Étiquette : presse

  • Maroc: Emission de la “Radio 1” aux Pays-Bas sur l’affaire Omar Radi

    A la demande de quelques journalistes cet après-midi, voici sous forme de résumé une retranscription de l’émission “Bureau Buitenland” à laquelle Jan Hoogland et moi avons participé ce 7 juillet.

    Présentateur Abdou Bouzerda [P] : Au Maroc aussi, la liberté de la presse est sous pression (…)

    Le journaliste Omar Radi risque une très longue peine de prison de 15 ans. Il serait ainsi un espion pour les Pays-Bas, c’est en tout cas ce que soupçonne le Maroc, sur la base de son amitié avec le belge Arnaud Simons, qui travaillait à l’ambassade des Pays-Bas à Rabat. (…)

    Monsieur Hoogland, qui est donc ce Omar Radi ?

    Jan Hoogland [JA] : Omar est un jeune journaliste critique et indépendant, qui s’est notamment penché sur le sujet de la politique foncière, pour ainsi dire. Certaines tribus au Maroc sont collectivement propriétaires de terres, des terres que les autorités sont en train de diviser et de redistribuer à des amis et à des personnalités influentes. On peut certainement ici parler de corruption, une corruption sur laquelle Omar était en train d’enquêter.

    [P] Monsieur Simons, vous connaissez également Monsieur Radi personnellement, quel type d’homme est-il ?

    Omar et moi nous sommes rencontrés il y a une dizaine d’années maintenant. A l’époque en 2012 je travaillais au sein de la Délégation Wallonie-Bruxelles à Rabat, Omar était déjà à l’évidence quelqu’un de très intelligent et de réellement intéressant. Il commençait alors à se faire remarquer comme journaliste et était connu comme un activiste du mouvement du 20 Février.

    [P] : Le mouvement du 20 Février qui a donc émergé durant le printemps arabe, Omar était déjà un activiste, il défendait la démocratie.

    Arnaud Simons (AS) : Oui absolument. À la suite de notre rencontre nous sommes restés en contact, nous avions des intérêts communs et nous sommes tout de suite bien entendus. Notre rencontre a ainsi eu lieu plusieurs mois avant que je ne commence à travailler à l’ambassade des Pays-Bas à Rabat.

    [P] Monsieur Hoogland, cette enquête sur l’expropriation des terres est donc le contexte dans lequel intervient les accusations, mais il n’est pas poursuivi pour celle-ci. Pourriez-vous nous en dire plus sur les charges contre lui ?

    [JA] Il y a donc deux éléments retenus, le premier comme vous l’avez indiqué serait l’espionnage pour les Pays-Bas, l’autre concernerait le viol d’une collègue. Cette seconde charge d’accusation s’inscrit dans le cadre de ces deux dernières années au Maroc, au cours desquelles les journalistes critiques sont poursuivis par la justice, non pas pour leur travail, mais bien parce qu’ils auraient commis des crimes sexuels. C’est ainsi tout à fait fortuit que tous les journalistes critiques soient ainsi également des délinquants sexuels… ce n’est pas possible !

    [P] C’est aussi un questionnement que je partage. Concernant les charges d’espionnage, votre nom est cité Monsieur Simons dans les rapports du tribunal, vous êtes accusé d’avoir été en charge (…) d’espions pour les Pays-Bas, je me permets donc cette question : êtes-vous une sorte de maître espion ?

    [AS] Absolument pas, ces accusations sont sans fondement. J’ai à ce sujet fait parvenir aux avocats d’Omar l’ensemble des preuves documentées et notre espoir est que le juge acceptera de se pencher sur les documents originaux qui lui ont été remis. Le cœur du dossier est le nombre d’appels et de messages qui ont été échangés entre Omar et moi lorsque je travaillais à l’ambassade des Pays-Bas, entre 2012 et 2015. Selon les avocats d’Omar, c’est justement le nombre de ces appels et messages qui est utilisé pour justifier les charges d’espionnage au profit des Pays-Bas.

    [P] Donc pour que je comprenne, vous aviez un téléphone de service à l’ambassade, où vous travailliez en tant que non diplomate et avec ce téléphone vous passiez naturellement aussi des appels privés, un de vos contacts privés étant ce Omar Radi ?

    [AS] Oui c’est bien ça. Omar étant aussi un journaliste, il m’est arrivé de le contacter dans le cadre d’activités économiques de l’ambassade. C’était alors normal à l’ambassade pour toutes les personnes qui avaient un téléphone de service, de n’utiliser qu’un seul téléphone.

    Omar m’a affirmé en 2012 que son téléphone était sur écoute, il ne s’agissait pas que d’une supposition de sa part, étant donné qu’il apparaît maintenant que la police avait procédé à sa mise sur écoute depuis 2011. Cela signifie notamment que le dossier contient l’ensemble des messages que nous nous sommes envoyés, ainsi qu’une retranscription des appels passés. Je trouve dommage que ces éléments n’aient pas été rendus publics car s’ils l’avaient été, la nature ridicule de ces charges d’espionnage aurait été évidente pour tous.

    [P] Ce qui me frappe aussi au niveau du dossier, c’est que vous auriez utilisé une fausse identité, la justice marocaine affirmant ainsi qu’Arnaud Simons n’existe pas… comment est-ce possible?

    [AS] Oui effectivement, il y a une dizaine de jours, en réponse à la demande des avocats d’Omar de m’interroger comme témoin à décharge, le ministère public a affirmé qu’ « Arnaud Simons » était une fausse identité et que je n’existais pas…

    [P] Pourtant vous existez bien, je vous parle en ce moment et notre rédaction l’a également vérifié…

    [AS] Oui naturellement ! Le jour suivant, je suis donc allé chez un huissier de justice en Belgique avec ma carte d’identité, pour que celui-ci vérifie l’authenticité des documents que nous avons ensuite fait parvenir au juge, à savoir : un certificat de résidence marocain, une sorte de carte d’identité marocaine utilisée par les personnes qui vivent dans le pays, un acte de naissance ainsi que mon contrat de travail avec l’ambassade des Pays-Bas. La version originale de l’ensemble de ces documents est parvenue au juge.

    [P] On peut au moins dire que vous avez fait tout ce qu’il était possible de faire pour prouver que vous existez bien, ce qui est en soi assez bizarre mais bon… Monsieur Hoogland, vous parliez donc d’une tendance à poursuivre des journalistes pour des affaires de mœurs… concernant cette accusation d’espionnage, je mentionne que Monsieur Simons et vous étiez collègues au sein de l’ambassade, quelle est la crédibilité des accusations ?

    [JA] Ces accusations n’ont pas la moindre crédibilité. Comme vous l’avez indiqué, Arnaud et moi étions collègues, je sais quel type de travail il faisait, nous avons aussi fait des choses ensemble comme les soirées du film néerlandais… le travail d’Arnaud n’avait absolument rien à voir avec un quelconque travail de renseignement ou quoi que ce soit qui y soit lié.

    D’ailleurs si les autorités marocaines avaient réellement accordé du crédit à cette histoire d’espionnage, ils auraient évidemment réagi à l’époque. Ils auraient alors contacté l’ambassade pour leur dire qu’Arnaud allait devoir être expulsé ou quelque chose comme ça… Ca s’est déjà passé avec des espions marocains qui travaillaient à l’ambassade de La Haye, on demande alors à l’ambassade de retirer telle ou telle personne, c’est arrivé avec les Russes aussi etc.

    [P] Ce qui est fou aussi, on a donc demandé un commentaire à l’ambassade marocaine ici qui n’a pas souhaité réagir, mais le Ministère des Affaires étrangères néerlandais n’a pas non plus réagi aux accusations selon lesquelles nous aurions ainsi engagé de la sorte Monsieur Simons.

    [JA] Oui je pense qu’il y a quelques explications possibles. Je ne suis plus membre de l’ambassade donc il ne s’agit que de ma lecture ici.

    Premièrement, je pense que l’ambassade ne souhaite pas se mêler à cette affaire judiciaire et qu’ils disent en l’état : « il n’y a aucune preuve, il n’y a donc pas lieu de réfuter quoi que ce soit. Si le juge fait son travail cela apparaîtra tout seul ». J’ai peur cela dit que la justice au Maroc ne fonctionne de manière assez différente.

    Ensuite, l’objectif principal de l’ambassade à Rabat est de défendre les intérêts néerlandais. Ces dernières années, les relations entre le Maroc et les Pays-Bas étaient déjà un peu compliquées, le fait d’aller se faire remarquer en s’impliquant dans un tel dossier peut être négatif pour ces relations.

    [P] Merci à vous deux. J’espère en tout cas Monsieur Simons que nous avons permis de démontrer aux autorités marocaines ce soir que vous existez bien et que cela aidera votre ami et notre collègue journaliste Omar Radi.


    Arnaud Simons, 13/07/2021

    Etiquettes : Maroc, Omar Radi, Arnaud Simons, presse, journalistes,

  • Washingon dénonce l’emprisonnement des journalistes au Maroc

    Les États-Unis ont critiqué lundi leur allié marocain pour avoir condamné un journaliste à cinq ans de prison et ont exhorté le royaume à protéger la liberté des médias.

    Le département d’État s’est dit « déçu » par la condamnation, vendredi, de Soulaimane Raissouni, rédacteur en chef du journal Akhbar Al Yaoum, aujourd’hui disparu, dont les alliés affirment qu’il a été pris pour cible en raison de ses articles critiques.

    Soulaimane Raissouni, qui a perdu beaucoup de poids après une grève de la faim de plus de 90 jours, a été reconnu coupable d’attentat à la pudeur contre un autre homme, ce qui fait de lui le dernier d’une série de journalistes poursuivis pour des crimes sexuels présumés.

    « Nous pensons que le processus judiciaire qui a conduit à ce verdict contredit la promesse fondamentale du système marocain de procès équitables pour les individus accusés de crimes et est incompatible avec la promesse de la constitution de 2011 et le programme de réforme de Sa Majesté le Roi Mohammed VI », a déclaré aux journalistes le porte-parole du Département d’État, Ned Price.

    « La liberté de la presse est un élément fondamental des sociétés prospères et sûres, et les gouvernements doivent veiller à ce que les journalistes puissent s’acquitter en toute sécurité de leur rôle essentiel sans craindre une réaction injuste, des violences ou des menaces », a-t-il ajouté.

    M. Price a indiqué que les États-Unis soulevaient également avec le Maroc d’autres cas de journalistes, notamment celui d’Omar Radi, qui est détenu en isolement cellulaire sous l’accusation d’agression sexuelle et d’atteinte à la sécurité de l’État.

    Le Maroc est un allié de longue date des États-Unis, qui sous l’ancien président Donald Trump a reconnu sa revendication sur le Sahara occidental contesté après que le royaume a accepté de normaliser ses relations avec Israël.

    Yahoo! News, 12/07/2021

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  • L’attaque armée contre un journaliste néerlandais vedette suscite l’inquiétude de l’Europe

    AMSTERDAM (AP) – Les dirigeants européens ont exprimé leur consternation, les défenseurs des droits des médias ont demandé que justice soit faite et les Pays-Bas ont été choqués par la mort d’un journaliste néerlandais chevronné, abattu d’une balle dans la tête dans le centre d’Amsterdam après une apparition à la télévision.

    Peter R. de Vries, célèbre pour ses reportages courageux sur la pègre néerlandaise, luttait pour sa vie dans un hôpital d’Amsterdam après la fusillade de mardi soir.

    Deux suspects restaient en détention mercredi, un citoyen polonais de 35 ans vivant aux Pays-Bas et un Néerlandais de 21 ans, tandis qu’une troisième personne détenue mardi soir a été relâchée, selon un communiqué de la police néerlandaise. Leur première comparution devant le tribunal était prévue pour vendredi.

    Le motif de l’attaque n’a pas été révélé.

    La fusillade a été considérée comme une tragédie nationale aux Pays-Bas, et des dizaines de personnes ont apporté des fleurs sur le lieu de l’attaque, à moins d’un pâté de maisons du célèbre Rijksmuseum de la capitale. Certains ont déclaré que l’attentat avait ébranlé leur sentiment de sécurité et suscité des inquiétudes quant au respect de l’État de droit.

    Le roi des Pays-Bas, Willem Alexander, a qualifié la fusillade d’ »attaque contre le journalisme, pierre angulaire de notre État de droit, et donc aussi d’attaque contre l’État de droit ».

    Elle a également touché une corde sensible ailleurs en Europe, où des attaques aussi brutales contre des reporters sont rares et où les meurtres de journalistes en Slovaquie et à Malte ces dernières années ont suscité des inquiétudes quant à la sécurité des reporters dans les sociétés développées et démocratiques.

    « Nous pouvons être en désaccord avec beaucoup de choses que nous voyons dans nos médias, mais nous devons convenir que les journalistes qui enquêtent sur les abus de pouvoir potentiels ne sont pas une menace mais un atout pour nos démocraties et nos sociétés », a déclaré mercredi la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, devant les législateurs du Parlement européen.

    M. De Vries, 64 ans, est le journaliste le plus célèbre des Pays-Bas. Il a accédé à la notoriété après avoir couvert l’enlèvement d’un héritier de Heineken en 1983. Il est un habitué des journaux télévisés du soir et a continué à publier des articles sur le monde criminel néerlandais. Il a remporté un Emmy international en 2008 pour une émission de télévision consacrée à la disparition de l’adolescente américaine Natalee Holloway alors qu’elle était en vacances sur l’île néerlandaise d’Aruba, dans les Caraïbes, en 2005.

    « Hier, notre pire cauchemar est devenu réalité », a tweeté Royce, le fils de de Vries, au nom de la famille. « En tant que famille, nous entourons Peter d’amour et d’espoir pendant cette phase difficile. Beaucoup de choses sont encore incertaines, mais ce qui est certain, c’est que toutes les expressions de soutien provenant de tout le pays offrent désormais un énorme soutien. »

    De Vries était depuis longtemps considéré comme une cible possible des criminels dont il rendait compte avec acharnement. La police et les procureurs n’ont pas voulu dire s’il bénéficiait d’une protection policière.

    De Vries avait récemment agi en tant que conseiller et confident d’un témoin dans un important procès du chef présumé d’un gang criminel, Ridouan Taghi, qui a été extradé aux Pays-Bas depuis Dubaï en 2019. Taghi est actuellement en prison alors qu’il est jugé avec 16 autres suspects.

    Liam Bakker, un habitant d’Amsterdam qui vit près du site où de Vries a été attaqué, a décrit avoir entendu trois ou quatre coups de feu, puis s’être précipité pour voir ce qui s’était passé.

    « Nous sommes sortis et l’avons vu allongé sur le sol… en train de saigner », a déclaré Bakker, encore sous le choc le lendemain.

    Il était parmi ceux qui rendaient hommage au site commémoratif improvisé mercredi dans une rue calme bordée de briques. Un étudiant de l’université voisine d’Amsterdam a qualifié l’événement d’ »horrible ». Une autre femme, de deux générations plus âgée, a déposé un bouquet de tournesols en disant : « C’est une honte, c’est terrible ». Un homme à vélo a déclaré être venu simplement parce qu’il « voulait faire quelque chose ».

    L’organisation de surveillance des médias Reporters sans frontières a exprimé mercredi sa « pleine solidarité » avec la famille de Vries et tous les journalistes néerlandais, et a demandé que les responsables de la fusillade soient traduits en justice.

    Des législateurs et des responsables d’autres pays de l’Union européenne se sont également exprimés. Le président du Conseil européen, Charles Michel, a qualifié la fusillade de « crime contre notre valeur fondamentale qu’est la liberté de la presse ».

    Le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, Dunja Mijatović, a tweeté : « Tout doit être fait pour traduire en justice le ou les auteurs et le ou les cerveaux de ce crime horrible et garantir la #Sécuritédesjournalistes en #Europe. »

    Associated Press, 07/07/2021

    Etiquettes : Peter R. de Vries, Pays Bas, journalisme, presse,

  • Maroc: Raïssouni n’est plus que l’ombre de lui-même

    Le journaliste Soulaimane Raissouni est prisonnier des oubliettes du roi du Maroc

    Le rédacteur en chef marocain Soulaimane Raissouni n’est plus l’ombre de lui-même après trois mois de grève de la faim. Il a été arrêté après avoir critiqué la gestion de la pandémie de corona.

    Le flamboyant journaliste marocain Soulaimane Raissouni, issu d’une famille d’intellectuels, est connu pour sa plume acérée. Dans ses articles, il n’hésite pas à critiquer le grand pouvoir du roi Mohammed VI et de sa clique corrompue. Mais il y a un an, la critique de l’approche de la pandémie de corona a apparemment été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.

    « Il y a plus de personnes arrêtées que de personnes testées pour le virus », avait grondé Raissouni dans un commentaire. Quelques jours plus tard, des policiers en civil sont venus le chercher tôt le matin à son domicile à Casablanca. Depuis lors, il est détenu dans la tristement célèbre prison d’Oukacha, dans la ville portuaire marocaine.

    Des tactiques éprouvées

    Selon les autorités, Raissouni (49 ans) a été arrêté pour avoir tenté de violer un homme gay. Mais les organisations de défense des droits de l’homme soulignent que ces accusations à caractère sexuel sont devenues une tactique éprouvée ces dernières années pour réduire au silence les militants et les journalistes critiques.

    D’abord, un critique est arrêté, suivi d’un lynchage publicitaire par les médias pro-gouvernementaux, puis d’un long procès et d’une lourde peine de prison. Auparavant, Taoufik Bouachrine, fondateur de Akhbar al-Yaoum, le journal dont Raissouni était le rédacteur en chef, a disparu derrière les barreaux pendant des années de la même manière. Et en ce moment, un journaliste d’investigation indépendant qui a publié des articles sur la corruption est également en prison pour viol.

    Autocensure

    Le résultat est un climat étouffant, dans lequel la plupart des journalistes s’autocensurent. Le journal de Raissouni, qui connaissait des problèmes financiers depuis un certain temps, a fait faillite en mars. En raison de son emprisonnement, il n’a pas vu son fils grandir. Et en avril, il a entamé une grève de la faim en signe de protestation. Lorsqu’il a comparu devant le tribunal le 10 juin, il était émacié et déjà incapable de marcher sans soutien.

    Entre-temps, Raissouni a entamé une grève de la faim depuis trois mois et les membres de sa famille craignent pour sa vie. Dans une tentative spectaculaire d’attirer l’attention sur son sort, sa femme Kholoud Mokhtari a récemment posté sur les médias sociaux un linceul blanc qui lui était destiné. Elle a déclaré à l’agence de presse AFP que la dernière fois qu’elle l’a vu, son mari ne pouvait même pas se tenir debout ou tenir une conversation : « Il ressemblait à un cadavre. »

    Trouw, 06/06/2021

    Etiquettes : Maroc, Soulaïman Raïssouni, presse, journalistes, grève de la faim, répression,

  • Maroc : La FIJ dénonce les délais excessifs de la justice

    Affaire des journalistes Raissouni et Radi: La FIJ dénonce les délais excessifs de la justice marocaine

    La Fédération internationale des journalistes (FIJ) a dénoncé les délais excessifs de la justice marocaine dans les affaires des journalistes Souleymane Raissouni et Omar Radi, en détention préventive, et appelé à un procès « juste et équitable ».

    La FIJ « appelle, depuis le début de ces deux affaires, à un procès juste et équitable, tant pour les journalistes incarcérés que pour les plaignants dans ces deux affaires », a indiqué un communiqué de la Fédération rendu public jeudi après avoir participé aux côtés de son affilié marocain, le Syndicat national de la presse marocaine (SNPM), aux audiences de la Cour d’Appel de Casablanca où sont poursuivis les journalistes Raissouni et Radi. « Nous nous inquiétons également de la durée excessive des instructions et de l’état de santé de Souleymane Raissouni, en grève de la faim depuis près de trois mois.

    Ces durées excessives de la justice marocaine sont néfastes, pour ne pas dire intolérables, pour les deux parties », a déploré la FIJ, première organisation mondiale de la profession représentant 600.000 journalistes dans 150 pays. Les 29 et 30 juin dernier, durant 20 heures d’entretiens, la FIJ, représentée par son Secrétaire général, Anthony Bellanger, et Abdel Kebir Khchichne, le président du Conseil national du SNPM et Hanane Rihab, la vice-présidente du SNPM chargée des libertés, ont rencontré à Casablanca l’ensemble des parties impliquées dans les deux affaires, afin de bien appréhender les enjeux.

    Souleymane Raissouni est poursuivi pour « attentat à la pudeur avec violence » et « séquestration », tandis que Omar Radi est poursuivi pour « viol » et pour « atteinte à la sécurité intérieure ». M. Radi et Raissouni clament leur innocence et leurs soutiens dénoncent des « procès politiques ».

    Raissouni, connu pour ses écrits critiques à l’égard du régime marocain, a entamé une grève de la faim ouverte pour protester, entre autres, contre son arrestation arbitraire et sa détention provisoire pendant près d’un an en l’absence de preuves l’incriminant.

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  • Maroc: Pour la libération des journalistes Soulaiman Raïssouni et Omar Radi

    Une cinquantaine d’intellectuels et de journalistes demandent au roi Mohamed VI d’accorder un procès équitable et de respecter les droits des deux journalistes emprisonnés depuis l’année dernière.

    Les soussignés, en tant qu’amis du Maroc et des Marocains, s’expriment individuellement et indépendamment de leur profession et de leurs convictions politiques pour demander la libération des journalistes Sulaiman Raissouni et Omar Radi avant que la santé de ces deux défenseurs de la liberté d’opinion ne se détériore davantage.

    Nous sommes conscients que l’état actuel des relations entre le Maroc et l’Espagne se prête à toutes sortes de manipulations démagogiques et nous ne voulons pas que cette lettre contribue à les détériorer davantage.

    Nous demandons le respect des droits fondamentaux des prisonniers conformément à la loi marocaine et aux conventions internationales ratifiées par le Maroc, notamment en ce qui concerne la présomption d’innocence.
    Souleiman Raissouni a été arrêté le 22 mai 2020 et accusé d’ »attentat à la pudeur avec violence et séquestration » d’un homme en 2018. Le procureur a basé l’accusation sur une publication anonyme sur Facebook.

    Omar Radi a été arrêté le 29 juillet 2020 et accusé d’espionnage et de tentative d’atteinte à la sécurité de l’État ; il a également été accusé de viol. Le seul témoin du viol présumé a témoigné en faveur de Radi, qui a été inculpé plusieurs mois plus tard pour complicité. Une grande partie des preuves présentées par l’avocat de la défense de Radi n’a pas été acceptée par l’accusation.

    Raissouni et Radi nient tous deux les accusations. Leurs procès ont commencé plusieurs mois après leurs arrestations, mais les procédures ont été reportées à plusieurs reprises. Non seulement ils ont été détenus pendant toute cette période, mais ils sont maintenus en isolement et ont des contacts limités avec leurs familles. Le quotidien Le Monde a rapporté le 16 juin que les procès des deux hommes s’étaient poursuivis le 15 juin en l’absence de Raissouni en raison de son état de santé, incapable de se concentrer et de parler.

    Raissouni et Radi se voient refuser le droit fondamental de rester en liberté pendant toute la durée de leur procès, un droit consacré par le droit marocain. En raison du déni de leur droit à rester en liberté, combiné à une période d’incarcération exceptionnellement longue avant le procès, ils ont décidé d’entamer une grève de la faim pour protester contre les violations de leurs droits. Raissouni a commencé sa grève de la faim le 8 avril 2021 et Radi le 9 avril.

    Tous deux sont des malades chroniques. Selon Reporters sans frontières, Raissouni souffre d’hypertension artérielle et Radi d’asthme et de la maladie de Crohn. Après 21 jours de grève de la faim, Omar Radi a décidé de démissionner en raison de la détérioration de son état de santé.

    Quant à Soulaiman Raissouni, après plus de 70 jours de grève de la faim, il est entre la vie et la mort. Il a entamé cette grève de la faim illimitée pour protester contre son emprisonnement, ses conditions de détention et pour retrouver sa liberté afin de préparer son procès. Selon les déclarations de ses proches, il a perdu plus de 32 kilos et a de plus en plus de problèmes de santé qui le mettent en grand danger de mort. Au nom des droits de l’homme et de l’actuelle constitution marocaine, qui prétend garantir le droit à la vie, à l’intégrité physique et morale, à la présomption d’innocence et à un procès équitable, il convient d’éviter une issue aussi tragique, qui porterait également gravement atteinte à l’image que le Maroc veut donner au monde.

    Nous demandons au monarque Mohamed VI lui-même et à son gouvernement, et en particulier aux ministres de la Justice Mohamed Benabdelkader, et d’État chargé des droits de l’homme et des relations avec le Parlement Mustapha Ramid, de libérer immédiatement Soulaiman Raissouni et Omar Radi en attendant un procès équitable.

    Aarab, Rachid, UAB, Barcelone
    Abu-Tarbush, José
    Armadans, Jordi, directeur FundiPau, Barcelone.
    Audije, Paco, journaliste, correspondant et membre du comité exécutif de la Fédération internationale des journalistes.
    Azaola Piazza, Bárbara, UCLM, Tolède, Espagne.
    Backenköhler Casajús, Christian J.
    Ballesteros Peiró, Ana, TEIM, Madrid, Espagne.
    Barreñada Bajo, Isaías, Université Complutense de Madrid, Espagne.
    Bassets Sánchez, Lluís, El País, Espagne
    Bustos, Rafael, maître de conférences en relations internationales, Madrid.
    Casani, Alfonso, Madrid
    Cebolla Boado, Hector, Madrid.
    Desrues, Thierry, Chercheur. Cordoba.
    El-Madkouri Maataoui, Mohamed, UAM.
    Feliu, Laura, professeur. Barcelone
    Fernández Fonfría, Université de Salamanque.
    Fernández-Molina, Irene, Université d’Exeter. Royaume-Uni.
    Fernández Parrilla, Gonzalo, UAM, Madrid, Espagne
    Galián, Laura, Madrid
    González, Ana, Chercheur pré-doctoral, Madrid, Espagne
    González García de Paredes, Marta, Sevilla, Sevilla
    Gregori, Àngels, écrivain, président de PEN Catalan, Espagne
    Gutiérrez, Ricardo, journaliste, secrétaire général de la Fédération européenne des journalistes (FEJ) (représentant la FEJ).
    Hernández, Jorge, UNAM, Mexique
    Hernando de Larramendi, Miguel, professeur. Toledo.
    Izquierdo Brichs, Ferran, professeur, Barcelone.
    Jiménez, Mercedes, UCM
    Kirhlani, Said, URJC, Madrid, Espagne.
    López García, Bernabé, professeur. Madrid, Espagne.
    Mañé Estrada, Aurelia, UB, Barcelone, Espagne.
    Martín, Iván, UPF, Barcelone, Espagne.
    Mateo Dieste, Josep Lluis, UAB, Barcelone, Espagne.
    Mayor Zaragoza, Federico, ancien directeur général de l’Unesco, Espagne.
    Mijares Molina, Laura, UCM, Espagne.
    Mintegi Lakarra, Laura, Présidente de PEN Basque (PEN Euskal).
    Moreno Nieto, Juana, UCA, Cádiz, Espagne.
    Ojeda-García, Raquel, professeur, Université de Grenade, Espagne.
    Peralta García, Lidia. Conférencier UCLM.
    Planet, Ana I. Contreras, professeur, Madrid.
    Ramírez, Ángeles, maître de conférences, Madrid.
    Rius-Piniés, Mònica, Chaire UNESCO Femmes, Développement et Cultures, Barcelone.
    Rojo, Pedro, Fondation Al Fanar
    Sánchez Mateos, Elvira, professeur, UB.
    Sánchez, Gervasio, journaliste. Prix national de la photographie.
    Soler, CIDOB, Barcelone
    Szmolka, Inmaculada, Professeur. Grenade.
    Thieux, Laurence, Madrid.
    Francesco Vacchiano, Université Ca’ Foscari, Venise.
    Veguilla del Moral, Victoria, professeur adjoint. Séville.
    Velasco, Ana, Université polytechnique, Madrid.

    EL PAIS, 24 JUIN 2021

    Etiquettes : Maroc, Espagne, Omar Radi, Soulaiman Raïssouni, presse, répression, journalistes,

  • Maroc : ️ L’État assume l’entière responsabilité des risques pour la vie de Soulaiman Raissouni

    Communiqué urgent de « l’instance de soutien à Omar Radi, Soulaiman Raissouni, Maati Monjib et les autres victimes de la violation de la liberté d’expression au Maroc » et du « Comité local de Casablanca pour la liberté d’Omar Radi et tous les prisonniers d’opinion et la liberté d’expression.

     L’État marocain assume l’entière responsabilité des risques pour la vie de Soulaiman Raissouni
    L’opinion publique marocaine a suivi jeudi 10 juin 2021, lors du procès du journaliste Sulaiman Raissouni, une farce judiciaire dans tous les sens du terme. Sachant que Souliman a passé plus d’un an en détention provisoire, et qu’il est entré au 64e jour de la grève de la faim, et que sa santé s’est détériorée à la suite de la perte de 32 kilogrammes de son poids, et que le médecin de la prison et un médecin spécialiste ont confirmé après son examen la détérioration de sa santé la veille de l’audience;
    Compte tenu de tout ce qui précède, la défense et tous les présents espéraient que la Cour agirait sur cette situation d’une manière humanitaire.
    Malheureusement, le tribunal était très préoccupé par la poursuite du procès et a répété plusieurs fois que le dossier est prêt à être plaidé et jugé et a répété à plusieurs reprises au cours de l’audience qu’«une grève de la faim est un choix délibéré du détenu », la question qui se pose est de savoir comment ce procès peut être équitable alors que Soulaiman Raissouni comparaît devant le tribunal sans avoir la capacité de parler et de se tenir debout, c’est-à-dire incapable de se défendre. Sans oublier que Soulaiman Raissouni, dont l’état de santé s’est effondré en raison de 64 jours de grève de la faim, a été abandonné le jour de l’audience dans le sous-sol du tribunal en attendant trois heures sans se tenir compte de son état de santé.
    Il s’agit d’un acte qui démontre clairement qu’il y a une volonté de le torturer et saper son moral avant le début du procès.
    Après cet épisode fatidique, l’audience a commencé par une débat surréaliste sur l’état de santé du détenu pendant deux heures, au cours de laquelle la défense a soumis des requêtes de fond concernant le transfert de Raissouni à l’hôpital pour être pris en charge dans un service des soins intensifs, ainsi que la nécessité d’une expertise médicale sur son état de santé. Toutefois, la Cour a poursuivi son approche singulière et son entêtement en rejetant toutes ces requêtes, faisant fi des principes du droit à la vie et du droit à un procès équitable. Face à ces données, qui révèlent le caractère politique de ce procès, les comités signataires déclarent :
    -l’Etat marocain, et en premier lieu les organes judiciaires qui traitent ce dossier, sont pleinement responsables de ce qui pourrait arriver à un moment où la justification et le regret ne servent à rien.
    -ils réitèrent leur demande au pouvoir judiciaire de traiter ce dossier de manière indépendante et impartiale, et d’accepter le jugement de Soulaiman Raissouni en étét de liberté.
    -Nous réitérons notre demande à l’état d’assurer un suivi médical de Mr Raissouni
    -Nous exigeons du Conseil National des Droits de l’Homme d’assumer ses responsabilités en vue de protéger le droit à la vie et le droit à un procès équitable
    -Nous exhortons tous les organes politiques et syndicaux de s’impliquer dans une campagne de solidarité numérique et sur le terrain pour exiger la libération de Raissouni et Radi et les autres prisonniers d’opinion
    -Enfin nous déclarons que toute personne attachée au principe du procès équitable et au droit à la vie devrait se mobiliser pour défendre les valeurs humaines universelles et éviter un drame inutile et des futurs remords.
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  • Maroc : un journaliste entre la vie et la mort

    Soulaimane Raissouni : un journaliste entre la vie et la mort

    L’ancien rédacteur en chef du quotidien arabophone Akhbar al Yaoum, incarcéré depuis un an sans jugement, poursuit depuis deux mois une grève de la faim qui met ses jours en danger. Ce flamboyant éditorialiste, sans complaisance pour la monarchie, nie en bloc les accusations d’« attentat à la pudeur » et de « séquestration », dont il est l’objet. Retour sur cette affaire, par l’Humanité et Mediapart.

    On ne compte plus, depuis un an, ses comparutions, d’audiences renvoyées en demandes de remise en « liberté provisoire » refusées. Il est apparu sur le banc des accusés, ce jeudi 3 juin, méconnaissable, au 57 e jour d’une grève de la faim qui menace aujourd’hui sa vie : la peau sur les os, les traits émaciés, prostré sur sa chaise, incapable de se tenir debout, la tête dodelinante, entouré comme le plus dangereux des criminels par des haut gradés de la police. Soulaimane Raissouni, éditorialiste à la plume libre et acérée, d’une éloquence impitoyable, le dernier, au Maroc, à oser critiquer de front la monarchie, sa corruption, ses penchants tyranniques, l’injustice sociale sur laquelle elle est assise, se débat aujourd’hui dans l’arbitraire, entre la vie et la mort. Le rédacteur en chef du quotidien arabophone Akhbar al Yaoum, asphyxié par le régime, contraint de baisser le rideau voilà trois mois, n’est plus que l’ombre de lui-même.

    Reclus à l’isolement depuis plus d’un an, dans sa geôle de la prison d’Oukacha, à Casablanca, il a perdu près de 40 kilos. Sa vie ne tient plus qu’à un fil et sa jeune épouse, Kholoud, prépare déjà son deuil. Dans un geste désespéré, un cri de révolte contre l’indifférence, elle a posté sur les réseaux sociaux, la semaine dernière, l’image du linceul blanc qu’elle destine à son époux. Soulaimane Raissouni n’aura pas vu grandir leur fils, aujourd’hui âgé de 18 mois. La vie de ce talentueux journaliste a basculé le 22 mai 2020, lorsqu’une escouade de policiers en tenue civile l’ont brutalement appréhendé à l’aube, à son domicile de Casablanca. Sans convocation officielle, ni mandat, sous l’œil de caméras, prévenues pour l’occasion. Il a dû attendre plusieurs jours avant que lui soient notifiées les charges pesant sur lui : attentat à la pudeur et séquestration. Quelques jours plus tôt, la justice s’était saisie des accusations lancées le 14 mai sur le réseau social Facebook par un militant des droits des personnes LGBT. Ce dernier, qui s’exprimait sous le pseudonyme d’Adam Muhammed, affirmait avoir subi « une tentative de viol en 2018 » au domicile du journaliste, sans le nommer. Soulaimane Raissouni nie en bloc ces accusations. Un témoin corrobore sa version : l’employée de maison, présente ce jour-là.

    Les avocats de la défense ont maintes fois demandé au juge d’instruction de l’auditionner. Refus catégorique. Le jeune militant LGBT n’a déposé plainte qu’après l’interpellation du journaliste, annoncée en amont à coups de clairon, selon un procédé bien rodé, par les auxiliaires médiatiques du régime. Dès le 20 mai, le site Barlamane, relais des services de renseignements, annonçait « un scandale honteux », exigeant que le journaliste, qualifié de « déséquilibré » soit traduit en justice. « On se demande ce que vous attendez pour ouvrir une enquête », lisait-on dans ses colonnes, à l’attention du ministère public. « Petite Soulaiminette, c’est l’avant-dernier avertissement avant de te détruire ! », menaçait, trois jours auparavant, le site Internet Chouf TV, véritable organe du régime et de ses basses œuvres, en promettant le « sacrifice » de l’éditorialiste pour l’Aïd el-Fitr, la grande fête de fin du ramadan qui avait lieu, cette année-là, le 24 mai. Promesse tenue… Ces médias connus pour manier la diffamation sur ordre vilipendaient Raissouni depuis des mois. En cause ? Ses éditoriaux au vitriol, n’épargnant ni le roi, ni sa garde rapprochée, ni le tout-puissant chef des services de sécurité, Abdellatif Hammouchi, visé en France par des plaintes pour torture, et dont la convocation par la justice française lors de l’un de ses séjours parisiens avait déclenché, en 2014, une tempête diplomatique entre Paris et Rabat. En cause, encore, ses prises de position en faveur du journaliste Omar Radi, poursuivi pour « espionnage » et « atteinte à la sûreté de l’État » après le scandale suscité par les révélations d’Amnesty international sur l’usage par les autorités marocaines du logiciel espion israélien Pégasus pour le surveiller – plus tard accusé de viol à son tour ( lire notre enquête sur l’affaire Omar Radi).

    En cause, enfin, son soutien sans faille à sa nièce, Hajar Raissouni, 29 ans, elle-même talentueuse journaliste d’ Akhbar al Youm. La jeune femme avait été condamnée, le 30 septembre 2019, sur la base de rapports médicaux truqués, à un an de prison ferme pour « avortement illégal, relations sexuelles illégales, débauche », après son interpellation à la sortie d’une consultation de gynécologie. Devant le tollé suscité au Maroc et à l’étranger par cette incarcération, Hajar Raissouni avait finalement été libérée le 16 octobre, en vertu d’une grâce royale. Cette « stratégie sexuelle » pour démolir les opposants, des journalistes et réduire au silence les voix critiques avait déjà fait tomber une figure d’ Akhbar al Yaoum, son directeur, Taoufik Bouachrine, condamné un an plus tôt à douze ans de prison, au terme d’un procès jugé « inéquitable » par le groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire, pour « abus de pouvoir à des fins sexuelles », « viol et tentative de viol ». Peine alourdie en appel à quinze ans de prison ferme. Dans le dossier Bouachrine, sur les quinze plaignantes initialement recensées par la presse marocaine, huit avaient finalement manifesté le refus de témoigner contre lui, ou s’étaient ouvertement rétractées. L’une d’entre elles, Afaf Bernani, avait même été condamnée pour cela : « falsification de procès-verbal », six mois de prison ferme.

    Depuis son exil, elle exhorte aujourd’hui le régime marocain à « cesser d’utiliser les allégations d’agression sexuelle pour réduire au silence les opposants ». Lors du procès à huis clos, qui s’était étiré sur plusieurs mois, d’autres témoins, revenus sur leurs déclarations, avaient fini derrière les barreaux. Des mandats d’amener avaient dû être délivrés pour contraindre certaines plaignantes à se présenter à la barre. Une femme présentée comme une « victime » de Bouachrine, refusant de se présenter au tribunal, avait été retrouvée cachée, terrorisée, dans la voiture d’un témoin… Dans l’affaire Raissouni, les enquêteurs n’ont pas ménagé leur peine pour tenter de collecter d’autres plaintes et mettre en scène une accumulation propre à transformer l’éditorialiste en prédateur sexuel. En vain. Le plaignant lui-même, devant le calvaire du journaliste, répète aujourd’hui être attaché au « droit à la vie » et ses avocats ne s’opposent pas à ce que Raissouni comparaisse libre. Lors de l’audience du jeudi 3 juin, le juge est resté sourd à ces appels : il a estimé que l’incarcération de Raissouni, « en bonne santé » selon lui, pouvait se prolonger. L’expertise médicale demandée par la défense a été rejetée.

    La Patrie News, 07 juin 2021

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  • Maroc : Un lion est mort ce soir

    Par son caractère trempé, son courage indomptable (physique, s’il le fallait,) sa simplicité goguenarde, sa gouaille bravache, ses éclats de rire explosifs, Khalid Jamai était unique en son genre. Un genre qui ne se fait plus, de nos jours.

    Il a traversé plusieurs époques de l’histoire du Maroc. De l’époque où, pour « éduquer » les journalistes un peu trop rebelles, on les raflait tout bêtement au coin d’une rue, avant de les passer à tabac et de les laisser gisants sur le trottoir (ça lui était arrivé dans les années 70, m’avait-il un jour raconté –il m’avait même montré l’endroit, un angle de la rue Allal Ben Abdellah, à Rabat) à l’époque plus « politique » des années 90 (à la stupéfaction générale, il avait publiquement défié Driss Basri, alors au faîte de sa puissance, avec cette harangue devenue célèbre : « chkoun nta ? »)
    Khalid Jamai a été un modèle pour moi, et pour plusieurs générations de journalistes.

    Alors que, jeunes et enhardis par le crépuscule de Hassan II, nous luttions pour essayer de donner sens à un système qui s’ouvrait tout en restant inexplicablement fermé, lui, le vétéran, avait publié une série de chroniques à La Vie Economique, que je n’oublierai jamais. Il y expliquait qu’au-delà de la conjoncture, des espoirs et des reculs, le système politique marocain était bâti sur une culture invariante, veille de plusieurs siècles. Cela avait un nom, nous a-t-il expliqué : le « Makhzen ».

    Le mot existait avant lui, bien sûr, mais c’était un terme d’histoire, que plus personne n’utilisait. Khalid Jamai l’a remis au goût du jour, en lui donnant un sens contemporain. C’est aujourd’hui encore une pierre d’angle conceptuelle, pour quiconque veut comprendre le Maroc. Certains laissent une marque dans les esprits, mais seuls les vrais grands laissent une trace dans le vocabulaire.

    Source : Facebook (Ahmed Benchemsi)

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  • Maroc : Une campagne pour la libération d’un journaliste en grève de la faim

    – Soulaiman Raissouni est en détention « provisoire » depuis un an

    AA/ Rabat / Khaled Majdoub

    Des activistes et des journalistes marocains ont lancé une campagne électronique pour obtenir la libération du journaliste Soulaiman Raissouni, en grève de la faim depuis 45 jours en protestation contre sa détention « provisoire » qui dure depuis un an.

    Les activistes ont lancé sur les réseaux sociaux des hashtag dont notamment #SoulaimanRaissouniEnDanger, #SoulaimanRaissouniMeurtLentement, ou encore #LaVieDeSoulaimanEstNotreResponsabilité.

    Les autorités marocaines n’ont, pour l’heure, pas émis de commentaire sur la campagne.

    La journaliste Sarah Talbi a, pour sa part, écrit sur son compte twitter : « Soulaiman agonise … Nous espérons que ce cauchemar prenne fin et que la voix de la sagesse l’emporte parce que la patrie n’a nullement besoin d’un nouveau drame ».

    De son côté, le militant des droits de l’homme, Abdellatif Hamamouchi a publié le tweet suivant : « Le journaliste d’investigation, Soulaiman Raissouni, risque de nous quitter à tout moment … Il est mourant … Il est en grève de la faim depuis 45 jours … Je suis infiniment triste pour le frère et ami Soulaimane … Je ne sais pas quoi faire pour éviter la catastrophe ».

    Le mois dernier, la Délégation générale de l’administration pénitentiaire et de la réinsertion (Gouvernementale) avait annoncé que la grève de la faim de Raissouni  » n’était pas liée aux conditions de détention, comme il l’a lui-même confirmé ».

    « L’objectif (du journaliste) est sa mise en liberté … Par conséquent, la Délégation n’est nullement responsable des éventuelles répercussions de la grève de la faim sur son état de santé », avait-on ajouté.

    Les autorités marocaines avaient arrêté Soulaiman Raissouni, rédacteur en chef du journal « Akhbar Al Yaoum » (Privé), en mai 2020, suite à une plainte déposée par un jeune, l’accusant « d’agression sexuelle ».

    Raissouni fait partie des journalistes connus au Maroc pour leurs articles critiquant les autorités.

    Agence Anadolou, 22 mai 2021

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