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  • Maroc : « La résistance du Rif a été brisée »

    INTERVIEW DE L’ACTIVISTE JAMAL MOUNA
    Jamal Mouna et le Rif se sont battus pour leur liberté il y a cinq ans. Maintenant, leur résistance a été brisée
    La mort d’un poissonnier, écrasé par l’anarchie dans le Rif, a enflammé le nord du Maroc il y a cinq ans. Le gouvernement marocain est intervenu très durement. Les activistes ont été condamnés à des peines de prison allant jusqu’à vingt ans. D’autres, comme Jamal Mouna, ont fui vers l’Europe en bateau. Nous avons besoin d’un leader.

    Dion Mebius

    La conversation dure depuis 40 minutes lorsque Jamal Mouna fouille dans la poche intérieure de son manteau et en sort un paquet rouge. Il le déplie : c’est un drapeau rouge avec un losange blanc, avec un croissant et une étoile verts à l’intérieur. Il y a un siècle, c’était le drapeau du Rif, lorsque la région n’était pas opprimée par le Maroc, mais formait brièvement sa propre république.

    Que représente ce mince morceau de tissu pour Mouna ? Dignité. Liberté. Origine. Patrie. C’est notre nation, ce drapeau.

    C’est aussi le drapeau qui a valu à Mouna d’être emprisonnée au Maroc. Et le drapeau avec lequel il a failli se noyer sur la Méditerranée, fuyant la justice marocaine. Maintenant, il est assis ici, sur le canapé d’un petit appartement de Barcelone, pour la première fois en 41 ans d’existence, loin de sa terre natale bien-aimée et de sa famille. Son drapeau lui a fait perdre presque tout, mais garder la chose la plus importante : l’espoir d’un Rif libre.

    Il y a presque cinq ans, ce même espoir a embrasé la région montagneuse du nord du Maroc. Des dizaines de milliers de Rifains, un groupe de population ayant sa propre culture berbère et une langue qui s’écarte de la norme arabe, ont défié les autorités et sont descendus dans la rue. L’élément déclencheur des manifestations a été la mort, le 28 octobre 2016, du vendeur de poisson Mohsin Fikri, écrasé dans un camion à ordures après une prise de bec avec les autorités au sujet d’un lot de poisson.

    Prise d’étranglement

    C’était la mèche dans le baril de poudre, rempli de mécontentement à propos de la suppression de la culture berbère et du manque d’investissement et d’emploi dans le Rif. Elle est restée agitée pendant des mois. Le gouvernement marocain, dirigé par le puissant roi Mohammed VI, est intervenu avec une grande férocité. Les troupes d’autres régions ont réprimé la révolte, les dirigeants du mouvement de protestation Hirak ont été condamnés à des années d’emprisonnement.

    Cette prise suffocante fonctionne. Le mécontentement n’a pas disparu, mais la protestation est brisée. Sans le leader Nasser Zafzafi, qui a été condamné à vingt ans de prison, le mouvement de protestation s’est désintégré. Le Maroc veut que cela reste ainsi. C’est pourquoi Zafzafi ne sera pas libéré, contrairement à des dizaines d’autres militants du Rif qui ont purgé de courtes peines de prison ou ont été graciés par le roi. La fuite de certains d’entre eux vers l’Europe montre à quel point leur situation est menaçante.

    Quelques-uns obtiennent l’asile politique aux Pays-Bas, où environ 70 % des Néerlandais d’origine marocaine ont leurs racines dans le Rif. Le plus souvent, les militants riffins se retrouvent en Espagne, seulement séparée du Maroc par un petit détroit. En janvier de cette année, douze militants ont reçu un permis de séjour temporaire en Espagne, après un périlleux voyage en bateau.

    Jamal Mouna était l’un d’entre eux. Depuis l’obtention de son permis de séjour, il loue une petite chambre à Vendrell, une ville côtière de Catalogne. Nous nous sommes rencontrés dans une banlieue de Barcelone avec Lodfi el Khattabi, une connaissance dr rifain et un ami à lui. C’est le réseau sur lequel Mouna s’appuie depuis sa fuite vers l’Europe.

    Piégé à Casablanca

    Les mois de Mouna ont été difficiles mais ses yeux sont souriants. Il s’entraîne et, dans le Rif, une ancienne zone d’occupation espagnole, il a déjà appris certaines choses.

    Par où commencer ? Sa propre vie avant les protestations. Mouna, célibataire, travaillait comme serveur dans un café d’Al-Hoceima, la capitale officieuse du Rif. Travail dur et bas salaires, la vie de la plupart des Rifains. Tu vas d’un emploi à l’autre.

    Si tant est que vous puissiez trouver un tel emploi, car le chômage est énorme. Les soins de santé et l’éducation dans le Rif sont loin d’être adéquats. Et il y a toujours ce sentiment d’anarchie – voir la mort du poissonnier Fikri, qui est monté dans un camion à ordures pour empêcher la police de détruire son espadon (pêché hors saison), après quoi le mécanisme cpmpresseur a été activé.

    Avant même le Hirak, Mouna organisait des réunions au cours desquelles les habitants d’Al-Hoceima partageaient leurs critiques. Lorsque les protestations s’enflamment, en octobre 2016, il est en première ligne. Mouna descend dans la rue et parle dans ses rassemblements de la nécessité de la résistance.

    Le rôle de Mouna dans les manifestations n’est pas sans conséquences. La police l’arrête, ainsi que des centaines d’autres personnes. Le 8 juin 2017, il est condamné à deux ans de prison. Avec le chef du Hirak, Zafzafi, dont il était proche, Mouna a été emmené à la prison de Casablanca, loin du Rif.

    Quinze jours de faim

    Afin d’exiger une alimentation décente, des soins médicaux et des visites familiales, les prisonniers politiques ont entamé une grève de la faim. Mouna n’a rien mangé pendant quinze jours,  » presque comme une torture « . Il n’a jamais vraiment souffert de torture physique en détention. Nasser Zefzafi l’a fait, le leader du Hirak nous l’a dit dans un clip audio sorti clandestinement de prison en 2019. En lui, des objets auraient été insérés dans son anus, entre autres.

    Après deux ans, en juin 2019, Mouna est libéré, pour aussitôt redescendre dans la rue pour protester – qu’il ait dû laisser ses amis en prison, il ne peut l’avaler. Il porte son drapeau de la République du Rif libre lors d’une manifestation à Tamassint, un village près d’Al-Hoceima. Quelques jours plus tard, il est arrêté par la police. Mère Habiba ne peut rien faire, des larmes coulent sur ses joues.

    Et puis le bateau a fui

    Il est à nouveau accusé. Manifester avec le drapeau du Rif est très sensible au Maroc : le régime considère la mémoire de la république du passé comme une menace pour l’unité nationale. Avant tout, Mohammed IV attachait de l’importance à l’ordre dans son royaume, après le chaos qu’il a vu dans les pays qui l’entouraient pendant le printemps arabe. Il reste peu de choses des idées éclairées qu’il a présentées lors de son accession au trône en 1999. La liberté de la presse est limitée. Le Parlement a peu de pouvoir : il n’y a pas de démocratie.

    Mouna a été autorisé à attendre son procès en liberté. Via via via, il a reçu des menaces. Il ferait mieux d’arrêter son activisme, lui a-t-on dit, sinon les choses pourraient très mal tourner pour lui. On a même proposé à Mouna de l’argent pour ouvrir sa propre entreprise. Une tentative, dit-il, de le faire taire. En octobre 2020, il est condamné à 8 mois de prison, mais le régime ne se presse pas de l’enfermer à nouveau.

    Pour continuer à se battre pour le Rif, il doit quitter le Rif, réalise Mouna. Avec cinq autres personnes, il réunit l’argent pour un simple bateau à moteur. Le 18 janvier de cette année, ils ont quitté Al-Hoceima pour la côte espagnole. C’était un voyage plein d’embûches : des problèmes de moteur, une fuite. Mouna a montré une vidéo d’eux en train d’écoper l’eau du canot pneumatique, les pieds trempés. Il y a des moments où il pense qu’ils ne vont pas y arriver. Mais ils ne reviennent jamais en arrière.

    Ils sont finalement secourus par des pêcheurs espagnols de Malaga, qui ont navigué pour attraper la pêche du jour. Les pêcheurs attachent une corde au bateau des réfugiés et les tirent vers la côte sud de l’Espagne. Après un voyage exténuant de 26 heures, les réfugiés ont posé le pied en Europe, continent de la liberté et de la démocratie.

    Nous avons besoin d’un leader

    Les premières fissures n’ont pas tardé à apparaître dans cette image idéalisée. Dans le centre pour demandeurs d’asile de Murcie, où les conditions sont pires que dans la prison de Casablanca, Mouna apprend qu’il sera expulsé avant de pouvoir raconter son histoire. Lui, un réfugié politique, n’en croit pas ses oreilles. Il venait de partir pour une telle injustice, n’est-ce pas ?

    Les Marocains qui atteignent l’Espagne en tant que migrants sont généralement renvoyés immédiatement. Cela ne se fait pas sans problèmes. Le Maroc n’a pas l’habitude d’utiliser ses citoyens comme une arme politique, comme l’a fait à Ceuta, l’enclave espagnole proche du Maroc qui a été submergée par 10000 migrants en mai. Des règles différentes s’appliquent aux réfugiés politiques : ils ne doivent pas être expulsés immédiatement. En 2018, pour la première fois, l’Espagne a reconnu un Rifain qui était venu en tant que réfugié politique.

    Après cinq jours, et grâce à l’intervention d’un avocat, Mouna est libéré de son incertitude : il peut rester pour l’instant. Il montre un morceau de papier vert, son permis de séjour temporaire. Bien sûr, ses parents lui manquent, et il leur manque. Mais le fait que leur fils soit en sécurité est la chose la plus importante pour eux.

    Et maintenant ? Il veut poursuivre son combat depuis la Catalogne, avec des messages sur les médias sociaux et des manifestations dans les rues, pour attirer l’attention sur la cause rifaine. La colère dans le Rif est toujours aussi grande, mais il voit aussi que la situation ne s’est pas améliorée au cours des cinq dernières années – le fait qu’il ait dû fuir en dit long. Nous avons besoin d’un leader qui puisse nous unir ».

    En attendant, Mouna continue de travailler. Hasta el final », conclut-il en espagnol, la langue de son nouveau pays. Jusqu’à la fin, et il pourra être libre dans le Rif.

    De Volkskrant, 20 juin 2021

    Etiquettes : Maroc, Rif, Jamal Mouna, asile politique, exile, répression,

  • Le Soir d’Algérie : Mon ni-ni à moi !

    Par Hakim Laalam

    Nouveaux visages à l’Assemblée. Enfin, je crois, certains étaient flous, comme…
    … gommés !

    Des Dézédiennnes et des Dézédiens s’enorgueillissent de publier des photos de bulletins de vote jetés à terre, d’urnes cassées et de matériel urbain détruit. Je ne suis ni juge ni procureur. Par contre, je suis aussi dézédien. Et en tant qu’adulte, je peux décider avec qui j’ai envie de vivre. Et avec qui je n’ai franchement pas envie de passer le restant de mes jours. Ça donne cette équation impossible à négocier. C’est mon ni-ni à moi ! Ni vivre avec les restes de la Içaba. Ni avec les casseurs ! Ni avec le système en son état actuel qui est tout, sauf l’ébauche réelle d’une seconde République. Ni avec ceux qui ont la violence comme seule alternative.

    Emprisonner des personnes pour leurs opinions, c’est détestable. S’en prendre à des urnes, déchiqueter des bulletins de vote, broyer des urnes et saccager une école, c’est tout autant détestable. Peut-être plus encore. Je m’explique : le pouvoir ne me surprend pas lorsqu’il confond autorité publique et autoritarisme despotique. Il est dans sa logique autiste qu’il faut combattre pacifiquement. En toutes circonstances. Par contre, ceux qui se disent porteurs d’un projet de changement démocratique me laissent pour le moins perplexe lorsqu’ils adoptent la destruction comme seul « projet » d’avenir. Lorsqu’ils se postent aux abords d’un centre de vote pour terroriser les citoyennes et les citoyens désirant s’exprimer par le suffrage.

    L’acte violent est terrible de conséquences, et pas seulement pour ces législatives. Demain, si un débat sur l’abrogation du code de la famille est entamé et qu’il débouche sur un vote, qui empêchera les islamistes, les conservateurs et leurs alliés de s’en prendre au processus référendaire par la force et le saccage ? Ils pourront toujours arguer des « précédents » ! Dire et expliquer qu’ils ne font que ce qu’ont fait les autres. Et après, si est engagé un autre débat, disons celui sur la transition énergétique, qu’est-ce qui empêchera le lobby du diesel et de la pièce détachée de cramer toutes les voitures électriques achetées par le ministre Chitour ?

    Je caricature. Si peu, en fait ! Par contre, là où je n’ai franchement pas envie de caricaturer, c’est dans mon ni-ni ! Ni les résidus de la Içaba. Ni la dictature de la pensée par le feu et le chaos. Les deux produisent sur moi le même effet révulsif. Qui lui-même me pousse à fumer du thé pour rester éveillé à ce cauchemar qui continue.
    H. L.

    Le Soir d’Algérie, 13 juin 2021

    Etiquettes : Algérie, Hirak, violence, répression,

  • Le Maroc utilise la justice pour contrôler la politique (Wikileaks)

    Maroc, Wikileaks, Justice, répression, #Maroc, #Wikileaks,

    « D’autres pays utilisent l’armée ou la police pour contrôler la politique, mais au Maroc, nous utilisons le système judiciaire.

    La justice au Maroc n’est pas indépendante et les magistrats sont souvent incompétents. Le mauvais fonctionnement du troisième pouvoir est une « entrave au développement du pays ». « L’utilisation systématique de l’appareil judiciaire pour atteindre des objectifs politiques sape également les efforts louables visant à promouvoir la réforme judiciaire et la transparence ».

    Après avoir consulté plusieurs personnalités et experts, dont certains juges et procureurs en activité, l’ambassade des Etats-Unis à Rabat a fait, fin août de l’année dernière, une description peu relouisante du fonctionnement de la Justice au Maroc. Abelaziz Nouyidi, avocat et défenseur des droits de l’homme, résume une opinion largement répandue : « Quand il s’agit de quelque chose de politique, l’indépendance [du pouvoir judiciaire] est nulle. Quand il s’agit de quelque chose en rapport avec la presse, l’indépendance est égale à zéro. Dans d’autres cas, il y a un peu plus de place pour l’indépendance, mais pas beaucoup non plus.

    Nouyidi se souvient qu’il se trouvait dans le cabinet d’un juge lorsqu’il a reçu un appel du ministère de l’intérieur. Le magistrat a expliqué au téléphone qu’il s’était exécuté : « La peine était celle que vous vouliez ». Plus crûment, un procureur a avoué à l’ambassade américaine : « D’autres pays utilisent l’armée ou la police pour contrôler la politique, mais au Maroc, nous utilisons le système judiciaire.

    Arrêté après avoir gagné aux urnes

    De nombreux exemples le prouvent. Said Yabou, du parti de l’Istiqlal dirigé par le Premier ministre, a été élu maire de Youssoufia, une banlieue de Rabat, en 2009 par les conseillers municipaux contre un candidat du parti Authenticité et Modernité fondé par Fouad Ali el Himma, un proche du roi Mohammed VI. Immédiatement après avoir remporté le vote, Yabou « a été arrêté, en violation de la procédure judiciaire, et accusé de fraude ». « Il a rapidement été reconnu coupable, condamné à deux ans de prison et a perdu » le poste de maire. Ce qui s’est passé « illustre comment l’appareil judiciaire peut être utilisé pour atteindre des objectifs politiques », selon le rapport de l’ambassade.

    Pour convaincre les juges de suivre les instructions du ministère de la Justice, « il n’est pas nécessaire de déranger » l’équivalent marocain du Conseil général du pouvoir judiciaire en Espagne. « Si le ministère veut punir un juge pour avoir été trop indépendant (…) il suffit de le nommer à un poste indésirable, quelque part dans le désert, et de ne pas lui permettre de gravir les échelons », explique un magistrat.

    « La capacité du ministère de la Justice à promouvoir ou à transférer les juges rend difficile pour eux de contredire les instructions de l’autorité, même lorsque la sentence qu’ils s’apprêtaient à promulguer était conforme à la loi », écrit le chargé d’affaires. Le ministre de la Justice, Mohamed Taieb Naciri, est également un ministre dit « de souveraineté », c’est-à-dire directement nommé par le roi Mohamed VI.

    Le ministère de la justice n’est pas le seul à avoir une influence sur les juges, mais aussi la Cour suprême et ceux qui « ont accès ou sont amis avec le palais royal », affirme l’avocat Abelaziz Nouyidi. Le degré de perversion de la justice est tel que « lorsque les juges ne reçoivent pas d’instructions explicites sur une affaire donnée, ils agissent généralement en fonction de ce qu’ils pensent être les préférences du ministère », explique M. Nouyidi.

    Des juges dociles

    Ce n’est pas seulement le poids décisif du ministère qui porte atteinte à l’indépendance des juges. Filali Meknassi, de la branche marocaine de Transparency International, « souligne que la propension croissante à la corruption a rendu les juges dociles et peu complaisants lorsqu’ils reçoivent des instructions d’en haut. À la fin de sa carrière, un juge peut gagner 3 050 euros par mois, mais ce salaire n’est pas à la hauteur du style de vie somptueux dont jouissent de nombreux magistrats, indique M. Meknassi de Transparency International.

    Enfin, l’incompétence des juges est un autre obstacle à leur indépendance. Un magistrat a admis devant des diplomates américains qu’ »un nombre étonnamment élevé de juges ne connaissent pas suffisamment la loi pour l’appliquer correctement (…) ». Ils s’appuient sur les conseils du ministère de la justice comme une « béquille » pour compenser leurs lacunes.

    En 1998, alors que 80 % du contrat est achevé, le ministère marocain des travaux publics met en doute la stabilité des quais – ce que FCC dément -, arrête les travaux et confisque le matériel. La société espagnole a poursuivi l’autorité portuaire pour rupture de contrat devant le tribunal administratif d’Agadir et a été condamnée à une amende de 11 millions d’euros en 2001. Le verdict a fait fuir les entreprises de construction espagnoles.

    Bien que le rapport ne le rappelle pas, l’absence pendant de nombreuses années d’entreprises de construction espagnoles au Maroc trouve son origine dans une sentence judiciaire. En 1996, l’Autorité portuaire marocaine a attribué à FCC la construction d’un quai à Agadir, l’extension d’un autre quai et un contre-quai pour un montant de 20 millions d’euros financé par un prêt bonifié espagnol.

    L’ambassade américaine reproche également au ministère de la Justice de s’être adapté, entre 2003 et 2008, à « la présence croissante de salafistes [islamistes radicaux] dans les prisons en leur accordant de plus en plus de privilèges », selon un rapport exhaustif de mai 2009. L’évasion, en avril 2008, de neuf prisonniers islamistes de premier plan de la prison de Kenitra a incité le roi à transférer l’administration pénitentiaire du ministère de la Justice à la présidence du gouvernement, la rendant ainsi encore plus dépendante du palais, et à placer à sa tête un ancien directeur de la police, Moulay Hafid Benhachem.

    Le racket en prison

    Il a « mis fin à la politique d’apaisement avec les prisonniers salafistes – concentrés à Tétouan, Salé et Casablanca – qui avaient obtenu des privilèges sans précédent », rappelle le rapport. Malgré cela, « ils ont toujours un accès facile aux téléphones portables » et profitent des transactions de la prison. « Avec le soutien de Mohamed VI et un budget plus généreux, Benhacem a amélioré la sécurité, augmenté les rations alimentaires et lancé un ambitieux programme de construction, mais les problèmes persistent », a déclaré l’ambassade.

    Quels sont les problèmes ? Dans les 59 prisons du Maroc, il y avait 60 000 prisonniers il y a un an – les islamistes en comptent environ 1 000 – qui disposaient de 1,6 mètre carré par personne, bien que l’objectif soit de porter ce chiffre à trois mètres. Les normes internationales prévoient neuf mètres par prisonnier. L’État marocain dépensait 0,75 centime d’euro par jour pour chaque prisonnier. Près de la moitié des prisonniers étaient en détention provisoire. D’où la surpopulation, qui n’est soulagée que par les grâces massives accordées par Mohamed VI à l’occasion des grandes fêtes religieuses.

    Source : Marocleaks, 06 juin 2021

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  • Maroc : un journaliste entre la vie et la mort

    Soulaimane Raissouni : un journaliste entre la vie et la mort

    L’ancien rédacteur en chef du quotidien arabophone Akhbar al Yaoum, incarcéré depuis un an sans jugement, poursuit depuis deux mois une grève de la faim qui met ses jours en danger. Ce flamboyant éditorialiste, sans complaisance pour la monarchie, nie en bloc les accusations d’« attentat à la pudeur » et de « séquestration », dont il est l’objet. Retour sur cette affaire, par l’Humanité et Mediapart.

    On ne compte plus, depuis un an, ses comparutions, d’audiences renvoyées en demandes de remise en « liberté provisoire » refusées. Il est apparu sur le banc des accusés, ce jeudi 3 juin, méconnaissable, au 57 e jour d’une grève de la faim qui menace aujourd’hui sa vie : la peau sur les os, les traits émaciés, prostré sur sa chaise, incapable de se tenir debout, la tête dodelinante, entouré comme le plus dangereux des criminels par des haut gradés de la police. Soulaimane Raissouni, éditorialiste à la plume libre et acérée, d’une éloquence impitoyable, le dernier, au Maroc, à oser critiquer de front la monarchie, sa corruption, ses penchants tyranniques, l’injustice sociale sur laquelle elle est assise, se débat aujourd’hui dans l’arbitraire, entre la vie et la mort. Le rédacteur en chef du quotidien arabophone Akhbar al Yaoum, asphyxié par le régime, contraint de baisser le rideau voilà trois mois, n’est plus que l’ombre de lui-même.

    Reclus à l’isolement depuis plus d’un an, dans sa geôle de la prison d’Oukacha, à Casablanca, il a perdu près de 40 kilos. Sa vie ne tient plus qu’à un fil et sa jeune épouse, Kholoud, prépare déjà son deuil. Dans un geste désespéré, un cri de révolte contre l’indifférence, elle a posté sur les réseaux sociaux, la semaine dernière, l’image du linceul blanc qu’elle destine à son époux. Soulaimane Raissouni n’aura pas vu grandir leur fils, aujourd’hui âgé de 18 mois. La vie de ce talentueux journaliste a basculé le 22 mai 2020, lorsqu’une escouade de policiers en tenue civile l’ont brutalement appréhendé à l’aube, à son domicile de Casablanca. Sans convocation officielle, ni mandat, sous l’œil de caméras, prévenues pour l’occasion. Il a dû attendre plusieurs jours avant que lui soient notifiées les charges pesant sur lui : attentat à la pudeur et séquestration. Quelques jours plus tôt, la justice s’était saisie des accusations lancées le 14 mai sur le réseau social Facebook par un militant des droits des personnes LGBT. Ce dernier, qui s’exprimait sous le pseudonyme d’Adam Muhammed, affirmait avoir subi « une tentative de viol en 2018 » au domicile du journaliste, sans le nommer. Soulaimane Raissouni nie en bloc ces accusations. Un témoin corrobore sa version : l’employée de maison, présente ce jour-là.

    Les avocats de la défense ont maintes fois demandé au juge d’instruction de l’auditionner. Refus catégorique. Le jeune militant LGBT n’a déposé plainte qu’après l’interpellation du journaliste, annoncée en amont à coups de clairon, selon un procédé bien rodé, par les auxiliaires médiatiques du régime. Dès le 20 mai, le site Barlamane, relais des services de renseignements, annonçait « un scandale honteux », exigeant que le journaliste, qualifié de « déséquilibré » soit traduit en justice. « On se demande ce que vous attendez pour ouvrir une enquête », lisait-on dans ses colonnes, à l’attention du ministère public. « Petite Soulaiminette, c’est l’avant-dernier avertissement avant de te détruire ! », menaçait, trois jours auparavant, le site Internet Chouf TV, véritable organe du régime et de ses basses œuvres, en promettant le « sacrifice » de l’éditorialiste pour l’Aïd el-Fitr, la grande fête de fin du ramadan qui avait lieu, cette année-là, le 24 mai. Promesse tenue… Ces médias connus pour manier la diffamation sur ordre vilipendaient Raissouni depuis des mois. En cause ? Ses éditoriaux au vitriol, n’épargnant ni le roi, ni sa garde rapprochée, ni le tout-puissant chef des services de sécurité, Abdellatif Hammouchi, visé en France par des plaintes pour torture, et dont la convocation par la justice française lors de l’un de ses séjours parisiens avait déclenché, en 2014, une tempête diplomatique entre Paris et Rabat. En cause, encore, ses prises de position en faveur du journaliste Omar Radi, poursuivi pour « espionnage » et « atteinte à la sûreté de l’État » après le scandale suscité par les révélations d’Amnesty international sur l’usage par les autorités marocaines du logiciel espion israélien Pégasus pour le surveiller – plus tard accusé de viol à son tour ( lire notre enquête sur l’affaire Omar Radi).

    En cause, enfin, son soutien sans faille à sa nièce, Hajar Raissouni, 29 ans, elle-même talentueuse journaliste d’ Akhbar al Youm. La jeune femme avait été condamnée, le 30 septembre 2019, sur la base de rapports médicaux truqués, à un an de prison ferme pour « avortement illégal, relations sexuelles illégales, débauche », après son interpellation à la sortie d’une consultation de gynécologie. Devant le tollé suscité au Maroc et à l’étranger par cette incarcération, Hajar Raissouni avait finalement été libérée le 16 octobre, en vertu d’une grâce royale. Cette « stratégie sexuelle » pour démolir les opposants, des journalistes et réduire au silence les voix critiques avait déjà fait tomber une figure d’ Akhbar al Yaoum, son directeur, Taoufik Bouachrine, condamné un an plus tôt à douze ans de prison, au terme d’un procès jugé « inéquitable » par le groupe de travail de l’ONU sur la détention arbitraire, pour « abus de pouvoir à des fins sexuelles », « viol et tentative de viol ». Peine alourdie en appel à quinze ans de prison ferme. Dans le dossier Bouachrine, sur les quinze plaignantes initialement recensées par la presse marocaine, huit avaient finalement manifesté le refus de témoigner contre lui, ou s’étaient ouvertement rétractées. L’une d’entre elles, Afaf Bernani, avait même été condamnée pour cela : « falsification de procès-verbal », six mois de prison ferme.

    Depuis son exil, elle exhorte aujourd’hui le régime marocain à « cesser d’utiliser les allégations d’agression sexuelle pour réduire au silence les opposants ». Lors du procès à huis clos, qui s’était étiré sur plusieurs mois, d’autres témoins, revenus sur leurs déclarations, avaient fini derrière les barreaux. Des mandats d’amener avaient dû être délivrés pour contraindre certaines plaignantes à se présenter à la barre. Une femme présentée comme une « victime » de Bouachrine, refusant de se présenter au tribunal, avait été retrouvée cachée, terrorisée, dans la voiture d’un témoin… Dans l’affaire Raissouni, les enquêteurs n’ont pas ménagé leur peine pour tenter de collecter d’autres plaintes et mettre en scène une accumulation propre à transformer l’éditorialiste en prédateur sexuel. En vain. Le plaignant lui-même, devant le calvaire du journaliste, répète aujourd’hui être attaché au « droit à la vie » et ses avocats ne s’opposent pas à ce que Raissouni comparaisse libre. Lors de l’audience du jeudi 3 juin, le juge est resté sourd à ces appels : il a estimé que l’incarcération de Raissouni, « en bonne santé » selon lui, pouvait se prolonger. L’expertise médicale demandée par la défense a été rejetée.

    La Patrie News, 07 juin 2021

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  • Maroc : Un lion est mort ce soir

    Par son caractère trempé, son courage indomptable (physique, s’il le fallait,) sa simplicité goguenarde, sa gouaille bravache, ses éclats de rire explosifs, Khalid Jamai était unique en son genre. Un genre qui ne se fait plus, de nos jours.

    Il a traversé plusieurs époques de l’histoire du Maroc. De l’époque où, pour « éduquer » les journalistes un peu trop rebelles, on les raflait tout bêtement au coin d’une rue, avant de les passer à tabac et de les laisser gisants sur le trottoir (ça lui était arrivé dans les années 70, m’avait-il un jour raconté –il m’avait même montré l’endroit, un angle de la rue Allal Ben Abdellah, à Rabat) à l’époque plus « politique » des années 90 (à la stupéfaction générale, il avait publiquement défié Driss Basri, alors au faîte de sa puissance, avec cette harangue devenue célèbre : « chkoun nta ? »)
    Khalid Jamai a été un modèle pour moi, et pour plusieurs générations de journalistes.

    Alors que, jeunes et enhardis par le crépuscule de Hassan II, nous luttions pour essayer de donner sens à un système qui s’ouvrait tout en restant inexplicablement fermé, lui, le vétéran, avait publié une série de chroniques à La Vie Economique, que je n’oublierai jamais. Il y expliquait qu’au-delà de la conjoncture, des espoirs et des reculs, le système politique marocain était bâti sur une culture invariante, veille de plusieurs siècles. Cela avait un nom, nous a-t-il expliqué : le « Makhzen ».

    Le mot existait avant lui, bien sûr, mais c’était un terme d’histoire, que plus personne n’utilisait. Khalid Jamai l’a remis au goût du jour, en lui donnant un sens contemporain. C’est aujourd’hui encore une pierre d’angle conceptuelle, pour quiconque veut comprendre le Maroc. Certains laissent une marque dans les esprits, mais seuls les vrais grands laissent une trace dans le vocabulaire.

    Source : Facebook (Ahmed Benchemsi)

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  • Sahara occidental : Montée des actes racistes marocains contre les civils

    Le Front Polisario dénonce la montée effroyable des actes racistes et les graves violations des droits de l’Homme et du droit international humanitaire (DIH) perpétrés par le Maroc contre des civils, des militants, des juristes et des journalistes dans les territoires occupés du Sahara Occidental.

    Dans une lettre adressée à sa représentation en Suisse, auprès de l’ONU et des organisations internationales à Genève généralisée aux membres du Conseil des droits de l’Homme de l’ONU, le Front Polisario a dénoncé « le déploiement des forces d’occupation, le 13 novembre dernier, dans la zone-tampon d’El Guerguerat et l’agression contre des civils sahraouis qui manifestaient pacifiquement en protestation contre les violations marocaines des droits de l’Homme, et l’exploitation illégale des ressources naturelles dans les territoires occupés », faisant fi de l’accord de cessez-le-feu.
    Le Front Polisario a affirmé, en outre, son « rejet » des démarches marocaines visant à imposer la politique du fait accompli au Sahara Occidental, et à légitimer son occupation, à travers les commissions du Conseil national marocain des droits de l’Homme ou via le Croissant-Rouge marocain, appelant le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) « à renforcer la coopération avec le Front Polisario pour assurer une meilleure protection aux victimes des violations ».
    Rappelant que la République arabe sahraouie démocratique (RASD) compte parmi les membres fondateurs de l’Union africaine (UA), le Front Polisario « s’est fortement indigné » de la signature par un groupe d’États africains d’un communiqué lu par la délégation marocaine devant le Conseil des droits de l’Homme le 25 février 2021, pour appuyer la prétendue souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental occupé, en contradiction avec le statut juridique international et les nombreuses décisions de l’Assemblée générale de l’ONU et du Conseil de sécurité, outre les violations des principes mentionnés dans l’article 4 de l’acte constitutif de l’UA, selon le document.
    Torture : « profonde inquiétude »

    Par ailleurs, le Front Polisario a fait part au Conseil onusien des droits de l’Homme de « sa profonde inquiétude » suite au refus par les autorités marocaines d’appliquer les recommandations du Comité anti-torture (CPT) en faveur du militant sahraoui Naâma Asfari détenu depuis 2010. Le Front a également affiché sa « préoccupation » face à l’atermoiement sine die, depuis mars 2019, de la visite du rapporteur spécial sur l’indépendance des juges et des avocats, mais également face au refus par le royaume marocain d’autoriser une autre présence des commissions techniques de la commission, dont la Minurso.
    Par ailleurs, le Polisario a mis en garde contre le fait que les contributions annuelles du royaume à la Commission onusienne des droits de l’Homme « ne compromettent pas l’indépendance et l’impartialité de son bureau vis-à-vis des violations perpétrées dans les territoires occupés ». À ce propos, le Front a appelé le Haut-Commissariat des droits de l’Homme (HCDH) à « faire preuve de fidélité et de loyauté envers les engagements pris auparavant, à travers l’envoi sans délai d’une délégation aux territoires occupés et la transmission du rapport à la 47e session du Conseil des droits de l’Homme ».
    Le Front Polisario impute à la communauté internationale, notamment l’ONU, ses organes et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), la responsabilité de protéger le peuple sahraoui sous occupation marocaine militaire illégale.
    APS
    Etiquettes : Sahara Occidental, Maroc, colons, racisme, répression, 

  • Maroc: un rassemblement de soutien à la Palestine violemment réprimé à Rabat

    Les forces de l’ordre marocaines ont violemment réprimé dimanche à Rabat un rassemblement pacifique de soutien à la Palestine et contre la récente normalisation entre le Maroc et l’entité sioniste, ont rapporté des médias locaux.

    Selon les mêmes sources, les manifestants réunis à l’appel du Front marocain de soutien à la Palestine et contre la normalisation ont bravé l’interdiction des autorités en essayant de manifester avant qu’un dispositif sécuritaire impressionnant ne réussisse à les disperser.

    « On ne peut que dénoncer cette répression sauvage qui ne sert que les sionistes, l’impérialisme mondial et la thèse de la normalisation au moment ou nos frères palestiniens ont besoin du soutien de leurs frères marocains », a indiqué Abdelhamid Amine, membre du secrétariat du Front marocain de soutien à la Palestine et contre la normalisation qui a pris part à ce rassemblement.

    Brandissant des drapeaux palestiniens, les citoyens présents sur place ont scandé des slogans hostiles au gouvernement marocain et contre l’occupation israélienne tels que « la normalisation est une trahison, El-Qods est un legs ».

    Outre le rassemblement empêché à Rabat, d’autres manifestations de soutien à la Palestine ont eu lieu, dimanche, dans d’autres villes marocaines comme à Casablanca, Mohammedia, Taza et Chefchaouen.

    Le bilan des bombardements de l’occupant sioniste sur la bande de Ghaza s’élève à 248 décès dont 66 enfants, 39 femmes et 17 personnes âgées en plus de 1910 blessés.

    APS, 24 mai 2021

    Etiquettes : Maroc, Palestine, Israël, normalisation, Ghaza, répression,

  • Maroc : Une campagne pour la libération d’un journaliste en grève de la faim

    – Soulaiman Raissouni est en détention « provisoire » depuis un an

    AA/ Rabat / Khaled Majdoub

    Des activistes et des journalistes marocains ont lancé une campagne électronique pour obtenir la libération du journaliste Soulaiman Raissouni, en grève de la faim depuis 45 jours en protestation contre sa détention « provisoire » qui dure depuis un an.

    Les activistes ont lancé sur les réseaux sociaux des hashtag dont notamment #SoulaimanRaissouniEnDanger, #SoulaimanRaissouniMeurtLentement, ou encore #LaVieDeSoulaimanEstNotreResponsabilité.

    Les autorités marocaines n’ont, pour l’heure, pas émis de commentaire sur la campagne.

    La journaliste Sarah Talbi a, pour sa part, écrit sur son compte twitter : « Soulaiman agonise … Nous espérons que ce cauchemar prenne fin et que la voix de la sagesse l’emporte parce que la patrie n’a nullement besoin d’un nouveau drame ».

    De son côté, le militant des droits de l’homme, Abdellatif Hamamouchi a publié le tweet suivant : « Le journaliste d’investigation, Soulaiman Raissouni, risque de nous quitter à tout moment … Il est mourant … Il est en grève de la faim depuis 45 jours … Je suis infiniment triste pour le frère et ami Soulaimane … Je ne sais pas quoi faire pour éviter la catastrophe ».

    Le mois dernier, la Délégation générale de l’administration pénitentiaire et de la réinsertion (Gouvernementale) avait annoncé que la grève de la faim de Raissouni  » n’était pas liée aux conditions de détention, comme il l’a lui-même confirmé ».

    « L’objectif (du journaliste) est sa mise en liberté … Par conséquent, la Délégation n’est nullement responsable des éventuelles répercussions de la grève de la faim sur son état de santé », avait-on ajouté.

    Les autorités marocaines avaient arrêté Soulaiman Raissouni, rédacteur en chef du journal « Akhbar Al Yaoum » (Privé), en mai 2020, suite à une plainte déposée par un jeune, l’accusant « d’agression sexuelle ».

    Raissouni fait partie des journalistes connus au Maroc pour leurs articles critiquant les autorités.

    Agence Anadolou, 22 mai 2021

    Etiquettes : Maroc, presse, journalistes, Soulaiman Raïssouni, répression, Omar Radi, Taoufik Bouachrine,

  • Maroc : Pourquoi il faut libérer Soulaimane Raissouni

    Selon sa famille, les dernières nouvelles sur la santé du journaliste marocain Soulaimane Raissouni sont alarmantes. Cela fait 44 jours qu’il est en grève de la faim. Il serait paralysé d’une jambe et pendant la dernière séance de son procès, le 18 mai, il était tellement faible qu’il ne pouvait pas répondre aux questions du juge. Une possible issue tragique est dans tous les esprits. Mais Soulaimane, en détention préventive depuis presque un an, refuse d’écouter les innombrables appels à s’alimenter. Il ne le fera, dit-il, que s’il est libéré.

    Pendant ce temps, ces sites web qui parlent pour les autorités (et Dieu sait quels services de sécurité) continuent de prétendre que libérer Soulaimane, c’est attenter aux droits de sa victime alléguée. Rien n’est plus faux ! Adam Mohammed a droit à tout notre respect – d’autant plus qu’il ne s’oppose pas, lui-même, à la liberté provisoire de son agresseur allégué. Il a aussi le droit, évidemment et tout autant que son adversaire, d’obtenir justice. Personne, en tout cas aucun défenseur des Droits Humains qui se respecte, ne réclame qu’Adam retire sa plainte, ou que le procès soit abandonné. Tous ces gens dont j’ai l’honneur de faire partie (et j’assume mes responsabilités, en tant que porte-parole d’une des plus grandes ONG des Droits Humains dans le monde) ne réclament qu’une seule chose : que Soulaimane bénéficie de son droit à un procès équitable.

    Ce droit consiste aujourd’hui à lui accorder la liberté provisoire. En l’en privant, les autorités violent une norme fondamentale du droit international : personne ne peut être détenu sans que la justice fournisse une justification précise, argumentée, et sujette à révision périodique par une cour indépendante, sur la base de laquelle il devrait être privé de sa liberté avant la fin de son procès. Or, une telle justification n’a jamais été fournie pour Soulaimane. Ni par le juge d’instruction qui a ordonné sa détention il y a un an, ni par le juge qui a rejeté ses demandes de liberté depuis (au total, 5 fois !) Ce faisant, la présomption d’innocence à laquelle Soulaimane a droit (autant qu’Adam a le droit d’être écouté) a été violée. Ce procès n’est pas équitable, et les autorités marocaines en portent l’entière responsabilité.
    Ps : Grève de la faim mise à part, tout ce qui précède est également valable pour Omar Radi.

    Source : Ahmed Benchemsi, 21 mai 2021

    Etiquettes : Maroc, Omar Radi, Soulaiman Raïssouni, presse, journalistes, répression,

  • Algérie/Pouvoir – Hirak : Une logique de confrontation ?

    La 117e marche du hirak a été réprimée ce vendredi. Des centaines de personnes, y compris des journalistes et photographes qui étaient en couverture, ont été interpellées. Une cinquantaine d’entre elles ont été placées en garde à vue et vont être présentées devant le procureur à partir d’aujourd’hui.

    Plusieurs partis et personnalités politiques, ainsi que des ligues de droits de l’homme ont dénoncé la répression qui a marqué ce 117e vendredi. Ce «changement» dans la gestion des manifestations hebdomadaires par les autorités était prévisible, dans la mesure où il survient après le communiqué du ministère de l’Intérieur du 9 mai, dans lequel il est demandé aux «organisateurs» du hirak (c’est mentionné en ces termes dans le communiqué, ndlr) de communiquer aux autorités l’itinéraire, les horaires et les slogans de la marche. Ceci sachant que les marches du mardi sont empêchées depuis trois semaines.

    Visiblement agacé par ces manifestations de rue, et alors que les élections législatives approchent, rejetées d’ailleurs par ce même hirak, le pouvoir a décidé, selon toute vraisemblance et au vu de l’impressionnant dispositif et du nombre important d’éléments de la police mobilisés vendredi, de tenter de mettre un terme à ce mouvement populaire. «Par le recours à la répression, c’est le pouvoir qui s’est mis à nu, dévoilant sa vraie nature autoritaire.

    C’est la promesse de l’Algérie nouvelle qui est démasquée», a indiqué, dans une déclaration, Saïd Salhi, vice-président de la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH). «Saut dans l’inconnu. Après les journalistes et les chefs de parti, les arrestations touchent désormais les avocats», a écrit, pour sa part, sur les réseaux sociaux, le sociologue Nacer Djabi. L’approche, donc, de cette élection, qui est rejetée et par le hirak et par la classe politique de l’opposition, a remis sur la table le débat autour de la démarche unilatérale du régime.

    Et sa décision de réprimer les marches de ce vendredi confirme qu’il n’a nullement l’intention de s’écarter de la feuille de route qu’il a établie. Si depuis le départ, aucune «solution politique» n’a été envisagée, se contentant de proposer des rendez-vous électoraux, et dans un climat marqué plutôt par une répression continue (les interpellations et mises sous mandat de dépôt par exemple n’ont pas cessé depuis février 2019, même s’il y a eu, entre-temps, deux épisodes de libérations), ces dernières semaines, il semble que le pouvoir commence à perdre patience en décidant d’opter désormais pour la «manière forte».

    Dans le discours, les différents responsables tentent, tant bien que mal, de convaincre les Algériens que les élections proposées, avec la nouvelle Constitution et la loi électorale, sont des réponses aux revendications du hirak.

    Or, la répression qui a caractérisé la gestion du mouvement populaire, et ce, depuis le début et non seulement ces derniers mois, ne fait que renforcer le sentiment chez bon nombre de hirakistes que les choses n’ont pas changé. Une situation complexe qui, d’après l’opposition, ne peut être réglée techniquement, c’est-à-dire par le biais d’élections législatives qui n’offrent pas toutes les garanties de transparence, alors que les champs médiatique et politique sont fermés.

    El Watan, 16 mai 2021

    Etiquettes : Algérie, Hirak, manifestations, répression,