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  • Algérie : La bureaucratie veut bloquer l’émergence de la presse électronique nationaliste

    Des parties bureaucratiques veulent bloquer l’émergence de la presse électronique nationaliste

    Qui veut priver l’Algérie de son arme médiatique? s’est interrogé le sénateur Abdelouaheb Benzaim, tout en portant la responsabilité à des parties bureaucratiques qu’il n’a pas nommées.
    Dans un post diffusé sur son compte Facebook, le sénateur Benzaim tirera à bout portant sur des parties qui veulent tuer en œuf le projet de l’émergence d’une presse électronique patriotique qui s’est illustrée récemment par la défense des intérêts de l’Algérie en la privant de la publicité publique.
    Selon le sénateur Benzaim, la vision du président Tebboune était claire dès les premiers mois de son intronisation, en appelant au soutien et à l’accompagnement de la presse électronique, en procédant à la régularisation de la situation juridique, et à l’octroi de la publicité publique. Le sénateur ajoutera que des parties bureaucratiques ne veulent pas d’une presse électronique nationaliste et forte, en freinant les dossiers en vue de l’asphyxier, estimant que l’État a fortement besoin de cette presse électronique dans cette conjoncture sensible que vit le pays, sachant que 90% des lecteurs sont orientés vers la presse électronique au détriment de la presse en papier.
    Benzaim souhaitera au passage que le ministère de la Communication rattrapera le temps perdu pour mettre les solutions adéquates pour accompagner l’évolution technologique.
    Algérie54, 26/07/2021
    Etiquettes : Algérie, presse, bureaucratie,
  • Procès d’Omar Radi et d’Imad Stitou : le verdict de la honte (RSF)

    Les journalistes Omar Radi et Imad Stitou ont été condamnés respectivement à six ans de prison ferme et un an de prison dont six mois avec sursis. Reporters sans frontières (RSF) dénonce une condamnation inique rendue après une procédure entachée d’irrégularité.

    Au terme d’une procédure entachée d’irrégularités, les journalistes Omar Radi et Imad Stitou ont respectivement été condamnés, le 19 juillet, à six ans de prison ferme et un an de prison dont six mois de sursis par la cour d’appel de Casablanca pour “viol”, “espionnage “et “non dénonciation d’un crime”.
    “Ce verdict est celui de la honte, dénonce le secrétaire général de RSF, Christophe Deloire. En pleine affaire Pegasus, et quelques jours après avoir rendu une décision similaire dans l’affaire Rassouni, la justice marocaine persiste à nier l’inéquité de ses procédures, et à rendu des décisions qui condamnent lourdement des journalistes privés de procés équitables.”
    Une enquête pour « espionnage » avait été ouverte fin juin 2020 après la publication d’un rapport d’Amnesty International affirmant que le téléphone d’Omar Radi avait été piraté via le logiciel Pegasus de la firme israélienne NSO. Quelques mois plus tard, Omar Radi est ensuite soudainement interrogé après une plainte pour « viol » et « harcèlement sexuel », déposée par une ancienne collègue, puis incarcéré, le 29 juillet, dans l’attente de son procès. Bien que le journaliste soit poursuivi dans deux affaires séparées pour “espionnage” et “viol”, les deux accusations sont en réalité liées et ont été traitées de façon conjointe par les autorités. Une confusion qui soulève de sérieux doutes quant à l’équité de son procès. D’autant que ce journaliste d’investigation, qui est aussi militant des droits humains, et qui a co-fondé le site d’information Le Desk était déjà dans la ligne de mire des autorités depuis au moins trois ans. En décembre 2019, il avait déjà été condamné à quatre mois de prison avec sursis pour « outrage au tribunal » sur la base d’un seul tweet publié huit mois plus tôt.
    Son confrère, Imad Stitou, était quant à lui mis en cause pour avoir apporté son soutien à Omar Radi. Initialement cité comme témoin de la défense, il avait confirmé la « relation consensuelle » entre le journaliste et la victime avant d’être poursuivi pour « non dénonciation d’un crime ».
    Contestant sa détention provisoire, Omar Radi a mené une grève de la faim, avant d’y mettre un mettre un terme au bout de 21 jours en raison de la maladie de Crohn dont il souffre. Depuis, il demeure très affaibli.
    Le Maroc occupe le 136e rang sur 180 pays au Classement mondial de la liberté de la presse de RSF.
    RSF, 19/07/2021
    Etiquettes : Maroc, presse, journalistes, RSF, répression, Omar Radi, Imad Stitou, 
  • Maroc : Omar Radi, une vie brisée par Pegasus et le Palais

    Le journaliste marocain, surveillé par le logiciel israélien, écope de six ans de prison au terme d’une parodie de procès. Son confrère Imad Stitou, témoin devenu accusé, est, lui, condamné à un an de prison, dont six mois ferme.

    Retour sur cette obscure affaire, par l’Humanité et Mediapart. Après plus d’un an d’une procédure entachée d’irr
    égularités et de manipulations, au terme d’une parodie de procès dénoncée par de nombreuses ONG internationales, le journaliste d’investigation Omar Radi a été condamné lundi 19 juillet par la justice marocaine à six ans de prison ferme et son confrère et ami Imad Stitou à un an de prison dont six mois ferme.
    Ce verdict tombe alors qu’est révélé l’un des plus graves scandales d’espionnage de la décennie, impliquant au moins onze États à travers le monde, dont le Maroc. Il fait suite, à dix jours d’intervalle, à la condamnation à cinq ans de prison ferme pour « agression sexuelle » d’un autre journaliste marocain réputé pour son indépendance : l’éditorialiste d’Akhbar Al Youm, Souleimane Raissouni, en grève de la faim depuis plus de cent jours et dont le procès est lui aussi jugé inéquitable par des organisations de défense des libertés.
    Les voix critiques que le régime marocain, veut réduire au silence….
    Connus pour avoir couvert, en 2016 et 2017, le hirak du Rif, ce long soulèvement populaire violemment réprimé dans le nord-est du Maroc, Omar Radi et Imad Stitou, trentenaires, comptent parmi les voix critiques que le régime entend depuis longtemps réduire au silence, dans un lourd contexte de répression des opposants, des défenseurs des droits humains, des journalistes.
    Omar Radi travaillait sur l’accaparement des terres, suivait tous les mouvements sociaux, s’intéressait de près aux intérêts enchevêtrés de la monarchie et du capital, marocain ou étranger.
    Les ennuis les plus sérieux avaient commencé pour lui le 26 décembre 2019, avec l’exhumation par les autorités judiciaires d’un tweet ancien dénonçant les sévères condamnations, jusqu’à vingt ans de prison, infligées à 42 porte-voix de la révolte du Rif et confirmées en appel. « Lahcen Talfi, juge de la cour d’appel, bourreau de nos frères, souvenons-nous bien de lui.
    Dans beaucoup de régimes, les petits bras comme lui sont revenus supplier après en prétendant “avoir exécuté des ordres”. Ni oubli ni pardon avec ces fonctionnaires sans dignité ! » avait tweeté le journaliste le 5 avril 2019.
    Cette manifestation d’indignation lui avait valu une convocation de la brigade nationale de police judiciaire et cinq jours de prison.
    Libéré sous la pression d’une mobilisation nationale et internationale inédite, il avait finalement été condamné, le 17 mars 2020, à quatre mois de prison avec sursis pour « outrage à magistrat ».
    Atteinte à la liberté d’expression
    « Ce procès n’a pas lieu d’être, c’est une atteinte à ma liberté d’expression », avait-il protesté.
    Trois mois plus tard, en juin 2020, un rapport de l’ONG Amnesty International révélait la découverte, dans le téléphone du journaliste, de traces d’intrusion « au moyen d’une nouvelle technique sophistiquée permettant d’installer de façon invisible Pegasus », le logiciel espion produit par la firme israélienne NSO Group, au cœur du présent scandale mondial d’espionnage.
    « Ces attaques se sont produites alors que le journaliste faisait l’objet d’actes de harcèlement multiples de la part des autorités marocaines – l’une d’entre elles notamment a eu lieu quelques jours seulement après que l’entreprise eut affirmé que ses produits ne seraient plus utilisés pour commettre des violations des droits humains – et elles se sont poursuivies au moins jusqu’au mois de janvier 2020 », expliquait le document.
    Reprises dans une quinzaine de médias sous la coordination du collectif Forbidden Stories qui poursuit les enquêtes des journalistes emprisonnés ou assassinés, ces révélations avaient fait grand bruit, déchaînant l’acharnement répressif des autorités marocaines sur Omar Radi.
    L’Histoire se répète
    L’usage par le pouvoir marocain de cette arme technologique contre des journalistes et des opposants avait déjà été mis au jour, en octobre 2019, par le Citizen Lab de l’université de Toronto, spécialisé dans le domaine de la cybersécurité, avec la publication d’une liste de personnalités marocaines espionnées via Pegasus, parmi 1 400 journalistes et défenseurs des droits humains ciblés dans le monde.
    Dès lors, pour Omar Radi, les convocations au siège de la brigade nationale de la police judiciaire se sont enchaînées, dans une procédure obscure, faisant peser sur lui des accusations d’« espionnage » et d’« atteinte à la sûreté de l’État ». Une stratégie de harcèlement policier et judiciaire bien connue des journalistes et des militants marocains.
    Conforté par les expressions de solidarité et la mobilisation en sa faveur, au Maroc et au-delà de ses frontières, le journaliste affrontait alors avec sérénité les longs et fréquents interrogatoires policiers, plus d’une vingtaine en quelques semaines, comme les altercations provoquées par les nervis de médias de diffamation, connus pour être un des outils au service de la répression.
    Le 23 juillet 2020, soit un mois après le scandale Pegasus, coup de théâtre : une nouvelle accusation, d’une tout autre nature, venait accabler le journaliste. Sa collègue Hafsa Boutahar, employée aux services administratifs et commerciaux du site d’informations le Desk, annonçait avoir déposé contre lui une plainte pour viol. Omar Radi, incarcéré six jours plus tard, niait en bloc, faisant état d’une relation consentie.
    Version confirmée par son confrère Imad Stitou, témoin des faits, repeint, au fil d’une instruction bâclée, en « complice » et poursuivi à son tour, en liberté, pour « non-dénonciation d’un crime ».
    Plusieurs fois sollicitée par Mediapart et l’Humanité, la plaignante, qui s’est beaucoup exprimée dans des médias connus pour être aux ordres du régime marocain, n’a jamais donné suite à nos demandes d’entretien.
    Une justice aux ordres..
    En juin dernier, Omar Radi a entamé une grève de la faim pour contester sa détention provisoire, avant d’y mettre un terme, au bout de vingt et un jours, en raison de la détérioration de son état de santé : il souffre de la maladie de Crohn et son placement à l’isolement, autant que le manque de soins, de traitements et de régime adaptés, l’ont laissé très affaibli.
    À l’énoncé de ces condamnations, dans le climat de stupéfaction provoqué par les révélations du Pegasus Project, l’ONG Reporters sans frontières a dénoncé un « verdict de la honte » : « Bien que (Omar Radi) soit poursuivi dans deux affaires séparées pour “espionnage” et “viol”, les deux accusations sont en réalité liées et ont été traitées de façon conjointe par les autorités.
    Une confusion qui soulève de sérieux doutes quant à l’équité de son procès. » « Il a été privé du droit à préparer une défense adéquate, son équipe légale et lui se sont vu refuser l’accès à certaines des preuves retenues contre lui, et toutes leurs demandes de convocations de témoins pour sa défense dans les affaires le mettant en cause ont été rejetées.
    Condamner quelqu’un à six années en prison après une procédure aussi viciée, ce n’est pas de la justice », a également réagi Amnesty International, qui appelle à « un nouveau procès conforme aux normes internationales ».
    « Tout le monde a peur. Ce verdict est un assassinat judiciaire » Imad Stitou, journaliste « Ce 19 juillet 2021 restera un jour noir pour le Maroc, pour la liberté de la presse, mais aussi pour les luttes féministes et LGBT. Personne n’osera plus prendre la parole librement. Tout le monde a peur. Ce verdict est un assassinat judiciaire », confie à Mediapart et l’Humanité Imad Stitou, qui entend faire appel du jugement, tout comme Omar Radi. Sous le choc de sa condamnation, laissé pour l’heure « en semi-liberté », il assure « avoir la conscience tranquille » : « J’ai donné mon témoignage devant la justice, Dieu, le public, l’histoire et le plus important : ma conscience.
    Un procès mascarade
    Ce procès n’aurait jamais eu lieu s’il y avait eu une vraie enquête car le dossier ne tient pas. Il est monté de toutes pièces. » Cet épilogue judiciaire, quelques jours après la condamnation du journaliste Souleimane Raissouni, confirme la ferme volonté du Palais d’user de tous les moyens pour bâillonner les voix discordantes. Jusqu’au déploiement d’une « stratégie sexuelle » instrumentalisant sans vergogne la lutte contre les violences de genre, les luttes féministes et LGBT pour les retourner contre des journalistes et des opposants.
    « Cet État voyou s’affranchit de toutes les lignes rouges. Il ne s’embarrasse même plus d’apparences, d’un semblant de respect pour ses propres règles de droit. Tout au long de ce procès, Omar Radi s’est montré très direct, très frontal, très courageux.
    Il n’a pas fait dans la dentelle et ça, ça se paie cher au Maroc, au regard de la psychologie de ce régime », analyse le journaliste Aboubakr Jamai aujourd’hui exilé en France, fondateur du Journal, un hebdomadaire né sous Hassan II que les autorités ont fait fermer en 2010.
    Son nom figure parmi les personnes espionnées par le pouvoir marocain grâce au logiciel Pegasus, « un jouet qui nourrit leurs instincts voyeuristes : ils s’en donnent à cœur joie ».
    Pegasus, « un jouet qui nourrit leurs instincts voyeuristes : ils s’en donnent à cœur joie » Aboubakr Jamai, journaliste « Ce verdict ne relève pas de la justice mais de la vengeance », abonde un autre journaliste marocain exilé en France, Hicham Mansouri. Lui aussi figure parmi la liste des milliers de personnes traquées par le Maroc via Pegasus ; il se prépare à porter plainte. Son téléphone a été infecté plus de vingt fois entre février et avril 2021, selon l’analyse de Forbidden Stories et du Security Lab d’Amnesty International.
    Le cas Maâti Monjib
    À l’époque, il était mobilisé pour la libération de l’intellectuel Maâti Monjib, l’une des voix critiques les plus emblématiques du règne de Mohammed VI, avec lequel il a fondé l’Amji, l’Association marocaine pour le journalisme d’investigation, dans le viseur de la justice et du pouvoir depuis 2015. Hicham Mansouri a passé dix mois dans les geôles marocaines cette année-là pour « complicité d’adultère » ; il a échappé de peu à des poursuites pour proxénétisme, un dossier fabriqué pour le faire tomber.
    Six ans plus tard, il prépare un livre sur son expérience carcérale. Il est surveillé, traqué, harcelé jusque sur le sol français. « Je suis suivi à Paris. Parfois, ils ne le font pas discrètement. Ils étaient sept à me filer, un jour. Ils ont même suivi un membre de notre comité de soutien à Maâti Monjib qui est français, sans aucune origine marocaine », relate-t-il. Hicham Mansouri décrit « un enfer », des méthodes de démolition psychologique  : «  Je ne sors jamais seul en soirée. Je me prive de beaucoup de choses, je ne fais confiance à aucune nouvelle connaissance, surtout marocaine ». Les révélations du projet Pegasus le soulagent un peu : « J’espère que cela suscitera un électrochoc en France.
    Le Maroc, ce n’est pas la jolie carte postale, “quel beau pays stable et ouvert”, célébrée par des intellectuels, des journalistes. Là, tout est mis au jour : la surveillance, la diffamation, les procès montés. ».
    Derrière la carte postale, des vies brisées, des réputations salies, des voix réduites au silence, et tout un pays bâillonné.
    A. O.
    La Patrie News, 21/07/2021
    Etiquettes : Maroc, Omar Radi, Pegasus, journlaistes, presse, logiciels espions, 
  • Réponses des pays au projet Pegasus

    Forbidden Stories, une organisation de journalisme à but non lucratif basée à Paris, et Amnesty International ont eu accès à une liste de numéros de téléphone concentrés dans des pays connus pour surveiller leurs citoyens et également connus comme clients de NSO Group, une entreprise israélienne leader dans le domaine des logiciels espions. Les deux organisations à but non lucratif ont partagé ces informations avec le Post et 15 autres organisations de presse du monde entier, qui ont travaillé en collaboration pour effectuer des analyses et des reportages supplémentaires pendant plusieurs mois. Forbidden Stories a supervisé le projet Pegasus, tandis qu’Amnesty International a fourni une analyse médico-légale, mais n’a pas participé à la rédaction.

    Les journalistes du projet Pegasus ont découvert que le logiciel espion Pegasus de NSO, destiné à être utilisé sous licence par les gouvernements pour traquer les terroristes et les criminels, a été utilisé pour tenter et réussir le piratage de 37 smartphones appartenant à des journalistes, des militants des droits de l’homme, des chefs d’entreprise et les deux femmes les plus proches du journaliste saoudien assassiné Jamal Khashoggi.

    Vous trouverez ci-dessous les réponses des pays cités dans le projet aux questions des journalistes :

    Azerbaïdjan :

    En attente d’une réponse.

    Bahreïn :

    En attente d’une réponse.

    Le bureau du Premier ministre hongrois Viktor Orban :

    La Hongrie est un État démocratique régi par l’État de droit et, à ce titre, lorsqu’il s’agit d’un individu, elle a toujours agi et continue d’agir conformément à la loi en vigueur. En Hongrie, les organes de l’État autorisés à utiliser des instruments secrets sont régulièrement contrôlés par des institutions gouvernementales et non gouvernementales.

    Avez-vous posé les mêmes questions aux gouvernements des États-Unis d’Amérique, du Royaume-Uni, de l’Allemagne ou de la France ? Dans le cas où vous l’avez fait, combien de temps leur a-t-il fallu pour répondre et comment ont-ils répondu ? Un service de renseignement vous a-t-il aidé à formuler les questions ?

    Veuillez avoir l’amabilité de publier notre réponse dans son intégralité, sans aucune modification.

    Le gouvernement indien :

    L’Inde est une démocratie robuste qui s’est engagée à garantir le droit à la vie privée à tous ses citoyens en tant que droit fondamental. Dans le cadre de cet engagement, il a également introduit le projet de loi sur la protection des données personnelles, 2019, et les règles sur les technologies de l’information (directives pour les intermédiaires et code d’éthique des médias numériques), 2021, afin de protéger les données personnelles des individus et de responsabiliser les utilisateurs des plateformes de médias sociaux.

    L’engagement en faveur de la liberté d’expression en tant que droit fondamental est la pierre angulaire du système démocratique indien. Nous nous sommes toujours efforcés d’atteindre une citoyenneté informée en mettant l’accent sur une culture de dialogue ouvert.

    Cependant, le questionnaire envoyé au gouvernement indien indique que l’histoire en cours d’élaboration est non seulement dépourvue de faits mais également fondée sur des conclusions préconçues. Il semble que vous essayez de jouer le rôle d’un enquêteur, d’un procureur et d’un jury.

    Compte tenu du fait que les réponses aux questions posées sont déjà dans le domaine public depuis longtemps, cela indique également une recherche mal menée et un manque de diligence raisonnable de la part des estimés organismes de médias impliqués.

    La réponse du gouvernement indien à une demande de droit à l’information sur l’utilisation de Pegasus a été largement rapportée par les médias et est en soi suffisante pour contrer toute allégation malveillante sur la prétendue association entre le gouvernement indien et Pegasus.

    Le ministre indien de l’électronique et des technologies de l’information a également déclaré en détail, y compris devant le Parlement, qu’il n’y avait pas eu d’interception non autorisée par les agences gouvernementales. Il est important de noter que les agences gouvernementales disposent d’un protocole d’interception bien établi, qui comprend l’approbation et la supervision de fonctionnaires de haut rang du gouvernement central et des gouvernements des États, pour des raisons claires et uniquement dans l’intérêt national.

    Les allégations concernant la surveillance de certaines personnes par le gouvernement n’ont aucune base concrète ni aucune vérité.

    Dans le passé, des allégations similaires ont été faites concernant l’utilisation de Pegasus sur WhatsApp par l’État indien. Ces rapports n’avaient également aucune base factuelle et ont été catégoriquement démentis par toutes les parties, y compris WhatsApp devant la Cour suprême indienne.

    Ce rapport d’information, donc, apparaît également comme une expédition de pêche similaire, basée sur des conjectures et des exagérations pour dénigrer la démocratie indienne et ses institutions.

    En Inde, il existe une procédure bien établie par laquelle l’interception légale des communications électroniques est effectuée aux fins de la sécurité nationale, notamment en cas d’urgence publique ou dans l’intérêt de la sécurité publique, par les agences du Centre et des États. Les demandes d’interception légale de communications électroniques sont faites conformément aux règles applicables en vertu des dispositions de la section 5(2) de la loi sur le télégraphe indien de 1885 et de la section 69 de la loi sur les technologies de l’information (amendement) de 2000.

    Chaque cas d’interception, de surveillance et de décryptage est approuvé par l’autorité compétente, à savoir le ministre de l’Intérieur de l’Union. Ces pouvoirs sont également à la disposition de l’autorité compétente des gouvernements des États, conformément aux règles IT (Procedure and Safeguards for Interception, Monitoring and Decryption of Information), 2009.

    Il existe un mécanisme de contrôle établi sous la forme d’un comité de révision dirigé par le secrétaire du Cabinet de l’Union. Dans le cas des gouvernements des États, ces cas sont examinés par un comité dirigé par le secrétaire en chef concerné.

    La procédure garantit donc que l’interception, la surveillance ou le décryptage de toute information par le biais de toute ressource informatique se fait dans le respect des procédures légales.

    Israël :

    L’État d’Israël réglemente la commercialisation et l’exportation de produits cybernétiques conformément à la loi de 2007 sur le contrôle des exportations de défense. Les listes de contrôle sont basées sur l’Arrangement de Wassenaar et comprennent des éléments supplémentaires. Les décisions politiques prennent en compte la sécurité nationale et les considérations stratégiques, qui incluent l’adhésion aux arrangements internationaux. La politique de l’État d’Israël est d’approuver l’exportation de produits cybernétiques exclusivement à des entités gouvernementales, pour une utilisation légale, et uniquement dans le but de prévenir et d’enquêter sur la criminalité et le contre-terrorisme, en vertu de certificats d’utilisation finale/utilisateur final fournis par le gouvernement acquéreur. Dans les cas où les articles exportés sont utilisés en violation des licences d’exportation ou des certificats d’utilisation finale, des mesures appropriées sont prises.

    Israël n’a pas accès aux informations recueillies par les clients de l’ONS.

    Kazakhstan :

    En attente d’une réponse.

    Mexique :

    En attente d’une réponse.

    Gouvernement marocain :

    Les autorités marocaines ne comprennent pas le contexte de la saisine du Consortium International de Journalistes  » Forbidden Stories « , demandant  » les réponses et clarifications du gouvernement marocain sur les outils de surveillance numérique de NSO Group. « 

    Il convient de rappeler que les allégations infondées publiées précédemment par Amnesty International et véhiculées par Forbidden Stories ont déjà fait l’objet d’une réponse officielle des autorités marocaines, qui ont catégoriquement rejeté ces allégations.

    Les autorités marocaines attendent toujours, depuis le 22 juin 2020, des preuves matérielles de la part d’Amnesty International.

    Commentaire supplémentaire, 19 juillet

    Le gouvernement marocain a exprimé son grand étonnement face à la publication récurrente et coordonnée, depuis le dimanche 18 juillet, par des journaux étrangers sous la bannière d’une coalition appelée « Forbidden stories », d’informations erronées dans lesquelles leurs auteurs affirment faussement que le Maroc a infiltré les téléphones de plusieurs personnalités publiques nationales et étrangères et de responsables d’organisations internationales par le biais de logiciels informatiques.

    Dans un communiqué, le gouvernement a déclaré qu’il rejetait catégoriquement et condamnait ces allégations infondées et mensongères, comme il l’avait fait avec les précédentes allégations similaires d’Amnesty International.

    Il a rappelé à l’opinion publique nationale et internationale que le Maroc est un Etat de droit, qui garantit le secret des communications personnelles par la force de la Constitution et en vertu des engagements conventionnels du Royaume et des lois et mécanismes judiciaires et non judiciaires garantissant la protection des données personnelles et la cybersécurité à tous les citoyens et résidents étrangers au Maroc.

    Il ajoute qu’il n’est pas permis par la force de la Constitution d’accéder ou de publier, en tout ou en partie, le contenu des communications personnelles ou de les utiliser contre quiconque, sauf sur ordre de la justice indépendante et selon les modalités prévues par la loi. Les forces de l’ordre sont tenues de respecter les dispositions de la loi et ne peuvent agir en dehors de son cadre.

    Le communiqué souligne également que le gouvernement du Royaume du Maroc n’a jamais acquis de logiciels informatiques pour infiltrer les dispositifs de communication, et que les autorités marocaines n’ont jamais eu recours à de tels actes, ajoutant que le collectif de médias, dans tous les articles d’information qu’il a diffusés, n’a pas été en mesure jusqu’à présent d’apporter des preuves à l’appui de ses affirmations.

    Conscient des arrière-pensées et des objectifs qui se cachent derrière la diffusion de ces fausses allégations et de leur contexte, le gouvernement marocain met au défi le collectif susmentionné, comme il l’a fait avec Amnesty International, de fournir des preuves réalistes et scientifiques qui peuvent faire l’objet d’une expertise et d’une contre-expertise professionnelle, impartiale et indépendante sur la véracité de ces allégations.

    Le gouvernement du Royaume du Maroc se réserve le droit de prendre les mesures qu’il juge appropriées face aux allégations mensongères du collectif susmentionné, qui visent à porter atteinte à l’image du pays, à ses réalisations en matière de droits et libertés fondamentaux, à son statut et à ses intérêts suprêmes, conclut le communiqué.

    Rwanda, de Vincent Biruta, ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale :

    Le Rwanda n’utilise pas ce système logiciel, comme cela a été confirmé précédemment en novembre 2019, et ne possède pas cette capacité technique sous quelque forme que ce soit. Ces fausses accusations font partie d’une campagne permanente visant à provoquer des tensions entre le Rwanda et d’autres pays, et à semer la désinformation sur le Rwanda au niveau national et international. C’est de la diffamation, et cela suffit. Les questions relatives au procès pour terrorisme de Paul Rusesabagina et de ses 20 co-accusés ont été largement traitées par la Cour. Pour toute question future relative à la cybersécurité, veuillez contacter la National Cyber Security Authority (NCSA).

    Arabie Saoudite :

    En attente d’une réponse.

    Émirats arabes unis :

    En attente d’une réponse.

    The Washington Post, 18/07/2021

    Etiquettes : NSO Group, Pegasus, Israël, Maroc, Arabie Saoudite, logiciels espions, spyware, espionnage, journalistes, presse, liberté d’expression, droits de l’homme,

  • Amnesty: Il faut un nouveau procès équitable pour Omar Radi

    Maroc : Un journaliste harcelé par les autorités doit bénéficier d’un nouveau procès équitable

    Réagissant à la condamnation du journaliste et critique du gouvernement Omar Radi à six ans d’emprisonnement à l’issue d’un procès entaché d’atteintes flagrantes aux droits de la défense pour des accusations d’espionnage et de viol, Amna Guellali, directrice adjointe du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord d’Amnesty International, a déclaré

    « Avant son arrestation, Omar Radi était harcelé par les autorités en raison de son courageux travail journalistique critiquant les violations des droits humains et dénonçant la corruption. Depuis le début de son procès, celui-ci est entaché d’irrégularités. Il a été privé du droit de préparer une défense appropriée, lui et son équipe d’avocats se sont vus refuser le droit d’accéder à certaines des preuves retenues contre lui et toutes les demandes de convocation des témoins de la défense dans les affaires qui le concernent ont été rejetées. Il a également été maintenu à l’isolement pendant près d’un an.

    « Condamner quelqu’un à six ans de prison après une procédure aussi viciée n’est pas une justice. Les autorités marocaines doivent de toute urgence accorder à Omar Radi un nouveau procès équitable, conforme aux normes internationales. »

    Contexte

    Omar Radi est l’un des fondateurs de Le Desk, un site d’information marocain indépendant qui publie des articles critiques à l’égard des autorités. Son journalisme s’est concentré sur la politique et les enquêtes sur la corruption des autorités.

    Le 29 juillet, les autorités l’ont arrêté et inculpé d’ » atteinte à la sécurité intérieure et extérieure du Maroc  » sur la base d’une accusation selon laquelle il aurait reçu des fonds de sources  » liées à des agences de renseignement étrangères « . Amnesty International considère qu’il s’agit d’accusations forgées de toutes pièces, car elles sont liées à des subventions de recherche dans le cadre d’une bourse de journalisme et à des consultations en free-lance, deux activités protégées par son droit à la liberté d’expression.

    Omar Radi a également été inculpé de « viol » et d’ »attentat à la pudeur contre une femme » après qu’une ancienne collègue du Desk a allégué qu’il l’avait agressée le 12 juillet 2020. Il a nié cette accusation. Il est essentiel que toutes les allégations d’agression sexuelle fassent l’objet d’une enquête en bonne et due forme et que les auteurs de ces agressions soient traduits en justice. Cependant, quelle que soit la gravité des accusations portées contre lui, les autorités doivent veiller à ce qu’il soit traité équitablement et bénéficie d’un procès équitable.

    En juin 2020, un rapport d’Amnesty International a révélé qu’Omar Radi avait été pris pour cible par les autorités marocaines à l’aide d’un logiciel espion produit par NSO Group, une société israélienne. À la suite de sa publication, les autorités marocaines ont lancé une campagne de dénigrement contre Amnesty International, dans le but de discréditer les conclusions de l’organisation et de détourner l’attention de la surveillance illégale au Maroc des défenseurs des droits humains et des journalistes. L’acte d’accusation dans les deux affaires d’espionnage et de viol contre Omar Radi, daté du 18 mars 2021, confirme que les autorités avaient placé le journaliste sous surveillance depuis le 29 décembre 2017.

    Amnesty International, 19/07/2021

    Etiquettes : Maroc, Amnesty International, Omar Radi, procès, journaliste, presse,


  • Pegasus: La nouvelle arme pour faire taire les journalistes

    Au moins 180 journalistes à travers le monde ont été sélectionnés comme cibles par des clients de la société de cybersurveillance NSO Group. C’est ce que révèle la nouvelle enquête de Forbidden Stories publiée aujourd’hui.

    Par Phineas Rueckert

    La maison de Khadija Ismayilova, à Bakou en Azerbaïdjan, était devenue une prison. Dans cette nation riche de son pétrole, sur les bords de la mer Caspienne, qui étouffe, depuis 2014, de plus en plus la liberté d’expression et la dissidence, les enquêtes de Khadija Ismayilova sur la famille au pouvoir en ont fait une cible privilégiée de son propre gouvernement.

    La journaliste d’investigation savait qu’elle était constamment surveillée – ce que confirmaient ses amis et sa famille, qui se sont vus demander de l’espionner. Les autorités s’acharnent depuis des années : installant discrètement des caméras dans sa maison pour la filmer durant des rapports sexuels, l’arrêtant et l’accusant de conduire un collègue au suicide, et finissant par la condamner à sept ans de prison pour fraude fiscale. Khadija Ismayilova est libérée sous caution après 18 mois de détention et se voit interdire de quitter le pays pour une durée de cinq ans.

    C’est pourquoi en mai 2021, au terme de cette restriction, elle a plié bagages et pris l’avion direction Ankara, en Turquie, pensant sans doute laisser ses soucis derrière elle. La journaliste ne savait pas que le plus invasif des espions voyageait en fait à ses côtés.

    Pendant près de trois ans, le téléphone de Khadija Ismayilova a été régulièrement infecté par Pegasus, un logiciel espion hautement sophistiqué, d’après une analyse scientifique menée par le Security Lab d’Amnesty International en partenariat avec Forbidden Stories. Développé par l’entreprise israélienne NSO Group, Pegasus permet à ses opérateurs d’obtenir l’accès à l’ensemble des contenus d’un téléphone, et même activer à distance la caméra et le micro.

    « Toute la nuit j’ai réfléchi à ce que j’avais fait avec mon téléphone », s’inquiète-elle depuis son logement temporaire, à Ankara, après avoir appris la veille que son téléphone avait été infecté. « Je me sens coupable des messages que j’ai envoyés. Coupable pour les sources qui m’ont envoyé [des informations] en pensant que les messageries cryptées étaient sécurisées et qui ne savaient pas que mon téléphone était infecté. Les membres de ma famille sont aussi des victimes », ajoute-elle. « Les sources sont victimes, de même que les gens avec qui j’ai travaillé et les gens qui m’ont confié des secrets privés. »

    Le Pegasus Project

    Khadija Ismayilova est une parmi près de 200 journalistes dans le monde dont les téléphones ont été sélectionnés pour être ciblés par des clients de NSO. C’est ce que révèle le Pegasus Project, une investigation publiée aujourd’hui par un consortium international de plus de 80 journalistes issus de 17 médias et 11 pays différents, coordonnée par Forbidden Stories avec le soutien technique du Security Lab d’Amnesty International.

    Forbidden Stories et Amnesty International ont eu accès à une fuite de plus de 50 000 numéros de téléphones sélectionnés pour être ciblés par des clients de NSO Group. D’après l’analyse de ces données par le consortium, les téléphones d’au moins 180 journalistes ont été sélectionnés pour être ciblés dans 20 pays par au moins 10 clients de NSO. Comme le Pegasus Project l’illustrera ces prochains jours, ces clients gouvernementaux comprennent aussi bien des régimes autocratiques (Bahreïn, Maroc, Arabie Saoudite) que démocratiques (Inde, Mexique) et couvrent le monde entier – de la Hongrie à l’Azerbaïdjan en Europe, du Togo au Rwanda en Afrique. Aucun n’a hésité à sélectionner comme cible des journalistes, des défenseurs des droits humains, des opposants politiques, des hommes d’affaires et même des chefs d’État avec cette technologie intrusive.

    Il est impossible, sans analyse de l’appareil, de savoir si un numéro de téléphone qui apparaît dans la liste a été infecté avec succès. Toutefois, le Security Lab d’Amnesty International, en partenariat avec Forbidden Stories, a été en mesure d’analyser les portables de plus d’une dizaine de ces journalistes, confirmant des infections qui ont exploité les failles de sécurité des iPhones, et ce aussi récemment que ce mois-ci.

    Mettant en avant des « considérations contractuelles et de sécurité nationale », NSO Group a écrit dans une lettre à Forbidden Stories et ses partenaires qu’il « ne peut ni confirmer ni nier l’identité de [leurs] partenaires gouvernementaux ». Forbidden Stories et ses partenaires ont contacté l’ensemble des clients cités dans le Pegasus Project, qui n’ont soit pas répondu avant le délai fixé ou ont nié être clients de NSO Group ou d’abuser des technologies de surveillance.

    Il est impossible, sans analyse de l’appareil, de savoir si un numéro de téléphone qui apparaît dans la liste a été infecté avec succès. Toutefois, le Security Lab d’Amnesty International, en partenariat avec Forbidden Stories, a été en mesure d’analyser les portables de plus d’une dizaine de ces journalistes – and 67 portables au total – confirmant des infections qui ont exploité les failles de sécurité des iPhones, et ce aussi récemment que ce mois-ci.

    Ces numéros de téléphones qui ont fuité, et que Forbidden Stories et ses partenaires ont analysés pendant des mois, révèlent pour la première fois l’ampleur sidérante de la surveillance qui pèse sur les journalistes et défenseurs des droits humains – malgré les déclarations répétées de NSO Group, qui garantit que ses outils sont exclusivement utilisés pour cibler de dangereux criminels et des terroristes.

    « Ces chiffres montrent de manière frappante à quel point ces abus sont répandus, mettant en danger la vie des journalistes, mais aussi celle de leurs familles et de leurs collègues. Cela sape la liberté de la presse et ferme la porte à tout média critique », a déclaré Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty International. « En supprimant les voix dissidentes, l’objectif est de contrôler le récit public et d’échapper à toute contradiction. »

    Les journalistes qui apparaissent dans cette liste ont pour certains reçu des menaces juridiques, d’autres ont été arrêtés ou diffamés, d’autres encore ont fui leur pays et la persécution dont ils étaient victimes – pour se rendre compte plus tard qu’ils sont toujours sous surveillance. Dans de rares cas, des journalistes ont été assassinés après avoir été sélectionnés comme cibles. Les révélations du Pegasus Project montrent bien que cette technologie est devenue un outil clé de l’arsenal des gouvernements répressifs et des services de renseignement à leur service. « Mettre sous surveillance un journaliste, ça fait froid dans le dos », s’alarme Carlos Martinez de la Serna, directeur de programme au Comité pour la Protection des Journalistes (CPJ). « C’est un problème très important, que tout le monde doit prendre au sérieux, pas seulement dans les pays complètement hostiles au journalisme mais aussi aux États-Unis et en Europe de l’Ouest par exemple. »

    Dans une lettre de réponse à Forbidden Stories et ses médias partenaires, l’entreprise NSO Group écrit qu’elle « nie fermement les fausses allégations » sur l’utilisation de son système et réitère que l’entreprise a une « mission qui sauve des vies ».

    Aussi dangereux que des terroristes présumés

    Pour Szabolcs Panyi, un journaliste d’investigation à Direkt36, en Hongrie, apprendre que son téléphone avait été ciblé via le logiciel espion Pegasus a été « dévastateur ». « Il y a certaines personnes dans ce pays qui considèrent qu’un journaliste standard est aussi dangereux que quelqu’un suspecté de terrorisme », s’indigne-t-il durant un appel chiffré avec Forbidden Stories.

    Szabolcs Panyi a une trentaine d’années. Lunettes rondes et barbe de trois jours, ce journaliste primé enquête sur des sujets sensibles, en particulier la Défense et les affaires étrangères. Il possède un carnet d’adresses de plusieurs milliers de contacts dans de nombreux pays, y compris aux États-Unis, où il a passé un an dans le cadre d’une bourse d’étude du programme Fulbright – faisant de lui une cible idéale pour les services de renseignement hongrois, qui sont connus pour leur méfiance à l’égard de l’influence américaine.

    Szabolcs Panyi travaillait sur deux scoops au moment où son téléphone a été compromis par le logiciel espion de NSO en 2019. Forbidden Stories, en partenariat avec le Security Lab d’Amnesty International, a été en mesure de confirmer l’infection de son portable durant une période de neuf mois, d’avril à décembre 2019. D’après Szabolcs Panyi, les jours d’infection concordent souvent avec les demandes officielles de commentaires qu’il a envoyées ainsi que d’importants rendez-vous avec des sources.

    L’une des intrusions dans son téléphone a eu lieu alors qu’il rencontrait un photojournaliste hongrois. Ce dernier avait travaillé comme fixeur pour un reporter d’un média basé aux États-Unis qui enquêtait sur la Banque Internationale d’Investissement – soutenue par la Russie – qui, en 2019, cherchait à établir des succursales en Hongrie. À cette période, le fixeur photojournaliste a également été sélectionné comme cible, d’après la liste à laquelle Forbidden Stories a eu accès. « Il est très probable que ceux qui utilisent Pegasus en Hongrie étaient intéressés par ce que ces journalistes hongrois et américains étaient en train d’écrire sur cette banque russe », déduit Szabolcs Panyi.

    Comme lui, beaucoup d’autres journalistes qui ont fait l’objet de menaces en ligne et de cybersurveillance intéressent les agences de renseignement en raison de leurs sources. C’est ce que confirme Igor Ostrovskiy, un enquêteur privé de New York qui a auparavant espionné des journalistes comme Ronan Farrow, Jodi Kantor et le reporter du Wall Street Journal Bradley Hope, en tant que sous-traitant de l’entreprise israélienne Black Cube. Il forme désormais les journalistes à sécuriser leurs informations. « Nous savons tous que les journalistes ont une tonne d’informations qui passent entre leurs mains, c’est pourquoi cela pourrait intéresser des agences de sécurité d’États », explique-t-il. « Elles pourraient être intéressées par le fait de savoir qui fait fuiter des informations au sein d’un gouvernement ou au sein d’un business qui est vital pour le gouvernement. Ils pourraient chercher cette source. »

    De l’autre côté de la planète, le téléphone de Paranjoy Guha Thakurta, un journaliste d’investigation indien et auteur de livres à propos du commerce et de la politique indienne, a été piraté par le logiciel espion Pegasus en 2018. Paranjoy Guha Thakurta a déclaré à Forbidden Stories qu’il discute souvent avec des sources sous couvert d’anonymat, et qu’au moment de son ciblage il enquêtait sur les finances de Drirubhai Ambani, ancien indien le plus riche du pays, aujourd’hui décédé. « Ils auraient donc su qui étaient nos sources », déduit le journaliste. « En entrant dans mon téléphone et en regardant à qui je parlais, leur objectif était de trouver qui étaient les individus qui apportaient des informations à moi et mes collègues. » Paranjoy Guha Thakurta est un parmi – au moins – 40 journalistes sélectionnés par un client de NSO en Inde. Alors que les précédentes révélations avait compté quatre journalistes parmi 121 cibles Pegasus en Inde, en 2019, la liste qu’a analysé Forbidden Stories atteste d’une surveillance bien plus vaste.

    Le gouvernement indien n’a jamais confirmé ou nié être un client de NSO Group. « Les allégations concernant la surveillance par le gouvernement de personnes spécifiques n’a, en aucun cas, une base concrète », a déclaré une porte-parole du Ministère du Numérique et de l’Information Technologique dans une réponse aux questions détaillées de Forbidden Stories et ses partenaires.

    Plus de 2 000 numéros indiens et pakistanais ont été sélectionnés comme cibles entre 2017 et 2019, dont ceux de journalistes indiens issus de pratiquement tous les principaux médias du pays, y compris The Hindu, Hindustan Times, l’Indian Express, India Today, Tribune, et le site d’investigation Tehelka. Des journalistes locaux ont aussi été sélectionnés comme cibles, à l’image de Jaspal Singh Heran, rédacteur en chef d’un média basé dans le Pendjab, qui ne publie qu’en langue pendjabi.

    Les téléphones de deux des trois cofondateurs du site d’information indépendant The Wire – Siddharth Varadarajan et MK Venu – ont été piratés par Pegasus, et ce aussi récemment qu’au mois de juin 2021 pour le second cité. Un certain nombre d’autres journalistes ayant écrit pour ce média ont aussi été sélectionnés comme cibles – notamment l’éditorialiste Prem Shankar Jha, la journaliste d’investigation Robini Singh, le rédacteur dédié à la diplomatie Devirupa Mitra et le contributeur Swati Chaturvedi – d’après la liste à laquelle ont eu accès Forbidden Stories et ses partenaires dont fait partie The Wire. « C’était alarmant de voir autant de noms de gens liés à The Wire, mais il y a aussi beaucoup de personnes qui ne sont pas liées à The Wire », confie Siddharth Varadarajan, dont le portable a été compromis en 2018. « Autrement dit, cela ressemble à une prédisposition générale du gouvernement à soumettre les journalistes à un haut niveau de surveillance. »

    De nombreux reporters qui ont parlé avec Forbidden Stories et ses médias partenaires ont fait part de leur désarroi en apprenant que, malgré leurs précautions pour sécuriser leurs appareils – en utilisant par exemple des services de messagerie cryptée et en mettant à jour régulièrement leurs téléphones – leurs informations privées n’étaient toujours pas en sécurité. « On s’est recommandé entre nous tel ou tel outil, on se demandait comment garder nos portables toujours plus à l’abri des yeux du gouvernement », se souvient Khadija Ismayilova. « Et hier, j’ai réalisé que c’était impossible. À moins de s’enfermer à double tour dans une tente en fer, il n’y a aucun moyen de faire en sorte qu’ils n’interfèrent pas dans nos communications. »

    Szabolcs Panyi s’est inquiété de son côté que la révélation de son ciblage dissuade les sources de le contacter dans le futur. « C’est la préoccupation de chaque journaliste qui a été ciblé. Car une fois que tout le monde sait que nous avons été surveillés, et que même nos messages confidentiels ont été compromis, mais qui est-ce qui pourrait encore nous parler ? », interpelle-t-il. « Tout le monde pensera que nous sommes néfastes, des boulets. »

    Comment Pegasus est utilisé pour espionner des journalistes sans un seul clic
    Les analyses scientifiques, conduites par le Security Lab d’Amnesty International dans le cadre du Pegasus Project, de téléphones ciblés avec Pegasus concordent avec les analyses réalisées dans le passé sur des portables ciblés via le logiciel espion de NSO, notamment ceux d’une dizaine de journalistes qui aurait été piratés aux Émirats Arabes Unis et en Arabie Saoudite et identifiés par Citizen Lab en décembre 2020.

    « Il y a énormément de petites traces, et elles s’assemblent très bien ensemble », détaille Claudio Guarnieri, directeur du Security Lab d’Amnesty International. « Il n’y a aucun doute dans mon esprit que ce que l’on a sous nos yeux est Pegasus, parce que ses caractéristiques sont très distinctes et toutes ces traces se confirment entre elles. »

    Au total, CPJ avait auparavant documenté 38 cas de logiciels espions – développés par des sociétés de quatre pays différents – utilisés contre les journalistes dans neuf pays depuis 2011. Eva Galperin, directrice en charge de la cybersécurité à l’Electronic Frontier Foundation (EFF), était l’une des premières chercheuses en sécurité à identifier et documenter les cyberattaques à l’encontre des journalistes au Mexique, au Vietnam et ailleurs dans le monde au début des années 2010. À l’époque, la majorité de ces attaques étaient moins sophistiquée qu’aujourd’hui. « En 2011, vous receviez un email et le logiciel malveillant qu’il contenait s’installait tout seul sur votre ordinateur », explique Eva Galperin.

    Il faut attendre 2014 pour que l’approche via les téléphones devienne plus commune pour cibler les journalistes, les smartphones devenant de plus en plus répandus. Les clients d’entreprises comme NSO, Hacking Team et FinFisher envoient alors des messages personnalisés à leurs cibles. Ils les appâtent souvent avec des informations sur de potentiels scoops ou avec des informations précises sur des membres de leurs familles. Les cibles devaient cliquer sur un lien afin que le programme malveillant s’installe sur leur téléphone.

    Les journalistes sont des cibles pour les services de renseignement, assure Igor Ostrovskiy, parce qu’ils cherchent constamment de nouvelles sources d’information – s’exposant ainsi à des tentatives d’hameçonnage – et puisque beaucoup d’entre eux ne suivent souvent pas les « meilleures pratiques en matière de sécurité numérique ».

    Certaines des premières infections de journalistes via Pegasus ont été identifiées au Mexique en 2015 et 2016. C’est justement en janvier 2016 que Carmen Aristegui, une journaliste d’investigation mexicaine et fondatrice d’Aristegui Noticias, a commencé à recevoir des messages avec des liens suspicieux après qu’elle a publié une enquête sur les propriétés détenues par l’ancien Président mexicain Enrique Peña Nieto.

    Le groupe de défense de droits numériques Citizen Lab a révélé en 2017, dans son rapport Gobierno Espia (« Le gouvernement espionne »), que Carmen Aristegui a en tout reçu plus de 20 SMS avec des liens malveillants de Pegasus. D’après ce rapport, les numéros de téléphone de ses collègues et des membres de sa famille ont également été ciblés avec le même genre de message contenant des liens malveillants et durant la même période. Parmi eux figurent ses collègues Sebastian Barragan et Rafael Cabrera, ainsi que son fils Emilio Aristegui, seulement âgé de 16 ans à l’époque.

    Forbidden Stories et ses partenaires ont pu identifier, pour la première fois, trois autres proches de Carmen Aristegui parmi les personnes sélectionnées pour être ciblées en 2016 : sa sœur Teresa Aristegui, sa productrice à CNN Karina Maciel, et son ancienne assistante Sandra Nogales. « Cela a été un grand choc de voir d’autres de mes proches dans cette liste », confie Carmen Aristegui, qui a elle-même enquêté au sein du Pegasus Project. « J’ai six frères et sœurs, et au moins l’une d’entre elles a été entrée dans le système. Même chose pour mon assistante Sandra Nogales, qui savait tout sur moi – elle avait accès à mon emploi du temps, à tous mes contacts, à tout mon quotidien, heure par heure. »

    Depuis ces premiers pas de Pegasus sur smartphones, l’installation du logiciel espion est devenue plus subtile, détaille Claudio Guarnieri. Au lieu d’avoir besoin que la cible clique sur un lien pour installer Pegasus, un procédé « zéro clique » permet maintenant au client de prendre le contrôle du téléphone sans aucune manipulation de sa part. « La complexité de ces attaques a cru de manière exponentielle », poursuit le directeur du Security Lab d’Amnesty International.

    Une fois installé sur un portable, le logiciel espion Pegasus donne aux clients de NSO l’accès à l’ensemble de l’appareil, y compris les messageries chiffrées comme Signal, WhatsApp et Telegram. Pegasus peut être activé à souhait jusqu’à ce que le mobile soit éteint. Dès que le téléphone est rallumé, il peut être réinfecté. «Dès lors que quelqu’un est en train de lire par-dessus de votre épaule, le chiffrement importe peu », prévient Bruce Schneier, expert en chiffrement et membre du Centre Berkman pour l’internet et la societé, à Harvard.

    D’après Claudio Guarnieri, les opérateurs de Pegasus sont en mesure d’activer à distance le microphone et la caméra des portables de leurs cibles, ainsi que d’extraire les messages, d’utiliser la fonction de localisation GPS, et de mettre la main sur les mots de passe entre autres. Les gouvernements qui espionnent ont adopté ces dernières années la stratégie du « hit and run » pour éviter toute détection, affirme Eva Galperin : ils infectent les téléphones, extraient des données puis quittent rapidement l’appareil.

    Ce type de technologie va de pair avec la surveillance physique, ajoute Igor Ostrovskiy. « Les intrusions digitales sont extrêmement précieuses. « Si nous pouvons, par exemple, connaître votre calendrier et ainsi savoir que vous allez à un rendez-vous particulier, ou si nous pouvons jeter un œil à vos emails, à vos notes, à tout ce qui peut traîner dans votre téléphone, nous aurons une longueur d’avance énorme pour concrétiser n’importe quel objectif [auquel participe le ciblage]. »

    Un nouveau marché des logiciels espions

    La surveillance des journalistes n’est pas nouvelle, insistent les experts en sécurité. Ce qui a changé c’est le marché qui s’est développé en la matière. Alors que les gouvernements développaient auparavant des outils d’espionnage maison, ils se tournent aujourd’hui vers des entreprises privées spécialisées dans les logiciels espions comme NSO Group, FinFisher et Hacking Team. Selon Eva Galperin, ces dernières bénéficient de leur expertise technique et de leur capacité à développer leurs propres programmes de renseignement. C’est ainsi, dit-elle, qu’a eu lieu une sorte de « Far West » de l’espionnage des journalistes et des activistes.

    Dans un rapport publié en 2018, le groupe de défense de droits numériques Citizen Lab a identifié des opérateurs de Pegasus dans un certain nombre de pays ayant par le passé détenus arbitrairement des journalistes et des défenseurs des droits humains, notamment l’Arabie Saoudite, le Maroc et Bahreïn. Ces trois pays ont sélectionné des dizaines de milliers de numéros de téléphone pour qu’ils soient ciblés, d’après les données auxquelles a eu accès Forbidden Stories.

    Certains reporters, comme le journaliste d’investigation indépendant Omar Radi, au Maroc – dont l’infection du téléphone avait fait l’objet d’une enquête de Forbidden Stories en 2020 – ou le journaliste indien et défenseur des droits humains Anand Teltumbde, ont été emprisonnés après que l’infection de leurs téléphones soit documentée par des groupes de défense et des médias.

    Les entreprises spécialisées dans les logiciels espions ont fait face à relativement peu de poursuites judiciaires ou de sanctions financières pour l’utilisation de leur outil contre des journalistes et des défenseurs des droits humains – bien que de récentes affaires judiciaires ont commencé à mettre la pression sur les fournisseurs de ces services. En juin 2021, l’entreprise française de logiciels espions Amesys a été condamnée pour « complicité d’actes de tortures » dans le cadre de la vente de son outil à la Libye entre 2007 et 2011. Selon les plaignants, les informations collectées grâce à cette surveillance numérique ont été utilisées pour identifier et traquer des opposants au dictateur Mouammar Kadhafi, qui ont plus tard été torturés en prison.

    « Si vous faites du bon journalisme, vous opposez la vérité au pouvoir et vous ennuyez sérieusement les personnes qui le détiennent », juge Eva Galperin. « Les gens qui font du journalisme sur des sujets de corruption sont souvent ciblés. Les personnes qui militent contre la corruption ou contre l’autoritarisme sont souvent les premières à être espionnées. »

    NSO Group maintient que sa technologie est exclusivement utilisée par les services de renseignement pour traquer des criminels ou des terroristes. Selon le rapport « Transparence et Responsabilité » publié par la société israélienne en juin 2021, elle compte 60 clients provenant de 40 pays différents. « Pegasus n’est pas une technologie de surveillance de masse, et ne collecte que les données des portables d’individus spécifiques, suspectés d’être impliqués dans la grande criminalité ou le terrorisme », écrit NSO dans le rapport.

    Bien que l’entreprise affirme posséder une liste de 55 pays auxquels elle ne vendra pas ses outils en raison de leurs antécédents en matière de droits humains, ces pays ne sont pas précisés dans le rapport en question. NSO assure avoir révoqué les accès de cinq clients depuis 2016 à la suite d’enquêtes pour abus et avoir mis un terme aux contrats de cinq autres qui ne respectaient pas les standards des droits humains.

    « NSO Group continuera d’enquêter sur toutes les allégations crédibles d’abus et prendra les mesures appropriées sur la base de ces enquêtes », s’est défendu NSO Group dans sa déclaration à Forbidden Stories et ses médias partenaires. « Cela inclut l’arrêt du système d’un client, chose pour laquelle NSO a déjà prouvé sa capacité et sa volonté de faire – dans le cadre d’abus confirmés à de multiples reprises dans le passé, et ce que NSO n’hésitera pas à refaire si la situation le requiert. »

    Pourtant, la fuite de données montre que bien d’autres gouvernements autoritaires connus pour réprimer la liberté d’expression demeurent clients. Dans le cadre du Pegasus Project, Forbidden Stories est parvenu à documenter l’utilisation de Pegasus pour la première fois en Azebaïdjan. Plus de 40 journalistes azéris ont ainsi été sélectionnées comme cibles, dont des reporters d’Azadliq.com et de Mehdar TV, deux des seuls médias indépendants restants dans le pays. L’essentiel des médias indépendants y sont bloqués et les familles des journalistes systématiquement harcelées par les autorités. Sous la présidence d’Ilham Aliyev, dont la famille tient les rênes du pays depuis des décennies, la place laissée aux voix critiques a été – selon Human Rights Watch – « quasiment réduite à néant ».

    Journaliste indépendante pour Mehdar TV, Sevinc Vaqifqizi a déjà reçu de nombreuses menaces, et, en février 2020, a été violemment battue alors qu’elle couvrait une manifestation. Son portable a été compromis entre 2019 et 2021, d’après les analyses effectuées par le Security Lab d’Amnesty International, en partenariat avec Forbidden Stories. La jeune reporter a confié aux journalistes du consortium Forbidden Stories qu’elle supposait que le gouvernement avait accès à ses informations privées. « J’ai toujours dit à mes amis qu’ils peuvent nous écouter », se souvient-elle. « Je suis inquiète pour mes sources qui nous ont fait confiance et nous ont écrit sur WhatsApp. S’ils rencontrent des problèmes, c’est mauvais pour nous. »

    Même si elle réside actuellement en Allemagne dans le cadre d’une bourse d’études de trois mois, elle ne se sent pas à l’abri des autorités. Les activistes azéris continuent, comme Amnesty International et d’autres l’ont documenté, à être surveillés de près, aussi bien physiquement que numériquement, après avoir quitté le pays. « Si vous avez un portable, ils peuvent probablement continuer [à vous cibler] en Allemagne », présume Sevinc Vaqifqizi.

    Loin des yeux, mais pas hors d’atteinte

    Les murs de son bureau à la Maison des Journalistes sont couverts d’affiches de Reporters Sans Frontières et d’autres organisations de défense de la liberté de la presse. Hicham Mansouri vivait auparavant dans le bâtiment, qui sert à la fois de lieu d’exposition et de résidence pour les journalistes réfugiés. Il a depuis déménagé mais partage toujours un petit bureau au rez-de-chaussé où il se rend trois fois par semaine.

    Avant de discuter avec Forbidden Stories, le journaliste marocain éteint le portable qu’il a emprunté et le plonge au fond de son sac à dos. Une analyse scientifique de son téléphone précédent, réalisée par le Security Lab d’Amnesty International, a montré qu’il a été infecté par Pegasus plus de vingt fois sur une période de trois mois, de février à avril 2021.

    Journaliste d’investigation indépendant et co-fondateur de l’Association Marocaines des Journalistes d’Investigation (AMJI), Hicham Mansouri rédige actuellement un livre sur le trafic de drogue illégal dans les prisons marocaines, lui qui a fui son pays en 2016 en raison des nombreuses menaces physiques et judiciaires à son encontre.

    Le journaliste marocain Hicham Mansouri.

    En 2014, il est roué de coups par deux agresseurs anonymes alors qu’il quitte un rendez-vous avec d’autres défenseurs des droits humains, dont Maati Monjib, qui a plus tard, lui aussi, été ciblé par Pegasus. Un an après, des agents du renseignement armés perquisitionnent sa maison dès 9h et le trouve dans sa chambre en compagnie d’une amie. Ils l’ont alors entièrement déshabillé et arrêté pour « adultère », ce qui est un crime au Maroc. Hicham Mansouri passe dix mois dans la prison de Casablanca. Sa cellule est celle réservée aux criminels les plus dangereux et les autres détenus le surnomment « La Poubelle ». Au lendemain de sa libération, il saute dans un avion pour la France où il demande et obtient l’asile.
    Cinq ans plus tard, Hicham Mansouri découvre qu’il est toujours une cible du gouvernement marocain. « Tous les régimes autoritaires voient le danger partout », dénonce-t-il auprès de Forbidden Stories. « On ne se considère pas dangereux parce qu’on fait ce que l’on pense être légitime. On sait que l’on est dans notre droit. Mais pour eux nous sommes dangereux. Ils ont peur des étincelles parce qu’ils savent qu’elles peuvent mettre le feu. »

    Au moins 35 journalistes basés dans 4 pays ont été sélectionnés comme cibles par le Maroc, selon l’enquête publiée aujourd’hui. Nombre des journalistes marocains sélectionnés comme cibles ont été à un moment donné arrêtés, diffamés ou ciblés d’une certaine manière par les services de renseignement. D’autres, en particulier les rédacteurs en chef Taoufik Bouachrine et Souleimane Raissouni, sont actuellement en prison pour des accusations que les organisations de défense des droits humains prétendent être instrumentalisées avec pour objectif d’écraser le journalisme indépendant au Maroc.

    Dans une déclaration à l’attention de Forbidden Stories et ses partenaires, les autorités marocaines ont écrit qu’ils « ne comprennent pas le contexte de la saisine par le Consortium International de Journalistes » et que les autorités sont toujours « dans l’attente de preuves matérielles » pour « prouver une quelconque relation entre le Maroc et la compagnie israélienne précitée. »

    Taoufik Bouachrine, rédacteur en chef d’Akhbar al-Youm, a été arrêté en février 2018 pour trafic d’êtres humains, agression sexuelle, viol, prostitution et harcèlement. Parmi les quatorze femmes qui l’auraient accusé, dix se sont présentées au procès et cinq ont déclaré que le journaliste était innocent, d’après CPJ. Taoufik Bouachrine a par le passé écrit des tribunes critiques du régime marocain, accusant des hauts membres du gouvernement de corruption. Il a été condamné à 15 ans de prison et a passé plus d’un an à l’isolement. Forbidden Stories et ses partenaires ont pu confirmer qu’au moins deux des femmes impliquées dans l’affaire ont été sélectionnées comme cibles avec Pegasus.

    Souleimane Raissouni est le successeur de Taoufik Bouachine aux commandes du quotidien indépendant Akhbar al-Youm. Lui aussi est arrêté pour des accusations d’agression sexuelle en mai 2020. Il est accusé d’agression par un militant LGBT, sous le pseudonyme d’Adam Muhammed, qui a avoué à CPJ qu’il n’avait pas été à l’aise pour déposer une plainte publique à cause de son orientation sexuelle. Des journalistes et défenseurs de la liberté de la presse affirment, de leur côté, penser que les plaintes à l’encontre de Souleimane Raissouni sont des représailles pour ses reportages critiques. En juillet 2021, alors qu’il a entamé une grève de la faim de près de 100 jours, il est condamné à cinq ans d’emprisonnement.

    « L’intérêt [de la surveillance] c’est [a priori] de suivre la vie privée des gens afin de trouver une faille sur laquelle ils peuvent baser tout un procès », éclaire Ahmed Benchemsi, ancien journaliste et fondateur des média indépendants TelQuel et Nichane, qui dirige désormais la communication d’Human Rights Watch au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Alors que par le passé les journalistes marocains étaient systématiquement poursuivis judiciairement pour ce qu’ils écrivaient – pour diffamation par exemple, ou pour manque de respect au roi – la nouvelle tactique consiste à les accuser de graves crimes tels que de l’espionnage, ou des viols ou agressions sexuelles, poursuit Ahmed Benchemsi. À ces fins-là, la surveillance est devenue clé pour glaner des informations personnelles utiles. « Il y a souvent un bout de vérité dans les grandes calomnies, et c’est ce morceau-là – qui est généralement personnel et confidentiel – qui provient de la surveillance. »

    Des journalistes étrangers qui couvrent la détresse des journalistes marocains ont eu aussi été sélectionnés comme cibles, et dans certains cas leurs téléphones a été infecté. C’est le cas d’Edwy Plenel, directeur et l’un des cofondateurs du site d’investigation indépendant Mediapart, dont le portable a été compromis au cours de l’été 2019 selon l’analyse opérée par le Security Lab d’Amnesty International – et qui a été revue et confirmée par le groupe de défense de droits numériques Citizen Lab. En juin de cette année-là, Edwy Plenel assiste à une conférence de deux jours à Essaouira, au Maroc, à la demande d’un journaliste partenaire de Mediapart, Ali Amar, le fondateur du magazine d’investigation marocain LeDesk – dont le numéro de téléphone apparaît, lui aussi, dans la liste à laquelle a eu accès Forbidden Stories. À cette occasion, Edwy Plenel donne plusieurs interviews où il aborde la question des violations des droits humains par l’État marocain. À son retour à Paris, des processus suspects commencent à apparaître sur son portable.

    « Nous travaillions alors avec Ali Amar, c’est-à-dire que nous publions certaines enquêtes ensemble. Je le connaissais un peu comme je connais beaucoup de journalistes qui se battent pour la liberté de la presse au Maroc », explique Edwy Plenel au cours d’une interview avec Forbidden Stories. « Donc quand j’ai appris ma surveillance, tout cela a semblé logique. » Edwy Plenel estime que le ciblage de son téléphone – ainsi que celui d’une autre journaliste de Mediapart, Lénaïg Bredoux – avec Pegasus était probablement un « Cheval de Troie visant nos collègues marocains ».

    Comme Hicham Mansouri, de nombreux journalistes ont, soit fui le pays, soit complètement arrêté le journalisme. Accablé par les arrestations successives et la pression financière, le journal de Souleimane Raissouni et Taoufik Bouachrine, Akhbar al-Yaoum, a lui arrêté de paraître en mars 2021. « Il y a 10 ou 15 ans, il y avait un espace de liberté d’expression au Maroc. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. C’est fini », regrette Ahmed Benchemsi. « Survivre aujourd’hui, cela signifie intérioriser un degré élevé d’autocensure. À moins que vous supportiez les autorités bien sûr. »

    Une arme mortelle ?

    Dans le rapport de transparence 2021 de NSO Group, une expression revient à trois reprises : « sauver des vies ». L’entreprise écrit ainsi : « Notre objectif est d’aider les États à protéger leurs citoyens et à sauver des vies. » Pourtant l’utilisation troublante du logiciel espion de NSO contre les journalistes et leurs familles – comme le prouve le Pegasus Project et des rapports d’ONG de défense des droits numériques publiés par le passé – remet en question ce récit.

    En octobre 2018, le chroniqueur du Washington Post Jamal Khashoggi entre dans le consulat saoudien en Turquie à 13h. Il n’en sortira jamais. L’assassinat de ce journaliste dissident a engendré une vague de réactions dans le monde, de la part de chefs d’États, de groupes de défense des droits humains et de citoyens inquiets, appelant à une enquête approfondie sur ce meurtre – et la potentielle implication du logiciel espion de NSO Group.

    Deux semaines après les faits, Citizen Lab révèle qu’un ami proche de Jamal Khashoggi, Omar Abdulaziz, a été ciblé par Pegasus dans les mois qui ont précédé l’assassinat. NSO, pour sa part, répète disposer d’un « dispositif d’arrêt d’urgence » et avoir révoqué l’accès aux clients ne respectant pas les droits humains. L’entreprise a catégoriquement nié toute implication dans le meurtre de Jamal Khashoggi.

    Mais les nouvelles révélations de Forbidden Stories et ses partenaires démontrent que le logiciel espion Pegasus a infecté avec succès le portable de la fiancée de Jamal Khashoggi, Hatice Cengiz, seulement quatre jours avant le meurtre. Quelques semaines après, c’est le téléphone du fils du journaliste dissident, Abdullah, qui a été sélectionné comme cible d’un client de NSO Group basé aux Émirats arabes unis. De proches amis, des collègues et des membres de la famille du journaliste assassiné ont tous été sélectionnés comme cibles par des clients de NSO basés en Arabie Saoudite et aux Émirats arabes unis, d’après les révélations du Pegasus Project dévoilées aujourd’hui.

    La mort de Jamal Khashoggi, et l’ombre du logiciel espion qui plane autour, n’est pas un cas isolé selon les experts en sécurité. « Ce n’est certainement pas le premier journaliste à avoir été tué par un gouvernement remonté contre son travail et où des éléments de logiciel malveillant et de surveillance étaient impliqués », juge Eva Galperin, de l’EFF. « Ce sont des choses qui vont fréquemment de pair. »

    Le 2 mars 2017, au Mexique, le journaliste local Cecilio Pineda dégaine son téléphone et enregistre une ultime vidéo. Le reporter de la ville d’Altamirano, qui anime une page Facebook suivie par plus de 50 000 personnes, y parle d’une collusion supposée entre l’État, la police locale et le leader d’un cartel de drogue. Deux heures plus tard, il était mort. Touché par au moins six balles tirées par deux homme à moto alors qu’il était allongé dans un hamac à l’extérieur d’une station de lavage automobile.

    Lorsque Cecilio Pineda est assassiné en 2017, à l’âge de 38 ans, le monde ne s’est pas arrêté. Sa mort était simplement vue comme la énième d’un journaliste au Mexique – qui est le pays le plus meurtrier pour les journalistes en dehors des zones de guerre. Mais le meurtre de Cecilio Pineda relève peut-être bien plus que d’une simple fusillade d’un cartel local, selon les données auxquelles ont eu accès Forbidden Stories et ses partenaires. Quelques semaines avant d’être tué, le téléphone professionnel du journaliste a été sélectionné comme cible par un client de NSO basé au Mexique.

    Forbidden Stories est en mesure de confirmer que, non seulement Cecilio Pineda, mais aussi le procureur général qui enquêté sur l’affaire, Xavier Olea Pelaez, ont été sélectionnés comme cibles Pegasus dans les semaines qui ont suivi le meurtre. Forbidden Stories n’a pas pu analyser le portable de Cecilio Pineda puisqu’il a disparu immédiatement après sa mort. Le procureur général, lui, n’a pas conservé le mobile qu’il utilisait à l’époque, ce qui n’a pas permis de confirmer l’infection par Pegasus. Il est impossible de savoir si les informations collectées par une potentielle infection du téléphone du journaliste ont conduit à son meurtre – ses assassins n’ont jamais été retrouvés et aucun verdict n’a été rendu.

    Toutefois, les reportages de Cecilio Pineda donnent des indices sur les raisons pour lesquelles son travail a pu déranger les autorités mexicaines qui ont pu avoir accès à cette technologie. Au moment de sa sélection pour ciblage, il enquêtait sur les liens entre un baron local du crime, connu sous le nom d’El Tequilero, et le gouverneur de l’État de Guerrero, Hector Astudillo. La famille et les amis de Cecilio Pineda, à qui ont parlé Forbidden Stories et ses partenaires, ont affirmé qu’il avait reçu des menaces et demandé à intégrer le mécanisme fédéral de protection des journalistes. « Cecilio a reçu beaucoup de sérieuses menaces, mais il les minimisait », rapporte Israel Flores, un ami du journaliste défunt, dans une récente interview. « Il disait toujours ‘il ne va rien se passer’. »

    Au fur et à mesure que Cecilio Pineda continue d’écrire sur les liens entre les politiciens locaux et les trafiquants de drogue, les menaces se sont fait de plus en plus prégnantes. Quelques jours avant le drame, un homme dans une voiture blanche prend des photos de sa maison, assure aujourd’hui sa mère. Le jour de sa mort, Cecilio Pineda s’arrête chez elle avant de retrouver un ami à un rassemblement politique. C’était la dernière fois qu’elle le voyait. « Il m’a dit : ‘les méchants ne vont pas me tuer, ils me connaissent, se sont mes amis. Si on me tue, ce sera le gouvernement’ », raconte sa mère.

    La femme du journaliste d’Altamirano, Marisol Toledo, a fait savoir à un membre du consortium Forbidden Stories qu’au lendemain de la mort de son mari elle avait reçu un appel d’un employé du gouvernement qui lui a dit qu’il enquêtait sur le meurtre. Il n’a jamais donné suite. « On ne sait pas ce qu’il s’est passé dans l’enquête », affirme-t-elle. « On ne veut pas déranger. Les gens au pouvoir peuvent faire ce qu’ils souhaitent, à qui ils veulent. » Le téléphone de Cecilio Pineda n’a jamais été retrouvé – il avait disparu de la scène de crime avant que les autorités sont arrivées sur place. Son épouse n’a pas été surprise par le fait qu’un logiciel espion ait possiblement joué un rôle pour suivre tous les mouvements de son mari. « S’ils ont réussi [l’infection du téléphone], ils savaient où Cecilio était à tout moment. »

    Forbidden stories, 18/07/2021

    Etiquettes : Logiciels espions, Pegasus, spyware, journalistes, presse, Maroc, Forbidden Stories, Amnesty International, espionage, surveillance, piratage, hacking,

  • Au moins 35 journalistes de 4 pays ciblés par le Maroc

    Forbidden Stories et Amnesty International ont eu accès à une fuite de plus de 50 000 numéros de téléphones sélectionnés pour être ciblés par des clients de NSO Group. D’après l’analyse de ces données par le consortium, les téléphones d’au moins 180 journalistes ont été sélectionnés pour être ciblés dans 20 pays par au moins 10 clients de NSO. Comme le Pegasus Project l’illustrera ces prochains jours, ces clients gouvernementaux comprennent aussi bien des régimes autocratiques (Bahreïn, Maroc, Arabie Saoudite) que démocratiques (Inde, Mexique) et couvrent le monde entier – de la Hongrie à l’Azerbaïdjan en Europe, du Togo au Rwanda en Afrique. Aucun n’a hésité à sélectionner comme cible des journalistes, des défenseurs des droits humains, des opposants politiques, des hommes d’affaires et même des chefs d’État avec cette technologie intrusive.

    Dans un rapport publié en 2018, le groupe de défense de droits numériques Citizen Lab a identifié des opérateurs de Pegasus dans un certain nombre de pays ayant par le passé détenus arbitrairement des journalistes et des défenseurs des droits humains, notamment l’Arabie Saoudite, le Maroc et Bahreïn. Ces trois pays ont sélectionné des dizaines de milliers de numéros de téléphone pour qu’ils soient ciblés, d’après les données auxquelles a eu accès Forbidden Stories.

    Certains reporters, comme le journaliste d’investigation indépendant Omar Radi, au Maroc – dont l’infection du téléphone avait fait l’objet d’une enquête de Forbidden Stories en 2020 – ou le journaliste indien et défenseur des droits humains Anand Teltumbde, ont été emprisonnés après que l’infection de leurs téléphones soit documentée par des groupes de défense et des médias.

    Les murs de son bureau à la Maison des Journalistes sont couverts d’affiches de Reporters Sans Frontières et d’autres organisations de défense de la liberté de la presse. Hicham Mansouri vivait auparavant dans le bâtiment, qui sert à la fois de lieu d’exposition et de résidence pour les journalistes réfugiés. Il a depuis déménagé mais partage toujours un petit bureau au rez-de-chaussé où il se rend trois fois par semaine.

    Avant de discuter avec Forbidden Stories, le journaliste marocain éteint le portable qu’il a emprunté et le plonge au fond de son sac à dos. Une analyse scientifique de son téléphone précédent, réalisée par le Security Lab d’Amnesty International, a montré qu’il a été infecté par Pegasus plus de vingt fois sur une période de trois mois, de février à avril 2021.

    Journaliste d’investigation indépendant et co-fondateur de l’Association Marocaines des Journalistes d’Investigation (AMJI), Hicham Mansouri rédige actuellement un livre sur le trafic de drogue illégal dans les prisons marocaines, lui qui a fui son pays en 2016 en raison des nombreuses menaces physiques et judiciaires à son encontre.

    Le journaliste marocain Hicham Mansouri.

    En 2014, il est roué de coups par deux agresseurs anonymes alors qu’il quitte un rendez-vous avec d’autres défenseurs des droits humains, dont Maati Monjib, qui a plus tard, lui aussi, été ciblé par Pegasus. Un an après, des agents du renseignement armés perquisitionnent sa maison dès 9h et le trouve dans sa chambre en compagnie d’une amie. Ils l’ont alors entièrement déshabillé et arrêté pour « adultère », ce qui est un crime au Maroc. Hicham Mansouri passe dix mois dans la prison de Casablanca. Sa cellule est celle réservée aux criminels les plus dangereux et les autres détenus le surnomment « La Poubelle ». Au lendemain de sa libération, il saute dans un avion pour la France où il demande et obtient l’asile.
    Cinq ans plus tard, Hicham Mansouri découvre qu’il est toujours une cible du gouvernement marocain. « Tous les régimes autoritaires voient le danger partout », dénonce-t-il auprès de Forbidden Stories. « On ne se considère pas dangereux parce qu’on fait ce que l’on pense être légitime. On sait que l’on est dans notre droit. Mais pour eux nous sommes dangereux. Ils ont peur des étincelles parce qu’ils savent qu’elles peuvent mettre le feu. »

    Au moins 35 journalistes basés dans 4 pays ont été sélectionnés comme cibles par le Maroc, selon l’enquête publiée aujourd’hui. Nombre des journalistes marocains sélectionnés comme cibles ont été à un moment donné arrêtés, diffamés ou ciblés d’une certaine manière par les services de renseignement. D’autres, en particulier les rédacteurs en chef Taoufik Bouachrine et Souleimane Raissouni, sont actuellement en prison pour des accusations que les organisations de défense des droits humains prétendent être instrumentalisées avec pour objectif d’écraser le journalisme indépendant au Maroc.

    Dans une déclaration à l’attention de Forbidden Stories et ses partenaires, les autorités marocaines ont écrit qu’ils « ne comprennent pas le contexte de la saisine par le Consortium International de Journalistes » et que les autorités sont toujours « dans l’attente de preuves matérielles » pour « prouver une quelconque relation entre le Maroc et la compagnie israélienne précitée. »

    Taoufik Bouachrine, rédacteur en chef d’Akhbar al-Youm, a été arrêté en février 2018 pour trafic d’êtres humains, agression sexuelle, viol, prostitution et harcèlement. Parmi les quatorze femmes qui l’auraient accusé, dix se sont présentées au procès et cinq ont déclaré que le journaliste était innocent, d’après CPJ. Taoufik Bouachrine a par le passé écrit des tribunes critiques du régime marocain, accusant des hauts membres du gouvernement de corruption. Il a été condamné à 15 ans de prison et a passé plus d’un an à l’isolement. Forbidden Stories et ses partenaires ont pu confirmer qu’au moins deux des femmes impliquées dans l’affaire ont été sélectionnées comme cibles avec Pegasus.

    Souleimane Raissouni est le successeur de Taoufik Bouachine aux commandes du quotidien indépendant Akhbar al-Youm. Lui aussi est arrêté pour des accusations d’agression sexuelle en mai 2020. Il est accusé d’agression par un militant LGBT, sous le pseudonyme d’Adam Muhammed, qui a avoué à CPJ qu’il n’avait pas été à l’aise pour déposer une plainte publique à cause de son orientation sexuelle. Des journalistes et défenseurs de la liberté de la presse affirment, de leur côté, penser que les plaintes à l’encontre de Souleimane Raissouni sont des représailles pour ses reportages critiques. En juillet 2021, alors qu’il a entamé une grève de la faim de près de 100 jours, il est condamné à cinq ans d’emprisonnement.

    « L’intérêt [de la surveillance] c’est [a priori] de suivre la vie privée des gens afin de trouver une faille sur laquelle ils peuvent baser tout un procès », éclaire Ahmed Benchemsi, ancien journaliste et fondateur des média indépendants TelQuel et Nichane, qui dirige désormais la communication d’Human Rights Watch au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Alors que par le passé les journalistes marocains étaient systématiquement poursuivis judiciairement pour ce qu’ils écrivaient – pour diffamation par exemple, ou pour manque de respect au roi – la nouvelle tactique consiste à les accuser de graves crimes tels que de l’espionnage, ou des viols ou agressions sexuelles, poursuit Ahmed Benchemsi. À ces fins-là, la surveillance est devenue clé pour glaner des informations personnelles utiles. « Il y a souvent un bout de vérité dans les grandes calomnies, et c’est ce morceau-là – qui est généralement personnel et confidentiel – qui provient de la surveillance. »

    Des journalistes étrangers qui couvrent la détresse des journalistes marocains ont eu aussi été sélectionnés comme cibles, et dans certains cas leurs téléphones a été infecté. C’est le cas d’Edwy Plenel, directeur et l’un des cofondateurs du site d’investigation indépendant Mediapart, dont le portable a été compromis au cours de l’été 2019 selon l’analyse opérée par le Security Lab d’Amnesty International – et qui a été revue et confirmée par le groupe de défense de droits numériques Citizen Lab. En juin de cette année-là, Edwy Plenel assiste à une conférence de deux jours à Essaouira, au Maroc, à la demande d’un journaliste partenaire de Mediapart, Ali Amar, le fondateur du magazine d’investigation marocain LeDesk – dont le numéro de téléphone apparaît, lui aussi, dans la liste à laquelle a eu accès Forbidden Stories. À cette occasion, Edwy Plenel donne plusieurs interviews où il aborde la question des violations des droits humains par l’État marocain. À son retour à Paris, des processus suspects commencent à apparaître sur son portable.

    « Nous travaillions alors avec Ali Amar, c’est-à-dire que nous publions certaines enquêtes ensemble. Je le connaissais un peu comme je connais beaucoup de journalistes qui se battent pour la liberté de la presse au Maroc », explique Edwy Plenel au cours d’une interview avec Forbidden Stories. « Donc quand j’ai appris ma surveillance, tout cela a semblé logique. » Edwy Plenel estime que le ciblage de son téléphone – ainsi que celui d’une autre journaliste de Mediapart, Lénaïg Bredoux – avec Pegasus était probablement un « Cheval de Troie visant nos collègues marocains ».

    Comme Hicham Mansouri, de nombreux journalistes ont, soit fui le pays, soit complètement arrêté le journalisme. Accablé par les arrestations successives et la pression financière, le journal de Souleimane Raissouni et Taoufik Bouachrine, Akhbar al-Yaoum, a lui arrêté de paraître en mars 2021. « Il y a 10 ou 15 ans, il y avait un espace de liberté d’expression au Maroc. Mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. C’est fini », regrette Ahmed Benchemsi. « Survivre aujourd’hui, cela signifie intérioriser un degré élevé d’autocensure. À moins que vous supportiez les autorités bien sûr. »

    Source : Forbidden Stories, 18/07/2021

    Etiquettes : Maroc, Pegasus, logiciels espions, spyware, journalistes, presse, NSO Group,

  • Maroc-espionnage : Omar Radi, à la une du Guardian

    Sans le vouloir, le Makhzen a rendu le journaliste Omar Radi célèbre. Sa photo se trouve aujourd’hui à la une du journal britannique The Guardian dans un article dédié au scandale d’espionnage et de surveillance de nombreux journalistes du monde. Voici le texte intégral de l’article:

    Le rédacteur en chef du FT fait partie des 180 journalistes identifiés par les clients de la société de logiciels espions.

    La fuite de données et les analyses médico-légales suggèrent que l’outil de surveillance de NSO a été utilisé contre les journalistes de certaines des plus grandes entreprises de médias du monde.

    David Pegg et Paul Lewis à Londres, Michael Safi à Beyrouth, Nina Lakhani à Ciudad Altamirano.

    La rédactrice en chef du Financial Times fait partie des plus de 180 rédacteurs en chef, journalistes d’investigation et autres journalistes du monde entier qui ont été sélectionnés comme candidats possibles à la surveillance par les clients gouvernementaux de la société de surveillance NSO Group, peut révéler le Guardian.

    Roula Khalaf, qui est devenue la première femme rédactrice en chef de l’histoire du journal l’année dernière, a été sélectionnée comme une cible potentielle tout au long de 2018.

    Son numéro figure dans une liste ayant fait l’objet d’une fuite de numéros de téléphone portable sélectionnés pour une éventuelle surveillance par les clients de NSO, une entreprise israélienne qui fabrique des logiciels espions et les vend aux gouvernements. Son principal produit, Pegasus, est capable de compromettre un téléphone, d’extraire toutes les données stockées sur l’appareil et d’activer son microphone pour écouter les conversations.

    D’autres journalistes qui ont été sélectionnés comme candidats possibles à la surveillance par les clients de NSO travaillent pour certaines des organisations médiatiques les plus prestigieuses du monde. Parmi eux figurent le Wall Street Journal, CNN, le New York Times, Al Jazeera, France 24, Radio Free Europe, Mediapart, El País, Associated Press, Le Monde, Bloomberg, l’Agence France-Presse, The Economist, Reuters et Voice of America.

    NSO insiste depuis longtemps sur le fait que les gouvernements auxquels elle accorde des licences pour Pegasus sont contractuellement tenus de n’utiliser ce puissant outil d’espionnage que pour lutter contre « les crimes graves et le terrorisme ».

    L’analyse des données divulguées suggère que le téléphone de Khalaf a été sélectionné comme une cible possible par les Émirats arabes unis (EAU). À l’époque, Khalaf était rédacteur en chef adjoint au FT. Un porte-parole du Financial Times a déclaré : « Les libertés de la presse sont vitales, et toute ingérence ou surveillance illégale des journalistes par l’État est inacceptable. »

    Les enregistrements divulgués ont été initialement consultés par Forbidden Stories, une organisation de journalisme à but non lucratif, et Amnesty International. Ils ont partagé l’accès avec le Guardian et certains autres médias dans le cadre du projet Pegasus, une collaboration internationale en matière d’investigation.

    Une infection réussie de Pegasus donne aux clients de l’ONS l’accès à toutes les données stockées sur l’appareil. Une attaque contre un journaliste pourrait exposer ses sources confidentielles et permettre au client gouvernemental de NSO de lire ses messages de chat, de récolter son carnet d’adresses, d’écouter ses appels, de suivre ses mouvements précis et même d’enregistrer ses conversations en activant le microphone de l’appareil.

    Les journalistes dont les numéros apparaissent dans les données vont des pigistes locaux, tels que le journaliste mexicain Cecilio Pineda Birto, qui a été assassiné par des agresseurs armés de fusils un mois après que son téléphone a été sélectionné, aux reporters d’investigation primés, en passant par les rédacteurs et les cadres de grandes organisations médiatiques.

    Outre les Émirats arabes unis, une analyse détaillée des données indique que les gouvernements d’Azerbaïdjan, de Bahreïn, de Hongrie, d’Inde, du Kazakhstan, du Mexique, du Maroc, du Rwanda et d’Arabie saoudite ont tous sélectionné des journalistes comme cibles possibles de surveillance.

    Il n’est pas possible de savoir de manière concluante si les téléphones ont été infectés avec succès par Pegasus sans une analyse des appareils par des experts en criminalistique. Le laboratoire de sécurité d’Amnesty International, qui peut détecter les infections réussies de Pegasus, a trouvé des traces du logiciel espion sur les téléphones portables de 15 journalistes qui avaient accepté de faire examiner leurs appareils après avoir découvert que leur numéro figurait dans les données ayant fait l’objet de la fuite.

    Parmi les journalistes dont l’analyse a confirmé qu’ils avaient été piratés par Pegasus figurent Siddharth Varadarajan et Paranjoy Guha Thakurta, cofondateur et reporter du site d’information indien The Wire. Thakurta a été piraté en 2018 alors qu’il travaillait sur une enquête sur la façon dont le gouvernement nationaliste hindou de Narendra Modi utilisait Facebook pour diffuser systématiquement la désinformation parmi les Indiens en ligne.

    « Vous vous sentez violé », a déclaré Varadarajan au sujet du piratage de son appareil et de la sélection de ses collègues pour le ciblage. « C’est une intrusion incroyable et les journalistes ne devraient pas avoir à faire face à cela. Personne ne devrait avoir à faire face à cela, mais en particulier les journalistes et ceux qui travaillent d’une certaine manière pour l’intérêt public. »

    Omar Radi, journaliste indépendant et militant des droits de l’homme marocain qui a publié des exposés répétés sur la corruption du gouvernement, a été piraté par un client de NSO que l’on croit être le gouvernement du Maroc tout au long de 2018 et 2019.

    Le gouvernement marocain l’a depuis accusé d’être un espion britannique, dans des allégations décrites par Human Rights Watch comme un « abus du système judiciaire pour faire taire l’une des rares voix critiques restantes dans les médias marocains ».

    Saad Bendourou, chef de mission adjoint à l’ambassade du Maroc en France, a rejeté les conclusions du consortium.

    « Nous vous rappelons que les allégations infondées déjà publiées par Amnesty International et relayées par Histoires interdites ont déjà fait l’objet d’une réponse officielle des autorités marocaines, qui ont catégoriquement démenti ces allégations », a-t-il déclaré.

    Khadija Ismayilova : « C’est méprisable, c’est odieux ».

    Khadija Ismayilova, une journaliste d’investigation azerbaïdjanaise primée, a également été confirmée par une analyse technique comme ayant été piratée avec Pegasus en 2019. Elle a passé des années à dénoncer le réseau de corruption et d’enrichissement personnel qui entoure le président autocratique, Ilham Aliyev, qui dirige son pays depuis sa prise de pouvoir en 2003.

    Elle a été confrontée à une campagne soutenue de harcèlement et d’intimidation en représailles à son travail. En 2012, des vidéos intimes d’elle, filmées à l’aide d’une caméra installée dans son appartement à son insu, ont été publiées en ligne peu après qu’elle eut reçu une lettre l’avertissant de « se comporter correctement ou d’être diffamée ».

    En 2014, elle a été arrêtée pour des accusations d’évasion fiscale présumée, d’infractions liées aux « affaires illégales » et d’ »incitation au suicide » d’un collègue encore en vie. Elle a été libérée d’une peine d’emprisonnement de sept ans et demi à la suite d’un appel, mais est restée soumise à une interdiction de voyager ainsi qu’à un gel des avoirs l’empêchant d’accéder à son propre compte bancaire jusqu’à récemment.

    Selon l’analyse des données divulguées, il est presque certain que son téléphone a été piraté par des agents du régime Aliyev. Le même client du NSO a également sélectionné comme candidats à la surveillance plus de 1 000 autres téléphones azerbaïdjanais, dont beaucoup appartiennent à des dissidents azerbaïdjanais, ainsi que deux des avocats d’Ismayilova.

    « Je me sens coupable pour les sources qui m’ont envoyé [des informations], pensant que certaines messageries cryptées sont sûres. Ils l’ont fait sans savoir que mon téléphone était infecté », a déclaré Mme Ismayilova.

    « Des membres de ma famille sont également victimes, des personnes avec lesquelles je travaillais. Des personnes qui m’ont confié leurs secrets privés sont victimisées. Il n’y a pas que moi. »

    Elle a ajouté : « Je suis en colère contre le gouvernement qui produit tous ces outils et les vend aux méchants comme le régime Aliyev. C’est méprisable, c’est odieux… Lorsque la vidéo a été exposée, il n’y avait que moi. Maintenant, je ne sais pas qui d’autre a été exposé à cause de moi, qui d’autre est en danger à cause de moi. »

    Bradley Hope : « Votre téléphone est un dispositif de surveillance potentiel ».

    Dans les enregistrements qui ont fuité figure également un numéro de téléphone britannique appartenant au journaliste d’investigation américain Bradley Hope, qui vit à Londres. À l’époque de sa sélection, il était employé au Wall Street Journal.

    Au printemps 2018, Hope et son collègue Tom Wright vérifiaient les faits d’une ébauche de livre sur 1MDB, un scandale de corruption impliquant le vol de 4,5 milliards de dollars à l’État de Malaisie. Au cœur des allégations se trouvaient Najib Razak, le premier ministre du pays, et un homme d’affaires nommé Jho Low.

    Une partie de l’enquête portait également sur la possibilité qu’une partie de l’argent ait été dépensée pour l’achat d’un yacht de luxe, appelé le Topaz, pour le cheikh Mansour, vice-premier ministre des Émirats arabes unis et membre éminent de la famille royale d’Abou Dhabi.

    Dans le cadre de la pratique journalistique habituelle, Hope et Wright ont contacté les parties qui seraient nommées dans leur livre et leur ont offert la possibilité de faire des commentaires.

    Les documents révèlent qu’à peu près au même moment, l’un des clients gouvernementaux de NSO – que l’on pense être les Émirats arabes unis – a commencé à sélectionner le téléphone portable de Hope comme candidat possible à la surveillance.

    Son numéro a été inclus dans la liste jusqu’au moins le printemps 2019, période pendant laquelle Hope et Wright ont continué à faire des rapports sur les nouvelles révélations dans l’enquête de corruption 1MDB. Le numéro de téléphone de Wright ne figure pas dans la liste.

    Hope n’a plus accès à son téléphone, de sorte que le Guardian n’a pas été en mesure de procéder à une analyse, bien que les vérifications sur son appareil actuel n’aient trouvé aucune suggestion qu’il était actuellement surveillé.

    « Je pense que la première chose que toute personne ciblant mon téléphone voudrait savoir est : qui sont mes sources ? a déclaré Hope. « Ils voudraient savoir qui est à l’origine de ces informations. »

    Il a suggéré qu’une possibilité était que le pays ait pu s’intéresser à lui parce qu’il essayait de calculer où, le cas échéant, il se situait par rapport à la vaste et tentaculaire rivalité régionale entre les EAU et son voisin le Qatar.

    M. Hope a déclaré qu’il avait déjà adopté diverses contre-mesures de sécurité numérique, notamment en remplaçant régulièrement le combiné de son téléphone, en mettant à jour les systèmes d’exploitation et en évitant d’apporter des appareils électroniques dans des juridictions à haut risque comme les Émirats arabes unis.

    « Sachant qu’un pays peut si facilement pénétrer dans votre téléphone, cela signifie inévitablement que vous devez toujours penser à votre téléphone comme à un dispositif de surveillance potentiel », a-t-il déclaré. « Cela me rappellera simplement qu’à tout moment, je peux transporter une vulnérabilité avec moi ».

    Parmi les autres journalistes de premier plan dont les téléphones ont été sélectionnés par les clients de NSO, citons Gregg Carlstrom, journaliste spécialiste du Moyen-Orient à l’Economist, dont les numéros de téléphone égyptiens et qataris ont été sélectionnés comme cibles possibles par un client de NSO, vraisemblablement aux EAU.

    D’éminents dirigeants de médias, dont Edwy Plenel, le fondateur du site d’investigation en ligne français Mediapart, ont également été sélectionnés.

    Il n’y a pas assez de garanties

    Carlos Martínez de la Serna, directeur de programme au Comité de protection des journalistes, une organisation à but non lucratif, a déclaré que l’utilisation de logiciels espions pour attaquer les journalistes et leurs sources devenait un problème de plus en plus grave pour son organisation.

    « Le fait de mettre un journaliste sous surveillance a un effet très fort et effrayant. Nos appareils sont essentiels à l’activité de reportage, et ils exposent les contacts du journaliste, ses sources et son matériel », a-t-il déclaré. « Il cible l’activité journalistique d’une manière qui l’entrave presque totalement dans les situations où les journalistes sont menacés. »

    M. Martínez a déclaré qu’il était urgent que les pays commencent à réglementer les entreprises exportant des capacités de surveillance, en particulier lorsque les journalistes sont susceptibles d’être en danger. « Il n’y a pas assez de garanties concernant l’exportation des logiciels », a-t-il déclaré. « Des logiciels espions ont été vendus directement à des gouvernements dont le bilan en matière de liberté de la presse est terrible, ce qui est difficile à comprendre. »

    Les avocats de NSO Group ont déclaré que l’entreprise « n’a pas accès aux données des cibles de ses clients ». Cependant, ils ont contesté que les numéros dans la fuite aient révélé l’identité des cibles de surveillance des clients de NSO, suggérant qu’ils pourraient plutôt faire partie d’une liste plus large de numéros utilisés par leurs clients « à d’autres fins » qui sont légitimes et n’ont rien à voir avec la surveillance ou avec NSO.

    NSO a nié les « fausses allégations » faites sur les activités de ses clients, mais a déclaré qu’elle « continuerait à enquêter sur toutes les allégations crédibles d’abus et à prendre les mesures appropriées ». Elle a déclaré que, dans le passé, elle avait fermé l’accès de ses clients à Pegasus lorsque des abus avaient été confirmés.

    La société a ajouté : « NSO Group a pour mission de sauver des vies, et la société s’acquittera fidèlement de cette mission sans se laisser décourager, malgré toutes les tentatives continues de la discréditer sur de fausses bases. »

    The Guardian, 18/07/2021

    Etiquettes : Israël, Espionnage, surveillance, NSO Group, Pegasus, Whatsapp, journalistes, presse, répression,

  • Maroc: Le Makhzen face à ses crimes

    S’il fallait une preuve du peu de cas que le royaume du Maroc accorde à la liberté de la presse, la condamnation d’un journaliste à une peine de 5 années de prison ferme vient répondre à toutes les voix qui tentent de trouver quelque circonstance atténuante à un pays tortionnaire, trafiquant de drogue et colonisateur. 

    L’épisode du procès démasque Rabat devant la communauté internationale. Mais dire qu’une condamnation par l’Onu et autres institutions officielles suffit à avoir bonne conscience se serait mentir à l’opinion internationale. Et pour cause, Mohamed VI pourrait libérer le journaliste injustement condamné pour racheter une nouvelle virginité. 
    Aussi, il faut dire haut et fort que les exactions du Makhzen à l’endroit de la presse n’est que l’écume des violations systématique des droits de l’Homme qu’il pratique à l’endroit du peuple Sahraoui. En effet, son activisme « débordant » visant à annuler la dimension droit de l’homme dans la mission de la Minurso doit aussi être dénoncé. L’Onu et ses « dépendances» savent ce qui se passe au Sahara occidental, ils connaissent le véritable visage d’un royaume colonialiste et très peu regardant sur les droits de l’homme, lorsqu’il s’agit des populations sahraouies. Les gesticulations du palais royale, dans une tentative désespérée de maintenir le couvercle démocratique, auront un jour ou un autre un effet contraire.
    L’erreur du Maroc a été de compter exclusivement sur la « compréhension » franco-américaine, au point d’être totalement isolé au plan africain et Méditerranéen. Mohamed VI, comme son père Hassan II, s’est cru plus proche des occidentaux que des «indigènes» d’Afrique et d’ailleurs. Son comportement, depuis son accession au pouvoir, donnait la nette impression d’une volonté de se dissocier de ses racines pour s’offrir à l’occident. Pour se faire, il n’a pas hésité à faire concession sur concession. Jusqu’à en perdre son identité, en pactisant avec l’entité sioniste.
    Le deal était simple. Aux dirigeants occidentaux de flatter l’égo du roi et mettre sous silence le sous-développement caractérisé de ses sujets. En contre partie, le roi laisse les grands de ce monde se comporter comme chez eux dans les limites territoriales de son royaume. Mais il a oublié que les occidentaux, et à leur tête Israël, n’ont que faire des largesses royales. Le jour viendra où ils lui feront ce qu’ils ont fait au système de l’Apartheid, en Afrique du sud.
    Par Nabil G.
    Ouest Tribune, 15/07/2021
    Etiquettes : Maroc, Makhzen, droits de l’homme, violations, Soulaiman Raïssouni, Omar Radi, presse, 
  • Droit de l'Homme : Le Département d'Etat, RSF et Euromed accablent le Maroc

    Les violations des droits de l’Homme au Maroc continuent de susciter les inquiétudes des organisations à travers le monde et plus récemment du département d’Etat des Etats-Unis qui accable le Royaume qui persiste dans ses pratiques répressives dans le but de faire taire les voix critiques envers le régime en place.

    Le département d’Etat s’est dit lundi « déçu » par le verdict de 5 ans de prison prononcé vendredi dernier à l’encontre de Souleiman Raissouni, rédacteur en chef du quotidien Akhbar Al Yaoum (qui a cessé de paraître en mai dernier après 14 ans d’existence). « Nous pensons que le processus judiciaire qui a conduit à son verdict contredit la promesse fondamentale du système marocain de procès équitables pour les personnes accusées de crimes, et il est incompatible avec la promesse de la constitution de 2011 et le programme de réforme » engagé dans le pays, a déclaré le porte-parole de la diplomatie américaine, Ned Price, exprimant les préoccupations de son département par « l’impact négatif de l’affaire sur la liberté d’expression et la liberté d’association au Maroc ». « La liberté de la presse est fondamentale pour des sociétés prospères et sûres, et les gouvernements doivent veiller à ce que les journalistes puissent exercer en toute sécurité leurs rôles essentiels sans crainte de détention injuste, de violence ou de menaces », a-t-il poursuivi. 
    En effet, ce n’est pas la première fois, pour cette année, que le département d’Etat interpelle les autorités marocaines sur les droits de l’Homme. Dans un rapport publié début avril, il avait déjà pointé une situation peu reluisante au Maroc, et dévoilé des cas de torture, disparitions forcées, et graves restrictions à la liberté d’expression dans lesquels seraient impliqués des membres des forces de sécurité. Un mois après, soit le début mai, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, invitera les autorités marocaines à réaffirmer leur engagement en faveur de la protection et de la promotion des droits de l’Homme.
    Le régime marocain « étouffe » la société
    Dans ce contexte, l’Observatoire Euro-Méditerranéen des Droits de l’Homme, a déclaré, dans un rapport détaillé publié lundi, que les autorités marocaines ont « sévèrement restreint », depuis des années, la liberté d’opinion et d’expression et la liberté de la presse, et ont utilisé des méthodes « illégales » pour détenir, poursuivre et diffamer des activistes et des journalistes. Selon l’organisme, les autorités du Maroc détiennent ou poursuivent toujours 21 journalistes et militants des droits civils et humains pour avoir exprimé leurs opinions à travers les médias ou les réseaux sociaux. Durant les deux dernières années et au cours de cette année, des suivis judiciaires contre des journalistes et des activistes ont été prononcés, et certains d’entre eux ont été condamnés à de lourdes peines, d’après le rapport. Selon Euro-Med Monitor, l’absence de garanties constitutionnelles et légales suffisantes pour protéger le droit fondamental à la liberté d’opinion, d’expression et de travail journalistique a conduit à l’exacerbation des violations officielles et des abus envers l’exercice de ces libertés. 
    Le rapport de l’Observatoire Euro-Méditerranéen, intitulé « Le Maroc… étouffe les autres opinions « , s’est basé sur les témoignages de 15 journalistes et militants marocains ou de leurs familles, qui ont fait l’objet de mesures de persécution, de détention ou de diffamation, en raison de leurs activités journalistiques et politiques, et de l’expression de leurs opinions sur un certain nombre d’incidents au Maroc. Aussi, le rapport a souligné que les opposants et les journalistes sont visés par des campagnes de diffamation et de déformation dans les médias visuels, les réseaux sociaux et les sites web, afin de les empêcher de critiquer les politiques du Royaume.
    De son coté, Reporters sans frontières (RSF) particulièrement préoccupé par la condamnation arbitraire de Souleiman Raissouni, a signalé que ce dernier n’était pas au tribunal lorsque le juge a annoncé sa condamnation à cinq ans de prison pour « agression sexuelle », des faits qu’il a toujours contesté. La condamnation de Souleiman Raissouni a été prononcée après 4 mois d’une procédure émaillée par de multiples irrégularités. Le parquet avait requis la peine maximale, soit 10 ans de prison ferme au prétexte que notamment que les déclarations du journaliste étaient « contradictoires » tandis que celles du plaignant étaient « concordantes et cohérentes », selon RSF.
    Etiquettes : Sahara Occidental, Maroc, Etats-Unis, droits de l’homme, Soulaiman Raïssouni, Omar Radi, presse, journalistes,