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  • Les interventions militaires américaines se profilent 10 ans après l’attaque d’Obama en Libye

    Cet anniversaire d’une autre guerre américaine devrait nous rappeler que la prochaine fois ne sera probablement pas différente.

    Par Gil Barndollar, chargé de mission à Defense Priorities

    Il y a dix ans aujourd’hui, les États-Unis, sous la direction du président Barack Obama, sont intervenus dans la guerre civile libyenne naissante. Utilisant l’un des outils les plus courants de la politique américaine moderne, le missile Tomahawk, les forces américaines ont mené une coalition de partenaires de l’OTAN et de la Ligue arabe dans une campagne initialement destinée à faire respecter une zone d’exclusion aérienne et à empêcher les massacres perpétrés par le dictateur Moammar Kadhafi. Les fréquentes frappes de décapitation n’ont pas réussi à tuer Kadhafi, mais l’autoproclamé « leader fraternel » a subi une mort publique brutale sept mois plus tard.

    Après que le pays a été à nouveau plongé dans la guerre civile en 2014, les Libyens d’aujourd’hui peuvent enfin avoir des raisons de faire preuve d’un optimisme prudent : Un cessez-le-feu a tenu pendant près de cinq mois et un Conseil présidentiel de transition intérimaire est chargé de préparer une élection nationale libre et transparente en décembre. Mais quelques leçons ressortent de la dernière décennie de conflit dans ce qui était autrefois le pays le plus riche d’Afrique.

    Pour les dirigeants occidentaux qui ont décidé d’intervenir aux côtés de la rébellion, la Libye offrait un mirage alléchant : un pays arabe riche et peu peuplé, proche de l’Europe et aspirant à se défaire du joug d’un dictateur brutal et bizarre. Malgré le désastre de la guerre en Irak et l’impasse sanglante en Afghanistan, il était facile d’adhérer à ce que l’investisseur Sir John Templeton a un jour appelé les quatre mots les plus chers de la langue anglaise : « Cette fois, c’est différent. »

    Intervenir en Libye était différent de l’invasion de l’Irak et de l’Afghanistan, c’est certain. La préoccupation des États-Unis pour la Libye était purement humanitaire et ne pouvait même pas être présentée comme servant un intérêt national vital. Le secrétaire à la défense de l’époque, Robert Gates, a admis par la suite qu’ »il [Kadhafi] n’était pas une menace pour nous, où que ce soit. Il était une menace pour son propre peuple, et c’est à peu près tout ».

    Au contraire, le renversement de Kadhafi a causé un préjudice unique à la sécurité nationale des États-Unis : Il a sapé le meilleur modèle de désarmement d’un dictateur et de retour à la normale. L’un des rares succès de politique étrangère de l’administration de George W. Bush a été le désarmement nucléaire de Kadhafi. Poussé à la fois par la volonté de mettre fin aux sanctions économiques et par le désir de ne pas finir comme le Saddam Hussein déchu, Kadhafi a dévoilé et démantelé son programme d’armes nucléaires à la fin de 2003.

    Huit ans plus tard, il était mort, avec l’aide des avions de guerre de l’OTAN. Il est probable que d’autres dictateurs, de Pyongyang à Téhéran, soient désormais beaucoup moins enclins à remettre leurs arsenaux de protection à des États-Unis qui se feront un plaisir de précipiter leur disparition.

    Comme l’Afghanistan et l’Irak, la Libye est retournée à la corruption et au factionnalisme lorsque le dictateur et son état de sécurité ont été renversés. Kadhafi avait complètement vidé la société civile libyenne, à un degré apparemment imprévu par la plupart des partisans occidentaux fervents et idéalistes de la guerre. La chute de Kadhafi a été suivie d’un retour aux loyautés primaires de la maison et de la lignée.

    Les conséquences de la guerre en Libye ne se sont pas limitées à la côte peuplée du pays. Les estimations du nombre de victimes des deux guerres civiles varient énormément, mais se chiffrent probablement en dizaines de milliers. La Libye est devenue le site de véritables marchés aux esclaves et sa route pour les migrants tentant de rejoindre l’Europe s’est transformée en une autoroute, bouleversant la politique du continent.

    La Libye est également devenue une guerre par procuration, la scission du Conseil de coopération du Golfe (récemment réparée) ayant conduit les Émirats arabes unis et le Qatar à soutenir des camps opposés en Libye. L’antipathie turco-égyptienne a également alimenté le conflit, tandis que la Russie a fourni des mercenaires à l’armée nationale libyenne.

    Malgré son prétendu réalisme, Obama a choisi de ne pas ignorer les supplications de ses alliés et l’attrait d’une intervention humanitaire et d’un changement de régime en Libye. Bien qu’il ait gagné les élections de 2008 en dénonçant l’invasion de l’Irak, il n’a pas été suffisamment châtié par les échecs de l’Amérique pour résister au chant des sirènes d’une croisade en Libye.

    Obama a ignoré la célèbre admonestation (empruntée) de l’ancien secrétaire d’État Colin Powell, la « règle de la grange de poterie » pour les interventions militaires : « Vous le cassez, vous l’achetez ». L’Amérique et l’OTAN ont décidé que cela ne devait pas s’appliquer à la Libye, et ont limité leur implication après le renversement de Kadhafi.

    M. Obama a fini par reconnaître que la catastrophe libyenne était son plus grand échec dans l’exercice de ses fonctions, en particulier l’absence de planification des conséquences. Comme il l’a dit sans ambages en 2016, selon Jeffrey Goldberg de The Atlantic, la Libye était « un spectacle de merde ».

    Les quelques défenseurs restants de la guerre ont raison de dire que nous ne savons pas comment la guerre civile libyenne originale aurait tourné en l’absence d’intervention occidentale. Peut-être Kadhafi et les rebelles seraient-ils encore en train de s’affronter, et la Libye ressemblerait-elle davantage au charnier de la Syrie. Peut-être qu’un engagement plus profond de l’OTAN aurait pu empêcher la deuxième guerre civile libyenne, bien que l’appétit occidental pour dépenser beaucoup de sang et de trésor en Libye ait été presque inexistant.

    Mais les contrefactuels n’ont qu’une utilité limitée. La Libye dans laquelle nous nous sommes retrouvés est en ruines et meurtrie, avec seulement la possibilité d’une lumière au bout du tunnel. La guerre en Libye n’a été ni la campagne la plus destructrice de l’Amérique après le 11 septembre (ce serait l’Irak, de loin) ni la plus chimérique (l’Afghanistan).

    Mais la Libye, qui ne représentait aucune menace pour l’Amérique, est peut-être l’intervention récente la plus gratuite des États-Unis. Malgré les aléas du climat, du lieu et de la culture, cet anniversaire d’une autre guerre américaine devrait nous rappeler que la prochaine fois ne sera probablement pas différente.

    NBC News, 19 mars 2021

    Tags : Libye, Etats-Unis, ONU, intervention militaire,

  • Libye : Jan Kubis à Berlin

    L’envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la Libye, Ján Kubiš, rencontre des responsables de haut niveau à Berlin et poursuit ses contacts avec les ministres des affaires étrangères.

    BERLIN, 19 mars 2021 – L’Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la Libye, chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (UNSMIL), M. Ján Kubiš, a effectué une visite officielle de deux jours à Berlin, les 18 et 19 mars, dans le cadre de ses efforts de sensibilisation internationale visant à renforcer le soutien de la communauté internationale à la Libye, notamment à la nouvelle autorité exécutive intérimaire libyenne.

    À son arrivée le mercredi, l’envoyé spécial a rencontré le conseiller en politique étrangère du chancelier allemand, Jan Hecker. Le lendemain, il a rencontré le ministre allemand des affaires étrangères, Heiko Maas, puis a tenu une conférence de presse conjointe (la transcription de la conférence de presse est disponible ici). Il a ensuite rencontré le secrétaire d’État Berger et la ministre d’État Annen, ainsi que d’autres hauts fonctionnaires du ministère fédéral des affaires étrangères.

    L’envoyé spécial Kubiš a également rencontré des représentants du Centre pour les opérations civiles de paix et, le lendemain, des représentants du ministère de la défense. Pendant son séjour à Berlin, il a eu une vidéoconférence avec le président de la commission de politique étrangère du Bundestag, M. Roettgen, et séparément avec d’autres membres de la commission.

    M. Kubiš a exprimé sa vive reconnaissance à S.E. la Chancelière Angela Merkel et au gouvernement allemand pour leur soutien ferme et continu aux Libyens dans leur quête de paix, d’unité, de stabilité, de souveraineté et de prospérité, illustré par la tenue de la conférence visionnaire de Berlin sur la Libye l’année dernière et le processus de Berlin qui a suivi.

    L’envoyé spécial et ses interlocuteurs ont exhorté tous les États membres des Nations unies à respecter les engagements pris lors de la conférence de Berlin. Ils ont convenu de la nécessité d’accélérer la mise en œuvre de l’accord de cessez-le-feu, y compris le retrait des mercenaires et des forces étrangères, et de respecter l’embargo des Nations unies sur les armes. Ils se sont engagés à soutenir les nouvelles autorités exécutives tout en exprimant leur espoir que celles-ci intensifient leurs efforts pour fournir des services de base et un soutien au peuple libyen, unifier les institutions de l’État, établir les bases appropriées pour une réconciliation nationale globale et assurer la mise en œuvre intégrale de l’accord de cessez-le-feu. Ils ont exhorté les autorités et les institutions libyennes à prendre toutes les mesures juridiques et autres nécessaires pour permettre la tenue d’élections nationales le 24 décembre 2021, comme le stipule la feuille de route du Forum de dialogue politique libyen (LPDF), et tous les dirigeants à honorer leurs engagements et à tenir compte des souhaits et des attentes du peuple libyen qui soutient fermement la tenue des élections en décembre 2021. Ils ont confirmé la position unifiée de la communauté internationale en faveur de la feuille de route du LPDF menant aux élections.

    L’Envoyé spécial a remercié l’Allemagne, tous les partenaires internationaux et les acteurs régionaux, notamment l’Union africaine, l’Union européenne et la Ligue des États arabes, pour leur soutien aux progrès réalisés en Libye.

    Poursuivant ses consultations avec les partenaires internationaux, l’envoyé spécial a tenu des réunions virtuelles distinctes avec le ministre des Affaires étrangères de Norvège, Ine Marie Eriksen Søreide, et avec la secrétaire d’État aux Affaires étrangères d’Espagne, Cristina Gallach. Suite à sa récente visite en Égypte, l’Envoyé spécial a également discuté du dossier libyen lors d’appels téléphoniques avec le Ministre des Affaires étrangères de la Tunisie, Othman Jerandi, le Ministre des Affaires étrangères du Maroc, Nasser Bourita, et le Ministre des Affaires étrangères de l’Algérie, Sabri Boukadoum. Il a exprimé sa gratitude pour le soutien apporté par les pays voisins aux nouvelles autorités libyennes, notant, en particulier, la visite pionnière de S.E. le Président de la République tunisienne Kais Saied en Libye mercredi dernier.

    Enfin, le SE a tenu une réunion avec le Haut Commissaire du HCR, Filippo Grandi, au cours de laquelle ils ont abordé un large éventail de questions de nature humanitaire et des droits de l’homme, avec un accent particulier sur la migration. Il s’agit de l’une des priorités du nouveau gouvernement libyen, qui nécessitera une coopération et un soutien internationaux accrus.

    UNSMIL, 19 mars 2021

    Tags : Libye, UNSMIl, ONU, Jan Kubis, Allemagne,

  • Le gouvernement intérimaire libyen prend le pouvoir après une passation de pouvoir en douceur

    Par RAMI MUSA et SAMY MAGDY

    Associated Press 16 MARS 2021

    BENGHAZI, Libye – Un gouvernement de transition dans la Libye déchirée par le conflit a pris le pouvoir dans la capitale Tripoli mardi, entamant officiellement un mandat qui doit se terminer par des élections démocratiques à la fin de l’année.

    Fayez Sarraj, chef de l’administration sortante soutenue par les Nations Unies dans l’ouest de la Libye, a transféré le pouvoir au Premier ministre Abdul Hamid Dbeibah et à Mohammad Younes Menfi, qui préside un Conseil présidentiel composé de trois membres.

    La cérémonie à Tripoli s’est déroulée un jour après que M. Dbeibah et son cabinet aient prêté serment devant les législateurs et les principaux juges libyens dans la ville de Tobrouk, dans l’est du pays. Les législateurs avaient déjà approuvé le gouvernement intérimaire la semaine dernière dans un contexte de pression internationale pour la mise en œuvre d’une feuille de route politique négociée par les Nations unies. Cette feuille de route, approuvée l’an dernier par un forum politique libyen désigné par l’ONU, fixait au 24 décembre la date des élections générales dans ce pays riche en pétrole.

    L’approbation du Cabinet de Dbeibah par le Parlement est intervenue dans un contexte d’allégations de corruption lors des réunions du processus politique dirigé par l’ONU qui a désigné le gouvernement intérimaire. M. Dbeibah a nié ces allégations et a demandé à l’ONU de révéler les détails de son enquête sur ces accusations.

    Un groupe d’experts de l’ONU a déterminé qu’au moins trois participants au forum politique de début novembre se sont vu offrir des pots-de-vin pour voter en faveur d’un candidat anonyme au poste de premier ministre. Le rapport des experts publié mardi n’a pas nommé les membres du forum ni le candidat.

    Les participants qui auraient été impliqués « ont été catégoriques dans leur rejet des pots-de-vin », a déclaré le groupe d’experts. L’affaire a retenu l’attention des médias à l’époque et le bureau du procureur général libyen a reçu des plaintes de membres du forum et de groupes de la société civile, selon le panel.

    Le groupe a déclaré qu’il n’envisageait pas « d’autres rapports sur la question », renvoyant les membres du Conseil de sécurité des Nations unies à des détails supplémentaires sur les allégations dans une annexe confidentielle du rapport de 548 pages.

    Le transfert de pouvoir de mardi, qui s’est déroulé sans heurts, est considéré comme une étape importante pour mettre fin au chaos qui règne dans ce pays d’Afrique du Nord. L’absence d’une passation de pouvoir en bonne et due forme entre les législateurs en 2014 a été un facteur majeur dans la scission des institutions libyennes.

    « Aujourd’hui est encore un autre jour historique pour la Libye », a déclaré Claudia Gazzini, experte de la Libye à l’International Crisis Group, à propos de la passation de pouvoirs de mardi. Le gouvernement intérimaire devra toutefois relever d’immenses défis, principalement éviter une impasse politique ou une reprise de la guerre, a-t-elle ajouté.

    La présence de milliers de forces étrangères et de mercenaires constitue un autre défi majeur. La semaine dernière, le Conseil de sécurité des Nations unies a appelé les pays ayant des troupes et des mercenaires en Libye à les retirer « sans délai ».

    L’ONU a estimé à 20 000 le nombre de combattants étrangers en Libye, dont des Syriens, des Turcs, des Soudanais et des Russes amenés dans le pays par les parties rivales.

    La Libye a été plongée dans le chaos lorsqu’un soulèvement soutenu par l’OTAN en 2011 a renversé le dirigeant de longue date Moammar Kadhafi, qui a ensuite été tué. Ces dernières années, le pays a été divisé entre des administrations rivales basées à l’est et à l’ouest, chacune soutenue par des groupes armés et des gouvernements étrangers.

    StarTribune, 16 mars 2021

    Tags : Libye, gouvernement intérimaire, ONU,

  • L’ONU dénonce des violations « étendues et flagrantes » de l’embargo sur les armes en Libye.

    Par Missy Ryan*

    Un rapport des Nations unies a condamné plusieurs pays pour avoir violé de manière flagrante un embargo mondial sur les armes en acheminant des armes aux parties belligérantes en Libye, alors que l’administration Biden a promis une campagne diplomatique renforcée visant à stabiliser le pays dix ans après le printemps arabe.

    Dans un rapport de 550 pages rendu public mardi, un groupe d’experts nommé par l’ONU a documenté des dizaines de livraisons d’articles illicites, notamment des drones et des avions de transport, des missiles sol-air, des pièces d’artillerie et des véhicules blindés, ainsi que le déploiement de mercenaires auprès des deux principales factions libyennes par la Russie, la Turquie, l’Égypte, les Émirats arabes unis et d’autres pays.

    « Pour les États membres qui soutiennent directement les parties au conflit, les violations sont étendues, flagrantes et font preuve d’un mépris total pour les mesures de sanctions », indique le groupe d’experts indépendants, qui fait rapport au Conseil de sécurité de l’ONU, dans son rapport. « L’embargo sur les armes reste totalement inefficace ».

    Le rapport, qui couvre la période d’octobre 2019 à fin janvier 2021, détaille également certains des innombrables autres problèmes qui ont déstabilisé la Libye au cours des années qui ont suivi le soulèvement soutenu par l’Occident contre le dictateur Moammar Kadhafi en 2011, depuis les attaques armées contre les aéroports et les installations pétrolières jusqu’aux assassinats ciblés et aux mauvais traitements infligés aux migrants qui cherchent à émigrer en Europe.

    Depuis des années, la Libye est enfermée dans une compétition mortelle entre des autorités rivales. Un gouvernement soutenu par l’Occident et bénéficiant du soutien militaire de la Turquie est basé dans la ville occidentale de Tripoli. L’autre, basé dans la ville orientale de Benghazi, est dominé par Khalifa Hifter, un chef militaire véreux, et reçoit une aide militaire et financière de la Russie, de l’Égypte et des Émirats arabes unis.

    Le rapport intervient à un rare moment d’espoir dans la sombre décennie qui suit la révolution en Libye, après qu’un long processus politique sous l’égide de l’ONU ait produit un nouveau gouvernement d’unité qui a prêté serment cette semaine. Bien que ce gouvernement soit déjà confronté à des allégations de corruption, les responsables de l’ONU et des États-Unis affirment qu’il y a des raisons de croire qu’il peut faire avancer le pays vers des élections attendues depuis longtemps et, potentiellement, vers un avenir plus stable.

    L’administration Biden promet une plus grande implication en Libye après des années au cours desquelles des signaux contradictoires ont indiqué des divisions internes parmi les assistants du président Donald Trump et les diplomates ont reconnu que le conflit ne figurait pas parmi les principales priorités étrangères.

    Un haut responsable de l’administration Biden, qui s’est exprimé sous le couvert de l’anonymat parce qu’il n’était pas autorisé à faire des commentaires publics, a déclaré que la Libye serait une zone où les États-Unis « se pencheraient diplomatiquement ».

    « La combinaison de la puissance de la voix américaine, le respect, franchement, qui est accordé à la position américaine basée sur le fait que nous essayons d’obtenir un pays stable et unifié … plus la menace crédible des sanctions que nous avons appliquées dans le passé, nous donne une influence énorme sur ce conflit », a déclaré le fonctionnaire.

    Cela signifie qu’il faudra renforcer la puissance de feu diplomatique pour atteindre un objectif de longue date, à savoir amener les pays – y compris les proches partenaires des États-Unis que sont l’Égypte, la Turquie et les Émirats arabes unis – à cesser d’envoyer des armes en Libye.

    « Cette situation appelle une conversation beaucoup plus sérieuse, mais privée, avec ces pays sur la trajectoire du conflit, une conversation qui, à mon avis, n’a que trop tardé », a déclaré le responsable.

    « Ce que nous faisons déjà, dans l’esprit d’une diplomatie renforcée (…), c’est d’essayer de nous pencher sur la question, d’intensifier les conversations privées que nous avons avec les partenaires qui ont permis et contribué à ces interventions militaires étrangères », a ajouté le fonctionnaire.

    Une telle approche pourrait compliquer davantage les échanges avec les pays accusés d’avoir attisé le conflit en Libye, en exacerbant les tensions liées aux violations des droits de l’homme en Égypte ou à la recherche par la Turquie de technologies militaires russes.

    Les États-Unis auront moins d’influence sur la Russie, principal soutien militaire de Hifter dans l’est de la Libye. Dans son rapport, le groupe d’experts de l’ONU a déclaré que des agents de la société paramilitaire russe Wagner ont agi comme un « multiplicateur de force » pour Hifter depuis 2018, réparant des avions et agissant en tant que contrôleurs aériens, observateurs d’artillerie et tireurs d’élite.

    Le rapport allègue que des forces du Tchad et du Soudan, dont certaines auraient été formées par des officiers militaires émiratis, ont également combattu aux côtés d’Hifter. Pas moins de 13 000 combattants syriens, dont au moins 200 mineurs, ont été amenés en renfort des deux factions.

    Le groupe d’experts explique en détail comment une grande partie de cette main-d’œuvre et de cet armement a été acheminée par ce qu’il appelle des « ponts aériens » étendus, avec parfois des escales en Égypte, qui ont défié les efforts internationaux pour les détecter et les supprimer.

    Les compagnies aériennes et les charters « sont très agiles et peuvent réagir avant que la communauté internationale ne soit en mesure de réagir, et peuvent prendre des mesures pour, entre autres, déguiser leurs activités, transférer l’immatriculation des avions et changer d’opérateur aérien », indique le rapport.

    L’identification de la contrebande maritime entre-temps a été rendue plus difficile, selon le rapport, parce que les contrevenants suspendaient ces activités lorsque les satellites commerciaux étaient au-dessus de leur tête pendant la journée, ou en limitant ces activités à la nuit.

    Aucun des pays cités n’a reconnu avoir violé l’embargo sur les armes.

    Le panel a estimé que les États-Unis avaient enfreint l’embargo en transférant un système de défense aérienne russe Pantsir, qui a été capturé par les forces loyales à Tripoli après le retrait de Hifter de Libye au printemps dernier. Les responsables américains, qui se sont exprimés cette semaine, ont rejeté cette conclusion.

    *Missy Ryan écrit sur le Pentagone, les questions militaires et la sécurité nationale pour le Washington Post. Elle a rejoint le Post en 2014 après avoir quitté Reuters, où elle a fait des reportages sur les questions de sécurité nationale et de politique étrangère des États-Unis. Elle a effectué des reportages en Irak, en Égypte, en Libye, au Liban, au Yémen, en Afghanistan, au Pakistan, au Mexique, au Pérou, en Argentine et au Chili.

    The Washington Post, 17 mars 2021

    Tags : Libye, embargo des armes, IRINI, ONU, armes, Russie, Turquie, Égypte, Émirats arabes unis, 

  • ONU-Maroc : Campagne contre les fake news à propos du covid19

    la famille ONU Maroc lance un vibrant appel conjoint pour faire face-ensemble- aux fausses informations et rumeurs qui circulent sur la pandémie de la Covid-19 notamment sur les réseaux sociaux.

    Dans cette vidéo, la famille @ONUMaroc lance un vibrant appel conjoint pour faire face-ensemble- aux fausses informations et rumeurs qui circulent sur la pandémie de la Covid-19 notamment sur les réseaux sociaux.

    La #Covid​-19 est la première pandémie de l’histoire qui est davantage aggravée par une infodémie (une pandémie de fausses informations et de rumeurs de toute sorte).

    [youtube https://www.youtube.com/watch?v=c1YxNiePkmQ&w=560&h=315]

    Pour contenir le virus et limiter ses conséquences sanitaires et socio-économiques, il est indispensable que chacun ait accès à des informations précises sures et fiables qui peuvent sauver des vies !

    Partager n’importe quoi sans réfléchir- notamment sur les médias sociaux- peut faire du mal et causer des dommages irréparables.

    Lancée par l’Organisation des Nations Unies, Verified http://shareverified.com​ est une initiative qui vise à fournir des contenus fiables : des informations qui peuvent sauver des vies, des conseils basés sur des faits et des exemples de ce que l’humanité peut faire de mieux.

    Nations Unies au Maroc, 17 mars 2021

    Tags : Maroc, ONU, coronavirus, covid 19, pandémie, fausses informations, fake news,

  • Rapport du thikn tank International Crisis Group sur le Sahara Occidental

    Réengager des efforts internationaux au Sahara occidental
    Après un cessez-le-feu de 30 ans entre le Maroc et le Front Polisario indépendantiste, des affrontements ont éclaté au Sahara occidental. Sans une aide internationale, les combats pourraient s’intensifier. L’ONU devrait nommer un envoyé spécial, et les Etats-Unis devraient prendre la tête des efforts internationaux de diplomatie.

    Que se passe-t-il ? Le conflit latent entre le Maroc et le Front Polisario concernant le territoire disputé du Sahara occidental semble se raviver. Un blocage du Polisario sur une artère principale de la zone tampon sous contrôle onusien a déclenché une réponse militaire du Maroc, le Polisario a lancé de nouvelles attaques, rompant le cessez-le-feu.

    En quoi est-ce significatif ? Les affrontements récents laissent présager une nouvelle escalade, d’autant que les efforts internationaux en faveur de l’apaisement et des négociations font défaut. La reconnaissance par l’administration Trump de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, sur laquelle le nouveau président des Etats-Unis Joe Biden pourrait ne pas revenir, complique encore la situation.

    Comment agir ? Les puissances étrangères devraient prendre deux mesures d’apaisement. Premièrement, l’ONU devrait nommer un nouvel envoyé spécial au Sahara occidental, un poste laissé vacant depuis près de deux ans. Deuxièmement, Washington devrait s’efforcer d’encourager une désescalade et de relancer les pourparlers politiques.

    I. Synthèse
    Après avoir respecté le cessez-le-feu de 1991 pendant près de 30 ans, le Maroc et le Front Polisario ont rouvert les hostilités au Sahara occidental, un territoire disputé dont le Polisario demande l’indépendance. Le 13 novembre, le Maroc a envoyé des troupes dans la zone tampon sous contrôle de l’ONU pour mettre un terme au blocage de la route stratégique de Guerguerat, entamé trois semaines plus tôt. En réponse, le Polisario s’est retiré du cessez-le-feu et a renouvelé ses attaques contre les unités militaires marocaines. Les réactions internationales à cette escalade des tensions ont été, pour la plupart, favorables au Maroc. Le Conseil de sécurité de l’ONU ne s’est pas exprimé. Le 10 décembre, Rabat a remporté une grande victoire diplomatique, lorsque le président des Etats-Unis, Donald Trump, a reconnu sa souveraineté sur le Sahara occidental. Pour éviter que les tensions ne s’exacerbent, les soutiens internationaux de Rabat devraient l’encourager à accepter la nomination d’un nouvel envoyé spécial de l’ONU – un poste resté vacant depuis mai 2019 – sans condition préalable. L’administration Biden, en étroite collaboration avec la France, la Russie et l’Algérie, les principaux acteurs extérieurs du conflit, devraient inciter les deux parties à accepter une trêve et à reprendre les négociations.

    Il y a deux ans à peine, la situation était très différente. La diplomatie semblait faire son chemin, grâce à la nomination en août 2017 de l’ancien président allemand Horst Köhler au poste d’envoyé spécial de l’ONU. En avril 2018, le Conseil de sécurité de l’ONU a réduit le délai de renouvellement du mandat de la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso) d’un an à six mois ; l’envoyé informait donc plus régulièrement le Conseil de sécurité de la situation, ce qui a renforcé la pression sur les deux parties. Le Maroc, le Front Polisario, l’Algérie et la Mauritanie ont participé à deux réunions au cours desquelles des progrès ont pu être observés. Mais la démission soudaine de Köhler en mai 2019 et le rétablissement par le Conseil de sécurité du renouvellement annuel du mandat de la Minurso ont coupé cet élan. Depuis lors, le Maroc et le Polisario ont tous deux imposé leurs conditions pour la nomination d’un nouvel envoyé chargé de remplacer Köhler et les exigences strictes de Rabat semblent avoir conduit à une impasse.

    Les tensions sont apparues dans la zone de Guerguerat, où une route qui relie le Maroc à la Mauritanie traverse la zone tampon sous contrôle de l’ONU qui sépare les troupes marocaines des combattants du Polisario. Tirant parti du vide diplomatique laissé par le départ de Köhler, le Maroc a invité plusieurs gouvernements d’Afrique et du Moyen-Orient à ouvrir des consulats au Sahara occidental. En réponse, les responsables et les militants du Polisario ont rapidement considéré qu’il s’agissait d’un acte hostile. Les partisans civils du Polisario (rejoints par des hommes armés) ont bloqué la route principale de la zone de Guerguerat, y établissant un camp à la fin octobre 2020, ce qui a marqué la reprise des hostilités. Le 13 novembre, le Maroc a envoyé des troupes dans la zone tampon pour mettre un terme au blocage. En réponse, le Polisario a entamé un conflit de faible intensité avec le Maroc, bien que Rabat ait réaffirmé sa volonté d’observer le cessez-le-feu.

    La plupart des acteurs internationaux ont prôné un retour au cessez-le-feu ou se sont rangés derrière le Maroc. Parallèlement, le Conseil de sécurité de l’ONU s’est abstenu de commenter cette flambée de violence, empêchant ainsi le Polisario d’obtenir l’attention internationale qu’il recherchait. Pour Rabat, la reconnaissance par les Etats-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, le 10 décembre, vient appuyer sa stratégie. Cet acte de l’administration Trump n’a fait que durcir la position des Sahraouis indépendantistes, et en particulier de la jeunesse sahraouie, qui a déjà perdu depuis longtemps l’espoir d’une résolution diplomatique du conflit.

    « La faible intensité du conflit ne peut pas justifier l’inaction ».

    La faible intensité du conflit ne peut pas justifier l’inaction. Le risque d’une escalade militaire progressive, limité mais tangible, déstabiliserait encore davantage l’Afrique du Nord et le Sahel. Les combats pourraient s’intensifier au moindre incident militaire, tel qu’une ingérence algérienne – par exemple, des transferts d’armes plus importants entre Alger et le Polisario – ou un changement de tactique militaire au sein du mouvement indépendantiste. Pour limiter les risques, les partenaires internationaux du Maroc – les Etats-Unis et la France – devraient pousser Rabat à accepter, sans condition préalable, un nouvel envoyé chargé de négocier une désescalade qui pourrait amener les deux parties à négocier une trêve.

    Ces mesures n’auraient d’effet que si les Etats-Unis et le Conseil de sécurité adoptaient une approche plus directe. L’administration Biden risque d’être réticente à l’idée de revenir sur la reconnaissance par l’administration Trump de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. Malgré cela, elle pourrait envisager d’autres façons de rassurer le Polisario, par exemple en réaffirmant le soutien de Washington au renouvellement semestriel du mandat de la Minurso. Pour éviter de contrarier le Maroc, les résolutions du Conseil de sécurité devraient faire explicitement référence à la nécessité de sécuriser la route de Guerguerat. Ces arbitrages pourraient permettre d’entamer une nouvelle phase diplomatique. L’administration Biden devrait coordonner sa position plus étroitement et de façon plus transparente avec les autres pays pour qui l’issue du conflit représente un enjeu, à savoir la France, la Russie et l’Algérie. Une meilleure coopération à ce niveau pourrait mettre fin aux affrontements et relancer les efforts de paix, actuellement entravés.

    II. Un statuquo de plus en plus instable
    Le conflit a commencé en 1975, lors du retrait de l’Espagne du Sahara occidental, à l’époque la plus importante des colonies qui lui restaient en Afrique. Le Maroc et la Mauritanie ont aussitôt proclamé leur souveraineté sur ce territoire. Le Front Polisario, créé pour obtenir l’indépendance du territoire, a entamé une lutte armée contre l’Espagne en 1973. Le 7 novembre 1975, le roi Hassan II du Maroc a réuni 350 000 citoyens non armés pour entrer dans les zones sous contrôle espagnol et revendiquer ses droits sur ce territoire. La Marche verte, ainsi nommée par le roi, a forcé la main de l’Espagne – et plutôt que d’ordonner à ses soldats de tirer sur les manifestants, Madrid s’est résolue à quitter le territoire.

    Les accords de Madrid de novembre 1975 ont officiellement mis un terme à la souveraineté de l’Espagne sur le Sahara occidental et ont partagé le territoire – les deux tiers revenant au Maroc et le dernier tiers à la Mauritanie. Le Front Polisario indépendantiste et l’Algérie ont rejeté cet accord. La guerre qui s’est ensuivie a permis au Polisario de remporter de rapides victoires militaires, forçant la Mauritanie à se retirer en 1979, même si des milliers de Sahraouis se sont réfugiés près de Tindouf, en Algérie. Au cours des années qui ont suivi, néanmoins, le Maroc a renforcé son contrôle sur le Sahara occidental, notamment grâce à la construction de murs de protection, le « mur de sable ».

    En 1991, alors que l’on pensait être dans une impasse militaire, les deux parties ont accepté un plan de règlement sous l’égide de l’ONU. Cette initiative a introduit un cessez-le-feu qui a divisé le territoire le long du mur de sable et a créé une zone tampon et une zone restreinte pour séparer les deux parties. Ce plan visait également une résolution du conflit qui passerait par un référendum d’autodétermination, qui serait organisé par la Minurso. Néanmoins, à la suite de manœuvres politiques du Maroc et des interprétations divergentes du plan par les deux parties, le référendum n’a jamais eu lieu. De nombreux envoyés de l’ONU ont tenté en vain de ressusciter le référendum, après quoi le Maroc a fait, en 2006, une proposition de compromis sous la forme d’un plan d’autonomie. Selon le Polisario, ce plan d’autonomie bafoue le droit à l’autodétermination de la population sahraouie. Aucun des nombreux cycles de négociation entre Rabat et le Polisario n’a permis de débloquer la situation.


    A. En perte de vitesse
    La nomination en août 2017 de l’ancien président allemand Horst Köhler en tant qu’envoyé spécial de l’ONU au Sahara occidental avait donné un nouvel élan aux efforts diplomatiques. Köhler a mené une série de réunions préliminaires entre fin 2017 et début 2018. Il a ensuite bénéficié de la décision du Conseil de sécurité d’avril 2018 de renouveler le mandat de la Minurso tous les six mois au lieu de tous les ans, comme c’est généralement le cas. Les Etats-Unis, et en particulier John Bolton, alors conseiller national à la sécurité des Etats-Unis et personnellement investi dans la résolution du conflit, ont joué un rôle clé au sein du Conseil. La décision de réduire le délai de renouvellement du mandat visait à renforcer la pression sur les parties, en demandant à l’envoyé spécial de dresser un état des lieux plus régulier auprès du Conseil.

    L’empressement des Etats-Unis s’expliquerait par le fait qu’ils s’agaçaient de la lenteur des progrès et du mandat à durée indéterminée de la Minurso, et souhaitaient, plus globalement, opérer des coupes dans le budget de maintien de la paix de l’ONU. Selon un diplomate américain : « Il est temps d’avancer vers une résolution politique et, après 27 ans, d’arrêter de prolonger le statuquo ». Malgré la résistance d’autres membres du Groupe des amis pour le Sahara occidental, à savoir la France et la Russie, le renouvellement semestriel du mandat s’est poursuivi jusqu’en octobre 2019, en vue de soutenir les efforts de médiation.

    Si le Polisario a salué cette nouvelle approche comme une occasion de rouvrir des négociations, le Maroc s’est montré plus réticent à modifier le statuquo diplomatique. Pour rassurer Rabat, les Etats-Unis et la France ont introduit des formulations reflétant ces réticences dans la résolution du Conseil de sécurité d’avril 2018 ainsi que dans les suivantes. Le texte affirme « qu’il convient de faire des progrès dans la recherche d’une solution politique réaliste, pragmatique et durable à la question du Sahara occidental », ce que le Polisario, à l’instar d’autres observateurs, ont interprété comme une approbation implicite du plan d’autonomie du Maroc de 2006. Cette même résolution comprenait deux paragraphes distincts visant la violation, par le Polisario, de l’accord de cessez-le-feu dans la zone de Guerguerat et sa volonté de déplacer des fonctions administratives de la République arabe sahraouie démocratique à Bir Lahlou, au sein du Sahara occidental.

    Néanmoins, les négociations semblaient s’accélérer. Köhler en a organisé un premier cycle à Genève en décembre 2018. Un ancien conseiller de Köhler a décrit une atmosphère positive, et des discussions « agréables et amicales ». Le Maroc et le Polisario n’avaient pas mené de pourparlers sous l’égide de l’ONU depuis six ans. Le Maroc a obtenu une concession majeure : le format de la réunion était une table ronde, à laquelle participaient l’Algérie et la Mauritanie. Rabat considère que le Sahara occidental est une question régionale et que le Polisario est un intermédiaire de l’Algérie ; le Maroc voulait réunir l’Algérie et la Mauritanie puisqu’ils avaient précédemment refusé de participer aux négociations, affirmant qu’il s’agissait d’un conflit bilatéral entre le Maroc et le Polisario portant sur des questions de décolonisation. Une deuxième réunion s’est tenue en mars 2019, également à Genève, mais l’atmosphère était nettement moins cordiale. Aucune de ces deux réunions n’a abouti à une sortie de crise, mais elles ont permis de maintenir la communication, comme l’a souligné le communiqué conjoint publié au terme de la deuxième réunion. Cette dynamique encourageante a brutalement pris fin lorsque Köhler a démissionné, le 22 mai 2019, invoquant des raisons de santé.

    Après le départ de Köhler, le Maroc et le Polisario se sont empressés de fixer leurs conditions pour la nomination d’un nouvel envoyé de l’ONU. Selon un diplomate du Polisario, le mouvement n’exigeait qu’une personne « hautement qualifiée, déterminée et neutre ». Officiellement, le Maroc exigeait juste que ce poste revienne à une personnalité reconnue. Selon de nombreuses sources pro-Polisario ou non partisanes, néanmoins, Rabat aurait posé des conditions plus spécifiques, et plus strictes. Le Maroc aurait refusé qu’il s’agisse d’un ou une diplomate issue d’un pays scandinave (du fait d’une prétendue sympathie qu’ils auraient pour la cause sahraouie), d’Allemagne (car Rabat a découvert avec Köhler qu’il était difficile de contrer Berlin) ou d’un Etat membre permanent du Conseil de sécurité (pour éviter que des pressions politiques illégitimes puissent être exercées sur les négociations).

    Ces conditions ont rendu difficile la tâche du secrétaire général de l’ONU, António Guterres, chargé de remplacer Köhler. Les exigences du Maroc ont réduit le vivier de candidats potentiels de façon significative. En outre, la réputation du conflit au Sahara occidental, perçu comme obscur et inextricable, a contribué à dissuader les diplomates internationaux d’accepter le poste. Comme l’a dit un ancien ministre des Affaires étrangères qui avait été approché pour le poste : « Personne ne veut être associé à un échec diplomatique ».

    Parallèlement, le scepticisme croissant concernant la possibilité de résoudre ce conflit a poussé le Conseil de sécurité à revenir à un renouvellement annuel du mandat de la Minurso. Bolton a quitté l’administration Trump en septembre 2019 et, le mois suivant, Washington, désabusé par cette situation, a abandonné l’idée d’un renouvellement semestriel et accepté les demandes répétées de la France de ne renouveler le mandat que tous les ans. Malgré les doléances du Polisario, de la Russie et de l’Afrique du Sud, la formulation évoquant une « solution politique réaliste, pragmatique et durable », rédigée pour rassurer le Maroc par rapport aux mandats plus courts de la Minurso, a été maintenue dans les résolutions d’octobre 2019 et d’octobre 2020 visant à renouveler le mandat de la mission.

    B. Évolutions de la situation sur le terrain
    En parallèle de la démission de Köhler et du retour de l’approche diplomatique habituelle du Conseil de sécurité des Nations unies, le Maroc a accéléré sa politique du fait accompli. La stratégie principale de Rabat était d’inviter des Etats amis d’Afrique et du Moyen-Orient à ouvrir des consulats au Sahara occidental. Le premier pays à le faire fut la Côte d’Ivoire ; elle a inauguré son consulat honoraire à Laâyoune en juin 2019, après quoi les Comores y ont ouvert, en décembre 2019, le premier consulat général étranger. Dans les mois qui ont suivi, une ribambelle de gouvernements africains ont marché dans leurs traces. Le 4 novembre 2020, les Emirats arabes unis sont devenus le premier pays arabe à ouvrir un consulat au Sahara occidental. Pour Rabat, ces représentations diplomatiques sont autant d’éléments qui appuient sa revendication de souveraineté sur le territoire. Le secrétaire général du Polisario, Brahim Ghali, s’est indigné contre l’ouverture des consulats, les qualifiant de « violation du droit international et […] [d’] atteinte au statut juridique du Sahara occidental en tant que territoire non autonome ».

    L’ouverture des consulats résulte d’une stratégie marocaine ambitieuse visant à renforcer les liens politiques et économiques avec l’Afrique subsaharienne. Ces dernières années, Rabat a fortement intensifié ses investissements et ses relations commerciales avec le reste du continent, surtout avec l’Afrique de l’Ouest. En 2017, le Maroc a rejoint l’Union africaine (UA). En 1984, le pays avait claqué la porte de l’Organisation de l’unité africaine, prédécesseur de l’UA, après l’admission en son sein de la République arabe sahraouie démocratique, nom que donne le Polisario à son Etat de facto, situé à l’est du mur de sable. Lors de son admission à l’UA, le Maroc a juré d’œuvrer à l’expulsion du proto-Etat du Polisario de l’organisation. Rabat a profité de ses nouvelles relations pour plaider auprès de certains gouvernements africains afin qu’ils reviennent sur leur reconnaissance de la République arabe sahraouie démocratique de facto.

    Parallèlement à son offensive diplomatique, le Maroc a adopté, en janvier 2020, deux lois délimitant ses eaux territoriales et une zone économique exclusive au large du littoral du Sahara occidental. Le ministre des Affaires étrangères marocain, Nasser Bourita, a indiqué que ces lois avaient notamment pour objectif de réaffirmer la souveraineté du Maroc sur « ses frontières effectives, territoriales et maritimes ». Le Polisario a rejeté cette manœuvre.

    Le Front Polisario, confronté à une impasse à l’ONU et en réponse aux actions prises par le Maroc dans le cadre de sa politique du fait accompli, a dès lors réévalué ses options. Mohamed Wali Akeik, Premier ministre de la République arabe sahraouie démocratique à l’époque et critique notoire de l’impasse diplomatique, a dénoncé à plusieurs reprises le manque d’intérêt de la communauté internationale à l’égard du conflit et a appelé le mouvement à reprendre les hostilités avec le Maroc. Il a également fustigé le cessez-le-feu, suggérant que des négociations devraient se tenir en parallèle des combats.

    De nombreux Sahraouis, en particulier les femmes (administratrices de camps et enseignantes) et les jeunes qui habitent les camps, sont frustrés de l’impasse diplomatique ; ils ne croient plus aux négociations et estiment que la direction du mouvement ne se renouvelle pas assez. Le manque de perspectives professionnelles auquel sont confrontés des jeunes souvent très qualifiés a encore accentué leur déception. La direction du Polisario, qui prend de l’âge, s’est donc sentie contrainte de reprendre les combats.

    Le quinzième congrès du Front Polisario, qui s’est déroulé en décembre 2019 à Tifariti, au cœur du Sahara occidental, a été un moment clé. Pendant plusieurs jours, les débats sur la manière de réagir à la détérioration de la situation politique ont opposé les partisans de l’action militaire aux tenants de la diplomatie. Les premiers insistaient pour arrêter immédiatement une date pour la reprise des hostilités, alors que les seconds affirmaient que le front n’avait pas les moyens de mener une offensive militaire. Le secrétaire général Ghali, réélu lors du congrès, s’est montré habile ; il a réaffirmé l’engagement du mouvement en faveur de la diplomatie, tout en menaçant de « revoir son engagement dans le processus de paix ».

    III. Le retour de la guerre
    A. Fin du cessez-le-feu à Guerguerat
    Les tensions opposant le Front Polisario à Rabat et celles qui secouent le mouvement lui-même ont finalement trouvé un exutoire dans les escarmouches concernant la route de Guerguerat, qui relie le Maroc à la Mauritanie en traversant une zone tampon sous contrôle des Nations unies. Rabat a construit cette route dans le désert en 2016 (et déployé des gendarmes au sein de la zone tampon, ce qui constitue une violation du cessez-le-feu), et depuis lors, celle-ci semble être le point le plus sensible de la guerre d’usure entre les deux camps, car des incidents y sont désormais déplorés chaque année. Suite au renforcement des liens commerciaux qui unissent le Maroc à la Mauritanie et à d’autres régions d’Afrique de l’Ouest, cette route a gagné en importance et est donc devenue cruciale pour Rabat. De son côté, le Polisario condamne ce qu’il considère être un amendement unilatéral au cessez-le-feu, puisque la route ouvre une brèche dans la zone tampon, qui ne faisait pas partie de l’accord de 1991. D’après la Minurso, entre octobre 2019 et mai 2020, le nombre de manifestations rassemblant des civils pro-Polisario et le nombre d’incursions militaires dans cette zone ont augmenté, ce dont le Maroc s’est régulièrement plaint auprès des Nations unies.

    Le 21 octobre 2021, la situation a atteint un point de non-retour lorsqu’un groupe de civils pro-Polisario a établi un campement sur la route de Guerguerat, bloquant ainsi la circulation. Quelques combattants du Polisario, dont la présence constituait une violation du cessez-le-feu, les ont rejoints. Contrairement aux incidents précédents, les manifestants ont refusé les tentatives de conciliation de la Minurso, arguant que l’ONU se désintéressait du conflit. Pendant deux semaines, le Maroc a déposé des plaintes auprès du secrétaire général de l’ONU et de la Minurso concernant ce blocage. Ensuite, après le discours du roi Mohamed VI prononcé à l’occasion du 45e anniversaire de la Marche verte, le Maroc a commencé à mobiliser des soldats au sein de la zone réglementée de 30 kilomètres de large, violant donc également le cessez-le-feu. Le 13 novembre, après l’échec d’une tentative de médiation de dernière minute émanant du secrétaire général de l’ONU, les troupes sont entrées dans la zone tampon pour rouvrir la route. Bien que les deux camps aient recouru à de l’artillerie lourde, aucune victime n’a été déplorée, les civils et les combattants du Polisario ayant battu en retraite quasi immédiatement. Le 14 novembre, le Polisario a déclaré la fin du cessez-le-feu et annoncé la reprise des hostilités avec le Maroc.

    Au cours des semaines qui ont suivi, le bras armé du Polisario, l’Armée de libération du peuple sahraoui, a attaqué à plusieurs reprises les postes défensifs du Maroc situés le long du mur de sable, généralement depuis une certaine distance et avec des effets limités. La réponse de l’armée marocaine est restée mesurée ; elle n’a pas, jusqu’à présent, cherché à pourchasser les unités ennemies ou à mener une grande opération. Si le Maroc nie avoir essuyé des pertes, des sources onusiennes indiquent que deux soldats, au moins, ont perdu la vie au cours de la première semaine de combats.

    La retenue relative dont fait preuve le Maroc dénote par rapport à la forte mobilisation sahraouie, tant dans les camps de réfugiés qu’à l’étranger. La stratégie de Rabat a été d’exprimer son soutien continu au cessez-le-feu de 1991 et de minimiser l’importance des affrontements militaires, ce qui correspond à une approche du « circulez, il n’y a rien à voir ». Le retour de la guerre a toutefois galvanisé la jeunesse sahraouie dans les camps comme à l’étranger, et le Polisario a réactivé ses réseaux de solidarité internationale pour attirer l’attention sur ce conflit. Un militant sahraoui a déclaré que les jeunes vivant dans le Sahara occidental contrôlé par le Maroc avaient essayé de descendre dans les rues pour afficher leur solidarité avec le Polisario, mais que les forces de sécurité marocaines avaient rapidement réprimé ces tentatives.

    B. Silence sur le front international
    Malgré la mobilisation du Polisario, pour la plupart, les réactions internationales aux évènements survenus dans le Sahara occidental étaient favorables au retour rapide du cessez-le-feu, ou s’alignaient sur la position du Maroc. Le ministre français des Affaires étrangères a exprimé sa préoccupation concernant la situation, tout en saluant « l’attachement du Maroc au cessez-le-feu ». L’Espagne et la Russie ont appelé les deux parties à respecter le cessez-le-feu, alors que les Etats-Unis sont restés muets jusqu’à ce que le secrétaire d’Etat américain de l’époque, Mike Pompeo, déclare le 8 décembre que « le conflit ne devrait pas être résolu par des moyens militaires, mais bien par une série de conversations ».

    Les réactions des pays voisins étaient, elles aussi, empreintes de prudence afin d’éviter d’alimenter les tensions. L’Algérie qui, par le soutien qu’elle apporte au Polisario, joue un rôle déterminant dans le conflit, a sagement appelé les deux camps à faire preuve de retenue. Des diplomates algériens indiquent que cette approche s’inscrit dans une volonté d’éviter une escalade militaire qui pourrait déstabiliser encore plus la région. De même, la Mauritanie a appelé les deux parties à la retenue et au respect du cessez-le-feu.

    Pour sa part, le Conseil de sécurité des Nations unies n’a pris aucune mesure concernant la situation militaire au Sahara occidental. Il n’a convoqué qu’une réunion consultative à huis clos le 21 décembre, soit plus d’un mois après la reprise des hostilités. Si cette inaction a arrangé le Maroc, elle a fâché les responsables du Polisario, car elle n’a pas permis de braquer les projecteurs sur leur cause. Un responsable français a déclaré que l’inertie du Conseil de sécurité s’expliquait par la faible intensité des affrontements, puisque jusqu’à présent les combats n’ont compromis ni la paix ni la sécurité régionales. Même l’Afrique du Sud, soutien du Polisario et présidente du Conseil de sécurité depuis décembre, a indiqué qu’elle n’avait pas l’intention de porter l’affaire devant le Conseil, car ses diplomates estiment que l’issue serait probablement favorable au Maroc.

    C. La reconnaissance de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental par les Etats-Unis
    Alors que l’environnement international lui est déjà favorable, Rabat a remporté une importante victoire diplomatique le 10 décembre, lorsque le président Donald Trump a annoncé sur Twitter que les Etats-Unis reconnaissaient officiellement la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental. En contrepartie de cette reconnaissance, le Maroc a accepté de renouer des relations diplomatiques avec Israël, en commençant par rouvrir leurs bureaux de liaison respectifs, et peut-être, à terme, une représentation diplomatique à part entière. Les Etats-Unis ont, en outre, proposé de vendre pour un milliard de dollars de drones et d’armes guidées avec précision au Maroc. La reconnaissance américaine étant liée à la normalisation diplomatique avec Israël, et bien que des représentants des deux partis appellent à renoncer à cette mesure, l’administration Biden aura probablement du mal à revenir sur la reconnaissance par les Etats-Unis de la souveraineté marocaine sans mettre en péril la relation entre Rabat et Israël.

    Plusieurs gouvernements ont réprouvé la déclaration de Trump. La Russie l’a condamnée, estimant qu’elle violait le droit international. L’Espagne a réitéré son soutien aux « principes et résolutions de l’ONU » concernant ce différend. Le Premier ministre algérien, Abdelaziz Djerad, a condamné la normalisation des relations avec Israël et rejeté la reconnaissance par les Etats-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, appelant à l’application du droit international et défendant les actions militaires du Polisario, les qualifiant de « légitime défense ».

    La France a quant à elle adopté une position plus nuancée. Un responsable français et un ancien diplomate ont déclaré que l’annonce de Trump était un problème pour Paris, car la reconnaissance par les Etats-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental contrevient en effet au droit international et aux résolutions du Conseil de sécurité. Ils craignent par ailleurs que cette reconnaissance pousse le Maroc à faire pression sur la France afin qu’elle prononce une déclaration similaire. Cependant, selon eux, Paris pourrait profiter de cette annonce pour relancer le Plan d’autonomie marocain, lequel servirait de base à une résolution permanente du conflit.

    Les responsables du Polisario ont rejeté l’annonce de Trump, estimant qu’elle constituait une violation inacceptable du droit international. Un militant d’une ONG sahraouie située au Sahara occidental contrôlé par le Maroc a déclaré que la population locale avait perdu toute confiance en la communauté internationale et évoqué les risques croissants de troubles violents. Toutefois, si l’annonce américaine s’apparentait à un revers pour le mouvement, il a saisi cette occasion pour attirer une nouvelle fois l’attention des médias internationaux sur ce conflit oublié. En outre, avec l’arrivée de l’administration Biden aux Etats-Unis, les diplomates du Polisario ont manifesté un optimisme prudent quant à la possibilité que la décision soit revue et que l’ONU joue un rôle de médiateur afin de mettre un terme au conflit.

    Peu après l’annonce américaine, le Maroc a décidé de conserver des troupes à Guerguerat, indéfiniment, balayant toute possibilité de négocier un retrait ultérieur. Rabat a communiqué cette nouvelle position à toutes les parties concernées, y compris dans une lettre officielle adressée au secrétaire général des Nations unies. La présence militaire marocaine vise à protéger les biens qui transitent par la frontière avec la Mauritanie, mais elle constitue une violation de l’accord de cessez-le-feu, qui interdit aux forces armées des deux parties d’entrer dans la zone réglementée. Ceci va donc à l’encontre de la position officielle de Rabat, selon laquelle le Maroc respecte l’accord. Dès lors, le Polisario a clairement indiqué que, dans ces conditions, il refuserait de participer à tout nouvel effort de négociation d’un cessez-le-feu. En effet, le 24 janvier 2021, pour la première fois depuis la fin du cessez-le-feu, des forces pro-Polisario ont bombardé la zone de Guerguerat et menacé d’intensifier le conflit en élargissant leurs opérations.

    IV. Le moment de se réengager
    La faible intensité du conflit au Sahara occidental ne devrait pas justifier l’inaction. Le risque d’une forte escalade militaire entre le Maroc et le Front Polisario reste limité, mais il n’est pas négligeable pour autant. La stratégie adoptée par le Polisario – bombarder à distance – pourrait donner lieu à une frappe non maîtrisée qui ferait plus de victimes marocaines qu’escompté et déclencherait alors une offensive vengeresse visant les bases arrière du Polisario. Il serait erroné de penser que l’Algérie restera neutre. L’Algérie soutient la stratégie militaire d’usure du Polisario. Bien qu’aucun nouveau transfert d’armes en provenance d’Algérie pouvant améliorer les capacités de l’Armée de libération du peuple sahraoui n’ait été constaté, Alger pourrait envisager ce type de transferts si une flambée de violence tuait un grand nombre de combattants du Polisario, par exemple. Ceci aurait des implications pour toute la région.

    Le désintérêt de la communauté internationale pour ce conflit pourrait également avoir des conséquences à long terme pour la stabilité régionale. Sans solution diplomatique, les Sahraouis désabusés, surtout les jeunes, pourraient contraindre le Front Polisario à changer de tactique. Celui-ci pourrait procéder à des frappes visant les installations militaires dans le Sahara occidental contrôlé par le Maroc ou au Maroc même, au lieu de se limiter à des cibles situées le long du mur du sable, comme il l’a presque exclusivement fait jusqu’à présent. Une telle escalade déstabiliserait l’Afrique du Nord et le Sahel, et pourrait avoir des conséquences imprévisibles pour les intérêts américains et européens.

    Nommer un envoyé spécial de l’ONU au Sahara occidental est un premier pas nécessaire. Si le Maroc a imposé des préconditions à cette nomination, les Etats-Unis et la France doivent pousser Rabat à y renoncer. Le nouvel envoyé spécial ne pourra pas mettre fin aux combats seul. Les responsables du Polisario ont clairement indiqué qu’ils voulaient réinitialiser les conditions du processus de paix avant d’envisager un nouveau cessez-le-feu. Bien qu’une réinitialisation complète soit peu probable, si l’ONU se réengage, un envoyé pourrait parvenir à négocier une désescalade temporaire qui pourrait permettre la négociation d’une trêve. Cette trêve pourrait alors favoriser la reprise des pourparlers entre le Maroc et le Polisario (avec la participation de l’Algérie et de la Mauritanie) quant au statut de l’intégralité du territoire disputé.

    Cette approche ne pourra se concrétiser que si les Etats-Unis et le Conseil de sécurité de l’ONU intensifient réellement leurs efforts en vue d’une résolution du conflit. Bien que des voix s’élèvent au sein des deux partis pour que cette décision soit annulée, il est possible que l’administration Biden estime trop complexe, d’un point de vue politique, de revenir sur la reconnaissance annoncée par Trump. Elle pourrait néanmoins chercher à rassurer le Polisario sur la possibilité d’une résolution et à convaincre les responsables qui refusent la trêve et veulent négocier en continuant les combats en parallèle. Les Etats-Unis pourraient, par exemple, renouveler leur soutien d’antan à des mandats de six mois reconductibles pour la Minurso et modifier, dans les prochaines résolutions du Conseil de sécurité, la formulation portant sur « une solution politique réaliste, pragmatique et durable », qui, pour le Polisario, s’assimile à l’approbation du Plan d’autonomie marocain de 2006, et ce en vue de gagner l’adhésion du Polisario. Pour éviter de braquer le Maroc, ces changements pourraient s’accompagner de références explicites à la nécessité d’assurer la sécurité sur la route de Guerguerat.

    Une trêve, appuyée par une nouvelle approche du conflit au niveau du Conseil de sécurité, pourrait inaugurer une nouvelle ère. Le mandat de Köhler, l’envoyé de l’ONU, bien qu’abrégé, rappelle qu’exercer une pression internationale constante sur les deux camps peut faire bouger les choses. Pour que cela puisse se renouveler, l’administration Biden devra se coordonner de manière plus étroite et plus transparente avec les autres membres du Groupe des amis pour le Sahara occidental, à savoir la France, la Russie et l’Algérie. Seule une pression internationale conjointe peut pousser le Maroc et le Front Polisario à revenir à la table des négociations.

    V. Conclusion
    Le désintérêt de la communauté internationale pour le Sahara occidental, exacerbé par le manque d’intérêt des médias étrangers, risque d’aviver des tensions militaires restées jusqu’à présent contenues. Le manque de considération des puissances mondiales pour ce conflit, gelé depuis longtemps, les a menées à sous-estimer la possibilité d’une escalade et a créé les conditions parfaites pour que ce face-à-face instable dégénère en une guerre de faible intensité. Le Conseil de sécurité doit agir maintenant. Il est difficile de déterminer ce qu’il coûterait d’attendre avant d’agir, mais la situation est explosive et pourrait rapidement se dégrader.

    International Crisis Group, 11 mars 2021

    Tags : Sahara Occidental, Maroc, front Polisario, ONU, MINURSO, Algérie, International Crisis Group,

  • Inside Arabia : La tentative du Maroc de donner une leçon à l’Allemagne ne fera que retourner l’opinion publique contre lui

    par Martin Jay

    L’élite marocaine a été vexée en décembre lorsque les Allemands ont suggéré que seule l’ONU peut résoudre la question du Sahara Occidental. Mais elles ont réagi de manière excessive et Rabat va maintenant voir à quel point l’Allemagne est puissante au sein de l’UE et comment elle doit travailler rapidement pour mettre fin à l’impasse.

    Comme toute grande nation, l’Allemagne a un certain nombre de mythes attachés à son caractère, peut-être en grande partie en raison de son héritage au cours des 100 dernières années, où elle a changé le cours de l’histoire en déclenchant – et en perdant – deux guerres mondiales. Parmi les contrevérités que les gens aiment à croire à propos des Allemands, la principale est qu’il s’agit d’un peuple minutieux et efficace qui commet rarement des erreurs et qui est sûr de lui et de sa position dans le monde.

    En fait, d’après mon expérience de travail pour la télévision d’État allemande en tant que correspondant étranger indépendant pendant près de dix ans, peu de ces clichés sur les Allemands sont vrais. En réalité, j’ai trouvé que les Allemands étaient des gens peu sûrs d’eux, arrogants et, surtout, farouchement têtus.

    La récente prise de bec du Maroc avec l’Allemagne est intéressante car son issue sera déterminée par les réalités du ministère allemand des affaires étrangères et de son gouvernement. Mais Rabat s’est-il lancé dans un combat dont il ne pourra plus s’en sortir ? Et va-t-il payer un lourd tribut à cette décision capricieuse qui, début mars, a vu le Maroc rompre ses relations avec l’ambassade d’Allemagne ?

    « La dispute, à première vue, semblait être la position de Berlin s’opposant à la décision de Donald Trump de reconnaître officiellement le Sahara occidental comme protectorat légitime du Maroc ».

    La dispute, à première vue, semblait être la position de Berlin s’opposant à la décision de Donald Trump de reconnaître officiellement le Sahara Occidental comme protectorat légitime du Maroc, en quelque sorte. Mais il y avait d’autres questions en arrière-plan qui ont également amené le palais de Rabat à un point de rupture : Berlin n’a pas invité Rabat à une conférence clé sur la Libye (absurde et mesquin, étant donné que le Maroc était le pays hôte d’un accord négocié par l’ONU en 2015), l’obsession de l’Allemagne à créer des chiens de garde de type droits de l’homme à l’intérieur du Maroc, et un récent scandale sur un ressortissant germano-marocain qui a été arrêté à tort par Interpol et a passé un certain temps dans une prison marocaine avant de revenir en Allemagne.

    Ce dernier était probablement une erreur de la part du Maroc. Mais à part cela, Berlin a joué dur avec Rabat depuis un certain temps et un rapport récent, qui a souligné l’opposition de l’Allemagne à la décision de Trump sur le Sahara Occidental, met en lumière Berlin et son besoin comique, sinon désespéré, d’être un acteur international sur la scène mondiale.

    L’Allemagne n’est pas seule à l’ONU et au sein de l’UE lorsque nous parlons de pays qui se tournent maintenant vers l’ONU elle-même pour remettre le dentifrice dans le tube après la décision de Trump. Il était peut-être un peu naïf de la part de l’élite de Rabat de penser qu’elle pouvait étouffer ce bourgeon avant que de telles idées ne se répandent. Rabat verra dans les semaines à venir que le soutien écrasant dont bénéficiait le peuple autochtone du Sahara Occidental avant que Trump ne prenne cette décision, ne fera que se renforcer. Les projecteurs seront de nouveau braqués sur le Maroc, qui devra faire le prochain pas ou faire face à l’épaule froide de la seule organisation internationale au monde où il ne peut vraiment pas se permettre de devenir un ennemi.

    « Le geste de Trump n’a pas fait avancer la question du Sahara Occidental pour Rabat mais est simplement devenu le pistolet de départ d’une toute nouvelle débâcle internationale ».

    Le geste de Trump n’a pas fait avancer la question du Sahara Occidental pour Rabat mais est simplement devenu le pistolet de départ d’une toute nouvelle débâcle internationale alors que des pays comme l’Allemagne s’enfoncent profondément.

    La reconnaissance du Sahara occidental par Trump a ouvert la voie à la normalisation des relations entre Israël et le Maroc, qui portera sans aucun doute ses fruits en termes d’assistance au développement et au commerce. Cela ne fait aucun doute. Mais le prix que le Maroc paiera sera lourd dans le monde entier, car de nombreux pays puissants – qui fermaient auparavant les yeux sur les détails peu recommandables de la façon dont le Maroc mène ses affaires à l’intérieur du Sahara occidental – ne resteront désormais plus silencieux.

    Rabat part du principe que Berlin est seul sur ce sujet et le coup de théâtre consistant à couper les relations n’était probablement pas judicieux. Beaucoup pourraient dire que, étant donné les compétences diplomatiques limitées du Maroc ou, en effet, le manque d’élan de son ministre des affaires étrangères sur le plan international, Rabat n’avait pas vraiment le choix. Il a été acculé dans un coin. Il y a peut-être une part de vérité dans cette affirmation.

    Mais se battre avec le gorille de 600 livres de l’UE ne peut que se terminer en larmes pour le Maroc. Si l’Allemagne est aussi têtue que ses antécédents le montrent, Berlin voudra faire un exemple de cette démarche pour influencer les grands acteurs des Nations unies – les États-Unis, la France et le Royaume-Uni, par exemple. Elle fera valoir que la situation des droits de l’homme est si mauvaise au Maroc même, comment Rabat pourrait-il bénéficier de l’ancien patronage s’il réagit de la sorte à l’Allemagne ? « Qu’a fait l’Allemagne ? » demanderont les Allemands à leurs amis du Parlement européen. « Si c’est ainsi que Rabat réagit simplement à un point de vue qui s’oppose au leur, alors que pouvons-nous supposer être la véritable histoire au Sahara Occidental ? ». Le ministre allemand des affaires étrangères s’adressera aux autres ministres des affaires étrangères de l’UE à Bruxelles lors de leur rencontre.

    « Le Maroc n’a pas un palmarès impressionnant pour trouver une solution démocratique au problème du Sahara Occidental ».

    Le Maroc n’a pas un palmarès impressionnant pour trouver une solution démocratique au problème du Sahara Occidental. En effet, en 1991, il a jeté un nuage de poussière, lorsque les réalités d’un référendum là-bas ne semblaient pas favorables ou propices à ses objectifs.

    Le problème découle en grande partie de l’absence de tout débat au sein du Maroc lui-même. Lorsqu’une telle politique est appliquée pendant des décennies et que la population, les médias et les fonctionnaires concernés s’habituent à une doctrine appliquée sans cesse, il est facile de comprendre pourquoi le palais a tant de mal à parler aux acteurs internationaux. Au Maroc, la plupart des citoyens qui aiment leur roi sont terrifiés à l’idée même d’aborder le sujet sous un autre angle que celui qui est officiel. Une génération entière a accepté que ce serait une trahison de le faire, et c’est là que réside le cœur du problème. Rabat a étendu cette idéologie à la communauté internationale et s’est ainsi heurté à un mur.

    L’ONU est une institution qui vit et respire pratiquement selon le mantra que la colonisation sous toutes ses formes ne peut être acceptée. Par défaut, l’institution travaille contre tout modèle de ce type, aussi opaque soit-il. Ce que Rabat a fait en s’opposant à l’Allemagne – qui, bien que ne siégeant pas au Conseil de sécurité, a néanmoins une influence considérable – est autodestructeur. Les déclarations de Rabat qui justifient ce geste par le fait qu’il n’accepte plus de relations avec des pays qui séparent la politique du commerce sont pour le moins naïves. Rabat découvrira, à son détriment, que la politique, l’aide et le commerce ont été séparés à son avantage pendant des décennies par de nombreux amis du Maroc. Insister sur le fait qu’une nouvelle homogénéisation des relations devrait être la nouvelle norme ne fera que se retourner contre ceux qui ont eu l’idée d’essayer de donner une leçon aux Allemands obstinés.

    Inside Arabia, 11 mars 2021

    Tags : Maroc, Allemagne, Sahara Occidental, ONU, Union Européenne,


  • Algérie : Frontières

    Tout ce qui touche aux pays limitrophes à l’Algérie ne peut passer inaperçu, et quand la nouvelle semble aller dans le bon sens, alors c’est évidemment à «prendre» avec intérêt. Celle provenant, hier, de la ville libyenne de Syrte, est à mettre dans la case «espoir». La nouvelle vient éclaircir des cieux d’une région à feu et à sang depuis plus de 10 ans. Ainsi, l’approbation du gouvernement intérimaire libyen par le Parlement, qui s’était réuni dans l’ancien fief de Mouamar Kadhafi, vient conforter un processus politique déclenché juste après le cessez-le feu du 23 octobre 2020. Un acte important en vue de la tenue des élections générales prévues le 24 décembre prochain.
    La réussite de ces étapes en terre libyenne est (tant que la stabilité est au bout) évidemment bénéfique pour l’Algérie. Les guerres fratricides à nos frontières Est, qui durent depuis 2011, ont été la base arrière de l’insécurité qui a régné après en Tunisie, au Niger, et surtout au Mali. Même l’Algérie n’a pas été épargnée, et Tiguentourine est toujours dans les mémoires.
    Du côté libyen, c’est rassurant, mais par contre, à l’Ouest, la situation suscite de plus en plus d’inquiétude. Le dernier foyer colonial en Afrique qu’est le Sahara occidental n’a pas trouvé encore une solution juste et permanente. L’intervention du Président Tebboune lors de la réunion, en visioconférence, du CPS (Conseil de paix et de sécurité) de l’UA (Union africaine) est venue rappeler la position algérienne envers ce dossier de décolonisation qui n’a que trop tardé. Une fidélité à la cause sahraouie qui n’est pas du goût du Makhzen, et il le démontre par ses «réactions». Ces dernières ne sont pas uniquement affichées par les médias marocains, mais d’autres formes ont été actionnées, et avec force. Il s’agit surtout des attaques électroniques qui ne sont pas négligeables et dont l’impact est parfois ahurissant sur les réseaux sociaux algériens. La manipulation et les Fake news qui pullulent sur la toile sont très souvent élaborés dans les laboratoires de Rabat. C’est pour au moins ces raisons qu’il est primordial de riposter, mais avec intelligence. Peut-être que la journée d’étude, portant sur la guerre de l’information, organisée samedi passé par l’INESG (Institut national d’études de stratégie globale) va pouvoir apporter du «concret».

  • Sahara Occidental : L'aveu d'échec des Nations Unies

    Dans un point de presse, le porte-parole du Secrétaire Général de l’ONU, Stephane Dujarric, a révélé les difficultés rencontrées par les Nations Unies dans la nomination d’un nouvel Envoyé Personnel pour le Sahara Occidental depuis la démission de l’allemand Horst Koehler en mai 2019.

    A la question d’un journaliste sur « la raison pour laquelle, depuis deux ans, le Secrétaire général n’a pas pu trouver un envoyé personnel pour faire ce travail ? Personne ne veut ce travail ? », M. Dujarric a répondu: « permettez-moi de le dire ainsi », indiquant que « ce n’est pas le travail le plus facile de l’agenda des Nations unies ». « C’est un travail d’une importance capitale. Le Secrétaire général s’est efforcé de nommer ce poste, mais comme dans beaucoup de ces nominations, tous les leviers ne sont pas entre ses mains, mais il fait ce qu’il pouvait » a-t-il ajouté.
    Ainsi, l’institution onusienne avoue son échec après 30 ans d’un processus de paix dont le but s’est avéré d’imposer la pseudo-solution autonomique marocaine au nom d’intérêts géopolitiques lorgnant les richesses naturelles du peuple sahraoui.
    Tags : Sahara Occidental, Western Sahara, Front Polisario, Maroc, ONU, MINURSO, 
  • L’Envoyé spécial du SG pour la Libye souligne l’importance de la tenue d’une session de la Chambre de Représentants le 8 mars, étape importante vers l’unité et la souveraineté

    Tripoli, 7 mars 2021 – L’envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour la Libye et chef de la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) Ján Kubiš souligne l’importance de tenir la session de la Chambre des représentants le lundi 8 mars, qui est la première depuis plusieurs années.

    L’Envoyé spécial souligne que cette session, qui a été demandée par la Présidente du CdR, Agila Saleh, pour discuter en profondeur et éventuellement envisager un vote de confiance à la composition du cabinet proposée par le Premier ministre désigné Abdelhamid AlDabaiba, est une autre étape importante vers la restauration. l’unité et la légitimité des institutions et des autorités libyennes, afin de réaliser l’unité, la souveraineté et la stabilité de la Libye. Ces efforts ne doivent être déraillés sous aucun prétexte, y compris par la diffusion de fausses informations, comme le message texte diffusé aujourd’hui au sujet de l’enquête de l’ONU sur les allégations de corruption.

    Source : UNSMIL, 7 mars 2021

    Tags : Libya, ONU, UNSMIL, Jan Kubis, Chambre des Représentants,