akhannouch, a porté plainte contre elle pour un post sur Facebook. La journaliste utilise en effet les réseaux sociaux pour dénoncer régulièrement les décisions économiques prises par le gouvernement marocain, et multiplie les hashtags à l’encontre de l’actuel Premier ministre qu’elle accuse de prendre des mesures antisociales. RSF avait réagi en dénonçant un cas inacceptable d’intimidation judiciaire par le gouvernement contre une journaliste.

    Des poursuites judiciaires sans fin

    Ali Anouzla et Maati Monjib n’en ont pas fini, eux aussi, avec les méandres de la justice au Maroc. Les deux journalistes sont en liberté, mais sont toujours sous le coup de poursuites. Ali Anouzla s’est attiré les foudres de la justice pour avoir enquêté sur le budget de la monarchie et les dépenses de la famille royale. Ses éditoriaux sur cette question tabou au Maroc lui ont valu des accusations saugrenues de soutien à des “mouvements terroristes”. Depuis le début de ses ennuis judiciaires en 2017, RSF s’est toujours tenu à ses côtés.

    Fondateur du site internet Lakome.com, Ali Anouzla a défrayé la chronique en septembre 2013, en révélant la libération par grâce royale de Daniel Galvan, un ressortissant espagnol condamné et emprisonné au Maroc pour pédophilie. Coup de théâtre dans tout le pays et rétropédalage au palais, où le roi Mohamed VI décide finalement d’annuler sa grâce. Peu de temps après, Ali Anouzla est arrêté et emprisonné.

    Figure du combat pour les droits de l’homme au Maroc, son confrère Maatii Monjib, a aussi payé cher ses activités en faveur de la liberté de la presse au Maroc et des droits de l’homme. En octobre 2015, Maâti Monjib avait déjà observé une grève de la faim de 21 jours pour protester contre son interdiction de quitter le territoire pour se rendre à des colloques internationaux. Il reste encore aujourd’hui sous le coup de poursuites judiciaires.

    Maati Monjib avait été condamné “in absentia” le 27 janvier 2021 à un an de prison ferme et à une amende de quinze mille dirhams (1 400 euros). Ses avocats et son comité de soutien avaient dénoncé ce jugement rendu par le tribunal de première instance de Rabat en son absence, et sans que ses avocats n’aient été ni convoqués, ni même prévenus. “Cette condamnation est doublement injuste car ni mes co-accusés, ni moi même avions jamais menacé ‘la sécurité intérieure de l’État’, ni aucun autre crime, si ce n’est l’exercice de notre droit à la liberté d’expression et d’association” avait à l’époque expliqué à RSF le journaliste. C’est pour dénoncer cette condamnation que Maati Monjib avait cessé de s’alimenter le 4 mars 2021 et avait observé 20 jours de grève de la faim.

    RSF, 29.07.2022

    #Maroc #Presse #Journalistes #MohammedVI #Fete_du_trone

  • Maroc. Joyeux anniversaire, Omar Radi

    Maroc, Omar Radi, Répression, presse, journalistes,

    Je ne connaissais d’OmarRADI que le journaliste. Je voulais l’interviewer pour l’affaire Pegasus. La veille de son arrestation. Il était très occupé, appelé par tout le monde, mais a quand meme pris un moment pour répondre à mes questions. Il était 00:30.

    Je voulais qu’il me parle de lui, de son affaire. Il a préféré parler des injustices.

    Aujourd’hui, 18 juillet, Omar Radi fête son anniversaire derrière les barreaux, parce qu’il a parlé.

    Je pense à lui, ses parents, ses ami·e·s.

    Joyeux anniversaire Omar.

    Source : Twitter, 18/07/2022

  • Omar Radi : La révolte comme ligne éditoriale*

    Omar Radi : La révolte comme ligne éditoriale*

    Maroc, Omar Radi, presse, journalistes, répression,

    Sur le plan professionnel, Omar a toujours été présent, a toujours compté pour moi. Même si nous avions emprunté des chemins différents et des choix, parfois, opposés.
    Dans l’exercice du métier de journaliste, il avait l’entraide comme devise. La révolte comme ligne de conduite. Le respect mutuel comme déontologie personnelle et professionnelle.

    L’entraide, c’était le jour où il m’envoie une base de contacts précieuse avec des centaines de page de téléphones. C’était un outil inestimable pour le jeune journaliste que j’étais en 2009.

    L’acte qu’il a posé est juste impossible dans un métier où les contacts sont la denrée rare, que chaque journaliste cultive secrètement.

    Pour Omar, c’était un acte normal. Cette base de données récupérée chez un ancien employeur devait servir aussi à d’autres journalistes. C’était la générosité en acte.

    La révolte, c’était le jour où il démissionne de chez Med Radio et refuse la censure imposée par le patron de cette radio privée. A l’époque, nous avions le même employeur, je travaillais à L’Observateur du Maroc qui appartenait au même groupe.

    Omar m’appelle pour me dire qu’il a quitté et que l’ambiance du travail n’était pas correcte et qu’il a signifié ça au patron. Omar posait ces actes de révolte dans un milieu conformiste comme celui du journalisme au Maroc. Une révolte qui lui vaudrait d’être persona non grata chez bcp de médias dits indépendants de la place.

    Honte à eux, honneur à Omar qui n’a jamais trahi ses principes.

    Je peux écrire encore des pages et des pages sur Omar et sa générosité en actes, son dangereux humanisme. Mais Omar est encore là. Omar retrouvera sa liberté, grâce à nos luttes.

    Omar retrouvera sa liberté, grâce à nos luttes. Mais j’ai un regret, comme peut-être beaucoup de ses ami-e-s.

    Durant les dernières années, nous avons laissé à des rapaces, des chiens, des profiteurs, le loisir d’accaparer toute cette générosité, cette bonté, ce don de soi qu’a Omar. Ce dernier était certainement bien conscient de ces stratagèmes malveillants, mais nous avions aussi la responsabilité de le soutirer entre les mains et les griffes d’une bande de chiens. Je n’oserais pas faire à Omar un reproche, lui qui est privé de liberté. Mais je me fais un reproche, comme je blâme tous ses ami-e-s et camarades d’avoir laissé Omar au sein d’un milieu toxique qui a profité de son talent et sa générosité, pour aujourd’hui disparaître ou même devenir une pièce maîtresse dans l’appareil d’inquisition contre lui.

    Mais Omar n’a pas dit son dernier mot. Omar sera de retour parmi nous, libre, indépendant et brillant.

    *Témoignane d’un ami à Omar Radi

    Source : Twitter

    #Maroc #OmarRadi #Presse #Journalistes

  • Maroc : Omar Radi, un tisseur de liens -témoignage-

    Maroc : Omar Radi, un tisseur de liens -témoignage-

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    Omar Radi a été au carrefour de plusieurs de mes rencontres militantes, professionnelles et personnelles. Quand je jette un coup d’œil sur le rétroviseur de ces 16 dernières années, je me rends compte qu’Omar a toujours été là pour aider, guider ou proposer. En fait, Omar est un tisseur de liens.

    Dans un monde militant inhumain ou dans un milieu journalistique égoïste et égocentriste, Omar était une exception.

    Il sortait du carcan militant et « journaleux ». Il pensait et agissait hors des sentiers battus. Il est un électron libre. Il est un danger pour tous ces milieux. Il était surtout un danger pour le système.

    Le danger d’Omar était son éternel sourire, sa générosité et sa capacité à rassembler là où le système fait tout pour diviser. Omar était un humain librement dangereux.

    L’adhésion à Attac: ce « rasta » qui tisse des liens.

    J’ai rencontré Omar pour la 1ère fois en mars 2006. J’avais trouvé son numéro sur le site d’ATTAC Maroc. Je souhaitais rejoindre cette association. J’y allais avec appréhension car j’avais essayé d’avoir un rendez-vous avec un membre quelques mois auparavant, mais il ne s’est jamais présenté. En revanche, Omar s’est présenté à l’heure ce samedi après-midi.

    On avait pris un café au cinéma ABC.On avait discuté une demi-heure. Il a dû partir car il était pressé et il avait un autre rendez-vous. Il m’avait laissé une bonne impression. J’avais une crainte de rejoindre une association « gauchiste » avec leurs vieux réflexes, or je retrouvais dans Omar, un représentant d’une association jeune, ouverte sur le monde internationaliste. Nous étions sur la même longueur d’onde. La question n’était pas idéologique mais dans l’état d’esprit.

    Quelques jours après, je parle de cette rencontre à Majdouline, et de ce café avec ce jeune Rasta cultivé. Et le monde est petit. Omar était un gd ami de classe de Majdouline durant toute la période du lycée. Cette connaissance commune a joué certainement dans notre adhésion à ATTAC. Majdouline et moi, qui avions une allergie à adhérer face aux organisations, nous avions trouvé en Omar un gage de confiance et d’ouverture d’esprit. Omar est ce jeune homme qui tisse des liens.

    Omar, ce miracle politique :

    Omar était ce jeune militant qui ne connaissait pas l’impossible. Parmi les nombreuses actions qu’Omar a mené durant cette période de militantisme à ATTAC, je pourrais citer la constitution du club conscience estudiantine à la faculté d’économie de la Route d’El Jadida.

    Moi, qui ne connaissais rien à l’histoire et à la réalité de la scène militante au sein des universités marocaines, je peux dire auj que ce club était un miracle politique. Je pèse mes mots. Seul un militant comme Omar peut rassembler autour de lui, négocier avec finesse dans un environnement extrêmement hostile quadrillé par le makhzen et par les islamistes.

    Ce club a été le lieu d’éclosion et d’expression de nombreux militant-e-s. C’était un rêveur qui avait les pieds sur terre.

    Omar est aussi un militant et un citoyen qui rassemble des univers différents. Des milieux qui ne pouvaient pas se fréquenter, où que l’Etat ne veut pas qu’ils se rencontrent. C’est grâce à l’ouverture d’esprit et l’aisance d’Omar, qu’ATTAC a pu prendre part au Boulevard. ATTAC y prendra part à deux reprises avec un stand en 2007 et 2008.

    C’était encore une fois une prouesse. Qd Omar propose l’idée lors d’une réunion de la section de Casablanca, tenue au siège de l’association Tamaynout, certains ont fait la moue. D’autres, comme moi, ne pensaient pas que ça serait possible. Omar était convaincu de la faisabilité de cette idée.

    Et que c’était notre droit d’y être. Omar est parti voir les organisateurs, négocier avec eux, sybir qqs fois leurs commentaires moqueurs du type :  » Des anti- mondialisation participeraient à un .événement financé par des sponsors privés ».

    Omar encaissait des coups mais savait aussi en donner. Il était fair-play et jovial. On obtient finalement notre stand, grâce au franc-parler et à la pugnacité d’Omar. C’était une superbe expérience. C’était l’époque du boulevard avec des grandes scènes au COC et au RUC. Un monde fou y assistait. La jeunesse venait découvrir ses musiciens préférés, et jeter un coup d’oeil curieux sur cette bande de militants avec leur brochure anti-privatisation. L’engouement était là, grâce à Omar.

    Que ce fait d’armes fait d’Omar un Marocain dangereux pour le  » système ». Depuis notre 1er stand, l’AMDH, des associations féministes et plusieurs ONG ont commencé à pendre part au Boulevard. On ne remerciera jamais assez Omar pour cette action.

    (suivra)

    Source : Twitter

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