Étiquette : racisme

  • Ceuta : Le calin qui a secoué la toile

    Est-ce un moment de sympathie ou une menace pour votre existence ?
    La catégorie Imagerie examine comment une image détermine notre perception de la réalité. Cette semaine : L’étreinte d’une bénévole qui est venue la soutenir lors d’attaques racistes.

    À la suite d’un conflit diplomatique entre l’Espagne et le Maroc, au début de la semaine dernière, neuf mille personnes sont arrivées en l’espace de 36 heures à Ceuta, une enclave espagnole qui borde le Maroc. Ils sont venus à la nage, à pied àa travers un gué dans l’eau ou dans des bateaux en caoutchouc, ils se sont échoués épuisés sur la plage de Tarajal. Cela a dû être accablant, une sorte de pièce de théâtre chaotique avec différents groupes de personnes : les migrants, venant du Maroc et d’Afrique subsaharienne, les policiers, les gardes-frontières, les soldats dans leurs véhicules blindés, les photographes, les journalistes, les travailleurs humanitaires. Rétrospectivement, Luna Reyes dira aux journalistes : « Nous n’avons pas été formés pour voir une telle chose ».

    Elle n’était pas préparée à ce qu’elle a vu. Néanmoins, la volontaire de 20 ans de la Croix-Rouge espagnole – queue de cheval haute, élastiques au poignet, petit tatouage sur le bras – a fait ce qu’on attendait d’elle. Elle a aidé les adolescents qui pleuraient sur les derniers mètres à travers la haute marée, elle s’est assurée que les mères avec leurs enfants étaient en sécurité, elle a distribué de l’eau. Elle a posé sa main sur le cou d’un jeune homme blasé, en maillot de bain rouge, originaire du Sénégal. Il a entouré sa taille de ses bras, a posé sa tête contre son épaule et s’est accroché à elle comme si elle était une bouée de sauvetage.

    Le scène n’est pas passé inaperçue. Elle a été filmée par le photographe espagnol de l’AP, Bernat Armangué (42 ans) qui, provenant de Barcelone, était arrivé sur la plage vers midi. Il s’y promène un moment avant de se concentrer sur le groupe de migrants auquel appartient Abdou du Sénégal. Ce dernier s’est effondré, écrit Armangué, lorsqu’il a cru qu’un de ses amis (qui se révélera plus tard être son frère) était en train de mourir, ce à quoi Luna Reyes a tenté de le réconforter. J’ai réalisé que c’était un moment important : la connexion était authentique, un bref moment d’empathie entre deux personnes qui ne se connaissaient pas ».

    Déchets racistes

    Beaucoup de gens pensaient le contraire. Alors que la photo s’est répandue comme une traînée de poudre sur Internet, Luna Reyes (20 ans, volontaire – je le répète) a été bombardée d’insultes racistes, provenant du coté nationaliste de la droite espagnole et de personnes qui étaient « simplement » contrariées par l’arrivée de tant de migrants. Sous le hashtag #GraciasLuna, un contre-mouvement encore plus important a rapidement émergé, présentant Reyes comme la personnification de tout ce qui est bon en Espagne, mais entre-temps, l’étudiante elle-même avait déjà dû mettre ses comptes de médias sociaux en mode privé. Lorsque la télévision espagnole a rendu visite à Abdou, qui avait entre-temps été renvoyé au Maroc, et l’a réuni avec Reyes par vidéoconférence, celle-ci n’a pas voulu être reconnue à l’écran.

    Le photographe Armangué ne s’attendait pas à ce que sa photo déclenche tout cela. Il se trouvait à Ceuta pour faire un reportage sur une crise humanitaire en cours, dit-il par courriel. Les journalistes doivent informer et les citoyens peuvent ensuite décider s’ils veulent être informés. Les photographies, dit Armangué, peuvent déclencher des sentiments intenses. La façon dont vous réagissez dépend de qui vous êtes, de ce que vous croyez et de l’endroit où vous vous trouvez dans votre vie à ce moment-là.

    Vous n’avez pas votre mot à dire sur ce que les gens voient dans les images – même si, en tant que photographe, vous fournissez des légendes aussi précises et journalistiques. Là où l’un voit dans cette étreinte un moment symbolique de l’humanité, un autre y voit une menace personnelle pour son existence. On ne peut rien y faire. Cette petite phrase de Luna Reyes me hante toujours.

    Nous n’avons pas été formés pour voir quelque chose comme ça. Les photos sont tellement omniprésentes que nous oublions parfois que les regarder n’est pas aussi facile que nous le pensons. Regarder, lire, regarder à nouveau et seulement ensuite ouvrir éventuellement en parler – c’est un métier. Il faut s’entraîner à cela.

    De Volkskrant, 28 mai 2021

    Etiquettes : Maroc, Espagne, Ceuta, migration, pression migratoire, détresse, empathie, sympathie, migrants, subsahariens, solidarité, bénévolat, Luna Reyes, racisme, extrême droite, xénophobie,

  • Ceuta : un espagnol tire sur des immigrants avec une carabine

    Le voisin a utilisé dans son attaque une carabine à air comprimé engagée. Les faits ont été enregistrés et diffusés sur les réseaux sociaux.

    Un habitant de Ceuta, de nationalité espagnole, vient d’être arrêté par des agents de la police nationale.
    Les événements se sont produits le 18 mai, jour où plus de 8 000 personnes ont atteint le sol espagnol après avoir traversé la plage d’El Tarajal depuis le Maroc, deux jours qui sont devenus la plus grave crise migratoire et diplomatique avec le Maroc depuis des années.

    Il a été arrêté en tant qu’auteur présumé de la fusillade d’un immigrant avec un fusil à air comprimé depuis le balcon de son domicile.
    Les événements se sont produits le 18 mai dernier, jour où plus de 8 000 personnes ont atteint le sol espagnol après avoir traversé la plage d’El Tarajal depuis le Maroc, deux jours qui sont devenus la plus grave crise migratoire et diplomatique avec le Maroc dont on puisse se souvenir depuis des années.

    Ce jour-là, de nombreux immigrants ont déambulé dans les rues de la ville autonome. Un groupe d’entre eux a été victime de ces tirs prétendument perpétrés par ce voisin de Ceuta depuis sa maison à l’aide d’un fusil à air comprimé à visée télescopique. Depuis ce balcon, les événements ont également été enregistrés sur vidéo pendant que l’attaque était commise.

    Le jour même, les images de ce qui s’est passé sont devenues virales sur les réseaux sociaux. On peut y voir le moment où l’auteur, accompagné d’une autre personne, réalise les prises de vue sur les immigrants.

    En pleine crise humanitaire à #Ceuta, il y a ceux qui profitent de l’impuissance et de la vulnérabilité des enfants immigrés pour les chasser des fenêtres et des balcons.

    C’est une honte. @Hibai_ @jonathanmartinz @Juanmi_News @PabloIglesias @CensoredJules @Desvelandorient pic.twitter.com/btyTK6k0Jd

    – Suhaila Hayad M. سهيلة🌺 (@Suhaila_Hayad) 19 mai 2021
    L’un d’entre eux, gravement blessé, tombe au sol et, alors qu’il le voit étendu au milieu de la rue, entouré d’autres personnes qui tentent de l’aider, l’agresseur présumé le nargue.

    « Il est mort. Quillo, il est tombé au sol. Ne regarde pas, je l’ai frappé dans la colonne vertébrale. Lève-toi. Quillo, laisse ces boulettes passer à travers les portes des voitures. Regardez-le, ‘destrozao’ », dit, en riant, le voisin qui a tiré sur les immigrants.

    Crimes haineux et blessures
    Après avoir visionné et analysé les vidéos, les agents ont effectué différentes démarches qui ont permis d’identifier l’auteur présumé de la fusillade.

    Il n’a fallu qu’une semaine pour le trouver. Ce jeudi, il a été localisé et arrêté pour un crime de haine et un autre de blessure.

    En outre, les agents ont réussi à intervenir sur l’arme utilisée dans le fait delicitvo, à savoir un fusil à air comprimé et à visée télescopique.

    El Nuevo Siglo, 27 mai 2021

    Etiquettes : Espagne, Ceuta, Maroc, migrants, extrême droite, racisme, xénophobie,

  • Sahara occidental : Montée des actes racistes marocains contre les civils

    Le Front Polisario dénonce la montée effroyable des actes racistes et les graves violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire (DIH) perpétrés par le Maroc contre des civils, des militants, des juristes et des journalistes dans les territoires occupés du Sahara Occidental.

    Dans une lettre adressée à sa représentation en Suisse, auprès de l’ONU et des organisations internationales à Genève généralisée aux membres du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, le Front Polisario a dénoncé « le déploiement des forces d’occupation, le 13 novembre dernier, dans la zone-tampon d’El Guerguerat et l’agression contre des civils sahraouis qui manifestaient pacifiquement en protestation contre les violations marocaines des droits de l’Homme, et l’exploitation illégale des ressources naturelles dans les territoires occupés », faisant fi de l’accord de cessez-le-feu.
    Le Front Polisario a affirmé, en outre, son « rejet » des démarches marocaines visant à imposer la politique du fait accompli au Sahara Occidental, et à légitimer son occupation, à travers les commissions du Conseil national marocain des droits de l’Homme ou via le Croissant-Rouge marocain, appelant le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) « à renforcer la coopération avec le Front Polisario pour assurer une meilleure protection aux victimes des violations ».
    Rappelant que la République arabe sahraouie démocratique (RASD) compte parmi les membres fondateurs de l’Union africaine (UA), le Front Polisario « s’est fortement indigné » de la signature par un groupe d’États africains d’un communiqué lu par la délégation marocaine devant le Conseil des droits de l’Homme le 25 février 2021, pour appuyer la prétendue souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental occupé, en contradiction avec le statut juridique international et les nombreuses décisions de l’Assemblée générale de l’ONU et du Conseil de sécurité, outre les violations des principes mentionnés dans l’article 4 de l’acte constitutif de l’UA, selon le document.
    Torture : « profonde inquiétude »

    Par ailleurs, le Front Polisario a fait part au Conseil onusien des droits de l’Homme de « sa profonde inquiétude » suite au refus par les autorités marocaines d’appliquer les recommandations du Comité anti-torture (CPT) en faveur du militant sahraoui Naâma Asfari détenu depuis 2010. Le Front a également affiché sa « préoccupation » face à l’atermoiement sine die, depuis mars 2019, de la visite du rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, mais également face au refus par le royaume marocain d’autoriser une autre présence des commissions techniques de la commission, dont la Minurso.
    Par ailleurs, le Polisario a mis en garde contre le fait que les contributions annuelles du royaume à la Commission onusienne des droits de l’Homme « ne compromettent pas l’indépendance et l’impartialité de son bureau vis-à-vis des violations perpétrées dans les territoires occupés ». À ce propos, le Front a appelé le Haut-Commissariat des droits de l’Homme (HCDH) à « faire preuve de fidélité et de loyauté envers les engagements pris auparavant, à travers l’envoi sans délai d’une délégation aux territoires occupés et la transmission du rapport à la 47e session du Conseil des droits de l’Homme ».
    Le Front Polisario impute à la communauté internationale, notamment l’ONU, ses organes et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), la responsabilité de protéger le peuple sahraoui sous occupation marocaine militaire illégale.
    APS
    Etiquettes : Sahara Occidental, Maroc, colons, racisme, répression, 

  • Un an après le meurtre de George Floyd, les Américains réfléchissent à son héritage

    Mardi, les Américains marqueront le premier anniversaire du meurtre de George Floyd sous le genou d’un policier blanc de Minneapolis, qui a catalysé le plus grand mouvement de protestation des États-Unis depuis des décennies contre la brutalité policière à l’égard des Noirs.

    À Washington, le président Joe Biden s’entretiendra en privé avec des membres de la famille de Floyd à la Maison Blanche, non loin de l’endroit où la législation sur la réforme de la police promise au nom de Floyd est bloquée au Congrès américain.

    A Minneapolis, une fondation créée à la mémoire de Floyd par certains membres de sa famille a organisé un après-midi de musique et de nourriture dans un parc près de la salle d’audience du centre-ville où Derek Chauvin, l’ancien officier, a été reconnu coupable le mois dernier du meurtre de Floyd lors d’un procès qui a fait date dans le domaine du maintien de l’ordre aux Etats-Unis.

    Chauvin, 45 ans, risque jusqu’à 40 ans de prison lorsqu’il sera condamné le 25 juin. Les trois autres officiers présents sur les lieux ont plaidé non coupable pour avoir aidé et encouragé Chauvin, et seront jugés l’année prochaine. Le département de police de Minneapolis a licencié les quatre officiers le jour suivant la mort de Floyd.

    Plus tard dans la journée de mardi, des personnes en deuil se rassembleront pour une veillée à la bougie sur le tronçon de route où Chauvin s’est agenouillé pendant plus de neuf minutes sur le cou d’un homme noir de 46 ans menotté, Floyd.

    Darnella Frazier, une spectatrice adolescente, a enregistré le meurtre sur son téléphone portable, téléchargeant sur Facebook une vidéo qui a horrifié des personnes dans le monde entier. Floyd avait été soupçonné d’utiliser un faux billet de 20 dollars pour acheter des cigarettes.

    Les gens ont afflué dans les rues des villes des États-Unis et du monde entier pour demander la révision, voire l’abolition, des services de police qui recouraient de manière disproportionnée à la violence contre les Afro-Américains.

    Les 50 États et le district de Columbia ont depuis introduit des lois visant à accroître la responsabilité ou la surveillance de la police, et 24 États ont adopté de nouvelles lois, selon la Conférence nationale des législatures d’État.

    Ces lois prévoient notamment l’obligation pour les policiers de porter des caméras corporelles, la criminalisation des entraves au cou ou la possibilité pour le public de consulter plus facilement les dossiers disciplinaires des policiers.

    Cependant, certains militants estiment que ces mesures, qui dans certaines juridictions sont déjà en vigueur depuis des années, sont insuffisantes pour lutter contre le racisme systémique dans le système de justice pénale.

    DES « PROGRÈS PROGRESSIFS » EN MATIÈRE DE LÉGISLATION

    Lors de sa rencontre avec les proches, mardi, M. Biden devrait évoquer les progrès de la loi fédérale George Floyd Justice in Policing Act, que la famille de M. Floyd a soutenue.

    « Il a une relation authentique avec eux, et le courage et la grâce de cette famille, et en particulier de sa fille, Gianna, ont vraiment marqué le président », a déclaré à la presse Jen Psaki, porte-parole de la Maison Blanche.

    La fille de Floyd et sa mère, ainsi que la sœur, les frères, la belle-sœur et le neveu de Floyd devraient être présents.

    M. Biden souhaitait que les législateurs américains terminent la législation sur la réforme des pratiques policières avant l’anniversaire de la mort de M. Floyd, et un groupe bipartisan de législateurs de la Chambre des représentants et du Sénat a travaillé dans ce sens.

    Mais le sénateur Tim Scott, principal négociateur républicain, a déclaré aux journalistes la semaine dernière qu’ils ne faisaient que des « progrès marginaux » et qu’il n’y avait aucune chance de parvenir à un accord dans la semaine à venir.

    Le principal point d’achoppement est l’immunité qualifiée, une doctrine juridique qui protège les officiers de police contre les poursuites judiciaires. Les républicains s’opposent aux dispositions du projet de loi qui érodent cette immunité, tandis que de nombreux démocrates libéraux affirment qu’ils ne soutiendraient qu’un projet de loi qui l’abolirait.

    Reuters, 25 mai 2021

    Etiquettes : George Floyd, nois, communauté noire, Etats-Unis, racisme, discrimination,

  • Pays Bas : Une nouvelle exposition jette un regard sans complaisance sur l’esclavage

    AMSTERDAM (AP) – La délicatesse de l’un des premiers objets de la nouvelle exposition du Rijksmuseum d’Amsterdam masque sa brutalité. Au bout d’une fine tige de fer se trouvent les lettres GWC, artistiquement entrelacées, utilisées pour marquer les initiales d’une société commerciale néerlandaise sur la peau des travailleurs réduits en esclavage.

    Le contraste frappant entre la parure et la brutalité, la richesse et l’inhumanité est un motif récurrent de l’exposition sans concession du musée, intitulée simplement « Esclavage », qui examine l’histoire de la participation des Pays-Bas à la traite internationale des esclaves.

    Non loin de là, un énorme ensemble de ceps en bois, de lourdes chaînes en fer et de cadenas utilisés pour contraindre les personnes asservies se trouve à côté d’une petite boîte, décorée de façon complexe avec de l’or, de l’écaille de tortue et du velours, célébrant certaines des précieuses marchandises commercialisées par la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales au 18e siècle : l’or, l’ivoire et les êtres humains.

    L’exposition, inaugurée mardi par le roi Willem-Alexander, raconte l’histoire de l’esclavage à travers les histoires personnelles de dix personnes, allant de travailleurs réduits en esclavage à une riche femme d’Amsterdam.

    « Nous voulions montrer que cette histoire parle à tous les Néerlandais. Elle nous appartient à tous, c’est pourquoi nous avons choisi une approche personnelle », a déclaré à l’Associated Press Valika Smeulders, directrice du département d’histoire du musée.

    L’exposition s’ouvre – tardivement et principalement en ligne en raison de la pandémie de COVID-19 – à un moment où l’examen de l’histoire coloniale brutale de nombreuses nations a été stimulé par le mouvement Black Lives Matter qui a balayé le monde l’année dernière après la mort de l’homme noir George Floyd.

    Les écoliers pourront visiter le musée à partir de cette semaine, mais l’exposition ne sera pas ouverte au grand public avant que le verrouillage néerlandais ne s’atténue davantage, peut-être en juin.

    Amsterdam a joué un rôle important dans la traite des esclaves à l’échelle mondiale – les imposantes demeures qui bordent ses canaux témoignent des fortunes réalisées par les commerçants de l’âge d’or, souvent grâce au travail des esclaves. Cette histoire a suscité des demandes d’excuses officielles de la part de la municipalité actuelle.

    « Eh bien, les excuses sont dans l’air, absolument. Et je pense qu’avec cette exposition, en tant que musée, ce que nous ajoutons à cela, c’est que nous présentons cette histoire de la manière la plus honnête possible pour nous en ce moment », a déclaré M. Smeulders.

    L’exposition néerlandaise s’inscrit dans un mouvement plus large de réexamen de l’histoire coloniale. En Belgique voisine, le Musée de l’Afrique, près de Bruxelles, a rouvert ses portes il y a quelques années après une rénovation majeure et a mis en lumière la sombre histoire coloniale du pays au Congo.

    L’Allemagne restitue des centaines d’objets connus sous le nom de bronzes du Bénin, qui ont été pour la plupart pillés en Afrique de l’Ouest par une expédition coloniale britannique.

    Les dix histoires présentées dans l’exposition d’Amsterdam couvrent 250 ans d’histoire coloniale néerlandaise et quatre continents – l’Europe, l’Asie, l’Amérique du Sud et l’Afrique.

    Parmi ces récits figure celui de Wally, un esclave contraint de travailler dans une plantation de sucre dans la colonie du Suriname. Dans une présentation audio, son histoire est racontée par l’ancien champion du monde de kickboxing Remy Bonjasky, dont les ancêtres travaillaient dans la même plantation.

    Wally a été impliqué dans un conflit avec les dirigeants de la plantation en 1707. Lui et d’autres esclaves se sont enfuis avant d’être repris, interrogés et exécutés.

    Wally et ses compagnons d’évasion « devaient se faire arracher la chair avec des pinces rouges tout en étant brûlés vifs », explique Bonjasky dans le récit en ligne. « Leurs têtes coupées seraient ensuite exposées sur des piques en guise d’avertissement. »

    La « puissance » dont ont fait preuve Wally et les autres hommes réduits en esclavage « est toujours dans mon sang », dit Bonjasky. « Elle a été transmise de génération en génération et c’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai pu devenir trois fois champion du monde de kickboxing. »

    Une autre histoire de l’exposition qui offre un contraste flagrant avec l’horreur de la courte vie de Wally est celle d’Oopjen Coppit, la veuve de Marten Soolmans, dont le père possédait la plus grande raffinerie de sucre d’Amsterdam, transformant les récoltes d’hommes et de femmes réduits en esclavage en Amérique du Sud.

    Dans l’exposition, elle incarne la richesse générée par les travailleurs asservis pour quelques privilégiés. Dans un portrait en pied peint en 1664 par Rembrandt van Rijn, elle porte une longue robe noire bordée de dentelle, accessoirisée d’un collier de perles et de boucles d’oreilles.

    « Le fait que nous puissions utiliser Rembrandt pour parler de l’histoire de l’esclavage est vraiment passionnant et vraiment nouveau », a déclaré Mme Smeulders.

    Le second mari d’Oopjen, Maerten Daey, avait également des liens avec la traite des esclaves. Avant leur mariage, il a servi comme soldat de la Compagnie néerlandaise des Indes occidentales au Brésil, où il a enlevé et violé une Africaine appelée Francisca, dont il a eu une fille en 1632, selon les registres de l’église cités dans l’exposition.

    « Les vies de Marten, Oopjen et Maerten sont entrelacées avec l’histoire de l’esclavage », explique Taco Dibbits, directeur du Rijksmuseum, dans une visite audio de l’exposition. « Ils devaient leur richesse au travail des esclaves au Brésil. C’est un exemple de la façon dont l’histoire de l’esclavage et l’histoire des Pays-Bas sont liées. »

    Reuters, 18 mai 2021

    Etiquettes : Afrique, escalavage, Europe, Pays Bas, exposition, Rijksmuseum, Black Lives Matter, racisme, discrimination, Belgique, Congo, crimes coloniaux,

  • Des effets de la colonisation

    Chaabane BENSACI

    Discriminations diverses, racisme profondément ancré dans les institutions comme dans les esprits, contrôles au faciès systématisés malgré les dénonciationsrégulières… Le colonialisme et l’esclavagisme ont eu des effets qui, des décennies après leur disparition, sont, chaque jour, perceptibles pour une catégorie de citoyens des anciennes puissances coloniales, notamment la France. Les traces sont là, évidentes et si des lois ont été votées pour les combattre, elles s’avèrent, la plupart du temps, inefficaces. Car ces traces sont dans les esprits, dans les mentalités et dans les mécanismes institutionnels.

    Les certitudes esclavagistes et colonialistes ont profondément forgé la société des pays européens qui ont participé à la boucherie, voire même celles qui n’ont fait que contempler les massacres. Et ce sont elles qui ont engendré le racisme, devenu ambiant. Les communautés stigmatisées le savent parfaitement, et leur histoire se résume, en général, à une litanie de discriminations et de brimades. Il ne s’agit pas là d’un fantasme. Les cités ghettos dans la plupart des villes, les demandes d’emploi qui n’obtiennent jamais de réponse, les diplômés qui sont poussés àdes emplois basiques, le contrôle au faciès, vingt fois par jour, bref, la marginalisation qui ne s’affiche pas au grand jour mais se pratique à grande échelle, tout cela constitue un climat dont ceux qui souffrent au quotidien se découvrent déshumanisés, poussés dans un coupe-gorge social, tributaires d’un destin par avance écrit.

    Des beaux discours sur la manière qu’il convient de mettre en oeuvre pour «réparer, rectifier, supprimer» tous ces effets pervers du colonialisme et de l’esclavage, il y en a eu et il y en a encore, à en veux-tu, en voilà! Il est faux de dire et, plus encore, de croire que les personnes qui portent ce courant de pensée sont marginales. Pour cela, il suffit de se référer à la montée en puissance des formations politiques imbibées de la nostalgie des «temps bénis des colonies».

    Comme aussi, il faut se rappeler la mobilisation résolue d’un président de la République pour faire voter une loi encensant les «bienfaits de la colonisation», une réponse et une riposte perfide à la tentative d’un prédécesseur de rééditer, avec l’Algérie, le traité d’amitié à l’origine de la réconciliation franco-allemande. Et s’il existe, toujours, un «très gros malaise» en France, sur ces questions, c’est aussi parce que de tels individus sont là, pour dire, tout haut, ce qu’un grand nombre de leurs partisans pensent, tout bas.

    L’Expression, 16 mai 2021

    Etiquettes : France, colonisation, Algérie, racisme, discrimination, marginalisation,

  • Le gouvernement allemand fait des insultes motivées par la haine un crime

    BERLIN (AP) – Le gouvernement allemand a adopté mercredi une nouvelle loi faisant des insultes motivées par la haine un délit pénal passible d’une amende ou d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à deux ans.

    Le ministre allemand de la Justice a déclaré que la nouvelle loi vise à protéger les juifs, les musulmans, les homosexuels, les personnes handicapées et d’autres personnes.

    « Il est de notre responsabilité de protéger chaque personne de notre société contre l’hostilité et l’exclusion », a déclaré Christine Lambrecht, rapporte l’agence de presse allemande dpa.

    La nouvelle mesure, qui doit encore être approuvée par le Parlement, inclut les messages de haine insultants envoyés sous forme de textes, de courriels ou de lettres.

    « Les membres des communautés juives ou musulmanes sont raillés et dénigrés », a déclaré Mme Lambrecht.

    Les crimes haineux et les attaques contre les minorités ont augmenté en Allemagne ces dernières années et, avec l’utilisation croissante des médias sociaux, les insultes ciblées sont devenues monnaie courante, selon les groupes qui suivent les crimes haineux.

    En vertu de la législation en vigueur, les insultes étant personnelles et non publiques, elles ne peuvent être sanctionnées en tant qu’incitation à la haine raciale.

    Associates Press, 12 mai 2021

    Etiquettes : insultes, haine, crime, racisme, discriminations, juifs, musulmans, homosexuels, personnes handicapées,

  • Si l’extrême droite arrivait au pouvoir en France

    Par Mohamed Habili

    Il était question hier de la crise dans laquelle plongerait sûrement la France si au lieu du président sortant, c’est la candidate d’extrême droite qui était élue à la présidentielle de l’année prochaine. Le cas échéant, ce ne serait pas non plus sans danger sur nous. C’est d’ailleurs là la raison principale de l’intérêt particulier que nous portons à cette élection. L’extrême droite française est en effet un regroupement de nostalgiques inconsolables de l’Algérie française. Si elle arrivait au pouvoir et qu’une opportunité s’offrait à elle, nul doute qu’elle ne manquerait pas de nous nuire. Déjà que le gouvernement actuel travaillait jusqu’à récemment à nous déstabiliser sans trop s’embarrasser de scrupules, si bien que les autorités algériennes ont menacé d’expulsion son représentant à Alger, lequel semble s’être calmé depuis.

    La prochaine élection présidentielle en France est autant dire une question de vie ou de mort pour ce pays. Pendant la campagne électorale, qui du reste a déjà commencé, il sera à peine question de l’Algérie, mais soyons certains qu’elle sera à tout moment dans les esprits. Elle y sera parce que l’extrême droite y pense sans arrêt pour sa part. C’est même cette hantise du paradis perdu qu’elle représente pour elle qui en fait un cas à part dans la fachosphère européenne.

    Il ne faut jamais perdre de vue ce qui s’est déjà produit, car autrement il se répétera, et sous une forme malgré tout reconnaissable. Toute l’idéologie de l’extrême droite est dans la désignation d’un bouc émissaire comme la cause de tous les maux du présent. C’était le Juif dans les années 1940. C’est l’immigré maghrébin et africain aujourd’hui. L’extrême droite revenue au pouvoir fera ce qu’a fait le régime de Vichy, dont elle procède, à peine celui-ci installé.

    Sa première cible sera ce qu’elle appelle les Français de papiers, qu’elle voudra dépouiller de leur nationalité française pour mieux les expulser ensuite. C’est ce qu’a fait le régime de Vichy avec les Juifs d’Algérie naturalisés dès 1870 de par le décret Crémieux. Non seulement il leur a enlevé la nationalité française, mais il a incité les non-Juifs à s’emparer de leurs biens. Pas un Algérien n’a pris un bien à un Juif. Les Oulémas ont pris les devants d’ailleurs en émettant une fatwa interdisant ce crime.

    Les fascistes d’aujourd’hui arrivant au pouvoir en France s’en prendraient aux Arabes, comme à ceux qui pour eux leur sont assimilables. Un fasciste n’est pas un fasciste s’il n’est pas raciste et brutal. S’il n’est pas ennemi du genre humain. La haine du plus faible parce qu’il est le plus faible, tel est son ADN, sa nature profonde, son identité politique. Dans la première tribune des généraux, puisqu’une deuxième serait en préparation, il a été question de “hordes de banlieue” à mater, à réduire. Tout est là : le bouc émissaire et le sort affreux à lui réserver.

    L’extrême droite commettra par les temps qui courent des crimes non moins horribles que ceux du passé si l’occasion s’en présente, dans quelque pays que ce soit, en France ou ailleurs. Il se trouve qu’en France, il y a un précédent. Elle ne sera pas prise au dépourvu, elle en particulier. Nous autres Algériens, Maghrébins et Africains, aurons de bonnes raisons de nous estimer directement menacés par l’extrême droite au pouvoir en France. Il nous sera impossible de garder les mêmes relations avec elle.

    Le Jour d’Algérie, 09 mai 2021

    Etiquettes: France, Algérie, extrême droite, fascisme, racisme, xénophobie, régime de Vichy, haine, arabes, musulmans, noirs,

  • Analyse : Facebook confronté au dilemme des droits de l’homme en matière de discours politique

    La prolongation par le conseil de surveillance de Facebook Inc (FB.O) du bannissement de l’ancien président américain Donald Trump du réseau social n’a pas permis de régler la question de l’équilibre entre la liberté d’expression des dirigeants politiques et sa responsabilité de veiller à ce que les discours haineux n’incitent pas à la violence.

    Le conseil d’administration, composé de 20 personnes, dont des juristes, des militants et un ancien Premier ministre, a maintenu la suspension de Trump de Facebook pour le moment, mais a déclaré que l’entreprise devait faire bien plus pour se préparer à des situations politiques explosives.

    Les politiques de l’entreprise sur ces questions revêtent une importance considérable non seulement aux États-Unis, mais aussi dans des pays comme l’Inde, le Brésil, le Myanmar et les Philippines. Les dirigeants politiques de ces pays se sont tournés vers le réseau social pour attiser la haine ou diffuser des informations erronées, avec des conséquences mortelles dans les deux cas, selon les critiques formulées par les Nations unies et d’autres organismes.

    « Facebook est devenu un média pratiquement indispensable pour le discours politique », a déclaré la commission dans sa décision de mercredi. « Il a la responsabilité à la fois de permettre l’expression politique et d’éviter les risques graves pour les autres droits de l’homme. »

    Le Conseil de surveillance a reconnu que Facebook avait évalué les actions de M. Trump lors de l’attaque du 6 janvier contre le Capitole, qui a entraîné son exclusion du service, par rapport au plan d’action de Rabat, un test mondialement accepté pour distinguer l’incitation à la haine et à la violence de ce qui devrait être protégé en tant que discours libre.

    Le plan Rabat en six points prend en compte le contexte et l’intention du discours, l’orateur, le contenu lui-même, sa portée et l’imminence du préjudice. Trump, président à l’époque, a dit aux manifestants dans une vidéo Facebook qu’ils étaient « très spéciaux », alors même que certains prenaient encore d’assaut le Capitole. Le compte de Trump comptait 35 millions d’adeptes.

    La commission a conclu que M. Trump « a utilisé l’autorité de communication de la présidence pour soutenir les agresseurs » et que sa violation des politiques de Facebook contre l’apologie de la violence était « grave en termes d’atteintes aux droits de l’homme ». La commission n’a pas exercé son autorité pour dire à Facebook qu’il devait bannir Trump de façon permanente.

    Mais la commission a reproché à Facebook de ne pas avoir mis en place une procédure permettant de réappliquer ce test ou un autre pour déterminer quand les privilèges de Trump devraient être rétablis. Il a donné à Facebook six mois pour décider du statut de M. Trump et a exhorté l’entreprise à élaborer une politique pour gérer les crises dans lesquelles les options existantes ne permettraient pas d’éviter un préjudice imminent.

    Facebook a déclaré qu’il examinait les commentaires reçus.

    La suspension de M. Trump est la première fois que Facebook bloque un président, un premier ministre ou un chef d’État en exercice. En mars, Facebook avait exclu le président vénézuélien Nicolas Maduro pendant 30 jours pour avoir diffusé des informations erronées sur le COVID-19. Son administration a qualifié cette sanction de « totalitarisme numérique ».

    En devenant une source d’information majeure, Facebook a généralement laissé une marge de manœuvre aux dirigeants politiques, car ce qu’ils disent est digne d’intérêt et important pour le fonctionnement des gouvernements. Néanmoins, le contrôle des politiciens qui enfreignent les règles et, plus généralement, des discours politiques, a suscité des réactions négatives de la part des gouvernements et de nouvelles menaces de réglementation en Inde, en Hongrie et au Mexique.

    De nombreux défenseurs de la société civile affirment que l’entreprise est trop prompte à faire taire la dissidence politique et qu’elle ne dispose d’aucun outil pour faire face aux nombreuses façons dont les gouvernements autoritaires manipulent ses services, qui comprennent également Instagram et WhatsApp.

    La question est particulièrement délicate en Inde, où les utilisateurs critiquent depuis l’année dernière la lenteur de Facebook à contrôler les discours haineux et autres actions des politiciens du parti au pouvoir, le Bharatiya Janata Party. Dans le même temps, le gouvernement a exigé que Facebook supprime les publications critiquant sa gestion de la pandémie, dont certaines émanant de législateurs locaux.

    Au cœur de l’ordonnance du conseil d’administration dans l’affaire Trump se trouve l’idée que chaque utilisateur de Facebook, y compris Trump, mérite d’être éclairé sur les actions qui lui vaudront d’être banni à jamais et sur les mesures qu’il peut prendre pour que les suspensions temporaires soient levées.

    Les conventions des Nations unies, qui établissent un cadre largement respecté mais volontaire pour le droit international des droits de l’homme, considèrent que la liberté d’expression est un droit fondamental et que, par conséquent, les personnes ne devraient pas être soumises à un musellement arbitraire de la part de Facebook. L’entreprise s’est engagée à faire respecter ces droits de l’homme dans une politique d’entreprise dévoilée en mars, qui comprend des rapports de suivi annuels.

    « Si l’on croit aux principes du droit international des droits de l’homme qui guident la décision, il est difficile de voir comment une interdiction à vie pourrait JAMAIS être admissible pour toute violation de contenu », a tweeté mercredi Nate Persily, professeur de droit à l’université de Stanford.

    Mais la législation sur les droits de l’homme stipule également que les personnes doivent être protégées contre la violence et d’autres formes de préjudice.

    Sarah Morris, directrice de l’Open Technology Institute de New America, a déclaré que la décision du conseil d’administration indique que les publications problématiques répétées de M. Trump à l’approche du 6 janvier et leur impact sur l’attaque « en font un cas particulièrement flagrant qui justifie sa déchéance ».

    Le conseil d’administration a refusé de suivre la voie recommandée par une minorité de membres, à savoir que M. Trump ne devrait pas être réintégré tant que l’entreprise n’est pas convaincue qu’il a cessé de faire de fausses déclarations sur une fraude généralisée lors de l’élection qu’il a perdue l’année dernière et qu’il a renié son soutien aux personnes impliquées dans l’attaque du Capitole.

    Si Facebook adoptait cette exigence, le retour de Trump pourrait être très éloigné. Il a qualifié la victoire de Joe Biden à l’élection présidentielle de 2020 de « GRAND MENSONGE », répétant cette affirmation pas plus tard que lundi.

    Reuters, 06 mai 2021

    Etiquettes : Etats-Unis, Facebook, Donald Trump, censure, discours haineux, racisme, violence,

  • Un candidat noir conteste le statu quo politique en Espagne

    MADRID (AP) – Deux jeunes hommes sénégalais se sont rencontrés sur un bateau de migrants à destination de l’Europe en 2006, une année qui a vu un afflux record d’Africains vers les îles Canaries en Espagne.

    Depuis lors, l’un est mort d’une crise cardiaque en fuyant la police espagnole et l’autre se présente mardi à une élection polarisée pour un siège à l’assemblée régionale de Madrid.

    Serigne Mbaye veut non seulement lutter contre ce qu’il considère comme un «racisme structurel» contre les migrants africains, mais aussi défier une histoire de sous-représentation de la communauté noire et des autres personnes de couleur dans la politique espagnole.

    «C’est là que commence toute discrimination», a déclaré le jeune homme de 45 ans à l’Associated Press.

    En 2018, n’ayant pas réussi à obtenir un travail légal et un permis de séjour, l’homme qu’il a rencontré sur le bateau – Mame Mbaye, aucun parent – est décédé d’une crise cardiaque échappant à la répression policière des vendeurs de rue.

    Après cela, Serigne Mbaye, qui représentait à l’époque un groupe de colporteurs principalement noirs africains, est devenu l’une des voix les plus vives contre la loi espagnole sur les étrangers, affirmant qu’elle lie les migrants arrivant illégalement à l’économie souterraine. Le règlement les punit également de prison pour avoir commis des infractions mineures, leur laissant un casier judiciaire qui pèse sur leurs chances d’obtenir un permis de séjour.

    «Son image de nuit quand nous étions sur le bateau me hante toujours», a déclaré Serigne Mbaye, aujourd’hui citoyen espagnol. «Le seul fait qu’il soit mort et que je sois en vie est dû à une loi injuste qui nous condamne et nous punit. Certains d’entre nous y parviennent. Certains peuvent passer 20 ans dans un cercle vicieux sans papiers. »

    Mbaye court sur un ticket avec le parti anti-austérité United We Can, le partenaire junior de la coalition dirigée par les socialistes au pouvoir.

    Seule une poignée de Noirs ont réussi au plus haut niveau de la politique espagnole. Née en Guinée équatoriale, Rita Bosaho, aujourd’hui directrice de la diversité raciale et ethnique au ministère espagnol de l’Égalité, est devenue en 2015 la première législatrice nationale noire en quatre décennies de régime démocratique. Luc André Diouf, qui a également émigré du Sénégal, a également remporté un siège à la Chambre basse d’Espagne en 2019.

    À un niveau régional inférieur, Mbaye veut montrer que «Madrid est diversifiée».

    «Qu’une personne noire soit inscrite sur les listes en a surpris beaucoup. De cette façon, cela fait réfléchir beaucoup de gens », a-t-il déclaré.

    Vox, le parti d’extrême droite de plus en plus influent du pays, a répondu à la candidature de Mbaye avec un post Instagram promettant de l’expulser, même si cela est impossible car le candidat d’extrême gauche est un citoyen espagnol. Avec son mélange de patriotisme et de provocation populiste, Vox est devenu la troisième force du parlement national et pourrait devenir le faiseur de roi lors des élections du 4 mai à Madrid.

    «Ils disent essentiellement que parce que je suis noir, il n’y a pas de place pour moi ici», a déclaré Mbaye. «Ce sont les types de messages qui nous criminalisent et que nous continuons de recevoir.»

    Vox a également fait des vagues avec de grandes annonces dans le métro citant des chiffres inexacts comparant les dépenses publiques alléguées de Madrid pour les mineurs étrangers non accompagnés à l’allocation moyenne présumée d’un retraité. Le parti blâme les mineurs – un total de 269 personnes dans la région de 6,7 millions d’habitants – pour une insécurité accrue.

    Les juges ont statué que les panneaux d’affichage relèvent de la liberté d’expression. Mais lorsque Vox est accusé par des opposants d’être raciste, le parti affirme que sa croisade est uniquement contre la migration illégale et qu’un parti raciste n’aurait pas de porte-parole métis au parlement régional du nord-est de la Catalogne. C’est Rafael Garriga, un dentiste d’origine belge et équato-guinéenne.

    «En s’entourant de ce qu’ils considèrent comme une sorte de respectabilité, ils essaient de légitimer un discours clairement raciste sans franchir certaines limites légales», a déclaré Antumi Toasijé, un historien qui dirige le Conseil national contre la discrimination ethnique et raciale.

    L’ascension de l’extrême droite et la polarisation des médias sociaux ont normalisé le discours de haine en Espagne, a-t-il déclaré.

    Le mouvement Black Lives Matter a mené l’année dernière à certaines des plus grandes manifestations contre le racisme en Espagne. Mais si beaucoup ont condamné le meurtre de citoyens noirs par la police aux États-Unis, peu ont réfléchi au racisme domestique ou à l’histoire du colonialisme, de l’esclavage en Espagne et, selon Toasijé, à «une longue tradition de tentatives de nettoyage ethnique».

    Dans un pays où le recensement ne pose aucune question sur la race ou l’appartenance ethnique, comme dans une grande partie de l’Europe, une étude gouvernementale récente a estimé le nombre de Noirs en Espagne à un peu plus de 700 000.

    La propre estimation de Toasijé élève ce chiffre à au moins 1,3 million de Noirs «visiblement», y compris des Africains subsahariens, des Latino-américains noirs et des Afro-descendants nés en Espagne. Ce serait 2,7% de la population, ou au moins neuf législateurs noirs si le Congrès des députés de 350 sièges reflétait la diversité du pays. Il y a actuellement un législateur noir.

    Pourtant, les quotas ou autres mesures qui aideraient à lutter contre les inégalités raciales ne font même pas partie du débat, a déclaré Toasijé.

    Cette sous-représentation affecte également les Roms espagnols, une communauté de 700000 personnes qui a remporté une victoire historique en 2019 en s’emparant de quatre sièges parlementaires, soit près de la part de 1,5% qu’elle représente dans la population totale. Mais l’un d’eux n’a pas réussi à conserver son siège lors d’une élection répétée.

    La situation n’est pas meilleure pour les descendants d’Amérique latine ou de Marocains, qui représentent certains des plus grands groupes d’Espagnols non blancs, ou pour plus de 11% de résidents nés à l’étranger qui ne peuvent même pas se présenter aux élections régionales ou nationales.

    Moha Gerehou, journaliste espagnol et militant contre le racisme, a déclaré que le «racisme structurel» était inhérent à la vie espagnole.

    «Cela a beaucoup à voir avec l’éducation, car le principal goulot d’étranglement est l’accès aux universités, laissant des emplois mal payés et précaires comme le travail domestique ou la récolte, là où il y a une exploitation endémique», a-t-il déclaré.

    À l’exception des personnalités du sport et de certains artistes, les personnes de couleur sont à peu près invisibles dans les cercles espagnols de haut niveau, des universités aux grandes entreprises, a déclaré Gerehou, qui vient de publier un livre sur le fait de grandir en tant que personne noire dans une capitale provinciale du nord de l’Espagne.

    Sa description est celle d’un pays largement blanc qui se considère non raciste et accueillant pour les migrants, même lorsque de nombreuses études ont capturé une discrimination endémique contre les personnes de couleur, en particulier dans les emplois ou le logement.

    «Le problème est que le débat sur la représentation raciale est toujours marginal», a déclaré Gerehou. «Nous devons aller beaucoup plus vite.»

    Associated Press, 02 mai 2021

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