Étiquette : répression

  • Le roi, la religion, le Sahara : les trois lignes rouges de la presse marocaine

    Les médias citoyens figurent parmi les outils par lesquels les mobilisations sociales et politiques du soulèvement démocratique ont commencé en 2011. La réponse de l’État a évolué au travers de nouvelles formes de censure et de surveillance. Alors que les ONG internationales dénoncent la censure de la presse, les institutions marocaines tentent d’afficher par contraste l’image d’une presse libre, qui accepte la critique du pouvoir. Une image que les chancelleries occidentales, en bons termes avec le Maroc, n’ont pas peu fait pour diffuser. Pourtant, trois lignes rouges restreignent la liberté de parole des journalistes : le roi, l’Islam et le Sahara demeurent trois sujets qu’il est impossible de critiquer sans encourir une sanctions ou pressions.

    L’histoire du contrôle des médias au Maroc a commence avec celle de l’indépendance de 1956. Cette période se caractérisait par un examen en amont des publications et une répression violente, dont le visage fut Driss Basri, l’exécutant des basses œuvres de Hassan II. Le journalisme était alors synonyme d’engagement politique, et les seuls journaux privés qui existaient possédaient des liens étroits avec les mouvements de gauche radicale, comme Anwal (journal du mouvement du 23 mars : organisation marxiste-léniniste) ou Al Moharir-l’émancipateur (journal de l’UNFP).

    Par la suite, le paysage médiatique s’est ouvert à deux occasions : pendant les premières années du gouvernement d’alternance1, puis à partir des années 2000, avec l’émergence de sites d’information en ligne. Quelques réformes ont contribué à élargir l’espace disponible pour une expression critique sans nécessairement garantir l’impunité de celui qui l’exprimait. Ce que l’on appelle communément dans le Royaume les « lignes rouges » – c’est à dire le Roi, le Sahara et l’Islam – limitent, encore aujourd’hui, la liberté de parole des journalistes marocains.

    COMMENT L’ÉTAT MAROCAIN CONTRÔLE LA PRESSE

    L’une des « compétences » des journalistes critiques du pouvoir consiste à savoir jouer avec les lignes rouges. Il existe une importante autocensure, visant à éviter des sanctions telles que l’amende, le retrait de la carte de journaliste, l’emprisonnement – ou l’exil à l’étranger, pour y échapper.

    “La monarchie marocaine ne peut faire l’objet d’un débat, même à travers un sondage.”

    Le crime de lèse-majesté constitue la première de ces lignes rouges. Il est monnaie courante au Maroc : il s’est manifesté en 2009 lors de l’interdiction des hebdomadaires francophones et arabophones Telquel et Nichane, fondés par Ahmed Reda Benchemsi. Cette interdiction est intervenue après la publication d’un sondage sur le règne de Mohammed VI, réalisé conjointement avec le quotidien français Le Monde. Le ministre de la Communication de l’époque, Khalid Naciri, avait expliqué à l’AFP que « la monarchie marocaine ne peut faire l’objet d’un débat, même à travers un sondage»2. Quelques jours après, la police a détruit 50 000 exemplaires de chaque journal sur ordre du ministre de l’Intérieur. Le même Ahmed Reda Benchemsi, directeur de Telquel et Nichane, fut accusé en 2007 d’ « atteinte à la sacralité de la personne du Roi »3 pour avoir écrit un éditorial critique sur un discours du Roi, paru sous le titre de « Où nous emmènes-tu, mon frère ? » (« Fin ghadi bia khouya ? » en arabe).

    En septembre 2013, le rédacteur en chef de la version arabe du site d’information Lakome, Ali Anouzla, fut arrêté pour avoir simplement posté un lien vers le blog d’un journaliste du quotidien espagnol El País. Ce dernier contenait à son tour un lien vers une vidéo dans laquelle Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) menaçait le Maroc. Un mois plus tôt, Anouzla avait révélé la libération par une « grâce royale » d’un pédophile espagnol, ce qui avait déclenché un mouvement de colère très important dans le pays4. Amnesty International, Reporters sans Frontières et Human Rights Watch dénoncèrent cette arrestation motivée par des raisons qui ont principalement à voir avec la ligne éditoriale indépendante de Lakome. Ali Anouzla et Aboubakr Jamai ont également réalisé en 2010 une série d’articles et d’enquêtes qui ont exposé la corruption au sein de l’État marocain et critiqué le pouvoir en place ainsi que la façon dont il a traité les grandes questions depuis la fondation de leur site d’information.

    La deuxième ligne rouge est liée à la première. Elle se réfère à l’Islam, la religion dominante du Maroc, incarnée par le roi en tant que « commandeur des croyants » et descendant du prophète. C’est aussi l’image du Maroc dans le monde musulman qui doit être préservée. Le cas le plus symbolique est « l’affaire Nichane »5. En 2006, l’hebdomadaire, seul à être publié en arabe dialectal marocain (Darija), a produit une enquête intitulée : « Comment les Marocains se moquent de la religion, du sexe et de la politique ? ». Ce document a valu à deux journalistes d’être condamné à 3 ans de prison avec sursis et à une amende commune de 80 000 dirhams (environ 7 220 euros) par le tribunal correctionnel de Casablanca.

    La troisième ligne rouge concerne l’intégrité territoriale, principalement la défense du Sahara (sur laquelle il existe au Maroc un vrai consensus nationale sur sa marocanité). En 2000, le magazine d’information francophone Le Journal, qui était alors imprimé en France pour garantir la qualité de l’impression, fut saisi à l’aéroport de Marrakech pour avoir publié une interview de l’ancien chef du Front séparatiste du Polisario, Mohammed Abdelaziz6. En 2010, le régime a provoqué la liquidation judiciaire du périodique. Des huissiers de justice ont mis sous scellés les locaux en réclamant 4,5 millions de dirhams (environ 450 000 euros) au titre de créances dues en particulier à la Caisse de sécurité sociale pour la période 1997-2003.

    LE « MAKHZEN ÉCONOMIQUE » : LE SUJET LE PLUS TABOU AU MAROC
    Ndlr : par Makhzen, la population marocaine désigne l’État et ses agents.

    En vérité, le journal n’a pas été censuré pour l’interview avec l’ancien chef du Polisario : l’hebdomadaire fut victime de sa marque de fabrique qui est l’économie politique. Celle-ci a scellé le destin du journal et prononcé le divorce du journal avec le pouvoir. L’hebdomadaire « pointe les dérives de la gouvernance économique du nouveau pouvoir », exposant des affaires bancaires et financières, concernant des entreprises dans lesquelles le roi est actionnaire. Il souligne au passage divers dysfonctionnements (délits d’initié ou conflits d’intérêt par exemple). En somme, le journal pointait du doigt les magouilles de conseillers économiques chargés de gérer la fortune royale, notamment le secrétaire particulier chargé des affaires du roi, Mounir Majidi, qui est directement visé par les enquêtes de l’hebdomadaire. Des Unes aussi fortes que « Monarchie et affaires : dangereux mariage », « L’alaouisation de l’économie », « Très riche roi des pauvres » ont fini par agacer le Roi et ses conseillers.

    Selon un rapport de diplomates américains ayant fait l’objet d’une fuite, publié par Wikileaks en 2010, l’ambassade des États-Unis à Rabat a signalé à Washington, dans un câble diplomatique confidentiel, que « la corruption est répandue à tous les niveaux de la société marocaine ». Le même rapport souligne que l’ONA-SNI (aujourd’hui Al Mada) – entreprise appartenant à la famille royale – utilise les institutions de l’État pour « contraindre et solliciter des pots-de-vin » dans plusieurs secteurs économiques du pays7.

    Bien que le régime de Rabat soit souvent critiqué par des ONG internationales sur ses violations des droits de l’homme, il profite de rapports privilégiés avec la majorité des pays de l’Union européenne et avec les États Unis

    L’implication du roi dans les affaires est un sujet brûlant au Maroc, mais les discussions publiques à ce sujet sont sensibles. Le 22 juin, Amnesty International a publié un rapport affirmant que les autorités avaient utilisé le logiciel espion NSO pour cibler le téléphone du journaliste Omar Radi de janvier 2019 à janvier 20208. Ce dernier est un journaliste qui s’intéresse à l’économie politique et mène des enquêtes sur l’économie de rente, la corruption, la spoliation des terres ou la proximité entre le Palais et les affairistes. À partir du 26 juin, la police judiciaire, la gendarmerie et les procureurs ont convoqué M. Radi pour 12 séances d’interrogatoire de six à neuf heures chacune concernant de multiples accusations, notamment l’apport de services d’espionnage à des entreprises, organisations et gouvernements étrangers.

    Le 29 juillet, la police a arrêté M. Radi pour « attentat à la pudeur avec violence, viol, réception de fonds étrangers dans le but de porter atteinte à la sécurité intérieure de l’État et établissement de contacts avec des agents de pays étrangers pour nuire à la situation diplomatique du pays » 12 . Selon HRW13, pas moins de 136 articles attaquant Omar Radi, sa famille et ses défenseurs ont été diffusés sur les sites d’information marocains Chouf TV, Barlamane et Le360, réputés proches des services de renseignements marocains, dans leurs versions arabe et française. L’association dénonce des « poursuites apparemment truquées » contre le journaliste, notamment celle d’agression sexuelle. L’ONG Reporters sans frontières (RSF) a dénoncé 14 « l’instrumentalisation de la justice en vue de faire une nouvelle fois les voix qui dérangent », en constatant que « l’unique témoin de l’affaire de viol présumée intentée contre Omar Radi est maintenant accusé de participation à l’attentat à la pudeur d’une femme avec violence et de participation au viol ».

    De nombreuses associations de droits humains marocains et de féministes dont l’association marocaine des droits humains (AMDH) et Khmissa11 condamnent également l’instrumentalisation d’affaires de mœurs afin de réduire au silence les voix critiques en se fondant sur la répétition d’affaires similaires. Ces cinq dernières années, au moins trois autres journalistes indépendants ont été condamnés pour des affaires de mœurs en plus de Souleïmane Raïssouni et Hajar Raïssouni, du quotidien arabophone Akhbar El Youm.

    LES CAUSES DE CETTE OFFENSIVE

    Dans un entretien avec l’ex-directeur du Journal Hebdomadaire et de Lakome Aboubakr Jamai, celui-ci nous confie : « le régime marocain a failli dans ses politiques sociales, désormais sa pérennité tient seulement à sa capacité à réduire et faire taire les contestations sociales. Le chômage des jeunes en milieu urbain n’a cessé d’empirer au Maroc, or ce dernier est un paramètre clé dans les pays arabo-musulmans qui ont connu les vagues de protestations du printemps arabe, ce qu’il veut dire qu’il y aurait certainement d’autres vagues de contestation. Le régime le sait et ne veut pas payer le prix politique pour développer ses institutions sous-développées et au lieu de s’attaquer à la cause des contestations, il préfère s’attaquer à ceux qui peuvent mener cette contestation, autrement à la jonction entre le peuple et son élite par un effet de démonstration en sur-réprimant les voix critiques ». La cour d’appel de Casablanca avait condamné Nasser Zefzafi et les leaders du Hirak du Rif à 20 ans de prison.

    Bien que le régime de Rabat soit souvent critiqué par des ONG internationales sur ses violations des droits de l’homme, il profite de rapports privilégiés avec la majorité des pays de l’Union européenne et avec les États Unis d’Amérique car « le Maroc se prévaut de son excellence dans la lutte anti-terroriste et fait de la coopération sécuritaire le nerf de sa diplomatie. Par conséquent, ses alliés font une analyse coût bénéfice et se montrent peu regardant sur la question des droits humains ce qui met le régime marocain dans une situation de confort en rendant un service tellement important à ses partenaires européens et américains qui préfèrent ne pas l’aliéner. Sans oublier que le Maroc a réussi à obtenir un autre totem d’immunité auprès des élites américaines après la normalisation des relations avec Israël car l’éthique de la politique américaine a un angle mort : Israël » a déclaré Aboubakr Jamai dans un entretien.

    “Le Maroc a réussi à obtenir un autre totem d’immunité auprès des élites américaines après la normalisation des relations avec Israël car l’éthique de la politique américaine a un angle mort : Israël.”

    Les relations entre Israël et le Maroc influencent beaucoup la position des États Unis d’Amérique quant aux violations de droits humains commises par le Maroc. Plus généralement, les pays de la région du MENA qui ont accepté d’être les amis d’Israël en adhérant aux accords d’Abraham ont obtenu des avantages diplomatiques. Le Maroc a ainsi obtenu la reconnaissance de la marocanité du Sahara. Et même si le président Biden et M. Blinken désapprouvent la diplomatie transactionnelle de M. Trump, ils se méfieront également de tout recul par rapport à Israël. Ce dernier est en effet le plus solide allié des États-Unis au Moyen-Orient et exerce une influence politique considérable sur les électeurs évangéliques et juifs américains. Danny Danon, ex-ambassadeur d’Israël aux Nations unies a déclaré : « le président élu Biden essaiera de poursuivre sur sa lancée qui est bénéfique pour les États-Unis, pour les alliés des États-Unis. Je pense que c’est la bonne chose à faire ».

    Pendant près de 60 ans Maroc et Israël ont collaboré étroitement sur des questions militaires et de renseignement, pour des assassinats d’opposants10. En 1965, Hassan II autorise le Mossad à placer des micros dans les salles de réunion du sommet de la ligue arabe, ce qui a permis à Israël de vaincre les armées de la Jordanie, de l’Égypte et de la Syrie lors de la guerre des Six-jours en 1967. Selon Ronen Bergman, journaliste d’investigation et analyste militaire pour le Yedioth Ahronoth, deux mois plus tard, le Maroc exigea qu’Israël lui rende la pareille en l’aidant à enlever et assassiner Mehdi Ben Barka, le leader socialiste et tiersmondiste en exil à Paris. À ce jour, l’affaire Ben Barka n’a toujours pas été résolue et les assassins demeurent inconnus. En 2020, selon Amnesty International, le puissant logiciel d’espionnage Pegasus développé par la société israélienne de cybersécurité NSO Group a été utilisé par le gouvernement marocain pour espionner le journaliste Omar Radi.

    Il n’y a pas que les relations avec Israël. Le Center for Responsive Politics (CRP), un centre d’étude et organisme à but non lucratif basé à Washington qui retrace l’utilisation de l’argent en politique, indique que le Maroc a dépensé près de 15 millions de dollars de 2015 à 20209 en lobbying. Selon Howard Marlowe, président de la Ligue américaine des lobbyistes, le Maroc a dépensé ces millions de dollars afin d’obtenir plusieurs faveurs politico-diplomatiques.

    Désormais, le Palais dicte la démarche à suivre dans le pays sans opposition réelle. En outre, l’expérience de l’alternance menée par le socialiste Al Youssoufi qui a permis l’association d’une partie de la gauche à la gestion des affaires gouvernementales, a porté un coup fatal à l’ensemble des formations de la gauche marocaine. Celles qui refusaient de participer au gouvernement en 1997 à savoir l’OADP (aujourd’hui PSU) et le PADS n’ont pas été épargnées. Elles forment aujourd’hui la fédération de la gauche démocratique.

    Le recours à la stratégie du « pluralisme contrôlé » et au « contrôle électoral », ont également fourni au régime un antidote contre toute influence significative de l’opposition sur la scène électorale. Tout en maintenant les structures partisanes établies durant l’époque coloniale, le Makhzen a su mettre en place les conditions propices à la création de formations politiques loyalistes. Cela a favorisé les divergences entre les différentes composantes de l’opposition – notamment la gauche militante marocaine. Les difficultés à surmonter ces ruptures continuent d’accentuer les divisions au sein des rangs de la gauche militante et contribuent au repli de l’opposition marocaine.

    Sources :

    1. Par l’alternance, il faut entendre le gouvernement d’alternance consensuelle dirigé par Abderrahmane Youssoufi. Cet avocat, militant des droits de l’homme, dirigeant alors de l’Union socialiste des forces populaires (USFP), ancien opposant au roi Hassan II a été appelé par le palais pour mener, un an avant la mort du roi le 23 juillet 1999, les réformes politiques, économiques et sociales nécessaires à la « démocratisation » du royaume d’une part, et pour permettre d’autre part une autre alternance, royale cette fois avec la montée sur le trône du prince héritier.

    2. https://www.lemonde.fr/afrique/article/2009/08/03/maroc-le-sondage-interdit_1225217_3212.html

    3.https://rsf.org/fr/actualites/le-proces-dahmed-reda-benchemsi-reporte-sine-die-par-la-justice-marocaine

    4.https://www.courrierinternational.com/article/2013/09/23/ali-anouzla-un-journaliste-trop-libre-toujours-en-prison

    5.https://www.liberation.fr/planete/2007/01/16/maroc-on-peut-se-moquer-de-l-islam_82016/

    6.https://www.liberation.fr/planete/2000/04/18/maroc-un-avertissement-a-la-presse-rabat-a-interdit-le-journal-au-pretexte-qu-il-ferait-le-jeu-du-po_322270/

    7.https://www.lemonde.fr/documents-wikileaks/article/2010/12/10/wikileaks-au-maroc-la-corruption-s-institutionnalise-et-n-epargne-pas-le-palais-royal_1451996_1446239.html

    8.https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2020/06/nso-spyware-used-against-moroccan-journalist/

    9.https://www.opensecrets.org/fara/countries/93?cycle=2016

    10.https://www.haaretz.com/israel-news/.premium.HIGHLIGHT-assassination-bribes-smuggling-jews-inside-mossad-s-secret-alliance-with-morocco-1.9372580

    11.https://www.hrw.org/fr/news/2021/04/06/liberez-omar-radi-et-garantissez-un-proces-equitable

    12.https://www.hrw.org/fr/news/2020/09/21/maroc-un-journaliste-critique-poursuivi-pour-espionnage

    13.https://www.hrw.org/sites/default/files/report_pdf/morocco0517_web.pdf

    14.https://rsf.org/fr/actualites/maroc-les-chiffres-qui-prouvent-le-harcelement-judiciaire-contre-omar-radi

    LVSL.FR, 14 mai 2021

    Etiquettes: Maroc, Makhzen, lignes rouges, Mohammed VI, presse, répression, droits de l »homme,

  • La Chine utilise des politiques coercitives au Xinjiang pour faire baisser le taux de natalité des Ouïghours, selon un groupe de réflexion

    Les politiques coercitives dans la région du Xinjiang, à l’extrême ouest de la Chine, ont entraîné une forte baisse du taux de natalité des Ouïghours et d’autres minorités, ce qui pourrait ajouter aux preuves de génocide, a déclaré un groupe de réflexion australien dans un rapport publié mercredi.

    Le rapport de l’Australian Strategic Policy Institute (ASPI), citant des données officielles chinoises, indique qu’il y a eu une « chute précipitée et sans précédent des taux de natalité officiels au Xinjiang depuis 2017 », lorsque la Chine a commencé une campagne de contrôle des taux de natalité dans la région.

    Le taux de natalité du Xinjiang a chuté de près de la moitié entre 2017 et 2019, et les comtés où la population est majoritairement ouïghoure ou d’un autre groupe minoritaire ont connu des baisses beaucoup plus marquées que les autres comtés, a indiqué l’institut financé par le gouvernement dans le rapport.

    Le ministère chinois des affaires étrangères n’a pas immédiatement répondu à une demande de commentaire. La Chine maintient que les changements dans les taux de natalité sont liés à l’amélioration de la santé et de la politique économique et elle rejette fermement les accusations de génocide.

    L’analyse de l’ASPI se fonde sur les données du gouvernement chinois, notamment les chiffres de la population régionale publiés en mars.

    « Notre analyse s’appuie sur des travaux antérieurs et fournit des preuves irréfutables que les politiques du gouvernement chinois au Xinjiang pourraient constituer un acte de génocide », indique le rapport.

    Le rapport de l’ASPI indique que les taux de natalité dans les comtés dont la population autochtone est de 90 % ou plus ont diminué en moyenne de 56,5 % entre 2017 et 2018, soit beaucoup plus que dans les autres régions du Xinjiang et de la Chine au cours de la même période.

    Les amendes, l’internement ou la menace d’internement font partie des méthodes utilisées par les autorités pour décourager les naissances, selon le rapport.

    Des appels de plus en plus nombreux ont été lancés par certains États occidentaux pour qu’une enquête soit menée afin de déterminer si les actions de Pékin au Xinjiang constituent un génocide.

    Le gouvernement des États-Unis et les parlements de pays comme la Grande-Bretagne et le Canada ont qualifié de génocide la politique de la Chine au Xinjiang.

    Selon la Convention des Nations unies sur le génocide de 1948, il faudrait que Pékin prouve son intention de détruire une population ethnique pour que cette qualification soit retenue.

    Des groupes de défense des droits, des chercheurs, d’anciens résidents et certains législateurs occidentaux affirment que les autorités du Xinjiang ont détenu arbitrairement environ un million de Ouïghours et d’autres minorités principalement musulmanes dans un réseau de camps depuis 2016.

    Pékin a d’abord nié l’existence de ces camps, mais a depuis affirmé qu’il s’agissait de centres de formation professionnelle destinés à lutter contre l’extrémisme religieux, et que toutes les personnes qui s’y trouvaient avaient « obtenu leur diplôme ».

    Reuters, 13 mai 2021

    Etiquettes : Chine, Ouïgours, taux de natalité, répression,

  • Sahara Occidental : Les forces d'occupation marocaines torturent un activiste sahraoui de l'ISACOM

    Les forces d’occupation marocaines ont enlevé et torturé un militant sahraoui, Hasan Dalil, membre de l’Initiative sahraouie contre l’occupation(ISACOM) et de l’ONG Protection de l’environnement au Sahara occidental, a indiqué lundi l’organisation.

    « Le militant sahraoui a été expulsé de force du domicile de l’activiste et ancienne détenue politique, Hasanna Douihi, et transféré à la Direction de la sécurité de l’occupation marocaine, où il a été soumis à des tortures psychologiques et physiques », a précisé l’ISACOM, soulignant que la raison de son arrestation était peut-être pour avoir hissé le drapeau national de la RASD sur le toit de son domicile.
    Les forces d’occupation marocaines et les équipes de renseignement ont par la suite encerclé la maison de Douihi pour empêcher les militants des droits humains et les médias sahraouis de la visiter.
    Dans une communication conjointe adressée récemment au gouvernement marocain, des experts des droits humains de l’ONU ont confirmé « les violations systématiques et généralisées perpétrées par le régime marocain au Sahara occidental occupé, pointant un « environnement hostile » au travail de défense des droits de l’Homme dans ce territoire non autonome.
    Les victimes mentionnées dans la communication conjointe sont des activistes sahraouis bien connus du territoire occupé qui ont soumis des plaintes de droits de l’homme à l’ONU. Il s’agit, entre autres, de Naziha El Khalidi, Aminatou Haidar, Mahfouda Bamba Lafgir et Yahya Mohamed Elhafed Iaazza.
    Les experts se sont dits préoccupés « par ce qui semble attester d’un manque de sécurité et d’un environnement hostile envers défenseurs et défenseuse des droits de l’Homme au Maroc et au Sahara occidental », citant d’autres formes de répression, notamment les actes de torture, les poursuites judiciaires, les menaces et la surveillance constante.
    Etiqettes : Sahara Occidental, Maroc, répression, Lahsen Dalil,
  • L’ombre de Trump plane sur El Qods-Est occupée (Edito de L’Expression)

    Les évènements actuels à El Qods-Est occupée par l’Etat hébreu sont la conséquence directe de la politique cynique et outrageusement partisane de l’ancien président américain Donald Trump qui se devait de remercier les lobbysmes sionistes auxquels il doit son élection en novembre 2016. Il a tant fait en faveur d’Israël qu’il n’a pas douté, un seul instant, que le financement et la mobilisation médiatique autour de sa campagne en 2020 lui permettraient de poursuivre l’aventure messianique à la Maison-Blanche. D’où la fureur de la désillusion et la tentative de semer le chaos, sinon le désordre, dans le pays et au-delà. Car les errements de Trump sont aussi ceux de ses «amis», parmi lesquels le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et Monsieur Gendre, Jared Kushner, le prétendu «médiateur» et conseiller de son beau-père à la Maison-Blanche.

    Tous portent la grave et entière responsabilité de la bombe à retardement qu’ils ont sciemment posée dans la ville sainte des religions du Livre, promise à une judéisation totale, et, partant de là, dans l’ensemble de la région. On imagine combien la tâche du successeur, le démocrate Joe Biden, dont on ne peut pas douter de l’attachement envers l’Etat hébreu, puisqu’il s’agit d’un sacerdoce incontournable pour tous les politiciens américains, s’ils veulent réussir leur carrière, va être difficile.

    Pour recoller les morceaux d’un édifice déjà inconséquent que Trump et ses quatre cavaliers de l’apocalypse sont venus briser, tels des enfants gâtés mécontents de la part dévolue dans un jeu à grande échelle, il va lui falloir des trésors de patience, d’arguments et de séduction pour parvenir à remettre un peu d’ordre dans la diplomatie américaine, totalement discréditée par les décisions à l’emporte-pièce du milliardaire républicain qui compte revenir, coûte que coûte, aux commandes des Etats-Unis.

    Sans doute, pense-t-il qu’il n’a pas suffisamment mis sens dessus dessous le monde et qu’il lui reste beaucoup à faire pour consacrer pleinement l’expansionnisme israélien en terre islamo-chrétienne. Qu’il se rassure, son ami Netanyahu s’y emploie activement et il le clame haut et fort, pour asseoir la permanence de son règne.

    Commentant les heurts de ces derniers jours à El Qods-Est, il affirme que l’expulsion des familles palestiniennes est légitime et qu’il poursuivra sa politique, envers et contre tous, y compris ses «amis» arabes, anciens et nouveaux. Les Palestiniens doivent, jour après jour, demeurer sur le qui-vive à El Qods-Est comme en d’autres lieux de la Cisjordanie où les colons sionistes cherchent, sans cesse, à pulluler.

    L’Expression, 11 mai 2021

    Etiquettes : Palestine, Al Qods, Jérusalem, Israël, répression, agression,

  • Plus de 300 Palestiniens blessés dans un affrontement sur le lieu saint de Jérusalem

    JERUSALEM (AP) – La police israélienne, qui a tiré des gaz lacrymogènes, des grenades assourdissantes et des balles en caoutchouc, a affronté des Palestiniens qui lançaient des pierres sur un lieu saint de Jérusalem, le dernier d’une série de confrontations qui menacent de pousser la ville contestée vers un conflit plus large.

    Plus d’une douzaine de bombes lacrymogènes et de grenades assourdissantes ont atterri dans la mosquée Al-Aqsa, située dans une enceinte sacrée à la fois pour les juifs et les musulmans, a déclaré un photographe de l’Associated Press présent sur les lieux. De la fumée s’élevait devant la mosquée et l’emblématique sanctuaire à dôme doré du site, et des pierres jonchaient la place environnante. Dans une partie du complexe, des chaussures et des débris étaient éparpillés sur des tapis ornés.

    Plus de 305 Palestiniens ont été blessés, dont 228 se sont rendus dans des hôpitaux et des cliniques pour y être soignés, selon le Croissant-Rouge palestinien. Sept des blessés étaient dans un état grave. La police a déclaré que 21 agents avaient été blessés, dont trois ont été hospitalisés.

    La confrontation de lundi était la dernière en date après des semaines de tensions croissantes entre les Palestiniens et les troupes israéliennes dans la vieille ville de Jérusalem, le centre émotionnel de leur conflit. Les affrontements ont eu lieu pendant le mois sacré musulman du Ramadan, qui est déjà une période où les sensibilités religieuses sont exacerbées.

    Plus récemment, les tensions ont été alimentées par un plan d’expulsion dans un quartier arabe de Jérusalem-Est où des colons israéliens ont mené une longue bataille juridique pour s’approprier des propriétés.

    Des centaines de Palestiniens et environ deux douzaines de policiers ont été blessés ces derniers jours lors d’affrontements sur le site sacré, connu par les juifs sous le nom de Mont du Temple et par les musulmans sous le nom de Noble Sanctuaire. Ce lieu, qui a été le déclencheur de violences israélo-palestiniennes par le passé, est le troisième site le plus sacré de l’islam et est considéré comme le plus sacré du judaïsme.

    Un photographe de l’AP présent sur les lieux a déclaré que tôt lundi matin, des manifestants avaient barricadé les portes de l’enceinte avec des planches de bois et de la ferraille. Peu après 7 heures du matin, des affrontements ont éclaté, les personnes à l’intérieur jetant des pierres sur les policiers déployés à l’extérieur. La police est entrée dans l’enceinte, tirant des gaz lacrymogènes, des billes d’acier recouvertes de caoutchouc et des grenades paralysantes.

    À un moment donné, environ 400 personnes, jeunes manifestants et fidèles plus âgés, se trouvaient à l’intérieur de la mosquée Al-Aqsa recouverte de moquette. La police a tiré des gaz lacrymogènes et des grenades assourdissantes dans la mosquée.

    Selon la police, les manifestants ont lancé des pierres sur les officiers et sur une route adjacente près du Mur occidental, où des milliers de Juifs israéliens s’étaient rassemblés pour prier.

    Après plusieurs jours d’affrontements à Jérusalem, Israël a fait l’objet de critiques internationales croissantes pour ses actions musclées sur le site, en particulier pendant le Ramadan.

    Le Conseil de sécurité de l’ONU a prévu des consultations à huis clos sur la situation lundi.

    Dimanche dernier, le conseiller à la sécurité nationale des États-Unis, Jake Sullivan, s’est entretenu avec son homologue israélien, Meir Ben-Shabbat. Selon un communiqué de la Maison Blanche, M. Sullivan a appelé Israël à « prendre les mesures appropriées pour assurer le calme » et a fait part des « graves préoccupations » des États-Unis concernant les violences en cours et les expulsions prévues.

    Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a réagi aux critiques lundi, décrivant les actions d’Israël à Jérusalem comme une question d’ordre public. Netanyahu a déclaré qu’Israël est déterminé à garantir les droits de culte pour tous et que cela « nécessite de temps en temps de se lever et de rester fort comme la police israélienne et nos forces de sécurité le font maintenant. »

    Ofir Gendelman, un porte-parole de Netanyahu, a affirmé dans un tweet que « les Palestiniens extrémistes avaient planifié bien à l’avance de mener des émeutes » sur le lieu saint, partageant des photos de monticules de pierres et de barricades en bois à l’intérieur du complexe.

    Ayman Odeh, un homme politique arabe de premier plan en Israël, a imputé la violence aux politiques discriminatoires d’Israël à l’égard des Palestiniens et a déclaré qu’elle avait provoqué la violence. « Partout où vous trouvez l’occupation, vous trouverez la résistance », a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse à Sheikh Jarrah, près des maisons dont les résidents sont menacés d’expulsion.

    Dans d’autres violences, des manifestants palestiniens ont lancé des pierres sur un véhicule israélien circulant juste à l’extérieur des murs de la vieille ville. Le conducteur a déclaré plus tard à la chaîne publique Kan que ses vitres avaient été brisées par des pierres et des jets de gaz poivré sur sa voiture alors qu’il passait devant la vieille ville. Les images de vidéosurveillance de l’incident publiées par la police montrent une foule entourant la voiture et la bombardant de pierres, sa vitre arrière brisée, lorsqu’elle a quitté la route et a heurté une barrière de pierre et un passant.

    Selon la police, deux passagers ont été blessés.

    La journée a commencé par l’annonce par la police de l’interdiction faite aux Juifs de se rendre sur le lieu saint à l’occasion de ce que les Israéliens appellent la Journée de Jérusalem, avec un défilé de drapeaux dans la vieille ville, largement perçu par les Palestiniens comme une provocation dans la ville contestée. Les manifestants célèbrent la prise de Jérusalem-Est par Israël lors de la guerre du Proche-Orient de 1967.

    Au cours de ce conflit, Israël a également pris la Cisjordanie et la bande de Gaza. Il a ensuite annexé Jérusalem-Est et considère la ville entière comme sa capitale. Les Palestiniens souhaitent créer un futur État dans les trois régions, avec Jérusalem-Est comme capitale.

    La police a autorisé la tenue du défilé de la Journée de Jérusalem malgré les craintes croissantes qu’il n’exacerbe les tensions après les violences survenues presque chaque nuit pendant le ramadan.

    Tout a commencé lorsqu’Israël a bloqué un endroit populaire où les musulmans se rassemblent traditionnellement chaque soir à la fin de leur journée de jeûne. Israël a ensuite levé les restrictions, mais les affrontements ont rapidement repris sur fond de tensions liées à l’expulsion prévue des Palestiniens du quartier arabe de Sheikh Jarrah.

    La Cour suprême d’Israël a reporté lundi une décision clé qui aurait pu contraindre des dizaines de Palestiniens à quitter leur maison, invoquant les « circonstances ».

    La répression israélienne et les expulsions prévues ont suscité des condamnations sévères de la part des alliés arabes d’Israël et des expressions de préoccupation de la part des États-Unis, de l’Union européenne et des Nations unies.

    Les tensions à Jérusalem ont menacé de se répercuter dans toute la région.

    Des militants palestiniens de la bande de Gaza ont tiré plusieurs barrages de roquettes sur Israël, et des manifestants alliés au groupe militant Hamas au pouvoir ont lancé des dizaines de ballons incendiaires sur Israël, déclenchant des incendies dans le sud du pays.

    « L’occupant joue avec le feu et il est très dangereux de toucher à Jérusalem », a déclaré Saleh Arouri, un haut responsable du Hamas, à la chaîne de télévision Al-Aqsa du groupe militant.

    En réponse, le COGAT, l’organe du ministère israélien de la défense responsable des points de passage avec la bande de Gaza, a annoncé lundi qu’il fermait le point de passage d’Erez à tous, sauf aux cas humanitaires et exceptionnels, jusqu’à nouvel ordre.

    Associated Press, 10 mai 2021

    Etiquettes : Palestine, Israël, Jérusalem, Al Qods, répression, agression, violence,

  • «Crimes de guerre» à El Qods (Edito de L’Expression)

    Les agressions sionistes sur l’Esplanade des Mosquées, avec la tentative des colons protégés par la police israélienne, de s’emparer de la Mosquée El Aqsa, ont, de nouveau, occasionné, hier, des blessures à plus de 160 Palestiniens, harcelés par les gaz lacrymogènes, les grenades assourdissantes et les balles en caoutchouc. Chaque vendredi, on observe, désormais, les mêmes scènes sur cette Esplanade, devenue le coeur de la répression que mène l’Etat hébreu, par ailleurs occupé à chasser les familles palestiniennes de leur maison, à El Qods-Est, pour y renforcer sa politique de judéisation de la ville sainte.

    Ni les exhortations de la communauté internationale, ni les appels à la retenue de ses propres parrains occidentaux ne parviennent à tempérer les ardeurs d’un régime sioniste galvanisé par le soutien inconditionnel de l’ancien président américain Trump, dont le parti pris n’a guère ému certains régimes arabes, prompts à embrasser la normalisation avec Israël. Si la répression a toujours été le lot des Palestiniens, depuis de nombreuses décennies, elle illustre, ces derniers jours, la nature même du sionisme qui n’a cure des cris de vierge effarouchée, d’où qu’ils viennent, et ne connaît d’autre langage que celui de la force brutale.

    En faisant, sciemment, monter les tensions durant le Ramadan, il pratique une politique de l’usure, persuadé qu’avec ce regain de répression, il viendra à bout de la résistance des milliers de fidèles, déterminés à faire barrage à la colonisation rampante d’un lieu saint de l’islam. Nombreux ont été ceux qui ont été blessés au visage car ils étaient des dizaines de milliers à se mobiliser dans l’enceinte de l’Esplanade, pour le dernier vendredi du mois de Ramadan, conscients que l’ennemi sioniste est, constamment, à l’affût pour accroître sa mainmise sur les territoires. C’est le cas dans le quartier voisin de Cheikh Jarrah où d’autres manifestations nocturnes ont lieu, depuis plusieurs jours, alors que des familles palestiniennes sont sous la menace d’expulsions au profit de nouveaux colons israéliens, escortés par la police sioniste.

    Le «peuple héroïque», pour reprendre Mahmoud Abbas, se bat seul, tandis que les capitales arabes préparent fébrilement les fêtes de l’Aïd el Seghir. Par contre, l’Union européenne a appelé, hier, israël à agir de «toute urgence» pour une «désescalade», soulignant que «la violence et l’incitation sont inacceptables». Et l’ONU lui a demandé de mettre fin à toute expulsion forcée de Palestiniens à El Qods-Est, l’avertissant que ses actions pourraient constituer des «crimes de guerre». On n’en espérait pas tant…

    L’Expression, 09 mai 2021

    Etiquettes : Palestine, Jérusalem, AL Qods, Israël, répression, violence, crimes de guerre,

  • Arrêté pour ses écrits: Le sort du journaliste Marocain Boutaam connu lundi

    Le verdict dans l’affaire du journaliste Marocain, Mohamed Boutaam, arrêté mardi dernier, pour ses articles sur la spoliation immobilière qui sévit notamment dans le sud de son pays, sera connu lundi prochain, ont rapporté ce vendredi, des médias locaux.

    Hier jeudi, une demande formulée par ses avocats pour accorder la liberté provisoire à ce journaliste directeur du site d’information Tizpress, a été rejetée par le juge du tribunal de Tiznit.

    L’arrestation de Boutaam poursuivi pour s’être «immiscé dans des fonctions publiques» a provoqué indignation sur les réseaux sociaux et une large campagne de solidarité de plusieurs de ses confrères, défenseurs des droits de l’homme, syndicalistes et hommes politiques.

    Cette énième arrestation de journalistes a fait réagir encore une fois, la Ligue marocaine des Droits de l’Homme qui a renouvelé sa demande de libération de tous les journalistes détenus et prisonniers d’opinion, et la cessation des poursuites à leur encontre sur la base des exigences de la loi pénale.

    Selon la Ligue marocaine centaine de journalistes ont été victimes de violations multiples entre 2019 et 2020 au Maroc.

    Pour rappel, le jour de sa présentation à la convocation rédigée par le procureur du roi de Tiznit, il est arrivé en portant dans ses mains une vouverture et un oreiller sachant d’avance qu’il allait pernocter en prison (voir photo ci-jointe).

    Etiquettes : Maroc, Mohamed Boutaam, Tizpress, répression,

  • Maroc : Les années d’Ali Aarrass à la prison de Salé II

    La torture d’Ali Aarrass, troisième partie
    Luk Vervaet et Ali Aarrass

    Après son extradition par l’Espagne au Maroc, Ali Aarrass a été torturé pendant sa garde à vue du 14 au 24 décembre 2010. Depuis le 24 décembre 2010 jusqu’à aujourd’hui, Ali Aarrass et ses avocats mèneront une bataille sans relâche pour que justice lui soit rendue : que la torture soit reconnue, que les responsables et les auteurs de la torture soient punis et mis hors d’état de nuire.

    Dans sa lettre de fin mars 2021, Mohamed Ameur, l’ambassadeur marocain à Bruxelles, nie en bloc la torture d’Ali Aarrass. Au cours de sa carrière politique, l’ambassadeur s’est surtout occupé de questions relatives à l’eau et à l’urbanisme, non pas de la question carcérale, monde parallèle et obscur dont il ne connaît rien. Ainsi, en déclarant qu’il s’agit de « thèses fantaisistes », l’ambassadeur n’est rien d’autre qu’une courroie de transmission des messages des services policiers et antiterroristes. Ce faisant, il se rend complice de la protection et de l’impunité des tortionnaires. En même temps, il se protège lui-même, comme font tous ceux au Maroc qui tremblent à l’idée de tomber un jour dans les mains de ces derniers, qui ont un pouvoir absolu de terreur au nom de la lutte antiterroriste.

    Prenons ce que l’ambassadeur écrit sur la période de la torture d’Ali Aarrass en décembre 2010, dont il n’a même pas pris la peine de vérifier les dates ou les informations qui lui ont été transmises. Il écrit : « Ali Aarrass se victimise, alors que ses allégations de torture ont été démantelées par la justice ; les allégations de tortures avaient fait l’objet en 2011 d’une expertise médicale ordonnée par le parquet et réalisée par un collège de cinq médecins et qui avait conclu à l’absence de traces de lésions en rapport avec des actes de torture ».
    Il n’y a jamais eu en 2011 d’examen portant sur la torture. La justice n’a donc pas « démantelé » les allégations de torture. Bien au contraire. Le 15 septembre 2011, les magistrats au procès d’Ali estiment d’abord qu’il n’y a pas eu de plainte contre la torture. Quand la preuve du contraire leur est présentée, ils disent qu’elle n’a aucune influence sur le procès et refusent d’ouvrir une enquête, malgré les nombreuses demandes des avocats de la défense, maîtres Cohen et Dadsi. En novembre 2011, le tribunal condamne Ali à 15 ans de prison. Ce n’est qu’en 2012, après sa condamnation, qu’un semblant d’examen concernant la torture sera fait.
    Voici en quatorze épisodes une reconstitution des faits les plus marquants du calvaire et de la résistance d’Ali Aarrass à la prison de Salé II, où il a été incarcéré pendant les six premières années de sa détention. Comme si vous y étiez.

    Premier épisode : décembre 2010, premier interrogatoire chez le juge d’instruction
    Le vendredi 24 décembre 2010, Ali est conduit devant le juge d’instruction Chentouff, du détachement de la Cour d’appel de Salé. Sans avocat. Il est dans un état pitoyable. Il a le visage gonflé, la lèvre déchirée, ne pouvant à peine parler ou bouger. Le juge procède à l’interrogation préliminaire. Chentouff, un homme qui ne montre aucun signe de compassion ou d’humanité, en voyant l’état d’Ali, s‘adresse d’abord aux policiers : « Qu’est-ce qu’il a celui-là ? ». Quand Ali lui dit : « J’ai été torturé », il répond : « Ici, on ne torture pas. As-tu un avocat ? ». « Je ne sais pas », lui répond Ali.

    (Photo : une cellule à Salé II, dessin d’Ali Aarrass)
    Le juge appuie ensuite sur une sonnette, donnant ainsi l’ordre d’amener Ali à la prison de Salé II. Vu l’état d’Ali, le juge décide de reporter son dossier d’un mois avant de procéder à une interrogation détaillée. Pas sans donner une instruction précise : Ali doit être mis sous surveillance rapprochée et ne peut avoir aucun contact avec d’autres détenus.

    Deuxième épisode : décembre 2010-janvier 2011, première rencontre avec l’avocat Dadsi et nouveau passage devant le juge d’instruction

    Le lundi 27 décembre a eu lieu la première rencontre entre l’avocat Maitre Dadsi et Ali Aarrass à la prison de Salé II. Ce n’est pas vraiment une rencontre : maître Dadsi est accompagné de gardiens, il essaie de parler doucement pour que les gardiens n’entendent pas ce qu’il dit. Mais Ali refuse de lui parler et l’avocat doit repartir. A propos de cette première rencontre, Ali dira : « J’étais encore entre leurs mains, j’étais traumatisé, interdit de douche et de tout. Je n’avais plus confiance. Je me demandais d’où pouvait sortir ce monsieur, accompagné de gardiens, après les ignobles tortures que j’avais subies. Ça aurait été différent si cette personne avait été belge, ou française ou américaine, mais ici, non, je ne pouvais pas ».
    Quelques jours plus tard, l’avocat revient. Cette fois avec une lettre de Farida, la sœur d’Ali, pour qu’il accepte les services de l’avocat. « Il me montrait une copie de la lettre de ma sœur, dit Ali, ce qui me rendait à nouveau un peu méfiant, mais finalement j’ai accepté de lui faire confiance ». Au sujet de ces premières rencontres avec Ali, l’avocat témoigne : « Le premier contact de plaignant (Ali) avec sa défense a eu lieu le lundi 27/12/2010 à la prison locale Salé 2. Il était, alors, incapable de paroles et de mouvements, envahi par une peur et une terreur intense, en présence des gardiens de la prison et de l’adjoint au directeur de la prison, croyant qu’il était toujours entre les mains de ceux qui l’ont torturé depuis son arrivée au Maroc par l’aéroport international Mohammed Cinq à Casablanca. Il est resté, pendant plusieurs jours, incapable de parole et de mouvements ou de souvenirs de la torture qui lui a été infligée jusqu’au jour où il a été conduit devant le juge d’instruction pour l’interrogatoire détaillé ».
    Présenté devant ce juge d’instruction le 18janvier 2011, en présence de son avocat, Ali Aarrass essaie de dénoncer la torture dont il avait été victime. Le procureur lui coupe la parole tout de suite, en lui répondant simplement : « Ici, on ne torture pas ». Une scène similaire à laquelle j’ai moi-même assisté quand Zakaria Moumni s’est avancé vers les juges dans le tribunal de Salé, remontant sa jambe de pantalon pour leur montrer les traces de torture : « Retournez immédiatement à votre place, baissez cette jambe de pantalon ».
    Ali, lui, sera mis en isolement total pendant les mois qui suivent, au cours desquels il ne pouvait pas correspondre avec ses conseils, sa famille ou ses proches.
    Un nouveau directeur de prison, Mustafa El Hajri, entre en fonction en mai 2011. Pendant son séjour à Salé II, Ali a connu au moins cinq directeurs. Concernant le Mustapha El Hajri en question, Ali précise : « C’est lui qui, après la révolte à la prison de Salé I en mai 2011, va « gérer » l’accueil des détenus sanctionnés à Salé I. Quelque 170 prisonniers, surtout des jeunes, qui ont participé à la révolte à Salé I seront transférés à Salé II. Notre aile B était vidée, moi j’allais à l’aile A où ils m’ont mis en cellule avec des détenus de « droit commun » enfermés pour trafic de stupéfiants, parmi lesquels des Espagnols et des Marocains. Dans l’aile B, les détenus venant de Salé I ont été entassés dans les cellules, sans droit d’ouvrir la fenêtre, sans droit de visite, sans douche, sans rien. Puis ils ont tous été transférés dans [à] d’autres prisons ».
    A son entrée en fonction, El Hajri rend visite à Ali dans sa cellule où il n’y a quasi rien, et il lui demande : « Est-ce que tu as besoin de quelque chose ? ». Ali regarde autour de lui et lui dit : « Non ». Un gardien qui accompagnait le directeur reviendra par la suite chez Ali en lui disant : « Tu es fou ? Le directeur te demande [demandes] si tu as besoin de quelque chose et tu dis non ! ». Ali lui répond : « Si c’est un droit, je veux bien. Si c’est présenté comme une faveur, non merci ».
    Quelques temps plus tard, le directeur s’amène à nouveau et l’invite ni plus ni moins à la corruption généralisée au sein de la prison. « Ce que je te conseille c’est de mettre tes mains dans tes poches, profondément, et tu auras un bien-être en prison, fais comme les autres ». Et aussi : « Tu devrais te taire et dire à ceux qui font du bruit pour toi dehors de se taire, c’est ça la manière pour bien vivre ta détention ». Ali lui répond : « Je n’ai rien à dire sur ce que font ceux en dehors de la prison, quant à moi, je ne me tairai pas ». L’histoire du directeur finira mal : quelques années plus tard il sera mis à l’écart et [est] remplacé par un nouveau directeur. El Hajri a été pris la main dans la poche, piégé par des détenus qui lui ont donné des billets d’argent numérotés, après quoi il fut démis pour corruption.

    Troisième épisode : mai 2011, déposition d’une plainte écrite contre la torture auprès des autorités marocaines

    Ali n’abandonne pas. Sous forme d’un document détaillé, une plainte contre la torture est déposée le 2 mai 2011, auprès des autorités marocaines, le ministre de la Justice et le procureur général de Rabat.
    En voici un extrait : « Le 14 décembre 2010 Ali Aarrass est rapatrié par avion de l’Espagne, en compagnie d’officiers de la police judiciaire marocaine, à l’aéroport international Mohammad Cinq à Casablanca. Après son arrivée à l’aéroport, l’exécution des formalités de sortie, il fut conduit, menotté, au bord d’une voiture, de marque Peugeot Partner, de couleur grise, où se trouvaient quatre autres personnes.Cette voiture, dans laquelle il se trouvait, a pris, de l’aéroport, la direction de l’autoroute Casablanca –Rabat, jusqu’à la sortie de la ville de Tamara. Là, la force de sécurité, assise à ses cotés, lui a couvert les yeux d’un bandeau noir, empêchant ainsi toute vision, lui a intimé de rester calme et de baisser la tête. Peu après, il s’est trouvé dans un lieu sombre.
    À l’arrêt de la voiture qui l’a transporté de l’aéroport, et dès qu’il a mis pied par terre, il (Ali Aarrass) fut surpris de subir injures et calomnies, des coups portés sur plusieurs endroits de son corps par plusieurs individus, déshabillé et introduit dans une chambre noire où il fut soumis à différentes formes de tortures dont les traces sont toujours visibles en plusieurs endroits de son corps, particulièrement aux mains et aux pieds. Ainsi le plaignant a été soumis à plusieurs sessions de torture comportant des coups de bâtons et des gifles donnés par plusieurs personnes, des opérations d’électrocution, l’étranglement en plongeant la tête dans un seau d’eau jusqu’à évanouissement. Après reprise de son souffle et de sa connaissance, il était réassujetti aux mêmes actes ainsi qu’à d’autres formes de tortures comme la privation du sommeil, de nourriture et d’eau, la menace de viol et le viol lui-même à l’aide de bouteilles en verre causant sa blessure dont les traces ensanglantées étaient encore visibles, lorsqu’il fut présenté devant le juge qui, de son coté, a refusé de les visionner. Le plaignant a été soumis aussi à des injections, au bras, administrées par une personne, en blouse blanche, vraisemblablement par un médecin car l’injection a été administrée professionnellement dans la veine appropriée, reconnue rapidement et sans hésitation à quatre reprises, à la suite desquelles, le plaignant était, à chaque fois, la proie de crises de démence et d’inconscience » .
    La plainte a été classée, sans suite.
    La Belgique vient soutenir le déni du Maroc. Le 7 juin 2011, en réponse à une interpellation du sénateur Bert Anciaux à la commission des Relations extérieures et de la Défense, Olivier Chastel (MR), ministre du Développement, chargé des Affaires européennes, répond au nom du ministre des Affaires étrangères, Van Ackere (CD&V) : « À partir des dossiers sur lesquels mes collaborateurs travaillent, il n’est pas apparu jusqu’à présent que des prisonniers belges au Maroc ou dans d’autres prisons à l’étranger auraient été torturés. »

    Quatrième épisode : le tribunal de première instance refuse d’ouvrir une enquête sur la torture

    Le 15 septembre 2011, lors de l’audience du procès en première instance, les avocats d’Ali Aarrass demandent ce qu’il en est de la plainte déposée en mai. Le parquet répond qu’aucune plainte n’a été introduite. Sur ce, les avocats apportent la preuve de son dépôt. Mais les magistrats estiment qu’elle n’a aucune influence sur le procès et refusent d’ouvrir une enquête, malgré les nombreuses demandes des avocat de la défense, maitres Cohen et Dadsi, et malgré la plainte pénale officielle déposée par les avocats.
    Le 29 novembre 2011, Ali Aarrass est condamné à 15 ans de prison ferme.

    Cinquième épisode : un semblant d’examen sur la torture en janvier 2012

    Pour se couvrir, les autorités marocaines organisent un semblant d’examen médical d’Ali Aarrass. Le 8 janvier 2012 Ali est conduit, sans être informé au préalable, dans un hôpital près de la prison. Il y rencontre une femme qui se présente comme médecin légiste et qui est accompagnée de deux autres médecins masculins. Aucun ne s’identifie avec son nom. Ali explique à nouveau de manière détaillée les sévices qu’il a subi, puis il est examiné. Aussi bien l’entretien que l’auscultation se déroulent en présence de cinq personnes en civil, non identifiées. Dans le même établissement, on pratique un examen radiographique de son épaule gauche. Il est ensuite transporté dans un autre établissement pour un examen ORL. Mais la machine est en panne, et après cette date, aucun autre examen n’est effectué. Aucun psychiatre n’a rencontré Ali. Les séquelles psychologiques ne sont pas évaluées non plus.
    Les autorités marocaines sortiront ce rapport médico-légal pour dire qu’il n’y a rien à signaler. Sur cet examen, Ali me dit : « Cet examen était une véritable humiliation. En présence d’un groupe de mes tortionnaires je devais me déshabiller complètement devant le médecin. Je demandais à la docteure de leur demander de se retourner. Ce qu’ils ont fait tout en rigolant et en blaguant. La docteure était clairement sous la pression : on attendait d’elle un rapport qui confirmait la version officielle ».
    Deux médecins, le docteur B., médecin et expert indépendant sur la question de la torture, et le docteur H. B., médecin marocain lui aussi spécialisé dans le suivi des victimes de [la] torture, sont appelés à donner leur avis sur le rapport médical du 8 janvier. Ils estiment qu’il ne s’agit pas d’un examen médical digne de ce nom. « Un examen médical et psychologique complet selon les directives du Protocole d’Istanbul aurait dû être effectué, ce qui inclut des examens et tests par des médecins indépendants spécialisés dans l’évaluation de personnes suspectées d’avoir subi des tortures. Le rapport ne fournit pas de détails concernant les examens pratiqués et presque pas de détails sur les conclusions de ces examens. Les médecins n’ont pas cherché à avoir accès aux rapports des médecins qui ont examiné le requérant lors de sa garde à vue ou en prison. Il n’est pas signalé dans le rapport si l’examen a eu lieu en présence d’agents de police ou de prison, ou si le requérant était menotté ou autrement restreint dans ses mouvements. La partie substantive du rapport consiste en une page et demie et les allégations de torture se limitent à deux courtes phrases. Le rapport ne contient pas de diagramme ni de photos. Il ne fait que réitérer l’existence de cicatrices dans les membres inférieurs dues à un ancien accident de la route. Il n’y a aucune indication que les allégations du requérant aient fait l’objet d’une évaluation. Du fait que l’examen a eu lieu plus d’une année après la détention et que l’existence de marques visibles est donc peu probable, un examen complet de tout le corps s’imposait. Par ailleurs, il n’est fait aucune mention dans le rapport d’un éventuel examen psychiatrique ou psychologique, ce qui montre que l’examen pratiqué ne remplit pas les critères internationaux pour évaluer les allégations de torture ».
    Le 19 mars 2012, Ali et ses avocats, Dounia Alamat, Nicolas Cohen et Christophe Marchand s’adressent au Procureur général demandant, entre autres, « un examen de son épaule gauche et les soins nécessaires car il ne pouvait pas lever normalement et sans douleur le bras; un examen ORL; un examen neurologique, car il avait perdu énormément de sensibilité dans les membres depuis les faits; et un examen psychiatrique, car il souffrait notamment d’insomnies, de stress et d’anxiété ». Dans la lettre, Ali demande « l’autorisation de désigner un ou plusieurs médecins-conseils, ainsi que la possibilité de déléguer l’expertise médicale à un organisme neutre international, le Conseil international de réhabilitation pour les victimes de torture (IRCT), afin que l’expertise médicale réalisée soit contradictoire et qu’il puisse être assisté d’un conseil tout au long de cette procédure d’enquête. Il demande l’accès à un album photographique contenant les photos de toutes les personnes l’ayant pris en charge à son arrivée au Maroc, afin qu’il puisse identifier ses agresseurs ».

    La lettre reste sans réponse.

    L’examen médical réalisé par les autorités marocaines fera encore l’objet d’une [sera à son tour examiné par une] étude indépendante médico-légale du Conseil international de réadaptation pour les victimes de la torture et autres organisations. Celui-ci à son tour rejettera l’examen « pour non-respect du Protocole d’Istanbul, qui définit les standards et les règles pour enquêter sur la torture ».

    Sixième épisode : lors du procès en appel, le Procureur général de Rabat refuse d’enquêter sur la torture

    Le 18 avril 2012, dans le procès en appel de la décision du Tribunal de première instance, le Procureur général de Rabat prend la décision « de ne pas enquêter sur les allégations portant sur les actes de torture ».
    En juillet 2012, sans motif, Ali est à nouveau placé en régime d’isolement, avec une sortie quotidienne réduite à une heure dans un préau individuel.

    Septième épisode : constitution de partie civile pour une enquête approfondie sur la torture déclarée irrecevable

    Le 18 septembre 2012, Ali et ses avocats se constituent partie civile devant le Président du Tribunal de première instance de Rabat pour obtenir une enquête approfondie sur la torture.
    Le 28 janvier 2013, cette demande est déclarée irrecevable. Selon le juge, Ali Aarrass « n’a pas identifié les auteurs de la torture et il n’a pas mentionné les articles du Code pénal incriminant les faits de torture ».

    Huitième épisode : la visite de Juan Mendez et la reconnaissance de la torture

    Peu de temps avant la visite au Maroc du Rapporteur spécial sur la question de la torture, Juan Mendez, Ali est remis en régime carcéral ordinaire. Juan Mendez a été le Rapporteur spécial de l’ONU sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants de 2010 à 2016. Il est lui-même un survivant de la torture sous la dictature en Argentine . Il a travaillé en tant que Conseiller auprès de la Cour pénale internationale, a été avocat et professeur de droit international en matière de droits humains à la Washington College of Law, à la Georgetown Law School aux Etats-Unis et à l’Université d’Oxford en Grande-Bretagne.
    La rencontre a lieu le 20 septembre 2012 à la prison de Salé I. Il n’y a qu’une porte qui sépare Salé II de Salé I. Elle donne sur une enceinte qui mène vers Salé I, prison propre et fleurie à l’occasion de la visite du Rapporteur. Ali quitte la prison de Salé II sous les regards menaçants des gardiens. Juan Mendez est accompagné d’un médecin légiste, un psychiatre et un interprète. Ils portent tous le costume bleu ciel de l’ONU. Comme l’entretien peut se faire en espagnol, le travail de l’interprète n’est pas nécessaire. Ali se fait examiner par le médecin légiste, il est ausculté complètement. Ali demande à Juan Mendez pourquoi il ne veut voir que lui, parce qu’à Salé II il y en a tant d’autres avec les mêmes histoires. Votre cas me suffit, lui répond Mendez, s’ils osent faire avec vous ce qu’ils ont fait, à vous qui êtes un étranger, on peut s’imaginer ce qu’on peut faire avec les autres. A la fin de l’examen, Ali informe le Rapporteur qu’il craint des représailles après cette visite. Le Rapporteur lui donne son numéro : vous nous faites savoir, nous on fera le reste, lui répond le Rapporteur.
    Voici un extrait du rapport de Juan Mendez sur sa visite à Ali Aarrass et sur les résultats de son examen.
    « Le 20 septembre 2012, le Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants a rencontré M. Ali Aarrass à la prison de Salé I… Le médecin légiste indépendant qui accompagnait le Rapporteur spécial a effectué un examen physique externe et trouvé des traces de torture sur le corps de M. Aarrass. Le médecin légiste a conclu que la plupart des traces observées… sont clairement compatibles avec les allégations présentées par M. Aarrass, à savoir le genre de torture et de mauvais traitements infligés, tels que brûlures occasionnées par une cigarette, pratique du «falanja» (coups assenés sur la plante des deux pieds), attachement intense puis suspension par les poignets et électrochocs aux testicules. En outre, il a constaté que la description faite par M. Aarrass des symptômes ressentis après les épisodes d’actes de torture et de mauvais traitements est totalement compatible avec les allégations et que le genre de pratiques décrites et les méthodologies qui auraient été suivis par les agents pratiquant ces actes, coïncident avec les descriptions et les allégations présentées par d’autres témoignages que le Rapporteur spécial a reçus dans d’autres lieux de détention et qui ne sont pas connus de M. Aarrass. Il a conclu que certains de ces signes seront de moins en moins visibles avec le temps et, à terme, devraient disparaître comme ceux, par exemple, existant[s] sur la plante des deux pieds. Il a également conclu que l’examen physique a uniquement été effectué sous lumière artificielle ». (Rapport du 4 décembre 2012).

    En conclusion, Juan Mendez formule cinq demandes aux autorités marocaines (confirmer ou non les faits dénoncés, rejeter tout aveu obtenu sous la torture, protection d’Ali Aarrass…) et il finit son rapport ainsi : « Je serais reconnaissant de recevoir de votre part une réponse à ces questions dans un délai de 60 jours. Je m’engage à ce que la réponse du Gouvernement de votre Excellence à chacune de ces questions soit reflétée dans le rapport que je soumettrai à la session de mars 2013 du Conseil des droits de l’homme ».

    Neuvième épisode : le jugement de la Cour d’appel confirme le refus d’examen de la torture par le tribunal de première instance

    Le 1er octobre 2012, à peine deux semaines après la visite de Mendez, la Cour d’appel de Rabat, chambre pénale d’appel, condamne Ali en appel à 12 ans d’emprisonnement pour infraction à la loi antiterroriste. Le verdict dit ceci : «le tribunal de première instance a répondu de manière suffisante à toutes les demandes et les défenses, d’où cette cour a jugé de les adopter tant qu’elles satisfaisaient les aspects légaux, tout particulièrement en ce qui concerne la prétention de l’accusé d’avoir subi la torture, puisqu’il a été procédé à une expertise médicale dressée par trois médecins qui ont tous confirmé que l’accusé n’a subi aucune torture d’aucune sorte, d’où la cour a estimé d’appuyer le verdict interjeté en appel dans ce qu’il a prescrit dans ce volet».

    Dixième épisode : nouveaux harcèlements en septembre 2012

    Dans les jours qui ont suivi la visite de Mendez les représailles au sein de la prison reprennent pour de bon.
    Après son entretien avec Mendez, Ali retourne à la prison de Salé II. L’équipe des gardiens a changé, les mêmes regards menaçants l’attendent, bien que plus discrets. Au moment où il va se coucher, l’adjoint du directeur de la prison s’amène. Approche-toi, dit-il à Ali, après avoir ouvert la première porte de la cellule. « Est-ce que tu as déposé plainte contre la torture ? »« Ça ne vous regarde pas, partez », lui répond Ali. Quelques jours plus tard, l’avocat Maître Nicolas Cohen rend visite à son client à la prison. L’avocat prend des notes de ce que lui raconte Ali. A ce moment-là, l’adjoint du directeur s’amène à nouveau et lui dit : « Vous n’avez pas droit de prendre des notes ». Cette fois, c’est l’avocat qui remet l’adjoint à sa place. Ali et son avocat décident de porter plainte contre l’adjoint, avec nom et prénom. Dans les jours qui suivent, Ali doit se présenter au bureau du directeur. Le directeur lui propose un entretien avec l’adjoint et une protection. En échange, il lui donne un papier blanc sur lequel il doit noter qu’il renonce à sa plainte contre l’adjoint. « En quoi ça vous concerne ? », lui demande Ali, « vous n’êtes pas capable de me défendre ». Fin de l’entretien.
    Le rapporteur de l’ONU Juan Mendez est informé de ce qui s‘est passé après son entretien avec Ali. Il en fait un rapport, en citant nommément les responsables impliqués : «… M. Aarrass a déposé une plainte contre l’agent de prison auprès des autorités de la prison le lendemain, 21 septembre 2012. Il est allégué que le 22 septembre 2012, les autorités pénitentiaires auraient menacé M. Aarrass ou fait pression sur lui pour qu’il retire sa plainte. Il est rapporté que suite aux actes d’intimidation et aux menaces [et actes d’’intimidation] proférées, notamment par M. Bouazza, directeur adjoint de la prison de Salé II, à l’encontre de M. Aarrass, ce dernier a retiré sa plainte. Le harcèlement et les menaces n’ont toutefois pas cessé. La dernière information, reçue en date du 12 novembre 2012, indique que M. Bouazza aurait menacé M. Aarrass de viol, de rendre sa vie en prison impossible, et qu’il aurait emporté le chauffe-eau utilisé par M. Aarrass afin de chauffer l’eau pour se laver. D’autres membres du personnel pénitentiaire sont impliqués dans les mauvais traitements à l’encontre de M. Ali Aarrass depuis son arrivée à la prison de Salé II, dont M. Mustafa El Hajri, ancien directeur; M. Mohamed El Athimi, ancien directeur adjoint; et M. Hamid Allali, infirmier. Il est rapporté que le nouveau directeur de l’établissement aurait promis à M. Aarrass qu’il préviendrait le harcèlement et les mauvais traitements dans l’avenir et que les conditions de vie dans la prison de Salé II seraient améliorées. Toutefois, le harcèlement et les menaces par le personnel pénitentiaire se poursuivent… Il est également allégué que les autorités carcérales continuent de rejeter les demandes d’examen et de traitements médicaux appropriés à M. Aarrass. Selon les sources, M. Aarrass souffre de plusieurs maux qui nécessitent des soins médicaux immédiats, tels qu’éruption cutanée douloureuse, épilepsie, hémorroïdes et problèmes dentaires… ».

    Onzième épisode : octobre 2012, la torture en images

    Les détenus islamistes à la prison sont déçus qu’ils n’aient pas été entendus par Mendez. Ali essaie de les rassurer en leur expliquant que son cas leur servira aussi. Mais ils en ont assez et une poignée d’entre eux prépare l’émeute. Ali essaie de leur expliquer que la situation est extrêmement dure aujourd’hui, mais que les choses peuvent évoluer. Qu’ils doivent [se] réaliser que les conséquences d’une révolte seront graves, qu’ils seront déçus, qu’ils risquent tous d’être dispersés vers d’autres prisons. C’est bien ce qu’on veut, lui répondent-ils, on en a marre de cette prison. La révolte éclate, le dernier gardien s’enfuit de la section, toutes les portes de la section et les cellules sont barricadés avec tout ce que les détenus peuvent trouver, lits superposés y compris.
    La police anti-émeute, la BAC, est appelée en renfort pour briser la révolte. Ils arrivent en nombre, et, avec l’aide des gardiens, ils cassent les barricades, fouillent toutes les cellules et tabassent les émeutiers. Tous les détenus islamistes qui ont participé à l’émeute seront rasés, barbe y compris, mis au cachot pendant 45 jours, avant leur transfert dans [à] d’autres prisons. Pendant les incidents, Ali a sauvé le téléphone, qui fonctionnait avec des cartes, et qui servait à tout le monde dans la section. « Je savais qu’ils allaient le détruire, et on devait pouvoir téléphoner à nos familles », dit Ali. Lors de l’opération « fouilles des cellules », l’adjoint du directeur se présente devant la cellule d’Ali Aarrass, accompagné par des gardiens. Ces derniers refusent d’obéir à l’ordre de fouiller la cellule d’Ali, disant qu’il n’est pas impliqué. Sur ce, l’adjoint appelle la BAC qui entre à six, des hommes baraqués qui jettent tout par terre. Ali crie qu’ils doivent arrêter de casser ses affaires. Mais ils s’acharnent. Quand ils veulent menotter Ali, et quand l’adjoint ordonne à Ali de se déshabiller complètement et de baisser son short pour voir s’il cache quelque chose, Ali essaie de résister. Les coups pleuvent, jusqu’à ce qu’il perde connaissance.
    Il se réveille dans le cachot. Un gardien, qui ne supporte plus le traitement des prisonniers, lui propose de filmer l’état dans lequel il se trouve avec son téléphone. Ali le prévient sur les risques, mais le gardien tient parole. L’enregistrement a été projeté pour la première fois, deux ans plus tard, le 27 juin 2014, sur les murs de la salle d’audience du tribunal de la Cour d’appel à Bruxelles. Après avoir été rendue publique à une conférence de presse, elle a créé un choc dans l’opinion publique. Sur YouTube et Dailymotion, sur des sites de différents journaux et organisations, les images de sa maltraitance, filmées à l’intérieur d’une cellule à la prison en 2012, deux ans après son arrivée au Maroc, ont été vues et partagées près de 200.000 fois.
    La vidéo nous montre Ali Aarrass en short, torse nu, enfermé dans une cellule nue. Dans un cachot immonde. L’homme se soulève difficilement d’un morceau de tissu rayé, un semblant de matelas sur le sol. Il se tient à peine debout. Des bleus, traces de coups de matraques et/ou de coups de pieds couvrent son corps, son dos, sa poitrine, ses jambes, ses mains. Il a le visage gonflé, tuméfié. Ali Aarrass est à peine reconnaissable pour ceux et celles qui le connaissent. Dans cette vidéo, d’une manière calme et pesée, il réclame ses droits. Il dénonce les violences qu’il a subies ainsi que les auteurs de ces actes barbares, en nous montrant un papier avec leurs noms.
    La vision de cette vidéo, qui a contribué à ce que les juges accordent la protection consulaire à Ali Aarrass, n’a provoqué aucune réaction de la part du ministère des Affaires étrangères de Belgique, dont les avocats ont assisté à la projection. Au contraire : le ministère décide de se pourvoir en cassation contre le jugement de la Cour d’appel et pour qu’Ali ne reçoive pas [de l’] d’assistance !

    Douzième épisode : 2013, en Belgique des parlementaires et des journaux s ’élèvent contre la torture d’Ali Aarrass

    Dans une lettre ouverte datant du 10 août 2013, trente-quatre (34 !) parlementaires belges demandent à Didier Reynders d’intervenir et d’accorder une assistance consulaire belge urgente à Ali Aarrass. Ils écrivent : « Il est aujourd’hui établi que les aveux d’Ali Aarrass ont été obtenus sous la torture. En effet, en septembre dernier, le rapporteur spécial de l’ONU contre la torture, Juan Mendez, l’a rencontré en prison et l’a fait examiner par le médecin légiste qui l’accompagnait. Dans son rapport datant du 4 décembre 2012, Monsieur Juan Mendez fait état de traces physiques résultant d’actes de torture constatées sur le détenu (brûlures de cigarette, électrochocs aux testicules, coups assénés à la plante des pieds, etc.) ». Et ils concluent : « Nous, parlementaires belges, vous demandons solennellement d’activer enfin l’assistance consulaire dont Monsieur Aarrass n’a jamais pu bénéficier et à laquelle il a pourtant droit, au même titre que n’importe quel ressortissant belge en difficulté à l’étranger ».
    En septembre 2013, le Comité de l’ONU contre la détention arbitraire, ce même Comité qui demande aujourd’hui la fin de la détention de Julian Assange, demande la libération immédiate de cinq détenus marocains, dont Ali Aarrass. « C’est sur la base d’aveux obtenus sous la torture que M. Ali Aarrass […] a été condamné en novembre 2011 à 15 ans de prison ferme ».
    Le 1 octobre 2013, les journaux belges Le Soir et De Morgen publient un article d’une page sur Ali Aarrass, montrant ses dessins de tortures qu’il a subies.

    Treizième épisode : les Comités de l’ONU et Amnesty international interviennent : sa campagne contre la torture devient internationale

    Le 3 février 2014, Ali Aarrass obtient une victoire historique devant le Tribunal de première instance de Bruxelles. Pour la première fois dans l’histoire judiciaire belge, un citoyen binational obtient d’un Tribunal l’ordre de le protéger hors de la Belgique.

    Le 13 mai 2014, Amnesty International lance la campagne « Stop Torture » pour dénoncer une crise mondiale liée à la torture. Ali accepte la proposition d’être parmi les témoins contre la torture au niveau mondial. Dans plus de 55 pays, son cas est rendu public, les esquisses qu’il a réalisées de la méthode du « poulet rôti » et d’autres positions de torture font le tour du monde. Pour appuyer ces demandes contre la torture d’Ali Aarrass, Amnesty apporte 216.450 signatures provenant de 120 pays au gouvernement marocain et une chaîne humaine est organisée en face du Parlement marocain. En septembre 2014, à Rabat, Amnesty International remet ces signatures au ministre marocain de la Justice et des Libertés et lui demande d’exécuter « la décision du Groupe de travail sur la détention arbitraire et de mener une enquête impartiale et indépendante sur les actes de torture qu’Ali Aarrass dit avoir subis ».
    En mai 2014 également, le Comité contre la torture de l’ONU confirme : Ali Aarrass a été torturé (Décision du Comité Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Décision adoptée par le Comité à sa cinquante-deuxième session (28 avril-23 mai 2014). Le Maroc est condamné pour avoir violé la règle absolue de l’interdiction de la torture, pour ne pas avoir mené une enquête sérieuse sur sa torture et pour avoir condamné Ali Aarrass sur base de preuves tronquées. Le Comité exige une enquête impartiale et approfondie, incluant un examen médical conforme aux standards internationaux. Extraits : « 11.Le Comité contre la torture, agissant en vertu du paragraphe7 de l’article22 de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, est d’avis que les faits dont il a été saisi font apparaître une violation des articles2, paragraphe1 ; 11, 12, 13 et 15 de la Convention. 12.Conformément au paragraphe5 de l’article118 de son règlement intérieur (CAT/C/3/Rev.6), le Comité invite instamment l’État partie à l’informer, dans un délai de 90 jours à compter de la date de transmission de la présente décision, des mesures qu’il aura prises conformément aux constatations ci-dessus. Ces mesures doivent inclure l’ouverture d’une enquête impartiale et approfondie sur les allégations du requérant. Une telle enquête doit inclure la réalisation d’examens médicaux en conformité avec les directives du Protocole d’Istanbul. [Adopté en français (version originale), en anglais et en espagnol. Paraîtra ultérieurement en arabe, en chinois et en russe dans le rapport annuel du Comité à l’Assemblée générale.] »
    En août 2014, le Comité des droits de l’homme des Nations Unies condamne l’Espagne pour avoir extradé Ali Aarrass au Maroc alors qu’il existait un risque sérieux de torture, ainsi que ce même comité l’avait signalé en extrême urgence quatre ans auparavant. Le Comité impose à l’Espagne d’offrir une compensation adéquate à Ali Aarrass pour les souffrances encourues et d’assurer un suivi efficace quant au traitement d’Ali Aarrass.

    L’Espagne ne réagit pas.

    En septembre 2014, la Cour d’appel de Bruxelles confirme le jugement du Tribunal de première instance contraignant la Belgique à protéger Ali Aarrass, et elle durcit le ton : elle ordonne à la Belgique de « requérir de l’État du Maroc de permettre aux autorités consulaires au Maroc de rendre hebdomadairement visite à Ali Aarrass pendant une période de six mois », et lui enjoint, au cas où elle ne réagirait pas à l’urgence signalée par la Cour de Bruxelles, de payer « une astreinte de 100 euros par jour de retard si elle n’adresse pas cette demande dans le mois de la signification de l’arrêt » si elle ne réagit pas à l’urgence signalée par la Cour de Bruxelles. Pour la Cour, « des indications sérieuses tendent à démontrer que l’intimé (Ali Aarrass) a subi des traitements inhumains et dégradants dans les prisons marocaines afin de lui arracher des aveux. » La Cour critique « le silence persistant conservé par les autorités marocaines aux demandes d’information », « la manière dont elles tendent à minimiser les plaintes de l’intimé ». Pour la Cour, il y a urgence : « Ali Aarrass subit encore à ce jour des atteintes graves à son intégrité physique et à son intégrité morale… ».
    Le Maroc ne désarme pas. Dans le Vif du 18-24 décembre 2015, le patron du BCIJ marocain (le nouveau Bureau central d’investigations judiciaires), Abdelhak Khiame, déclare dans une interview avec Marie-Cécile Royen: « J’ai fait toutes les enquêtes sur Abdelkader Belliraj et Ali Aarrass. Je peux témoigner que leurs droits ont été totalement respectés. J’ai toujours été partisan d’une enquête judiciaire rigoureuse et scientifique, je ne me contente pas d’aveux ».

    Quatorzième épisode : 2016, à la Cour européenne des droits de l’homme et dernière année à Salé II

    En six ans de temps, Ali Aarrass est devenu un homme respecté par les détenus et par la plupart des gardiens. Ce qui n’échappe pas à la nouvelle direction de la prison. L’autorité d’Ali leur fait peur et constitue un danger. Mais en même temps la direction ne peut se passer de ses compétences et de son autorité parmi les détenus. Elle décide la voie de la conciliation plutôt que de la confrontation.
    Début 2016, Ali reçoit deux propositions d’un nouveau directeur: devenir le porte-parole des détenus et communiquer les doléances des détenus à la direction. Par ailleurs, vu son ancienneté, il doit connaître le personnel qui maltraite les détenus et/ou qui est corrompu ou trafiquant. Ali se méfie, mais il accepte la proposition, à condition que les doléances rapportées ne donnent pas lieu à des représailles contre les détenus, et il prévient qu’il mettra fin à cet accord dès l’instant où un seul prisonnier se fera torturer ou maltraiter. La direction accepte. Elle lui propose même d’échanger ses gobelets en plastique pour des gobelets en verre (sic). Ali refuse le cadeau. L’accord sera de courte durée : quand un détenu faisant partie des cuisiniers en prison se fait plaquer contre le mur par un gardien, Ali cesse toute collaboration et refuse définitivement son rôle d’intermédiaire.
    Le 28 juin 2016, deux ans (!) après la réception de la demande belge pour une visite consulaire à Ali Aarrass du 4 mars 2014, le Maroc envoie sa réponse, refusant une visite consulaire belge à Ali Aarrass, « détenu dans le cadre d’une affaire de terrorisme et de radicalisme ». Il n’y aura pas d’autorisation pour une assistance humanitaire belge non plus.
    Sur ce, Ali Aarrass et ses avocats saisissent la Cour européenne des droits de l’homme pour violation des articles 1er et 3 de la Convention.
    En juillet 2016, trois petites vidéos sortent sur les médias sociaux pour dénoncer les abus au sein de la prison de Salé II, dont ceux concernant Ali Aarrass. A défaut de trouver le(s) coupable(s) pour ces vidéos clandestines, les autorités accusent Ali d’en être l’auteur. Ali, qui a toujours assumé la responsabilité pour ses actes et ses propos, quel que soit le prix à payer, nie. Mais il y a aussi la vidéo choc publiée en Belgique en 2015. Des policiers ont déjà été dans la cellule d’Ali pour photographier sa cellule et pour voir si ça correspond à ce qu’on voit sur la vidéo. Début août 2016, il est emmené à nouveau au greffe de la prison où l’attendent deux policiers pour l’interroger sur la même vidéo de 2012. Depuis qu’il a renoncé à son rôle d’intermédiaire, la direction le cherche. Quand il revient de l’entretien au [à la] greffe, Ali téléphone à sa sœur Farida. A ce moment-là un détenu l’attaque par derrière, lui donnant un coup de karaté dans les jambes qui le met par terre. « Tu dois déposer plainte contre lui », disent des gardiens qui ont assisté à la scène. « Non », répond Ali, « pourquoi le ferais-je, c’est bien vous qui êtes derrière tout ça ». Le détenu qui a agressé Ali est déplacé de la section. Aussi bien Ali que son agresseur devront se présenter devant l’adjoint du Procureur. Ce dernier demande à Ali : « Est-ce vrai que tu incites les autres détenus à se révolter ? Est-ce vrai que vous corrompez des agents pour qu’ils se révoltent contre le directeur ? Est-ce vrai que par la religion vous faites l’apologie du terrorisme pour recruter dans un dessein terroriste ? ». Ali lui répond qu’il est isolé et qu’il n’a accès à rien. Que n’étant pas un terroriste, il ne recrute pas pour un projet terroriste. Quant à la question de la religion, il répond que sa connaissance n’est que basique, et que pour convaincre d’autres il faudrait des personnes d’un autre calibre que le sien.

    Le transfert d’Ali Aarrass vers Tiflet II se prépare.

    Source : Free Ali

    Etiquettes : Maroc, Ali Aarrass, répression, instrumentalisation de la menace terroriste,

  • Sahara occidental: les autorités d'occupation marocaines coupent l'électricité au domicile d'une militante politique sahraouie

    El Aaiun occupée – La militante politique sahraouie, Ennajat Akhenbela, a affirmé que les autorités d’occupation marocaines avaient coupé l’électricité à son domicile la nuit dernière parce qu’elle avait hissé le drapeau de la République Sahraouie au-dessus de sa maison.

    Ancienne prisonnière politique, la militante sahraouie a révélé dans une déclaration vidéo sur Twitter que les autorités d’occupation marocaines avaient coupé l’électricité à son domicile la nuit parce qu’elle a hissé le drapeau sahraoui au-dessus de sa maison, dans le cadre de la campagne nationale « Mon drapeau sur ma maison » dans laquelle elle s’est engagée, soulignant que cela ne l’empêcherait pas de poursuivre la lutte contre l’occupation marocaine, mais va plutôt augmenter sa force et son défi.
    EIle a également appelé « toutes les organisations internationales et des droits de l’homme à trouver une solution » et à mettre fin aux actions de l’occupation marocaine contre les militants sahraouis dans les territoires occupés du Sahara Occidental.
    La militante politique sahraouie, Ennajat Akhenbela, avait été emprisonnée dans les geôles marocaines dans les années 80 en raison de sa lutte pour la cause sahraouie.
    Etiquettes : Sahara Occidental, Front Polisario, Maroc, Sultana Khaya, répression, Boujdour, 
  • Maroc : Une hémorragie contraint Omar Radi à suspendre sa grève de la faim

    Après 21 jours de grève de la faim, le journaliste Omar Radi a dû mettre fin à son mouvement à cause d’une grave hémorragie rectale qu’il a eu vendredi (30 avril 2021), a-t-on appris de sources concordantes.

    Omar Radi « a décidé de suspendre temporairement sa grève de la faim, à cause de la détérioration significative de sa santé au cours des deux derniers jours », a annoncé Driss Radi, vendredi via Facebook sans donner plus de détails sur cette détérioration ni sur les véritables « raisons de santé » ayant motivé la décision de son fils.

    Cette annonce porteuse de soulagement pour les soutiens du journaliste, en détention préventive depuis neuf mois, n’a pas manqué de susciter moult interrogations.

    Pourquoi une suspension temporaire? Que s’est-il passé avec Omar pour qu’il prenne une telle décision?

    Autant d’interrogations auxquelles va nous répondre Khouloud Mokhtari, l’épouse de l’autre journaliste en détention provisoire Soulaimane Raissouni et en grève de la faim depuis 23 jours.

    Mokhtari: « Il faut appeler les choses par leur nom »
    « Dans son annonce, M. Driss Radi n’a pas évoqué les véritables raisons pour respecter le souhait de Omar de ne pas effrayer sa mère », nous a-t-elle précisé.

    Mais, affirme-t-elle, « il ne faut pas cacher ce qui se passe à l’opinion publique ».

    « Omar a eu une hémorragie rectale (une rectorragie), il a des exsudations anales et autres… Il a des saignements rectaux causés par le fait qu’il prend des antibiotiques dans le cadre du traitement de sa maladie chronique qui touche son intestin (Omar Radi est atteint de la maladie de Crohn NDLR) sans manger », a-t-elle confié à Femina News.

    « Il a des saignements rectaux qui ne s’arrêtent pas depuis mardi. Je sais que c’est grave, mais ce n’est plus le moment d’avoir peur de heurter quelqu’un. Il faut appeler les choses par leur nom », a-t-elle soutenu.

    « Les séquelles de la grève de la faim conjuguées à sa maladie chronique ont commencé à apparaître. Ce jeune est dans un état on ne peut plus grave et l’opinion publique doit être au courant de la gravité de son état », nous a déclaré, vendredi soir, l’épouse du détenu politique Soulaimane Raissouni.

    Driss Radi confirme timidement

    Face à des propos d’une telle gravité, Femina News a attendu la confirmation de la part de M. Driss Radi.

    Joint dans les premières heures de ce samedi premier mai, ce dernier a confirmé à demi-mot : « Oui, effectivement il saigne ».

    « La maladie de Crohn (une maladie inflammatoire chronique du système digestif qui touche le gros intestin NDLR) dont souffre Omar a évolué à cause d’un ensemble de facteurs, particulièrement alimentaires et hygiéniques », a-t-il ajouté.

    Interrogé par Femina News sur le suivi médical et la prise en charge dont devrait bénéficier Omar Radi comme tout autre gréviste de la faim, M. Radi nous a précisé que son fils a reçu il y a quelques jours quatre membres du CNDH (Conseil national des droits de l’Homme) accompagné d’un médecin.

    « Normalement, il doit revoir son médecin au CHU (Ibn Rochd) pour être examiné après ce qui s’est passé avec lui hier. A ce moment, on va se prononcer sur son état », a-t-il poursuivi.

    Il est à noter que peu importe l’origine des saignements annaux dont souffre Omar Radi, que ce soit une hémorragie digestive ou une aggravation des symptômes de sa maladie chronique, ce genre d’hémorragie nécessite un traitement d’urgence et de préférence dans un milieu hospitalier.

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    Le journaliste Aboubakr Jamai, fondateur du « Le Journal hebdomadaire », a considéré que l’Etat marocain traite les deux journalistes d’une manière « vindicative voire rancunière ».

    Par ailleurs, le prestigieux quotidien américains Washington Post a appelé l’administration Biden à conditionner l’appui de la position du Maroc sur la question du Sahara par le respect des droits de l’homme et la libération des deux journalistes.

    Femina, 01 mai 2021

    Etiquettes : Maroc, presse, journalistes, répression, Omar Radi, Souleymane Raïssouni, Taoufik Bouchrine,