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  • Potentiel gazier algérien et opportunité de dominer le marché européen

    Potentiel gazier algérien et opportunité de dominer le marché européen

    Potentiel gazier algérien et opportunité de dominer le marché européen – Europe, gaz, Ukraine, Russie, Italie, Espagne, Tunisie,

    Avec une capacité de production de 130 milliards de mètres cubes (M3)/an, l’Algérie, 10e plus grand producteur de gaz naturel dans le monde, n’a pas vu ses potentiels énergétiques augmenter depuis plusieurs années et ce en raison des coûts très onéreux des investissements, d’une part et d’autre part d’une préjudiciable sous-évaluation des réserves existantes.
    Fournisseur clé en matière de gaz pour l’Europe vers laquelle la majeure partie du volume est exportée au moyen de gazoducs transfrontaliers. Les deux tiers de ces exportations sont destinés à deux pays du sud de l’Europe, l’Italie et l’Espagne.
    Les capacités non utilisée sur le Transmed qui peut transporter jusqu’à 32 milliards de mètres cubes par an, quatre fois plus que le gazoduc Medgaz qui alimente l’Espagne, constitue l’un des points noirs dans la gestion du secteur énergétique plus que jamais appelé à s’adapter aux évolutions géopolitiques sous peines de passer outre des chances de constituer pour le pays des ressources sûres et pérennes devises.

    En sus des potentiels inexploités, les apports supplémentaires en gaz naturel ou gaz naturel liquéfié (GNL) demeurent tributaires de la disponibilité de volumes excédentaires après satisfaction de la demande du marché national et désengagements contractuels envers les partenaires étrangers.
    Certes il y a un peu plus de deux mois, le 2 février, la Sonatrach avait annoncé que les découvertes gazières réalisées sur les champs de Rhourde Sayeh et Rhourde Sayeh Nord situés dans le bloc 236 b du périmètre El Assel, sont exploitables et que la compagnie s’engage dans la voie de tirer profit de ces deux réserves stratégiques. A cet effet Sonatrach avait annoncé le lancement d’une campagne de forages de 24 nouveaux puits sur El Assel, prévoyant par la même, la construction d’une unité de traitement des ressources gazières.
    En attendant, l’Algérie reste pour le moment dans l’incapacité de compenser la baisse d’approvisionnement en gaz russe et ne pourra fournir à l’UE que deux ou trois milliards de mètres cubes de plus au grand maximum.

    Mais à moyen terme, dans quatre ou cinq ans, l’Algérie pourra envoyer de plus grandes quantités en intensifiant ses investissements et en développant de nouvelles réserves essentiellement constituées de gaz non conventionnel, à savoir le gaz de schiste.

    Dans ce contexte, il convient de signaler que l’Algérie prévoit d’investir 40 milliards de dollars entre 2022 et 2026 dans l’exploration, la production et le raffinage de pétrole ainsi que dans la prospection et l’extraction de gaz.

    Pour rappel, l’Europe demeure le marché naturel de prédilection pour l’Algérie qui contribue actuellement à hauteur de 11% à ses importations de gaz, pour un volume total d’exportation estimé à 22 milliards de mètres cubes via le gazoduc Transmed, ce qui laisse une capacité de 10 milliards de mètres cubes à exporter, sachant par ailleurs que les unités de liquéfaction qui existent en Algérie ne sont exploitées qu’à 50/60% de leurs capacités.

    Au total, notre pays exporte environ 61% de sa production gazière, dont 39% est destinée à répondre à la demande locale. Les exportations du gaz naturel algérien passent principalement via deux gazoducs pour alimenter l’Europe : le MedGaz qui relie Arzew à Almeria (Espagne), avec un volume de 10,5 milliards de M3 par an, et le TransMed, qui relie l’Algérie à l’Italie, avec un volume d’exportation de 22 milliards de M3/an. Parallèlement, le pays exporte près de 11,5 millions de tonnes de gaz naturel, liquéfié (GNL), vers plusieurs pays dont la Turquie avec environ 37% des exportations, suivie de la France avec 20% et de l’Espagne avec 14%.

    L’Express, 14/04/2022


    Une Europe désarticulée vient chercher refuge en Afrique

    Alors que l’Italie est venue renforcer ses liens dans le secteur de l’énergie notamment, une délégation de l’UE a rencontré récemment, les officiels de la Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC). Si les pays africains sont disposés à aider les Européens, qui sont les grands perdants de cette guerre Otan-Russie, l’UE est invitée à son tour à traiter les réfugiés africains comme des Ukrainiens et à corriger certaines positions politiques vis-à-vis des Africains.

    En effet, l’Union européenne renforce ses relations avec le Nigéria, alors qu’elle cherche à diversifier les sources de ses importations de gaz naturel afin de réduire sa dépendance à l’égard de l’énergie russe. Pour sa part, l’Italie, aussi membre de l’Union européenne (UE), a signé un accord avec l’Algérie dans le même sens.

    Le Nigéria est le quatrième fournisseur de gaz naturel liquéfié de l’Europe. Au moins 40 % du gaz nigérian est exporté vers l’Europe.

    L’UE cherche à réduire l’utilisation du gaz russe en réponse à l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

    Lundi, des diplomates de l’UE se sont rendus auprès de la compagnie pétrolière publique nigériane pour des réunions visant à renforcer la coopération dans le secteur de l’énergie.

    « Nous ne sommes pas seulement des clients importants pour le Nigéria, nous sommes aussi des partenaires importants dans le secteur du pétrole et du gaz, car certaines des entreprises qui travaillent avec vous viennent d’Europe. Nous partageons donc les mêmes intérêts et les mêmes objectifs », affirme Samuela Isopi, l’ambassadeur de l’UE au Nigéria.

    Le directeur général de la Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC) assure à la délégation européenne que la société souhaite augmenter l’offre de gaz sur le marché mondial.

    Selon les autorités nigérianes, le pays dispose d’une réserve de gaz naturel de 209,5 trillions de pieds cubes (TCF) en janvier 2022.

    Les revenus du pétrole et du gaz représentent environ deux tiers du financement du Nigéria.

    Par ailleurs, l’Italie, qui est un pays membre de l’Union européenne, a également conclu un accord avec l’Algérie dans le contexte de la crise ukrainienne.

    Le Premier ministre italien, Mario Draghi, a pour sa part annoncé la conclusion d’un important accord gazier avec l’Algérie, qui devrait réduire la forte dépendance de son pays à l’égard des importations russes.

    Dans le cadre de cet accord, qui va entrer en vigueur cet automne, des quantités accrues de gaz seront acheminées par le gazoduc sous-marin Transmed, qui relie l’Algérie à l’Italie via la Tunisie.

    L’Italie achète la grande majorité de son gaz naturel à l’étranger, 40 % de ses approvisionnements provenant de Russie. S’exprimant lors d’une visite dans la capitale algérienne, Alger, Draghi a signalé que son gouvernement avait signé un accord préliminaire sur la coopération énergétique avec l’Algérie. « Immédiatement après l’invasion de l’Ukraine, j’ai annoncé que l’Italie agirait avec la plus grande rapidité pour réduire sa dépendance vis-à-vis du gaz russe », dit-il.

    L’Express, 14/04/2022

    #Algérie #UE #Europe #Ukraine #Italie #Espagne #Tunisie #Ukraine #Russie

  • La Russie vacille en Ukraine mais redouble d’efforts au Mali

    La Russie vacille en Ukraine mais redouble d’efforts au Mali – France, Sahel, Wagner, Barkhane, UE,

    Le 30 mars, alors que les forces russes poursuivaient leur lutte pour conquérir les villes ukrainiennes, les fournisseurs d’armes russes ont livré à Bamako, la capitale malienne, une paire d’hélicoptères d’attaque Mi-35M menaçants et un système de radar aérien avancé, à des milliers de kilomètres de là, en Afrique de l’Ouest.

    Malgré le fait que le Kremlin ait rappelé un réseau international de mercenaires nationaux et étrangers pour combattre en Ukraine, dont certains quittent les champs de bataille en Syrie et en Afrique pour le faire, la Russie a largement maintenu sa présence au Mali, où est déployée une force d’environ 1 000 fonctionnaires russes et instructeurs du groupe mercenaire russe, populairement connu sous le nom de Groupe Wagner, selon des diplomates basés aux Nations unies. Quelque 200 membres des services maliens et neuf officiers de police reçoivent actuellement une formation en Russie, a récemment déclaré un diplomate russe au Conseil de sécurité de l’ONU.

    Cette évolution suggère que, malgré ses revers militaires en Ukraine, la Russie cherche à préserver ses intérêts diplomatiques et militaires croissants en Afrique, où des forces russes irrégulières ont fourni des formations et des forces de combat aux gouvernements et aux mouvements rebelles, de la République centrafricaine à la Libye. Elle se positionne pour combler un vide politique au Mali, alors que les forces et les formateurs français et européens commencent à se retirer du pays, mettant fin à un effort français de près de dix ans dans son ancienne colonie pour contenir la propagation du terrorisme et ouvrir la voie à un accord de paix unifiant le pays politiquement divisé. Pour le Mali, l’accord fournit à la junte militaire un partenaire capable de lutter contre les mouvements islamistes antigouvernementaux du pays, sans avoir à subir les demandes de l’Occident de respecter les droits de l’homme et de poursuivre un accord démocratique de partage du pouvoir avec la minorité touareg du nord du pays.
    « La Russie a des intérêts considérables en Afrique, que [le président russe Vladimir] Poutine utilise », a déclaré J. Peter Pham, l’ancien envoyé spécial américain pour la région du Sahel sous l’administration Trump. « Ce n’est pas un élément majeur de la politique étrangère russe, mais c’est comme beaucoup de choses que Poutine a faites tout au long de ses 20 ans au pouvoir, à savoir utiliser les choses de manière opportuniste. »

    Le gouvernement malien a entamé des discussions avec le Groupe Wagner à la fin de l’année dernière, ce qui a déclenché une mise en garde du gouvernement français aux dirigeants militaires du Mali pour qu’ils reconsidèrent le partenariat, selon le récit d’un diplomate basé à l’ONU qui connaît bien le rôle de la Russie au Mali. Paris, note le diplomate, a prévenu que la France devrait reconsidérer son engagement à poursuivre l’opération Barkhane, la mission militaire française basée au Tchad qui a mené la lutte contre les extrémistes islamistes dans tout le Sahel, si les Russes étaient invités. Fin décembre 2021, les instructeurs militaires du Groupe Wagner ont commencé à se déployer au Mali.

    En février, la France a annoncé qu’elle entamait le processus de réduction progressive de sa présence et qu’elle serait partie dans six mois. Les formateurs militaires européens, détachés auprès de la Takuba Task Force – qui sert sous commandement français et fournit des conseils et une assistance aux forces armées maliennes et à une force régionale de lutte contre le terrorisme, connue sous le nom de G5 Sahel – doivent également partir. Sans le soutien de la France, qui sert en quelque sorte de garant de la sécurité des soldats de la paix européens et de l’ONU au Mali, la coalition antiterroriste dirigée par la France risque de s’effilocher.

    La fourniture par la Russie d’hélicoptères d’attaque et de radars avancés risque de saper le contrôle européen du ciel au Mali, exposant les casques bleus de l’ONU à un plus grand danger sur le terrain. Les Nations unies ont déjà tenté sans succès d’acquérir des hélicoptères d’attaque. Pour l’instant, la France est prête à faire voler des avions à partir d’une base au Niger voisin pour dissuader les attaques contre les casques bleus de l’ONU, mais on ne sait pas si le Mali continuera à accorder un accès aérien aux Français après le retrait de leurs troupes du pays.

    Le Groupe Wagner défie les définitions conventionnelles d’un entrepreneur militaire privé. Pour autant que les experts puissent le dire, il n’existe pas de société enregistrée unique appelée Groupe Wagner. Ce terme est plutôt devenu un raccourci, lié à la mythologie, pour décrire un réseau de sociétés et de groupes de mercenaires que les gouvernements occidentaux considèrent comme étroitement liés à l’État russe.

    Après s’être fait les dents pendant les combats en Ukraine en 2014, les agents de Wagner ont été envoyés dans plusieurs pays du monde, mêlant souvent activité mercenaire et extraction de ressources naturelles. Leur nature obscure a permis au Kremlin de nier tout lien avec le groupe.

    « Wagner n’est pas une force antiterroriste. Wagner est un outil du gouvernement russe pour essayer de faire avancer ses objectifs de politique étrangère », a déclaré Joseph Siegle, directeur de recherche au Centre africain d’études stratégiques de la National Defense University. « Ils sont là pour maintenir la junte au pouvoir parce que la junte sert les intérêts de Moscou en déplaçant la France et l’UE. »

    Bien que les responsables gouvernementaux au Mali aient décrit les Russes comme des instructeurs, les responsables occidentaux et les observateurs des droits de l’homme craignent que leurs activités s’étendent bien au-delà de la formation. Des centaines de Russes associés au Groupe Wagner ont été envoyés en République centrafricaine en 2017 sous le couvert d’une mission de formation approuvée par le Conseil de sécurité de l’ONU, en alléguant qu’ils n’étaient pas armés. Les experts de l’ONU ont documenté une série d’allégations accablantes contre le groupe, notamment des meurtres aveugles, des viols et des violences sexuelles.

    La perspective d’un retrait français du Mali a alarmé les États-Unis, qui ont cherché à persuader les Français de rester au Mali. Mais un autre diplomate occidental a déclaré qu’il n’y avait pas de sentiment d’urgence à ce que « nous sortions Wagner du Mali en raison de ce qui se passe en Ukraine. » Alarmée par la présence de la Russie, la secrétaire d’État adjointe américaine Michele Sison s’est récemment rendue au Mali pour évaluer la viabilité de la mission de l’ONU au Mali, connue sous le nom de MINUSMA, après le départ des Français.

    « Ils sont revenus de la mission très inquiets », a déclaré un diplomate basé à l’ONU. Le diplomate, qui s’est exprimé sous couvert d’anonymat, a déclaré que les États-Unis s’inquiètent du fait que la mission de l’ONU risque d’être utilisée par inadvertance pour faire avancer les objectifs d’une junte militaire qui cherche à assurer son avenir – et ceux d’un groupe de mercenaires russes qui étendent l’influence de Moscou et cherchent à se faire payer. Washington a également exprimé son inquiétude quant au fait que la mission de l’ONU, qui a pour mandat de soutenir les autorités maliennes, pourrait être placée dans la position délicate de soutenir un gouvernement engagé dans des atrocités de grande ampleur ou de fournir un avantage involontaire au Groupe Wagner, a déclaré le diplomate.

    « Comme d’autres, les États-Unis sont profondément troublés par l’évolution de la situation au Mali », a déclaré Richard Mills Jr, représentant adjoint des États-Unis auprès des Nations unies, au Conseil de sécurité de l’ONU le 7 avril. « Les trois derniers mois ont été marqués par des récits alarmants de violations des droits de l’homme et d’abus contre des civils par des groupes armés terroristes et les forces armées maliennes avec des individus liés au Groupe Wagner soutenu par le Kremlin. »

    Un haut fonctionnaire du département d’État américain a déclaré que la décision du régime malien de contracter des combattants Wagner était motivée par son propre sentiment d’isolement régional et international ainsi que par la nécessité d’assurer sa propre sécurité.

    Mais les Russes n’ont guère la capacité de surpasser les dizaines de milliers de troupes internationales et de soldats de la paix qui ont combattu les terroristes de la région au cours de la dernière décennie.

    « Un millier de Wagner ne vont pas combler le vide sécuritaire au Mali », a déclaré le haut fonctionnaire du département d’État, ajoutant que les Russes ont réussi à vendre un « faux discours » selon lequel ils assurent la sécurité du Mali. « Ils tuent peut-être des terroristes, mais ils tuent aussi tellement de civils ».

    « Combien de nouveaux terroristes créent-ils ? », a ajouté le responsable.

    Le Mali, autrefois loué comme un modèle de démocratie naissante en Afrique, est devenu une importante plaque tournante du terrorisme dans les années qui ont suivi l’intervention militaire de l’OTAN en 2011 en Libye, au milieu d’une révolution contre le gouvernement du dirigeant de l’époque, Mouammar Kadhafi, qui a conduit à l’éviction et à la mort de Kadhafi et a ouvert la voie à la propagation des armes et des extrémistes dans tout le Sahel.

    Un groupe terroriste islamiste a détourné une insurrection de la minorité touareg malienne, pris le contrôle du nord du Mali et commencé à préparer un assaut sur la capitale de l’ancienne colonie française. Alarmée par cette évolution, la France a lancé l’opération Serval en janvier 2013 pour écraser les islamistes et ouvrir la voie à un règlement politique entre les gouvernements du sud du Mali et les Touaregs du nord. En août de l’année suivante, les Français ont remplacé cette opération par l’opération Barkhane, avec un mandat plus large pour combattre les extrémistes dans toute la région.

    Au fil des ans, la France a essayé de rassembler une coalition de forces spéciales ouest-africaines et européennes, travaillant en étroite collaboration avec une mission de maintien de la paix de l’ONU, pour l’aider à contenir la menace terroriste au Mali, à rétablir la sécurité dans le pays et à soutenir les négociations politiques menées par les Africains afin de sortir le pays de l’impasse politique.

    Les relations de l’Occident avec le Mali se sont fortement détériorées depuis août 2020, lorsque le chef militaire malien, le colonel Assimi Goïta, a organisé le premier de deux coups d’État militaires, le second devant avoir lieu en mai 2021, et a rapidement renié ses promesses de rétablir un régime démocratique civil au Mali.

    La Russie a profité de ce désaccord en proposant de fournir un soutien militaire et une formation à l’armée malienne. La Russie s’est positionnée comme un champion diplomatique de la junte militaire malienne, faisant l’éloge des opérations antiterroristes maliennes soutenues par la Russie qui, selon les critiques du pays, ont entraîné des violations à grande échelle des droits de l’homme.

    Après le coup d’État d’août 2020, l’ambassadeur de Russie au Mali, Igor Gromyko, petit-fils de l’ancien ministre soviétique des Affaires étrangères Andrei Gromyko, est devenu le premier dignitaire étranger à rencontrer publiquement la nouvelle junte militaire, alors que les diplomates américains et européens s’efforçaient d’élaborer leur propre réponse. Gromyko a émergé de la réunion devant une petite foule de partisans agitant des drapeaux russes, ce qui a conduit les diplomates occidentaux à soupçonner que tout ce spectacle était un coup de relations publiques chorégraphié pour que Moscou ait un avantage dans son influence auprès des nouveaux dirigeants.

    « Il est difficile d’acheter des drapeaux maliens de qualité à Bamako, et encore moins des drapeaux russes de qualité », a déclaré M. Pham. « Comment trouver des drapeaux russes de bonne qualité à Bamako ? »

    Plus récemment, Moscou a fourni une couverture diplomatique au Mali pour le massacre de quelque 300 civils dans la ville de Moura, au Mali, le mois dernier, qui, selon les défenseurs des droits de l’homme, a été perpétré par les forces maliennes avec l’aide possible de mercenaires russes. (Les autorités maliennes ont déclaré qu’il s’agissait d’une opération antiterroriste qui a « neutralisé » des combattants djihadistes). La Russie, soutenue par la Chine, a bloqué la demande du Conseil de sécurité des Nations unies d’ouvrir une enquête indépendante sur ce massacre.

    « La coopération entre la Russie et le Mali a une longue histoire et une tradition », a récemment déclaré Anna Evstigneeva, représentante permanente adjointe de la Russie, au Conseil de sécurité de l’ONU. « Nous travaillons à améliorer leurs capacités, à former les membres de l’armée et des forces de l’ordre ».

    « Nous notons l’engagement de l’état-major malien à respecter les droits de l’homme et le droit international humanitaire », a-t-elle ajouté. « Nous saluons les efforts de Bamako pour enquêter sur les incidents de violations des droits de l’homme signalés. Quant à la campagne d’information sur les prétendus mercenaires russes, nous considérons qu’elle fait partie d’un jeu géopolitique malveillant. »

    Le départ de la France soulève des inquiétudes plus profondes quant au rôle de l’Occident au Mali et à la viabilité d’une mission de maintien de la paix de l’ONU dont les casques bleus les mieux formés et les mieux dotés en ressources proviennent d’Europe, notamment d’Allemagne et du Royaume-Uni. Bien que les forces françaises opèrent indépendamment de la mission de l’ONU, les Français fournissent des services essentiels, notamment un hôpital dans la ville de Gao, au Mali, ainsi qu’un soutien aérien rapproché pour les casques bleus soumis à des attaques armées et des services d’évacuation médicale pour les casques bleus blessés. Les principales puissances européennes réexaminent actuellement leur rôle au Mali.

    Ce mois-ci, le plus haut diplomate de l’Union européenne, Josep Borrell, a déclaré : « Nous mettons un terme aux missions de formation des forces armées et de la garde nationale [maliennes] ». Borrell a fait part de ses inquiétudes quant à la présence du Groupe Wagner, qui, selon lui, pourrait être « responsable de certains événements très graves, qui ont conduit à la mort de dizaines de personnes au Mali ces derniers temps ». Il a toutefois insisté sur le fait que l’Union européenne reste engagée à participer aux efforts de lutte contre le terrorisme dans la région du Sahel.

    Pour le moment, la Grande-Bretagne et l’Allemagne continuent de servir dans la mission de l’ONU au Mali, mais elles pourraient reconsidérer leur engagement à la lumière du rôle croissant de la Russie, selon des diplomates basés à l’ONU.

    Les États-Unis et leurs homologues européens sont également préoccupés par la détérioration potentielle des relations entre les forces maliennes et la mission de maintien de la paix de l’ONU. Le 22 mars, un hélicoptère d’attaque malien a tiré six roquettes près d’une unité de reconnaissance britannique dans l’est du Mali. Le gouvernement malien a déclaré avoir confondu les forces britanniques, qui servent dans le cadre de la mission de maintien de la paix de l’ONU, avec des terroristes qui, selon lui, opèrent dans la région.

    Mais un diplomate basé à l’ONU a déclaré que l’unité de renseignement de la mission de l’ONU n’avait pas détecté de présence terroriste dans la zone avant l’attaque, et un diplomate européen a déclaré que la zone pouvait se trouver dans un territoire contrôlé par l’armée malienne et le groupe Wagner, et qu’ils ne voulaient donc pas de soldats de la paix de l’ONU dans la zone.

    L’attaque, a déclaré Mills, est « un affront à tous ceux qui servent dans les missions de maintien de la paix de l’ONU ».

    Mills s’est dit particulièrement préoccupé par « les récits extrêmement troublants de centaines de personnes tuées la semaine dernière dans le village de Moura, dans la région de Mopti, au centre du Mali ».

    L’organisation Human Rights Watch, basée à New York, qui a mené une enquête sur ces meurtres, a cité plusieurs sources anonymes selon lesquelles les forces maliennes et les soldats russes ont exécuté plusieurs centaines de personnes, commettant ainsi la pire atrocité au Mali depuis une décennie.

    « Le peuple malien mérite des réponses sur ce qui s’est passé à Moura cette semaine du 28 mars et sur ce qui a conduit à l’effroyable exécution de plus de 35 personnes le 2 mars dans la région de Ségou, ainsi que sur les responsables », a déclaré M. Mills. Il a noté que les autorités maliennes ont déclaré qu’elles allaient ouvrir une enquête et accorder à la mission des Nations unies l’accès à ses propres investigations.

    « Cette augmentation des rapports de violations des droits de l’homme est exactement la raison pour laquelle les États-Unis continuent de mettre en garde les pays contre tout partenariat avec le groupe Wagner lié au Kremlin », a déclaré Mills. « Les forces Wagner ont été impliquées dans des violations des droits de l’homme, notamment des meurtres de type exécution, en République centrafricaine et ailleurs. »

    Foreign Policy, 14/04/2022

    #Russie #Mali #Ukraine #Sahel #Barkhane #UE #France

  • Algérie: Visite de Le Drian en plein contexte électoral

    Algérie: Visite de Le Drian en plein contexte électoral

    Algérie: Visite de Le Drian en plein contexte électoral – élection présidentielle, Emmanuel Macron, Jean-Yves Le Drian, OTAN, gaz, Russie, Ukraine,

    La visite de deux jours en Algérie de Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, suit de très près celle que vient d’effectuer, à l’invitation du président Abdelmadjid Tebboune, le Président du Conseil des ministres italien, Mario Draghi et qui a été conclue par la signature d’accords énergétiques importants entre l’Algérie et l’Italie.

    L’annonce du déplacement de Tebboune en Italie en mai prochain confirme la tendance au renforcement des relations algéro-italiennes. Aucune indication n’a été donnée concernant le déplacement, à Alger du ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, mais il n’est sans doute pas étranger au nouveau contexte énergétique créé par les mesures unilatérales prises par les pays membres de l’OTAN et leurs alliés contre la Russie, dans une vaine tentative de l’isoler au plan international. Le souci de l’approvisionnement en gaz naturel sur fond de crise ukrainienne fait bouger les ministres des Affaires étrangères des pays de l’Union européenne qui recherchent des alternatives, impossibles dans l’immédiat, au gaz russe.

    La venue de Le Drian à Alger intervient en pleine période électorale, entre les deux tours du scrutin présidentiel et avant le vote décisif du 24 avril qui permettra de savoir qui présidera la France durant les cinq années à venir : Emmanuel Macron ou Marine Le Pen. Le président Macron a visiblement été contraint à apporter des modifications à certaines positions qu’il a exprimées avant le premier tour. À propos de la crise ukrainienne, il s’est démarqué de l’hystérie politico-médiatique antirusse qui domine dans les pays membres de l’OTAN.

    Dans une interview au journal français Le Point, le président Macron a estimé que le monde traverse une période de transformation globale, et « n’est plus un monde bipolaire, mais un monde multipolaire ». « Je pense que Poutine respecte la France et la distingue des autres pays occidentaux. Il tient également compte du fait que nous avons un dialogue avec lui depuis longtemps, et ce dialogue est toujours franc et requis », a déclaré également Macron, « Nous voyons aussi que la Chine n’est pas prête à faire pression sur la Russie, et les pays du Golfe ont adopté une position neutre en raison de leur attitude sceptique envers les États-Unis, et de nombreux pays africains ont choisi de ne pas prendre parti », a-t-il ajouté.
    C’est la deuxième visite de Le Drian en Algérie après celle qu’il a effectuée en décembre dernier. Il avait été reçu en audience par le président Abdelmadjid Tebboune et à l’issue de cette audience, dans une déclaration à la presse, Jean-Yves Le Drian avait indiqué que sa visite en Algérie a eu pour objectif de « renouer une relation de confiance », marquée par le respect de la souveraineté de chacun, exprimant son « souhait » de travailler à « lever les blocages et les malentendus qui peuvent exister entre les deux pays ».

    « Ce déplacement (en Algérie) a pour double objectif de renouer une relation de confiance entre nos deux pays, marquée par le respect de la souveraineté de chacun, mais aussi de regarder vers l’avenir pour travailler à la relance et à l’approfondissement de notre partenariat qui est indispensable », avait-il indiqué.

    En décembre 2021, il s’agissait pour Le Drian de « relancer la relation franco-algérienne » après la crise provoquée par les propos– qualifiés d’irresponsables par les Algériens- qui ont été attribués au président Macron par les médias français mais qui n’avaient pas été démentis. Les commentateurs français avaient été unanimes à lier les déclarations du président français, en octobre 2021, au contexte pré-électoral à ce moment en France. Pour se faire réélire à un deuxième mandat, il avait lui aussi privilégié le thème de l’Algérie en s’attaquant à notre pays sur la base de contre-vérités. Pour rappel, en 2017, alors qu’il était dans la course à l’Elysée, Emmanuel Macron s’était rendu en Algérie pour y tenir un tout autre langage sur le système colonial qu’il fallait « regarder en face », et qu’il qualifiait de « crime contre l’humanité ».
    M’hamed Rebah

  • La France, la Russie et les sables mouvants du Sahel

    La France, la Russie et les sables mouvants du Sahel – Mali, Barkhane, Takuba, Niger, Burkina Faso,

    Eromo Egbejule*
    Le retrait des troupes françaises du Mali intervient après neuf ans de lutte contre l’insurrection islamiste.

    Le 17 février, la France et ses alliés européens ont annoncé qu’ils commenceraient à retirer leurs troupes du Mali après près de neuf ans de lutte contre une insurrection islamiste. Cette décision fait suite à une rupture des relations avec la junte au pouvoir au Mali, qui a pris le pouvoir lors du coup d’État de mai 2021, et est l’aboutissement de la montée du sentiment anti-français dans le pays.
    Le Niger voisin a salué le projet de la France de redéployer des troupes sur son territoire, mais d’autres pays de la région – comme le Burkina Faso et la Guinée – seraient également en train d’évaluer leurs relations avec la France.

    Insécurité au Sahel

    L’insurrection islamiste dans le nord du Mali a commencé en 2012. Elle a depuis déplacé environ un demi-million de personnes et fait des centaines de morts. La France a déployé pour la première fois des troupes au Mali en 2013 pour une célébration populaire. Son intervention a d’abord réussi à endiguer l’avancée des rebelles et à remettre des villes clés telles que Tombouctou sous le contrôle du gouvernement.

    Au fil des ans, cependant, les militants armés se sont regroupés et ont élargi la portée de leurs opérations. La recrudescence des attaques au Burkina Faso depuis 2015 environ, par exemple, a contribué à une crise humanitaire qui a maintenant contraint 1,7 million de personnes à quitter leur foyer. Selon l’Armed Conflict Location & Event Data Project , le Burkina Faso est désormais l’épicentre du conflit, comme en témoigne l’attaque du 5 juin 2021 au cours de laquelle des hommes armés ont tué environ 160 personnes dans la ville septentrionale de Solhan.

    L’instabilité politique a à la fois ajouté à cette insécurité dans la région et en a résulté. Depuis 2019, il y a eu quatre coups d’État réussis au Sahel (Burkina Faso, Tchad, Guinée et Mali) et deux échecs (Guinée Bissau et Niger). Certains analystes suggèrent que le succès perçu de certains coups d’État dans la région a contribué aux tentatives d’autres. Selon Paul Melly du programme Afrique de Chatham House, la montée des coups d’État a « généré un sentiment plus large de déstabilisation » et que « les soldats qui envisagent des tentatives de putsch peuvent de plus en plus se sentir habilités à le faire ».

    Les coups d’État ont également eu des facteurs communs. Le renversement au Burkina Faso en janvier dernier, par exemple, a suivi la montée des protestations populaires contre l’incapacité perçue du gouvernement à arrêter les attaques armées. Comme le souligne Mvemba Phezo Dizolele, directeur du programme Afrique au Centre d’études stratégiques et internationales (CSIS) basé aux États-Unis, le Burkina Faso a déjà connu des coups d’État militaires, mais le coup d’État de 2022 était remarquable pour « se produire en même temps que augmentation des attentats terroristes ».

    Les coups d’État au Mali ont également été motivés en partie par la perception que le gouvernement n’a pas réussi à gérer l’insurrection islamiste, et de nombreux citoyens ont soutenu les renversements dans l’espoir que les nouveaux gouvernements feront mieux pour lutter contre l’insécurité. Dans le même temps, les coups d’État maliens ont entraîné une détérioration des relations avec la France. Cette aigreur a commencé après le coup d’État d’août 2020 et s’est aggravée après le coup d’État de mai 2021, conduisant finalement la France à annoncer son retrait militaire.

    Le rapport pays 2022 sur le Mali dans l’indice de transformation (BTI) de la Bertelsmann Stiftung souligne à quel point cette instabilité politique a conduit le Mali à régresser. Son indice de gouvernance , qui mesure la constance des élites dans la poursuite d’une démocratie fondée sur l’État de droit et une économie de marché, est passé de 5,19 (sur 10 possibles) en 2020 à 4,66 en 2022. Et, comme le résume le rapport : « Aujourd’hui, La situation politique et sécuritaire ne diffère guère de celle de 2012, les deux tiers du territoire du pays étant toujours hors du contrôle de l’État malgré l’intervention de la communauté internationale depuis 2013. »

    Vers la Russie ?

    Le retrait d’environ 2 400 soldats français au Mali intervient à un moment où le groupe Wagner, un groupe paramilitaire russe, fait de plus en plus d’incursions dans le pays. La société militaire privée, créée en 2014 pour soutenir les séparatistes pro-russes dans l’est de l’Ukraine, a noué des liens plus étroits avec la junte malienne. Il a également des opérations dans des pays comme la République centrafricaine, le Tchad et le Mozambique.

    Malgré les affirmations de Bamako et de Moscou selon lesquelles les Russes au Mali ne sont que des entraîneurs et non des mercenaires, de plus en plus de rapports font état de combattants de Wagner vus dans tout le pays. Le mois dernier, des mercenaires russes présumés travaillant avec l’armée malienne auraient tué environ 300 personnes en cinq jours dans la région nord de Mopti.

    Pour de nombreux pays africains, la Russie offre une alternative intéressante à la France et à l’Occident. Pour le Mali, cela rend plus gérable le retrait annoncé de son ancien maître colonial. Le soutien de la Russie est assorti de peu de conditions et de moins de bagages historiques que les anciennes puissances coloniales et les États-Unis. C’est en partie pourquoi, lors du vote de l’Assemblée générale des Nations unies pour condamner les actions de la Russie en Ukraine, 17 pays africains – environ un tiers – se sont abstenus.

    Selon le Council on Foreign Relations, en optant pour une relative neutralité face à l’invasion russe, les dirigeants africains « mettent en balance leur engagement philosophique envers la souveraineté et l’intégrité territoriale avec le soutien matériel et militaire concret d’un dirigeant dont ils soupçonnent les intentions, mais dont le soutien sans les chaînes attachées sont devenues utiles. »

    *Eromo Egbejule est un journaliste nigérian. Entre autres, il écrit pour le Blog Bertelsmann Stiftungs BTI.

    African arguments, 13/04/2022

    #Sahel #Mali #Niger #BurkinaFaso #France #Barkhane #Takuba

  • Algérie – France : Jean-Yves Le Drian à Alger

    Algérie – France : Jean-Yves Le Drian à Alger – Russie, Ukraine, gaz, Emmanuel Macron, Comité intergouvernemental de haut niveau, CIHN,

    Le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, effectue en principe depuis hier une visite de deux jours en Algérie.

    Une visite qui n’a pas été annoncée, à l’heure où nous mettons sous presse, ni par Alger, ni par Paris. En tout cas, cette visite intervient dans un contexte international marqué par la guerre qui fait rage depuis un mois et demi maintenant entre la Russie et l’Ukraine. Une guerre qui a des retombées sur le monde entier et, dans ce cas précis, il n’y a qu’à voir la hausse vertigineuse des prix des hydrocarbures (pétrole et gaz). L’Europe qui dépend dans une large mesure de l’approvisionnement en gaz russe craint par-dessus tout cette arme que pourrait utiliser Moscou contre les Européens qui ont pris faits et cause pour l’Ukraine en accentuant les sanctions contre la Russie.

    D’ailleurs, dans ce contexte de tension et d’inquiétude, l’Algérie n’a eu de cesse de rassurer ses partenaires européens sur la poursuite de leur approvisionnement en gaz conformément à ses engagements contractuels. Les délégations espagnoles et italiennes ont, d’ailleurs, multiplié les visites à Alger ces dernières semaines. L’Algérie et l’Italie ont signé un nouveau contrat gazier. Un contrat à travers lequel l’Algérie va augmenter la quantité de gaz exporté vers l’Italie. C’est dans ce contexte précis qu’intervient la visite de Jean-Yves Le Drian à Alger. Il sera sûrement question entre les deux parties d’évoquer de nombreuses questions qui agitent le monde actuellement ainsi que les relations bilatérales. La France est un des rares pays européens qui a, à travers son Président Macron maintenu les canaux de dialogue avec Moscou. De son côté, l’Algérie ne s’est pas positionnée dans le camp occidental, tout en affichant une certaine prudence. En quelques mois seulement ce sera la troisième visite du chef de la diplomatie française en Algérie. La dernière visite remonte au mois de décembre dernier alors que les relations entre les deux pays traversaient une forte zone de turbulences. Une crise née des propos malveillants du Président Emmanuel Macron à l’égard de l’Algérie.

    Macron est alors allé jusqu’à douter de l’existence de la nation algérienne. C’en était trop pour Alger qui a de suite rappelé son ambassadeur en France pour consultations. Il est resté trois mois à Alger avant de revenir à son poste suite à la baisse de la tension entre les deux pays suite aux efforts consentis par les Français qui ont fait leur mea culpa. Mais malgré cette baisse de la tension, les relations entre Paris et Alger sont toujours tumultueuses et évoluent en dents de scie. Preuve en est que le Comité intergouvernemental de haut niveau (CIHN) a dû, à maintes reprises, reporter ses réunions à cause des brouilles entre les deux parties. Des brouilles qui portent sur les aspects économiques et politiques ainsi que sur des dossiers relevant de l’Histoire. Cette visite de Le Drian, qui intervient entre les deux tours de la présidentielle française, va peut-être permettre de dépoussiérer quelques dossiers.

    Par : KAMEL HAMED

    Le Midi libre, 14/04/2022

  • Enjeux énergétiques dans le monde : La paix passe par Alger

    Enjeux énergétiques dans le monde : La paix passe par Alger

    Enjeux énergétiques dans le monde : La paix passe par Alger – Maroc, gaz, Espagne, Italie, Ukraine, Maghreb, Russie,

    Au cœur des enjeux énergétiques qui animent le monde
    La paix passe par Alger
    L’Algérie a fort à faire pour stopper des velléités guerrières à son encontre et consolider des axes déjà établis.

    Les évolutions géopolitiques sont en passe de bouleverser les rapports internationaux. Cela n’échappe à personne et encore moins aux Algériens qui voient leur État prendre des décisions inédites, comme la rupture des relations avec le Maroc, la renégociation des prix du gaz destiné à l’Espagne ou encore très récemment, l’augmentation des quantités d’hydrocarbures fournies à l’Italie. Il devient très clair que le monde s’engage dans un nouveau cycle et les gestes des uns et des autres peut amener le danger aux portes du pays. Aussi les réactions rapides et énergiques de l’Algérie s’expliquent-elles en rapport avec ses intérêts propres, mais également dans le respect du droit international dont la diplomatie algérienne fait sienne.

    Visée depuis plusieurs années par une guerre de 4e génération, l’Algérie ne s’est pas laissé faire et adopté une posture offensive qui lui a permis de rayonner diplomatiquement sur la région et empêcher des desseins mortifères de se réaliser. Il reste cependant que la guerre qui fait rage en Ukraine est clairement un facteur aggravant quant au risque indirect qu’elle fait peser sur la stabilité du Maghreb et donc de l’Algérie.

    Ce conflit a déjà eu des répercussions profondes sur les relations entre la Russie et le bloc occidental, conduit par les Etats- Unis d’Amérique. Les conséquences économiques, politico-diplomatiques et le réarmement de l’Europe ne tardera pas à installer, de fait, un climat de guerre froide, dans une région-moteur du monde. La cassure provoquée par cette guerre, au coeur du Vieux Continent, aura à n’en pas douter des retombées sur plusieurs régions de la planète. Affirmer que le monde entre dans une nouvelle ère d’incertitude à tous les niveaux, c’est peu dire.

    Le face-à-face violent entre l’Occident et la Russie, dont l’Ukraine est le premier champ de bataille n’est pas près de finir. En somme, l’humanité sera irrémédiablement entraînée dans un nouveau cycle de frayeurs, autrement plus inquiétant que les 44 années de guerre froide qui a opposé les USA à l’URSS. On n’en est qu’au tout début d’un processus, dont les implications sont encore insoupçonnables.

    Dans l’échiquier géopolitique mondial, l’Algérie, comme beaucoup d’autres nations, devra se positionner au mieux de ces intérêts. En cela, les autorités du pays sont conscients des enjeux. La récente sortie du chef d’état-major de l’ANP signale l’impératif d’une extrême vigilance. «Ce que le monde d’aujourd’hui enregistre comme mutations géopolitiques profondes et défis sécuritaires complexes n’est en réalité que le prélude à des changements majeurs», a affirmé Saïd Chanegriha, comme pour alerter ses troupes, mais également l’opinion nationale sur les ambiguïtés qui vont certainement se faire jour et entraîner, d’une manière ou d’une autre, le pays dans une voie, dont on ne connaît pas aujourd’hui, les tenants et encore moins les aboutissants. Le chef d’état-major souligne que les implications du nouvel ordre mondial «auront sans aucun doute des impacts et des répercussions sur l’ensemble des États du monde, sans exception». De fait, l’Algérie est totalement partie prenante de ce qu’il adviendra de la planète à l’aune de l’agenda des Occidentaux et des Russes.

    Il reste que si la guerre en Ukraine paraît comme le socle qui portera la nouvelle politique, il est entendu que beaucoup d’États profiteront de la nouvelle donne annoncée pour faire passer leurs projets. En cela l’Algérie a fort à faire pour stopper des velléités guerrières à son encontre et consolider des axes déjà établis. La présence d’Israël aux frontières ouest du pays est, en soi, un facteur déstabilisant qui pourrait servir des desseins inavouables, adossés au nouvel ordre mondial. Le Maroc qui n’a de cesse de multiplier les provocations, l’Espagne qui cède au chantage de Rabat, la Libye où sévissent de nombreuses organisations avec des fils à la patte, constituent autant de défis pour un pays au centre d’une région en mutation que les forces antagoniques du nouvel ordre mondial voudraient avoir dans leur giron. L’instabilité des pays entourant l’Algérie, associée à l’appétit expansionniste doublé d’une nature maffieuse du régime marocain, n’arrange pas les choses. C’est dire que la géopolitique régional est loin d’être un fleuve tranquille.

    Il reste que dans cette guerre, l’Algérie possède pas mal d’atouts et un certain nombre d’amis précieux et déterminants. D’ailleurs, le chef d’état-major ne se trompe pas en rappelant les capacités dont dispose le pays pour «traverser avec succès l’épreuve d’adaptation à ces retombées». Conditionné par «la construction d’une économie nationale forte, capable d’assurer notre sécurité alimentaire, et la consolidation de la souveraineté géostratégique», comme le souligne le chef d’état-major, la résistance de l’Algérie a donc un coût, mais surtout un objectif clair et net.

    Saïd BOUCETTA

    L’Expression, 13/04/2022

    #Algérie

  • Marché pétrolier : L’OPEP refuse de produire plus

    Marché pétrolier : L’OPEP refuse de produire plus

    Marché pétrolier : L’OPEP refuse de produire plus – baisse de l’offre, production, diminution du brut russe, Russie,

    Les difficultés de l’Opep+ à atteindre le plafond de production convenu chaque mois reviennent par ces temps où les pays consommateurs font pression de toutes parts afin d’éliminer tout potentiel facteur haussier, tel que la baisse de l’offre et l’absence ou la diminution du brut russe sur le marché officiel.

    Durant cette fameuse première semaine d’avril, entre le 1er et le 6, les données du ministère russe donnent une production de 10,52 millions de barils par jour (bpj) de pétrole. C’est environ 500000 bpj en dessous de la production russe moyenne pour tout le mois de mars.

    Les analystes avertissent que  « si la tendance se poursuit tout au long du mois d’avril, la Russie pourrait connaître sa plus forte baisse mensuelle de production de pétrole depuis mai 2020, lorsqu’elle a commencé à réduire volontairement sa production dans le cadre de l’accord Opep+ ».

    Réveil D’Algérie, 12/04/2022

    #Pétrole #OPEP #OPEC

  • Mario Draghi en Algérie pour davantage de gaz algérien

    Mario Draghi en Algérie pour davantage de gaz algérien

    Mario Draghi en Algérie pour davantage de gaz algérien – Italie, Russie,

    Rome, 10 avr. (EFE) – Le président du Conseil italien Mario Draghi se rendra lundi en Algérie dans l’intention de conclure de nouveaux accords d’achat de gaz qui lui permettront d’accélérer la fin de la dépendance aux approvisionnements russes, suite à l’invasion de l’Ukraine.

    M. Draghi arrivera à 13h30 heure locale (11h30 GMT) à l’aéroport international d’Alger et, après une visite protocolaire au monument des martyrs, rencontrera le président Abdelmadjid Tebboune à deux reprises au cours de ce voyage d’une journée.

    Ils se rencontreront d’abord au palais présidentiel « El Mouradia », puis lors d’un dîner à la résidence officielle de M. Tebboune.

    Une heure avant, Draghi rencontrera la communauté italienne en Algérie à leur ambassade.

    Il s’agit d’une visite importante pour l’Italie, un pays qui tente actuellement de lutter contre sa dépendance énergétique (elle importe 90 % du gaz qu’elle consomme, dont environ 40 % en provenance de la Russie de Vladimir Poutine).

    C’est pourquoi la diplomatie italienne s’est concentrée sur le divertissement de son pays voisin africain, son deuxième plus grand vendeur de gaz après la Russie et d’où provient 30 % de sa consommation nationale.

    Le voyage de M. Draghi a été précédé d’une mission en Algérie, en novembre, du chef de l’État italien, Sergio Mattarella, et du ministre des affaires étrangères, Luigi Di Maio, accompagnés du PDG de la société énergétique Eni, Claudio Descalzi.

    Cette visite intervient également dans un contexte de tensions entre l’Algérie et l’Espagne, suite au changement de politique étrangère du pays européen concernant le Sahara occidental, qui a récemment soutenu une proposition marocaine de souveraineté sur la région.

    « Demain, je me rendrai avec Draghi en Algérie pour signer un accord sur le gaz qui nous permettra de faire face à une éventuelle extorsion russe. Malheureusement, nous avons pris du retard, car nous aurions dû nous diversifier beaucoup plus tôt, mais nous avons de nombreux partenaires et amis dans le monde », a déclaré M. Di Maio aux médias aujourd’hui à Caserta (sud).

    Swissinfo, 10 avr 2022

    #Algérie #Italie #Gaz #Russie

  • L’Algérie et Moscou sur la même longueur d’onde

    L’Algérie et Moscou sur la même longueur d’onde – Russie, Lamamra, Lavrov, Occident, Kremlin, Ukraine, Antony Blinken,

    L’Algérie et la Russie affichent plus que des expressions d’amitié. Les deux gouvernements veulent maintenant « imprimer une nouvelle dynamique aux mécanismes régissant les relations stratégiques unissant les deux pays », selon un communiqué des Affaires étrangères.

    En Alger et Moscou, les liens n’ont jamais été aussi forts et clairement assumés. Alors que l’Occident entame un bras de fer avec le Kremlin à la suite de son intervention militaire en Ukraine, le ministre algérien des Affaires étrangères a profité d’une mission arabe de bons offices pour s’entretenir avec de hauts responsables russes.

    Il a ainsi passé en revue, avec son homologue Sergueï Lavrov et avec le chef du Conseil de sécurité Nikolaï Patrouchev, « les perspectives de renforcement de la coopération entre les deux pays », selon un ministère du MAE. De son côté, Lavrov a exprimé dans l’ambiance détendue qui régnait lors de sa rencontre avec Ramtane Lamamra son désir de visiter très prochainement l’Algérie.

    Les discussions entre les deux hommes ont eu lieu seulement quelques jours après le passage du secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, venu apparemment sonder la position des autorités algériennes sur les événements qui secouent actuellement l’Europe.

    L’Etat algérien observe, depuis le début de la crise, une stricte neutralité sur le dossier. Il se garde, en même temps, de compromettre ses relations avec la Russie qui est son alliée dans différents domaines, notamment militaire.  

    D’ailleurs, si l’on croit le média Russia Today (RT), les armées des deux pays mèneront conjointement en novembre prochain des manœuvres militaires à Hammaguir, dans la wilaya de Béchar. Les exercices simuleront des opérations de lutte antiterroriste auxquelles participeront des forces spéciales des deux états-majors, selon le bureau de presse du district militaire russe cité par RT. Une première réunion de planification de ces entraînements d’envergure a eu lieu dans la ville de Vladikavka et a concerné la coordination des exercices ainsi que la logistique.

    En multipliant ces gestes d’amitié et de confiance, l’Algérie montre clairement que ses liens avec la Russie vont au-delà de telle ou telle conjoncture mais font partie d’une profondeur stratégique aux racines lointaines. Sans avoir, à aucun moment, applaudi son assaut contre l’Ukraine, elle refuse de se ranger dans le camp des rivaux.

    C’est l’idée qu’a voulu également transmettre le président de l’Assemblée populaire nationale (APN), Brahim Boughali en recevant l’ambassadeur de la Fédération de Russie en Algérie, Igor Beliaev pour constater, là aussi, « les relations bilatérales distinguées » qui unissent les deux pays.

    Boughali a, d’autre part, affirmé « l’attachement de l’Algérie à son partenariat stratégique approfondi avec la Russie », jugeant nécessaire « d’exploiter tous les atouts pour diversifier les domaines de coopération ».

    Le président de l’APN a, toutefois, précisé qu’en matière d’actualité mondiale, l’Algérie « adopte une approche pacifique dans la résolution des crises, une approche basée sur le dialogue et la négociation ». Il a, dans le même élan, recommandé « d’unifier les normes dans le traitement des crises ». Une cause entendue par le représentant du Kremlin à Alger qui a remercié l’Algérie pour sa « position équilibrée vis-à-vis de la crise ukrainienne ».

    Ali Younsi-Massi

    La Nation, 06/04/2022

    #Algérie #Russie

  • Le conflit du Sahara occidental, le Maroc et l’Algérie

    Le conflit du Sahara occidental, le Maroc et l’Algérie – Front Polisario, Maghreb, Union Européenne, UE, Russie, Israël, migration,

    Comment le conflit du Sahara occidental alimente de nouvelles tensions entre le Maroc et l’Algérie.

    Résumé
    -Les tensions entre le Maroc et l’Algérie ont augmenté ces derniers temps, et le risque de conflit armé est désormais plus élevé.
    -Cette escalade trouve son origine dans le conflit sur le statut du Sahara occidental, où le Maroc semble estimer que sa revendication de souveraineté bénéficie d’un soutien international.
    -Le Maroc et l’Algérie entretiennent des relations importantes avec Israël et la Russie respectivement, mais ils ont également en commun des partenaires importants qui pourraient jouer un rôle dans la prévention de l’aggravation de l’impasse.
    -Le Maroc et l’Algérie ont des intérêts en Europe que l’UE et les États membres peuvent utiliser pour minimiser les tensions, et réduire le risque d’instabilité et d’augmentation des flux migratoires à travers la Méditerranée.
    -Pour y parvenir, les Européens devraient établir une relation plus équilibrée avec le Maroc, sans aliéner l’Algérie, tout en cherchant à consolider leur engagement avec l’Algérie.

    Introduction
    Le Maroc et l’Algérie, les pays dominants du Maghreb, sont enfermés dans une impasse diplomatique. Leur rivalité remonte à plusieurs décennies, mais elle a pris une tournure dramatique au cours de l’année dernière. Depuis août 2021, l’Algérie a rompu ses relations diplomatiques avec le Maroc, coupé les livraisons de gaz qui passaient auparavant par le Maroc pour atteindre l’Espagne, et accusé les forces marocaines d’avoir tué trois citoyens algériens dans le territoire contesté du Sahara occidental. Les tensions entre ces deux pays lourdement armés ont suscité des inquiétudes dans la région et en Europe, qui craignent que le Maroc et l’Algérie ne dérivent vers un conflit ouvert, risquant de déstabiliser massivement l’Afrique du Nord avec toutes les conséquences que cela impliquerait pour l’Union européenne.spa

    L’escalade est intervenue après que les relations déjà médiocres entre les deux pays ont été perturbées par une série de développements, notamment un changement de position des puissances extérieures. Un moment décisif a été la décision du président Donald Trump de reconnaître la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental en décembre 2020 en échange de la normalisation des relations du Maroc avec Israël. Elle a placé le pays le plus puissant du monde dans le camp du Maroc sur une question d’importance fondamentale pour le royaume, à un moment où les tensions sur le Sahara occidental s’étaient déjà ravivées après la rupture d’un cessez-le-feu de longue date entre le Maroc et le mouvement indépendantiste Front Polisario. Le réchauffement des liens entre le Maroc et Israël fait entrer pour la première fois cette puissance régionale polarisante dans le délicat équilibre des pouvoirs au Maghreb. De son côté, l’Algérie a récemment mené des exercices militaires conjoints en Ossétie du Sud avec la Russie, qui fournit depuis longtemps une grande partie des armes de l’Algérie.

    Il existe de nombreux cas dans l’histoire récente du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord dans lesquels l’implication de puissances extérieures a conduit à l’escalade du conflit. Cependant, il y a également des raisons de penser que l’impasse entre l’Algérie et le Maroc pourrait rester contenue. Les deux pays ont des raisons d’éviter un conflit ouvert, notamment le besoin urgent de se concentrer sur les préoccupations économiques nationales. Un autre facteur important est que de nombreux partenaires extérieurs importants ont des liens avec les deux pays et ont intérêt à atténuer les tensions plutôt que de les attiser.

    Les États européens et l’UE figurent en bonne place parmi ces partenaires. Ils jouent un rôle clé en Afrique du Nord en raison de leurs liens historiques, de leur proximité et de leurs liens économiques avec la région. L’UE et ses États membres pourraient contribuer à réduire les tensions entre le Maroc et l’Algérie – mais pour ce faire, ils doivent maintenir une position équilibrée dans leurs relations avec les deux pays. Au lieu de cela, les dirigeants européens semblent souvent peu disposés à s’opposer aux exigences du Maroc, encourageant ainsi ses politiques maximalistes et sapant leur crédibilité auprès de l’Algérie. Plus récemment, l’Espagne a changé de politique pour approuver le plan d’autonomie du Maroc pour le Sahara occidental, suite à une campagne de pression marocaine soutenue qui comprenait l’envoi de vagues de migrants sur le territoire espagnol.

    Laisser le Maroc définir les termes de ses relations avec l’UE risque d’encourager le pays à s’affirmer encore plus et de projeter une image de faiblesse stratégique qui va à l’encontre de l’objectif de l’UE de devenir une puissance géopolitique. Elle compromet également sa capacité à jouer un rôle modérateur en Afrique du Nord et menace ainsi de nuire aux intérêts européens plus larges dans la région. L’UE devrait recalibrer ses politiques afin de mieux réaliser ses ambitions à long terme dans ses relations avec le Maroc et l’Algérie, notamment en influençant la dynamique de l’escalade entre les deux rivaux.

    L’évolution des relations algéro-marocaines

    Les mouvements indépendantistes algériens et marocains ont entretenu des liens étroits, mais lorsque l’Algérie a rejoint le Maroc en tant qu’État indépendant en 1962, les relations entre les pays se sont rapidement détériorées[1]. La cause immédiate des frictions était un différend frontalier portant sur un morceau de territoire désertique que les administrateurs coloniaux français avaient attribué à l’Algérie et que le Maroc cherchait à récupérer après l’indépendance des deux pays. Les tentatives marocaines de s’emparer de ce territoire en 1963 ont entraîné une brève flambée de combats entre les deux pays, surnommée la « guerre des sables ». Après quelques semaines, alors que l’on craignait que l’implication de puissances extérieures ne conduise à une nouvelle escalade, les parties ont convenu d’un cessez-le-feu grâce à des négociations menées par l’Éthiopie et le Mali. Néanmoins, les tensions ont persisté. Cela s’explique en partie par les différences idéologiques entre la monarchie conservatrice du Maroc et le rôle prépondérant de l’Algérie en tant que soutien des mouvements révolutionnaires du tiers-monde, mais un facteur plus important était probablement leur rivalité géopolitique pour le rôle de leader dans la région. Selon l’historien britannique Michael Willis, les tensions persistantes entre le Maroc et l’Algérie sont « enracinées dans des différences sur des questions plus profondes que l’idéologie »[2].

    Depuis 1975, la question dominante entre les deux pays est le conflit du Sahara occidental. Après le retrait des forces de l’ancienne puissance coloniale espagnole et le transfert du contrôle du territoire au Maroc et à la Mauritanie, l’Algérie a apporté son soutien aux revendications d’autodétermination du peuple sahraoui et au mouvement Polisario qui lutte en son nom. L’Algérie avait été réticente à soutenir la position du Polisario avant le retrait de l’Espagne et semblait même disposée à accepter les revendications du Maroc en échange du règlement de son propre différend frontalier avec ce pays. Cependant, une fois que le Maroc s’est emparé de la majeure partie du Sahara occidental, l’Algérie a commencé à fournir un soutien militaire au Polisario et a permis à ses dirigeants (ainsi qu’à de nombreux réfugiés sahraouis) de s’établir sur le territoire algérien ; il y a même eu des escarmouches en 1976 entre les forces marocaines et algériennes sur le territoire. Comme Hugh Lovatt et Jacob Mundy l’ont écrit pour l’ECFR, l’Algérie était motivée en grande partie par « la menace stratégique qu’elle voyait de plus en plus dans un Maroc enhardi et expansionniste ». L’Algérie a également été l’un des principaux soutiens diplomatiques de la République arabe sahraouie démocratique (RASD), l’État proclamé par le Polisario en 1976.

    Avec le soutien de l’Algérie, le Polisario a pu causer de sérieux problèmes aux forces marocaines au Sahara occidental, mais le conflit s’est stabilisé au milieu des années 1980 après la construction par le Maroc d’un énorme mur de sable, ou berme, le long de la frontière du territoire qu’il contrôle. Dans la dernière partie de la décennie, les tensions entre l’Algérie et le Maroc se sont apaisées. Les relations diplomatiques, que le Maroc avait rompues en 1976, ont été rétablies en 1988. Cette réconciliation partielle a à son tour rendu possible l’accord d’une nouvelle organisation régionale regroupant les cinq pays du Maghreb (Algérie, Libye, Mauritanie, Maroc et Tunisie), l’Union du Maghreb arabe (UMA), en 1989. En 1991, le Maroc et le Polisario ont convenu d’un plan de règlement pour le Sahara occidental sous les auspices de l’ONU, impliquant un cessez-le-feu sous surveillance de l’ONU et l’engagement d’organiser un référendum sur le statut du territoire dans les deux ans.

    Cependant, le référendum promis n’a jamais eu lieu, en partie à cause de différends sur les personnes autorisées à voter. L’incapacité à progresser sur la question du Sahara occidental et la réaffirmation du contrôle interne par les militaires algériens (traditionnellement hostiles au Maroc) à la suite de l’annulation des élections de 1992 et de l’assassinat du président algérien six mois plus tard, ont entraîné une détérioration progressive des relations entre l’Algérie et le Maroc. Après que le Maroc a accusé l’Algérie d’être impliquée dans une attaque terroriste à Marrakech en 1994 et a imposé une obligation de visa aux Algériens se rendant au Maroc, l’Algérie a fermé la frontière entre les deux pays. Elle n’a jamais été rouverte, malgré les appels périodiques du Maroc à rétablir des relations normales. Loin de fournir un forum pour un engagement plus profond, l’UMA a été largement paralysée par la rivalité entre l’Algérie et le Maroc.

    Comme il est devenu clair que le plan de règlement ne fournirait pas la base pour résoudre le statut du Sahara Occidental, les Nations Unies ont renouvelé leur recherche d’un accord négocié. Les envoyés successifs de l’ONU ont essayé de trouver un accord mutuellement acceptable – mais ont eu peu à montrer pour leurs efforts. Le Maroc et l’Algérie ont été en désaccord sur le format des négociations : Le Maroc, considérant le Polisario comme une création largement algérienne, a cherché à inclure l’Algérie ainsi que la Mauritanie dans les pourparlers, tandis que l’Algérie a insisté pour que des discussions bilatérales aient lieu entre le Maroc et le Polisario, ce dernier étant le représentant légitime du peuple sahraoui. En 2018 et 2019, grâce à une concession algérienne, des pourparlers ont eu lieu à Genève sous forme de table ronde, l’Algérie et la Mauritanie y participant avec le statut d’observateurs.

    Les causes de la rupture

    En 2017, le Maroc a réintégré l’Union africaine après une interruption de 33 ans, après avoir quitté son prédécesseur, l’Organisation de l’unité africaine, en 1984 pour protester contre l’admission de la RASD en tant que membre de l’organisation. Le retour du Maroc a été le signe d’une nouvelle énergie diplomatique et d’une confiance dans sa politique régionale, à un moment où la politique étrangère algérienne semblait stagner en raison de l’incapacité de son président malade, Abdelaziz Bouteflika. Le Maroc a également réussi à persuader une vague de plus de 20 pays arabes et africains d’ouvrir des consulats sur le territoire, indiquant ainsi leur acceptation de la revendication de souveraineté du Maroc.

    Ces démarches diplomatiques ont été suivies par une réouverture des hostilités entre le Maroc et le Polisario en novembre 2020. Le Polisario a annoncé la fin du cessez-le-feu après que les forces marocaines ont traversé la zone tampon de Guerguerat, patrouillée par l’ONU, pour déloger des manifestants sahraouis qui, selon le Maroc, bloquaient le trafic de marchandises sur la route principale reliant le Maroc à la Mauritanie en passant par le Sahara occidental. Malgré l’action du Polisario, la décision de Trump, le mois suivant, de reconnaître la souveraineté marocaine sur le territoire semblait confirmer que la nouvelle affirmation du Maroc portait ses fruits. Mais, pour l’Algérie, le rapprochement du Maroc avec Israël est apparu comme une menace directe : Le Premier ministre algérien, Abdelaziz Djerad, a déclaré que l’Algérie avait été « visée » par « l’arrivée à ses portes de l’entité sioniste ». Lorsque le ministre israélien des affaires étrangères Yaïr Lapid s’est rendu au Maroc, il a critiqué le rôle de l’Algérie dans la région et s’est inquiété de ses liens avec l’Iran.

    Dans ce contexte, deux autres actions marocaines ont semblé confirmer les affirmations algériennes selon lesquelles l’Algérie était confrontée à une plus grande menace de la part de son voisin. La publication d’une enquête journalistique détaillée sur l’utilisation mondiale du logiciel de piratage téléphonique Pegasus a montré que le Maroc avait espionné de manière extensive des cibles algériennes, ciblant plus de 6 000 personnes – une action particulièrement mal perçue car le logiciel a été développé par une société israélienne, NSO Group. Dans le même temps, le Maroc a lancé une campagne visant à renverser le soutien algérien au Polisario en promouvant la cause du mouvement séparatiste dans la région de Kabylie en Algérie. En juillet 2021, l’ambassadeur du Maroc auprès des Nations unies, Omar Hilale, a distribué une note affirmant que « le vaillant peuple kabyle mérite, plus que tout autre, de jouir pleinement de son droit à l’autodétermination. »

    Ce fut la goutte d’eau qui a conduit l’Algérie à rappeler son ambassadeur, puis à rompre ses relations diplomatiques. Un diplomate algérien aurait déclaré que le Maroc avait touché à deux des plus grands tabous de la politique algérienne : son souci de l’unité nationale et sa politique envers Israël. L’Algérie a également accusé le Maroc et Israël d’avoir collaboré avec le groupe séparatiste kabyle MAK pour déclencher une série d’incendies de forêt qui ont causé d’importants dégâts au cours de l’été 2021. L’Algérie a pris de nouvelles mesures contre le Maroc à l’automne 2021, en fermant son espace aérien aux avions marocains et en mettant fin aux livraisons de gaz par le gazoduc Maghreb-Europe qui relie l’Algérie, le Maroc et l’Espagne – et qui fournissait le gaz utilisé pour environ un dixième de l’approvisionnement en électricité du Maroc.

    Manœuvres militaires

    L’élément le plus alarmant de cette impasse est la reprise des combats au Sahara occidental et la possibilité que l’Algérie et le Maroc entrent en conflit direct. Le Polisario a mis fin au cessez-le-feu en réaction à l’incursion du Maroc dans la zone tampon, mais sa décision répondait également à une impatience à plus long terme parmi les jeunes combattants du Polisario, frustrés par l’incapacité de la diplomatie à obtenir des résultats. Depuis lors, le conflit est resté à un faible niveau d’intensité, selon l’ONU. Les combattants du Polisario ont déclaré aux journalistes qu’ils avaient attaqué à plusieurs reprises des bases marocaines le long du mur de sable, mais rien n’indique que leurs actions aient causé de graves problèmes au Maroc. De son côté, le Maroc aurait utilisé des drones fournis par la Turquie et la Chine pour attaquer les combattants du Polisario dans la zone qu’ils contrôlent, notamment le chef de la gendarmerie du Polisario, Addah Al-Bendir, tué en avril 2021.

    En novembre 2021, un convoi commercial de chauffeurs routiers algériens traversant la partie du Sahara occidental contrôlée par le Polisario a été touché par un attentat à la bombe apparent, tuant trois hommes. Dans une déclaration, l’Algérie a affirmé que l’attaque avait été menée par les forces marocaines à l’aide d’ »armes sophistiquées », laissant entendre qu’il s’agissait d’une attaque de drone. Le Maroc a nié toute responsabilité. Il s’agit d’un moment de danger dans l’impasse algéro-marocaine, et l’Algérie a averti que les meurtres « ne resteraient pas impunis ». Cependant, malgré sa rhétorique belliqueuse, l’Algérie n’a jamais fourni de preuve que le Maroc avait mené l’attaque, et elle ne semble pas avoir effectué d’acte de représailles. Rien n’indique non plus que l’Algérie ait intensifié de manière significative les livraisons d’armes au Polisario depuis la rupture du cessez-le-feu. Selon le Polisario, le soutien algérien se renforce, mais il y a peu de preuves de la livraison d’armes sophistiquées[3]. Les rapports sur les opérations du Polisario continuent de décrire une force de combat qui s’appuie sur un armement vieux de plusieurs décennies.

    Tout échange militaire direct entre l’Algérie et le Maroc mettrait en conflit deux des plus grandes forces militaires d’Afrique. Une course aux armements entre les deux rivaux est déjà en cours, et tous deux ont des liens avec des fabricants d’armes de pointe. L’Algérie est un géant militaire : son budget de défense en 2020 était de 9,7 milliards de dollars, le plus important d’Afrique. Un peu moins de 70 % du matériel militaire algérien provient de la Russie. Elle devait recevoir cette année une commande de 14 avions d’attaque Su-34 et aurait discuté de l’achat du chasseur furtif Su-57. Le budget du Maroc est plus modeste, avec 4,8 milliards de dollars en 2020, mais cela représentait déjà une augmentation de 54 % depuis 2011, et les dépenses de défense devraient passer à 5,5 milliards de dollars en 2022. En outre, le Maroc est en pleine mise à niveau de ses forces, y compris un accord de défense aérienne de 500 millions de dollars avec Israël. Le Maroc et Israël ont signé un accord de défense en novembre 2021 qui engage les deux pays à coopérer en matière d’échange d’informations, de projets communs et de ventes d’armes.

    Le jeu d’équilibre de l’Algérie

    Malgré ces tendances, il serait erroné de voir une dynamique inévitable d’accroissement des tensions entre l’Algérie et le Maroc, ou que celles-ci soient principalement alimentées par la Russie et Israël. Du côté algérien, l’attachement de longue date du pays au principe de souveraineté et sa tradition de résistance à toute obligation susceptible de contraindre sa liberté d’action limitent l’influence qu’il a permis à la Russie d’obtenir. L’Algérie a refusé une série de demandes russes visant à obtenir l’autorisation de construire une base navale dans la ville côtière algérienne d’Oran. Elle a également acheté des armes à l’Allemagne et à l’Italie. Lors du vote de l’Assemblée générale des Nations unies sur une résolution condamnant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, l’Algérie a préféré s’abstenir plutôt que de soutenir la Russie. Le Maroc n’a pas voté du tout, espérant manifestement ne pas s’aliéner les membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU dont il pourrait avoir besoin pour le Sahara occidental. Cela signifie que les positions des rivaux nord-africains n’étaient pas très différentes.

    L’approche adoptée par l’Algérie en matière d’exportations de gaz à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie témoigne également d’une volonté d’équilibrer ses relations avec la Russie et d’autres partenaires, en plus de servir ses propres intérêts économiques. L’Algérie fournissait 11 % du gaz européen avant la guerre et, dès le début de celle-ci, elle a proposé d’augmenter ses livraisons via le gazoduc transméditerranéen reliant l’Algérie à l’Italie afin de compenser toute insuffisance des livraisons européennes en provenance de la Russie. Le directeur de la compagnie gazière publique algérienne Sonatrach, Toufik Hakkar, a déclaré dans une interview au journal algérien Liberté que l’Algérie était « un fournisseur de gaz fiable pour le marché européen et qu’elle était prête à soutenir ses partenaires à long terme au cas où la situation se détériorerait ». Toutefois, après que ses commentaires ont été largement rapportés, Sonatrach s’est plainte qu’ils avaient été déformés par le journal – un signe apparent que l’Algérie n’était pas prête à rompre trop publiquement avec la Russie.

    Depuis l’arrivée d’Abdelmadjid Tebboune à la présidence de l’Algérie en décembre 2019, le pays a tenté de revitaliser sa politique étrangère. Cela a impliqué une réponse plus forte aux mouvements marocains, mais aussi le renouvellement des liens avec des partenaires qui ne soutiendraient pas une nouvelle escalade. L’une des priorités de M. Tebboune a été de redonner à l’Algérie une place plus centrale dans la diplomatie arabe en organisant un sommet réussi de la Ligue arabe. Reporté de mars 2022, le sommet a maintenant été confirmé pour novembre 2022. Tebboune a intérêt à ce que de nombreux dirigeants arabes y assistent, ce qui l’incitera à éviter toute action provocatrice à l’encontre du Maroc.

    L’Algérie a également renforcé ses liens avec la Turquie et entretient des liens de longue date avec la Chine. Ces deux pays entretiennent de bonnes relations avec le Maroc et ne profiteraient pas d’une augmentation des tensions entre les deux rivaux nord-africains. L’Algérie a également une relation de sécurité bien développée avec les États-Unis, qui a persisté malgré la reconnaissance par Trump de la revendication du Maroc sur le Sahara occidental. Rien qu’en mars 2022, de hauts responsables américains du département de la défense et du département d’État se sont rendus en Algérie pour un dialogue militaire et un dialogue stratégique conjoints. Enfin, l’Algérie est fortement dépendante de l’Europe pour son commerce extérieur : l’UE est le premier partenaire commercial de l’Algérie et représente 46,7 % des exportations algériennes (principalement des hydrocarbures).

    Ainsi, la politique étrangère algérienne est marquée par une « géométrie variable », selon les termes de l’analyste franco-algérien Akram Belkaid. Le pays combine une position robuste par rapport au Maroc (ainsi que dans sa rhétorique envers l’ancienne puissance coloniale, la France) avec une approche plus pragmatique avec d’autres partenaires, tout en préservant toujours un certain degré d’autonomie. Le chercheur Adlene Mohammedi a récemment écrit que « malgré des discours parfois controversés, la politique étrangère de l’Algérie se caractérise essentiellement par la discrétion et la prudence. » Ce positionnement signifie qu’il est peu probable qu’elle pousse sa confrontation avec le Maroc à un niveau tel qu’elle met en péril d’autres relations de politique étrangère. De manière cruciale, il fournit également une ouverture pour les partenaires, y compris l’Europe et les États-Unis, pour promouvoir la désescalade.

    La politique étrangère algérienne ne peut être comprise indépendamment de la politique intérieure du pays. Le mouvement de protestation du Hirak qui a explosé en 2019 s’est calmé face à une répression ciblée contre les militants. Cependant, le soutien populaire au régime semble limité : une indication est que la participation aux élections législatives de juin 2021 n’a été que de 23 %. Traditionnellement, les élites dirigeantes algériennes considéraient la politique dure à l’égard du Maroc comme un moyen de rallier le soutien nationaliste au régime algérien, mais il n’est pas clair dans quelle mesure cela reste le cas. Si l’establishment politique et l’armée qui le soutient ont toujours eu des opinions fortement anti-marocaines, la méfiance de la population à l’égard des autorités et sa préoccupation pour les problèmes socio-économiques sont susceptibles de limiter les avantages politiques qu’une position agressive contre le Maroc peut apporter.

    D’après le politologue Zine Labidine Ghebouli, la politique étrangère algérienne et l’opinion publique sur le rôle du pays sont en pleine évolution[4]. Alors que les parties les plus conservatrices de la population restent attachées à une vision traditionnelle du rôle de l’Algérie axée sur le soutien à l’autodétermination, il existe également une partie croissante de l’opinion qui est plus sceptique à l’égard des récits officiels et plus sensible à la nécessité d’un soutien économique et d’un investissement accru. Alors que l’opposition algérienne à Israël reste très répandue, il n’est pas certain que le gouvernement considère une nouvelle confrontation avec le Maroc comme un atout politique incontestable.

    Il est certain que l’Algérie réagira à toute nouvelle mesure marocaine qui pourrait être considérée comme une provocation. Elle a continué à envoyer des convois commerciaux à travers le Sahara Occidental à la suite de la récente attaque, et il ne fait aucun doute qu’une nouvelle attaque contre des citoyens algériens recevrait une réponse forte. Mais en l’absence de toute nouvelle escalade du côté marocain, l’Algérie pourrait bien se contenter de maintenir ses initiatives contre le Maroc au niveau de la rhétorique.

    Le Maroc – une stratégie d’affirmation de soi

    Ces dernières années, et en particulier depuis la reconnaissance par Trump de sa souveraineté sur le Sahara occidental, le Maroc agit avec une affirmation de plus en plus marquée, non seulement à l’égard de l’Algérie mais aussi de l’Europe. En mars 2021, le Maroc a rompu sa coopération diplomatique avec l’Allemagne et a ensuite rappelé son ambassadeur en réponse à ce qu’il a décrit comme « l’attitude destructrice » de l’Allemagne sur le Sahara occidental, qui a notamment demandé une audience à huis clos du Conseil de sécurité de l’ONU après la décision de Trump. En avril 2021, le Maroc s’est également engagé dans une querelle diplomatique avec l’Espagne suite à la décision de Madrid de permettre au leader du Polisario Brahim Ghali d’entrer en Espagne pour être traité pour le covid-19. Dans le cadre de sa réponse, le Maroc a parfois facilité le passage de migrants en territoire espagnol sur la côte nord-africaine, notamment dans les villes de Ceuta et Mellila.

    En novembre 2021, le roi Mohammed VI a prononcé un discours dans lequel il a affirmé avec force que la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental ne ferait jamais l’objet de négociations, la décrivant comme « une vérité aussi pérenne qu’immuable ». Il a également averti que le Maroc n’accepterait jamais aucune initiative économique ou commerciale qui exclurait le Sahara Occidental. Ceci a des implications évidentes pour les relations du Maroc avec l’Europe. Deux mois plus tôt, la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJEU) avait jugé que deux accords de commerce et de pêche entre l’UE et le Maroc étaient invalides parce qu’ils s’étendaient aux produits originaires du Sahara Occidental sans que le consentement du peuple sahraoui ait été demandé pour ces accords. Le Conseil de l’Union européenne a voté pour faire appel de la décision, mais il est probable que la décision sera confirmée. Il est difficile de voir comment les accords pourraient être révisés de manière à satisfaire à la fois les demandes du Maroc et les conditions de la cour.

    Néanmoins, les politiques énergiques du Maroc ont obtenu certains résultats. Plus particulièrement, il a été révélé en mars 2022 que le premier ministre espagnol avait écrit une lettre au Roi Mohammed VI disant que le plan d’autonomie du Maroc pour le Sahara Occidental était « la base la plus sérieuse, réaliste et crédible » pour résoudre le conflit. Cela a marqué un changement majeur dans la position de l’Espagne, puisqu’elle était auparavant restée neutre entre les propositions du Maroc et du Polisario et avait seulement appelé à une solution négociée sous les auspices de l’ONU. La démarche espagnole s’inscrit dans le cadre d’une réconciliation avec le Maroc, ouvrant ce que les autorités espagnoles ont appelé une « nouvelle étape » dans les relations entre les deux pays.

    On pourrait arguer que le changement de position de l’Espagne a peu d’impact sur le fond, puisqu’un accord devra encore être trouvé par le biais de négociations. Mais la décision de l’Espagne risque d’envoyer un signal au Maroc, lui indiquant qu’il bénéficie d’un soutien international croissant pour son approche intransigeante. L’Allemagne avait auparavant réglé son différend avec le Maroc en des termes plus neutres, avec une déclaration décrivant le plan d’autonomie du Maroc comme « une contribution importante ». Le président Joe Biden a également permis que la reconnaissance de la souveraineté marocaine par Trump soit maintenue, bien que son administration ait largement suivi une politique consistant à éviter le sujet et à soutenir la reprise des négociations sous l’égide de l’envoyé des Nations unies récemment nommé, Staffan de Mistura. Les États-Unis semblent avoir obtenu le soutien du Maroc pour la nomination de Mistura en partie en évitant de revenir sur la décision de Trump.

    Vers une approche européenne plus équilibrée

    Toute nouvelle détérioration des relations entre l’Algérie et le Maroc pourrait avoir des conséquences importantes pour l’Europe. Un conflit entre les deux pays entraînerait probablement une forte augmentation de la migration vers l’UE, et surtout vers l’Espagne. Il aurait un impact profondément déstabilisant dans l’ensemble des régions du Maghreb et du Sahel, faisant reculer les espoirs européens de développement économique en Afrique du Nord, qui pourrait jouer un rôle important dans la transition verte de l’Europe, entre autres intérêts. Un conflit pourrait également permettre à des groupes extrémistes de gagner du terrain.

    La récente montée des tensions entre le Maroc et l’Algérie découle d’une série de changements qui ont bouleversé le statu quo antérieur. Le meilleur espoir pour l’Europe d’aider à stabiliser leurs relations réside dans le maintien d’une approche équilibrée vis-à-vis des deux pays, afin d’éviter d’encourager davantage l’affirmation marocaine ou la défensive algérienne. Bien sûr, l’UE a des liens plus développés avec le Maroc qu’avec l’Algérie – et cela est particulièrement vrai pour la France et l’Espagne, qui ont des liens commerciaux forts et comptent sur la coopération marocaine en matière de migration et de contre-terrorisme. Cependant, il y a des raisons de se méfier d’une adhésion trop étroite à la position du Maroc. Pour l’Europe, faire des concessions face aux tactiques musclées du Maroc risque de récompenser une approche qui incorpore un élément de chantage par la militarisation de la migration. En outre, l’engagement européen avec le Maroc n’a pas réussi à obtenir le soutien marocain à la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies sur l’invasion russe de l’Ukraine – une question d’importance critique pour l’Europe.

    Le Maroc pourrait également être dans une position plus faible que sa position affirmée semble le suggérer. La guerre en Ukraine a déjà un impact sérieux sur l’économie du pays. Le Maroc est un grand importateur de céréales et d’hydrocarbures, dont le prix a fortement augmenté en raison du conflit. Le Maroc souffrait déjà de la pire sécheresse depuis des décennies, ce qui a eu un impact considérable sur la production agricole nationale. L’industrie touristique du pays est également encore en train de se remettre de l’impact du covid-19.

    Ces facteurs rendent le soutien européen et la poursuite des flux commerciaux du Maroc vers l’Europe particulièrement importants. Si la CJUE confirme le récent arrêt sur les accords commerciaux et de pêche, il serait coûteux pour le Maroc de perdre les avantages de son accord d’association avec l’UE, qui est la destination de 64 % des exportations marocaines. Le Maroc pourrait finalement être contraint de faire un compromis sur son insistance à ce que tout accord commercial inclue le Sahara Occidental ; dans tous les cas, le jugement de la cour impose une limite à ce que l’UE peut accepter. Cela pourrait fournir une occasion de réinitialiser les relations de l’Europe avec le Maroc, en s’éloignant d’une posture qui semble souvent excessivement déférente. Si l’Europe ne riposte pas à l’affirmation marocaine, le Maroc sera encouragé à redoubler ses exigences et ne sera pas incité à respecter les préoccupations européennes.

    L’UE et ses Etats membres devraient adopter une politique envers le Maroc qui soit basée sur une évaluation des intérêts à long terme de l’Europe envers le pays et le Maghreb plus largement. L’Europe peut reconnaître les avantages de la coopération et les contributions marocaines dans des domaines tels que la migration et la sécurité, mais dans le même temps, elle peut indiquer clairement qu’elle n’est pas prête à approuver la position du Maroc sur le Sahara occidental et qu’elle attend également une coopération sur d’autres préoccupations européennes. Dans le cadre de cette politique, l’Europe devrait encourager la retenue marocaine dans l’utilisation de la force contre les forces du Polisario et souligner l’importance d’éviter une nouvelle escalade dans les relations du Maroc avec l’Algérie. Elle devrait essayer d’atténuer le sentiment du Maroc qu’il peut atteindre ses objectifs au Sahara occidental en s’affirmant davantage, une perception qui sous-tend ses tensions avec son voisin.

    Les relations européennes avec l’Algérie sont beaucoup moins profondes que celles avec le Maroc. Le pays est à bien des égards un partenaire plus problématique et plus délicat : son gouvernement ne bénéficie pas d’un soutien populaire, son climat commercial décourage les investissements européens et il n’a pas respecté les engagements pris dans son accord d’association avec l’UE en 2002. Néanmoins, l’UE reste un partenaire important pour l’Algérie, et elle pourrait gagner encore en influence si le pays s’engage dans la transition économique et énergétique qui sera nécessaire pour assurer sa prospérité future.

    Il est dans l’intérêt de l’Europe de développer ses liens avec l’Algérie et d’éviter de pousser le pays à dépendre davantage de puissances extérieures telles que la Russie. L’UE et ses Etats membres seront les mieux placés pour le faire s’ils ne s’alignent pas davantage sur la position du Maroc sur le Sahara occidental. Le récent changement de position de l’Espagne a incité l’Algérie à rappeler son ambassadeur pour des consultations et à revoir le prix qu’elle facture à l’Espagne pour le gaz, bien qu’il ne soit pas encore clair dans quelle mesure une rupture des relations en résultera. Les pays européens devraient éviter toute nouvelle action qui semble prendre parti dans le conflit, ce qui perturberait davantage l’équilibre des pouvoirs perçu entre le Maroc et l’Algérie d’une manière potentiellement déstabilisante. Dans le même temps, l’UE devrait essayer de persuader l’Algérie de revenir au format quadripartite pour les pourparlers sur le Sahara Occidental, dans le cadre d’un effort pour soutenir la volonté de l’envoyé de l’ONU de relancer les négociations. Les responsables européens devraient également essayer de persuader l’Algérie de ne pas intensifier son soutien militaire au Polisario et d’éviter toute nouvelle rhétorique incendiaire à l’égard du Maroc.

    Il n’existe aucune perspective immédiate de pourparlers bilatéraux visant à désamorcer l’impasse entre le Maroc et l’Algérie, et il est peu probable que les pays européens soient acceptés par l’une ou l’autre des parties en tant que médiateurs. Mais l’UE et ses États membres pourraient jouer un rôle dans la réduction des tensions s’ils peuvent contribuer à encourager une approche plus modérée des deux côtés. Pour ce faire, ils doivent envisager leurs relations avec les deux pays dans un contexte régional et éviter toute action supplémentaire qui pourrait alimenter l’affirmation marocaine et amener l’Algérie à penser que l’Europe a pris parti contre elle. Une telle approche permettrait non seulement à l’Europe d’être la mieux placée pour désamorcer les tensions régionales, mais fournirait également la base la plus constructive pour les relations bilatérales avec le Maroc et l’Algérie dans les années à venir.

    A propos de l’auteur
    Anthony Dworkin est chargé de mission au Conseil européen des relations étrangères. Il dirige les travaux de l’organisation dans les domaines des droits de l’homme, de la démocratie et de l’ordre international. Entre autres sujets, Dworkin a mené des recherches et écrit sur le soutien de l’Union européenne au multilatéralisme, la transition politique en Afrique du Nord et les cadres européen et américain de lutte contre le terrorisme.

    Remerciements
    L’auteur tient à remercier Zine Labidine Ghebouli pour sa connaissance de la politique étrangère algérienne. Au sein de l’ECFR, il souhaite remercier Julien Barnes-Dacey, Hugh Lovatt et Tarek Megerisi pour leurs commentaires sur une version antérieure, ainsi qu’Adam Harrison pour l’édition.

    Cet article a été rendu possible grâce au soutien du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord de l’ECFR par la Fondazione Compagnia di San Paolo.

    [1] Pour un compte rendu des relations entre l’Algérie et le Maroc, voir Michael Willis, Politics and Power in the Maghreb : Algeria, Tunisia and Morocco from Independence to the Arab Spring (Hurst, 2012), pp. 265-292.

    [2] Willis, Politics and Power in the Maghreb, p. 292.

    [3] Entretien de l’ECFR avec un haut responsable du Polisario, capitale européenne, octobre 2021.

    [4] Entretien de l’ECFR avec Zine Labidine Ghebouli, 28 février 2022.

    The European Council on Foreign Relations, 08/04/2022

    #SaharaOccidental #Algérie #Maroc #UE #Migration