Étiquette : Rwanda

  • Pegasus secouent certains gouvernements africains

    Les révélations sur l’espionnage international de Pegasus ébranlent les gouvernements africains

    Des retombées diplomatiques sont attendues après qu’il est apparu que le Rwanda aurait espionné certains pays et individus africains dans le cadre d’un rapport d’espionnage international.

    Les révélations du rapport du projet Pegasus montrent que le Rwanda aurait répertorié, en vue d’une surveillance potentielle, les numéros de téléphone portable du président sud-africain Ramaphosa, du Premier ministre burundais Alain-Guillaume Bunyoni ainsi que de certaines personnalités politiques et militaires ougandaises de haut rang, dont le Premier ministre de l’époque, aujourd’hui conseiller présidentiel, Ruhakana Rugunda.

    D’éminents hommes politiques de la République démocratique du Congo, Jean Bamanisa Saidi, Albert Yuma et Lambert Mende, ont également été désignés comme cibles.

    Un porte-parole du gouvernement rwandais a nié avoir utilisé le logiciel malveillant Pegasus, déclarant à une publication britannique que le pays « n’utilise pas ce système logiciel et ne possède pas cette capacité technique sous quelque forme que ce soit. »

    Le projet Pegasus est une initiative d’enquête internationale menée par un consortium de plus de 80 journalistes de 17 organisations médiatiques, dont le Guardian. Les enquêtes identifient Kigali comme l’un des gouvernements, y compris certains régimes africains autoritaires, qui sont clients de la société israélienne de logiciels espions, le groupe NSO.

    Kigali aurait passé un contrat avec le NSO Group et sélectionné des milliers d’activistes politiques, de journalistes, de politiciens étrangers et de diplomates comme candidats pour infecter leurs téléphones portables avec un logiciel espion nommé Pegasus.

    Le chef des services de renseignement ougandais Joseph Ocwet, le Dr Ruhakana Rugunda et Sam Kutesa, qui étaient respectivement Premier ministre et ministre des Affaires étrangères du pays jusqu’à récemment, auraient également été mis sur écoute par le Rwanda.

    L’ancien chef des forces de défense ougandaises, le général David Muhoozi, qui est aujourd’hui ministre d’État aux affaires intérieures, ainsi que Fred Nyanzi Ssentamu, figure de proue de l’opposition, ont également été touchés.

    « Si c’est vrai, alors c’est absolument mauvais et inacceptable ; un pays voisin qui espionne ses voisins dans la région et en Afrique », a déclaré Henry Okello-Oryem, ministre d’État ougandais aux relations internationales, au Daily Monitor.

    Le rapport indique que le Rwanda a placé M. Ramaphosa comme une personne d’intérêt pour une éventuelle surveillance en 2019 de la part de NSO Group, qui fournit des équipements d’espionnage de téléphones portables.

    Le gouvernement sud-africain a refusé de commenter s’ils ont effectué une analyse médico-légale pour établir la preuve de toute attaque. « Nous sommes conscients de la discussion publique, mais le président n’a aucun commentaire à faire », a déclaré le porte-parole présidentiel par intérim Tyrone Seale à Nation.

    Le ministre par intérim de la présidence, Khumbudzo Ntshavheni, a déclaré : « Bien sûr, nous ne serons pas heureux d’avoir été ciblés parce que nous pensons que cela ne porte pas seulement atteinte à la vie privée du président, mais aussi à la souveraineté de ce pays de prendre ses propres décisions sans que d’autres pays essaient de préempter ces décisions et de les influencer et aussi d’essayer de saper ces décisions. »

    Daily Monitor, 24/07/2021

    Etiquettes : Rwanda, Ouganda, Afrique du Sud, Espionnage, Espionnage, NSO Group, Logiciels Espions, Pegasus, Israël,

  • Le Rwanda nie avoir utilisé un logiciel d’espionnage Pegasus

    Après les révélations sur le projet Pegasus : le Rwanda nie avoir utilisé un logiciel d’espionnage

    Le ministère des affaires étrangères du Rwanda a démenti samedi que le pays d’Afrique de l’Est ait utilisé le logiciel Pegasus à des fins d’espionnage. Le pays est accusé d’avoir intercepté des appels téléphoniques entre la fille de Paul Rusesabagina et le ministère belge des affaires étrangères.

    Le Rwanda n’utilise pas ce système logiciel », a déclaré le ministre des affaires étrangères Vincent Biruta dans un communiqué. Selon lui, le pays ne dispose pas de cette capacité technique. Ces fausses accusations s’inscrivent dans le cadre d’une campagne continue visant à créer des tensions entre le Rwanda et d’autres pays, et à diffuser des informations erronées sur le Rwanda à l’intérieur et à l’extérieur du pays », a-t-il déclaré.

    La fille de Paul Rusesabagina, l’activiste rwandais rendu célèbre par le film « Hôtel Rwanda » et connu pour être un éminent critique du président Paul Kagame, affirme avoir été piratée par Kigali.

    Selon Amnesty International, les autorités rwandaises pourraient avoir utilisé ce logiciel pour espionner plus de 3 500 militants, journalistes et hommes politiques. Le régime de Kigali aurait notamment pris pour cible le président sud-africain Cyril Ramaphosa.

    Pegasus, conçu par la société israélienne de cybersécurité NSO, est au centre d’un scandale international d’espionnage qui a éclaté dimanche. Selon un consortium de dix-sept médias, Pegasus a permis de mettre sur écoute les téléphones d’au moins 180 journalistes, 85 militants des droits de l’homme et quatorze chefs d’État, dont le président français Emmanuel Macron. L’ONS le nie. L’entreprise assure que son logiciel n’est utilisé que pour obtenir des renseignements contre des réseaux criminels ou des terroristes.

    Knack, 24/07/2021

    Etiquettes : Rwanda, Espionnage, NSO Group, Logiciels Espions, Pegasus, Israël, Belgique, Paul Rusesabagina,

  • Sur la liste: 10 premiers ministres, 3 présidents et 1 roi

    Parmi 50 000 numéros de téléphone, le Pegasus Project a trouvé ceux de centaines de responsables publics

    Depuis des siècles, les espions ont jeté leur dévolu sur ceux qui façonnent le destin des nations : présidents, premiers ministres, rois.

    Et au XXIe siècle, la plupart d’entre eux sont équipés de smartphones.

    Telle est la logique sous-jacente à certaines des découvertes les plus alléchantes d’une enquête internationale qui, ces derniers mois, a passé au crible une liste de plus de 50 000 numéros de téléphone comprenant – selon les analyses médico-légales de dizaines d’iPhones – au moins certaines personnes ciblées par le logiciel espion Pegasus dont les gouvernements du monde entier ont obtenu la licence.

    La liste contenait les numéros de politiciens et de fonctionnaires par centaines. Mais qu’en est-il des chefs d’État et de gouvernement, sans doute la cible la plus convoitée ?

    Quatorze. Ou plus précisément : trois présidents, dix premiers ministres et un roi.

    Aucun d’entre eux n’a offert ses iPhones ou ses appareils Android au Washington Post et aux 16 autres organes de presse qui ont examiné la liste des numéros de téléphone. Cela signifie que les tests médico-légaux qui auraient pu révéler une infection par le logiciel espion caractéristique de NSO, Pegasus, n’ont pas été possibles. Il n’a pas non plus été possible de déterminer si un client de NSO a tenté d’installer Pegasus sur les téléphones de ces dirigeants nationaux, et encore moins si l’un d’entre eux a réussi à transformer ces appareils très personnels en espions de poche capables de suivre les moindres mouvements, communications et relations personnelles d’un dirigeant national.

    Mais voici qui figure sur la liste : Trois présidents en exercice, Emmanuel Macron en France, Barham Salih en Irak et Cyril Ramaphosa en Afrique du Sud. Trois premiers ministres actuels, le Pakistanais Imran Khan, l’Égyptien Mostafa Madbouly et le Marocain Saad-Eddine El Othmani.

    Sept anciens premiers ministres, qui, selon les horodatages figurant sur la liste, ont été placés là alors qu’ils étaient encore en fonction : Ahmed Obeid bin Daghr (Yémen), Saad Hariri (Liban), Ruhakana Rugunda (Ouganda), Édouard Philippe (France), Bakitzhan Sagintayev (Kazakhstan), Noureddine Bedoui (Algérie) et Charles Michel (Belgique).

    Et un roi : Mohammed VI du Maroc.

    Le Post et ses agences de presse partenaires dans 10 pays ont confirmé la propriété de ces numéros et d’autres cités dans cet article grâce à des archives publiques, aux carnets de contacts des journalistes et à des demandes de renseignements auprès de responsables gouvernementaux ou d’autres proches des cibles potentielles – bien que dans certains cas, il n’ait pas été possible de déterminer si les numéros de téléphone étaient actifs ou anciens. Le Post a confirmé lui-même cinq de ces numéros. Les autres ont été confirmés par ses partenaires.

    Les appels passés à la quasi-totalité des numéros de téléphone lundi et mardi se sont soldés par des annulations ou des changements de numéros. Une poignée de personnes ont répondu au téléphone. D’autres ont répondu à des SMS.

    Une organisation française de journalisme à but non lucratif, Histoires interdites, et le groupe de défense des droits de l’homme Amnesty International ont eu accès à la liste de plus de 50 000 numéros. Ils ont partagé cette liste avec le Post et les autres organisations de presse.

    L’objectif de la liste est inconnu, et NSO conteste qu’il s’agisse d’une liste de cibles de surveillance. « Les données ont de nombreuses utilisations légitimes et tout à fait correctes qui n’ont rien à voir avec la surveillance ou avec NSO », a écrit à Forbidden Stories un avocat de Virginie représentant la société, Tom Clare.

    Rapports postaux : Le logiciel espion qui pirate secrètement les smartphones

    Cependant, l’examen médico-légal effectué par le laboratoire de sécurité d’Amnesty sur 67 smartphones affiliés à des numéros figurant sur la liste a révélé que 37 d’entre eux avaient été pénétrés avec succès par Pegasus ou présentaient des signes de tentative de pénétration. Les analyses d’Amnesty ont également révélé que de nombreux téléphones présentaient des signes d’infection ou de tentative d’infection quelques minutes, voire quelques secondes, après les horodatages qui figuraient pour leurs numéros sur la liste.

    NSO – l’un des nombreux acteurs majeurs de ce marché – affirme avoir 60 agences gouvernementales clientes dans 40 pays. Dans tous les cas, dit l’entreprise, les cibles sont censées être des terroristes et des criminels, tels que des pédophiles, des barons de la drogue et des trafiquants d’êtres humains. La société affirme qu’il est spécifiquement interdit de cibler les citoyens respectueux de la loi, y compris les fonctionnaires du gouvernement dans le cadre de leurs activités ordinaires.

    Le directeur général de NSO, Shalev Hulio, a déclaré que sa société avait mis en place des politiques pour se prémunir contre les abus lors d’un entretien téléphonique avec le Post dimanche, après qu’une première série d’articles sur la société soit apparue dans des reportages du monde entier, sous le titre du projet Pegasus.

    « Chaque allégation d’utilisation abusive du système me concerne. Cela viole la confiance que nous accordons aux clients », a déclaré Hulio. « Je crois que nous devons vérifier chaque allégation. Et si nous vérifions chaque allégation, nous pourrions découvrir que certaines d’entre elles sont vraies. Et si nous constatons que c’est vrai, nous prendrons des mesures énergiques. »

    Aussi courant que soit l’espionnage des dirigeants nationaux en général, les révélations publiques à ce sujet suscitent souvent la controverse. Lorsque l’ancien contractant de la National Security Agency Edward Snowden a révélé en 2013 que les États-Unis avaient mis sur écoute un téléphone utilisé par la chancelière allemande Angela Merkel, cela a provoqué des mois de tumulte dans ce pays et a mis à mal des relations par ailleurs étroites entre les deux nations.

    En réponse aux questions détaillées du consortium d’enquête, NSO a déclaré qu’elle surveillait la façon dont ses logiciels d’espionnage étaient utilisés et annulait l’accès au système pour tout client qui en faisait un mauvais usage. Mais elle affirme également que ses clients, et non la société elle-même, sont responsables de son utilisation.

    « NSO Group continuera à enquêter sur toutes les plaintes crédibles d’utilisation abusive et prendra les mesures appropriées en fonction des résultats de ces enquêtes », indique la déclaration. « Cela inclut la fermeture du système d’un client, ce que NSO a prouvé sa capacité et sa volonté de faire, en raison d’une utilisation abusive confirmée, l’a fait plusieurs fois dans le passé, et n’hésitera pas à le faire à nouveau si une situation le justifie. »

    Dans une lettre séparée mardi, il a également déclaré « nous pouvons confirmer qu’au moins trois noms dans votre enquête Emmanuel Macron, le roi Mohammed VI, et [le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé] Tedros Ghebreyesus – ne sont pas, et n’ont jamais été, des cibles ou sélectionnés comme cibles des clients du groupe NSO. »

    « Tous les responsables gouvernementaux ou diplomates français et belges mentionnés dans la liste, ne sont pas et n’ont jamais été, des cibles de Pegasus », a ajouté la société dans une lettre ultérieure.

    « La liste de 50 000 numéros qui a fait l’objet d’une fuite n’est pas une liste de numéros sélectionnés pour être surveillés par Pegasus », a écrit mardi un avocat de NSO, Thomas Clare, à un partenaire du projet Pegasus. « Il s’agit d’une liste de numéros que n’importe qui peut rechercher sur un système open-source pour des raisons autres que la surveillance à l’aide de Pegasus. Le fait qu’un numéro apparaisse sur cette liste ne permet en aucun cas de savoir si ce numéro a été sélectionné pour être surveillé à l’aide de Pegasus. »

    Une personne familière avec les opérations de NSO, qui a parlé plus tôt sous le couvert de l’anonymat pour discuter de questions internes, a déclaré au Post que parmi les clients que la société avait suspendus ces dernières années figuraient des agences au Mexique. La personne a refusé de préciser quelles agences avaient été suspendues.

    Mais les rapports sur les abus de Pegasus ont été nombreux au Mexique, et plus de 15 000 numéros de téléphone mexicains figurent sur la liste, dont celui de l’ancien président Felipe Calderón. L’enquête a révélé qu’il avait été ajouté à la liste après la fin de son mandat en 2012.

    Le premier ministre du Burundi, Alain-Guillaume Bunyoni, a été ajouté à la liste en 2018, avant qu’il ne prenne ses fonctions, montrent les dossiers. Tout comme les numéros du futur président du Kazakhstan, Kassym-Jomart Tokayev, et de son futur premier ministre, Askar Mamin.

    Les personnalités clés des grandes organisations internationales n’étaient pas exemptes de figurer sur la liste. La liste contenait les numéros de plusieurs ambassadeurs et autres diplomates des Nations Unies. Elle contenait également le numéro de téléphone d’un ancien collaborateur de Tedros de l’OMS.

    Au total, la liste contenait les numéros de téléphone de plus de 600 responsables gouvernementaux et politiques de 34 pays. Outre les pays où figuraient les numéros de téléphone de hauts dirigeants, on trouvait les numéros de fonctionnaires des pays suivants : Afghanistan, Arabie saoudite, Azerbaïdjan, Bahreïn, Bhoutan, Chine, Congo, Égypte, Émirats arabes unis, Hongrie, Inde, Iran, Kazakhstan, Koweït, Mali, Mexique, Népal, Qatar, Royaume-Uni, Rwanda, Togo, Turquie et États-Unis.

    Selon les documents marketing de NSO et les chercheurs en sécurité, Pegasus est conçu pour collecter des fichiers, des photos, des journaux d’appels, des enregistrements de localisation, des communications et d’autres données privées à partir de smartphones, et peut également activer des caméras et des microphones pour une surveillance en temps réel à des moments clés. Souvent, ces attaques peuvent se produire sans que les cibles ne reçoivent la moindre alerte ou ne prennent la moindre mesure. Pegasus peut simplement se glisser dans les iPhones et les appareils Android et prendre le contrôle des smartphones dans ce que l’industrie de la surveillance appelle des attaques « zéro-clic ».

    Indices géographiques

    Un examen de la liste a montré que les téléphones de certains dirigeants ont été saisis plus d’une fois, tout comme les numéros de téléphone de leurs amis, de leurs parents et de leurs assistants. Les numéros de téléphone des associés du président mexicain Andrés Manuel Lopez Obrador ont été ajoutés à la liste pendant la période précédant l’élection de 2018, qu’il a finalement remportée, détrônant le parti au pouvoir. Parmi ceux qui figuraient sur la liste, il y avait des smartphones appartenant à sa femme, ses fils, ses aides, des dizaines de ses alliés politiques, et même son chauffeur personnel et son cardiologue. Rien n’indique que le téléphone de M. Lopez Obrador figurait sur la liste ; ses collaborateurs affirment qu’il l’utilise avec parcimonie.

    Les dossiers n’ont pas permis de déterminer avec certitude quel client de l’ONS a pu ajouter les chiffres. Mais les numéros de Calderón et des nombreux associés de López Obrador faisaient partie d’une partie des dossiers de 2016 et 2017 dominés par des cibles mexicaines. Des dizaines de gouverneurs en exercice, de législateurs fédéraux et d’autres politiciens figuraient également sur la liste.

    « Nous apprenons maintenant qu’ils ont également espionné ma femme, mes fils, et même mon médecin, un cardiologue », a déclaré Lopez Obrador aux journalistes mardi. « En dehors de la question de cet espionnage, imaginez le coût ! Combien d’argent a été consacré à cet espionnage ? »

    Les numéros appartenant à Michel, Macron et des dizaines de fonctionnaires français sont apparus au milieu d’un groupe de plus de 10 000 numéros dominés par les cibles marocaines et celles de l’Algérie voisine, rivale du Maroc. Les numéros de Mohammed VI et du collaborateur de Tedros se trouvaient également dans ce groupe. Tout comme le numéro de Romano Prodi, ancien premier ministre italien.

    « Nous étions conscients des menaces et des mesures ont été prises pour limiter les risques », a déclaré Michel à un journaliste du quotidien belge Le Soir, partenaire du projet Pegasus. Michel a quitté son poste de premier ministre belge en 2019 pour devenir le président du Conseil européen, l’un des postes les plus élevés de l’Union européenne.

    Prodi a décroché mardi au numéro de téléphone qui figurait sur la liste, mais il a refusé de commenter.

    Le Pakistanais Khan est apparu parmi un groupe dominé par des numéros en Inde. L’Irakien Salih et le Libanais Hariri étaient regroupés parmi des numéros dominés par les Émirats arabes unis et un autre groupe dominé par des numéros saoudiens.

    Le Sud-Africain Ramaphosa, l’Ougandais Rugunda et le Burundais Bunyoni faisaient partie d’un groupe dominé par des numéros rwandais.

    Le Rwanda, le Maroc et l’Inde ont tous publié des déclarations officielles niant toute implication dans l’espionnage de journalistes et d’hommes politiques.

    Le ministre rwandais des affaires étrangères, Vincent Biruta, a déclaré que son pays « ne possède pas cette capacité technique sous quelque forme que ce soit ». Dans une déclaration, le Maroc a exprimé son « grand étonnement » face à la publication d’ »allégations erronées … selon lesquelles le Maroc aurait infiltré les téléphones de plusieurs personnalités publiques nationales et étrangères et de responsables d’organisations internationales ». Le communiqué ajoute : « Le Maroc est un État de droit qui garantit le secret des communications personnelles par la force de la Constitution. »

    En Inde, le ministre de l’Intérieur a qualifié les suggestions selon lesquelles elle a espionné des journalistes et des hommes politiques de l’œuvre de « perturbateurs », qu’il a définis comme « des organisations mondiales qui n’aiment pas que l’Inde progresse. » Dans une déclaration séparée, le gouvernement a déclaré : « Les allégations concernant la surveillance du gouvernement sur des personnes spécifiques n’ont aucune base concrète ni aucune vérité associée. »

    Le Mexique, l’Arabie saoudite, le Kazakhstan et les Émirats arabes unis n’ont pas répondu aux demandes de commentaires.

    Violation injustifiable

    Le numéro de téléphone de Macron a été ajouté à la liste alors qu’il était sur le point d’entamer une tournée en Afrique, avec des arrêts au Kenya et en Éthiopie. Ont été ajoutés à peu près au même moment les téléphones de 14 ministres français et du Belge Michel.

    « Si les faits sont avérés, ils sont évidemment très graves », a déclaré l’Élysée dans un communiqué. « Toute la lumière sera faite sur ces révélations de presse ».

    À l’époque, l’Algérie, voisine du Maroc, était en pleine tourmente. Son dirigeant autoritaire de longue date, Abdelaziz Bouteflika, venait d’annoncer qu’il ne comptait pas se représenter aux élections. L’Algérie a mené une guerre d’indépendance sanglante contre la France dans les années 1950, et de nombreux citoyens français sont d’origine algérienne ; les deux pays conservent des liens étroits et des relations en matière de renseignement.

    Les nations de l’Union africaine étaient également en train de ratifier un important accord de libre-échange à l’époque. Le commerce et les autres négociations internationales ont toujours été des cibles importantes pour la collecte de renseignements gouvernementaux, car toutes les parties cherchent à connaître la pensée de leurs partenaires de négociation.

    Les hauts fonctionnaires du gouvernement français ont généralement accès à des appareils sécurisés pour les communications officielles, mais les initiés de la politique française affirment que certaines affaires sont également traitées sur des iPhones et des appareils Android moins sécurisés.

    En plus de son iPhone personnel, M. Macron utilise deux téléphones portables spéciaux hautement sécurisés pour les conversations plus sensibles, selon ses collaborateurs. Son iPhone personnel est le moins sécurisé des appareils qu’il utilise régulièrement, et il partageait régulièrement son numéro avec des journalistes, dont un journaliste du Post, et d’autres associés avant d’être élu au pouvoir. Le numéro de l’un de ses téléphones portables personnels a également été publié en ligne en 2017 après que quelqu’un a volé le téléphone d’un journaliste qui avait les coordonnées de Macron.

    Mais les fonctionnaires qui connaissent ses habitudes disent qu’il n’utilise généralement aucun de ces téléphones pour discuter d’informations classifiées, de peur d’être espionné. Pour cela, il s’en tient à des lignes fixes cryptées et à d’autres outils, ont déclaré les responsables, sous couvert d’anonymat pour discuter de sujets sensibles.

    M. Calderón, du Mexique, a déclaré au Post que ces intrusions constituaient « une violation injustifiable des droits les plus élémentaires de la liberté et de la vie privée, ainsi que d’autres droits qui constituent des garanties élémentaires de la dignité humaine ».

    Il a ajouté qu’il n’était pas surpris que son numéro de téléphone figure sur la liste. « Ce n’est pas la première fois, et je crains que ce ne soit pas la dernière, que je souffre d’espionnage », a-t-il déclaré. « À une autre occasion, le soi-disant WikiLeaks a révélé que j’avais fait l’objet d’une surveillance par les États-Unis. »

    Une enquête menée par un consortium d’organisations médiatiques a révélé que des logiciels espions de qualité militaire sous licence d’une entreprise israélienne ont été utilisés pour pirater des smartphones. (Jon Gerberg/The Washington Post)

    Les reportages de Timberg et Harwell ont été réalisés à Washington. Birnbaum a fait un reportage à Bruxelles. Sabbagh est un reporter pour le Guardian. Reed Albergotti à San Francisco ; Karen DeYoung, John Hudson et Dana Priest à Washington ; Niha Masih et Joanna Slater à New Delhi ; Mary Beth Sheridan à Mexico ; Sarah Dadouch à Beyrouth ; Sam Sole de l’organisation d’investigation à but non lucratif amaBhungane en Afrique du Sud ; Damien Leloup et Martin Untersinger du Monde ; Michael Safi et David Pegg du Guardian ; Bastian Obermayer et Frederik Obermaier du Süddeutsche Zeitung ; Kristof Clerix de Knack ; Joël Matriche du Soir ; Hala Nasreddine, Alia Ibrahim et Hazem Amine de Daraj ; Miranda Patrucic, Vyacheslav Abramov et Peter Jones du Organized Crime and Corruption Reporting Project ; Holger Stark de Die Zeit ; Jacques Monin de Radio France ; et Sandrine Rigaud de Forbidden Stories ont contribué à ce rapport.

    Le projet Pegasus est une enquête collaborative impliquant plus de 80 journalistes de 17 organismes de presse, coordonnée par Forbidden Stories avec le soutien technique du Security Lab d’Amnesty International. Pour en savoir plus sur ce projet.

    The Washington Post, 20/07/2021

    Etiquettes : Pegasus, Maroc, Mohammed VI, Rwanda, Algérie, espionnage, logiciels espions,

  • De l’Algérie au Rwanda, la « politique de reconnaissance » d’Emmanuel Macron

    En reconnaissant les responsabilités de la France dans le génocide au Rwanda, le président français a souhaité tourner la page de 27 ans de tensions diplomatiques. Une visite qui s’inscrit dans une démarche visant à confronter le passé, « sans repentance ni déni ». Décryptage. 

    « Je viens reconnaître nos responsabilités ». Jeudi 27 mai, dans la capitale rwandaise, le président Emmanuel Macron prononce un discours historique, reconnaissant officiellement pour la première fois le rôle de la France dans le génocide de 1994, qui a fait quelque 800 000 morts, essentiellement issus de la minorité tutsi. 

    Cette visite officielle, visant à tourner la page des tensions persistantes entre la France et le Rwanda autour de ce chapitre tragique de l’histoire, s’inscrit dans une politique plus large du président de la République, mise en place dès le début du quinquennat, pour « regarder l’histoire en face ». Un exercice périlleux qui suscite tout à la fois de l’admiration et de vives critiques. 

    Travail de longue haleine 

    Si le discours d’Emmanuel Macron a été accueilli très favorablement au Rwanda, la nature de son propos aura suscité peu de surprise. Depuis plusieurs années, le président français travaille d’arrache-pied au rétablissement des relations entre les deux pays. Le 24 mai 2018, il reçoit Paul Kagamé à Paris et promet qu’un travail sera mené sur les archives françaises liées au génocide au Rwanda. Un an plus tard, il concrétise sa promesse avec la mise en place de la commission Duclert qui conclut, dans son rapport remis au président le 6 mars, à de lourdes responsabilités du pouvoir français, tout en excluant la notion de complicité. Le président rwandais salue alors un “grand pas en avant”. Entre temps, la France décrète une journée de commémoration du génocide des Tutsis, le 7 mai. Enfin, en avril, Emmanuel Macron permet la déclassification d’archives françaises sur le génocide.

    Pour Jean Claude Félix-Tchicaya, chercheur à l’Institut de Prospective et Sécurité en Europe (IPSE), en reconnaissant aujourd’hui le rôle de la France, le président français achève un tournant historique : “Avec ce discours Emmanuel Macron se place en homme du 21e siècle (…) Il fait faire un bond à la France, à l’Afrique et au Rwanda”. 

    Approche “volontariste” 

    Cette politique de reconnaissance, Emmanuel Macron la mène sur de nombreux fronts. En visite à Ouagadougou, le 28 novembre 2017, le président s’engage à restituer le patrimoine africain dérobé pendant la conquête coloniale. En 2020, la France officialise la restitution de 26 œuvres au Bénin ainsi que d’un sabre historique au Sénégal. 

    Autre axe majeur de cette politique, la colonisation. En 2017, alors qu’il n’est que candidat, Emmanuel macron, en visite en Algérie, qualifie la colonisation de “crime contre l’humanité”. “Ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l’égard de celles et ceux vers lesquels nous avons commis ces gestes”, affirmait-t-il alors. Des excuses qui ne seront finalement pas prononcées, l’Élysée y préférant des “actes symboliques”, selon les conclusions du rapport sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie demandé par Emmanuel Macron à l’historien Benjamin Stora. « L’excuse n’est pas la question centrale, ce qui compte ce sont les actes concrets, comme la reconnaissance officielle des crimes ou la déclassification d’archives” juge ce dernier, contacté par France 24. 

    “D’autres présidents comme Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy ou bien François Hollande se sont bien sur exprimés sur la colonisation, mais Emmanuel Macron a multiplié les actions, poursuit l’historien. Il a reconnu la responsabilité de la France dans la disparition de Maurice Audin, il a reconnu l’assassinat de l’avocat Ali Boumendjel et même fait déposer une gerbe au nom de la France à Sétif, à l’occasion des commémorations des massacres du 8 mai 1945. Même s’il reste beaucoup à faire, il faut reconnaître qu’aucun président français n’avait fait cela avant lui. Ses actions montrent qu’il n’est pas prisonnier de cette époque et avance de manière volontariste.” 

    Polémique “racialiste” 

    Si elle est jugée courageuse par certains, la politique de reconnaissance d’Emmanuel Macron est loin de faire l’unanimité. Le 18 avril, lors d’un entretien à la chaîne américaine CBS, le président aborde la question du racisme qui “cause beaucoup de tensions” en France et souligne l’importance d’un “dialogue apaisé et ouvert pour en comprendre les causes et d’une certaine manière déconstruire notre propre histoire”. Une déclaration qui suscite alors de vives réactions, comme celle de Xavier Bertrand, des Républicains, qui dénonce une vision “injuste au regard de ce qu’est la France” et qui va à l’encontre de “l’unité nationale”. 

    À droite, certains détracteurs du président l’accusent de prêter le flanc à de la repentance excessive et de céder à un courant “racialiste”. Un débat stérile selon Benjamin Stora : “c’est un piège politique tendu par l’extrême droite. La question du racisme est bien sur importante, mais il s’agit avant tout de regarder le passé en face. Emmanuel Macron veut s’inscrire dans la lignée du général De Gaulle qui considérait que la décolonisation est la grandeur de la France. Ce qu’il cherche c’est la reconquête du prestige international” analyse l’auteur de « France-Algérie, les passions douloureuses. »

    Engagement insuffisant ? 

    Attaquées par une partie de la droite, les actions d’Emmanuel Macron sont également jugées insuffisantes par certains à gauche. Son absence de discours le 10 mai, lors de la Journée nationale des mémoires de la traite, a ainsi suscité l’agacement de Christiane Taubira, ancienne garde des Sceaux et initiatrice de la loi reconnaissant l’esclavage comme crime contre l’humanité. “Il est quand même édifiant de constater que le président de la République n’a rien trouvé à dire sur plus de deux siècles de l’Histoire de la France, alors qu’il y a cinq jours il faisait des gammes sur Napoléon Bonaparte”, déclarait-elle alors.

    Enfin la question des excuses et des réparations continue de faire débat. Le 8 mai, alors que l’Algérie commémorait sa première “Journée nationale de la Mémoire”, le gouvernement a fait savoir qu’il était toujours en attente de “la repentance” de la France et “d’indemnisations équitables”. Interrogé, lors de sa visite à Kigali, sur d’éventuelles excuses à l’égard du Rwanda, le président français a jugé que le terme n’était “pas approprié », préférant “donner” la reconnaissance de la responsabilité de la France. Le président rwandais, Paul Kagame, a, pour sa part, salué un discours d’ »immense courage » qui a « plus de valeur que des excuses ». 

    France24, 27 mai 2021

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  • France-Afrique : Comment obtenir le pardon ?

    par Abdelkrim Zerzouri

    Donnant une nouvelle orientation à son histoire commune avec des pays africains anciennement colonisés, avec une dimension philosophique de ce passé qu’on ne peut effacer, la France continue son bonhomme de chemin sur la voie de la « reconnaissance de sa responsabilité » dans les crimes perpétrés contre les populations locales.

    Il est clair que cette nouvelle orientation a été initiée depuis l’accession au pouvoir du président français Emmanuel Macron. C’est lui qui a fait bouger des lignes figées dans le temps dans les relations de la France avec le Rwanda et l’Algérie, en attendant plus encore, peut-être.

    Mais en faveur de qui ou de quoi tous ces concerts historico-diplomatiques ? Après « les actes symboliques » engagés face aux crimes commis en Algérie durant la colonisation, qui s’illustrent à travers la reconnaissance officielle d’assassinats impliquant les autorités coloniales, dont l’exécution de Maurice Audin et l’assassinat de l’avocat Ali Boumendjel, en sus de la restitution de crânes des chouhada algériens, en attendant d’autres pas dans ce sens, la France porte un nouveau regard sur le génocide commis au Rwanda en 1994 et qui a fait 800.000 morts parmi la minorité tutsi. Là également, dans le même couloir emprunté face à l’histoire commune entre l’Algérie et la France, le président Macron a confié le travail d’investigation historique à une commission qui lui a remis ses conclusions sur les lourdes responsabilités du pouvoir français dans ce génocide, tout en excluant toute notion de complicité ou d’autres considérations qui entraîneraient fatalement des dispositions pénales contre les coupables du génocide et les indemnisations des victimes qui en découleraient. Le tout, sans présenter, donc, les excuses officielles de la France, à propos desquels le président Marcon dira récemment, lors d’une visite à Kigali, que le terme d’excuses n’était « pas approprié », préférant « donner » la reconnaissance de la responsabilité de la France.

    Comme ce fut le cas dans la gestion du dossier mémoriel relatif à la colonisation de l’Algérie, où le rapport remis au président de la République juge que « l’excuse n’est pas la question centrale, ce qui compte ce sont les actes concrets, comme la reconnaissance officielle des crimes ou la déclassification d’archives », selon les propos de l’historien Benjamin Stora, concepteur du rapport lié au dossier.

    Peut-on reconnaître la responsabilité de la France dans le génocide au Rwanda et les crimes commis contre le peuple algérien durant la colonisation sans présenter des excuses aux victimes ou d’Etat à Etat ? Si l’Algérie accompagne la politique des « petits pas » du président français, sans abandonner, par la voix du gouvernement et d’autres voix de la société civile, l’exigence d’excuses officielles de la France, le président rwandais s’en passe, estimant que les propos du président français ont plus de valeurs que des excuses. Un exercice délicat que ce nouveau regard porté par le président français sur l’histoire, qui semble satisfaire toutes les ambitions politiques, la France renouant ses relations bilatérales avec les pays africains, de partenariats surtout, sur de nouvelles bases de franchise, et les autorités des pays concernés gagnant en estime et en popularité sur le plan interne, en attendant de voir ce que sera la réaction des victimes tutsi. Mais, chercher le pardon sans présenter les excuses et sans couvrir le préjudice causé aux victimes, est-ce possible ?

    Le Quotidien d’Oran, 29 mai 2021

    Etiquettes : France, Afrique, crimes coloniaux, Rwanda, Algérie, colonialisme, colonisation, France CFA, FCFA, Françafrique,

  • Les procureurs français demandent la fin de l’enquête sur le génocide rwandais


    PARIS (AP)

    Le parquet de Paris a demandé lundi la fin d’une enquête de plusieurs années sur les accusations d’implication de la force française de maintien de la paix dans le génocide de 1994 au Rwanda, au cours duquel environ 800 000 personnes ont été massacrées.

    Les magistrats instructeurs français sont désormais chargés de prendre la décision définitive.

    Les procureurs ont conclu que l’enquête n’a pas permis d’établir la preuve de l’implication des forces françaises dans les crimes de complicité de génocide et de complicité de crimes contre l’humanité.

    L’enquête n’a pas montré de soutien potentiel des forces françaises pendant les massacres, de consentement ou de preuve que les militaires se sont abstenus d’intervenir face à de tels crimes, précise la déclaration.

    L’enquête avait été ouverte en 2005 après le dépôt de six plaintes par des ressortissants rwandais accusant l’intervention militaire dirigée par la France et soutenue par l’ONU, appelée Opération Turquoise, d’être impliquée dans le génocide.

    L’annonce des procureurs intervient après les récentes mesures prises par le président français Emmanuel Macron pour améliorer les relations avec le Rwanda, après des décennies de tensions sur l’attitude de Paris avant et pendant le génocide.

    Un rapport de mars commandé par Macron en mai a conclu que les autorités françaises avaient été « aveugles » aux préparatifs du génocide et avaient ensuite réagi trop lentement pour apprécier l’ampleur des massacres et y répondre.

    Un autre rapport du gouvernement rwandais a déclaré le mois dernier que le gouvernement français porte une responsabilité « significative » pour avoir « permis un génocide prévisible. »

    Associated Press, 03 mai 2021

    Etiquettes : France, armée française, Rwanda, génocide,

  • Rwanda / La France et le génocide rwandais : une responsabilité institutionnelle

    « La France, le Rwanda et le génocide des Tutsi (1990-1994) ». Retour sur le rapport remis au président de la République vendredi 26 mars

    Auteur : Frédéric de Coninck

    La commission Rwanda (commission de recherche sur les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsi) a rendu, vendredi dernier, son rapport au président de la République. Il s’agit d’un document de 900 pages. Je ne vais pas prétendre les avoir lues en un week-end ! Disons que j’en ai lu sérieusement 200. Cela ressemble à un roman fleuve : il y a de grands moments, des pages que l’on tourne avec passion, puis des longueurs.

    En fait, et globalement, c’est l’angle d’attaque retenu par cette commission qui m’a intéressé. Elle n’a nullement cherché à faire un travail de type judiciaire, à la recherche de criminels ou de complices divers. Elle s’est plutôt demandé si l’action menée par la France au Rwanda, dans les années qui ont précédé le génocide, l’avait favorisé ou lui avait ouvert la porte.

    En d’autres termes, les choix politiques et militaires de la France ont-ils constitué un terrain favorable à ce génocide ? Pour ce faire, elle a travaillé sur archives, en relisant les notes, les échanges entre cabinets ministériels et présidentiels, les relevés de décision, les argumentaires, les remontées d’informations diverses, profitant de la déclassification de milliers de documents, à l’occasion de la commande passée par Emmanuel Macron.

    Disons-le d’emblée : la réponse est oui. La force de ce document fleuve est de prendre le temps d’examiner les positions diverses, les échanges multiples, les décisions au plus haut niveau, avec suffisamment de détail pour que l’argumentaire soit très largement convaincant. Je ne vais pas en faire 900 pages moi-même ! Le mieux est de vous reporter vous-même au document qui est accessible en ligne.

    Comment les acteurs politiques organisent-ils leur aveuglement ?

    Je vais me focaliser sur une question, que le rapport aborde, spécialement dans le chapitre conclusif (qui fait 300 pages à lui tout seul !), en se refusant à une montée en généralité, mais en donnant tous les éléments pour nourrir la réflexion de chacun : comment les décideurs français ont-ils refusé d’entendre les nombreuses mises en garde qui leur ont été adressées ?

    Car mises en garde il y a eu. Le génocide n’a pas été un pur déchaînement de folie meurtrière, suite à l’attentat qui a coûté la vie au président Habyarimana. Il s’est agi d’une opération méthodique, plutôt bien organisée et donc, sinon préparée, du moins envisagée en amont. Et des massacres de grande ampleur de Tutsis avaient déjà eu lieu dans les mois et les années qui précédaient. Malgré les remontées de terrain, c’est une première réalité que le pouvoir politique a choisi de minimiser.

    Mais qu’allait faire la France au Rwanda, au départ ? Aux yeux de François Mitterrand, ce pays semblait être un bon laboratoire de ce que pourrait être une transition vers la démocratie en Afrique. Et, le rapport le souligne, des relations personnelles fortes se sont nouées entre les deux présidents. En fait de démocratie, le président Habyarimana devait faire face à une opposition modérée y compris dans la population Hutu et à un mouvement armé le FPR, soupçonné d’être soutenu en sous-main par l’Ouganda. Et c’est au nom du risque représenté par le FPR que le président Rwandais a obtenu un soutien militaire sans cesse croissant de la France.

    Mais à tous les niveaux (commissions indépendantes travaillant sur les droits de l’homme, chercheurs, militaires de terrain et jusqu’à Pierre Joxe quand il était ministre de la Défense) des voix se sont élevées pour signaler que le pouvoir rwandais, loin de se démocratiser, était en train de tomber sous la coupe d’extrémistes dangereux. Par ailleurs, le président rwandais essayait de réactiver l’opposition Hutu / Tutsi pour justifier sa politique répressive (qui s’étendait jusqu’aux Hutus modérés). Pire encore : les conseillers militaires français formaient des hommes qui, ensuite, s’engageaient dans des milices parallèles. L’image de la France, sur le terrain, était désastreuse : elle était perçue comme le soutien d’un pouvoir de plus en plus isolé et de moins en moins légitime. Bref : il était temps de faire machine arrière et de cesser d’encourager la dérive autoritaire du régime.

    C’est là que la précision du rapport est importante, car elle montre que François Mitterrand, entouré de son état-major particulier, a non seulement refusé d’entendre ces voix discordantes, mais a aussi usé de son pouvoir pour les faire taire ou les mettre de côté. Cet état-major particulier, véritable Etat dans l’Etat, a largement contourné les circuits de commandement habituels et a marginalisé les acteurs du ministère de la défense, des affaires étrangères ou de la coopération.

    Résultat : la situation a empiré à bas bruit, des acteurs déterminés fourbissant leurs armes, jusqu’à ce qu’un événement leur ouvre la voie.

    La démocratie est toujours un espace fragile soumis aux rapports de force les plus brutaux

    La responsabilité politique et militaire de François Mitterrand paraît écrasante, à la lecture du rapport, mais il vaut la peine d’aller au-delà d’une attitude personnelle. Ou disons qu’il faut voir les conséquences de la centralisation du pouvoir provoquée par la montée en puissance d’un état major particulier qui a évolué, ensuite, à l’écart des circuits de contrôle administratifs ou politiques. Au passage, on se souviendra que, dans l’affaire des écoutes de l’Elysée, c’est là aussi une officine directement rattachée au président qui a pratiqué des écoutes sans aucun contrôle judiciaire. En clair, la dérive régalienne progressive de François Mitterrand a provoqué l’émergence de structures incontrôlables, qui ont engendré de lourdes conséquences.

    La dynamique de centralisation, de resserrement autour d’un leader et la clôture à l’égard de tout avis hétérodoxe est, en fait, un tropisme récurrent de la pratique politique : tout argumentaire est fléché. Ou bien quelqu’un « nous » soutient et il développe donc la « bonne » vision des choses ; ou bien il a une vision divergente et il est « donc » notre ennemi. Au bout du compte, une remise en question est perçue non pas comme un éclairage potentiel, mais comme une tentative d’affaiblissement.

    Le débat démocratique est donc sans cesse traversé par des arguments de mauvaise foi, par des manœuvres, de la propagande, des faits instrumentalisés, etc. L’ironie horrible de l’histoire du Rwanda c’est qu’au moment où la France faisait des leçons de démocratie à un pays africain, elle se laissait manipuler par les instances dirigeantes de ce pays qui profitaient, précisément, des failles non démocratiques de notre système politique. Car, le rapport le dit, c’est aussi une question de système et pas simplement les dérives d’un homme. Ce qui a manqué aux opposants divers, en France, c’est de pouvoir se réunir, croiser leurs points de vue et se constituer en mouvement structuré. La médiatisation du sujet du Rwanda était faible, avant le génocide, et l’opinion publique française savait à peine que le pays existait. A partir de là, les experts, aussi lucides fussent-ils, allaient un par un au casse-pipe, sans parvenir à structurer une opposition déterminée.

    Et, on le voit, si le champ de bataille ne peut pas se dérouler dans le domaine du langage, il finit par se répandre sur le terrain et provoque des hécatombes. Je suis, à ce propos, parfois surpris par la violence des paroles de Siméon, dans l’évangile de Luc, quand il vient saluer le toute jeune enfant dans lequel il voit le messie à venir. Il ne lui prédit pas à un ministère glorieux, mais des tensions continuelles. Voilà ses mots : « il est là pour la chute et le relèvement de beaucoup, en Israël et il sera un signe de contradiction, de sorte que seront révélés les débats de bien des cœurs » et toi-même, dit-il à Marie, « un glaive te transpercera l’âme » (Lc 2.34-35). L’ambiance est sombre. Pourtant, on le voit, si les signes de contradictions s’éteignent, c’est la guerre civile, les massacres racistes, et l’horreur qui se donnent libre cours.

    Regards Protestants, 29 mars 2021

    Etiquettes : France, Rwanda, Génocide, tutsis, hutus,

  • Relation Afrique et France, plus de sujets tabous?

    Depuis quelque temps, Paris n’hésite pas à se prononcer et à lancer des initiatives sur des questions délicates concernant les relations entre l’Afrique et la France.

    La France porte des « responsabilités lourdes et accablantes » dans le génocide au Rwanda ceci même si « rien ne vient démontrer » qu’elle s’est rendu complice du drame… voilà en substance la conclusion à laquelle sont parvenus les historiens ayant remis le rapport Duclert au président français Emmanuel Macron.

    Pour Paris ce rapport « marque une avancée considérable » pour comprendre l’engagement français au Rwanda. Kigali salut pour sa part « un pas important vers une compréhension commune du rôle de la France ». Mais pour l’ancien ministre malien de la justice, Me Mamadou Ismaïla Konaté ce geste est un pas pour aller plus loin.

    « Les rapports de la France avec les Etats africains doivent faire l’objet de discussion désormais, comme cela a été le cas pour le Rwanda.Comme cela doit être le cas dans la plupart des Etats dans lesquels la France est intervenue. Les rapports nouveaux de la France et l’Afrique doivent s’installer dans ce contexte de réalisme, de clarté, de perspicacité et surtout de reconnaissance mutuelle de ce que nous sommes en tant que Nation » estime t-il.

    D’autres déclarations et actions

    Avant ce rapport sur le Rwanda, il y a eu le rapport Stora portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie et l’annonce de Paris de poser des actes symboliques tout en excluant toutes formes de repentance ou d’excuses. Sur le plan économique, en 2019 le président Emmanuel Macron s’était montré favorable au remplacement du franc CFA en Afrique de l’Ouest par l’Eco et la suppression de la réserve d’argent des Etats africains domiciliée au Trésor français. Autre acte important, il a dit oui à la restitution des biens culturels africains spoliés. Une promesse qui s’est concrétisée notamment par le retour du sabre dit d’El Hadj Omar Tall au Sénégal. D’autres objets doivent être rendus au Bénin. Plus récemment encore, le président français avait créé la surprise en affirmant que l’hexagone avait une dette envers la Libye toujours en crise après l’intervention occidentale en 2011.

    Pour Stéphane Akoa chercheur à la fondation Paul Ango Ela basée au Cameroun cette série de déclaration et d’action à tout son sens.

     » Les figures dominantes de la classe politique française actuellement n’ont pas connu la guerre d’Algérie, n’ont pas connu la décolonisation et par conséquence peuvent prétendre à une relation décomplexée entre l’Afrique et la France. Monsieur Macron comme un peu avant lui, Monsieur Sarkozy peuvent s’attaquer à la question coloniale, on va dire, la question de ce détachement nécessaire entre la France et l’Afrique avec d’autres acquis, d’autres atouts un autre regard  » explique t-il.

    Une relation décomplexée que la France devrait mettre à nouveau en avant en juillet prochain lors du 28 ème sommet Afrique- France à Montpellier. Et c’est l’historien camerounais Achille Mbembe, pourtant très critique envers Emmanuel Macron, que ce dernier a sollicité pour préparer les échanges avec la société civile lors de la rencontre.

    DW, 29 mars 2021

    Etiquettes : France, Afrique, Rwanda, Libye, Algérie,

  • La France et le génocide au Rwanda: un grand pas, mais le chemin n’est pas fini

    Commentaire par Marie-France Cros.

    Après seize ans de déni de Paris, le président Nicolas Sarkozy avait reconnu, en 2010, “des erreurs” de la France lors du génocide des Tutsis au Rwanda en 1994 (un million de morts, des Tutsis tués pour leur ethnie, des Hutus pour refus de participer aux massacres). La commission Duclert, formée de quinze historiens et chargée par le président Emmanuel Macron d’établir le rôle de la France dans ce crime universel, vient de conclure à des “responsabilités lourdes et accablantes” de la France et en particulier de l’ancien président François Mitterrand. C’est un grand pas.

    Ce ne devrait cependant pas être le dernier.

    La commission ajoute en effet qu’il n’y a “pas eu de complicité de génocide”. Poussée par la publication de travaux historiques et récits autobiographiques de Français choqués par le rôle que François Mitterrand a fait jouer à leur pays – qu’ils voient comme “la patrie des droits de l’Homme” – la commission Duclert admet que Paris, en 1994, n’a pas donné suite aux tentatives de Washington de lui donner mandat d’arrêter les chefs génocidaires réfugiés dans la « Zone Turquoise », contrôlée par la France au Rwanda ; et quand, depuis celle-ci, on lui demande des ordres pour le faire, Paris préfère exfiltrer les génocidaires vers le Zaïre. Mais, pour la commission Duclert, “il n’y a pas eu complicité de génocide”.

    La Commission parlementaire de 1998 a révélé que la France avait donné des armes aux militaires rwandais impliqués dans le génocide – exécuté à la grenade et à la machette – après le début de celui-ci. Mais, pour la commission Duclert, “il n’y a pas eu de complicité de génocide”.

    On sait, par les travaux de Jacques Morel et François Graner, que l’Elysée avait été plusieurs fois prévenu des risques de génocide et que le président Mitterrand avait, chaque fois, passé outre. Mais, pour la commission Duclert, “il n’y a pas eu de complicité de génocide”.

    François Mitterrand avait fait évacuer en priorité non des Tutsis menacés mais la veuve de son homologue rwandais, Agathe Habyarimana, impliquée dans le génocide. Mais, pour la commission Duclert, “il n’y a pas eu de complicité de génocide ». Vraiment?

    La Libre Afrique, 29 mars 2021

    Etiquettes : Rwanda, France, génocide,

  • Génocide rwandais : un rapport d’historiens pointe les « responsabilités accablantes » de la France

    Fruit de deux années de travail, la conclusion du rapport de la commission dirigée par l’historien Vincent Duclert est sans appel : la France « est demeurée aveugle face à la préparation » du génocide des Tutsi du Rwanda de 1994 et porte des « responsabilités lourdes et accablantes » dans la tragédie. Après la publication de ce rapport, l’Élysée a appelé à un rapprochement « irréversible » avec Kigali.

    Un président de la République et son cercle proche soutenant « aveuglément » un régime raciste et violent : la « faillite » de la France et ses « responsabilités accablantes » dans le génocide des Tutsi du Rwanda de 1994 sont exposées dans un rapport cinglant remis vendredi 26 mars à Emmanuel Macron.

    Ce rapport d’historiens, fruit de deux années d’analyse des archives relatives à la politique française au Rwanda entre 1990 et 1994, dresse un bilan sans concession de l’implication militaire et politique de Paris, tout en écartant la « complicité » de génocide longtemps dénoncée par Kigali.

    Il pourrait marquer un tournant dans la relation entre les deux pays, empoisonnée depuis plus de vingt-cinq ans par les violentes controverses sur le rôle de la France au Rwanda. Après la publication de ce rapport, Paris a appelé à un rapprochement « irréversible » avec le Rwanda.

    « Nous espérons que ce rapport pourra mener à d’autres développements dans notre relation avec le Rwanda » et que, « cette fois, la démarche de rapprochement pourra être engagée de manière irréversible », a précisé la présidence.

    De son côté Kigali a salué « un pas important vers une compréhension commune du rôle de la France », dans un communiqué du ministère des Affaires étrangères.

    Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères (1997-2002), secrétaire général de l’Élysée au moment du génocide rwandais en 1994, a lui salué « l’honnêteté » du rapport tout en déplorant « les critiques très nombreuses et sévères » visant notamment l’ancien président socialiste François Mitterrand.

    Une commission de quatorze historiens

    Présente au Rwanda depuis que ce pays des Grands Lacs a pris son indépendance de la Belgique, la France « est demeurée aveugle face à la préparation » du génocide des Tutsi du Rwanda de 1994 et porte des « responsabilités lourdes et accablantes [dans la tragédie] », assène dans ses conclusions la commission de quatorze historiens présidée par Vincent Duclert, mise en place en 2019 par le président Emmanuel Macron.

    Dans ce rapport de plus de 1 000 pages, les historiens reviennent sur l’engagement français durant ces quatre années décisives, au cours desquelles s’est mise en place la dérive génocidaire du régime hutu, pour aboutir à la tragédie de 1994 : quelque 800 000 personnes, majoritairement tutsi, exterminées dans des conditions abominables entre avril et juillet.

    Télégrammes diplomatiques, notes confidentielles et lettres à l’appui, le rapport dessine une politique africaine décidée au sommet par le président socialiste de l’époque, François Mitterrand, et son cercle proche, un entourage motivé par des « constructions idéologiques » ou la volonté de ne pas déplaire au chef de l’État.

    Il raconte des décideurs « enfermés » dans une grille de lecture « ethniciste » post-coloniale et décidés à apporter, contre vents et marées, un soutien quasi « inconditionnel » au régime « raciste, corrompu et violent » du président rwandais Juvénal Habyarimana, face à une rébellion tutsi considérée comme téléguidée depuis l’Ouganda anglophone.

    Dérive extrémiste

    « Cet alignement sur le pouvoir rwandais procède d’une volonté du chef de l’État et de la présidence de la République », écrivent les quatorze historiens de la Commission, en insistant sur « la relation forte, personnelle et directe » qu’entretenait François Mitterrand avec le président hutu Juvénal Habyarimana.

    Cette relation, doublée d’une obsession de faire du Rwanda un territoire de défense de la francophonie face aux rebelles tutsis réfugiés en Ouganda a justifié « la livraison en quantités considérables d’armes et de munitions au régime d’Habyarimana, tout comme l’implication très grande des militaires français dans la formation des Forces armées rwandaises [gouvernementales] ».

    Dès octobre 1990, date d’une offensive du FPR (Front patriotique rwandais, ex-rébellion tutsie dirigée par Paul Kagame, devenu président du Rwanda), Paris prend fait et cause pour le régime Habyarimana. Elle s’engage militairement avec l’opération militaire Noroît, censée protéger les expatriés étrangers, mais qui de facto constitue une présence « dissuasive » pour protéger un régime vacillant contre l’offensive rebelle.

    Tout en pressant Habyarimana à démocratiser son régime et négocier avec ses opposants – ce qui aboutira aux accords de paix d’Arusha en août 1993 –, la France ignore les alertes, pourtant nombreuses, venues de Kigali ou Paris, mettant en garde contre la dérive extrémiste du régime et les risques de « génocide » des Tutsi.

    La responsabilité de François Mitterrand

    Qu’elles viennent de l’attaché militaire français à Kigali, des ONG, de certains diplomates, ou des services de renseignement, ces mises en garde sont ignorées ou écartées par le président et son cercle.

    « On peut se demander si, finalement, les décideurs français voulaient vraiment entendre une analyse qui venait contredire la politique mise en œuvre au Rwanda », écrivent les chercheurs.

    Le rapport souligne notamment la lourde responsabilité de l’État-major particulier (EMP) de François Mitterrand, dirigé par le général Christian Quesnot et son adjoint le colonel (devenu général) Jean-Pierre Huchon.

    « L’EMP porte une responsabilité très importante dans l’installation d’une hostilité générale de l’Élysée envers le FPR », écrit le rapport, qui dénonce « les pratiques irrégulières », voire les « pratiques d’officine » de cet organe qui court-circuite tous les canaux réguliers pour mettre en œuvre la politique française sur le terrain.

    Avec l’aval, tacite, du président : « aucun document ne montre une volonté du chef de l’État de sanctionner ces militaires ou de les retenir dans leurs initiatives », pointe le rapport.

    Parallèlement, l’institution diplomatique ne se montre guère plus critique – à de rares exceptions –: « les diplomates épousent sans distance ou réserve la position dominante des autorités », et leur administration est « imperméable » à la critique.

    L’arrivée en 1993 d’un gouvernement de droite – la France entre alors en « cohabitation » – ne modifiera pas fondamentalement la donne, malgré des affrontements parfois « impitoyables » entre l’Élysée et le gouvernement du Premier ministre Édouard Balladur, beaucoup moins enclin à l’engagement français au Rwanda.

    « Massacres interethniques »

    Lorsque le génocide commence, le 7 avril 1994, au lendemain de l’attentat contre l’avion du président Habyarimana (dont le rapport ne désigne pas les commanditaires, objet d’une controverse depuis près de trente ans), cela n’entraîne pas « une remise en cause fondamentale de la politique de la France, qui demeure obsédée par la menace du FPR ». Et même si le chef de la diplomatie d’alors, Alain Juppé, est le premier à parler de « génocide » à la mi-mai 1994, la grille de lecture reviendra rapidement à des « massacres interethniques » et une « guerre civile ».

    Il y a une « obstination à caractériser le conflit rwandais en termes ethniques, à définir une guerre civile là où il y a une entreprise génocidaire », écrivent les historiens.

    Dans un contexte de retrait ou d’immobilisme international – l’ONU, l’ancienne puissance coloniale belge, les États-Unis –, la France sera pourtant la première à réagir en lançant en juin 1994, sous mandat de l’ONU, une opération militaro-humanitaire visant à « faire cesser les massacres ».

    Cette opération controversée, Turquoise, a certes « permis de sauver de nombreuses vies, mais non celles de la très grande majorité des Tutsi du Rwanda exterminés dès les premières semaines du génocide », écrit la commission, qui souligne que les autorités françaises « se refusent à arrêter » les commanditaires du génocide ayant trouvé refuge dans la zone sous contrôle français. Ce point est l’un des plus controversés de l’action française au Rwanda.

    Les responsables politiques et militaires de l’époque ont pour leur part soutenu avoir sauvé l’honneur de la communauté internationale en étant les seuls à intervenir au Rwanda.

    Le génocide prend fin avec la victoire du FPR en juillet 1994. Depuis, la France a entretenu des relations tendues, voire exécrables, avec le Rwanda, marquées par la rupture des relations diplomatiques en 2006.

    Même si les relations entre Paris et Kigali se sont détendues avec l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron en 2017, le rôle de la France au Rwanda reste un sujet explosif depuis plus de vingt-cinq ans. Il est aussi l’objet d’un débat violent et passionné entre chercheurs, universitaires et politiques.

    Avec AFP

    France24, 26 mars 2021

    Tags : France, Rwanda, génocide, historiens, rapport,