Étiquette : Police

  • Tunisie : La police fait pression sur les jeunes militants

    Hamza Nasri, un jeune activiste tunisien, est descendu dans la rue dans le cadre des manifestations antigouvernementales de ces derniers mois. Maintenant, il dit qu’il est sous la surveillance de la police et qu’il a peur pour ses amis.

    « J’ai déménagé trois fois ces derniers mois. J’ai arrêté d’aller voir certains amis pour ne pas les mettre en danger », a déclaré à l’AFP le jeune homme de 27 ans.

    La Tunisie a été saluée pour sa transition démocratique, ses élections libres et sa nouvelle constitution libérale après sa révolution de 2011.

    Le soulèvement populaire a mis fin à un État policier et instauré une liberté d’expression sans précédent dans ce pays d’Afrique du Nord.

    Mais une décennie plus tard, face à des réformes limitées des systèmes sécuritaire et judiciaire, les militants affirment que le risque d’arrestation place une «épée de Damoclès» au-dessus de leurs têtes.

    En janvier, les forces de sécurité ont arrêté des centaines de jeunes, dont de nombreux mineurs, de quartiers défavorisés et marginalisés à travers le pays au cours de plusieurs nuits de troubles.

    Ils ont par la suite arrêté plusieurs jeunes militants qui ont dénoncé ce qu’ils considéraient comme une réponse policière répressive.

    Nasri a déclaré qu’il craignait que le pays ne fasse demi-tour.

    L’étudiant en droit a passé à deux reprises 48 heures en garde à vue après des manifestations antigouvernementales dans la capitale Tunis en décembre et janvier, et risque maintenant plus de trois ans de prison pour des accusations telles que le blocage de routes et l’insulte à un policier.

    « Si je suis condamné à plus de six mois (de prison), cela restera inscrit dans mon casier judiciaire et je pourrai dire adieu à mes rêves de devenir avocat », a-t-il déclaré.

    – ‘Nous ne nous sentons pas en sécurité’ –

    En Tunisie, les rapports sexuels avant le mariage, les relations homosexuelles, les publications sur les réseaux sociaux jugées offensantes et les preuves de consommation de cannabis dans les échantillons d’urine peuvent tous être passibles de la peine d’emprisonnement.

    Les observateurs affirment que cela rend les jeunes vulnérables lorsqu’ils s’opposent aux autorités.

    Rania Amdouni, une militante des droits et de la démocratie de 26 ans, a été condamnée à six mois de prison ce mois-ci pour avoir insulté des policiers, bien que sa peine ait été réduite à une amende en appel et elle a été libérée.

    Des dizaines d’organisations de défense des droits de l’homme en Tunisie et à l’étranger avaient demandé la libération d’Amdouni.

    Nasri et Amdouni sont tous deux liés à l’association Damj, qui défend les droits des personnes LGBTQI.

    « La vie d’un jeune en Tunisie consiste à essayer d’éviter autant que possible la police », a déclaré Ahmed Ghram, 25 ans.

    L’étudiant en philosophie, portant des cheveux courts et des boucles d’oreilles, a été emprisonné pendant 15 jours en janvier pour une publication sur Facebook critiquant les inégalités dans le système judiciaire.

    « Nous ne nous sentons pas en sécurité. Nous ne sommes pas libres », a-t-il déclaré.

    Mehdi Barhoumi, un expert des droits et du gouvernement dans la trentaine, a déclaré que de telles arrestations « placent une véritable épée de Damoclès au-dessus de nos têtes ».

    Barhoumi lui-même a été arrêté chez un ami et emprisonné pendant deux jours après avoir critiqué la présence croissante des syndicats de la police lors d’une discussion privée.

    Il s’est dit préoccupé par « le tournant sécuritaire alarmant que la Tunisie prend dans sa réponse aux mouvements sociaux ».

    Selon une étude publiée en 2020 par le groupe de campagne de consolidation de la paix International Alert, où travaille Barhoumi, 17% des 18 à 34 ans de plusieurs zones marginalisées de Tunisie ont déclaré avoir été arrêtés au cours de l’année écoulée.

    L’organisation a déclaré avoir trouvé des irrégularités dans nombre de ces arrestations.

    – Génération d’espoir –

    Cependant, la police tunisienne n’a plus les pouvoirs discrétionnaires dont elle jouissait sous le régime de l’ancien autocrate Zine El Abidine Ben Ali.

    « Les choses ont changé », a déclaré la porte-parole du gouvernement Hasna Ben Slimane.

    Tout en reconnaissant que les réformes avaient été plus lentes que prévu, elle a déclaré qu’il y avait désormais plus de «professionnalisme» parmi les forces de sécurité et qu’un manuel avait été publié pour améliorer le respect des lois de la police, notamment sur les arrestations.

    « Nous prenons des mesures pour changer radicalement les pratiques », a déclaré Ben Slimane.

    Le droit de manifester est inscrit dans la constitution tunisienne et les abus de la police retiennent l’attention des médias.

    Mais Oula Ben Nejma, vice-président d’une organisation de la société civile travaillant pour la réforme pénale et sécuritaire, a déclaré que les mauvaises habitudes des forces de sécurité persistaient parce que les violations restaient impunies.

    « Nous n’avons pas encore assisté à un procès où des policiers sont punis pour mauvaise conduite », a-t-elle déclaré.

    Amine Ghali, directeur du Kawakibi Democracy Transition Center, a déclaré qu’un retour à un «État policier systématique» était peu probable.

    Mais il a averti que certains acteurs hostiles aux réformes, tels que les syndicats de la police et des éléments du système judiciaire, revenaient au premier plan.

    L’expert Haykel Mahfoudh a déclaré que la plus grande source d’espoir venait de la nouvelle génération de policiers qui ont grandi dans une démocratie.

    «Il y a une dimension civique dans leur conception des choses», a-t-il déclaré.

    Ils ont «absorbé certaines idées sur la gouvernance».

    Africanews, 22 mars 2021

    Tags : Tunisie, répression, jeunesse, manifestations, police,

  • Algérie / DGSN: Farid Bencheïkh, un nouveau patron sous haute pression

    La Police nationale a un nouveau chef. Farid Zineddine Bencheïkh a été nommé, hier, en remplacement de Khelifa Ounissi, à la tête de la Direction générale de la Sûreté nationale (DGSN). Juriste et criminologue de formation, auteur de plusieurs ouvrages, il prend la tête de ce corps de sécurité avec un profil d’«intellectuel» qui devra faire face à un contexte de fortes pressions…

    Par Halim Midouni

    Farid Zineddine Bencheïkh, plus connu du public sous le nom de Farid Bencheïkh, présente en effet un profil que la haute direction des Tuniques bleues ne connaissait pas.

    Il a une double formation de juriste et de criminologue qu’il a fait connaître aux lecteurs algériens à travers diverses publications dont «la Repentance», un livre sorti en mai 2016 chez Casbah Editions mettant en scène un dialogue entre un terroriste islamiste et un imam. Cette fiction basée sur des faits réels s’inspire de l’histoire algérienne récente et renvoie précisément à la décennie noire, ou rouge, lorsque les groupes islamistes armés perpétraient des massacres à grande échelle durant les années 1990. Outre cet ouvrage connu du public algérien et qui sans doute ne manquera pas de susciter un intérêt nouveau chez les habitués des librairies, Farid Bencheïkh a publié chez l’Harmattan «la Symbolique de l’acte criminel : une approche psychanalytique». Ce livre est plus ancien et a paru en 1998, alors que le terrorisme massif était encore d’une actualité sanglante et dramatique dans notre pays, bien que le discours officiel de l’époque utilisait la formule de violence «résiduelle». Sur les années 1990, Farid Bencheïkh a publié aux Editions Rocher noir «Du terrorisme, autopsie de la tragédie algérienne aujourd’hui». Plus ancien, son «Essai de criminologie» édité par l’ENAL et «La pénologie» sorti en langue arabe chez Dahleb.
    En somme, Farid Bencheïkh affiche l’image d’un intellectuel et d’un enseignant universitaire, familier des facultés de droit, des instituts spécialisés en Algérie et à l’étranger et des colloques internationaux sur les questions de criminologie, de terrorisme, de violences extrêmes et de la recherche sur les milieux carcéraux. Ce n’en est pas moins un homme de terrain, car le nouveau Directeur général de la Sûreté nationale a, notamment, occupé le poste d’inspecteur régional de la région Centre de la Sûreté nationale depuis septembre 2019. Il a aussi été chef de Sûreté de wilaya à Jijel à partir de 2011 et Commissaire divisionnaire auparavant. Son curriculum-vitae, conforme aux standards internationaux et un tant soit peu différent de ceux de ces prédécesseurs, apparaît comme une casquette protectrice pour un homme désormais chargé de diriger sous une haute pression un corps sécuritaire de première importance, confronté à une instabilité très remarquée au niveau de la hiérarchie.

    Instabilité remarquée au niveau de la hiérarchie

    Le prédécesseur de Farid Bencheïkh, Khelifa Ounissi, nommé un 24 août 2019, est resté moins de deux ans à la tête de la DGSN. Il avait été nommé en remplacement de l’ancien patron de la police des frontières Abdelkader Kara Bouhadba, limogé six mois après sa nomination en février 2019 par l’ancien président Abdelaziz Bouteflika pour prendre la place de Lakhdar Lahbiri, qu’on avait fait basculer de la tête de la Protection civile à celle de la Police nationale en juin 2018. M. Lahbiri prenait alors la place d’Abdelghani Hamel, tout-puissant premier flic d’Algérie, entre juillet 2010 et juin 2018, avant de terminer en 2020 sa carrière en prison après avoir fait les grands titres des rubriques judiciaires des médias dans des affaires de corruption industrielle et de détournements en tous genres.

    Il est vrai qu’entre 2018 et 2019, la situation n’était pas reluisante au sommet du corps de la Police nationale en raison des crises politiques et institutionnelles dont le point d’orgue a été la démission forcée de l’ancien chef de l’Etat, M. Bouteflika, en avril 2019. Elle peut donc expliquer en grande partie l’instabilité observée au sein de sa haute hiérarchie. Il n’empêche que le limogeage de M. Ounissi et son remplacement par M. Bencheïkh semble répondre à d’autres considérations.

    Pistes et lourds dossiers

    Certaines sont liées à l’enjeu de la rue et son grand acteur, le Hirak, qui a repris ses marches hebdomadaires depuis le 22 février dernier. D’autres paraissent avoir une relation avec des manquements à la sécurité, notamment après l’assaut des ultras du Mouloudia Club d’Alger contre le siège de la Sonatrach, le 1er février 2021. Un débordement de supporters qui a coûté au groupe pétrolier des dommages estimés à plusieurs millions de dinars, entre 3 et 5 millions de dinars selon des estimations non vérifiées.

    Cet incident a entraîné la chute de l’officier responsable de la Sûreté de la daïra de Birmandreis, de son collègue des renseignements généraux et du chef de la Sûreté urbaine d’Hydra et de Bab-El-Oued. Durant le mandat de M. Ounissi, la Police nationale a eu à faire face à de graves accusations après la mort, dans un commissariat d’Oran, en décembre 2020, d’un dealer dans des circonstances troubles interprétées par les réseaux sociaux tantôt comme une «bavure» tantôt comme une «affaire de suicide». En octobre et juillet 2020, des suspects interpellés sont décédés à Khenchela et à Alger, dans le faubourg d’Hussein-Dey. Ces affaires ont créé un malaise sur lequel le nouveau Directeur général de la Sûreté nationale devra se pencher.
    Il devra regarder de plus près le bilan haussier de la criminalité durant l’année 2020. Fin janvier 2021, lors de la présentation, à l’Ecole supérieure de police Ali-Tounsi, à Châteauneuf, du bilan 2020 des activités des services de la Police judiciaire, le Directeur de la police judiciaire, Hadj Saïd Ourezki, avait alors signalé «une hausse nette de la criminalité sous toutes ses formes», précisant que les affaires traitées «concernaient, particulièrement, les crimes et délits contre les individus et les biens, outre les crimes économiques, familiaux, cybernétiques, de drogues et de mœurs».
    A propos des affaires liées à la cybercriminalité, M. Hadj Saïd a fait état d’une hausse à hauteur de 5 163 en 2020 contre 4 210 en 2019, ayant trait, dans leur ensemble, à l’atteinte aux personnes et aux systèmes informatiques, à l’escroquerie, au cyberterrorisme, à la pédopornographie et à la publication de contenus provocateurs. Pour ce qui est des violences faites aux femmes, 6 782 affaires avaient été enregistrées durant l’année écoulée, dont 4 839 en rapport à la violence physique et 163 autres à la maltraitance.

    Reporters, 17 mars 2021

    Tags : Algérie, DGSN, police, sécurité, Farid Bencheïkh,

  • France: des syndicats policiers remontés contre Emmanuel Macron

    Le président français Emmanuel Macron est sous le feu des critiques des syndicats policiers après avoir annoncé vendredi la mise en place d’une plateforme de signalement des discriminations et des sanctions contre « certains policiers violents ».


    L’entretien d’Emmanuel Macron diffusé en direct sur « Brut » vendredi après-midi n’est pas passé chez les syndicats de policiers, ont rapporté des médias français. Au moins deux d’entre eux, Alliance et Unité SGP, ont diffusé dans la foulée sur les réseaux sociaux des tracts appelant à ne plus faire de contrôles d’identité voire à ne plus mener d’interpellations.

    Selon les mêmes sources, ce qui froisse en particulier ces syndicats est l’annonce, par le chef de l’Etat français, de la mise en place d’une plateforme de signalement des discriminations. Celle-ci sera gérée par l’Etat, le Défenseur des droits et des associations.

    « Aujourd’hui, quand on a une couleur de peau qui n’est pas blanche, on est beaucoup plus contrôlé […] On est identifié comme un facteur de problème et c’est insoutenable », a regretté Emmanuel Macron. Plusieurs études, dont l’une publiée en 2017 par le Défenseur des Droits Jacques Toubon, attestent en effet de l’existence de ce genre de contrôles au faciès.

    « Blocage total »

    « Vous décidez de discriminer et de cloîtrer en banlieue des populations puis nous le faites payer ? Non. Ça ne se passera pas comme ça », assène sur Twitter Unité SGP, qui prône un « blocage total ». « Non la Police nationale n’est pas raciste et elle ne choisit pas sa délinquance », s’agace de son côté Alliance.

    « La présomption de culpabilité de racisme et de contrôle au faciès n’aura pas lieu », martèle la section Grand Est du syndicat.

    Les syndicats reprochent également au locataire de l’Elysée d’avoir évoqué l’existence de « policiers violents » et « qu’il faut sanctionner ». « Je n’ai pas de problème à répéter le terme de violences policières mais je le déconstruis », car « c’est devenu un slogan pour des gens qui ont un projet politique », avait ajouté Emmanuel Macron.

    « Nous sommes violents, n’interpellez plus! Nous sommes racistes, ne contrôlez plus! », rétorque Unité SGP, alors que près de 90 manifestations sont prévues dans plusieurs villes de France ce samedi pour protester contre la proposition de loi sécurité globale.


    En juin dernier, les syndicats policiers s’étaient déjà mis en colère après les propos de Christophe Castaner. Ministre français de l’Intérieur à l’époque, ce dernier avait évoqué l’existence de « soupçons avérés » de racisme dans la police et annoncé la fin progressive de la technique de la clé d’étranglement.

    Rappelons que la proposition de loi sécurité globale a suscité une grande polémique ces derniers jours, notamment l’article 24 qui prévoit de pénaliser la diffusion “dans un but malveillant” d’images de policiers ou de gendarmes sur les réseaux sociaux.

    Echourouk Online, 5 déc 2020

    Tags : Macron; France, syndicats, SGP, police,