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  • PEGASUSGATE : Le Maroc impliqué jusqu’au cou

    En normalisant officiellement ses relations avec Israël en date du 10 décembre 2020, suivies de la conclusion toute récente d’un accord sur la coopération dans le domaine sensible de la cyber-sécurité, le Maroc se révèle être le serviteur attitré de longue date de son allié, qui lui fournit soutien logistique pour le besoin d’espionnage dans la région méditerranéenne. Le Maroc est dans une mauvaise passe…

    Le scandale que venait de faire éclater « Forbidden Stories », un consortium de journalistes freelance en collaboration avec Amnesty international et 17 médias dans le monde, sur une opération d’espionnage d’envergure opérée par le Maroc entre 2017 et 2019, a fait l’effet d’une bombe dans le Royaume marocain. Quelque 6 000 lignes téléphoniques, appartenant à des chefs d’Etat et de gouvernements alors en exercice, des hauts cadres civils et militaires ainsi que des personnalités publiques, ont été piratés par le renseignement du Makhzen pour le besoin d’espionnage. Pour ce faire, le Maroc a fait appel à l’expertise et l’ingénierie du Mossad pour se faire acheter le logiciel espion Pegasus, l’un des plus sophistiqués au monde selon les spécialistes et conçu par l’entreprise israélienne NSO Group. Un groupe spécialisé dans la sécurité informatique et la surveillance.

    Durant cette période, le Maroc, à lui seul, représente le plus important utilisateur de Pegasus, soit la surveillance, la mise sur écoute et le vol de données à 6 000 téléphones cellulaires sur un nombre de 50 000 concernés par l’enquête de « Forbidden Stories ». C’est ainsi que quelque 13 chefs d’Etat, dont le président français Emmanuel Macron, ont été espionnés par les services marocains, lesquels ont fait, de l’Algérie en particulier, ce qui n’est pas une surprise une cible privilégiée. « Rabat est l’un des plus gros utilisateurs du logiciel espion Pegasus, commercialisé par l’entreprise israélienne NSO Group, au détriment des élites algériennes », note le journal le « Monde » qui fait partie des médias collaborateurs de cette enquête.

    M6 espionné par … ses propres services

    Techniquement, ce logiciel espion consiste à aspirer les données vidéo, images, communications téléphoniques, internet, géolocalisation, et même les conversations chiffrées sur les applications WhatsApp et Signal. Selon les spécialistes, ce logiciel « est tellement puissant » qu’aucune personne, fut-elle un chef d’Etat, n’est à l’abri et pourrait être donc facilement ciblé pour le besoin d’espionnage. D’où un scandale planétaire qui éclabousse le palais de Rabat dont le locataire qui plus est, Mohammed VI en l’occurrence, lui-même et son ex-épouse Lalla Salma, le prince Moulay Hicham, son épouse et leurs deux filles et de son jeune frère le prince Moulay Ismaïl, étaient ciblés par cette opération d’espionnage opérée par ses propres services de renseignement. L’affaire est grotesque que le Royaume se soit précipité et tente de démentir son implication pour sauver la face, mais peine perdue, le scandale révélé au grand jour a gagné le monde entier.

    Ainsi, concernant l’Algérie, au moment où notre pays traversait une crise au lendemain du Hirak, celui qu’il convient à appeler désormais l’œil du Mossad a piraté les lignes téléphoniques de plusieurs hommes responsables de l’Etat algérien. À l’image de la fratrie Bouteflika, l’ancien MAE Abdelkader Messahel et Ramtane Lamamra, l’ancien SG de ce département ministériel Noureddine Ayadi, en sus de Noureddine Bedoui, alors Premier ministre, leurs téléphones cellulaires étaient surveillés pour le besoin de soustraire des informations susceptibles que les services marocains pourraient utiliser afin de nuire à l’Algérie.
    Farid Guellil

    Quelques personnalités ciblées en Algérie

    L’opération d’espionnage du Maroc révélée au grand jour ne s’est pas limitée aux personnalités et responsables publics algériens. Preuve en est, elle concerne plusieurs pays, comme l’Afrique du Sud, l’Angola, le Burkina Fasso, l’Ethiopie, la Belgique, le Canada, la Côte d’Ivoire, l’Indonésie, les Emirats Arabes Unis, la Tunisie, la Turquie…Mais, il serait intéressant de revenir sur les noms de personnalités publiques algériennes ou étrangères exerçant leurs fonctions dans notre pays, dont les téléphones ont été ciblés par le logiciel espion israélien entre 2017 et 2019. À savoir, les frères et sœurs de Bouteflika, Saïd, Nacer et Zhor, l’ex-ambassadeur français, Xavier Driencourt et l’attaché militaire de la même représentation diplomatique, les Mae Lamamra, Messahel et Boukadoum, Les diplomates Lakhdar Ibrahimi et Abdelaziz Rahabi ou encore Noureddine Bedoui. Également, dans cette liste révélée par le journal « Le Monde », on retrouve les anciens responsables sécuritaires Wassini Bouazza et Bachir Tartag, l’ancien commandant des forces terrestres et aériennes Said Chengriha, l’adjudant Guermit Bounouira, ou encore les deux fils de Khaled Nezzar et du défunt Ahmed Gaïd Salah, respectivement Lotfi et Mourad.
    R. N.

    Le Courrier d’Algérie, 22/07/2021

    Etiquettes : Maroc, Pegasus, logiciels espions, Algérie, France, Emmanuel Macron,

  • Pégasus peut-il être apprivoisé ?

    Le téléphone du président français Emmanuel Macron pourrait avoir été piraté à l’aide d’un logiciel d’espionnage privé, selon une nouvelle enquête.

    Par Colm Quinn, rédacteur de la newsletter de Foreign Policy.

    Les révélations sur le logiciel d’espionnage Pegasus font des vagues dans le monde entier

    Pegasus met en lumière le nouveau monde de l’espionnage

    Les autorités françaises ont promis d’enquêter sur un incident cybernétique après qu’il est apparu que le téléphone du président français Emmanuel Macron était enregistré sur une liste de cibles possibles de piratage téléphonique mené par le gouvernement. Le logiciel utilisé, appelé Pegasus, était sous licence d’une société privée israélienne de logiciels d’espionnage.

    Selon une enquête menée par un consortium mondial de médias comprenant le Washington Post, Le Monde et le Guardian, dix premiers ministres, trois présidents et le roi du Maroc Mohammed VI étaient tous des cibles potentielles.

    Des logiciels espions pour tous. Ce n’est pas la première fois que des dirigeants mondiaux sont ciblés par des agences d’espionnage – le ciblage de la chancelière allemande Angela Merkel par l’Agence nationale de sécurité des États-Unis est un exemple très médiatisé – mais les révélations de Pegasus montrent que les programmes d’espionnage sophistiqués ne sont plus limités aux États riches et peuvent être achetés sur le marché libre. Dimanche, il est apparu que les gouvernements d’au moins dix pays avaient utilisé cet outil d’espionnage pour surveiller des journalistes et des dissidents.

    L’entreprise de logiciels responsable, NSO, a nié les allégations du consortium d’enquête, les qualifiant de « tellement scandaleuses et éloignées de la réalité » que l’entreprise envisage de porter plainte pour diffamation. La société a déclaré qu’elle vérifiait les préoccupations des clients gouvernementaux en matière de droits de l’homme avant de vendre son logiciel Pegasus et que celui-ci était destiné à être utilisé comme un outil de lutte contre le terrorisme.

    Le rôle de Netanyahu. Des critiques ont également été formulées à l’encontre d’Israël, notamment du précédent gouvernement dirigé par l’ancien Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Le journal israélien Haaretz – l’un des membres du consortium – a décrit les voyages de Netanyahu dans des pays qui deviendraient des clients de NSO et la façon dont le logiciel a pu être utilisé comme « monnaie diplomatique » pour favoriser les objectifs stratégiques d’Israël.

    Les problèmes de Modi. En Inde, l’enquête a provoqué un scandale politique. Le Congrès national indien – le plus grand parti d’opposition – a accusé le gouvernement du Premier ministre Narendra Modi d’espionner son ancien leader Rahul Gandhi après que son numéro soit apparu sur la liste de NSO. Le Congrès a demandé la démission du ministre indien de l’Intérieur, Amit Shah, à cause de cette affaire, tandis que le porte-parole du gouvernement, Ravi Shankar Prasad, a rétorqué qu’il n’y avait « pas la moindre preuve » liant le gouvernement de Modi à l’histoire de Pegasus. Le gouvernement Modi n’en serait pas à sa première infraction présumée : il a été accusé d’avoir utilisé le logiciel NSO pour pirater 1 400 téléphones avant les élections indiennes de 2019.

    Foreign Policy, 21/07/2021

    Etiquettes : Pegasus, logiciels espions, NSO Group, Maroc, Mohammed VI, Emmanuel Macron,

  • Pour Rabat, il y a une cabale impérialiste contre le Maroc

    L’article dont une image est postée en premier commentaire ci-dessous est un contre-feu allumé par les services marocains pour faire diversion sur l’affaire d’espionnage généralisé dont ils sont accusés. Ils cherchent par là à mobiliser les sentiments nationalistes et chauvins pour transformer la bataille en confrontations des identités plutôt qu’une confrontation des valeurs. Pour cela :

    * Ils laissent entendre qu’il y a une cabale contre le Maroc (et non contre ses barbouzes), organisée à l’échelle mondiale et à l’initiative des puissances impérialistes.

    * Ils affirment qu’il y a une campagne de dénigrement raciste systématique à l’égard de l’ensemble des marocains,

    * Ils en apportent pour preuve un article qu’ils distribuent avec en-tête de Médiapart.

    Il convient de relever que l’article en question n’est pas un article du journal, mais celui d’un blog hébergé par Médiapart. Tout abonné à ce journal peut librement ouvrir un blog et y écrire ce qu’il veut, tant qu’il ne viole pas la déontologie du journal. Mais les services qui ont fait la diffusion à outrance de cet article ont « coupé » l’en-tête qui indique que c’est un blog afin de faire croire qu’il émane du journal et qu’il représente la ligne directrice d’une prétendue campagne haineuse et généralisée de la presse française ou occidentale.

    L’auteur de ce papier a annoncé hier, toujours sur son blog, que le journal lui a adressé une demande visant à retirer les propos qui peuvent être considérés comme inappropriés, ou bien à retirer l’intégralité de cet article. Il a affirmé que son propos relevait du second degré et qu’il n’a aucun penchant raciste, mais qu’il l’avait quand même retiré puisque certains avaient réagi en créant la confusion.

    Evidemment, des criminels qui sont pris la main dans le sac chercheront toujours à noyer le poisson en déplaçant le débat et en lançant des contre-accusations. Et il est normal qu’une telle démarche puisse porter avec des peuples qui portent encore les stigmates de la colonisation et souffrent toujours de la domination occidentale. Il n’en est pas moins dommage que certaines élites éclairées du pays se laissent manipuler par des stratagèmes aussi grossiers.

    Nous sommes en présence d’un Etat policier qui a abusé des pouvoirs de l’Etat pour nous soumettre (roi, famille royale, ministres, députés, dirigeants de partis, activistes, journalistes…) à un espionnage généralisé dont le peuple marocain est la première victime, et pour faire chanter nos élites et leur faire faire et dire ce que les sécuritaires désirent qu’elles fassent et disent.

    Ce faisant, ils ont mis les données de nos intimités entre les mains d’entreprises privées et de services étrangers (les israéliens à coup sûr, et on ne sait qui d’autre) une quantité phénoménale d’informations qui ne peuvent qu’être utilisées au détriment de nos intérêts nationaux. Le problème est trop grave pour nous laisser entraîner dans de fausse querelles.

    Fouad Abdelmoumni

    Source : Facebook, 22/07/2021

    Etiquettes : Maroc, France, Pegasus, espionnage, logiciels espions, NSO Group, Emmanuel Macron,

  • Dubaï: Deux princesses espionnées avec le logiciel Pegasus

    Deux princesses ont fui le souverain de Dubaï. Puis elles ont été étiquetées comme des cibles potentielles de logiciels espions de l’ONS.

    La princesse Latifa a fui son père, l’émir de Dubaï, en 2018 ; la princesse Haya, l’une de ses épouses et demi-sœur du roi de Jordanie, l’a également quitté. Toutes deux ont été sélectionnées comme cibles potentielles de l’ONS, selon un rapport du Washington Post.

    Deux membres de la famille royale de Dubaï ont été sélectionnés comme cibles potentielles de logiciels espions fabriqués par la société israélienne de cyberespionnage NSO Group, a révélé mercredi l’enquête internationale Project Pegasus.

    Ces révélations s’inscrivent dans le cadre d’une enquête mondiale appelée Projet Pegasus, basée sur une fuite de quelque 50 000 numéros sélectionnés comme cibles potentielles du logiciel espion Pegasus par des clients de NSO.

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    Une enquête sur la multitude de numéros de téléphone divulgués a conduit le Washington Post à des numéros appartenant à la princesse Latifa bint Mohammed al-Maktoum et à la princesse Haya bint Hussein, respectivement fille et sixième épouse du dirigeant de Dubaï et premier ministre des Émirats arabes unis, le cheikh Mohammed bin Rashid Al Maktoum.

    D’autres numéros de téléphone appartenant à leurs amis et associés ont également été trouvés dans la base de données.

    La princesse Latifa a fui son père à bord d’un yacht qu’elle avait affrété aux Émirats arabes unis en 2018. Elle a finalement été recapturée au large des côtes indiennes et ramenée à Dubaï. La princesse avait affirmé avoir été soumise à des traitements inhumains par son père, notamment des passages à tabac et des mises à l’isolement.

    Un avocat de NSO a déclaré au Washington Post que la forme « n’a pas d’aperçu des activités de renseignement spécifiques de ses clients. »

    Un fonctionnaire qui s’est entretenu avec le Washington Post a déclaré que NSO avait coupé ses liens avec les EAU plus tard dans l’année.

    Des rapports antérieurs ont établi un lien entre sa capture et des sociétés de cyberespionnage israéliennes. Plus tôt cette année, le Bureau of Investigative Journalism et The Guardian ont affirmé que la société privée de renseignement israélienne Rayzone Group avait exploité une faille dans le réseau mondial de téléphonie mobile pour suivre la princesse.

    Selon cette enquête, Rayzone a loué l’accès à un système de messagerie mondial obscur dans les îles anglo-normandes, ce qui lui a permis de « géolocaliser » les utilisateurs de téléphones portables dans le monde entier, y compris celui de la princesse Latifa après qu’elle ait tenté d’échapper à son père. Le groupe Rayzone a démenti les allégations selon lesquelles il aurait été impliqué dans les efforts visant à retrouver la princesse.

    Mercredi, une enquête menée par le Washington Post a révélé que la technologie de NSO avait également été utilisée contre la princesse.

    Selon les conclusions du journal, bien qu’il soit impossible de savoir quel rôle le logiciel espion de NSO a joué dans sa capture réelle, « les dossiers montrent que dans les heures et les jours qui ont suivi sa disparition en février 2018, les agents ont entré les numéros de téléphone de Latifa et de ses amis dans un système qui enregistre les numéros que les clients de NSO ont sélectionnés pour la surveillance », indique le rapport.

    La princesse Latifa, rapporte le Post, avait abandonné son téléphone dans un café de Dubaï avant de fuir l’émirat. Cependant, les numéros associés à son assistant personnel et à d’autres personnes de son entourage, ainsi que les numéros des téléphones temporaires utilisés par elle sur son yacht de fuite, figuraient sur la liste des cibles potentielles, selon le rapport.

    Selon le rapport, la fille du dirigeant de Dubaï n’est pas la seule à avoir été prise pour cible alors qu’elle tentait de fuir : La princesse Haya, sa sixième épouse, dont il est séparé, a également été choisie comme cible potentielle. La princesse Haya est la fille de feu le roi Hussein de Jordanie et de sa troisième épouse, la reine Alia. L’actuel dirigeant de la Jordanie, le roi Abdullah II, est son demi-frère. Elle a épousé le cheikh Mohammed en 2004. Le couple a deux enfants (le cheikh aurait environ 25 enfants de ses différentes épouses). En 2019, elle a fui Dubaï pour Londres et a occupé un poste à l’ambassade de Jordanie.

    Selon le Washington Post, après son départ des Émirats arabes unis, le système de l’ONS a reçu les numéros de « la princesse Haya, de sa demi-sœur, de son assistant, de son entraîneur de chevaux [c’est une passionnée d’équitation] et des membres de ses équipes juridiques et de sécurité. » Ces numéros ont été sélectionnés comme cibles début 2019 « dans les jours précédant et dans les semaines suivant sa fuite de Dubaï », note le rapport.

    Forbidden Stories (une association de journalisme à but non lucratif basée à Paris) et Amnesty International ont eu accès à la liste divulguée des numéros de téléphone que les clients de NSO ont sélectionnés pour la surveillance. La fuite a été communiquée à Haaretz et à 16 autres organismes de presse, qui ont travaillé ensemble pour effectuer des analyses et des reportages supplémentaires au cours des derniers mois afin de créer le projet. Forbidden Stories a supervisé l’enquête et Amnesty International a fourni des analyses médico-légales et un soutien technique.

    Selon une analyse de ces dossiers, plus de 180 journalistes ont été sélectionnés dans 21 pays par au moins 12 clients de l’INS. Parmi les cibles potentielles figurent également des chefs d’État tels que le Français Emmanuel Macron et le Pakistanais Imran Khan, tandis que les clients proviennent de Bahreïn, du Maroc, d’Arabie saoudite, d’Inde, du Mexique, de Hongrie, d’Azerbaïdjan, du Togo et du Rwanda.

    NSO a publié une réponse à l’enquête du Projet Pegasus en début de semaine, qualifiant la fuite de « conspiration internationale ».

    « Le rapport de Forbidden Stories est plein d’hypothèses erronées et de théories non corroborées qui soulèvent de sérieux doutes sur la fiabilité et les intérêts des sources. Il semble que les ‘sources non identifiées’ aient fourni des informations qui n’ont aucune base factuelle et sont loin de la réalité », a déclaré la société dans le communiqué.

    « Les numéros figurant sur la liste ne sont pas liés à NSO Group, et ne l’ont jamais été – affirmer qu’ils le sont est une information fabriquée. Ce n’est pas une liste de cibles ou de cibles potentielles des clients de NSO, et votre confiance répétée dans cette liste et l’association des personnes sur cette liste comme cibles potentielles de surveillance est fausse et trompeuse. »

    Le laboratoire de sécurité d’Amnesty International a effectué des analyses médico-légales de téléphones portables ciblés par Pegasus. Ses conclusions sont cohérentes avec les analyses antérieures des personnes ciblées par le logiciel espion de NSO, notamment le cas de dizaines de journalistes prétendument piratés aux Émirats arabes unis et en Arabie saoudite et identifiés par Citizen Lab en décembre dernier.

    Haaretz, 21/07/2021

    Etiquettes : Dubaï, princesse Haya de Jordanie, Latifa bint Mohammed al-Maktoum, Pegasus, espionnage,

  • Le monde réclame une enquête sur l’utilisation de Pegasus

    Le projet Pegasus suscite des demandes d’enquête sur l’utilisation du logiciel espion de l’ONS.

    L’opposition indienne perturbe le parlement pour demander une enquête alors que les procureurs de Paris examinent les allégations.

    Les révélations selon lesquelles des dizaines de journalistes ont été espionnés par des gouvernements utilisant le logiciel espion du groupe NSO ont enflammé les critiques dans le monde entier et accéléré les demandes d’enquêtes sur les allégations d’espionnage.

    Le président mexicain, Andrés Manuel López Obrador, dit Amlo, dont les numéros de téléphone de la famille, du cardiologue et des conseillers politiques figuraient dans la liste divulguée alors qu’il était en campagne, a promis d’annuler tous les contrats gouvernementaux en cours avec le groupe NSO.

    Cet appel a été lancé alors que des politiciens de l’opposition indienne ont perturbé le parlement mardi pour demander une enquête complète sur l’utilisation présumée par le gouvernement du logiciel d’espionnage Pegasus sur les personnes figurant sur la liste, y compris des citoyens indiens, des politiciens, des journalistes et des avocats.

    Les fuites concernant Pegasus ont dominé les deux premiers jours de la session de la mousson au Parlement indien, et mardi, la Chambre a été ajournée deux fois en raison du tumulte et des protestations des politiciens de l’opposition.

    Des membres du parti d’opposition, le Congrès, dont le propre Rahul Gandhi figurait parmi les personnes dont le nom figurait sur la liste, ont brandi des pancartes dans l’hémicycle et crié fort, demandant la démission du ministre de l’intérieur, Amit Shah, en raison des allégations d’espionnage.

    Le Congrès et d’autres partis d’opposition ont également demandé une enquête indépendante sur l’utilisation présumée du logiciel espion Pegasus par le gouvernement de Narendra Modi.

    Le porte-parole du Congrès, Shaktisinh Gohil, a déclaré que le gouvernement devait indiquer clairement s’il avait ou non acheté le logiciel Pegasus. « Si c’est le cas, le gouvernement devrait ordonner la création d’une commission parlementaire mixte pour enquêter sur toute cette affaire », a-t-il déclaré.

    Selon les fuites, ceux de Gandhi, ainsi que de plusieurs de ses proches collaborateurs et d’un stratège politique qui travaille pour le Congrès, figuraient parmi les 300 numéros indiens vérifiés qui apparaissaient dans les données fuitées. Deux des numéros de téléphone de Gandhi ont été sélectionnés en 2017 et en 2019 avant les élections générales de 2019, où le Congrès a subi une perte importante face au parti Bharatiya Janata de Modi.

    Parmi les autres personnes figurant sur la liste figurent deux ministres, plus de 40 journalistes, trois dirigeants de l’opposition, des dizaines de militants et un juge en exercice.

    L’opposition a accusé le gouvernement Modi d’utiliser le logiciel Pegasus pour espionner ses opposants politiques, ainsi que des avocats, des journalistes et des militants des droits de l’homme dont le travail était critique envers le gouvernement. Lundi, elle l’a qualifié d’ »attaque contre les fondements démocratiques de notre pays ».

    Le gouvernement Modi a affirmé qu’aucune surveillance non autorisée n’avait été effectuée. L’ancien ministre des technologies de l’information, Ravi Shankar Prasad, a déclaré qu’il n’y avait « pas l’ombre d’une preuve liant le gouvernement indien ou le BJP » aux allégations et a été l’une des nombreuses personnalités du BJP à qualifier les fuites de complot international visant à diffamer l’Inde.

    La nouvelle est intervenue alors que les procureurs de Paris ont déclaré mardi qu’ils avaient ouvert une enquête sur les allégations selon lesquelles les services de renseignement marocains ont utilisé le logiciel de surveillance israélien Pegasus pour espionner plusieurs journalistes français.

    Les procureurs de Paris examineront 10 chefs d’accusation différents, notamment l’existence d’une violation de la vie privée, d’un accès frauduleux à des appareils électroniques personnels et d’une association criminelle.

    Le site d’investigation Mediapart a déposé une plainte en justice à la suite de ces allégations, que le Maroc a démenties, après avoir confirmé que les analyses médico-légales ont montré que le téléphone de son directeur de la rédaction et cofondateur, Edwy Plenel, avait été sélectionné, ainsi que celui de sa rédactrice en chef des questions de genre, Lénaïg Bredoux, qui s’est spécialisée dans les reportages sur les violences et le harcèlement sexuels.

    L’hebdomadaire satirique français Le Canard Enchaîné a également fait part de son intention de déposer une plainte en justice.

    L’ancienne journaliste du Canard Enchaîné, Dominique Simonnot, qui dirige actuellement l’organisme indépendant de surveillance des prisons, a confirmé à France Info qu’elle avait été sélectionnée alors qu’elle était encore journaliste : « C’est un véritable scandale ».

    Le porte-parole du gouvernement français, Gabriel Attal, a déclaré à la radio publique française : « Ce sont des actes extrêmement choquants et, s’ils sont avérés, ils sont extrêmement graves ».
    Il a ajouté que la France était « extrêmement attachée à la liberté de la presse » et que toute tentative de restreindre la liberté d’informer des journalistes était « très grave ».

    À Bruxelles, la Commission européenne a promis d’utiliser « tous les outils possibles » pour recueillir des informations sur l’espionnage des journalistes après que l’analyse médico-légale des appareils mobiles a montré que le gouvernement hongrois utilisait le logiciel espion Pegasus contre les journalistes d’investigation.

    La promesse d’action de la Commission risque de décevoir certains membres du Parlement européen, qui espéraient une réponse plus ferme aux allégations formulées à l’encontre de la Hongrie, déjà empêtrée dans de nombreux litiges avec Bruxelles sur la démocratie et les droits de l’homme.

    Didier Reynders, le commissaire européen en charge de la protection des données, a déclaré : « Un tel espionnage des médias, s’il est avéré, est tout simplement inacceptable, et nous nous efforcerons donc de suivre les enquêtes. »

    Il a ajouté que les fonctionnaires de Bruxelles responsables des réseaux et des technologies de communication analysaient la situation, mais n’est pas allé jusqu’à promettre l’enquête à grande échelle de la Commission que les membres du Parlement européen ont réclamée.

    L’eurodéputée libérale néerlandaise Sophie in ‘t Veld a posé des questions urgentes à la Commission, exigeant de savoir si elle « enquêtera immédiatement et évaluera si la Hongrie a respecté ou non ses obligations » en vertu des traités de l’UE, de la charte des droits fondamentaux et de la loi sur la protection des données (GDPR).

    Le gouvernement hongrois a réagi en deux temps aux rapports de Pegasus. Dans un billet de blog publié mardi, il affirme qu’il n’y a pas eu de surveillance illégale en Hongrie depuis l’arrivée au pouvoir d’Orbán en 2010. Il cite également la ministre hongroise de la justice, Judit Varga, qui a déclaré aux médias hongrois que les États « doivent disposer des outils nécessaires pour combattre les nombreuses menaces auxquelles ils sont confrontés aujourd’hui ».

    Au Mexique, M. Obrador a rejeté les appels à l’ouverture d’une enquête criminelle à la suite des révélations selon lesquelles le numéro de 15 000 Mexicains figurait dans les données, tout en s’engageant à mettre fin à toute utilisation du logiciel espion israélien.

    Il a déclaré : « [Cette enquête] est la preuve irréfutable que nous avons été soumis à un gouvernement autoritaire et antidémocratique qui a violé les droits de l’homme ».

    Le Mexique a été le premier client de NSO en 2011, et au moins trois agences – le secrétaire à la défense, le bureau du procureur général et l’agence nationale de renseignement – ont exploité Pegasus sous le gouvernement précédent.

    « Je suis absolument sûr que ce gouvernement n’espionne personne. Si nous trouvons des contrats, ils seront annulés. Nous faisons les choses différemment dans ce gouvernement … nous transformons la vie publique. Nous n’espionnons pas les journalistes, les opposants politiques ou les militants », a déclaré M. Obrador.

    The Guardian, 20/07/2021

    Etiquettes : Pegasus, logiciels espions, NSO Group, espionnage, France, journalistes, Emmanuel Macron, Maroc,

  • Emmanuel Macron identifié dans les fuites de données du projet Pegasus


    Le Sud-Africain Cyril Ramaphosa également parmi les 14 leaders mondiaux identifiés dans les dossiers

    Angélique Chrisafis , Dan Sabbagh , Stéphanie Kirchgaessner et Michael Safi

    La base de données divulguée au cœur du projet Pegasus comprend les numéros de téléphone portable du président français, Emmanuel Macron , et de 13 autres chefs d’État et chefs de gouvernement, peut révéler le Guardian.

    Le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, et le Premier ministre pakistanais, Imran Khan, sont également répertoriés dans les données, qui comprennent des diplomates, des chefs militaires et des hauts responsables politiques de 34 pays.

    L’apparition d’un numéro sur la liste divulguée – qui comprend des numéros sélectionnés par les gouvernements clients de NSO Group, la société israélienne de logiciels espions – ne signifie pas qu’il a fait l’objet d’une tentative ou d’un piratage réussi. NSO insiste sur le fait que la base de données n’a « aucune pertinence » pour l’entreprise.

    NSO a déclaré que Macron n’était la « cible » d’aucun de ses clients, ce qui signifie que la société nie avoir été sélectionnée pour la surveillance à l’aide de Pegasus, son logiciel espion. La société a ajouté que le fait qu’un numéro figurait sur la liste n’indiquait en aucun cas si ce numéro avait été sélectionné pour la surveillance à l’aide de Pegasus.

    Mais on pense que la liste est indicative des personnes identifiées comme personnes d’intérêt par les clients gouvernementaux de NSO. Il comprend des personnes qui ont ensuite été ciblées pour la surveillance, selon une analyse médico-légale de leurs téléphones.

    NSO insiste sur le fait qu’il exige de ses clients gouvernementaux qu’ils n’utilisent ses puissants outils d’espionnage que pour des enquêtes légitimes sur le terrorisme ou le crime.

    The Guardian et d’autres partenaires médiatiques du projet Pegasus, un consortium international, ont identifié les gouvernements soupçonnés d’être responsables de la sélection de numéros individuels dans les données en examinant de près les modèles de sélection.

    Les personnalités politiques dont les numéros apparaissent dans la liste comprennent :

     Le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, qui semble avoir été sélectionné par le Rwanda en 2019.

    Emmanuel Macron, le président français, qui semble avoir été sélectionné comme personne d’intérêt par le Maroc en 2019. Un responsable de l’Élysée a déclaré : « Si cela est prouvé, c’est clairement très grave. Toute la lumière sera faite sur ces révélations médiatiques.

     Tedros Adhanom Ghebreyesus, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé, qui semble également avoir intéressé le Maroc en 2019.

     Saad Hariri, qui a démissionné de son poste de Premier ministre du Liban la semaine dernière et semble avoir été sélectionné par les Émirats arabes unis en 2018 et 2019.

     Charles Michel, le président du Conseil européen, qui semble avoir été choisi comme personne d’intérêt par le Maroc en 2019, lorsqu’il était Premier ministre de Belgique.

     Le roi Mohammed VI du Maroc, qui a été sélectionné comme personne d’intérêt en 2019, apparemment par les forces de sécurité de son propre pays.

    Saadeddine Othmani, le Premier ministre marocain, qui a également été sélectionné comme personne d’intérêt en 2018 et 2019, encore une fois peut-être par des éléments de son propre pays.

    Imran Khan, le Premier ministre du Pakistan , qui a été sélectionné comme personne d’intérêt par l’Inde en 2019.

    Felipe Calderón du Mexique , l’ancien président. Son numéro a été sélectionné en 2016 et 2017 par ce qui aurait été un client mexicain à une époque où sa femme, Margarita Zavala, briguait le poste politique le plus élevé du pays.

     Robert Malley, un diplomate américain de longue date qui a été négociateur en chef de l’accord américano-iranien, et qui semble avoir été sélectionné comme personne d’intérêt par le Maroc en 2019. NSO a déclaré que ses clients gouvernementaux sont empêchés de déployer son logiciel contre des numéros américains. car cela a été rendu « techniquement impossible ».

    Le projet Pegasus n’a pas pu examiner les téléphones portables des dirigeants et des diplomates, et n’a donc pas pu confirmer s’il y avait eu une tentative d’installation de logiciels malveillants sur leurs téléphones.

    En plus de nier que Macron était une « cible », un porte-parole de NSO Group a également déclaré que le roi Mohammed VI et Tedros Ghebreyesus « ne sont pas, et n’ont jamais été, des cibles ou sélectionnés comme cibles des clients de NSO Group ».

    Les avocats de NSO ont déclaré que le cabinet définissait les cibles comme des personnes «sélectionnées pour la surveillance à l’aide de Pegasus, indépendamment du fait qu’une tentative d’infecter son appareil ou son appareil réussisse».

    La société de surveillance affirme ne pas avoir accès aux données de ses clients, mais précise qu’ils sont obligés de fournir à l’entreprise ces informations lorsqu’ils les ont mis sous enquête. La société semble avoir mené une telle enquête au Maroc, qui serait l’un de ses clients.

    Les examens médico-légaux d’un échantillon de 67 téléphones dans les données divulguées appartenant à des militants des droits de l’homme, des journalistes et des avocats ont révélé que 37 contenaient des traces d’infection ou de tentative d’infection par Pegasus. L’analyse a été effectuée par le laboratoire de sécurité d’Amnesty International, un partenaire technique du projet.

    Les données divulguées suggèrent également que l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont semblé désireux d’envisager de surveiller les responsables égyptiens, malgré les liens étroits des deux pays avec le dirigeant autoritaire égyptien, Abdel Fatah al-Sisi.

    Parmi les personnes sélectionnées comme personnes d’intérêt par un client de l’ONS que l’on croit être le gouvernement saoudien figurait celui du Premier ministre égyptien, Mostafa Madbouly.

    On pense que l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis ont sélectionné Barham Salih, le président irakien, qui est proche des États-Unis, comme candidat intéressant pour leurs gouvernements. Le numéro britannique de Salih figurait également dans la liste.

    Ni l’Arabie saoudite ni les Émirats arabes unis n’ont répondu aux demandes de commentaires.

    Les autorités rwandaises ont fermement nié avoir accès à la technologie du groupe NSO, mais ont longtemps été soupçonnées d’être clientes de la firme israélienne. Une analyse des données divulguées montre que Ruhakana Rugunda a été sélectionné comme candidat à une surveillance potentielle en 2018 et 2019, lorsqu’il était Premier ministre de l’Ouganda – une sélection apparemment faite par le gouvernement rwandais.

    Le Maroc a nié avoir espionné des dirigeants étrangers et a déclaré que les journalistes enquêtant sur NSO étaient « incapables de prouver que [le pays avait] une quelconque relation » avec la société israélienne. Mais une analyse des documents divulgués a montré que le Maroc semblait avoir répertorié des dizaines de responsables français comme candidats à une éventuelle surveillance, y compris Macron.

    Ni l’ Inde ni le Pakistan n’ont commenté spécifiquement les allégations selon lesquelles Delhi aurait pu choisir Khan pour le ciblage. L’Inde a déclaré qu’elle disposait de protocoles d’interception bien établis qui nécessitent l’approbation de hauts responsables nationaux ou régionaux pour « pour des raisons clairement énoncées uniquement dans l’intérêt national ».

    Plusieurs agences d’État mexicaines ont acquis le logiciel espion Pegasus en commençant par le ministère de la Défense en 2011, et la corruption généralisée dans le pays a fait craindre qu’il ne se retrouve entre de mauvaises mains.

    L’ancien ministre de l’Intérieur du pays, Miguel Ángel Osorio Chong, qui a servi entre 2012 et 2018, a déclaré au projet Pegasus que pendant son mandat, le ministère de l’Intérieur « n’a jamais, jamais autorisé ou eu connaissance ou information que Cisen [le service national de renseignement de sécurité du Mexique] possédait ou acquis le kit de piratage Pegasus, et n’a jamais autorisé quoi que ce soit à voir avec le piratage ».

    Dans sa déclaration, NSO a déclaré que la liste divulguée « n’est pas une liste de cibles ou de cibles potentielles des clients de NSO ». Par l’intermédiaire de ses avocats , NSO a précédemment déclaré que le consortium avait fait des « hypothèses incorrectes » sur les clients qui utilisent la technologie de l’entreprise. Il a déclaré que le nombre de 50 000 était « exagéré » et que la liste ne pouvait pas être une liste de chiffres « ciblés par les gouvernements utilisant Pegasus ».

    Après le lancement du projet Pegasus , Shalev Hulio, le fondateur et directeur général de NSO, a déclaré qu’il continuait de contester que les données divulguées « aient un quelconque rapport avec NSO », mais a ajouté qu’il était « très préoccupé » par les rapports et a promis de enquêter sur eux tous. « Nous comprenons que dans certaines circonstances, nos clients pourraient abuser du système », a-t-il déclaré.

    The Guardian, 20/07/2021

    Etiquettes : Pegasus, logiciels espions, NSO Group, espionnage, Maroc, Emmanuel Macron, Cyril Ramaphosa,

  • Maroc : Omar Radi, une vie brisée par Pegasus et le Palais

    Le journaliste marocain, surveillé par le logiciel israélien, écope de six ans de prison au terme d’une parodie de procès. Son confrère Imad Stitou, témoin devenu accusé, est, lui, condamné à un an de prison, dont six mois ferme.

    Retour sur cette obscure affaire, par l’Humanité et Mediapart. Après plus d’un an d’une procédure entachée d’irr
    égularités et de manipulations, au terme d’une parodie de procès dénoncée par de nombreuses ONG internationales, le journaliste d’investigation Omar Radi a été condamné lundi 19 juillet par la justice marocaine à six ans de prison ferme et son confrère et ami Imad Stitou à un an de prison dont six mois ferme.
    Ce verdict tombe alors qu’est révélé l’un des plus graves scandales d’espionnage de la décennie, impliquant au moins onze États à travers le monde, dont le Maroc. Il fait suite, à dix jours d’intervalle, à la condamnation à cinq ans de prison ferme pour « agression sexuelle » d’un autre journaliste marocain réputé pour son indépendance : l’éditorialiste d’Akhbar Al Youm, Souleimane Raissouni, en grève de la faim depuis plus de cent jours et dont le procès est lui aussi jugé inéquitable par des organisations de défense des libertés.
    Les voix critiques que le régime marocain, veut réduire au silence….
    Connus pour avoir couvert, en 2016 et 2017, le hirak du Rif, ce long soulèvement populaire violemment réprimé dans le nord-est du Maroc, Omar Radi et Imad Stitou, trentenaires, comptent parmi les voix critiques que le régime entend depuis longtemps réduire au silence, dans un lourd contexte de répression des opposants, des défenseurs des droits humains, des journalistes.
    Omar Radi travaillait sur l’accaparement des terres, suivait tous les mouvements sociaux, s’intéressait de près aux intérêts enchevêtrés de la monarchie et du capital, marocain ou étranger.
    Les ennuis les plus sérieux avaient commencé pour lui le 26 décembre 2019, avec l’exhumation par les autorités judiciaires d’un tweet ancien dénonçant les sévères condamnations, jusqu’à vingt ans de prison, infligées à 42 porte-voix de la révolte du Rif et confirmées en appel. « Lahcen Talfi, juge de la cour d’appel, bourreau de nos frères, souvenons-nous bien de lui.
    Dans beaucoup de régimes, les petits bras comme lui sont revenus supplier après en prétendant “avoir exécuté des ordres”. Ni oubli ni pardon avec ces fonctionnaires sans dignité ! » avait tweeté le journaliste le 5 avril 2019.
    Cette manifestation d’indignation lui avait valu une convocation de la brigade nationale de police judiciaire et cinq jours de prison.
    Libéré sous la pression d’une mobilisation nationale et internationale inédite, il avait finalement été condamné, le 17 mars 2020, à quatre mois de prison avec sursis pour « outrage à magistrat ».
    Atteinte à la liberté d’expression
    « Ce procès n’a pas lieu d’être, c’est une atteinte à ma liberté d’expression », avait-il protesté.
    Trois mois plus tard, en juin 2020, un rapport de l’ONG Amnesty International révélait la découverte, dans le téléphone du journaliste, de traces d’intrusion « au moyen d’une nouvelle technique sophistiquée permettant d’installer de façon invisible Pegasus », le logiciel espion produit par la firme israélienne NSO Group, au cœur du présent scandale mondial d’espionnage.
    « Ces attaques se sont produites alors que le journaliste faisait l’objet d’actes de harcèlement multiples de la part des autorités marocaines – l’une d’entre elles notamment a eu lieu quelques jours seulement après que l’entreprise eut affirmé que ses produits ne seraient plus utilisés pour commettre des violations des droits humains – et elles se sont poursuivies au moins jusqu’au mois de janvier 2020 », expliquait le document.
    Reprises dans une quinzaine de médias sous la coordination du collectif Forbidden Stories qui poursuit les enquêtes des journalistes emprisonnés ou assassinés, ces révélations avaient fait grand bruit, déchaînant l’acharnement répressif des autorités marocaines sur Omar Radi.
    L’Histoire se répète
    L’usage par le pouvoir marocain de cette arme technologique contre des journalistes et des opposants avait déjà été mis au jour, en octobre 2019, par le Citizen Lab de l’université de Toronto, spécialisé dans le domaine de la cybersécurité, avec la publication d’une liste de personnalités marocaines espionnées via Pegasus, parmi 1 400 journalistes et défenseurs des droits humains ciblés dans le monde.
    Dès lors, pour Omar Radi, les convocations au siège de la brigade nationale de la police judiciaire se sont enchaînées, dans une procédure obscure, faisant peser sur lui des accusations d’« espionnage » et d’« atteinte à la sûreté de l’État ». Une stratégie de harcèlement policier et judiciaire bien connue des journalistes et des militants marocains.
    Conforté par les expressions de solidarité et la mobilisation en sa faveur, au Maroc et au-delà de ses frontières, le journaliste affrontait alors avec sérénité les longs et fréquents interrogatoires policiers, plus d’une vingtaine en quelques semaines, comme les altercations provoquées par les nervis de médias de diffamation, connus pour être un des outils au service de la répression.
    Le 23 juillet 2020, soit un mois après le scandale Pegasus, coup de théâtre : une nouvelle accusation, d’une tout autre nature, venait accabler le journaliste. Sa collègue Hafsa Boutahar, employée aux services administratifs et commerciaux du site d’informations le Desk, annonçait avoir déposé contre lui une plainte pour viol. Omar Radi, incarcéré six jours plus tard, niait en bloc, faisant état d’une relation consentie.
    Version confirmée par son confrère Imad Stitou, témoin des faits, repeint, au fil d’une instruction bâclée, en « complice » et poursuivi à son tour, en liberté, pour « non-dénonciation d’un crime ».
    Plusieurs fois sollicitée par Mediapart et l’Humanité, la plaignante, qui s’est beaucoup exprimée dans des médias connus pour être aux ordres du régime marocain, n’a jamais donné suite à nos demandes d’entretien.
    Une justice aux ordres..
    En juin dernier, Omar Radi a entamé une grève de la faim pour contester sa détention provisoire, avant d’y mettre un terme, au bout de vingt et un jours, en raison de la détérioration de son état de santé : il souffre de la maladie de Crohn et son placement à l’isolement, autant que le manque de soins, de traitements et de régime adaptés, l’ont laissé très affaibli.
    À l’énoncé de ces condamnations, dans le climat de stupéfaction provoqué par les révélations du Pegasus Project, l’ONG Reporters sans frontières a dénoncé un « verdict de la honte » : « Bien que (Omar Radi) soit poursuivi dans deux affaires séparées pour “espionnage” et “viol”, les deux accusations sont en réalité liées et ont été traitées de façon conjointe par les autorités.
    Une confusion qui soulève de sérieux doutes quant à l’équité de son procès. » « Il a été privé du droit à préparer une défense adéquate, son équipe légale et lui se sont vu refuser l’accès à certaines des preuves retenues contre lui, et toutes leurs demandes de convocations de témoins pour sa défense dans les affaires le mettant en cause ont été rejetées.
    Condamner quelqu’un à six années en prison après une procédure aussi viciée, ce n’est pas de la justice », a également réagi Amnesty International, qui appelle à « un nouveau procès conforme aux normes internationales ».
    « Tout le monde a peur. Ce verdict est un assassinat judiciaire » Imad Stitou, journaliste « Ce 19 juillet 2021 restera un jour noir pour le Maroc, pour la liberté de la presse, mais aussi pour les luttes féministes et LGBT. Personne n’osera plus prendre la parole librement. Tout le monde a peur. Ce verdict est un assassinat judiciaire », confie à Mediapart et l’Humanité Imad Stitou, qui entend faire appel du jugement, tout comme Omar Radi. Sous le choc de sa condamnation, laissé pour l’heure « en semi-liberté », il assure « avoir la conscience tranquille » : « J’ai donné mon témoignage devant la justice, Dieu, le public, l’histoire et le plus important : ma conscience.
    Un procès mascarade
    Ce procès n’aurait jamais eu lieu s’il y avait eu une vraie enquête car le dossier ne tient pas. Il est monté de toutes pièces. » Cet épilogue judiciaire, quelques jours après la condamnation du journaliste Souleimane Raissouni, confirme la ferme volonté du Palais d’user de tous les moyens pour bâillonner les voix discordantes. Jusqu’au déploiement d’une « stratégie sexuelle » instrumentalisant sans vergogne la lutte contre les violences de genre, les luttes féministes et LGBT pour les retourner contre des journalistes et des opposants.
    « Cet État voyou s’affranchit de toutes les lignes rouges. Il ne s’embarrasse même plus d’apparences, d’un semblant de respect pour ses propres règles de droit. Tout au long de ce procès, Omar Radi s’est montré très direct, très frontal, très courageux.
    Il n’a pas fait dans la dentelle et ça, ça se paie cher au Maroc, au regard de la psychologie de ce régime », analyse le journaliste Aboubakr Jamai aujourd’hui exilé en France, fondateur du Journal, un hebdomadaire né sous Hassan II que les autorités ont fait fermer en 2010.
    Son nom figure parmi les personnes espionnées par le pouvoir marocain grâce au logiciel Pegasus, « un jouet qui nourrit leurs instincts voyeuristes : ils s’en donnent à cœur joie ».
    Pegasus, « un jouet qui nourrit leurs instincts voyeuristes : ils s’en donnent à cœur joie » Aboubakr Jamai, journaliste « Ce verdict ne relève pas de la justice mais de la vengeance », abonde un autre journaliste marocain exilé en France, Hicham Mansouri. Lui aussi figure parmi la liste des milliers de personnes traquées par le Maroc via Pegasus ; il se prépare à porter plainte. Son téléphone a été infecté plus de vingt fois entre février et avril 2021, selon l’analyse de Forbidden Stories et du Security Lab d’Amnesty International.
    Le cas Maâti Monjib
    À l’époque, il était mobilisé pour la libération de l’intellectuel Maâti Monjib, l’une des voix critiques les plus emblématiques du règne de Mohammed VI, avec lequel il a fondé l’Amji, l’Association marocaine pour le journalisme d’investigation, dans le viseur de la justice et du pouvoir depuis 2015. Hicham Mansouri a passé dix mois dans les geôles marocaines cette année-là pour « complicité d’adultère » ; il a échappé de peu à des poursuites pour proxénétisme, un dossier fabriqué pour le faire tomber.
    Six ans plus tard, il prépare un livre sur son expérience carcérale. Il est surveillé, traqué, harcelé jusque sur le sol français. « Je suis suivi à Paris. Parfois, ils ne le font pas discrètement. Ils étaient sept à me filer, un jour. Ils ont même suivi un membre de notre comité de soutien à Maâti Monjib qui est français, sans aucune origine marocaine », relate-t-il. Hicham Mansouri décrit « un enfer », des méthodes de démolition psychologique  : «  Je ne sors jamais seul en soirée. Je me prive de beaucoup de choses, je ne fais confiance à aucune nouvelle connaissance, surtout marocaine ». Les révélations du projet Pegasus le soulagent un peu : « J’espère que cela suscitera un électrochoc en France.
    Le Maroc, ce n’est pas la jolie carte postale, “quel beau pays stable et ouvert”, célébrée par des intellectuels, des journalistes. Là, tout est mis au jour : la surveillance, la diffamation, les procès montés. ».
    Derrière la carte postale, des vies brisées, des réputations salies, des voix réduites au silence, et tout un pays bâillonné.
    A. O.
    La Patrie News, 21/07/2021
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  • Pegasus : Sommes-nous devenus des espions sans le savoir ?

    Le scandale de Pegasus : Sommes-nous tous en train de devenir des espions sans le savoir ?


    Par Gordon Corera

    Les allégations selon lesquelles un logiciel d’espionnage connu sous le nom de Pegasus aurait été utilisé pour surveiller des journalistes, des militants – et peut-être même des dirigeants politiques – montrent que la surveillance est désormais à vendre.

    La société à l’origine de cet outil, NSO Group, a démenti ces allégations et affirme que ses clients sont soigneusement évalués.

    Mais c’est un autre signe que les techniques d’espionnage haut de gamme, qui étaient autrefois l’apanage de quelques États, se répandent désormais plus largement et remettent en question notre façon de concevoir la vie privée et la sécurité dans un monde en ligne.

    Dans un passé pas si lointain, si un service de sécurité voulait savoir ce que vous faisiez, cela demandait pas mal d’efforts. Ils pouvaient obtenir un mandat pour mettre votre téléphone sur écoute. Ou placer un mouchard dans votre maison. Ou envoyer une équipe de surveillance pour vous suivre.

    Pour découvrir qui sont vos contacts et comment vous vivez votre vie, il faut de la patience et du temps.

    Aujourd’hui, presque tout ce qu’ils pourraient vouloir savoir – ce que vous dites, où vous avez été, qui vous rencontrez, et même ce qui vous intéresse – est contenu dans un appareil que nous portons en permanence.

    Il est possible d’accéder à distance à votre téléphone sans que personne ne le touche et sans que vous ne sachiez que votre sympathique assistant numérique est devenu l’espion de quelqu’un d’autre.

    La possibilité d’accéder à distance à ce téléphone était autrefois considérée comme une chose que seuls quelques États pouvaient faire. Mais les pouvoirs d’espionnage et de surveillance haut de gamme sont désormais entre les mains de nombreux autres pays, voire d’individus et de petits groupes.

    L’ancien contractant du renseignement américain Edward Snowden a révélé en 2013 le pouvoir des agences de renseignement américaines et britanniques d’exploiter les communications mondiales.

    Ces agences ont toujours affirmé que leurs capacités étaient soumises aux autorisations et à la surveillance d’un pays démocratique. Ces autorisations étaient assez faibles à l’époque, mais ont été renforcées depuis.

    Ses révélations ont toutefois incité d’autres nations à envisager ce qui était possible. Nombre d’entre elles sont devenues avides du même type de capacités et un groupe restreint d’entreprises – dont la plupart sont restées discrètes – ont de plus en plus cherché à les leur vendre.

    Israël a toujours été une cyberpuissance de premier plan, dotée de capacités de surveillance haut de gamme. Et ses entreprises, comme NSO Group, souvent formées par des vétérans du monde du renseignement, ont été parmi celles qui ont commercialisé ces techniques.

    NSO Group affirme qu’il ne vend ses logiciels espions que pour une utilisation contre les grands criminels et les terroristes. Mais le problème est de savoir comment définir ces catégories.

    Les pays les plus autoritaires affirment souvent que les journalistes, les dissidents et les militants des droits de l’homme sont des criminels ou une menace pour la sécurité nationale, ce qui les rend dignes d’une surveillance intrusive.

    Et dans bon nombre de ces pays, la responsabilité et la surveillance de l’utilisation de ces puissantes capacités sont limitées, voire inexistantes.

    La généralisation du cryptage a renforcé la volonté des gouvernements de s’introduire dans les appareils des citoyens. Lorsque les appels téléphoniques étaient le principal moyen de communication, il était possible d’ordonner à une société de télécommunications de mettre la conversation sur écoute (ce qui, à une époque, signifiait littéralement attacher des fils à la ligne).

    Mais aujourd’hui, les conversations sont souvent cryptées, ce qui signifie qu’il faut accéder à l’appareil lui-même pour voir ce qui a été dit. Et les appareils transportent également un trésor de données beaucoup plus riche.

    Les États trouvent parfois des moyens astucieux pour y parvenir. Un exemple récent est une opération conjointe américano-australienne dans laquelle des gangs criminels ont reçu des téléphones qu’ils pensaient super sécurisés mais qui étaient en réalité utilisés par les forces de l’ordre.

    Mais les problèmes ne se limitent pas à ce type de logiciel d’espionnage téléphonique. D’autres capacités de renseignement haut de gamme se répandent également rapidement.

    Même les outils permettant de perturber une entreprise en ligne sont désormais facilement accessibles.

    Dans le passé, les rançongiciels – dans lesquels les pirates exigent un paiement pour débloquer l’accès à votre système – étaient l’apanage des réseaux criminels. Il est désormais vendu comme un service sur le dark web.

    Un individu peut simplement convenir d’un accord pour lui donner une part des bénéfices et il lui remettra les outils et lui offrira même un soutien et des conseils, y compris des lignes d’assistance en cas de problèmes.

    D’autres techniques – comme la localisation et l’élaboration de profils d’activité et de comportement des personnes – qui nécessitaient autrefois un accès et une autorité spécialisés sont désormais disponibles gratuitement.

    Et en matière de surveillance, il ne s’agit pas seulement des États.

    Il s’agit aussi de ce que les entreprises peuvent faire pour nous suivre – pas nécessairement en implantant des logiciels espions, mais par le biais d’une économie de la surveillance dans laquelle elles observent ce que nous aimons sur les médias sociaux pour mieux nous vendre aux entreprises.

    Tout cela crée des réserves de données que les entreprises peuvent utiliser, mais que les pirates peuvent voler et que les États peuvent chercher à exploiter.

    Certaines capacités sont désormais en vente pour tout le monde. D’autres types de logiciels espions sont en vente pour les personnes nerveuses ou suspicieuses qui veulent vérifier les allées et venues de leur famille.

    Tout cela signifie donc que nous entrons peut-être dans un monde où nous pouvons tous devenir des espions, mais où nous pouvons également tous être espionnés.

    BBC News, 21/07/2021

    Etiquettes : Pegasus, logiciels espions, NSO Group, piratage, hacking, espionnage,

  • Les logiciels espions, une menace pour la démocratie. Voici comment y mettre fin


    Opinion : Les logiciels espions mondiaux tels que Pegasus constituent une menace pour la démocratie. Voici comment l’arrêter.

    David Kaye enseigne le droit à la faculté de droit de l’université de Californie à Irvine et a été rapporteur spécial des Nations unies sur la liberté d’expression. Marietje Schaake est directrice de la politique internationale au Cyber Policy Center de l’université de Stanford, présidente du CyberPeace Institute et ancienne membre du Parlement européen.

    Pendant des années, l’industrie mondiale des logiciels espions a opéré dans l’ombre, révélée uniquement par les organisations de défense des droits de l’homme et les journalistes. L’industrie prétend lutter contre la criminalité et le terrorisme. Mais ses membres vendent souvent aux gouvernements qui assimilent « criminel » et « terrorisme » à « critique » et « dissidence ».

    Au cours du week-end, un consortium mondial d’organismes de presse, dont le Post, s’est joint à Forbidden Stories, une association de journalisme à but non lucratif basée à Paris, pour révéler à quel point les affirmations de lutte contre la criminalité et le terrorisme sont creuses. Le consortium rapporte que la société israélienne NSO Group a vendu son logiciel espion vedette, Pegasus, à des clients qui l’ont déployé contre les piliers mêmes de la vie démocratique : la liberté de la presse, la présomption d’innocence, la vie privée et la liberté d’expression et d’association.

    Pegasus, comme d’autres outils, transforme les téléphones des journalistes, des politiciens de l’opposition et des militants pacifiques en dispositifs d’espionnage en temps réel. Une liste de numéros de téléphone identifiés comme cibles du logiciel espion a fait l’objet d’une fuite et comprend des centaines de journalistes et d’hommes politiques de Hongrie, d’Inde, du Mexique, du Maroc et d’ailleurs.

    Des centaines d’entreprises dans le monde entier se disputent une part du lucratif gâteau de la surveillance privée. Certaines permettent des intrusions dans le téléphone ou la tablette d’une personne. D’autres développent des outils de surveillance informatique, d’utilisation malveillante de la reconnaissance faciale, d’accès direct au trafic Internet, aux données et aux communications des utilisateurs.

    Ils vendent et entretiennent leurs produits pour des clients gouvernementaux sans tenir compte des schémas de répression de ces gouvernements, et sans diligence raisonnable ou transparente.

    Nous sommes au bord d’une catastrophe technologique mondiale en matière de surveillance, une avalanche d’outils partagés par-delà les frontières sans que les gouvernements ne parviennent à limiter leur exportation ou leur utilisation.

    La communauté internationale doit prendre des mesures pour limiter l’industrie mondiale des logiciels espions. Cette action devrait comprendre les éléments suivants.

    Tout d’abord, les gouvernements devraient mettre en œuvre un moratoire sur la vente et le transfert de la technologie des logiciels espions jusqu’à ce qu’un régime d’exportation mondial puisse identifier et placer ces outils sous contrôle mondial.

    Pendant cette pause, les gouvernements devraient négocier un régime qui, entre autres choses, définisse soigneusement les technologies en question, exige des évaluations transparentes des droits de l’homme pour le développement et le transfert de ces outils, implique un registre public des outils, des entreprises et des clients, et permette au public de faire des commentaires sur toute demande d’exportation.

    Si un régime mondial n’est pas assez ambitieux, les nations démocratiques devraient se mettre d’accord pour interdire les logiciels espions, qu’ils soient utilisés au niveau national ou exportés.

    L’Union européenne a récemment fait un pas modeste vers la réglementation du commerce des technologies de surveillance, non seulement en raison du risque pour la sécurité nationale, mais aussi pour les droits de l’homme.

    Mais le fait que le gouvernement hongrois de Viktor Orban soit révélé dans le projet Pegasus comme l’un des clients de NSO Group montre pourquoi il ne suffit pas de s’attaquer au commerce de ces logiciels espions. Après tout, il est hypocrite de la part des dirigeants européens de chercher à freiner le commerce des systèmes d’espionnage alors que les Européens vendent les méthodes de leur choix. Il est encore plus difficile d’être crédible lorsque les derniers systèmes d’espionnage sont utilisés dans l’UE pour traquer la dissidence.

    Le double standard de la part d’Israël est particulièrement frappant. Le pays abrite NSO Group ainsi que d’autres sociétés de logiciels espions, dont Candiru, que Microsoft a accusé la semaine dernière de vendre des outils permettant de pirater Windows.

    Il est essentiel qu’Israël contrôle son secteur des logiciels espions et se joigne aux nations démocratiques pour lutter contre la prolifération des technologies qui fonctionnent comme des services de renseignement commerciaux.

    Deuxièmement, le contrôle des exportations n’est pas le seul outil disponible pour limiter la propagation des logiciels espions. Les gouvernements qui utilisent ces technologies doivent mettre en place des exigences transparentes, fondées sur des règles de droit, pour toute utilisation de logiciels espions. Tout gouvernement qui ne parvient pas à élaborer de telles exigences – ou qui a l’habitude de commettre des abus – devrait figurer sur une liste mondiale de non-transfert. Les démocraties et les États autoritaires se sépareront probablement rapidement.

    Troisièmement, les victimes de logiciels espions doivent avoir la possibilité de poursuivre les gouvernements et les entreprises impliquées dans l’industrie de la surveillance. La persistance de la répression transnationale est telle que les individus sont souvent lésés par des acteurs opérant au-delà de leurs frontières, mais le droit national présente souvent des obstacles à la responsabilisation. Ces obstacles doivent être levés.

    Enfin, les entreprises elles-mêmes doivent être soumises à une contrainte multipartite. Le groupe NSO prétend adhérer aux principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme, une norme mondiale pour les pratiques des entreprises en matière de droits de l’homme. Mais il ne soumet pas sa politique à un examen indépendant.
    S’inspirant des efforts déployés pour restreindre l’industrie du mercenariat privé, la communauté internationale devrait œuvrer à l’élaboration d’un code de conduite mondial et mettre un terme à la prolifération des logiciels espions à des fins de répression.
    Les nouvelles révélations sur la portée et les effets néfastes du logiciel Pegasus de NSO sont la dernière et, espérons-le, la dernière sonnette d’alarme pour mettre un frein au marché des logiciels espions privés.
    The Washington Post, 19/07/2021
    Etiquettes : Pegasus, NSO Group, logiciels espions,espionnage, Israël, 
  • Les dangers de la vente de cyberarmes à des régimes voyous

    La raison pour laquelle nous avons besoin d’un moratoire sur la vente de technologies mortelles à des régimes voyous est la même raison pour laquelle les soldats ne devraient pas donner leurs armes aux bébés et aux chimpanzés (vidéo dans le premier commentaire).

    La possession de ces technologies par des États puissants, à l’intérieur d’un État de droit, est déjà problématique, pour ajouter leur possession par des régimes voyous par-dessus le marché. Des régimes que l’on ne pourrait pas traduire en justice même si la violation est obvie.

    Je parle d’abord en tant que cible directe de spywares moi-même en 2011-2012 (et probablement en 2018-2021 au moins indirectement, en attente de confirmation) et en tant que cible de menaces en ligne répétées au cours des 11 dernières années. Non seulement nous n’avons pas pu poursuivre en justice ceux qui nous ciblaient, (nous= Mamfakinch), mais certains d’entre nous qui ont essayé d’alerter l’opinion publique plus large sur la question ont été soit forcés de quitter le Maroc en exil (le cas d’un brillant médecin et l’un de nos cofondateurs à mamfakinch), soit sont maintenant emprisonnés par le régime (journaliste Free Omar Radi).

    Mais je parle aussi en tant que scientifique qui a passé un certain temps à travailler sur la question : l’histoire du logiciel espion de #pegasus, avec un régime voyou qui cible les présidents et les premiers ministres des démocraties occidentales les plus puissantes, n’est que la partie émergée de l’iceberg. La plus grande partie de l’iceberg est constituée par la désinformation ciblée, qui agit sur l’opinion publique, en utilisant ironiquement les caractéristiques des démocraties, telles que la liberté d’expression, comme une vulnérabilité et un point d’entrée. Un exemple est le sujet de l’islam et de la migration, les monarchies arabes utilisent fréquemment la désinformation sur ce sujet pour attirer la population européenne vers leur propre programme de division, contre l’intérêt des États européens, mais d’abord et avant tout, contre le propre intérêt de la population ciblée. D’autres sujets plus opportuns et plus importants : la désinformation sur la maladie actuelle, où nous connaissons des cas d’ »influenceurs » européens payés pour rejeter la politique de leur propre gouvernement, etc. Et nous devons nous attendre à pire sur les défis à venir, comme la désinformation sur le changement climatique.

    Si le problème des logiciels espions peut être résolu par la loi, une fois révélé, le second problème est plus dangereux que celui des logiciels espions, car les victimes de la manipulation ciblée ne se rendent souvent même pas compte qu’elles ont été trompées dans ce qu’elles croient être leurs véritables opinions. Le droit est une solution robuste et évolutive, mais uniquement lorsqu’il s’agit de résoudre des problèmes facilement identifiables et dans des pays où règne l’État de droit.

    Avec la désinformation, il existe des besoins sans précédent en matière de recherche et de développement de nouveaux outils, notamment dans les domaines de la science des données et des statistiques, de la psychologie, de la sociologie, des politiques publiques, de la gouvernance mondiale, du droit international…

    Les photos sont tirées de la version actuelle de notre prochain livre avec Lê Nguyên Hoang (The Fabulous Endeavour : Robustly Beneficial Information) déjà disponible en français sous le titre « Le fabuleux chantier » (EDP Sciences 2019).

    Source : Facebook, 21/07/2021

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