Étiquette : pouvoir

  • Bennani: Le Makhzen est une machine à broyer les partis

    Bennani: Le Makhzen est une machine à broyer les partis. « Au Maroc, la scène électorale n’est plus le lieu de traduction des conflits qui travaillent la société »

    « Au Maroc, la scène électorale n’est plus le lieu de traduction des conflits qui travaillent la société ». La défaite des islamistes aux dernières élections confirme à quel point le système politique marocain est « une machine à broyer les partis », estime la politiste Mounia Bennani-Chraïbi dans une tribune au « Monde ».

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    Tribune. A la suite du triple scrutin – législatif, régional et communal – du 8 septembre, le mythe de l’exception marocaine est une nouvelle fois réactualisé. Depuis l’annonce de l’effondrement électoral du Parti de la justice et du développement (PJD, issu de la matrice islamiste), les uns proclament l’échec de l’islamisme, tandis que d’autres s’émerveillent, encore une fois, face à la « subtilité » de la monarchie marocaine. Alors que lesdits islamistes ont été écrasés dans le sang en Egypte et éliminés après un « coup de force » en Tunisie, des urnes « transparentes » auraient permis de les dissoudre dans le royaume.

    De tels récits occultent l’exacerbation de la crise de la représentation au Maroc. A cet égard, la thèse de l’échec de l’islamisme ne tient pas la route. Premièrement, le PJD ne représente que l’une des tendances politiques à référentiel islamique. A l’inverse de l’organisation Justice et Bienfaisance, très présente dans l’arène protestataire mais qui reste exclue du jeu politique institué, le PJD n’a jamais contesté la légitimité religieuse du roi, commandeur des croyants.

    Deuxièmement, il doit son triomphe aux législatives de 2011 et de 2016 aussi bien à l’électorat sensible à ses valeurs religieuses et identitaires qu’aux espérances qu’il a suscitées auprès d’électeurs avides d’une offre politique alternative. Ceux-là ont misé sur un personnel politique supposé « intègre », susceptible de lutter pour le « changement » et contre la corruption. Troisièmement, le PJD n’a pas perdu son électorat parce qu’il aurait mis en œuvre une politique islamiste qui se serait avérée inefficiente. Aux yeux d’une partie de l’opinion publique, il s’est révélé un parti politique comme les autres.

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  • Marruecos: el Rey no parece estar interesado por la gestión política (Wikileaks)

    Marruecos, Wikileaks, Mossad, Israël, Mohammed VI, pouvoir, #Marruecos,

    Mossad: Marruecos se está adaptando mejor a las cuestiones relacionadas con el terrorismo, aunque el Rey parece desinteresado en la gobernanza
    Una correspondencia diplomática clasificada de EEUU ha revelado que Dagan. M, que días antes fue jefe de la inteligencia exterior israelí « Mossad », dijo en una reunión sobre terrorismo con Francis Fragos, vicepresidente de EEUU para asuntos de seguridad nacional y contraterrorismo, que « Marruecos está haciendo un mejor trabajo de adaptación a los temas relacionados con el terrorismo, incluso si el Rey parece desinteresado en la gobernanza ».
    Los documentos oficiales informan de que « Marruecos cortó las relaciones con Irán a mediados de 2009 a petición de Arabia Saudí ».
    Los documentos publicados por el sitio web Wikileaks sobre los archivos del Reino de Marruecos indicaron que Marruecos se opone totalmente a que Irán adquiera armas nucleares, y pidió a la comunidad internacional que utilice todos los medios posibles y necesarios para impedir que Irán adquiera una bomba nuclear « porque esto animaría a Argelia a tenerla también » (..)
    De hecho, el documento reveló que el Secretario General del Ministerio de Asuntos Exteriores marroquí, Hallal, informó al embajador estadounidense de que « si Irán consigue un arma nuclear, sería una catástrofe para la región de Oriente Medio, especialmente para Marruecos, porque abriría la carrera armamentística » y aceleraría, lo que el funcionario describió como « el programa nuclear militar argelino ».
    En otro documento, de los archivos de Wikileaks, que se refieren a los escándalos en el reino marroquí, la embajada de Estados Unidos en Rabat dijo que el juicio de Belaâredj no fue justo. Otro documento reveló que Níger pidió a Marruecos en 2007 armas y equipos para hacer frente a los grupos terroristas en la región del Sahel.
  • La justice…une autorité ou un pouvoir ?

    par Madjid Khelassi

    Un ministre de la justice, en exercice, poursuivi par la justice de son pays ! Cela se passe en France , c’est-à-dire dans un pays juste séparé de l’Algérie par la mer Méditerranée.

    Le ministre en question, est mis en examen dans une affaire de conflit d’intérêt.

    Réagissant à cette mise en examen, le président français Emmanuel Macron déclare sans ambages : «la justice est une autorité. Pas un pouvoir. Je ne la laisserai pas devenir un pouvoir» !

    Question : cette situation (la mise en examen d’un ministre de la justice en poste) a-t-elle une miette de chance de se produire chez nous ?

    La réponse envisage cette possibilité uniquement dans une autre vie…politique.

    Car la justice chez nous est un pouvoir absolu. Ne dit-on pas pouvoir judiciaire, quand on évoque la justice ?

    Pouvoir, -qui mis à part quelques figures marquantes de la période post-indépendance, comme Amar Bentoumi , ou Abdelmalek Benhabyles- , fit perdre aux ministres du secteur, cette perception qui permet de rendre la justice selon le droit et la loi, et les égara dans une parodie de justice, qui plus tard fut nommée justice du téléphone ou justice de nuit.

    Lutte de clans…disait-on, quand des parties se déchirent dans la course aux postes et aux privilèges et dans laquelle la justice fut conviée pour faire un boulot aux antipodes de sa « sacralité ».

    Puis vinrent 4 règnes, presque 4 ères… qui, dans l’ère quaternaire, fit habiter la justice dans le tabernacle des scandales. Et où Louh incarna tout…sauf la justice.

    Louh à la justice fut un splendide oxymore, qui engendra, comme jamais auparavant, des conceptualités d’une perversité inimaginable. On appela ça la Issaba.

    La justice incarnée par la Issaba, explosa sur elle-même, et atomisa la plus importante charretée des dirigeants du pays depuis 62…( avec l’inattendue escale prison) et nous convainquit définitivement que l’Algérie n’était pas un pays mais une clique.

    Un ministre de la justice en exercice, mis en examen en France pour prise illégale d’intérêt…liberté, égalité, exemplarité. Des concepts jamais tâtés chez nous. Dans une autre ère peut-être .

    La Nation, 18/07/2021

    Etiquettes : France, Algérie, Eric Dupond-Moretti, justice, pouvoir, autorité, Emmanuel Macron,

  • Algérie : L’illusion du pouvoir… ou le baroud d’honneur

    Le pouvoir est une sémiotique complexe. Que se passe-t-il lorsque on veut le pouvoir ?

    «L’objet de pouvoir est « éloigné », il est convoité parce qu’hors de portée au départ, il appartient à un espace « utopique », à l’espace d’un autre à qui il faudra le prendre peut-être sur le modèle du pouvoir du Père que les fils convoitent, selon la psychanalyse). L’acte de rapprochement du pouvoir devient un acte de domination et d’appropriation. L’objet qui va symboliser le pouvoir devient la propriété de celui-ci qui l’a conquis » (1)

    Le pouvoir, puisqu’il s’agit d’une de ses manifestations ce vendredi 11 juin 2021, ou ce que nous pouvons désigner par classe dirigeante, a fait une démonstration des plus viles de son image. Ainsi, aux dires des spécialistes qui suivent la scène politique nationale, nous glissons inexorablement vers un Etat dictatorial.

    L’espace public en est interdit pour la société civile qui marche et scande hebdomadairement son désir de changer de régime et demande son départ. « Yatnahaw gaa » résume à lui seul tout un programme. En effet, bien que le régime interdise un temps, celui d’un été ou le temps d’une élection pour se donner une légitimité aux yeux du monde, le divorce est bien consommé entre lui et la société dans son ensemble.

    La modalité du pouvoir est toujours suivie de celle de haïr. Cela va de pair.

    « Y a-t-il une passion de pouvoir sans haine d’autrui (…) la haine est impuissance non seulement à aimer, à comprendre l’autre et à l’écouter, mais aussi impuissance tout court » (2).

    Notre régime n’a-t-il pas de haine envers nous qui le bravions chaque vendredi ; nous qui le dénoncions et continuons à le faire mêmes invisibles à ses yeux puisqu’il nous interdit l’espace public lequel est notre terrain d’expression. Cette haine qu’il diverse sur les manifestants qu’il arrête en les bastonnant. Cette haine qu’il exprime à travers les blindés bleus positionnés le long des rues de la capitale avec lesquels ils tentent de nous intimider. Il peut réussir cette manœuvre. Il peut insuffler cette peur et vider les rues de contestataires.

    La peur est un puissant sentiment de persuasion. Mais il ne peut pas nous faire adhérer encore un temps à son projet. Parce que le projet du régime se limite à sa perpétuation et son maintien au pouvoir. Le projet du régime met à l’écart des pans entiers de la société. Le projet du régime est le partage de la rente pétrolière entre affidés et courtisans. Le projet du régime est de posséder ce pays, dominer les citoyens, s’en servir à sa guise ; faire des citoyens ses sujets et en jouir comme il veut. Et dès l’instant où ces citoyens ne donnent pas satisfaction ou manifestent une résistance, on les brime.

    Le régime veut être conforté dans son pouvoir. Il veut une emprise totale sur la société sinon il se met en colère. Et quand il est en colère, il menace d’emprisonner, d’arrêter et de taire les voix dissidentes.

    Il a été un moment de l’Histoire de ce pays ou le régime a réussi ce coup de maitre : brandir la menace extérieure qui nous ravit et jalouse notre mère patrie, mère nourricière, qui ne peut pas être distinguée de ce même régime qui mène les affaires du pays. Cette confusion a été utilisée par des partis politiques, satellites du pouvoir, pour lui garantir un soutien inconditionnel.

    « Nous, citoyens modèles, devions et devons obéissance à la main qui nous nourrit. ».

    Ibn Khaldoun (1332-1406), cet historien musulman a travaillé sur la naissance et le déclin des dynasties. Ayant pour terrain d’investigation, le monde musulman de son temps, Ibn Khaldoun distingua quatre grandes étapes (générations) par lesquelles passe une dynastie. La première génération est celle dite révolutionnaire. Vivant à l’extérieur de la ville ou de l’espace citadin (le monde bédouin), et fort de l’esprit de aasabia (au sens de fidélité, esprit de corps), le bédouin mène une offensive contre la ville avec énergie et détermination. Le corps du groupe ne faisant qu’un, Le Bédouin conquit facilement la ville.

    « On a vu aussi qu’une dynastie ne dure, généralement, pas plus de trois générations. La première de celle-ci garde les vertus bédouines, la rudesse et la sauvagerie du désert (…) ; elle est courageuse et rapace.» (3)

    Nous pouvons repérer cette étape dans la génération qui gagna au lendemain de la guerre d’Algérie. Alors qu’elle était en périphérie, l’armée des frontières marcha sur Alger pour atteindre le Centre du pouvoir et l’incarner. « Ses membres sont tranchants et redoutés et les gens leur obéissent » (4) .

    « (…). La seconde génération passe de la vie bédouine à la vie sédentaire, de la privation au luxe et à l’abondance. (…). Les gens s’habituent à la servilité et à l’obéissance. (…). Ils vivent dans l’espoir du retour à l’éclat de la première génération ou dans l’illusion que celui-ci dure encore. » (5)

    A titre d’illustration, il est loisible de remarquer que dans les années soixante, même le Cinéma a été mis à contribution : faire perdurer l’éclat de la première génération ; celle-là qui chassa le Colon français. Le théâtre produit ses œuvres à la gloire des martyrs (la plus emblématique est sans doute la pièce écrite en 1974 par Tahar Ouettar : les Martyrs reviennent cette semaine).

    La troisième génération « a complétement oublié l’époque de la rude vie bédouine, comme si celle-ci n’avait jamais existé. Elle a perdu le goût de la gloire et des liens du sang parce qu’elle est gouvernée par la force. Le luxe est à son comble, car ses membres vivent dans la prospérité et le bien-être. Ils dépendent de la dynastie qui les protège comme des femmes ou des enfants.

    Les gens oublient de se défendre et de faire valoir leur droit. (…) ils trompent leur monde et donnent une fausse impression, avec leurs emblèmes, leur apparat, leurs montures et leur talent militaire. (…). En réalité, ils sont, pour la plupart aussi poltrons (…). Le souverain, a donc besoin pour le soutenir, du concours des gens plus braves. Il fait appel à sa clientèle, à sa suite »(6)

    Ne sommes-nous pas dans cette phase ? Le régime se sait dans une situation finissante. Il utilise la force coercitive des services de sécurité pour miroiter un semblant de légitimité. Ou pour le dernier coup de baroud.

    Cela va de soi qu’un calque du schéma de notre historien à l’identique serait fantaisiste tant les situations historiques observées et analysées par Ibn Khaldoun sont loin de nous. Mais l’adapter à notre réalité nationale semble satisfaisant. Les grandes lignes et forces directrices paraissent respectées. « A la quatrième génération, il ne reste plus rien de la gloire, du prestige ancestral. (…) quand la décrépitude arrive, il peut se faire qu’il n’ait pas de prétendant, sinon il ne rencontrerait aucune résistance » .

    Si l’Histoire donnait raison à Ibn Khaldoun, le pouvoir serait dans sa phase finale.

    Alors concédons lui ce dernier baroud d’honneur. Qu’il brime, qu’il arrête ou qu’il interdise un temps encore les rues citadines aux chants révolutionnaires, il n’en demeure qu’il se sait condamné….A céder la place.

    S. O.

    Renvois

    1- RALLO DITCHE Elisabeth, FONTANILLE Jacques, LOMBARDO Patrizia, Dictionnaires des passions littéraires, Paris, Belin, 2005, entrée Pouvoir (pp 266-278)

    2- RALLO DITCHE Elisabeth. Op. Cite. Page 268.

    3- IBN KHALDUN, Discours sur l’histoire universelle (al Muqaddima), traduction nouvelle, préface et notes par VINCENT MONTEIL, Beyrouth, 1967, page 334.

    4- IBN KHALDUN. Op. Cité. Page 334.

    5- IBN KHALDUN. Op. Cité. Page 334

    6- IBN KHALDUN. Op. Cité. Page 335.

    Auteur
    Saïd Oukaci

    Le Matin d’Algérie, 15 juin 2021

    Etiquettes : Algérie, élections législatives, illusion, baroud d’honneur, pouvoir, régime, Hirak,

  • Les métamorphoses du pouvoir en Afrique

    EXCLUSIF SENEPLUS – Le pouvoir sur le continent est calqué sur le post-colonialisme. Nous nous sommes retrouvés piégés par la capacité de mutation pour maintenir au pouvoir des régimes sous des formes vicieuses.
    « L’abus de pouvoir crée une société dans laquelle les hommes ne savent plus exercer leur liberté » – (N. Machiavel, Le Prince, chapitre XV).

    Roi, président, père « fondateur », « Maréchal », « père de la Nation », « gardien de la constitution », avec des attributs qui défient la rationalité de la question du pouvoir en Afrique. Les mots ont un sens et traduisent l’hyper-présidentialisation du pouvoir calqué sur la cosmétique du post-colonialisme. L’imaginaire des peuples africains subit les contrecoups de la régression de la démocratie représentative et génère des interrogations sur le modèle de gouvernance politique que nous voulons en Afrique.

    Les « pères fondateurs », héritiers de la colonisation, ont géré leur pouvoir à l’identique de l’ancien colonisateur, à savoir selon un régime représentatif dont la substance réside dans le fait que la volonté du peuple s’exprime à travers la médiation des représentants élus. C’est ainsi qu’ils ont reproduit en Afrique le gouvernement représentatif – ou la démocratie représentative – dont la pérennisation dépendait du bon vouloir de l’ancien colonisateur. Tous les présidents « fondateurs » se sont évertués à appliquer l’archétype d’un gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple, sans ancrage aucun sur les structures socio-politiques africaines. Ils ont exercé le pouvoir avec une quasi totale autorité dans un contexte où la conscience et l’action politique était réservée et dédiée à une élite qui jouissait de tous les pouvoirs au nom du peuple. Le Sénégal et le Burkina Faso furent les seuls à avoir tenté et initié un régime parlementaire qui n’a cependant pas survécu longtemps, basé sur la matrice fragile de la 4e République, laquelle a consacré la fin de la colonisation.

    En l’absence d’élections transparentes et sincères en Afrique (Résultats à la soviétique : 98,99%) combinées avec la persistance de la « guerre froide », la fragilité politique et étatique des gouvernances a produit des fortunes diverses, entre instaurations de partis uniques et de coups d’État en bien des pays. Alain Touraine définit la démocratie comme « le libre choix d’un gouvernement représentatif des intérêts de la majorité, respectueux du droit fondamental de toute personne humaine ». Cette définition de la démocratie des temps modernes nous interpelle sur l’effectivité des institutions politiques africaines, fondées sur le modèle de la démocratie et sa relation avec la légitimité des droits fondamentaux du peuple. La multiplicité des vecteurs endogènes et exogènes de la médiation sociale rend manifestement compte de la complexité de l’ancrage à chaque réalité nationale et du poids de leur emprise sociologique dans le contexte africain.

    Le modèle politico administratif postcolonial et l’aporie institutionnelle en Afrique

    Plus de soixante ans après les indépendances, la démocratie représentative connaît aujourd’hui des contours variables selon la maturité politique des dirigeants, mais ce système paraît en perte de souffle, voire plombé. Les pères fondateurs des indépendances ont connu simultanément des périodes fastes, couronnées de toute puissance, et des coups d’État suscités par l’arbitraire des régimes à parti unique. Ils s’étaient évertués à reproduire le modèle politique de la démocratie représentative hérité de la colonisation au nom de la construction des États-nations sur le même schéma politico-administratif de séparation factice des pouvoirs.

    Le premier coup de semonce a été donné par les conférences nationales à l’instar du Bénin (février 1990), du Gabon (27 mars au 19 avril 1990), du Congo (25 février au 10 juin 1991), du Niger (29 juillet au 3 novembre 1991), du Mali (29 juillet au 12 août 1991), du Togo (10 juillet au 28 août 1991), du Zaïre (7 août 1991 au 6 décembre 1992) et au Tchad (15 janvier au 6 avril 1993).

    Toutes ces conférences nationales combinées avec la maturation politique de l’opinion publique, avec notamment l’émergence d’une société civile responsabilisée et mobilisée, ont amorcé une démocratisation poussive avec des chefs d’État qui se sont appuyés sur ces conférences, qui pour consolider leur pouvoir, qui pour le perdre. Ce qui était un peu paradoxal, c’était le choix de clergés religieux, dans certains pays, pour diriger les conférences nationales et inciter aux transitions démocratiques. La géopolitique africaine subissait ainsi les contrecoups de la géopolitique mondiale avec la fin de la guerre froide entre les deux blocs. Le 20 juin 1990 à La Baule, dans son discours devant 37 chefs d’État africains, le président François Mitterrand avait fermement conditionné l’aide de la France à leur continent, à savoir la démocratisation et l’absolue nécessité de critères de « bonne gouvernance ». Cette déclaration, selon Moussa Traoré, a été à l’origine de sa chute, surtout pour n’avoir pas compris que le mouvement des étudiants maliens constituait le ferment et le socle de sa destitution que le général Amadou Toumani Touré (dit ATT) a précipités, récupérant le pouvoir pour le détourner habilement afin de maintenir le système politico-administratif existant. Mais l’histoire bégaye souvent au Mali : le même scénario est écrit en 2020, toujours avec des militaires qui exploitent, détournent, voire spolient le capital populaire du mouvement de la société civile pour faire semblant de changer de trajectoire politique, proclamée vertueuse, aux yeux, comme souvent mi-clos, des communautés africaine et internationale. L’absence de direction politique a facilité le détournement d’une forme de révolution contre le régime d’IBK fraîchement réélu en août 2018 (67,17 % des voix contre 32,83 % pour son adversaire Soumaïla Cissé) sur fond de corruption endémique, d’achat de voix et surtout de permanence violence terroriste au nord du pays.

    Cette situation illustre la fracture de l’Afrique à partir du prisme des héritages coloniaux entre les francophones, les Belges, les Anglais, les Portugais et les Espagnols. Les anciens territoires coloniaux anglais ont fait leur mue démocratique à travers deux modèles, à la fois démocratique et autoritaire avec l’Apartheid en Afrique du Sud et le bipartisme. Les pays lusophones ont connu une colonisation plus violente et étonnamment durable. Un seul pays hispanophone, la Guinée équatoriale, indépendante seulement en décembre 1968, est quant à lui tombé dans une dictature familiale, la plus longue de son histoire.

    Le système politique dans l’espace francophone est d’inspiration française avec une affectation singulière pour la constitution de 5e République. Les pères des indépendances, francophones dans l’âme et inféodés au système Jacques Foccart, ont donc prolongé et amplifié la gestion du pouvoir sur ce modèle sous prétexte de bâtir une nation forte, le multipartisme débridé s’avérant pour eux un danger.

    L’éthique de la démocratie et les mutations du pouvoir en Afrique

    L’éthique est la science de la morale et pourrait être le produit d’une réflexion sur les comportements qui rendent la société humainement acceptable, fondée sur des valeurs morales et solidaires dans la gestion de la cité. Nous assistons dès lors à un brouillage des repères idéologiques en politique depuis la chute du mur de Berlin, l’Afrique étant le terrain de prédilection de la guerre des blocs qui imposaient leur système politique selon l’appartenance ou l’allégeance d’un pays à leur doctrine.

    Juan Linz considère qu’un « gouvernement est démocratique quand il offre des opportunités constitutionnelles régulières pour la compétition pacifique en vue de la conquête du pouvoir politique ». Le multipartisme après les conférences nationales s’est accru sur le continent et a poussé les pays à mettre en place des codes électoraux consensuels et des structures de gouvernance électorale indépendantes. Il ne peut y avoir de démocratie selon les constitutionnalistes sans le pluralisme politique, économique, social et culturel, l’expression libre des choix, les pouvoirs politiques encadrés, l’État de droit et le respect de la Constitution. Nous nous sommes ainsi retrouvés piégés par la capacité d’adaptation et de mutation pour maintenir au pouvoir des régimes sous des formes vicieuses. Les régimes militaires issus des coups d’État ont pris l’option de se transformer en pouvoir civil en gagnant des élections pour se conformer à l’État de droit, tout en gardant la mainmise sur l’armée (Guinée Equatoriale, Guinée, Algérie, Mali, Tchad, Tunisie, Soudan, Burkina Faso, Rwanda, Congo Brazzaville, RDC, Éthiopie, Burundi, etc.). Il faut ajouter à cela l’immobilisme politique en Afrique centrale en complète hibernation pour les transitions démocratiques après plusieurs décennies au pouvoir.

    La démocratisation politique en Afrique avec l’avènement du multipartisme n’a pas épousé les contours et les dynamiques socio culturelles structurées autour de l’accès croissant aux connaissances, à l’urbanisation accélérée, l’inter-connectivité de l’Afrique au monde et le poids démographique de la jeunesse africaine.

    La démocratie représentative a atteint aujourd’hui ses dernières limites avec une baisse significative des taux de participation aux élections, des Assemblées nationales et un système judiciaire inféodés aux pouvoirs en place. L’examen de l’évolution du taux de participation aux élections présidentielles en Afrique (Nigeria 2019 : 34,8% – Sénégal 2019 : 66,2% – Guinée 2015 : 68,4% – Tchad 2015 : 66% – Côte d’Ivoire 2015 : 52,9% – Mali 2018 : 34,54 % – Égypte 2018 : 40% – Kenya 2017 : 38,8% etc.) renseigne sur la désaffection des populations envers la politique traditionnelle. Les contestations électorales sur la fiabilité des fichiers, le choix des instances de régulation des élections et les résultats manipulés, entraînent trop souvent des crises post-électorales qui aboutissent à l’arrestation, parfois à l’élimination, des opposants ou à l’encerclement de leurs domiciles (Niger, Bénin, Gabon, Guinée, Tchad, Soudan du Sud, Guinée-Bissau, Guinée Équatoriale, Kenya, Uganda, Côte d’Ivoire, Égypte, Algérie, etc.). La nouvelle aspirine inventée en Afrique francophone, c’est l’organisation de comités de dialogue national juste après des élections présidentielles pour assurer un passage en force pour un troisième mandat avec la Côte d’Ivoire et la Guinée. Il en est de même pour le Sénégal ou dès l’entame du deuxième mandat, le comité de dialogue politique a été mis en place pour clamer l’ouverture politique à l’opposition.

    Jamais le discours politique et les partis politiques n’ont connu un tel discrédit auprès des opinions africaines. Toutes les décisions politiques majeures et les pratiques politiques tournent le dos aux profondes aspirations des populations africaines prises dans le tourment des incertitudes, des égoïsmes des élites politiques et l’absence de souveraineté des politiques nationales, prisonnières des institutions de Bretton Woods et des agences mondiales de notations qui attribuent des notes pour juger des performances économiques des pays. Des plans émergents élaborés par des cabinets internationaux et des conférences internationales de mobilisation de fonds se substituent aux plans nationaux développés par des cadres qualifiés de l’administration nationale et des acteurs privés performants en leur domaine d’activité.

    Nouvelles formes de contestation en dehors du calendrier électoral « républicain »

    Nous assistons partout à une hyper-présidentialisation et un accaparement du pouvoir par des élites ou des courtisans, ce qui produit de nouvelles formes de contestations violentes à la mesure du désespoir de la majorité de la population, propagé sur les réseaux sociaux devenus espace de mobilisation citoyenne des jeunes. Montesquieu l’a bien signifié : « Il n’y a pas de liberté si la puissance de juger n’est pas séparée de la puissance législative et exécutive ».

    De la lutte contre l’Apartheid dans les années 90, de la révolution du Jasmin en Tunisie en 2011, du printemps arabe 2011 dans le Maghreb et le Moyen-Orient, la Révolution au Burkina Faso contre une modification de la constitution qui aurait permis à Blaise Compaoré de briguer un troisième quinquennat en 2015, de « ma carte d’électeur, mon arme » de « Y’en a Marre » au Sénégal en 2011, de la migration forcée des jeunes aux conflits politiques récurrents dans la corne de l’Afrique, de la région des Grands Lacs au Sahel et à l’Afrique australe jusqu’au bassin du Lac Tchad, nous assistons à une ébullition, voire une éruption, sociale à la mesure de la dynamique démographique avec une population de jeunes sans perspectives (70% de la population africaine a moins de trente-cinq ans), majoritairement urbaine, scolarisée, consciente de ses droits fondamentaux et ouverte au monde via la planète internet. Les réseaux sociaux et les téléphones androïdes en s’appuyant sur les GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazone Microsoft) constituent de nos jours une donnée fondamentale pour les transformations majeures dans le monde. Les jeunes aujourd’hui les utilisent comme leur espace d’expression démocratique et de mobilisation citoyenne. À cela il faut ajouter l’irruption de la société civile comme force motrice autour de la gouvernance et des droits de l’homme. La jeunesse africaine pleine d’énergie et de talents constitue une bombe sociopolitique. Il est important d’en mesurer la dynamique…explosive. Elle constitue l’épicentre pour le développement durable et leur inclusion dans la définition des politiques nationales et africaines. La Charte africaine des jeunes en témoigne : « La plus grande richesse de l’Afrique est la jeunesse de sa population et par la participation pleine et active de celle-ci, les Africains peuvent surmonter les difficultés auxquelles ils sont confrontés ». (Commission de l’Union africaine 2006).

    Afin de faire face à la crise de la démocratie représentative et de la gouvernance en Afrique, il s’agit de réinventer le « post-colonialisme » et le saisir comme une opportunité pleine d’exigence pour remettre en cause le modèle politico-administratif hérité de la colonisation et s’appuyer sur les institutions démocratiques endogènes dont la pyramide part des espaces de vie des populations à l’instar du village et du quartier, et construire les convergences panafricaines « consolidantes « de la souveraineté à partir du prisme de la jeunesse et du dialogue entre générations. La souveraineté politique, économique, monétaire, éducative, sociale et culturelle s’avère le prix à payer pour franchir le cap de la transformation positive de notre civilisation et offrir, ouvrir et réussir un avenir pour la jeunesse africaine.

    Afriques en lutte, 25 mars 2021

    Tags : Afrique, pouvoir, colonialisme, colonisation,