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  • Fiche sur la stratégie intégrée du Sahel

    Fiche sur la stratégie intégrée du Sahel

    Mali, Sahel, ONU, Stratégie Intégrée des Nations Unies pour le Sahel, Maroc,

    I- Origine de la stratégie du Sahel :

    La Stratégie Intégrée des Nations Unies pour le Sahel est adoptée conformément aux dispositions de la résolution du Conseil de Sécurité de l’ONU N° 2056 du 05 juillet 2012, par laquelle le Conseil de Sécurité a exhorté le Secrétaire Général de l’Onu à développer une stratégie intégrée pour la région du Sahel comprenant les volets sécuritaires, la gouvernance, les questions de développement, les droits de l’Homme et les questions humanitaires.

    La préparation de cette stratégie fut confiée à Monsieur Romano Prodi nommé, Envoyé Spécial du Secrétaire Général de l’ONU au Sahel, qui l’a présentée devant le Conseil de Sécurité le 26 juin 2013. La réunion de haut niveau sur le Sahel tenue le 26 septembre 2013 à New York, en marge de la 68ème session de l’Assemblée générale de l’ONU, marque le début de la phase de mise en œuvre de cette stratégie.

    II- Objectifs de la stratégie du Sahel

    La stratégie du Sahel qui concerne la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Burkina Faso et le Tchad, repose sur les trois objectifs suivants :

    1- Développement d’une gouvernance effective et inclusive à travers la région par le biais des actions ci après :
    Renforcement des institutions nationales pour promouvoir les pratiques démocratiques,
    Soutien à l’extension des services de l’Etat sur l’ensemble de leurs territoires,
    Renforcement de la gouvernance locale,
    Soutien au renforcement des mécanismes régionaux de la gouvernance,
    Renforcement des mécanismes nationaux et régionaux des droits de l’Homme afin de lutter contre l’impunité et la mise en place d’une justice nationale indépendante,
    Mise en place de mécanismes d’alertes précoces nationaux et régionaux,
    Promotion d’une gouvernance du secteur de sécurité à travers la mise en place d’institutions de justice et de sécurité responsable.

    2- Des mécanismes nationaux et régionaux capables de faire face aux menaces transnationales à travers :

    Renforcer les capacités onusiennes d’analyses et de monitoring des questions de sécurité régionale,
    Soutenir les Etats de la région à établir des mécanismes de coordination nationaux et régionaux dans la lutte contre le terrorisme et du crime organisé,
    Renforcer les capacités nationales pour une meilleure gestion de leurs frontières,
    Promouvoir la coopération régionale et inter-régionale entre les Etats du Sahel et du Maghreb à travers le développement d’une approche harmonisée visant à combattre les flux illicites et le mouvement des groupes armés, criminels et terroristes,
    Organiser sur la base de la réunion organisée à Rabat, sur la coopération entre les Etats du Sahel et du Maghreb dans le renforcement de la sécurisation des frontières, des rencontres annuelles (officiers de police de frontière, de renseignement et de douanes) en vue de renforcer l’échange d’information et une coopération dans la sécurisation des frontières,
    Soutenir les efforts visant à promouvoir les échanges de renseignements entre les aéroports d’Amérique latine, d’Afrique de l’Ouest, du Sahel, du Maghreb et de l’Europe afin de combattre les trafics illicites.

    3- L’intégration des plans humanitaires et de développements dans un processus de résilience à long terme des Etats, par :

    – Le soutien aux gouvernements de la région dans le renforcement de la résilience des Etats,
    – L’harmonisation de l’action humanitaire et de développement en faveur des pays du Sahel.

    III- Contribution du Maroc à l’élaboration de la stratégie du Sahel

    De part son mandat au sein du Conseil de Sécurité de l’ONU pour la période 2012-2013, qui a coïncidé avec le déclenchement de la crise au Mali, le Maroc a activement contribué à l’élaboration et l’adoption de la stratégie du Sahel. A ce sujet, il convient de rappeler, entre autres, les actions suivantes :
    Soutien et appui à l’adoption des quatre résolutions du Conseil de Sécurité sur le Mali à savoir les résolutions 2056 (5 juillet 2012), 2071 (12 octobre 2012), 2085 (21 décembre 2012) , 2100 (25 avril 2013),
    Participation lors de la 68ème session de l’Assemblée Générale de l’ONU (septembre octobre 2013) à la réunion de Haut niveau sur le Sahel,
    Lors de la présidence marocaine du Conseil de Sécurité en décembre 2012, le Maroc a organisé un débat de haut niveau du Conseil de Sécurité sur le Sahel avec la participation des Ministres des Affaires Etrangères de plusieurs pays,
    Organisation à Rabat en mars 2013, en collaboration avec le système des Nations Unies de la Conférence sur « la coopération en matière de contrôle des frontières dans le Sahel et le Maghreb ».

    31/10/2013

    Abdelkader TALEB
    Chef de la Division de l’Afrique Centrale et Australe

    Direction des Affaires Africaines

    Ministère des Affaires Etrangères et de la Coopération

    Rabat- Maroc

    Tel:+212 537 67 60 64

    taleb@maec.gov.ma
    abdelkadertaleb@gmail.com

    #Sahel #Mali #ONU #Maroc


  • Les moyens d’action d’Al-Qaida au Maghreb Islamique

    Les moyens d’action d’Al-Qaida au Maghreb Islamique

    Mali, Sahel, Al-Qaida au Maghreb Islamique, AQMI, Maroc, terrorisme, Mauritanie, Niger, Tchad,

    Note hebdomadaire du Secrétariat Général du Ministère des Affaires Étrangères et de la Coopération du Royaume du Maroc. Envoyé au MAEC le 31 octobre 2013


    Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI), branche du réseau Al-Qaida, a fait allégeance à Oussama Ben Laden le 13 septembre 2006 et est implanté dans la région du Sahel où il opère principalement. AQMI est organisée en deux commandements pour l’exécution de ses opérations : à l’Ouest sahélien, Mokhter Belmokhtar dirige une unité qui concentre ses actions principalement sur la Mauritanie. A l’Est, Abou Zeid dirige et exécute des opérations armées au Nord du Mali jusqu’au Sud de la Tunisie.

    AQMI a pour objectif de créer un « Emirat Islamique » à l’échelle du Maghreb, le but étant de fondre l’Algérie, le Maroc, la Tunisie et la Mauritanie dans un unique Etat qui serait placé sous l’autorité d’un chef religieux, d’où la déstabilisation volontaire des régimes politiques de la sous-région. AQMI distingue généralement deux types d’ennemis : l’ennemi proche ou voisin qui fait référence aux pays maghrébins (qui se positionnent comme étant l’ennemi prioritaire à combattre) et l’ennemi lointain, qui renvoie à l’occident (et aux alliés des ennemies proches).

    A l’image des autres groupes terroristes existants, Al Qaida dispose de divers modes d’actions. En effet, une première fatwa, remonte au début des années 90, autorisait le financement du djihad par des activités illicites. Mais c’est 2001 qu’une autre fatwa de l’égyptien Abou Bassir al-Tartousi, légitime le recours au vol, au trafic en tout genre, à la contrebande et au racket, si cela pouvait servir le djihad. Depuis, ces pratiques ont largement été mis en oeuvre et restent les principaux modes d’actions de l’AQMI.

    I. La prise d’otage ou les enlèvements

    La prise d’otage pour les groupes terroristes et plus particulièrement pour AQMI, reste le moyen le plus sure pour s’attirer tout le réseau média et l’attention de toute la communauté internationale. Le rapt, souvent accompagné de menaces de mort si les revendications de ses auteurs ne sont pas respectées, reste la source financièrement la plus rentable.

    Ainsi, les terroristes d’Al Qaida n’hésitent pas à recourir à ce moyen dés que l’occasion se présente pour d’une part, obtenir des rançons pour financer leur structure et acquérir des armements de plus en plus sophistiqué et puissants, et d’autre part, pour exiger la libération de membres terroristes emprisonnés dans les pays du Sahel. De ce fait, 90% des ressources d’AQMI proviennent des rançons versées et on évoque aussi 90 millions d’euros réclamés par AQMI, pour la libération des 4 otages (français enlevés au Niger en septembre 2010) encore retenus. Ce montant représente plus de deux fois l’aide annuelle de la France au Mali ou au Niger.

    1. Aperçu sur le nombre d’otages enlevés et tués dans le Sahel et au Nigeria depuis 2009

    -3 juin 2009 : AQMI revendique la mort du Britannique Edwin Dyer, enlevé le 22 janvier dans la zone frontalière entre le Mali et le Niger. Trois autres touristes européens, deux Suisses et un Allemand enlevés avec lui sont libérés en avril et juillet.
    -25 juillet 2010 : AQMI revendique l’exécution du Français, Michel Germaneau, un ancien ingénieur de 78 ans, enlevé dans le nord du Niger le 19 avril puis transféré au Mali.
    -8 janvier 2011 : Antoine De Léocour et Vincent Delory (deux français) sont tués au cours d’une opération de sauvetage franco-nigérienne en territoire malien, au lendemain de leur enlèvement par des membres d’Aqmi dans un restaurant de Niamey.
    -24 novembre 2011 : Philippe Verdon et Serge Lazarevic (deux Français) sont enlevés par des hommes armés dans le Nord-Mali. Un rapt qui porte aussi la griffe d’AQMI.
    -25 novembre 2011 : Un Allemand est tué en tentant de résister à son enlèvement à Tombouctou (nord du Mali) par des hommes armés qui kidnappent trois autres touristes se trouvant avec lui. AQMI, qui a revendiqué l’enlèvement, a menacé en janvier dernier de tuer les trois otages, un Suédois, un Néerlandais et un Britannique ayant aussi la nationalité sud-africaine.
    – 8 mars 2012 : Deux ingénieurs britannique et italien, otages au Nigeria depuis le 12 mai 2011 sont tués.

    Les otages ont été « assassinés » par leurs ravisseurs appartenant au groupe islamiste Boko Haram.

    Les prises d’otages les plus marquantes restent celles des deux humanitaires espagnols Albert Vilalta et Roque Pascual enlevé en novembre 2009 puis libéré en mars 2010 en contrepartie d’une rançon estimée entre 5 et 10 millions de dollars versés à AQMI. Un français Pierre Camatte enlevée au Mali en 2009 a quant à lui été libéré en échange de la libération de quatre islamistes de l’organisation détenu par Bamako. Aujourd’hui, au total, 12 Européens dont 6 Français, sont encore retenus au Sahel par AQMI et le MUJAO.
    Si AQMI qui dispose de réseaux dans plusieurs pays sahéliens (Mauritanie, Mali, Niger, nord du Nigeria…) est bien derrière l’enlèvement des nombreux occidentaux, elle a aussi démontré qu’elle pouvait frapper les intérêts occidentaux dans toute la région sahélienne. Pour rappel, après la fin de la rébellion touareg au Niger en 2009, certains membres de la communauté touareg ont tissés des liens avec des islamistes armés et il leur arrive de vendre leurs services pour des enlèvements ou des trafics, sans pour autant partager leur idéologie, le but étant purement financier.

    Aussi, pour repérer ses cibles, AQMI s’appui également sur le soutien des populations locales qui informe le groupe de la présence de touristes ou d’humanitaires dans la région et ce, par intérêt ou pour des raisons de solidarité ou par complicité. C’est dans ce sens que des groupes autonomes sans appartenance terroriste kidnappent et revendent des otages.

    Aujourd’hui il est difficile de chiffrer le nombre de prises d’otages dans le Sahel en raison de la nature même de ce type de crime. Les informations restent peu fiables et peu vérifiables car ce genre d’événements n’est pas toujours publiquement rapporté et les autorités des pays « victimes » ne sont pas toujours coopératifs. Cependant des consultants spécialisés dans la prise d’otage estiment qu’il y aurait annuellement entre 20.000 et 30.000 enlèvements dans le monde.

    2. Evolution de l’industrie de l’enlèvement dans le Sahel
    Au cours de cette décennie, ce sont prés de 120 millions de dollars qui ont été collectés par les organisations terroristes en matière de paiements de rançons, avec en tête l’AQMI qui a encaissé le plus d’argent depuis 2008.
    A titre d’exemple, l’Espagne aurait payé 8 à 9 millions d’euros pour obtenir la libération de ses otages, le Canada quelques millions d’euros, l’Autriche entre 2 et 3,5 millions d’euros pour la libération de deux Autrichiens. L’Italie 3 millions d’euros en 2002/2003, l’Allemagne aurait payé 5 millions d’euros pour la libération d’otages européens, idem pour la Suisse. Des pays comme la Grande-Bretagne ne paient jamais de rançons.
    L’autre constat inquiétant, est l’augmentation continue des montants des rançons exigées, passant de 4,5 millions de dollars en 2010 à 5,4 millions de dollars en 2011. A titre d’exemple, une filiale d’Al-Qaïda aurait tenté d’extorquer des paiements annuels importants, estimés à des millions d’euros, auprès d’une société (probablement Areva) basée en Europe, en échange de la promesse de ne pas porter atteinte à ses intérêts en Afrique. Mais cela n’est que le début d’un cercle vicieux : en réalité payer une sorte de redevance annuelle à des groups terroristes reviendrait à financer d’autres opérations d’enlèvements qui, à leur tour, conduisent à la demande d’autres rançons.

    Les américains appelleraient donc les gouvernements européens à ne plus payer de rançons, alors que les européens acceptent mal cette position car au final, tous les pays concernés finissent sous la pression et sous la menace d’exécuter les otages par payer des rançons pour voir libérer leurs ressortissants otages d’AQMI au Sahel. Lorsque ce ne sont pas les gouvernements qui paient, ce sont des entreprises privées qui sont sollicitées pour régler la rançon.

    II. Trafics, contrebande et racket

    Si le Sahel est considéré comme étant un véritable « hub » énergétique, il en est de même en matière de trafics en tout genre et de contrebande. La zone sahélienne est devenu le lieu de passage privilégié pour de nombreuses filières criminelles qui font aujourd’hui du Sahel une plaque tournante de plusieurs trafics. Aux portes de l’Europe (premier consommateur mondial), cette zone reste incontrôlée et l’Amérique du Sud n’est pas la seule région d’où provient la drogue qui transite par le Sahel : cocaïne et héroïne en provenance d’Afghanistan transit aussi par cette zone. Les marchandises remontent, ensuite vers l’Europe, empruntant des itinéraires clandestins à travers le Tchad, le Mali et le Niger. On estime ainsi aujourd’hui que le Sahel sert de transit à 50 voire 70 tonnes sur les 200 à 250 tonnes de cocaïne produite en Amérique du Sud.

    AQMI n’intervient donc pas directement dans le trafic, mais prélève une taxe imposée et illégale sur les transits de drogue, en contrepartie du contrôle et de la sécurité qu’elle assure aux trafiquants chargés d’approvisionner les pays du Sahel et lors des passages de convois.

    La contrebande de cigarettes à travers le Sahel est également une pratique très courante et génératrice de revenus difficilement chiffrable, mais qui se compterait annuellement en plusieurs centaines de millions d’euros. Les marchés visés par ces trafics sont d’abord ceux du Maghreb, de l’Egypte et du Moyen-Orient. Cette contrebande très lucrative attire fortement les groupes terroristes locaux qui, s’ils ne s’impliquent pas directement, imposent un « service de protection » aux contrebandiers contre une dîme sur la marchandise, d’où l’implication particulière de Mokhtar Belmokthar, un des responsables d’AQMI alias « Mister Marlboro», dans le trafic de cigarettes au Sahel.

    III. Appuis et investissements extérieurs

    Ces appuis sont constitués de dons plus ou moins volontaires en provenance des communautés maghrébines installées en Europe et plus généralement à l’étranger. Ces fonds sont transférés via des organismes financiers de transferts de fonds (Western Union…). Le rapatriement de ces fonds est peu contrôlé et les traces difficiles à remonter, compte tenu du fait que de faux documents et renseignements justifiant l’origine et la destination des fonds sont présentés.

    Aussi, AQMI serait soutenu voire assisté financièrement et militairement par des pays comme : l’Arabie Saoudite, la Libye, l’Iran ou encore le Pakistan. L’objectif étant de bénéficier de la protection d’AQMI pour ce qui est de leurs intérêts économiques et financiers dans la région du Sahel.

    Depuis la prise en otage de 16 personnes travaillant pour la multinationale Areva, au Niger, en septembre 2010, AQMI tirerait aussi ses soutiens financiers de firmes multinationales qui utilisent AQMI comme un moyen criminel pour atteindre des fins stratégique.

    IV. Recrutements, Kamikazes et le réseau Internet

    AQMI ne compterait aujourd’hui que 500 combattants actifs, autour de Abdelmalek Droukdal, le chef du Groupe salafiste pour la prédication et le combat, au nord-est de l’Algérie. On compte 400 autres combattants logés dans le nord du Mali, soit un faible nombre de terroristes, au sein d’une organisation marquée par des tensions internes entre chefs rivaux et dont certains sont idéologiquement intransigeants et d’autres tout simplement des trafiquants.  Au total, d’après les données qui circulent dans le milieu du renseignement, il y aurait entre 500 et un millier de terroristes membres d’AQMI, essentiellement répartis entre les katibas du Sahel et celles du nord de l’Algérie. Pour information, au moins 150 terroristes auraient été arrêtés, tués ou se sont rendus entre janvier et octobre 2012.

    Les moyens d’action d’AQMI ne sont pas que financiers, ils sont aussi humains, notamment à travers le recrutement des jeunes maghrébins généralement en détresse pour en produire des postulants au martyre. Le recrutement se fait principalement en Algérie, dont 40% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Le recrutement se fait également au niveau des prisons (notamment françaises) où cohabitent délinquants mineurs et terroristes. Ces derniers enrôleraient des jeunes en leur inculquant une idéologie meurtrière durant des séances d’endoctrinement.

    Si ce n’est pas au sein des prisons, c’est sur le réseau Internet que le groupe AQMI attire des volontaires à travers des vidéos (diffusées en plusieurs langues pour toucher le maximum de zones géographiques) et des messages de vengeance à l’encontre des apostats, des juifs et des « mécréants ». Le but étant une propagande très bien étudiée pour promouvoir le djihad et inciter les jeunes au service de la cause d’AQMI.

    Enfin pour reprendre Jean Luc Marret, spécialiste des questions de violence, du terrorisme et des Etats fragiles, AQMI est « une entreprise politique, composée de professionnels, exigeant une formation, poursuivant une carrière et pratiquant un métier, ayant des partenaires (…) disposant d’un capital, à la recherche de publicité et dont le nom équivaudrait à une marque ».

    Nadia El Mahjoubi
    Secrétariat Général
    Ministère des Affaires Étrangères et de la Coopération du Royaume du Maroc
    Tel:  00212 37 67 60 39
    Fax: 00212 37 66 01 28
    Poste: 6039



  • Le Maroc et le Sahel

    Le Maroc et le Sahel

    Maroc, Mali, Sahel, CEDEAO, République Centrafricaine, Congo, RDC, RCA, Guinée Bissau,

    Note envoyée au MAEC le 31.10.2013

    Nadia Elmahjoubi

    Position du Maroc

    A. Fondements de la position marocaine

    Le Maroc :

    -Estime que la priorité doit être donnée au recouvrement par le Mali de son intégrité territoriale, à la lutte contre les activités terroristes et criminelles perpétrées contre les populations de ce pays ;

    -Réitère son engagement en faveur de la préservation de l’unité, de la stabilité et de l’intégrité territoriale du Mali et son soutien aux efforts déployés pour le développement de ce pays ;

    -Encourage la recherche d’une solution politique et pacifique, qui reste le moyen le plus approprié au règlement de la crise malienne ;

    -S’engage à suivre de près la situation humanitaire dans la région et ne ménagera aucun effort pour assister les réfugiés jusqu’au rétablissement de la paix et de la stabilité dans la région du Sahel.

    Efforts déployés par le Maroc 

    Au Conseil de sécurité de l’ONU 

    Le Maroc en tant que pays africain membre non-permanent du Conseil de Sécurité :

    -A soutenu l’adoption par le C.S de l’ONU de la Résolution 2056 sur la situation au Mali, qui appelle les Etats du Sahel et du Maghreb à intensifier leur coopération en vue de lutter contre les activités de l’AQMI et des groupes qui y sont affiliés dans la région du Sahel ;

    -A co-parrainé l’adoption par le C.S de l’ONU de la Résolution 2071, appellant les autorités maliennes à engager un dialogue politique avec les groupes rebelles maliens et les représentants légitimes de la population locale du Nord du Mali ;

    -A soutenu l’adoption par le C.S de l’ONU de la Résolution 2085 autorisant le déploiement d’une opération africaine au Mali (après concertation avec la CEDEAO), avec pour objectif de permettre aux Maliens de recouvrer leur souveraineté et l’intégrité de leur territoire et de lutter contre le terrorisme international.

    En marge de la 67ème session de l’Assemblée générale de l’ONU 

    Le Maroc a :

    -Salué la résolution du C.S portant sur la mise en place d’une stratégie globale et intégrée pour la région du Sahel, qui pourra permettre la mise en place de mesures permettant de relever les défis sécuritaires, humanitaires, et de développement sur le court, moyen et long terme dans la région du Sahel ;

    -Favorablement accueilli la désignation par le SG des N.U d’un envoyé spécial des N.U pour le Sahel, et dont la mission sera basée sur l’accompagnement des efforts entrepris par la CEDEAO et par le Mali, pour trouver une solution à la question sécuritaire au Sahel et une issue pacifique à la sortie de crise ;

    -Appelé la communauté internationale à porter une attention particulière aux défis socio-économiques et à la question du développement humain, auxquels doivent faire face les pays sahélo-sahariens et les Etats ouest africains ;
    -Salué l’initiative française de mettre en place un Groupe des Amis du Sahel.

    En marge de la 68ème session de l’Assemblée générale de l’ONU 

    Le Maroc a :

    -Réaffirmé lors de la réunion de haut niveau sur le Sahel, son appui total pour la stratégie intégrée des Nations-Unies et appelle les pays de la région à sa mise en œuvre ;
    -Préconisé une approche profonde du développement en faveur des pays de la région afin de concrétiser la stabilité et le développement socio-économique dans la région sahelo-sahelienne ;
    -Salué les efforts de la communauté internationale et des organisations internationales et régionales visant à relever les défis de sécurité et de développement au Sahel, tout en relevant l’intérêt de réaliser la stabilité dans cette région.

    Sur le plan politique 

    Le Maroc réitère sa disposition à poursuivre les efforts en matière d’aide et d’assistance en vue de contribuer à la restauration de la paix et de la sécurité dans la région du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest et ce, a travers les initiatives suivantes :

    2. La Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) 

    Le Maroc soutien les efforts de la CEDEAO visant à trouver une solution politique et pacifique à la crise malienne, fondée sur le dialogue entre les différentes parties au conflit et a manifesté son intention de fournir une aide humanitaire et un soutien politique pour parvenir à la résolution du conflit malien.

    3. La Communauté des Etats sahélo-sahariens (CEN-SAD)

    Le Maroc soutien les efforts de la CEN SAD en matière de lutte contre le terrorisme, le trafic de drogue et d’armes, et le crime organisé dans la région du Sahel (session extraordinaire du Conseil exécutif de la CEN-SAD tenue à Rabat dernièrement) ;

    Aussi, Conformément aux prescriptions de la session extraordinaire de la Conférence des Chefs d’Etats et de Gouvernement de la CEN-SAD, tenue le 17 février 2013 à Ndjamena, le Secrétariat Général de la CEN-SAD organisera conjointement avec le Maroc, la Retraite de haut niveau sur la nouvelle vision et les missions de la CEN SAD. Cette rencontre permettra à la CEN-SAD de jouer son rôle dans un espace sahélo-saharien empreint de défis et permettra une réflexion sur la recherche de solutions agissantes pour relever les défis de la région sahélienne.

    – La Conférence régionale pour la sécurité aux frontières

    Le Maroc réitère sa volonté a intensifier la coopération régionale, notamment a travers l’examen des problèmes de sécurité dans la région, dont la prolifération et le trafic d’armes transfrontaliers, le terrorisme, le trafic de stupéfiants, l’immigration clandestine, le crime organisé transfrontalier et le trafic de migrants ;

    Le Maroc encourage la consolidation du dialogue stratégique, l’échange d’expertises et d’informations ainsi que la coordination opérationnelle dans le domaine de la sécurité frontalière ;

    Conscients de l’impératif de développer une stratégie entre les pays du Sahel et ceux de l’Union du Maghreb arabe (UMA) visant à lutter contre le terrorisme, le Maroc a abrité en mars 2013 une conférence régionale sur le contrôle aux frontières au Sahel et au Maghreb.

    – La Conférence ministérielle des Etats d’Afrique riverains de l’Atlantique

    Le Maroc encourage les synergies interrégionales traitant des questions à caractère sécuritaire entre les différentes organisations présentes dans l’espace ouest africain. Le pays soutien une coopération élargie basée sur le principe de responsabilité partagée, nécessaire pour trouver des solutions concrètes à la menace du crime organisé.

    Sur le plan sécuritaire 

    Le Maroc :

    5. Estime que l’urgence doit porter sur le recouvrement par le Mali de son intégrité territoriale et sur la lutte contre les activités terroristes et criminelles commises à l’encontre des populations du pays et de la région sahélienne en général, tout en restant focalisé sur la nécessité d’aider et de soutenir les pays sahélien à renforcer leurs institutions sécuritaires pour assurer une meilleure gestion de leurs frontières et faire face au terrorisme, au crime organisé transnational et aux trafics de tous genres ;
    6. Constate que la région du Sahel fait face à des activités criminelles transfrontalières et terroristes sans précédent, soulignant les difficultés des Etats de la région à sécuriser les frontières et les conséquences de l’aggravation de la pauvreté qui amène de plus en plus de personnes à recourir à des activités criminelles pour subvenir à leurs besoins ;
    7. Pense que les effets de la crise libyenne n’ont fait qu’exacerber cette situation, alors que des initiatives louables ont vu le jour pour faire face aux défis sahéliens, d’où la nécessité d’asseoir une coopération régionale accrue afin de faire face aux problèmes structurels ;
    8. Regrette la persistance de visions sécessionnistes qui persistent dans les zones grises et qui facilitent la prolifération des activités terroristes et de la criminalité transnationale organisée dans la région du Sahel ;
    9. Reste préoccupé par la situation au Sahel et plus particulièrement au Nord du Mali, concernant les violations des droits de l’Homme, telles que les exécutions sommaires, la torture, les châtiments cruels, les recrutements d’enfants soldats, les violences à l’égard des femmes ;
    10. Est conscient des dangers de la dégradation continue de la situation sécuritaire au Sahel, alimentée par les tensions régionales, le terrorisme, les trafics transfrontaliers, les rébellions armées et déplacements de centaines de milliers de réfugiés ;
    11. Soutien toutes les initiatives visant la mise en place d’une stratégie globale et intégrée pour la région du Sahel et qui permettra l’instauration de mesures à même de relever les défis sécuritaires, humanitaires et de développement sur les court, moyen et long terme dans cette région ;
    12. Encourage le renforcement des capacités nationales en matière de sécurité et en matière de coopération bilatérale, plus particulièrement entre les pays voisins, et ce, dans l’objectif d’instaurer les bases d’une coopération sous-régionale effective.

    Sur le plan humanitaire 

    Le Maroc très présent sur le terrain, exprime sa profonde préoccupation quant à la détérioration de la situation humanitaire dont souffre un grand nombre de déplacés civils, en provenance notamment du Nord du Mali ;
    La crise au Nord du Mali a aggravé la sécurité alimentaire dans la région sahélienne, déjà désastreuse en raison des sécheresses et des aléas climatiques. D’importantes aides humanitaires ont été acheminés au profit de réfugiés maliens en Mauritanie, au Niger et au Burkina Faso sous forme de denrées alimentaires et de produits pharmaceutiques  (46 tonnes de denrées alimentaires au Niger et 50 tonnes de produits alimentaires et pharmaceutiques au Burkina Faso).

    Position du Maroc sur la crise malienne

    -Le Maroc est conscient des graves menaces engendrées par les groupes terroristes au Nord du Mali et qui mettent en péril la stabilité dans la région du Sahel et dans le reste du monde ;
    -Le Maroc a soutenu l’opération militaire française dans ce pays qui s’est traduite par la libération des zones qui étaient sous contrôle des groupes armés radicaux ;
    -Par ailleurs, le pays soutient également les efforts déployés par la CEDEAO et l’ONU visant à parvenir à une solution fondée sur le dialogue entre les différentes parties au conflit et a manifesté son intention de fournir une aide humanitaire et un soutien politique pour parvenir à la résolution du conflit malien ;
    -Lors de la présidence tournante, en décembre 2012 au Conseil de Sécurité, le Maroc a joué un rôle capital dans l’adoption à l’unanimité des Quinze dans la résolution 2085, autorisant le déploiement d’une force africaine au Mali pour une période initiale d’une année ;
    -Aussi, lors de la Conférence, tenue au siège de l’Union africaine (UA) à Addis-Abeba, en janvier 2013, le Maroc a décidé une contribution de 5 millions de dollars destinée à financer la Mission internationale de soutien au Mali sous conduite africaine (MISMA). A travers cette contribution, le Maroc a réaffirmé son soutien constant au Mali, ainsi que son appui aux efforts des pays de la région et de la communauté internationale en vue d’assurer la stabilité et le développement du Mali et de toute la région ;
    -Par railleurs, le Maroc se félicite de la réussite du processus électoral au Mali, des progrès enregistrés en matière de sécurité dans le pays et s’engage à maintenir son soutien au gouvernement et au peuple maliens particulièrement dans les domaines de la réconciliation nationale et de la justice transitionnelle ;
    -Le Maroc encourage la restauration de la légitimité politique au Mali à travers une transition politique, faisant suite à des élections libres, inclusives et démocratiques. A cet effet, le pays soutient le lancement des travaux et des mesures préliminaires en vue de la tenue des pourparlers inclusifs de paix au Mali, tels que prévus par l’accord de Ouagadougou du 18 juin 2013 ;
    -Le Maroc salue les initiatives prises en matière de réconciliation nationale, priorité du mandat du Président Ibrahim Boubakar Keita, ainsi que la mise en place de « mesures de confiance » et l’établissement d’un dialogue officieux avec les représentants de groupes armés implantés au Nord du Mali ;
    -Enfin le Maroc souligne que la dimension cultuelle et culturelle du pays constitue une composante fondamentale et nécessaire au processus de réconciliation nationale, à la reconstruction durable et à l’instauration d’une paix durable au Mali.

    Position du Maroc sur la crise bissau-guinéenne

    Au lendemain des élections présidentielles en Guinée Bissau, un coup d’Etat militaire a été perpétré le 12 avril 2012 en Guinée Bissau, suite auquel le Président de la République par intérim, M. Raimundo PEREIRA, a été séquestré ainsi que d’autres personnalités politiques.

    Le Maroc a :

    -Fermement condamné ce coup d’Etat militaire et a appelé au rétablissement pacifique de l’ordre constitutionnel et au renforcement des institutions de l’Etat ;
    -Réitéré son soutien au parachèvement du processus électoral en Guinée Bissau, ainsi qu’aux initiatives de la CEDAO visant le retour de la paix et de la stabilité dans ce pays ;
    -Egalement salué la constitution d’un gouvernement inclusif en Guinée Bissau, ainsi que l’instauration d’un Conseil National, tout en rappelant la nécessité de poursuivre les efforts pour rétablir l’ordre constitutionnel et permettre une meilleure intégration régionale du pays ;
    -Entretenu des relations équilibrées avec le Gouvernement de transition et a salué les développements positifs au niveau du processus de transition, soulignant la nécessité de tenir des élections libres, justes, démocratiques et inclusives, afin d’éviter tout risque de troubles (l’organisation de nouvelles élections générales est en principe prévue pour le 24 novembre 2013) ;
    -Encourage le pays à intensifier ses efforts pour parvenir à une solution politique et à un renforcement de la coopération avec les autres parties prenantes afin d’engager un processus commun et crédible pour mettre fin à la crise.

    Position du Maroc sur la crise centrafricaine

    -L’arrivée par la force au pouvoir de la rébellion « Seleka », le 24 mars 2013, a été largement condamnée par la communauté internationale et a entraîné la suspension de la participation de la République Centrafricaine aux instances internationales et régionales (Nations Unies, Union Africaine, Organisation Internationale de Francophonie…etc.) ;
    -Au lendemain de cette prise illégale du pouvoir,  le Maroc a fait part de sa volonté d’apporter son soutien aux efforts de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique Centrale en vue d’aider la République Centrafricaine à rétablir la sécurité et l’Etat de droit, à réaliser une Union nationale et à relancer le processus démocratique ;
    -Par ailleurs, le Maroc salue la mise en place de la Mission internationale de soutien à la Centrafrique sous conduite africaine (MISCA), qui a pris la relève de la Mission de consolidation de la paix en République centrafricaine (MICOPAX), conformément aux décisions du Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine ;
    -Il convient de signaler que face à la situation d’insécurité et d’instabilité que connaît le pays, le Maroc a été sollicité pour répondre à des demandes d’aide, notamment humanitaires, auxquelles il a répondu favorablement par l’évacuation de plusieurs blessés de guerre. Le Maroc a été le premier à répondre aux besoins exprimés par la Centrafrique ;
    -Lors de sa visite au Maroc en mai 2013, le Ministre centrafricain de l’Economie, du Plan et de la Coopération Internationale, M. Abdalla-Kadre Assane, porteur d’un message adressé à Sa Majesté le Roi Mohammed VI par le Président centrafricain de transition, M. Michel Djotodia, a salué les actions humanitaires entreprises par le Maroc au profit du peuple centrafricain, notamment après le « changement politique » survenu en Centrafrique, en mars 2013.
    -Enfin le Maroc salue les efforts de l’Union Africaine en faveur d’une sortie de crise durable en République Centrafricaine et insiste sur la nécessité à ce que les initiatives africaines soient appuyées par une mobilisation de la communauté internationale, aussi bien au sein des Nations Unies que de l’Union Européenne.

    Position du Maroc sur la crise en République Démocratique du Congo (RDC)

    -Les Nations Unies sont un acteur majeur pour le maintien de la paix en RDC et la résolution de la crise en RDC. Le déploiement de la Mission des Nations Unies en République Démocratique du Congo (MONUC) a débutée en mars 2001 ;
    -Avec un contingent composé de 691 militaires et de 04 observateurs militaires, notre pays contribue activement à cette force qui compte plus de 15 000 militaires et de 1000 policiers de différentes nationalités ;
    -A noter qu’en juillet 2011, la MONUC est devenue la Mission de l’Organisation des Nations Unies pour la stabilisation en RDC (Monusco), avec un mandat reconduit par le Conseil de sécurité jusqu’au 31 mars 2014, dotant la mission d’une « brigade d’intervention » qui aura pour mandat de combattre et de neutraliser les groupes armés dans l’est de la RDC. Jusque là, le mandat de la Monusco était axé essentiellement sur la protection des civils ;
    -Le Maroc se félicite de la signature, le 24 février 2013 à Addis-Abeba, de l’accord-cadre de paix, de sécurité et de coopération pour la République démocratique du Congo et la région et encourage la RDC à mettre en œuvre les réformes annoncées par le Président Kabila ;
    -Cependant, le Maroc a condamné l’escalade des violences perpétrées par le M23 contre les populations civiles et la MONUSCO et a exprimé son inquiétude concernant la dégradation de la situation humanitaire et sécuritaire, les violations régulières des droits de l’homme par le M23 et d’autres groupes rebelles, incluant l’enrôlement d’enfants soldats ;
    -Enfin, le Maroc encourage à la mise en œuvre de l’accord-cadre pour la paix, la sécurité et la coopération en RDC et dans la région (Accords de paix Addis-Abeba) et estime que les efforts politiques et diplomatiques régionaux devraient être poursuivis de manière intensive en vue de parvenir à la paix dans l’est de la RDC et dans la région des Grands Lacs.

    Nadia El Mahjoubi
    Secrétariat Général
    Ministère des Affaires Étrangères et de la Coopération du Royaume du Maroc
    Tel:  00212 37 67 60 39
    Fax: 00212 37 66 01 28
    Poste: 6039

    #Maroc #Mali #Sahel #Congo #RDC #RCA #Guinée_Bissau #CEDEAO

  • Mali: Manifestation pour le départ rapide de Barkhane

    Mali: Manifestation pour le départ rapide de Barkhane

    Mali, France, Barkhane, Sahel,

    Dans un contexte de relations exécrables entre la France et les militaires au pouvoir au Mali, des manifestants ont défilé à Gao pour réclamer le départ définitif des militaires français de Barkhane dans les 72h.

    Plusieurs dizaines de personnes ont manifesté le 15 août dans une ville du nord du Mali pour accélérer le départ de la force militaire française Barkhane, ont indiqué des organisateurs et des élus locaux à l’AFP. « Nous donnons à compter de ce jour dimanche 14 août 2022 un ultimatum de 72h pour le départ définitif de Barkhane », ont déclaré des manifestants se présentant comme « les forces vives » de Gao, une ville située dans le nord du pays, en proie aux violences djihadistes. Gao abrite aussi les derniers militaires français présents au Mali, en partance pour le Niger.

    « Barkhane dégage »

    Les rapports entre les militaires au pouvoir à Bamako et Paris, ancienne puissance coloniale, se sont brutalement dégradés ces derniers mois, poussant les deux pays à la rupture après neuf ans de présence française ininterrompue pour lutter contre les djihadistes.

    « Barkhane dégage », « Barkhane parrain et allié des groupes terroristes », « Aucune puissance étrangère ne fera du Mali son butin », brandissaient des manifestants sur des banderoles, selon des photographies transmises par les organisateurs à l’AFP. Ces messages circulent notamment dans les cercles farouchement anti-français et sur les réseaux sociaux. La France dénonce régulièrement les campagnes massives de désinformation à son encontre. « Les marcheurs ont été reçus par le directeur de cabinet du gouverneur à qui ils ont remis leur déclaration », a déclaré à l’AFP Issa Idrissa, responsable de la communication du gouverneur. La manifestation a été confirmée à l’AFP par d’autres responsables locaux.

    Lemaghreb.dz, 16-08-2022

    #France #Mali #Barkhane #Sahel

  • Elysée : Retrait de la force Barkhane du Mali

    Elysée : Retrait de la force Barkhane du Mali

    France, Mali, Barkhane, Sahel,

    Le 17 février dernier, constatant que les conditions politiques et opérationnelles n’étaient plus réunies pour rester engagée au Mali, la France a décidé, en concertation avec ses partenaires africains et européens, de réarticuler le dispositif de l’opération Barkhane en dehors du territoire malien.

    Depuis ce matin, 15 août 2022, ce redéploiement est effectif avec le départ du Mali du dernier soldat français de l’opération Barkhane. La France reste engagée au Sahel, dans le Golfe de Guinée et la région du lac Tchad avec tous les partenaires attachés à la stabilité et à la lutte contre le terrorisme.

    Le Président de la République salue la réussite de cette manœuvre opérationnelle et logistique de retrait du Mali que nos armées ont conduite selon le calendrier annoncé, sans cesser leur combat contre les groupes terroristes et en augmentant de façon très importante leur contribution à la sécurisation de l’Est de l’Europe. Cette réarticulation a été effectuée en toute transparence avec les forces armées maliennes et avec les partenaires engagés à nos côtés.

    Il rend hommage à l’engagement de tous les soldats qui, depuis neuf années, ont combattu les groupes armés terroristes sur la terre malienne. Ils sont cinquante-neuf à avoir payé le prix de leur vie en combattant, aux côtés des armées africaines et européennes, pour notre sécurité et la sécurité des populations du Sahel. Leur sacrifice nous oblige et nous rappelle que nos soldats ont, durant ces années, préservé l’unité du Mali, empêché la constitution d’un califat territorial et lutté contre les groupes terroristes qui frappent les populations locales et menacent l’Europe. L’efficacité de nos soldats durant toutes ces années et jusqu’à ces derniers jours a été démontrée par la neutralisation de la plupart des plus hauts cadres de la hiérarchie des groupes terroristes sahéliens.

    Ce retrait du Mali ne diminue en rien la mobilisation de la France pour faire libérer notre compatriote M. Olivier DUBOIS.

    La France poursuivra le combat contre le terrorisme, en agissant en soutien des efforts politiques, civils et militaires de la CEDEAO et Etats de la région, et en pleine coordination avec nos partenaires européens et américains engagés dans la région.

    Le Président de la République se rendra disponible à l’invitation de la CEDEAO cet automne afin de poursuivre cet engagement au côté de tous les Etats qui font le choix de la lutte contre le terrorisme et du respect de la stabilité et de la coexistence entre les communautés.

    Elysée, 15/08/2022

    #France #Barkhane #Mali #Sahel #Gao

  • Crise entre le Maroc et la France à l’horizon

    Crise entre le Maroc et la France à l’horizon

    Maroc, France, Algérie, Maghreb, Sahel, Visas,

    Tensions entre Paris et Rabat : Les nouveaux calculs maghrébins de l’Élysée

    La France semble bien décidée à revoir sa vision et son approche par rapport au traitement réservé au Maghreb en général. L’approche tant maintenue avec le Maroc au détriment des rapports gagnant/gagnant avec l’Algérie, ne peut plus servir ses intérêts stratégiques qui sont réellement menacés à cause des transformations géopolitiques qui impactent le monde en général et l’Europe en particulier.

    Une véritable crise s’annonce entre Paris et Rabat. Moult raisons sont derrière ce froid dans les relations entre les deux pays. Motif officiel des tensions, la question des visas. La France a réduit de manière drastique la délivrance des visas aux Marocains. Une réduction des visas que Paris inscrit dans le cadre de la démarche de réduction de visas aux Maghrébins pour forcer « plus de coopération » en ce qui concerne les questions d’immigration. Un discours destiné à répondre à certains calculs de la Macronie qui drague l’électorat de droite.

    Cependant, d’autres facteurs alimentent le malaise avec le Maroc. Car si la France a réduit de 50% le nombre de visas délivrés aux Maghrébins, ce taux passe à 70 % pour les Marocains. La question des visas est devenue le symptôme de tensions profondes entre l’Élysée et le Makhzen, allié de choix de la France au Maghreb. Des tensions qui ouvrent, peut-être, la voie à une réinterprétation de la politique maghrébine de l’Élysée.

    Les analyses évoquent plusieurs motifs qui pourraient expliquer ce froid. L’affaire Pegasus en est la goutte qui a fait déborder le vase. Cette affaire scandaleuse a fait réagir, même si celle-ci avait été étouffée par les autorités françaises. L’espionnage des mandarins et les hommes d’Etat français a vite fait de provoquer y compris le président de la République française, Emmanuel Macron, qui lui-même était victime de l’espionnage par l’opération Pegasus. Depuis cette affaire à nos jours, les choses ne vont pas bon train entre le régime marocain du Makhzen et Paris. Le ton a changé du côté français.

    Au-delà, ce froid semble être le résultat des nouveaux calculs de l’Élysée à l’aune des mutations qui frappent de plein fouet l’Europe à travers ce qui se déroule comme conflit en Ukraine et ses répercussions. Les dernières décisions qui concernent la limitation d’obtention de visas pour les Marocains par la France sont déjà un début d’une tension entre Rabat et Paris. Ces décisions commencent à produire des effets néfastes au sein du Maroc où un nombre très important de demandeurs de visas a vu ses demandes rejetées mordicus. La France semble bien décidée à revoir sa vision et son approche par rapport au traitement réservé au Maghreb en général. L’approche tant maintenue avec le Maroc au détriment des rapports gagnant/gagnant avec l’Algérie, ne peut plus servir ses intérêts stratégiques qui sont réellement menacés à cause des transformations géopolitiques qui impactent le monde en général et l’Europe en particulier.

    L’enjeu gazier et énergétique en général fait rappeler à la France qu’il n’y a que l’Algérie qui pourrait assurer l’approvisionnement de l’Europe et la France en gaz. Cette nouvelle donne géopolitique a poussé l’establishment français à revoir de fond en comble sa copie quant à sa relation stratégique avec l’Algérie. Les intérêts stratégiques passent avant toutes autres démarches de conjoncture. C’est la raison pour laquelle la France cherche à se positionner dans une nouvelle approche de ses relations avec l’Algérie qu’elle cherche à vendre en prévision de la prochaine visite du président français Emmanuel Macron en Algérie. Une visite où nombre de dossiers devront être examinés pour apaiser les tensions entre Alger et Paris, en tête celui de la mémoire et de la circulation des personnes qui empoisonnent les rapports entre les deux pays. Une visite au cours de laquelle Macron cherchera à exposer certaines de ses priorités, notamment sur le plan économique et énergétique, mais aussi en Afrique, au Sahel particulièrement où la France perd pied. En ce sens, l’Algérie qui est un acteur incontournable dans la région, est de facto le partenaire privilégié à courtiser.

    Une question se pose alors, quelle place reste-t-il pour le Maroc dans les nouveaux calculs géopolitiques de Paris ? Bien que le Makhzen se soit toujours attelé à servir les agendas externes dans la région et qu’il se soit autoproclamé partenaire privilégié de l’Europe en ce qui concerne les questions liées à l’immigration, le régime vacille et multiplie les bévues.

    Le régime marocain qui fait face à une des plus graves crises politique, économique et sociale de son histoire, est menacé d’isolement et d’implosion de l’intérieur à cause des manifestations et la mobilisation populaire qui ne faiblit pas pour exiger le départ pur et simple du régime du Makhzen qui est responsable de cette situation kafkaïenne dans laquelle est empêtrée la majorité du peuple marocain.

    Rachid Nassouti

    La Sentinelle, 15/08/2022

    #France #Maroc #Algérie #Maghreb #Sahel #Pegasus #Visas

  • La France perd pied même en territoires francophones

    La France perd pied même en territoires francophones

    France, Afrique, Françafrique, Sahel, Mali, Emmanuel Macron, Cameroun, Russie,

    27 juillet 2022, un geste inattendu du chef de la diplomatie béninoise envers le président français est immortalisé dans une vidéo qui inonde sans tarder la toile. Du bout des doigts, le MAE vient de repousser la main paternaliste qu’Emmanuel Macron vient de poser sur son épaule.

    Les scènes qui se sont déroulées au Burkina Faso en novembre dernier restent vives dans les esprits. Durant plusieurs jours, un convoi militaire français devant se rendre au Niger a été bloqué par des manifestants burkinabés en colère. Hostiles à la présence (militaire) française dans leur pays, ces derniers ont érigé des barrages sur tout le parcours des camions. Un fort sentiment de méfiance pousse la foule à accuser y compris leurs otages de transporter des armes destinées à être livrées aux groupes terroristes qui frappent le territoire.

    La manifestation a été organisée par la Coalition des patriotes du Burkina Faso (Copa-BF). Dans une déclaration publique livrée à l’heure où se déroulaient ces évènements, une des responsables fustige « le pillage des ressources, l’exploitation monétaire (le CFA) », et lance cette phrase lourde de sens : « Les Français peuvent voyager librement vers le Burkina Faso mais pas le contraire. » Les promesses d’un partenariat gagnant-gagnant, nouvelle phrase fétiche, destinée à rassurer l’Afrique, ne sont pas prises au sérieux.

    Six mois plus tard, c’est vers le Tchad que se tournent les regards. Le 14 mai, des milliers de personnes prennent part à une immense manifestation contre la France, accusée de soutenir la junte militaire. Sept stations d’essence du groupe pétrolier Total sont attaquées, d’autres symboles français subissent de sérieuses dégradations, l’emblème tricolore est foulé au sol, les manifestants mettent le feu dans certaines villes, la tension est à son comble, accentuée par des rumeurs faisant état de l’installation de nouvelles bases militaires françaises au Tchad.

    À N’Djamena, l’ambassade de France dément et observe impuissante les manifestants défiler avec le drapeau russe puis le hisser en plein centre-ville. L’acte est lourd de sens, il symbolise le passage d’une époque à une autre, le dos tourné à Paris et l’ouverture vers les promesses de Moscou.

    L’élite africaine draine les foules

    « La Russie », un leitmotiv dans le discours d’Emmanuel Macron durant sa tournée africaine de juillet dernier avance rapidement sur des territoires très longtemps conquis, acquis mais désormais en proie à un très fort sentiment anti-français. L’élite africaine qui se rebiffe, exprime publiquement ce sentiment depuis plusieurs années, a désormais le pouvoir d’influencer, de drainer les foules. C’est ce qui s’est passé en Centre Afrique où l’idée selon laquelle Paris a conduit le pays au chaos s’est ancrée tellement fortement qu’elle a, ici, généré une campagne anti-France d’une telle puissance, qu’elle a fini par lui ôter toute chance de se repositionner et qui limite son influence actuelle à… l’aide humanitaire. Paris est supplantée par Moscou qui renforce notamment ses liens militaires et axe ses efforts sur la mise en place d’une stratégie et une aide à même de permettre aux Centrafricains de lutter contre le terrorisme. Aigri par la perte d’un territoire stratégique (une ancienne colonie aussi), le régime français accuse régulièrement le régime en place de laisser les Russes piller leurs ressources pour s’assurer de leur soutien militaire.

    L’histoire récente qui a modifié la donne en Centre-Afrique risque cependant de se répéter sur un autre territoire longtemps resté sous tutelle française, le Cameroun. En avril dernier, un accord militaire signé avec la Russie crée la panique à Paris qui tente alors de réagir très vite pour éviter la réédition du scénario de Bangui (CentreAfrique). Le Quai d’Orsay dépêche son directeur pour l’Afrique à Yaoundé, mais les accords militaires signés avec Moscou ont déjà tracé ce qui semble être l’avenir proche. Ces derniers prévoient des formations militaires aux soldats camerounais, des exercices militaires conjoints, des échanges de renseignements et laissent sous-entendre un probable passage vers l’achat d’armements russes à l’avenir.

    Devant l’ONU, l’Afrique lâche Paris en pleine crise dans le dossier Ukraine

    Avec le Burkina Faso, la Guinée, la Guinée-Bissau, Eswatini, l’Ethiopie, et le Togo, le Cameroun fait partie des pays africains qui se sont abstenus de voter contre l’expulsion de la Russie du Conseil des droits de l’Homme des Nations unies en avril 2022. Cette fois, l’heure est grave. La France se fait ainsi de nouveau humilier, alors que résonne encore la gifle de Bamako.

    Les troupes Serval puis Barkhane, restées neuf longues années stationnées au Nord, ont quitté le Mali sans gloire, laissant de surcroît derrière elles un terrain où ont, au contraire, avancé les groupes terroristes et un sentiment anti-français plus renforcé que jamais. Il débouche sur une rupture des accords de défense entre les deux pays et l’expulsion de l’ambassadeur français.

    Le 17 mars dernier, le gouvernement de transition annonce carrément la suspension définitive de deux médias lourds français, RFI et France 24. Le pouvoir en place leur reproche d’avoir évoqué des exactions commises par les militaires. Comme au Mali, la perte de l’influence française en Afrique devient une évidence.

    Le Soir d’Algérie, 10/08/2022

    #France #Afrique #Macron #Françafrique #Barkhane #Sahel #Russie

  • L’alliance stratégique entre le terrorisme et l’impérialisme

    L’alliance stratégique entre le terrorisme et l’impérialisme

    Mali, Sahel, Burkina Faso, Niger, djihadistes, terroristes,

    Editorial du 12 août 2022

    Les organisations terroristes d’Al Qaida et de l’Etat Islamique, s’entendant soudain comme larrons en foire, concentrent actuellement leurs coups les plus durs et les plus tordus contre l’armée et le peuple maliens. Alors que ces derniers jours, un calme plat relatif semble régner au Burkina Faso, au Niger, où Al Qaida et l’Etat Islamique ont pourtant leurs tentacules meurtrières bien étendues, le Mali est devenu le point focal de la violence terroriste. Comment expliquer cette concentration des attaques contre le Mali, dans une zone des Trois frontières pourtant infestée des brigands soutenus par les deux grandes organisations terroristes mondiales parrainées par les monarchies du Moyen-Orient, elles-mêmes alliées notoires de la coalition occidentale ? La réponse à cette question se trouve dans la maîtrise parfaite de deux autres questions : a) La nature de l’agression subie par l’Afrique depuis 2011 ; b) la différence de nature entre le régime politique du Mali Kura, dirigé par le Président GoÏta et les régimes politiques du Burkina Faso et du Niger.

    Derrière le jihadisme, terrorisme et impérialisme alliés au Sahel

    Abordons donc la première sous-question. De quelle nature est l’agression terroriste que l’Afrique, et notamment la bande sahélienne subit depuis 2011 ? En apparence, il s’agit d’une agression jihadiste. L’Etat Islamique et Al Qaida aimeraient, nous claironne-t-on, imposer aux peuples africains leur conception radicale de l’Islam. Ce serait donc pour imposer une civilisation de la Charia que les terroristes tueraient musulmans africains, chrétiens africains et traditionnalistes africains, sans distinction. Mais lorsqu’on analyse ce jihadisme africain de façade en profondeur, on découvre qu’il n’a pas de but proprement religieux, au sens de la transformation spirituelle de l’humain dans le but de la sainteté, de la bonté et de la piété, signes de la vraie soumission au Tout-Puissant Créateur de tous les êtres. Les soi-disant combattants du Califat se droguent, violent, tuent sans pitié et ne prient que quand leurs cerveaux frelatés font mine d’oublier leur propre méchanceté.

    En réalité, ce ne sont pas des musulmans qui attaquent l’Afrique, mais bien plutôt des terroristes aux ordres de Chefs bandits, pirates du désert, trafiquants de drogues, marchands d’esclaves, preneurs d’otages, exécuteurs de sales besognes de manipulateurs géopolitiques tapis dans l’ombre. Une simple analyse de la structure hiérarchique de l’Etat Islamique et d’Al Qaida nous conduit directement vers leurs puissances parraines notoires : l’Arabie Saoudite et le Qatar et d’autres monarchies du Moyen-Orient non moins concernées par cette étonnante bienveillante envers les pires criminels de ce temps. Or les monarchies du Moyen-Orient qui parrainent et financent[1] ces organisations sont les plus grandes et fidèles puissances alliées de l’Occident, qui leur fournit armes lourdes et munitions, en échange de leurs richesses pétrolières. Il s’ensuit, de manière nécessaire, que les puissances moyen-orientales et les puissances occidentales sont étroitement impliquées dans la dévastation actuelle du Sahel[2]. Le jihadisme sahélien n’est en fait que le cache-sexe de l’alliance stratégique entre le terrorisme et l’impérialisme.

    La destruction de la Libye, par la coalition occidentale de l’OTAN en 2011, avec en prime l’assassinat assumé de Mouammar El Kadhafi, a été opérée dans un plan de déstabilisation continentale que reflètent bien les propos du Président Macron dans une interview accordée au Figaro en juin 2017. Voici comment le site web derechos rapporte ces propos :

    « Le Président français Emmanuel Macron a qualifié d’erreur la participation de la France à l’intervention militaire en Libye en 2011. La France a été le premier pays à porter une frappe aérienne contre des objectifs militaires libyens, suivie le même jour par le Royaume-Uni et les États-Unis.

    La participation des Forces armées françaises à l’opération militaire en Libye en 2011 a été une erreur et la France doit éviter ce scénario en Syrie, a déclaré mercredi le Président français Emmanuel Macron dans une interview accordée à huit médias européens (Le Figaro, Suddeutsche Zeitung, Le Soir, The Guardian, Corriere Della Serra, El País, Gazeta Wiborcza et Le Temps).

    «Avec moi, ce sera la fin d’une forme de néo-conservatisme importée en France depuis dix ans. La démocratie ne se fait pas depuis l’extérieur à l’insu des peuples. La France n’a pas participé à la guerre en Irak et elle a eu raison. Et elle a eu tort de faire la guerre de cette manière en Libye. Quel fut le résultat de ces interventions? Des États faillis dans lesquels prospèrent les groupes terroristes. Je ne veux pas de cela en Syrie», a indiqué le Président Macron.

    Le 19 mars 2011, une coalition réunissant plusieurs pays occidentaux, dont la France, le Royaume-Uni et les États-Unis, a opéré des frappes aériennes sur les troupes du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi. Le 31 mars, ces raids ont été placés sous le commandement de l’Otan. Le but déclaré de l’opération internationale baptisée «Protecteur unifié» était d’assurer l’embargo sur les livraisons d’armes au régime libyen, de faire respecter la zone d’exclusion aérienne et de protéger les populations civiles.

    Des hostilités entre groupes armés rivaux ont éclaté en Libye suite au renversement et à l’assassinat de Mouammar Kadhafi en 2011. La plupart des pays occidentaux ont évacué le personnel de leurs missions diplomatiques de Tripoli. La Libye a été plongée dans le chaos politique où jusqu’alors oeuvraient deux parlements. Le pouvoir dans le pays est revendiqué d’une part par le parlement, qui a remporté les élections et siège à Tobrouk, et d’autre part par le Congrès général national siégeant à Tripoli à la tête duquel on trouve le Premier ministre islamiste Omar al-Hassi. Le groupe terroriste Daech opère activement dans le pays, dont plusieurs régions échappent au contrôle des autorités centrales. »[3]

    Le néoconservatisme évoqué par le Président Macron en juin 2017, c’est la doctrine américaine de l’America First, l’obsession de la Destinée Manifeste[4], du monde unipolaire dominé par les Etats-Unis, dont l’OTAN est l’instrument militaire mondiale. C’est donc pour soumettre l’Afrique à l’hégémonie de l’Occident et notamment de la grande puissance américaine que la Libye a été détruite et le Sahel déstabilisé. Il s’agissait d’imposer par un chaos maîtrisé la suprématie militaire, économique et politique de l’Occident sur une Afrique dont les richesses stratégiques importent infiniment plus pour la consolidation de l’hégémonie occidentale que les centaines de millions de personnes africaines.

    La différence de nature entre les régimes malien, nigérien et burkinabé

    On l’aura donc bien compris. Tous les régimes africains qui ont accepté de s’accommoder de la destruction de la Libye et du repositionnement des armées de l’OTAN – et notamment de l’armée française- sur le continent, vivent désormais sous l’emprise d’un chaos relativement maîtrisé. L’aide à la lutte contre le terrorisme ne vise pas à anéantir le terrorisme, mais bien plutôt à le stabiliser, comme une piqûre de rappel, une épée de Damoclès pendant sur la tête des Africains, et obligeant les Etats à se soumettre aux conditions de coopération économique, sécuritaire et politique, dictées par l’Occident.

    Les régimes au pouvoir au Niger, au Burkina Faso, issus de coups d’Etat réactionnaires civil et militaire, se sont soumis à cette donne. Bien que leurs dirigeants aient parfaitement compris que c’est la destruction de la Libye qui a engendré, par effet de dominos tout à fait prévu par les assaillants, le chaos relatif qui règne dans toute la bande sahélienne. Mohamed Bazoum, alors ministre du Président nigérien Issoufou, a témoigné d’une scène célèbre de débat entre les présidents Issoufou et Obama, le premier avertissant le second que si la Libye était attaquée, le Sahel et toute l’Afrique seraient déstabilisés. La réponse de Barack Obama fut sans appel, selon le témoignage de l’actuel président du Niger. Obama trancha sec devant un Issoufou médusé : « We will finish the job » ; « Nous allons finir notre travail »[5]. De telle sorte que l’ensemble des pays africains qui combattent aujourd’hui le terrorisme en s’appuyant sur les puissances impérialistes occidentales qui ont détruit la Libye et déstabilisé le Sahel savent que cette coopération est une éternelle impasse, car la Coalition otanienne ne peut pas définitivement combattre un chaos qu’elle a elle-même sciemment organisé pour se rendre indispensable aux africains.

    Or, le régime malien, issu d’un coup d’Etat révolutionnaire parachevant une révolte populaire, du Président Assimi Goita a refusé d’accepter cette impasse. Lutter contre le terrorisme en s’appuyant sur les impérialistes qui ont ouvert le chemin au terrorisme, c’est se prendre dans un serpent de mer. Fuir la pluie pour se cacher dans une rivière. Le Mali, depuis la révolution du M5-RFP jusqu’à l’annonce de son programme de Transition jusqu’aux élections de 2024, a choisi de s’allier à la Fédération de Russie et à la Chine, réputées n’avoir par participé à la déstabilisation de l’Afrique dans son histoire récente comme dans son histoire longue.

    Ainsi, vous venez de comprendre pourquoi les coups des terroristes, mais aussi l’hostilité des impérialistes occidentaux, à l’instar de la déclaration menaçante de 16 pays occidentaux le 23 décembre 2021[6], se concentrent aujourd’hui contre le Mali. Le duo Iyad Ag Ghali et Amadou Koufa au nord et au centre du Mali, opère dans un environnement favorable à la chute du régime malien. Les bases-arrières des terroristes dans les pays ouest-africains favorables à la coalition qui a détruit la Libye et déstabilisé toute l’Afrique sont tout naturellement raffermies et consolidées. L’ambition ? Soumettre Goita et le Mali à l’imperium, car comme l’a ouvertement dit le Sénateur Français Christian Cambon , président de la Commission sénatoriale chargée de la Défense : « Je pense que le Mali payera très cher le fait de s’être séparé de manière aussi violente des forces françaises qui, pendant huit ans, ont assuré la souveraineté du pays »[7]

    Le scandale ici, c’est bien de reprocher au Mali de rompre avec une souveraineté par procuration pour vouloir s’assumer lui-même. Ainsi s’éclairerait le mystère de la concentration des coups durs des terroristes contre le Mali dans la très riche zone des 3 frontières[8]. Aux Etats soumis, est infligé le chaos maîtrisé et ainsi est assuré le contrôle par procuration de leur souveraineté économique, sécuritaire et politique. Aux Etats insoumis, est infligé par contre le chaos total, afin de les soumettre au principe de l’Ordre par le Chaos, du règne des maîtres du monde par la division instrumentale des peuples.

    L’Afrique[9] doit ainsi comprendre que la lutte actuelle contre le terrorisme est inséparable de sa lutte multiséculaire contre l’impérialisme oriental et occidental. L’Afrique doit prendre elle-même, par tous les moyens nécessaires et légitimes, le contrôle de ses terres, airs et mers, si les populations africaines veulent accéder à la pleine dignité anthropologique. Manifestement, c’est pour avoir pris cette résolution que le Mali paie cher. Mais, il y a deux façons de vivre et deux façons de mourir. Vivre et mourir dans l’indignité, c’est avoir vécu en vain et on ne laisse rien qui vive. Vivre et mourir dans la dignité, c’est avoir vécu pleinement et c’est se donner la possibilité de vivre toujours par son œuvre, ici-bas ou au-delà. La lutte émancipatoire africaine doit ainsi être assise sur une spiritualité profonde de la liberté et de la vie sensée, de la vie infinie.

    [1] Lire Samuel Laurent, L’Etat Islamique : organigramme, financements, filières, Paris, Seuil, 2014

    [2] Lire très utilement le livre d’Anne Poiret, Mon pays vend des armes, Paris, Les arènes, 2019. La journaliste montre en particulier l’incongruité de la vente d’armes par la France aux puissances criminelles du moyen-orient qui parrainent les organisations terroristes et qui sont des ennemies jurées du système démocratique.

    [3] https://www.derechos.org/peace/libya/doc/lby1982.html

    [4] https://les-yeux-du-monde.fr/actualites-analysees/amerique/23764-le-mythe-de-la-destinee-manifeste/

    [5] « « We are joined in our resolve to finish the job, » Obama said after talks with French President Nicolas Sarkozy at the G8 summit in the French resort of Deauville.

    But the US leader warned that the « UN mandate of civilian protection cannot be accomplished when Qaddafi remains in Libya directing his forces in acts of aggression against the Libyan people. » « We are joined in our resolve to finish the job, » Obama said after talks with French President Nicolas Sarkozy at the G8 summit in the French resort of Deauville.But the US leader warned that the « UN mandate of civilian protection cannot be accomplished when Qaddafi remains in Libya directing his forces in acts of aggression against the Libyan people. »

    [6] https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/mali/evenements/article/communique-conjoint-sur-le-deploiement-du-groupe-wagner-au-mali-23-12-21

    [7] https://actucameroun.com/2022/05/10/christian-cambon-senateur-francais-le-mali-payera-cher-le-fait-de-setre-separe-des-forces-francaises-video/

    [8] https://www.la-croix.com/Monde/Mali-zone-des-trois-frontieres-epicentre-violence-djihadiste-2022-08-11-1201228548

    [9] https://www.lopinion.fr/international/avec-le-depart-des-francais-du-mali-assimi-goita-prend-le-controle-des-airs

    Médiapart, 12/08/2022

  • La militarisation du Sahel ne rendra pas l’Europe plus sûre

    La militarisation du Sahel ne rendra pas l’Europe plus sûre

    Sahel, Union Européenne, UE, Mali, France, Barkhane, Burkina Faso, Takuba, Tchad, Niger,

    L’obsession de l’UE pour la sécurité au Sahel est le reflet de ses propres angoisses – et une trahison de ses valeurs.

    Par Delina Goxho, doctorante à la Scuola Normale Superiore, et Yvan Guichaoua, maître de conférences à la Brussels School of International Studies de l’université du Kent.

    Depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en Libye il y a 11 ans et la crise sécuritaire qui a suivi au Mali, l’Europe a accéléré le processus de repoussage des frontières de son voisinage immédiat au sud. Elle a engagé davantage de dépenses, lancé plus de programmes de développement et de stabilisation, et renforcé son empreinte militaire étrangère dans les pays du Sahel africain, en particulier le Mali, le Niger et le Burkina Faso, qui sont désormais considérés comme faisant partie du « seuil » de l’Europe. »

    Avant 2011, la région du Sahel était perçue par les décideurs européens comme une terre désertique éloignée, sujette aux sécheresses et ayant besoin d’infrastructures et d’aide humanitaire. Elle est désormais considérée comme la source d’une croissance démographique dangereuse, d’une migration indésirable et d’un extrémisme violent, et comme le terrain de prédilection de mercenaires russes cupides. Elle a donc été transformée en un laboratoire où l’Europe met en scène ses insécurités géopolitiques.

    L’Europe aime se considérer comme une puissance normative – un diffuseur mondial d’idées libérales par le biais de sa politique étrangère généreuse – mais chercher à freiner la migration dans des régions comme Agadez au Niger, insister sur le fait que le Sahel est un laboratoire pour les ambitions de l’Europe en matière de sécurité et de défense, et finalement permettre la militarisation de toute une région sont des politiques qui vont à l’encontre de la promotion des droits de l’homme, de l’égalité des sexes et des solutions diplomatiques aux crises.

    Pour faire face aux multiples crises dans la région, dont le Mali est l’épicentre, l’Union européenne et ses États membres ont mis en place un nombre considérable d’initiatives dans lesquelles la sécurité est la préoccupation primordiale.

    La stratégie européenne pour le Sahel 2021 met en avant une variété de menaces présumées, mêlant un peu tout : terrorisme international, flux migratoires incontrôlés, trafics illicites, instabilité politique et réchauffement climatique. Ces multiples menaces, regroupées dans un même panier éclectique, semblent représenter différents degrés de peur. Le pronostic d’un boom démographique africain (ou d’une « bombe à retardement », comme l’appellent de nombreux responsables européens) de jeunes hommes sans emploi, éventuellement radicalisés, qui alimenteront la prochaine crise migratoire, est considéré comme la principale menace pour la sécurité européenne. La pauvreté, le trafic de marchandises et le réchauffement climatique sont présentés comme des facteurs exacerbants.

    Le Sahel est présenté à Bruxelles comme un problème pour l’avenir de l’Europe. L’endiguement des migrations et la promotion de la collaboration européenne en matière de sécurité sont les principaux objectifs de l’UE. La guerre en Ukraine et l’expansionnisme diplomatique et militaire agressif de la Russie en Afrique – qui se manifeste par le déploiement de ses mercenaires au Mali et ailleurs sur le continent (principalement en République centrafricaine, mais aussi en Libye et au Soudan) – ont ajouté une nouvelle couche d’anxiété.

    Le Sahel est désormais aussi un terrain de jeu où des pays que l’Europe considère comme des concurrents stratégiques, tels que la Russie, la Chine et la Turquie, doivent être tenus en échec. Alors que des mercenaires du groupe russe Wagner tentent actuellement de séduire le régime militaire du Burkina Faso après avoir fait une percée au Mali, il est urgent de discuter à Bruxelles de l’accélération des moyens de dépenser la Facilité européenne de soutien à la paix, un instrument financier au nom ironique qui permettrait à l’UE de fournir des armes létales aux dirigeants sahéliens, pour relever le défi.

    La France, qui est intervenue militairement au Mali début 2013 après que les deux tiers du territoire du pays soient tombés aux mains des forces djihadistes, a demandé aux partenaires européens de se joindre à son aventure militaire, complétée par une aide au développement accrue. Une dynamique vertueuse – combinant fourniture de sécurité et développement – était censée suivre. Sur le plan militaire, l’effort de partage du fardeau s’est traduit par la Task Force Takuba, une coalition de volontaires intégrée à l’opération française Barkhane.

    L’objectif était d’offrir un encadrement plus étroit aux armées sahéliennes par le déploiement de forces spéciales tout en répartissant le coût financier et politique entre un plus grand nombre de participants. L’européanisation de l’interventionnisme était, selon le raisonnement français, un moyen de diluer les accusations de néocolonialisme et d’affirmer en même temps l’autonomie stratégique de l’Europe vis-à-vis de l’OTAN. La Task Force Takuba était de petite taille, mais elle était censée ouvrir la voie à des plans plus ambitieux en vue de la création d’une véritable défense européenne défendue par la France.

    Mais la Task Force Takuba a finalement pris fin avant de se concrétiser, tout comme la mission de formation spécifique de l’UE au Mali. Leur rejet par les autorités maliennes après un second coup d’État militaire en mai 2021 est la principale raison de leur arrêt. Près de dix ans d’efforts français de lutte contre le terrorisme, pour la plupart inefficaces, ont rendu l’interventionnisme occidental malvenu.

    Du côté européen, les choses ne se sont pas passées sans heurts non plus, l’unilatéralisme français ayant provoqué la frustration des partenaires européens. En outre, l’appétit de participer à l’aventure militaire était inégalement réparti. De nombreuses forces européennes sont intégrées dans la mission de maintien de la paix des Nations unies au Mali, et elles n’ont pas l’intention d’investir davantage de troupes, mais comptent plutôt sur des formes de participation militaire plus éloignées, telles que la puissance aérienne ou les missions de formation.

    L’adhésion à la coalition des volontaires était aussi principalement basée sur la diplomatie transactionnelle. Par exemple, l’Estonie n’a que peu d’intérêt pour le Sahel, mais elle tient à renforcer sa relation de sécurité avec la France en raison de ses propres inquiétudes concernant la Russie. Il est important de noter que les objectifs de la France en matière de lutte contre le terrorisme ne sont pas aussi importants pour plusieurs de ses partenaires européens, tels que l’Italie et l’Espagne, qui sont plus préoccupés par la migration, et l’absence d’accord sur un sujet aussi crucial semble avoir un effet fragmentant sur les efforts européens au Sahel.

    Paris dirait à Madrid : « Oui, le contre-terrorisme n’est pas votre objectif principal, mais je suis sûr que vous vous souciez de la migration – pourquoi n’envoyez-vous pas vos gendarmes pour endiguer les flux de migrants ? Cela contribuera également à mes objectifs de lutte contre le terrorisme. » Selon cette logique, tout le monde est politiquement gagnant – même si, sur le plan opérationnel, un patchwork désordonné d’initiatives de sécurité finit par être mis en œuvre.

    Alors qu’à Bruxelles, les responsables peuvent penser que les populations du Sahel ignorent totalement quels sont les objectifs de l’UE, les Sahéliens savent que les Européens ne sont pas là avec les mêmes objectifs qu’avant la crise malienne de 2012, à savoir le développement et la coopération. Ces jours-ci, l’ordre du jour est l’endiguement des menaces. L’accusation de néocolonialisme que la France voulait esquiver a été largement déviée vers l’Europe plus largement.

    L’opinion publique régionale, déjà bien versée dans les récits anti-impérialistes, approuve de plus en plus les théories du complot qui envahissent les médias sociaux sahéliens. Le rejet brutal de l’interventionnisme occidental par le Mali ne le fait pas disparaître. Désormais, l’opinion fermement ancrée selon laquelle le Sahel dans son ensemble est un problème de sécurité crucial signifie que les efforts de sécurisation européens doivent être placés sur les pays voisins.

    Mais les leçons maliennes ont-elles été tirées ? L’opération militaire française Barkhane va redéployer une version transformée d’elle-même au Niger, et il est également probable que la présence de la France y soit contestée. Même une approche légère pourrait ne pas suffire, car l’approche de guerre à distance choisie par les puissances occidentales entraîne des problèmes qui lui sont propres, tels que la saturation de l’aide militaire, la coordination, l’efficacité stratégique et la responsabilité. Ce qui est considéré comme de l’interventionnisme à distance dans les capitales européennes n’est pas perçu de cette manière au Sahel, où les donateurs et les troupes européennes provoquent une distorsion des dynamiques nationales et régionales.

    Une perception déformée du Sahel, qui met trop l’accent sur les menaces démographiques et sécuritaires pour l’Europe, a fait d’une certaine forme d’intervention européenne une nécessité aux yeux des décideurs européens. Les craintes à l’égard du Sahel ont augmenté à un point tel que la non-intervention est devenue impossible.

    Mais un catalogue de craintes ne devrait pas faire une politique – et l’histoire récente des relations entre l’Europe et le Sahel a jeté un doute sur les moyens efficaces d’intervenir. Compte tenu de la valeur que l’Europe a accordée à la région, un échec au Sahel pourrait plonger l’Europe dans un puits d’insécurité plus profond.

    Pour élaborer des politiques européennes efficaces, il faut reconnaître certaines réalités fondamentales. L’élaboration de politiques fondées uniquement sur les craintes européennes a peu de chances de répondre aux aspirations des Sahéliens à un changement significatif. L’époque de l’édification d’un État par l’étranger est révolue. La construction d’une future politique stable au Sahel nécessite des négociations locales auxquelles les insurgés peu libéraux devront peut-être participer. Pour ce faire, un espace civique ouvert et sain est nécessaire. À court terme, la réponse aux besoins humanitaires causés par la crise prolongée nécessitera une mobilisation importante de ressources, ce qui signifie également qu’il faut laisser les gens se déplacer.

    L’Europe peut apporter une aide significative et humble dans ces domaines, mais catastrophiser la région et la militariser davantage ne fera qu’empirer les choses.

    Foreign policy, 05/08/2022

    #Sahel #Mali #Union_européenne #UE #France #Barkhane #Takuba #Burkina_Faso #Tchad #Niger


  • Bamako renforce sa sécurité par crainte des attaques djihadistes

    Bamako renforce sa sécurité par crainte des attaques djihadistes

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    BAMAKO, Mali (AP) – Dans le quartier populaire de Darsalam à Bamako, un jeune gendarme se tient près d’une rue nouvellement barricadée, sa main sur la gâchette d’un fusil légèrement pointée vers le sol.

    Le policier armé est un signe de la façon dont la capitale animée du Mali de plus de 2,5 millions d’habitants sur les rives du fleuve Niger est en état d’alerte accrue alors que les attaques djihadistes se sont dangereusement rapprochées de la ville.

    Au moins 15 attaques extrémistes ont frappé le Mali en juin et juillet, la plus audacieuse lorsque des combattants djihadistes ont attaqué Kati, la plus grande base militaire du pays, à seulement 15 kilomètres (9 miles) de la capitale.

    L’insécurité croissante au Mali, un pays tentaculaire de 20 millions d’habitants, a accru l’instabilité dans la région instable du Sahel en Afrique de l’Ouest. Le Mali a connu deux coups d’État depuis 2020 au cours desquels l’armée s’est engagée à faire plus pour arrêter la violence djihadiste.

    Ces derniers mois, le chef de la junte, le colonel Assimi Goita, qui s’était lui-même fait nommer président de transition, a ordonné aux troupes françaises et à une force de l’Union européenne de quitter le pays. La junte a également limité les opérations d’une force de maintien de la paix de l’ONU. Au lieu de cela, l’armée malienne travaille avec le groupe de mercenaires russes, le groupe Wagner. Le gouvernement malien nie officiellement la présence des mercenaires russes, bien que plusieurs diplomates européens aient cité des preuves que Wagner est au Mali.

    « Le retrait des forces françaises a certainement laissé un vide, notamment au niveau du renseignement, et cela place Bamako et d’autres régions du pays dans une position plus vulnérable face aux groupes djihadistes, et de par l’expérience antérieure, empêcher les infiltrations et les attaques est très difficile. », a déclaré Rida Lyammouri, chercheur principal au Policy Center for the New South.

    « Si ces groupes peuvent s’infiltrer et attaquer la base la plus protégée du Mali à Kati, alors ils peuvent faire de même contre des emplacements stratégiques à Bamako », a averti Lyamouri.

    Le rythme des attaques djihadistes s’est accéléré et en juin, un chef du groupe JNIM, lié à Al-Qaïda, a menacé d’attaquer directement la capitale.

    Les États-Unis déplacent tout le personnel non essentiel hors de Bamako et, comme de nombreux autres pays occidentaux, ont conseillé aux voyageurs d’éviter de se rendre au Mali.

    L’armée malienne a renforcé la sécurité dans la capitale et a fermé les routes principales « pour contrer cette menace terroriste à Kati et à Bamako. Certaines routes menant au camp militaire ou à la résidence du président de transition sont également coupées », a déclaré le colonel Souleymane Dembele, porte-parole de l’armée malienne, à l’Associated Press. « Chaque jour, nous arrêtons des terroristes à Bamako ou à proximité. »

    Bien que la sécurité renforcée vise à protéger les citoyens, certaines des mesures ont été préjudiciables aux résidents ordinaires.

    Assa Diakite a regardé avec consternation son champ de maïs en ruine près du camp militaire de l’aéroport de Bamako, dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux. Toute sa récolte avait été abattue par l’armée par mesure de sécurité, a-t-elle dit.

    « J’ai été agriculteur ici pendant 25 ans et il n’y a eu aucun problème jusqu’à maintenant, » dit-elle. « Les soldats qui ont fauché ma récolte disent que les plants de maïs bloquaient la visibilité autour de leur camp et permettaient aux rebelles djihadistes de se cacher dans les champs pour les attaquer. Ce n’était pas mon souhait. Je suis veuve et c’est grâce à ces cultures que je me nourris ainsi que ma famille. Je demande de l’aide au président de transition Assimi Goita.

    Quelques jours plus tard, des citoyens au bon cœur ont versé de l’argent pour aider Diakite et d’autres agriculteurs dont les champs avaient été abattus.

    Mais même ces actes de générosité peuvent être attaqués par des rebelles djihadistes, qui préviennent que la coopération avec l’armée pourrait conduire à des attaques de leur part. Un récent message audio djihadiste diffusé sur WhatsApp a semé la panique.

    Le message djihadiste s’adressait aux habitants de Kati qui, après l’attaque de juillet contre la caserne de l’armée, avaient juré de fouiller toutes leurs maisons pour extirper les rebelles extrémistes.

    « Quand vous voyez une voiture kamikaze (véhicule explosif suicide) venir de loin, en prenant soin d’éviter les bars, les salles de concert, les stades de foot, les marchés pour viser uniquement un camp militaire, vous devez comprendre que (l’armée) est notre cible », dit le message.

    « Mais si vous nous montrez que vous et l’armée êtes la même chose, alors pourquoi prenons-nous la peine de ne cibler que le camp militaire? » il a averti de façon inquiétante.

    « Ce message est pour dire aux gens de faire attention. … Si vous nous poussez à l’extrême, c’est comme ça que nous pouvons réagir », a déclaré Baba Alfa Umar, chercheur géopolitique indépendant qui suit la situation au Sahel.

    Au milieu des mouvements militaires, la junte a pris des mesures pour remédier à la situation politique du Mali et préparer la voie à de nouvelles élections, qui, selon elle, auront lieu en février 2024. La semaine dernière, le gouvernement de transition du Mali a nommé une équipe pour rédiger une nouvelle constitution dans les deux mois.

    Un point clé sera de savoir si le Mali continue d’être un État laïc. En 2012, des rebelles extrémistes liés à al-Qaida ont lancé leurs attaques en disant qu’ils se battaient pour que le Mali soit régi par la charia musulmane.

    « La question de la laïcité et de la place de la religion dans la constitution malienne » est la question cruciale à trancher dans la rédaction du nouveau document », a déclaré Gilles Yabi, directeur du groupe de réflexion West African Citizen, Wati.

    « La principale question qui intéresse les partenaires occidentaux et forcément les autres Maliens, c’est la place de la religion en politique. Doit-il y avoir une séparation entre la sphère religieuse et la sphère politique ? dit Yabi. Il a déclaré que si la majorité des Maliens sont musulmans, « il y a des acteurs de la société civile malienne qui feront également pression pour que la République du Mali reste laïque ».

    AP

    #Mali #Bamako #Djihadistes #Sahel