Le gouvernement sahraoui a estimé, mardi, que l’attachement du Conseil de sécurité aux résolutions internationales sur le règlement de la question du Sahara occidental était « une condamnation » de la politique d’occupation marocaine, visant à confisquer aux Sahraouis le droit inaliénable à l’autodétermination.
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L’attachement du Conseil de sécurité aux résolutions internationales, "une condamnation" de la politique d’occupation marocaine
« L’attachement du Conseil de sécurité à la nature juridique de la question sahraouie et au règlement pacifique basé sur les résolutions de la légalité internationale constitue une condamnation de la politique de l’occupant et de ses complices visant à confisquer au peuple sahraoui le droit inaliénable à l’autodétermination et à l’indépendance », a indiqué le gouvernement sahraoui dans un communiqué au lendemain de la séance à huis-clos tenue par le Conseil de sécurité sur le Sahara occidental.Cette position est « un revers » à l’annonce du président sortant américain Donald Trump de la reconnaissance de « la souveraineté » présumée du Maroc sur le Sahara occidental, ajoute le communiqué. Des pays membres du conseil ont vivement critiqué la décision du président américain « qui fait perdre à son administration le droit de formuler les décisions relatives au Sahara occidental, dont elle jouissait auparavant, a fait savoir la même source.Le Conseil de sécurité a tenu lundi une séance huis-clos sur les derniers développements de la situation au Sahara occidental, plus d’un mois après la violation par le Maroc du cessez-le-feu dans la zone tampon d’El Guerguerat et quelques jours après l’annonce faite par le président américain.Citant des sources onusiennes, le gouvernement sahraoui a souligné que « l’Etat d’occupation marocain, avec la complicité de la France, a tenté comme à l’accoutumée d’entraver la tenue de cette séance « si son objet n’était pas un appel au cessez-le-feu », souligne le gouvernement sahraoui, citant des sources onusiennes, ajoutant que « la déception a été grande pour l’occupant », conclut la même source.Le Maghreb, 24 déc 2020Tags : #SaharaOccidental #Maroc #Polisario #ONU -
Communiqué : Condamnation de la violation par le Maroc de l’accord du cessez- le- feu au Sahara Occidental
Le Maroc a violé le 13 novembre 2020, l’accord de cessez-le-feu conclu en 1991, en lançant une opération militaire contre des civils sahraouis qui manifestaient pacifiquement contre l’ouverture d’une brèche illégale à El Guerguerat dans la zone-tampon.
L’armée sahraouie a riposté en légitime défense et le Front Polisario a déclaré l’état de guerre suite à cette agression.L’Association des Sahraouis de Toulouse, ainsi que celles solidaires avec le Peuple Sahraoui, se rassemblent le Samedi, 19 Décembre 2020, à Toulouse pour :Exprimer leur soutien au Peuple Sahraoui, suite à l’attaque menée par les soldats marocains contre les manifestants civils devant la brèche illégale d’Elguergarat et dénoncer l’irresponsabilité du Royaume du Maroc dans sa violation du cessez-le-feu, au su et au vu de la mission des Nations Unies « MINURSO » en place.Exiger une réunion d’urgence du Conseil de Sécurité de l’ONU, afin de contraindre le Maroc de respecter : le droit du peuple sahraoui à d’Autodétermination et à l’indépendance, à travers le referendum promis aux sahraouis depuis 1991.Exiger de la Commission Internationale de la Croix Rouge la protection des civiles dans les territoires occupés du Sahara Occidental et la libération des prisonniers politiques (notamment ceux du groupe de GdeimIzik détenus depuis plus de 10 ans par l’occupant Marocain).Exiger la fermeture de la brèche illégale d’Elguergarat, par laquelle le Maroc exporte le pillage des richesses du Sahara Occidental et facilite l’entrée de sa production de cannabis sur le marché Africain, exposant ainsi sa jeunesse aux ravages de sa consommation, en compromettant par la même occasion, non seulement le développement de l’Afrique, la construction et l’intégration du Maghreb, mais menaçant l’Europe, compte tenu de la promiscuité de cette région.Nous demandons aussi au gouvernement français, qui a une part de responsabilité dans la situation actuelle, d’être en conformité avec les valeurs de la République Française et d’œuvrer pour la paix et le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.Dénoncer la complicité de l’Union européenne, en ratifiant les accords commerciaux incluant le Sahara occidental, avec le Maroc pour financer sa guerre, malgré les décisions de la Cour de Justice européenne, qui précisent que le Maroc et le Sahara Occidental sont deux entités distinctes et séparées.Association des Sahraouis de ToulouseEmail : algaada715@hotmail.comBordeaux, le 18 Décembre 2020PCF Mantes La Jolie, 23 déc 2020Tags : #SaharaOccidental #Polisario #Maroc -
Sahara Occidental: la décision de Trump “nuit gravement à la réputation des Etats-Unis”
La décision du président américain Donald Trump de reconnaître la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental “nuit gravement à la réputation des Etats-Unis”, a affirmé le politologue américain, Stephen Zunes, qui a signé une tribune mardi dernier dans le Washington Post, intitulée “L’accord de Trump sur l’annexion du Sahara Occidental par le Maroc risque de provoquer un autre conflit mondial”.
“Ce que Trump a fait ( ) c’est reconnaître l’annexion d’un Etat africain légalement reconnu, qui non seulement nuit gravement à la réputation des Etats-Unis sur le continent, mais encourage même d’autres pays à croire qu’ils pourraient également s’en tirer avec une expansion territoriale”, explique le professeur de politique à l’Université de San Francisco et co-auteur, avec Jacob Mundy, de “Western Sahara: War, Nationalism and Conflict Iresolution”.Zunes compare ensuite le différend autour du Sahara à la tentative de Saddam Hussein d’annexer le Koweït en 1990.“Bien qu’il y ait eu des désaccords sur la question de savoir si la guerre était le meilleur moyen de mettre fin à l’occupation irakienne, les Etats-Unis ont mené la communauté internationale dans sa détermination qu’une telle agression ne doit pas durer. Maintenant, sous Trump, les Etats-Unis ont effectivement adopté la position opposée”, estime-t-il.Pour M. Zunes, le président élu Joe Biden fera face à un dilemme lorsqu’il entrera en fonction le mois prochain.« S’il peut annuler la reconnaissance par les Etats-Unis de l’annexion du Maroc d’un trait de plume, le Maroc pourrait alors renoncer à sa reconnaissance d’Israël. Biden pourrait donc se trouver sous une pression considérable”, signale-t-il.“L’inadmissibilité de tout pays qui étend son territoire par la force est un principe de longue date du droit international” Bien que la normalisation des relations entre l’entité sioniste et les Etats à prédominance arabe soit l’objectif, elle ne peut se faire au prix de saper un principe juridique international aussi fondamental”, conclut-il.#SaharaOccidental #Maroc #Polisario #ONU #Marruecos #Morocco #WesternSahara -
Réunion du Conseil de Sécurité : Une gifle pour le Maroc
LE CONSEIL DE SÉCURITÉ A EXAMINÉ LES DERNIERS DÉVELOPPEMENTS AU SAHARA OCCIDENTAL, SYNONYME D’UN RAPPEL À LA LÉGALITÉ INTERNATIONALE : Une gifle pour le Maroc
Croyant avoir achevé la question Sahraouie en criant victoire au lendemain de sa reconnaissance, par le président Trump, de sa supposée souveraineté sur les territoires occupés, le Maroc a essayé un échec diplomatique cuisant, encore un autre, émanant de surcroît du Conseil de sécurité de l’ONU. En effet, en réunion lundi soir, le Conseil de sécurité a examiné les derniers développements survenus, depuis le 13 novembre dernier, à El Guerguerat, après la violation marocaine du cessez-le-feu de 1991 signé avec le Front Polisario sous l’égide des Nations unies. Ainsi, les participants ont souligné « l’urgence de reprendre le processus politique au Sahara occidental », à l’arrêt depuis 2019, appelant le Front Polisario et le Maroc, les rivaux en conflit, « à revenir à la table des négociations sans préconditions. » À l’issue de cette réunion, l’Afrique du Sud a, par la voix de son ambassadeur à l’ONU, Jerry Matjila, exprimé son « impatience » quant à la nomination d’un nouvel envoyé du secrétaire général onusien, pour « soutenir les négociations et la reprise du processus politique ». « L’Afrique du Sud attend avec intérêt la nomination d’un nouvel envoyé personnel du secrétaire général » pour le Sahara occidental, poste vacant depuis plus d’un an, « pour appuyer les négociations et relancer le processus politique », a déclaré M. Matjila à l’issue de ces consultations tenues à huis clos. Les deux parties en tant qu’États membres de l’UA, a-t-il poursuivi, « doivent préparer les conditions pour un nouveau cessez-le-feu, en étroite coordination avec le Conseil de paix et de sécurité de l’UA, conformément à toutes les dispositions pertinentes de son protocole, pour parvenir à une solution juste et durable du conflit » qui assure au peuple sahraoui le droit à l’autodétermination. Déplorant l’absence d’un nouvel émissaire onusien, l’ambassadeur Matjila, dont le pays assure la présidence tournante du Conseil de sécurité, a indiqué que le Conseil et la communauté internationale devraient » envisager toutes les méthodes alternatives et pacifiques pour faire avancer la voie politique ». Après une intense médiation qui a ravivé l’espoir de paix au Sahara occidental, le processus onusien se trouve depuis mai 2019 dans l’impasse depuis le départ de l’envoyé personnel, Horst Köhler, à qui l’ONU tarde à nommer un successeur.Appel au respect du droit à l’autodéterminationL’appel au respect du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination a été fortement réaffirmé par l’Allemagne, la Russie et le Royaume Uni qui ont exprimé leur opposition à la décision unilatérale du président américain sortant, Donald Trump, de reconnaitre la prétendue souveraineté du Maroc sur ce territoire. L’Allemagne qui a demandé la tenue de cette réunion a fait part de la frustration des sahraouis face au gel du processus de paix, appelant à cette occasion à concrétiser leurs aspirations. Son ambassadeur à l’ONU, Christoph Heusgen, a déclaré dans ce sens: « Pour nous, résoudre les conflits pacifiquement, c’est suivre les règles, mettre en œuvre les résolutions de l’ONU et appliquer le droit international ». L’ambassadeur d’Allemagne a exprimé en outre la préoccupation de son pays face au blocage du processus politique et à la dangereuse escalade du conflit. « Soutenir la Minurso est essentiel », a-t-il encore dit dans un tweet. Le Royaume Uni, a de son côté, réitéré son appel à des négociations constructives permettant au peuple sahraoui de déterminer son avenir. La délégation belge auprès de l’ONU a souligné, pour sa part, que « le statut final du Sahara occidental sera déterminé par un processus conduit par l’ONU, conformément au droit international, à la Charte des Nations unies et aux résolutions du Conseil de sécurité onusien. « Nous appelons les deux parties à revenir à la table des négociations », a-t-elle insisté. Et la mission de la République d’Estonie a, elle aussi, également indiqué dans un tweet que l’Estonie « soutient les efforts du Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, pour trouver une solution politique acceptable pour les deux parties au conflit (Maroc/Front Polisario) sur la base des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité des Nations unies ». La Mission estonienne a réaffirmé également la position de l’Estonie qui « respecte une solution basée sur les normes internationales, les résolutions des Nations unies et le droit international ». Au cours de cette réunion, la Chine, le Niger, la République dominicaine et la Tunisie, ont renouvelé leur soutien à la reprise du processus onusien sous les auspices d’un nouvel émissaire que l’ONU doit désigner rapidement. Peu avant ces consultations, le porte-parole du SG de l’ONU, Stéphane Dujarric, a affirmé que la position des Nations unies demeurait inchangée sur cette question.« Notre position sur les déclarations concernant le Sahara occidental n’a pas changé et nous continuons de croire qu’une solution peut être trouvée par un dialogue fondé sur la base des résolutions pertinentes du Conseil de sécurité », de l’ONU, a déclaré M. Dujarric avant le briefing du Conseil de sécurité.La réunion du Conseil de sécurité est intervenue au moment où les affrontements entre les deux parties au conflit ont repris, après que les forces militaires marocaines ont rompu le cessez-le-feu le 13 novembre dernier en agressant des manifestants sahraouis dans la zone tampon d’El-Guerguerat, au sud-ouest du Sahara occidental.Elle est survenue également dans le sillage de la reconnaissance le 10 décembre par l’administration Trump de la prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental, moyennant la normalisation des relations maroco-israéliennes, une démarche vivement dénoncée à travers le monde sur fond d’appels au président élu Joe Biden de l’ »annuler ».R. N.Le Courrier d’Algérie, 23 déc 2020#SaharaOccidental #Maroc #Polisario #ONU #Marruecos #Morocco #WesternSahara -
Conflit du Sahara occidental : "La trêve était une erreur" (média allemand)
De Paul HildebrandtLe conflit du Sahara occidental, que le Maroc occupe depuis 1976, est à nouveau négocié sous la direction des Nations Unies. Les Sahraouis se battent pour leur indépendance. Ils considèrent la trêve en place depuis 1991 comme une erreur.
L’air est encore froid et clair au petit matin. Deux élèves hissent un drapeau dans la cour d’une école primaire. Une quarantaine d’enfants se tiennent autour et crient des slogans en arabe comme: Coupez la tête du conquérant. Et: nous sommes prêts pour la révolution.
Les couleurs du drapeau sont noir-blanc-vert. Au centre, il y a un croissant rouge qui entoure une étoile. C’est le drapeau de la République arabe démocratique du Sahara – un État qui ne comprend que six camps de réfugiés dans le sud de l’Algérie.
Les enfants doivent apprendre: leur véritable foyer n’est pas l’Algérie, mais le soi-disant Sahara occidental. Et leur ennemi s’appelle le Maroc. Vous devez vous préparer à partir en guerre.
À qui appartient le Sahara occidental?
Le Sahara occidental est une région de la côte atlantique en Afrique du Nord, coincée entre le Maroc et la Mauritanie. Et un différend de dix ans fait rage dans ce domaine. Le Royaume du Maroc se tient d’un côté du conflit, et les Sahraouis, un peuple nomade indigène, de l’autre. Tous deux revendiquent le Sahara occidental pour eux-mêmes. Ce conflit est à nouveau négocié à Genève. Sous la direction de l’ONU, il faut enfin clarifier: à qui appartient le Sahara occidental?
Je voyage dans la partie algérienne du Sahara à environ quatre-vingts kilomètres de la frontière avec le Sahara occidental. Des routes goudronnées sombres serpentent à travers les collines de sable, des chameaux parcourent le paysage aride. Entre les deux, six camps surgissent de la poussière: des petites villes faites de huttes de terre, dans lesquelles vivent environ 170 000 personnes. Ce sont des réfugiés qui ont été déplacés du Sahara occidental il y a plus de 40 ans.
A quelques mètres de l’école primaire, je rencontre une femme qui a fui le Sahara Occidental pendant la guerre civile. Son nom est Fatimatu, 61 ans, et elle m’attend dans une grande tente. Elle est assise sur un tapis moelleux en train de préparer du thé vert sucré. Avec des mouvements habiles, elle verse le liquide chaud d’un verre à l’autre.
«J’ai marché en Algérie avec des centaines de femmes, sans vêtements ni possessions. Juste avec ma mère et la mère de mon mari. Nous nous sommes cachés des bombardiers marocains pendant douze jours, puis nous avons atteint les camps. «
Le Maroc a annexé le Sahara occidental
En février 1976, l’Espagne s’est retirée de sa dernière colonie, le Sahara occidental. Dans le même temps, le Royaume du Maroc a annexé de grandes parties de la zone. Une guerre civile sanglante a alors éclaté entre le Maroc et le Polisario, une armée de guérilla sahraouie.
Fatimatu vit dans les camps depuis plus de quarante ans. Elle possède plusieurs maisons en terre battue, une télévision, un smartphone. Votre grande tente est recouverte de tapis épais. Elle dit que les souvenirs du vol du Sahara occidental sont toujours présents
«Nous avons été poussés indéfiniment, d’un endroit à l’autre. Sans-abri, sans droits. Beaucoup d’entre nous ont été assassinés et les femmes maltraitées. Ce fut longtemps plein d’horreur. «
La guerre civile a duré plus de 15 ans. Ce n’est qu’en 1991 que les opposants ont négocié un cessez-le-feu sous la direction de l’ONU. Cela tient encore aujourd’hui.
Les camps de réfugiés sont maintenant devenus de petites villes avec des écoles, des hôpitaux et des magasins. Dans le grand marché de Camp Al-Ayyoun, de petites boutiques s’alignent le long d’une rue poussiéreuse. Ça sent le thé et la viande frite.
Les jeunes sahraouis sont frustrésJama a 29 ans. Il transporte des tissus, des parfums et des articles ménagers dans de grandes boîtes de l’autre côté de la rue. Il dit que la plupart de l’argent est dépensé en téléphones portables et en articles de mariage. Il n’y a pratiquement rien à faire pour les jeunes«Personne n’a de travail permanent ici, parfois il y a un peu de travail, parfois on gagne plus, parfois moins. Cela rend les choses si difficiles. «Tout tourne autour du retour au Sahara occidental. Beaucoup de jeunes sahraouis sont donc frustrés. Tout comme Nih, il a 29 ans aussi, il ne trouve pas non plus de vrai travail. Il travaille comme bénévole dans la station de radio locale et travaille comme gardien de parc.«Les jeunes voient à la télévision comment vivent les jeunes en Europe. Tout le monde a un travail et peut voyager partout dans le monde. C’est là que vous étudiez et lorsque vous avez terminé, vous revenez et ne trouvez pas d’emploi. Il n’y a pas d’usines, pas d’entreprises ici. Vous devez rechercher un travail acharné et mal payé et vous ne pouvez pas subvenir aux besoins de votre famille. «Beaucoup d’amis de Nih ont déjà fait leur chemin vers le nord, certains d’entre eux vivent maintenant en Espagne. Nih dit qu’il aimerait rester avec sa famille, mais il ne peut pas réaliser ses rêves dans les camps.«J’ai un plan ferme pour émigrer bientôt en Europe, peut-être en Espagne. Je vais d’abord travailler dur et gagner de l’argent, puis acheter des caméras et faire ma propre émission sur YouTube. Je veux montrer aux jeunes qu’il y a des gens dans d’autres parties du monde qui ont des vies plus difficiles qu’eux. «Les gens dans les camps mènent une vie d’attente. Parce qu’à l’armistice de 1991, il a été décidé: un référendum doit déterminer l’avenir du Sahara occidental. Mais cela n’a pas encore été réalisé. La raison: le Maroc et le Front Polisario ne pouvaient pas s’entendre sur qui pouvait voter: seuls les habitants de 1974, lorsque l’Espagne gouvernait encore la région – ou aussi les Marocains nouvellement arrivés?L’un des murs les plus longs du mondeAhmed Bashir, 52 ans, soldat. Il est Sahraui, né au Maroc et en a fui. Je l’accompagnerai en patrouille dans le désert. Dans une jeep, nous sortons des camps par une piste de poussière jusqu’au mur que le Maroc a jadis tiré à travers le Sahara. Il s’étend comme une bande jaune à l’horizon. Il traverse le désert sur 2 500 kilomètres. C’est l’un des murs les plus longs du monde et Bashir le regarde jour après jour.«Je pense que la trêve était une erreur. Le monde entier est venu et a regardé, ils ont même négocié au Conseil de sécurité de l’ONU, mais cela n’a pas aidé. Nous sommes toujours là et la situation ne changera tout simplement pas. «Bashir pense que les Sahraouis devraient retourner à la guerre. C’est la seule façon de changer quelque chose dans la situation. Mais l’équilibre des pouvoirs a changé depuis les années 80. Derrière le mur marocain se trouve une armée moderne avec plus de cent mille soldats et un budget annuel d’environ quatre milliards de dollars. Le sol devant le mur est criblé d’innombrables mines terrestres. S’il y avait une guerre, ce serait un combat inégal.Attendez qu’il recommenceAvec Bashir, je conduis au bout d’un oued sec. Ses soldats y attendent avec du thé et de la viande de chèvre. Beaucoup d’entre eux sont encore très jeunes, les premières peluches ne font que germer sur leurs visages.Bashir était un soldat toute sa vie. Depuis l’armistice, il attend que les choses recommencent. Pour me le prouver, il montre une vidéo de la guerre civile sur son téléphone portable. Des soldats marocains peuvent être vus assis sur le sol du désert. Lorsqu’on leur demande pourquoi ils ont été capturés, ils répondent: L’ennemi était supérieur à nous.Pour Bashir, c’est la preuve que son armée pourrait se défendre contre le Maroc à l’avenir.Le conflit semblait avoir été oublié par la politique mondiale. Puis, en décembre 2018, des représentants des deux parties se sont à nouveau réunis à Genève pour la première fois depuis de nombreuses années pour négocier. Après une deuxième réunion au printemps, ils ont décidé de se réunir une troisième fois à la fin de l’été.Il s’agit de beaucoup d’argentLe conflit concerne beaucoup d’argent: il y a d’énormes quantités de phosphate au Sahara Occidental, qui est utilisé comme engrais dans le monde entier. Les entreprises allemandes s’intéressent depuis longtemps aux ressources naturelles. Mais tant que la question du droit international n’a pas été clarifiée, les membres de l’UE ne sont pas autorisés à y investir.Des centaines de milliers de Sahraouis vivent toujours sous la domination marocaine au Sahara occidental. Ils disent qu’ils sont opprimés par le Maroc. Les militants ont publié des vidéos de manifestations en ligne et ont signalé des attaques violentes de la police. Cela est difficile à vérifier car les journalistes ne sont pas autorisés à se rendre au Sahara occidental. C’est pourquoi je parle à un activiste au téléphone«Il est toujours vrai que le Maroc interdit les manifestations. Ils arrêtent des militants des droits humains et les font disparaître. Les Sahraouis sont attaqués dans les rues et lors des manifestations. S’ils se retrouvent en prison, ils subiront de mauvais traitements de la part des autorités marocaines. «Aminatou Haidar a 52 ans, elle est devenue mondialement connue pour sa manifestation pacifique contre le Maroc et a reçu de nombreuses récompenses pour cela.Il n’y a pas de Sahara occidental pour le MarocLe Royaume du Maroc nie les allégations de Haidar. Pour le Maroc, il n’y a ni pays du Sahara Occidental ni sahraouis. Le Polisario est une minorité marocaine radicale. L’ambassade du Maroc souhaite uniquement répondre à mes questions par écrit:«Il n’y a pas de violation systématique des droits de l’homme dans les provinces du sud. Les allégations et allégations d’Amnesty International sont souvent fondées sur de fausses déclarations non fondées. «En Algérie, j’organise un entretien avec le président du Polisario. Son nom est Brahim Ghalil, un homme de grande taille avec une moustache grise. Les Sahraouis le considèrent comme un héros de guerre dans la lutte contre le Maroc. Aujourd’hui, il règne sur un pseudo-état: dans son palais, le plâtre s’effrite des murs, des tubes néons vacillants illuminent les couloirs.Ghalil me reçoit dans une grande salle avec de lourds meubles sur lesquels repose la poussière du désert.«Les Sahraouis sont pacifiques. Ce ne sont pas des gens agressifs, ils n’ont jamais mené une guerre d’agression. Chaque guerre que nous avons menée a été pour notre défense. C’est pourquoi nous croyons en une solution pacifique. Les Sahraouis doivent pouvoir déterminer leur propre avenir. «Sahara occidental, la « dernière colonie d’Afrique »De nombreux États africains comme l’Afrique du Sud, l’Éthiopie et le Botswana se sont politiquement rangés du côté des Sahraouis. Vous voyez le Maroc comme le butin de l’Europe et décrivez le Sahara occidental comme la «dernière colonie d’Afrique».«J’ai commencé avec peu, mais au bout d’un an, j’ai pu construire ma propre boutique. J’ai beaucoup travaillé, souvent jusqu’à deux heures du soir. Mais bon, tout a fonctionné. Bien sûr, il y a des gens ici avec peu d’argent, mais il y a beaucoup de jeunes qui ne veulent tout simplement pas travailler. Quiconque souhaite travailler trouvera également du travail. «La vie dans les camps s’est normalisée depuis longtemps pour de nombreux résidents. Depuis quelques années, les camps reçoivent de l’électricité d’Algérie et il existe une école de cinéma et des cours d’informatique pour les femmes.Et Mohamad Salko ne rêve pas de guerre, il rêve de football«Je veux voir un match de Manchester United et je le ferai l’année prochaine, si Dieu le veut. Je n’ai pas de grands rêves, mais ceux que j’ai – je les réalise. «Source : Deutchlanffundkultur, 2029 -
Réaction de l'Union Africaine au sujet de la reprise des hostilités au Sahara Occidental
Suite à la reprise des hostilités entre le Front Polisario et le Maroc, l’Union Africaine a réagi par le communiqué suivant :
Communiqué du Président de la Commission de l’Union africaine, S.E. Moussa Faki Mahamat, sur la tension dans la zone de Guerguerat14 November 2020, Addis Ababa: Le président de la Commisson de l’union africaine Moussa Faki Mahamat exprime sa profonde préoccupation suite à la détérioration de la situation au Sahara occidental, notamment dans la zone des Guerguerat, et des menaces graves de rupture du cessez le feu en vigueur depuis 1991.Il salue les efforts du secrétaire-général des Nations Unies et des pays de la région pour encourager vivement les parties à s’abstenir de tout changement du Status Quo et de revenir dans les meilleurs délais à la table de négociation.A cette fin, le Président de la Commission de l’union africaine souhaite que le secrétaire-général des Nations Unies accélère le processus de désignation de son représentant personnel.Le Président de la Commission réaffirme la disponibilité de l’union africaine pour soutenir activement les efforts des Nations Unies pour une solution politique juste et acceptable par toutes les parties de ce conflit.Tags : Sahara Occidental, Front Polisario, Maroc, El Guerguerate, Union Africaine, Moussa Faki Mahamat, -
Sahara Occidental : Clarifications sur le mur, le cessez-le-feu et l'accord nº1
Un retour à la guerre au Sahara occidentalPar Nick Brooks
Vous avez peut-être entendu ou pas dire que le cessez-le-feu qui a eu lieu pendant près de 30 ans au Sahara occidental s’est effondré hier et que le territoire est à nouveau en guerre. Il n’y a rien sur le site Web d’informations de la BBC à ce sujet, bien qu’il ait été brièvement mentionné sur le World Service.
Les deux parties au conflit – le Maroc et le Polisario – ont leur version de ce qui s’est passé, et le Maroc aura probablement la voix la plus forte. Alors, voici mon avis.
Le Maroc a envahi le Sahara occidental en 1975, lorsque l’Espagne s’est retirée. Le Polisario, formé quelques années plus tôt pour lutter pour l’indépendance de l’Espagne, s’est opposé à l’occupation marocaine. Une guerre a été menée jusqu’en 1991, lorsque l’ONU a négocié un cessez-le-feu et mis en place un maintien de la paix pour – la Mission des Nations Unies pour le référendum au Sahara Occidental, connue sous son acronyme français, MINURSO. Comme son nom l’indique, cette force a été mandatée pour organiser un référendum sur l’autodétermination. Cela ne s’est jamais produit et la MINURSO reste la seule force de maintien de la paix sans mandat de surveillance des droits de l’homme. Le Sahara occidental reste un territoire non autonome tel que défini par le Comité des Nations Unies sur la décolonisation. En d’autres termes, le processus de décolonisation n’a pas été concurrencé. Le Sahara occidental est souvent appelé la dernière colonie d’Afrique.
Tout au long du conflit de 1975-1991, le Maroc a sécurisé le territoire qu’il avait pris derrière des terrassements défensifs ou des bermes. En 1991, ceux-ci avaient fusionné en une seule structure – le Berm – qui s’étend sur 2700 km (environ 1700 miles) à travers le territoire, le divisant effectivement en une zone contrôlée par le Maroc à l’ouest et au nord, et une zone contrôlée par le Polisario à l’est et au sud. (Figure 1). Une analyse détaillée du Berm et de son évolution est fournie par Garfi (2014).
Aux termes du cessez-le-feu, le Sahara occidental est divisé en trois zones (Figure 1):
I) une bande tampon s’étendant sur 5 km à l’est et au sud du Berm du côté du Polisario, qui est en fait une zone d’exclusion ou un no man’s land, dans laquelle aucun personnel ni équipement militaire n’est autorisé;
II) deux zones réglementées, s’étendant sur 30 km de chaque côté du Berm, dans lesquelles les activités militaires sont interdites; et
III) deux zones à restrictions limitées, qui comprennent tout le territoire restant du Sahara occidental, dans lesquelles des activités militaires normales peuvent être menées à l’exception de celles qui représentent une escalade de la situation militaire.
Les informations ci-dessus, y compris les cartes montrant les différentes zones et le texte du cessez-le-feu (Accord militaire n ° 1) figuraient auparavant sur le site Web de la MINURSO, mais ont été supprimées il y a quelques années. Lorsqu’on leur a demandé, la MINURSO et le Département de Maintien de la paix des Nations Unies n’ont pas expliqué pourquoi, ce qui a amené beaucoup à conclure que c’était le résultat du lobbying marocain. Le récit du Maroc est qu’il contrôle tout le Sahara occidental à l’exception d’une bande tampon établie par l’ONU pour sa protection, et que le Polisario n’est pas présent au Sahara occidental. Les cartes et l’accord militaire en apportent un démenti clair.
Depuis 1991, le Maroc renforce son occupation du Sahara occidental et développe ses ressources naturelles, contre les conventions internationales qui interdisent aux puissances occupantes d’exploiter les ressources des territoires occupés à leur propre profit. Ces ressources comprennent les phosphates, les pêcheries et les ressources en eau – le Maroc a développé l’agriculture au Sahara Occidental occupé, y compris la production de cultures à forte consommation d’eau comme les tomates (y compris la marque Azera).
De nombreuses exportations, y compris du poisson provenant des eaux du Sahara occidental, sont destinées à l’UE, et certaines d’entre elles transitent par la Mauritanie vers le sud. Cet itinéraire implique le trafic passant par le Berm au sud de la position de Guergerat (Figure 3), puis traversant la bande tampon sur 5 km jusqu’à la frontière avec la Mauritanie (Figure 4).
Fin octobre 2020, des manifestants sahraouis ont commencé à bloquer la route entre le passage de la berme de Guergerat et la frontière mauritanienne (figure 4), dans la bande tampon. Ils protestaient contre l’exportation des ressources naturelles, notamment du poisson destiné au port mauritanien de Nouadhibou, du Sahara Occidental occupé par le Maroc. Ils ont également accusé le Maroc de faciliter le trafic de drogue et de personnes via Guergerat.
Les 12 et 13 novembre, le Maroc a envoyé des troupes pour disperser les manifestants et prendre le contrôle du tronçon de route traversant la bande tampon. En entrant simplement dans la bande tampon, le Maroc a violé le cessez-le-feu. Le 13 novembre, le Polisario a déclaré que cette rupture marquait la fin du cessez-le-feu et la reprise des hostilités, et qu’ils étaient désormais en guerre avec le Maroc. Plus tard le 13, le Maroc a signalé des affrontements le long du Berm dans le nord du Sahara occidental, et le 14, il est apparu que des combats avaient lieu à proximité de Mahbes et Hauza au nord du Sahara occidental, et d’Aouserd et Guergerat au sud.
Tout cela sur fond de 45 ans de conflit et d’exil pour les Sahraouis. Quelque 100.000 Sahraouis vivent sous l’occupation marocaine, tandis que peut-être 200.000 vivent dans cinq camps de réfugiés dans le désert algérien autour de la ville de Tindouf. Ces camps sont gouvernés par le Polisario et sont en fait une société et un État en exil. Le Polisario contrôle également les zones à l’est et au sud du Berm, connues des Sahraouis sous le nom de territoire libéré.
Pendant des décennies, le mécontentement dans les camps a augmenté, en particulier parmi les jeunes Sahraouis, en réponse à l’impasse, à l’échec de l’ONU à organiser le référendum promis depuis longtemps, et à une perception compréhensible qu’ils ont été oubliés et abandonnés par le reste des pays du monde. Beaucoup considèrent le retour à la guerre comme le seul moyen d’avoir un espoir de résoudre le conflit, que ce soit par des moyens militaires ou grâce à une diplomatie facilitée par ce qu’ils espèrent être un regard renouvelé sur le territoire si les hostilités reprennent. Pendant de nombreuses années, le Polisario a réussi à contenir ce mécontentement et a évité l’affrontement. Il semble que la dernière provocation du Maroc ait été trop flagrante pour que cette approche reste viable.
Nick Brooks a beaucoup voyagé au Sahara Occidental, en tant que codirecteur du Western Sahara Project, un projet de recherche axé sur l’archéologie et les changements environnementaux passés sur le territoire. Entre 2002 et 2009, il a mené six saisons de travail sur le terrain dans la zone contrôlée par le Polisario au Sahara occidental, et s’est rendu sur le territoire à sept reprises, passant également du temps dans les camps de réfugiés sahraouis autour de Tindouf. Le travail de terrain impliquait de fréquents détours en Mauritanie pour éviter le Berm marocain.
Source : Sand & Dust, 14 nov 2020
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Réaction de la Russie au sujet des affrontements de Guerguerate
Suite à la montée de la tension dans la zone de Guerguerate, la Russie a réagi avec la publication d’un communiqué sur le site du ministère russe des affaires étrangères dont voici le contenu:
Commentaire du Service Information et Presse sur les développements au Sahara OccidentalNous avons pris note de la tension croissante dans la bande tampon de Guerguerat, une ville près de la frontière mauritanienne dans la zone de responsabilité de la Mission des Nations Unies pour le Référendum au Sahara Occidental (MINURSO). Des manifestants locaux bloquent la circulation au point de passage depuis quelques jours.Nous exhortons les parties concernées du Sahara Occidental – le Maroc et le Front POLISARIO – à faire preuve de la plus grande retenue, à s’abstenir de prendre des mesures qui peuvent exacerber la situation et à respecter strictement l’accord de cessez-le-feu.L’approche cohérente de la Russie à l’égard du conflit au Sahara occidental est qu’une paix juste et durable peut être obtenue exclusivement par des moyens politiques fondés sur le droit international, en premier lieu les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies et de l’Assemblée générale, et dans le cadre de procédures qui correspondent aux principes et objectifs de la Charte des Nations Unies. Nous appelons à la reprise des pourparlers directs entre le Maroc et le POLISARIO dans les meilleurs délais, afin de redoubler d’efforts pour promouvoir un règlement, notamment la nomination d’un nouvel envoyé personnel du Secrétaire général des Nations Unies à cet effet, et d’assurer la sécurité et l’efficacité de la MINURSO.Nous continuerons d’utiliser nos contacts avec toutes les parties concernées pour promouvoir une solution mutuellement acceptable à ce problème récurrent.Tags : Sahara Occidental, Maroc, El Guerguerate, Polisario, Russie, -
L’Armée Sahraouie répond à l’intervention militaire marocaine à El Guerguerat
Les forces armées marocaines ont mené vendredi une agression militaire dans la région d’El Guerguerat, au sud ouest du Sahara Occidental, où des Sahraouis civils manifestaient pacifiquement depuis le 21 octobre, a indiqué l’Ambassadeur de la République arabe sahraoui démocratique en Algérie, M. Abdelkader Taleb Omar, dans une déclaration à la Chaine de télévision algérienne A3.
L’agence sahraouie SPS a rapporté de son côté, que les forces marocaines ont ouvert trois brèches dans la région d’El Guerguerat, où ils ont mené l’agression contre les civils sahraouis.Depuis plus de trois semaines, des Sahraouis civils (hommes et femmes) représentant notamment des associations de jeunesse, des femmes, des travailleurs, d’organisations de défense des droits de l’homme et plusieurs ONG opérant dans le domaine socioculturel, observent des sit-in à différents endroits le long du mur de sable érigé par l’occupant marocain.Ils manifestent pour exiger notamment la fermeture définitive de la brèche illégale d’El-Guerguerat dans l’extrême sud-ouest du Sahara occidental.Les manifestations, se veulent, selon les organisateurs, un moyen de faire face aux manœuvres et provocations marocaines et réclamer l’organisation du référendum d’autodétermination, l’objectif pour lequel a été créée la Mission des Nations unies au Sahara occidental (Minurso).Aussi, les manifestants appellent à mettre un terme à la souffrance inacceptable du peuple sahraoui face au silence de l’ONU notamment dans les territoires occupées.Ils exigent également le retrait immédiat des troupes marocaines des territoires sahraouis occupés et de dévoiler le sort des disparus ainsi que la libération de tous les prisonniers civils sahraouis détenus dans les geôles marocaines.Echourouk Online, 13 nov 2020 -
Maroc : Les énigmes de l’ère Mohammed VI (Enquête TelQuel)
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TELQUEL 26 Novembre au 2 Dècembre 2011
De l’assassinat de Hicham Mandari à la cabale montée contre Khalid Oudghiri, en passant par l’incendie du bâtiment de la DST, la démission surprise de Fouad Ali El Himma ou, plus près de nous, le crash du C130 militaire, TelQuel répertorie et jette une nouvelle lumière sur les “affaires” les plus emblématiques, et sans doute les plus mystérieuses, de l’ère Mohammed VI
La suppression de la liberté de conscience (du texte de la nouvelle Constitution)LES FAITS. Dans une version de la Constitution, présentée aux partis politiques en juin dernier, la notion de “liberté de conscience” est inscrite noir sur blanc. Mais une fois que le projet de la loi fondamentale est rendu public (avant son adoption par référendum), cette liberté individuelle a été tout bonnement supprimée. Entre-temps, le secrétaire général du PJD, Abdelilah Benkirane, avait menacé de voter NON à la future Constitution si elle introduisait des nouveautés ayant des “conséquences néfastes sur l’identité islamique du Maroc”.
LA VERSION OFFICIELLE. Le PJD nie toujours avoir fait pression directement sur la Commission chargée de la révision de la Constitution, présidée par Abdeltif Menouni. Plusieurs cadres du parti islamiste ont par ailleurs affirmé que la Commission était elle-même divisée sur cette question. Sous-entendant ne pas être liberticide, le PJD a argué que dans tous les cas, la référence à la liberté de conscience était formulée de manière restrictive. Il était écrit qu’elle devait s’exercer dans le cadre de la loi et sans porter atteinte à l’ordre public.
LES ZONES D’OMBRE. Certains observateurs ont accusé le PJD d’avoir orchestré sa levée de boucliers en accord avec le Palais. Ils avancent comme éléments à charge que l’inscription de la liberté de conscience d a n s l a n o u v e l l e Constitution aurait effrité le pilier de l’islam sur lequel s’appuie la monarchie. Le retrait de la liberté de conscience permet aussi à Mohammed VI de garder entier son pouvoir religieux de Commandeur des croyants. Le flou autour du vote de la Commission Menouni a aussi jeté un doute sur le désir réel du Pouvoir de voir inscrire dans la loi fondamentale du royaume cette pierre angulaire des libertés individuelles. Le jour de l’examen de ce point, neuf membres de la Commission auraient voté pour l’inscription de la liberté de conscience dans le nouveau texte et neuf autres contre. Aucune majorité ne s’est dégagée du fait de l’absence inexplicable d’un 19ème membre. Et l’arbitrage aurait finalement eu lieu derrière les impénétrables murailles du Palais.L’assassinat de Hicham Mandari
LES FAITS. L’homme, qui se présentait comme “conseiller spécial de Hassan II”, est exécuté d’une balle dans la nuque, le 4 août 1999, dans le parking souterrain d’un complexe résidentiel près de Malaga. Au moment de sa mort, Hicham Mandari menaçait la monarchie de révélations fracassantes sur la fortune du roi défunt. Il était également mis en examen pour plusieurs affaires dans un trafic de faux dinars bahreïnis, d’un montant de 350 millions d’euros.LA VERSION OFFICIELLE. On soupçonne, dans un premier temps, un certain Hamid Boubadi d’être le meurtrier. Boubadi est suspecté d’avoir tendu un piège à Mandari à Malaga, en lui faisant miroiter une affaire de diamants, avant de l’assassiner pour une dette non remboursée. Les soupçons reposent sur une vidéo de caméra de surveillance à l’aéroport de Malaga qui montre le présumé meurtrier en compagnie de Mandari, quelques heures avant l’assassinat. Hamid Boubadi est aujourd’hui lavé de tout soupçon.
LES ZONES D’OMBRE. Ayant fui le pays en 1998 après avoir dérobé des chèques dans le coffre-fort de Hassan II, Hicham Mandari a toujours affirmé posséder des documents sur la fortune du roi défunt et menaçait de dévoiler beaucoup de secrets de la cour. Il soutenait aussi être le fils de Hassan II et de sa favorite au sein du harem. Familier du sérail, il était le protégé de Mohamed Médiouri, l’ancien patron de la sécurité royale. De quoi donner du crédit à ses menaces. Se présentant comme l’ennemi numéro 1 des Alaouites, Hicham Mandari a endossé un habit de circonstance d’opposant au régime, comme la création du Comité national des Marocains libres. Il a affirmé avoir été à deux reprises l’objet de tentatives d’assassinat, attribuées, selon son avocat, à ses relations passées avec la famille royale. A la même époque, le nom de Hicham Mandari apparaît dans une affaire de trafic de dinars bahreïnis à l’échelle internationale. Il a aussi trempé dans des affaires d’escroquerie et de chantage, dont la plus célèbre a été à l’encontre du banquier marocain Othman Benjelloun. Ce dernier lui avait tendu un piège, permettant à la police française de le prendre en flagrant délit alors qu’il recevait une grosse somme d’argent. Une de ces nombreuses affaires impliquant Mandari dont on ne saura (peut-être) jamais le fin mot de l’histoire.
Le bug du site elections2002.ma
LES FAITS. Le 27 septembre 2002. C’était les premières élections sous l’ère Mohammed VI. Et le roi les voulait libres et transparentes. Le département de l’Intérieur, confié à l’époque à Driss Jettou, met alors les gros moyens : un réseau Intranet reliant plus de 300 terminaux au serveur du ministère devait permettre la collecte des résultats du scrutin en temps réel et livrer le verdict des urnes dans les 24 heures. Mais lors de la nuit électorale, un mystérieux bug informatique compromet l’opération.
LA VERSION OFFICIELLE. Pour expliquer ce couac, le ministère de l’Intérieur tergiverse. Tantôt il invoque une panne de courant due à la saturation du serveur du ministère, tantôt il souligne la mauvaise préparation des personnes censées saisir les données dans ce nouveau dispositif et qui ont finalement préféré procéder manuellement.
LES ZONES D’OMBRE. Tout se déroulait le plus normalement du monde durant les premières heures de cette nuit du 27 septembre. Au siège du ministère de l’Intérieur, les principaux leaders des formations politiques défilaient pour recueillir les dernières news et répondre aux questions de la presse. Plus tard dans la soirée, les premières fuites sur les résultats parlent d’une tendance qui se dégage: le Parti justice et développement (PJD) est en train de rafler la mise. Allaiton assister au raz-de-marée islamiste tant redouté ? La question taraudait tous les observateurs politiques. Et, curieusement, c’est à ce moment tardif de la nuit que le site elections2002.ma rend l’âme. Les sécuritaires du pays auraient-ils paniqué au point d’abandonner la démarche de transparence totale pour influer partiellement sur les résultats ? S’il s’agissait d’une simple panne technique, ne pouvait-elle pas être réparée ? Certains parlent même d’une visite des hauts sécuritaires de l’époque au back-office du ministère de l’Intérieur où étaient centralisés les résultats. Quoi qu’il en soit, après deux jours de comptage manuel, le verdict est tombé : l’USFP arrive en tête avec 50 sièges, talonné par le Parti de l’Istiqlal avec 48 sièges, mais le PJD triple ses performances par rapport à 1997 en s’adjugeant 42 fauteuils de députés. Le parti islamiste confirme dès lors son statut de force politique avec laquelle il fallait compter.
L’incendie du bâtiment de la DST
LES FAITS. Le 29 octobre 1999, aux premières heures, un incendie se déclare dans une dépendance de l’ancien siège de la Direction de la surveillance du territoire (DST) sur la Route des Zaërs, l’un des quartiers les plus surveillés de la capitale. Le local parti en fumée abrite les archives de ce service de renseignement, retraçant le travail de la “firme” depuis son époque CAB1.
LA VERSION OFFICIELLE. Une enquête a été ouverte pour élucider les circonstances de l’incendie, mais ses résultats n’ont jamais été communiqués. De même que l’Etat n’a jamais communiqué sur la nature des dégâts et le volume des archives perdues lors du sinistre. Tout ce qui filtre de l’enquête est que l’incendie est d’origine criminelle et que la matière utilisée pour le déclencher était “hautement inflammable”.
LES ZONES D’OMBRE. Le mystère reste entier puisque le dossier est clos sans la moindre poursuite en justice. Sauf que le contexte dans lequel est intervenu cet incendie criminel a nourri les spéculations au sujet de la personne à qui profitait le crime. Quelques semaines auparavant, Mohammed VI avait confié la direction de la DST au général Hamidou Laânigri, alors que jusque-là elle était chapeautée par Driss Basri, toutpuissant ministre de l’Intérieur de l’ère Hassan II. Basri est d’ailleurs limogé de ce poste qu’il a occupé pendant des décennies une dizaine de jours seulement après les faits. Aurait-il donc commandité cet incendie, sentant le vent tourner ? Se serait-il appuyé pour cela sur ses fidèles parmi les éléments de la DST pour éliminer les dossiers les plus compromettants de son passage à la tête de ce service de renseignement ? Ce n’est pas impossible. D’ailleurs, pendantquelques semaines, une dizaines de sécuritaires et anciens cadres de la boîte auraient été interdits de quitter le territoire. Sur la nature des dossiers perdus, les versions ne manquent pas non plus : affaires en relation avec le Palais, aux dossiers impliquant des hommes forts du royaume… Même le Polisario s’y était mis en parlant de dossiers relatifs aux sommes dépensées par Rabat pour soudoyer les notables sahraouis et les cadres de la RASD qui ont rallié le Maroc.
La démission d’El Himma de l’Intérieur
LES FAITS. Mardi 7 août 2007. L’information tombe tel un couperet : Fouad Ali El Himma, ministre délégué (mais véritable patron) de l’Intérieur démissionne de ses fonctions. La décision prend de court tout le landerneau politique. Compagnon de classe de Mohammed VI et chef de son cabinet, El Himma a été nommé au poste en 1999. Depuis, il est devenu l’homme fort de la “mère des ministères” et l’interlocuteur incontournable de la classe politique. “Départ voulu ou forcé ? Pour quelles raisons ?…”, s’interrogeait à l’époque la classe politique.
LA VERSION OFFICIELLE. C’est l’agence officielle MAP qui met fin aux spéculations au sujet du retrait d’El Himma : “Le souverain a donné sa haute bénédiction à la demande de M. Fouad Ali El Himma de voir mettre fin à ses fonctions de ministre délégué à l’Intérieur et a bien voulu accéder à son souhait de se présenter aux prochaines élections législatives”. Par la suite, El Himma multiplie les sorties médiatiques pour rassurer les acteurs politiques, qui ne voyaient pas d’un bon oeil cette intrusion. “Ma démarche ne répond à aucun agenda politique”, répétait-il.
LES ZONES D’OMBRE. Au départ, on le disait en disgrâce. Mais, très vite, on va se rendre compte qu’El Himma n’a rien perdu de son influence. Pour sa première séance parlementaire à l’ouverture de l’année législative, le député de Rhamna quitte l’hémicycle à bord du cabriolet royal conduit par… Mohammed VI lui-même. Avant même de constituer son parti, il ne trouve aucun mal à constituer un groupe parlementaire et prendre la tête d’une commission stratégique de l’hémicycle. Plus tard, ce sera la création du Parti authenticité et modernité (PAM), qui devient rapidement la première force politique du royaume : carton plein aux communales de 2009 avec six présidences de région (sur 16) et le perchoir de la Chambre des conseillers. Créer une formation politique capable de prendre le pouvoir était-il prévu avant même la démission d’El Himma ? Le scénario a-t-il été approuvé par Mohammed VI lui-même ? Quoi qu’il en soit, avec le Printemps arabe, le plan (s’il y en a un) a quelque part capoté. Le PAM devient la cible des manifestants du M20 qui demandent la tête d’El Himma. Mais l’ingénieur en chef des premières échéances électorales de Mohammed VI (2002 et 2003) a plus d’un tour dans son chapeau. Nombreux sont les observateurs qui voient sa main secrète derrière les grandes manoeuvres préélectorales à la veille des législatives.
Le retrait du projet de Loi de Finances 2012
LES FAITS. Quelques minutes après son dépôt au parlement, le projet de Loi de Finances est retiré en catastrophe par le Secrétariat général du gouvernement dans la nuit du 21 septembre 2011. Conséquence : le grand oral de l’argentier du royaume devant les élus de la nation, prévu pour le lendemain, est reporté sine die. Les parlementaires sont prévenus tard dans la nuit, par sms, de ce cafouillage.LA VERSION OFFICIELLE. Dans ce genre d’affaires, c’est au porte-parole du gouvernement de s’y coller. Khalid Naciri déclare alors que “la décision (de retirer la Loi de Finances) est justifiée par l’agenda chargé des deux chambres qui planchent toujours sur les lois électorales”. Pour l’opposition, cet argument ne tient pas la route.
ZONES D’OMBRE. Les membres du gouvernement se seraient-ils soudainement aperçus que l’agenda du parlement était surbooké ? Cela leur a-t-il complètement échappé lors du Conseil des ministres qui a validé la mouture de la Loi de Finances ? Et puis, dans l’hémicycle, la commission de législation qui traite des lois électorales n’est-elle pas complètement séparée de la commission des finances qui planche sur le projet de budget ? Difficile donc de donner du crédit à la version du gouvernement selon laquelle on n’a pas voulu encombrer les parlementaires. Une thèse plus cohérente apparaîtra avec le dépôt de la version “remaniée” du projet de Loi de Finances. Entre la première mouture et la dernière, des mesures ont tout bonnement sauté. Le très attendu fonds de solidarité sociale, présenté au départ comme l’innovation majeure du budget 2012, a ainsi été supprimé. Ce mécanisme de redistribution de richesses devait être financé à hauteur de 2 milliards de dirhams par une contribution des banques, des assurances, des organismes de crédit et des opérateurs télécoms. Le lobby de la bancassurance et des opérateurs télécoms aurait-il fait plier le gouvernement ? Abbas El Fassi lui-même va l’admettre devant les membres du comité exécutif de son parti. “Je n’étais pas au courant du retrait du texte de Loi de Finances du parlement”, leur a confié le chef des Istiqlaliens, qui a évoqué un fort lobby qui a su plaider sa cause en haut lieu. Comment cela s’est-il passé concrètement ? On ne le saura peut-être jamais.
L’existence d’une prison secrète à Témara
LES FAITS. Depuis 2001, plusieurs associations marocaines et internationales de défense des droits de l’homme dénoncent l’existence, au siège de la DST à Témara, d’une prison secrète. Plusieurs détenus salafistes affirment y avoir été torturés pendant plusieurs semaines en dehors de tout contrôle judiciaire. Selon les rapports d’organisations internationales, ce centre de détention aurait également accueilli des pensionnaires étrangers, poursuivis pour terrorisme international.
LA VERSION OFFICIELLE. Devenu une des cibles préférées des manifestants du Mouvement du 20 février qui avaient même tenté de s’y rendre, le centre de Témara a exceptionnellement ouvert ses portes, le mercredi 18 mai 2011, à des magistrats, des parlementaires et aux dirigeants du Conseil national des droits de l’homme (CNDH). Résultat : tous ont affirmé n’avoir constaté l’existence d’aucune prison secrète. “Le bâtiment de Témara accueille le siège administratif de la DGST”, ont-ils conclu.
LES ZONES D’OMBRE. Après leur visite à Témara, le président et le secrétaire général du CNDH (tous deux d’anciens militants des droits humains) ont tenu à nuancer que, durant leur visite, ils n’ont relevé “aucun indice laissant supposer que ce lieu est réservé à une quelconque détention illégale”. La précision est de taille. Le communiqué rédigé par Driss El Yazami et Mohamed Sebbar pourrait laisser croire qu’une telle prison a effectivement existé par le passé. “C’est possible, mais je vous mets au défi de me sortir un cas de détention secrète à Témara depuis l’installation du CNDH”, nous avait déclaré le SG du CNDH. Le Maroc semble ainsi avoir tourné la page sans prendre la peine de la lire et de déterminer
les responsabilités de chacun dans les exactions qui ont pu être commises au centre de Témara. Pourtant, ce centre revient souvent dans des affaires judiciaires aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne où d’anciens détenus de Guantanamo affirment avoir été torturés au Maroc.
Le putsch de Mezouar à la tête du RNI
LES FAITS. Le 23 janvier 2010, le ministre de l’Economie est couronné chef du RNI à la suite d’un véritable plébiscite. Le président sortant, Mustapha Mansouri, est quant à lui désavoué par une écrasante majorité des membres du parti des Bleus. Ce vote à double tranchant est l’épilogue d’une bataille rangée qui oppose Mezouar et Mansouri depuis octobre 2009. Le premier est à la tête d’une armée de réformateurs alors que le second compte sur les doigts d’une main les caciques du parti qui le soutiennent encore.LA VERSION OFFICIELLE.
Salaheddine Mezouar a justifié sa fronde par le désir de moderniser le RNI, accusant son président de mauvaise gestion et d’avoir sclérosé le parti en étant trop dirigiste. Mezouar a affirmé vouloir faire souffler le vent du renouveau en faisant de la “politique autrement”, un slogan des spécialistes de la com’ qu’il a engagés pour moderniser l’image du parti. Il veut ouvrir sa formation aux jeunes, aux femmes et aux élites avec pour objectif d’atteindre les 200 000 adhérents.
LES ZONES D’OMBRE.
Fouad Ali El Himma est-il derrière l’accession de Mezouar à la tête du RNI ? La question s’est posée très vite après l’intronisation du ministre de l’Economie. Car Mezouar, dès sa prise de pouvoir, a évoqué une alliance possible avec le PAM, alors que son prédécesseur fustigeait ce parti, affirmant qu’il “ramène le Maroc en arrière, aux années de plomb”. Mezouar s’est d’ailleurs appuyé, pour prendre le pouvoir au RNI, sur un groupe de réformateurs ayant un pied dans le parti des Bleus et l’autre au sein du Mouvement pour tous les démocrates (MTD), la matrice du PAM. L’alliance du G8, qui a réuni récemment le RNI et le PAM dans un front anti-PJD, n’a fait que confirmer les inquiétudes des observateurs de la chose publique.
La bipolarisation du champ politique prônée par Mezouar servirait un autre dessein. Pressenti comme futur Premier ministre à l’issue des législatives, Mezouar serait-il le Cheval de Troie du parti d’El Himma ?Le décès de Moul Sebbat
LES FAITS. Abdelhak Bentassir, alias “Moul Sebbat”, décède après son arrestation au lendemain du 16 mai 2003. Ce fabricant de chaussures (ce qui lui vaut son surnom) a été présenté comme la tête pensante des attentats terroristes qui avaient secoué Casablanca. Moul Sebbat aurait été l’émir de la cellule kamikaze qui est passée à l’acte et aurait lui-même désignés les endroits ciblés.
LA VERSION OFFICIELLE. Moul Sebbat serait mort, lors de son transfert à l’hôpital, des suites d’un malaise cardiaque, mais aussi de problèmes au foie survenus alors qu’il était entre les mains de la police. Le Parquet de Casablanca, chargé de l’affaire, affirme qu’une autopsie menée par quatre légistes a conclu au décès d’une malaise cardiaque de Moul Sebbat, le 26 mai, soit un jour seulement après son arrestation.LES ZONES D’OMBRE. D’abord Abdelhak Bentassir est arrêté le 21 et non le 25 mai. Il aurait été interpellé près de son domicile par une petite armée de policiers en civil. Et puis, à en croire sa famille, la victime, père de deux enfants, était un sportif qui n’avait aucun souci de santé et ne prenait aucun médicament. Toujours selon ses proches, qui ont eu l’autorisation d’identifier son corps à la morgue de Casablanca, la dépouille de Abdelhak Bentassir était méconnaissable vu les marques de torture qu’elle portait. Pourtant, les requêtes présentées par des ONG pour demander une contre-autopsie et une contre-enquête judiciaire sont restées lettre morte. Enfin, lors du procès des kamikazes de réserve, il n’a jamais été question des procès-verbaux des interrogatoires de Moul Sebbat. Le contenu des livres et documents saisis chez lui n’a jamais été révélé non plus. Les secrets de Moul Sebbat (s’il en détenait vraiment), il les a emportés dans sa tombe.
Le crash du C130 militaire
LES FAITS. Un avion militaire marocain s’écrase près de Guelmim dans la matinée du 26 juillet 2011. Le C130 effectuait un vol de routine reliant Dakhla à Kénitra, avec des escales à Laâyoune, Guelmim et Agadir. 81 personnes, civiles et militaires, étaient à bord. Aucune n’a survécu. Trois jours de deuil national ont été décrétés suite à ce qui reste comme l’une des catastrophes aériennes les plus meurtrières dans l’histoire du pays.
LA VERSION OFFICIELLE. La boîte noire de l’appareil a bien été récupérée par les enquêteurs. Ces derniers ont également procédé à l’audition des responsables de la tour de contrôle de l’aéroport de Guelmim, mais rien n’a filtré concernant les détails de l’accident. Officiellement, le drame est attribué aux mauvaises conditions étéorologiques dans la région.LES ZONES D’OMBRE. Vu qu’il s’agit d’une investigation militaire, il y a très peu de chances que les FAR communiquent, un jour, sur les résultats officiels de l’enquête. Cela aurait pourtant aidé à résoudre plusieurs énigmes liées à cette catastrophe aérienne. La première a trait à la nature même de l’appareil. Le C130 a en effet la réputation d’être quasi indestructible. Capable de se poser sur tous les terrains (même les plus accidentés), il est doté de radars assez sophistiqués qui lui permettent de se poser ou de décoller en toutes circonstances. C’est, ensuite, un vol assez routinier qu’effectuent plusieurs fois par semaine les pilotes de l’armée de l’air marocaine. Ils connaissent donc très bien la région et sont habitués au brouillard épais qui enveloppe, tous les matins, cette partie de la côte atlantique sud. Qu’est-ce qui a donc fait défaut cette fois ? Comment expliquer le crash du C130, à quelques kilomètres seulement de l’aéroport de Guelmim ? Est-ce vrai que la flotte aérienne militaire souffrirait d’une négligence au niveau de la maintenance ? On n’en saura jamais rien. Sauf que quelques semaines après le crash, de hauts gradés de l’armée de l’air auraient été mis à la retraite. Est-ce lié aux premiers résultats de l’enquête ?
Les morts d’Al Hoceïma
LES FAITS. Le 20 février 2011, c’était la toute première marche organisée par le M20. A l’issue des rassemblements qui ont réuni des milliers de personnes dans plusieurs grandes villes du royaume, des actes de vandalisme sont signalés. Mais à Al Hoceïma, c’est encore plus grave. Dès le début de soirée, on évoque la découverte d’un cadavre calciné dans une agence bancaire incendiée. Le lendemain, le nombre de cadavres est finalement de cinq : des jeunes âgés de 17 à 25 ans que rien ne rassemble. A priori, ils ne se connaissaient pas, n’avaient pas d’antécédents judiciaires et venaient de différents quartiers.
LA VERSION OFFICIELLE. Le Parquet de la Cour d’appel d’Al Hoceïma parle d’un incendie provoqué par des casseurs au moment où les cinq jeunes hommes s’étaient introduits à l’intérieur de l’agence bancaire avec l’intention de la piller. Deux autopsies, ordonnées par la justice, sont là pour appuyer les dires du Parquet et attester que les cinq dépouilles ne portaient pas de traces de violences ou de torture.LES ZONES D’OMBRE. Les familles et des membres du M20 à Al Hoceïma émettent des doutes sur les conditions réelles du décès des cinq jeunes hommes. Certains affirment les avoir vus, pourchassés dans la rue ou dans le commissariat de police, en début de soirée. Soit bien après le déclenchement du premier incendie vers 19 h. Les familles des victimes soutiennent ainsi que leurs proches seraient tombés sous la torture puis emmenés dans cette agence bancaire, où un incendie aurait été provoqué pour maquiller le tout… Pour ne rien arranger, le procureur de la ville a toujours refusé de permettre aux familles d’accéder au contenu des enregistrements des caméras de surveillance de l’agence bancaire et ceux de trois autres agences qui se trouvent sur la même avenue Mohammed V. D’ailleurs, trois jours après le drame, l’agence fait peau neuve, ne permettant plus aucune contre-expertise sur le départ d’incendie. Et dix mois après les faits, l’enquête est au point mort.
Le procès des “satanistes”
LES FAITS. Le 16 février 2003, une chasse aux sorcières ubuesque prend place à Casablanca. Quatorze musiciens, âgés de 22 à 35 ans, sont accusés de satanisme par les autorités. Les “pièces à conviction” saisies lors des différentes perquisitions aux domiciles des prévenus sont d’une légèreté accablante pour le Parquet : des Tshirts noirs, un recueil de poésie, des cendriers en forme de crâne… En gros, l’unique “tort” de ces musiciens est d’aimer jouer du hardrock et du metal.
LA VERSION OFFICIELLE. “Atteinte à la religion musulmane”, “dégradation des moeurs, incitation à la débauche et actes attentatoires à la religion musulmane” sont les chefs d’inculpation mis en avant par le juge. Au bûcher dressé par le tribunal de Casablanca, le 6 mars 2003, les 14 musiciens sont condamnés à des peines allant d’un mois à un an fermes. Néanmoins, une immense mobilisation menée par un collectif de soutien a permis de libérer les 14 musiciens quelques jours seulement après le verdict.
LES ZONES D’OMBRE. Aujourd’hui encore, personne ne sait exactement ce qui a poussé à une telle bavure judiciaire, ni qui a donné l’ordre de giboyer des innocents. Les théories vont bon train : pour certains, c’est un malheureux excès de zèle de la part des policiers, qui ont profité d’un déplacement du roi pour faire ce qu’ils voulaient. Pour d’autres, c’était, au contraire, une manière de faire montre de la clémence de Mohammed VI, qui a repris les choses en main à son retour. D’autres encore parlent d’une princesse qui aurait vécu en face du café où les métalleux avaient pour habitude de se réunir et qui se serait plainte du bruit… Ce qui est sûr, c’est que l’affaire des 14, comme on l’appelle aujourd’hui, a souffert énormément de la mauvaise foi et de l’ignorance des autorités. “Aash dakom l’shi hard rogen ?”, avait demandé un policier aux accusés lors des interrogatoires. Au procès, parmi les questions posées aux musiciens par le juge, on retient celle dont on rit aujourd’hui : “Pourquoi n’écoutez-vous pas Fatna Bent Lhoucine ?”.
Le meurtre du garde du corps du roiLES FAITS. Abdellah Salim Saïdi, garde du corps de Mohammed VI, est attaqué chez lui en plein centre de Rabat, à deux pas de la préfecture de police de la capitale. Dans cette nuit du 8 au 9 juillet 2011, les voisins entendent des coups de feu, mais personne ne pouvait deviner que c’était un man in black du roi qui était au tapis. Transféré à l’hôpital, Saïdi décède le 12 juillet à l’âge de 47 ans.
LA VERSION OFFICIELLE. La DGSN s’empresse de diffuser un communiqué censé restituer le cours des événements : deux cambrioleurs se seraient introduits dans le domicile du commissaire Saïdi. Quand ce dernier les surprend, une fusillade éclate où le garde du corps et un de ses assaillants sont blessés. Le présumé cambrioleur, arrêté sur place avant d’être hospitalisé, est présenté comme un individu au casier judiciaire bien garni. Le deuxième, en fuite, est “activement” recherché.LES ZONES D’OMBRE. Les conclusions de l’enquête n’ont jamais été rendues publiques. Pourtant, nombreuses sont les questions qui restent en suspens. Exemple : les balles ayant blessé mortellement le commissaire Saïdi et son agresseur provenaient-elles de la même arme ? On ne sait rien non plus sur la véritable identité des agresseurs si ce n’est que l’individu arrêté est un habitant de Rabat répondant au surnom de Bidaoui. Et puis, qu’est-il advenu de ce fameux Bidaoui ? A-t-il seulement survécu à sa blessure ? Dans quelle prison est-il en train de croupir ? Le deuxième agresseur court-il toujours ou a-t-il été interpellé ? La police se refuse à toute déclaration et, quatre mois après les faits, aucun procès n’est en vue. Dans la rue r’batie en revanche, les versions au sujet de ce fait divers pas comme les autres sont nombreuses. La plus répandue (et à la fois la plus soft) soutient que les trois hommes se connaissaient bien et qu’il aurait été question d’une nuit entre amis où les choses ont dégénéré. Abdellah Saïdi était d’ailleurs une figure publique de la capitale, chose assez rare pour les gardes du corps de Mohammed VI.
Le blocage des licences télé
LES FAITS. Lundi 23 avril 2009, la Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) prend tout le monde de court et annonce qu’aucune licence télé ne sera accordée. Parmi les recalés, on compte de prestigieux candidats : Mounir Majidi, Othman Benjelloun, Fouad Ali El Himma, Aziz Akhannouch… La libéralisation du paysage audiovisuel marocain, tant promise par l’Etat, n’a pas eu lieu.
LA VERSION OFFICIELLE. Le CSA (Conseil supérieur de l’audiovisuel, organe de la HACA) avance dans un communiqué laconique que, “compte tenu de facteurs conjoncturels et sectoriels intervenus depuis le mois de septembre 2008, notamment la dégradation de la situation du marché publicitaire, ainsi que la crise traversée par Medi1 Sat et le risque encouru pour le secteur dans son ensemble pouvant compromettre l’équilibre et la viabilité des opérateurs audiovisuels publics et privés existants”, le conseil des sages a décidé de mettre en veille l’octroi de toute licence télé, en attendant d’y voir plus clair dans le secteur.
LES ZONES D’OMBRE. C’est un secret de polichinelle. A l’époque de la course aux licences, seules deux fréquences hertziennes étaient disponibles. Or, une de ces fréquences allait être occupée à court terme par Medi 1 Sat, devenue depuis Medi1 TV. Présageant cela, les sages de la HACA ont pu se retrouver face à un dilemme cornélien : qui choisir parmi les deux amis du roi en lice, Fouad Ali El Himma ou Mounir Majidi ? L ’argument de contraction du marché publicitaire n’était-il pas pris en compte dans les business plans des soumissionnaires ? A qui est revenue la décision de désavouer tous les candidats ? A Mohammed VI en personne, comme avancent certains ? Ce blocage du processus de libéralisation ne serait-il pas motivé par la seule volonté politique de garder le paysage audiovisuel verrouillé et de faire écran à la concurrence ? Car, en définitive, depuis le début du règne de Mohammed VI, une seule chaîne (Medi1 TV) s’est vu délivrer le précieux sésame. Et, depuis, des investisseurs publics sont venus squatter le tour de table de la chaîne tangéroise. Résultat, l’Etat préserve son monopole et son contrôle sur le champ médiatique, alors que de nombreux discours de Mohammed VI ont laissé entendre (et espérer) une libéralisation de l’audiovisuel.
Les milliards de MawazineLES FAITS. 11 janvier 2011. En conflit judiciaire avec ses ex-employeurs du groupe émirati Taqa, maison-mère de la centrale électrique de Jorf Lasfar (Jlec), l’ancien directeur général du groupe, Peter Barker, envoie par l’intermédiaire de ses avocats une lettre à l’autorité du marché américain (la SEC). Il y dénonce les pratiques douteuses du groupe émirati coté à la Bourse de New York. L’homme affirme, entre autres, avoir reçu l’ordre de son patron de “verser 5 millions
de dollars par an à Hassan Bouhemou (PDG du holding royal SNI), pour financer un festival de musique (…) afin que Taqa décroche le feu vert pour procéder à l’extension de la centrale électrique de Jorf Lasfar”.LA VERSION OFFICIELLE. Ces accusations, portées par Peter Barker, n’ont été ni démenties ni confirmées par les patrons du groupe Taqa. Côté Maroc, c’est le manager du business royal, Hassan Bouhemou, qui est monté au front pour dénoncer ces “allégations”. Il s’est par la suite fendu d’un communiqué de presse où il annonce avoir décidé de porter l’affaire en justice pour “que la vérité soit établie sur les soubassements de cette opération de diffamation”.
LES ZONES D’OMBRE. Filiale du groupe Taqa, Jlec n’est pas une entreprise ordinaire. Titulaire depuis 2007 d’une concession d’exploitation des centrales thermiques de Jorf Lasfar, elle produit environ la moitié des besoins du Maroc en électricité… Et a un seul client : l’ONE, qui est obligé de par le contrat de concession d’acheter toute la production de la firme, sur une durée de 30 ans à un prix réglementé ! Ce n’est pas tout. Deux ans après son entrée en jeu dans le royaume chérifien, la société obtient, dans une cérémonie présidée par Mohamed VI lui-même dans son palais de Fès, l’autorisation de construire deux nouvelles centrales thermiques pour doubler sa production. Et c’est depuis ce momentlà que l’entreprise est devenue le sponsor majeur du festival Mawazine, présidé depuis 2007 par le secrétaire particulier du roi, Mounir Majidi, et patron de Hassan Bouhemou. Hasard du calendrier ? Et pourquoi donc une entreprise qui n’a qu’un seul client (l’Etat) irait-elle sponsoriser un festival grand public à coups de millions de dirhams ? Détentrice d’un contrat juteux dans le royaume chérifien, Jlec aurait-elle voulu renvoyer l’ascenseur en finançant le festival royal ? La réponse viendra peut-être du Michigan, où le procès de Peter Barker contre Taqa est toujours en cours. En attendant, on se contentera de cette explication du porte-parole de Mawazine : “Jlec est une société privée qui fait ce qu’elle veut de son argent”. Oui, bien sûr.L’affaire du TGV
LES FAITS. Septembre 2011. Le président français Nicolas Sarkozy se déplace à Tanger pour lancer officiellement, avec Mohammed VI, les travaux de la première ligne de train à grande vitesse reliant Tanger à Casablanca. Un véritable bijou de technologie qui réduira de 2 heures la durée du voyage entre les deux pôles économiques du royaume. Coût du projet : 20 milliards de dirhams, dont une moitié sera couverte par des financements et des dons français et l’autre par le budget de l’Etat et des financements de pays du Golfe.
LA VERSION OFFICIELLE : Selon nos décideurs, ce projet pharaonique a été concrétisé pour doter le pays d’une nouvelle infrastructure ferroviaire et pour accélérer le développement du “Maroc régional”, en réduisant les temps de voyage. Choix stratégique pour le développement du Maroc, le projet TGV devra être prolongé plus au sud vers Marrakech, puis Agadir à l’horizon 2035. Une autre ligne, dite “maghrébine”, sera lancée dans la foulée, pour relier la capitale de l’Oriental, Oujda, à Casablanca, en passant par Fès.
LES ZONES D’OMBRE. C’est en octobre 2007 que l’on a entendu, pour la première fois, parler du TGV marocain, en marge de la première visite au Maroc de Nicolas Sarkozy. Dans le temps, les relations franco-marocaines étaient très tendues. Fraîchement élu, Sarkozy apprend que Rabat renonce à l’achat de 20 avions de chasse Rafale préférant une offre américaine plus compétitive : 24 chasseurs F16 pour 500 millions d’euros en moins. “Après cette date, les fils sont coupés : les interlocuteurs marocains des Français ne les prennent même plus au téléphone”, raconte le journaliste français Jean Guisnel dans son livre Armes de corruption massives. En juillet de la même année, Mohammed VI exige le report de la visite de Sarkozy au Maroc après avoir appris que le nouveau président français allait d’abord passer par Alger avant d’atterrir à Rabat. Rien ne va plus, jusqu’à ce que, trois mois plus tard, Sarkozy arrive finalement au royaume, pour remettre les relations avec son ami sur les rails. Dans ses bagages, il repartira avec le contrat TGV, qui a tout d’un cadeau royal offert au nouveau VRP de France, en compensation de l’échec de la transaction de Rafale. D’ailleurs, le contrat du TGV est passé sans appel d’offres et sans consultation préalable des parlementaires. Mais, depuis, les relations entre le Maroc et la France ont repris leur train-train habituel.
La méga-fusion ONA–SNILES FAITS. Le 26 mars 2010, un big-bang secoue la place casablancaise. Le holding royal annonce une méga-opération séquencée en trois phases : retrait de la Bourse de Casablanca des titres ONA et SNI, fusion de ces deux gigantesques holdings et revente d’un paquet de filiales.
Avant la fin de l’année, les deux premières phases sont bouclées : les deux holdings ne font plus qu’un, il s’appelle SNI.
LA VERSION OFFICIELLE. Dans un dossier de presse distribué aux médias, les managers des affaires royales ont tenté, comme ils ont pu, de donner du sens à ce chamboulement capitalistique, le plus important que le Maroc ait jamais connu. On parle de “nouvelle vocation du groupe”, de “volonté de se conformer aux standards internationaux puisqu’il est de plus en plus rare de par le monde de voir des holdings cotés qui sont essentiellement constitués d’actifs eux-mêmes cotés, ce qui est le cas de SNI et ONA”. Une couleuvre difficile à avaler vu le coût stratosphérique de l’opération.
LES ZONES D’OMBRE. C’est bien trop cher payé pour croire en la simple volonté de se conformer aux standards internationaux. Majidi et Bouhemou sont de vrais professionnels de la finance et ont toujours fait preuve d’ingéniosité pour profiter des brèches réglementaires, de manière à optimiser les investissements de leur patron, la famille royale en l’occurrence. Tout dans le déroulement de l’opération laisse croire que c’est une première réfléchie à long terme et que son véritable objectif est d’éloigner le business royal des radars du marché financier, avec toutes ses contraintes de transparence. Elle est intervenue alors que la Loi de Finances venait d’accorder un cadeau fiscal aux opérations de fusion, les banques ont ouvert les vannes du crédit sans discuter, pour financer l’achat des actions auprès du grand public, les partenaires étrangers du groupe royal ont mis la main à la poche et les investisseurs institutionnels marocains conservent leurs titres de manière à ne pas rendre plus chère l’opération, qui a coûté au final 10 milliards de dirhams.Depuis, le groupe, même s’il n’a pas encore réalisé de nouvelles acquisitions ou même réalisé les cessions promises, évolue dans l’ombre. Ne serait-ce que pour publier sommairement ses comptes, l’autorité du marché doit régulièrement lui administrer des piqûres de rappel.
La rupture avec l’Iran
LES FAITS. Le vendredi 6 mars 2009, un communiqué du ministère des Affaires étrangères annonce le rappel du chargé d’affaires marocain en Iran. Quelques jours plus tard, l’ambassadeur iranien au royaume est également rappelé chez lui. Entre Rabat et Téhéran, rien ne va plus.
LA VERSION OFFICIELLE. Selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères, la décision de rappeler le représentant diplomatique au pays de Khomeïni intervenait suite à une déclaration de Téhéran, considérant l’Etat de Bahreïn comme la quatorzième province iranienne. Cette proclamation a suscité une contestation par le Maroc au plus haut niveau : le roi avait émis un message de soutien au royaume de Bahreïn. Mais le divorce avec l’Iran se justifie aussi par la chasse au chiisme. Téhéran est accusé de soutenir un activisme visant à altérer les fondamentaux religieux du royaume, à s’attaquer aux fondements de l’identité ancestrale du peuple marocain et à tenter de menacer l’unicité du culte musulman et le rite malékite sunnite au Maroc.
LES ZONES D’OMBRE. Plusieurs câbles diplomatiques révélés par Wikileaks relèvent l’implication de l’Arabie Saoudite, l’autre monarchie du Golfe, dans cette rupture, et placent le conflit dans le cadre de la bataille pour l’hégémonie dans la région. Dans une correspondance entre le diplomate américain au Caire et son collègue à Rabat, le premier a expliqué que “les Saoudiens ont sensibilisé personnellement le roi Mohammed VI, et non le gouvernement marocain qui a été tout aussi surpris que le reste du monde par cette rupture des relations diplomatiques”.
Le câble Wikileaks évoque également l’inquiétude du Maroc quant à “l’éventuelle acquisition par l’Iran d’armes atomiques”. En prenant la décision de rompre avec Téhéran, le roi a donc fait d’une pierre deux coups : plaire aux Etats-Unis, très hostiles au régime d’Ahmadinejad, et maintenir ses excellentes relations avec l’Arabie Saoudite. Pour quelle contrepartie ? On n’en sait rien.
Les poursuites contre Khalid Oudghiri
LES FAITS. Le 1er août 2008, Abdelkrim Boufettas, membre d’un richissime clan soussi, dépose plainte pour une affaire de corruption impliquant Khalid Oudghiri. L’ancien patron d’Attijariwafa bank (filiale du holding royal), “démissionné” en 2007. Selon l’accusation, il aurait touché, par l’intermédiaire d’un notaire, un pot-de-vin de 35 millions de dirhams dans une transaction immobilière. Un mandat de recherche international est émis contre Oudghiri. Exilé entre le Canada et la France, celui-ci ne s’est jamais présenté au procès.
LA VERSION OFFICIELLE. Boufettas avait du mal à rembourser son crédit bancaire de 175 millions de dirhams. En 2004, la banque enclenche alors la procédure de recouvrement et met aux enchères une parcelle de 53 hectares du terrain en hypothèque. Mais, au dernier moment, un nouveau protocole de remboursement est négocié. C’est à ce moment-là que Oudghiri et son complice de notaire auraient touché une commission de 20 MDH et auraient récidivé un an plus tard (15 MDH de plus) pour pousser l’homme d’affaires à vendre son terrain. Pour ces actes, l’ancien banquier numéro 1 du royaume a été condamné par contumace à 10 ans de prison pour complicité de corruption.
LES ZONES D’OMBRE. Plusieurs questions s’imposent quand on entreprend de faire le tri dans cette affaire aux innombrables ramifications. Première interrogation : pourquoi Boufettas a-t-il mis 4 ans avant de décider de tout déballer ? Son argumentaire, selon lequel il manquait “de preuves matérielles”, ne tient pas la route puisque lesdites preuves reposent d’abord sur de simples témoignages. Autre question : pourquoi certains témoins-clés (principaux dirigeants de la banque et les autres membres de la famille Boufettas) n’ont pas été auditionnés ? Nombreux sont les observateurs qui voient cette affaire comme un règlement de compte. C’est un secret de polichinelle : Oudghiri ne s’entendait pas du tout avec ses employeurs, les gestionnaires des affaires royales. Ne serait-il donc in fine coupable que de “sale caractère et d’excès de confiance” ? Lui ne s’est en tout cas jamais exprimé sur cette affaire, ni devant la justice ni devant les médias.
Un jour peut-être.
La crise de l’îlot Leila
LES FAITS. Le 10 juillet 2002, six membres des Forces auxiliaires marocaines débarquent sur l’îlot Leila, situé à 200 mètres des côtes marocaines. La réaction espagnole est immédiate. Le voisin ibérique y voit “une invasion d’un territoire espagnol” et dépêche une véritable armada. En tout, six bateaux de guerre et 24 éléments du groupe des actions spéciales ont été mobilisés pour faire prisonniers les six militaires marocains qui sont livrés dans des conditions humiliantes aux autorités marocaines.
LA VERSION OFFICIELLE. En débarquant sur l’îlot à la souveraineté contestée, les six membres des Forces auxiliaires comptaient établir, selon les autorités marocaines, un poste de contrôle dans le cadre de la lutte du royaume contre le trafic de drogue et l’immigration clandestine.LES ZONES D’OMBRE. En dépêchant ses militaires sur place, le Maroc savait que la réaction de l’Espagne serait vigoureuse. Les deux voisins se sont en effet mis d’accord, au début des années 90, pour maintenir le statu quo sur ce petit rocher, qui ne devait porter aucun “symbole représentatif d’une appartenance nationale”. Qu’est-ce qui a donc poussé le Maroc à rompre cet accord de manière subite et unilatérale ? Pour éviter l’escalade militaire en tout cas, la ministre des Affaires étrangères espagnole de l’époque, Ana Palacio, affirme avoir demandé à parler au roi Mohammed VI. En vain. Le Maroc n’a-t-il pas pris au sérieux cet ultimatum lancé par Madrid ? Par la suite, c’est une médiation américaine, menée par le secrétaire d’Etat à la Défense, Colin Powell en personne, qui a permis de rétablir le statu quo au sujet de “ce stupide bout de rocher”, pour reprendre l’expression de l’ancien responsable américain.
Source : Osservatore Internazionale per i diritti
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