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  • Après une bonne récolte, le Maroc a besoin de machines agricoles

    Après une bonne récolte, le Maroc a besoin de machines agricoles – production, Agragex, technologie,

    Après deux années de sécheresse, le Maroc a pu récolter une bonne récolte. La demande de technologies agricoles modernes augmente. Cependant, le financement reste un défi.
    En 2021, les importations marocaines de machines agricoles ont sensiblement augmenté. Divers facteurs en parlent, notamment le résultat de récolte très satisfaisant après une longue période. L’association espagnole Agragex fait état d’une croissance de l’activité marocaine d’environ 25 %.

    Au cours des neuf premiers mois de 2021, les exportations allemandes de machines et de pièces détachées agricoles ont même enregistré une augmentation en glissement annuel de 142,7 % à 5,4 millions d’euros. Dans l’ensemble de 2020, l’Allemagne n’a pu exporter que des marchandises du groupe de produits 721 (selon la Classification type du commerce international – SITC) pour une valeur de 2,5 millions d’euros.

    En 2020, les importations marocaines de biens d’équipement pour le secteur agricole ont fortement chuté. Les représentants de l’industrie étaient convaincus que cela était davantage dû aux conditions climatiques qu’à la pandémie de corona.

    Le gouvernement promeut le secteur agricole
    Le secteur agricole du royaume bénéficie du programme Plan Maroc Vert depuis une dizaine d’années. Les ventes dans l’agriculture ont presque doublé depuis 2010. Désormais, le plan de suivi « Génération Verte 2020-2030 » vise à faire progresser davantage le secteur agricole. L’industrie est jusqu’à présent très fragmentée. Les petites exploitations agricoles sont souvent considérées par les banques commerciales comme des demandeurs et ne reçoivent qu’une petite partie des prêts souhaités. Les efforts de mécanisation et de diversification des cultures s’en trouvent ralentis.

    Dans certains cas, l’industrie peut bénéficier de subventions et de programmes de financement internationaux. Le plan « Génération verte » vise à favoriser l’efficacité des agriculteurs. L’utilisation de machines agricoles et de systèmes d’irrigation devrait y contribuer.

    Le programme d’Appui au Développement Inclusif et Durable des Zones Agricoles et Rurales (PADIDZAR) s’inscrit également dans le plan « Génération Verte ». En novembre 2021, la Banque africaine de développement a annoncé qu’elle apporterait environ 114 millions de dollars américains (US $) au programme d’appui au développement durable des régions agricoles.

    Au total, le sous-programme doit être financé à hauteur de près de 300 millions de dollars US pour les six années de 2021 à 2016. Environ 14 000 entreprises pourraient en bénéficier. L’accent est mis sur sept régions : Draa Tafilalet, Béni Mellal Khénifra, Fès Meknès, Marrakech Safi, Oriental, Souss Massa et Tanger Tétouan El Hoceima. Avant tout, les petits exploitants devraient pouvoir moderniser leurs structures de collecte, de stockage et de distribution de l’eau et en construire de nouvelles.

    La dépendance à l’importation demeure
    Le parc de machines agricoles au Maroc reste dominé par les machines d’occasion, notamment espagnoles et italiennes. Par conséquent, le marché secondaire local est florissant. Cependant, les efforts du gouvernement pour intégrer les exploitations agricoles à l’industrie alimentaire en aval ont accru le besoin de nouveaux biens d’équipement plus modernes. Le Maroc est dépendant des importations. Seules quelques entreprises locales produisent des appareils simples, par exemple Les Ateliers Marocains, basés à Rabat.

    Les importations de machines agricoles (CTCI 721) ont chuté d’environ un tiers en glissement annuel pour atteindre environ 50 millions de dollars US en 2020. L’Espagne (part des importations : 22 %), la France (19 %), l’Italie (13 %), les Pays-Bas (12 %) et l’Allemagne (8 %) étaient les principaux pays fournisseurs. Ces dernières années, la Turquie, l’Inde et la Chine en particulier ont pu gagner des parts grâce à leurs niveaux de prix plus bas.

    Cependant, les livraisons en provenance de Chine en particulier ont chuté à la suite de la pandémie de corona. La Turquie et l’Inde ont regagné du terrain notamment en tracteurs (SITC 722). En 2019, leurs parts d’importation de tracteurs pour l’agriculture ont grimpé à un peu moins de 30 et environ 14%, respectivement. L’exportation allemande de tracteurs a atteint une valeur de 0,7 million d’euros en 2020 dans son ensemble. Au cours des neuf premiers mois, seuls des tracteurs d’une valeur de 0,4 million d’euros ont été exportés vers le Maroc.

    Le marché est sensible aux prix
    Les fournisseurs étrangers peuvent entrer sur le marché par l’intermédiaire de revendeurs ou d’importateurs locaux. Cependant, cela ne garantit pas que les biens d’équipement seront commercialisés de manière optimale localement – sur le marché très sensible aux prix. Amima est une association marocaine d’importation spécialisée dans le machinisme agricole. Il liste entre autres les sociétés commerciales Cogepra, Comicom, Socopim, Somma ou Stokvis Nord-Afrique comme sociétés membres.

    Un robot local aide à la récolte
    L’utilisation de la technologie numérique dans la récolte ne devrait devenir un problème au Maroc que lentement. Cependant, l’intérêt pour ce domaine prometteur ne cesse de croître. De plus, un robot agricole commercialement utilisable a déjà été entièrement fabriqué au Maroc. Le robot à usage agricole désherbera, récoltera et utilisera l’intelligence artificielle pour créer des analyses de sol.

    L’assistant de récolte automatisé a été conçu et construit dans le cadre du programme de financement d’Al Khawarizmi. L’Agence de Développement du Numérique (ADD) et le Ministère de l’Industrie y sont entre autres impliqués. L’Université Cadi Ayyad de Marrakech a joué un rôle de premier plan dans le développement sur trois ans – en coopération avec l’Université polytechnique Mohammed VI et le Centre de recherche Mascir.

    GTAI, 06/12/2021

    #Maroc #Récolte #Agriculture #Technologie #Sécheresse #Machines_Agricoles

  • Les sécheresses à répétition, une menace pour l’agriculture

    Les sécheresses à répétition, une menace pour l’agriculture

    Tags : Maghreb, sécheresse, Maroc, Algérie – Les sécheresses à répétition, une menace pour l’agriculture

    Des barrages presque à sec, des oliviers centenaires décharnés: le dérèglement climatique a pris des proportions dramatiques au Maghreb, au point de menacer la subsistance de millions d’agriculteurs. Le réservoir de Sidi Salem, qui pourvoit en eau près de 3 millions de Tunisiens (sur une population de 12 millions), fait peine à voir: il est tombé à 15 mètres sous le maximum atteint lors des pluies torrentielles meurtrières de l’automne 2018.

    Après une dizaine d’années «de changement climatique terrifiant, on a atteint une situation critique», constate l’ingénieur Cherif Guesmi: «Il n’y a pratiquement pas eu de vraies pluies depuis 2018 et nous utilisons encore cette eau», explique-t-il à l’AFP. En août, quand la Tunisie étouffait sous une canicule frisant les 48 degrés, le réservoir perdait 200.000 m3 d’eau par jour en évaporation, dit-il. Les récentes pluies ont largement épargné l’ouest de la Tunisie où se trouve ce barrage, tombé ces derniers jours à un plus bas historique de 17% de sa capacité. A l’échelle du pays, les barrages sont à seulement 31% de leur remplissage maximal. Les quatre pays du Maghreb (Algérie, Maroc, Tunisie, Libye) font partie des 30 pays les plus en pénurie d’eau de la planète, selon l’Institut des ressources mondiales (WRI).

    Les périodes de sécheresse sont de plus en plus longues et intenses, ce qui préoccupe nombre de cultivateurs comme Ali Fileli, 54 ans, qui exploite 22 hectares près de Kairouan, dans le centre semi-aride de la Tunisie. Il ne peut «rien faire» de ses terres «à cause du manque d’eau». «Quand j’ai démarré avec mon père, il y avait toujours de la pluie ou bien on creusait un puits et on trouvait de l’eau», raconte-t-il. Mais depuis 10 ans, «chaque année le niveau de la nappe phréatique baisse de 3-4 mètres».

    En montrant sa plantation d’oliviers, M. Fileli souligne qu’en une dizaine d’années, il a perdu la moitié de son millier d’arbres. A l’approche de la récolte, beaucoup d’arbres arborent des fruits ratatinés et la sécheresse a obligé M. Fileli à retarder l’ensemencement du blé d’hiver et de l’orge. C’est comme une réaction en chaîne: des récoltes réduites sont synonymes de dettes accrues pour les agriculteurs et de moins d’embauches de saisonniers. En Tunisie, le chômage, monté à 18% après le Covid-19, pousse de nombreux Tunisiens à quitter le pays.

    Le phénomène affecte cultivateurs et éleveurs de toute la région. «Les nappes phréatiques d’Afrique du Nord s’assèchent sous l’effet combiné du manque de précipitations et d’un pompage excessif», explique à l’AFP Aaron Wolf, professeur de géographie à l’Université américaine de l’Oregon, en citant l’exemple de la Grande rivière artificielle de Libye, qui puise «l’eau fossile» sous le désert pour l’acheminer jusqu’aux villes côtières.

    En Algérie, de fortes pluies ont récemment fait remonter le taux de remplissage des réservoirs à 32,6% mais il reste très faible dans le centre (9%) et dans l’ouest (18%). Les incendies en août ont aussi illustré le stress hydrique subi par un pays contraint d’utiliser l’eau potable pour l’irrigation et l’industrie, faute de retraitement suffisant des eaux usées.

    Au Maroc, Mohammed Sadiki, ministre du secteur phare de l’Agriculture, a récemment déploré une chute de 84% des précipitations depuis le début de l’année, comparé à 2020. Fin octobre, le taux de remplissage des barrages plafonnait à 36%. Pour M. Wolf, les conséquences des sécheresses vont au-delà de l’agriculture, elles sont un «moteur d’instabilité politique: les ruraux migrent vers les villes où il n’y a pas d’aide, exacerbant les tensions».

    En 2050, conséquence de pluies moins abondantes et de la croissance démographique, il y aura «beaucoup moins» d’eau que maintenant en Tunisie, explique Hamadi Habaieb, responsable de la planification de l’eau au ministère tunisien de l’Environnement. Il se dit convaincu toutefois que le pays réussira à s’adapter en choisissant de nouveaux types de semences et cultures.

    A Kairouan, M. Fileli craint que ces solutions n’arrivent trop tard. Il songe à tout quitter et migrer «vers la capitale ou ailleurs». «S’il n’y a pas d’eau, pas de pluie, pourquoi rester ici ?».

    Paul RAYMOND

    Reporters, 16/11/2021

    #Maghreb #Algérie #Maroc #Sécheresse

  • Asséché, un grand fleuve du Maroc n’atteint plus la mer

    Tags: Maroc, climat, sécheresse, Moulouya – Asséché, un grand fleuve du Maroc n’atteint plus la mer

    « C’est la première fois de son histoire que la Moulouya ne se déverse plus dans la mer », s’attriste l’écologiste Mohamed Benata. L’assèchement d’un des plus longs fleuves du Maroc, qui se jetait dans la Méditerranée, menace les terres agricoles et la biodiversité.

    « Son débit a faibli à cause de la surexploitation de ses eaux. Le phénomène est dramatique », déclare à l’AFP cet agronome à la retraite, en photographiant l’embouchure du fleuve située à quelques kilomètres de la cité balnéaire de Saïdia (nord-est), près de la frontière algérienne.

    Pire encore, l’eau de mer remonte « sur 15 kilomètres » dans le lit de la Moulouya, qui parcourt plus de 500 km depuis les montagnes du Moyen Atlas, poussant les riverains à abandonner l’exploitation de leurs terres à cause d’un excès de salinité.

    Impact direct du phénomène, accentué par la sécheresse: sur la rive droite, dans la commune rurale de Karbacha, les melons sont jaune pâle et difformes, leurs tiges toutes sèches couvrent plusieurs hectares de la plantation d’Ahmed Hedaoui. « Même les sangliers n’en veulent pas », raille-t-il.

    « Cette année, j’ai investi près de 300.000 dirhams (près de 30.000 euros) pour mettre à niveau ces terres. J’ai installé deux moteurs à pompe pour irriguer les melons, mais je me retrouve sans rien », se désole ce cultivateur de 46 ans, casquette vissée sur la tête.

    « Tout est mort à cause de la rareté des pluies et surtout de la salinité du fleuve », constate M. Hedaoui.

    L’herbe n’est pas plus verte dans le champ voisin, où son cousin Mustapha a planté des artichauts qui peinent à pousser.

    – « Coup de grâce » –

    « Cela fait deux mois que ce champ n’a pas été irrigué faute d’eau douce. On évite l’eau du fleuve car son sel ravage les sols pour des années », confie ce professeur de français reconverti dans l’agriculture, qui n’exploite plus aujourd’hui qu’un tiers de ses 57 hectares.

    Mustapha Hedaoui, tout comme la dizaine de cultivateurs rencontrés sur place, incrimine la « mauvaise gestion » de l’eau et l’excès d’infrastructures dans la région, notamment deux stations de pompage et trois barrages.

    Si la dernière station de pompage, mise en service il y a six mois près de la ville voisine de Zaio, permet d’irriguer 30.000 hectares, elle a porté « le coup de grâce aux agriculteurs de la Basse Moulouya », tonne l’agriculteur.

    Plus grave, l’eau douce pompée du fleuve « est répartie de manière inéquitable car ce sont les producteurs d’arbres fruitiers qui en profitent », proteste Abderrahim Zekhnini, 61 ans, qui a renoncé à labourer les 200 hectares de l’exploitation familiale.

    Au ministère de l’Agriculture, on impute l’assèchement du fleuve et sa salinité à la sécheresse. « Certes les stations de pompage ont un impact sur le débit du fleuve mais des études ont été réalisées en amont pour éviter tout déséquilibre », assure à l’AFP le directeur régional du ministère, Mohamed Bousfou.

    « Pour la répartition de l’eau douce, on la distribue en priorité à l’arboriculture plutôt qu’aux cultures maraîchères parce qu’on vit une situation exceptionnelle de sécheresse », assure le fonctionnaire. Un arbre détruit est plus long à remplacer qu’une plantation saisonnière.

    – « De mal en pis » –

    L’aridité est amenée à augmenter progressivement au Maroc jusqu’en 2050 en raison de la baisse attendue de la pluviométrie (-11%) et de l’augmentation de la température (+1,3°C), selon un rapport du ministère de l’Agriculture. Elle entraînera une « diminution de la disponibilité en eau d’irrigation de plus de 25% », prédit-il.

    « Ce qui me chagrine le plus, c’est de voir mes enfants obligés de travailler ailleurs, dans d’autres exploitations, alors qu’on a nos propres terres », déplore M. Zekhnini.

    Sur la rive gauche de la Moulouya, ce n’est pas mieux: « Nous cultivons ces terres de père en fils mais la situation se dégrade, ça va de mal en pis », confie, amer, Samir Chodna.

    « Aujourd’hui, tous les jeunes de la région ne pensent qu’à émigrer », assure le jeune homme.

    L’embouchure du fleuve, désormais envahie par les détritus, abrite pourtant une des réserves naturelles les plus riches de la région d’Oujda, non loin de l’Algérie.

    « Sa faune et sa flore n’en sortiront pas indemnes », alerte le militant écologiste Mohamed Benata.

    La Croix, 15/11/2021

    #Maroc #Climat #Sécheresse #Fleuve_moulouya

  • Algérie: La danse de l’eau

    Par Madjid Khelassi

    Coupures d’eau , chômage , cherté de la vie, moral des populations mis à bas par le Covid…L’été 2021 prend les allures d’un enfer terrestre pour l’homo algérianus.

    Dans le sud du pays, à Ouargla plus précisément , un mouvement de revendication d’embauche des chômeurs tourne à l’affrontement avec les forces de l’ordre.

    Dans la nuit de lundi dernier , à Bains-romains ( actuelle Hammamet), les habitants de cette localité côtière, ont fermé la route et mis le feu aux poubelles pour protester contre les coupures d’eau.

    A Bab-ezzouar , les habitants ont à deux reprises, fermé l’autoroute qui mène à l’aéroport, pour protester contre l’absence de l’eau de leurs robinets plusieurs jours durant.

    Émeutes de la soif…a dit la presse . Et tarissement de la patience voire de l’espoir d’une vie tranquille pourrait-on dire !

    Bienvenue dans l’Algérie pétrolifère , plus grand pays d’Afrique où l’eau se transforme en feu des colères. Et dans laquelle un grand pan de la société souffre d’une pathologie inguérissable…qui s’appelle le désespoir.

    Désespoir qui mène à la Harga , au suicide , à la perte des repères.

    Bienvenue dans l’Algérie qui a amassé un pactole au temps du pétrole enivrant…pour ensuite le dilapider entre castes et rejetons, entre Neuilly et le Panama.

    Été 2013 : Et l’eau vint à manquer…exacerbant les problèmes de tous les jours , jetant les foules assoiffées dans les rues, sur les routes…prêt à en découdre à cause d’un gosier devenu le catalyseur de leur colère.

    Après la Française des Eaux, l’Algérienne des Eaux, et présentement la SEAAL…Firmes présidant aux destinées de nos déshydratations, on pensait être guéri de la citerne, du jerrican et tutti quanti.

    Que nenni ! Le stress hydrique made in minuit est là. L’effritement du cadre de vie aussi.

    Les canalisations sifflent , les robinets rotent, et la danse de l’eau vire au « waterboarding »dans le pays des plus grandes nappes d’eaux du monde …qu’on dit « dormantes » dans le Sahara. Mais qui s’en soucie ? Personne…évidemment.

    La Nation, 14/07/2021

    Etiquettes : Algérie, pénurie, d’eau, sécheresse, stress hydrique,

  • Algérie, Maroc, Tunisie : Pénurie d’eau au Maghreb

    A l’instar de l’ensemble du Maghreb, des phénomènes météorologiques soudains et violents se produisent en Algérie. Le pays connaît plusieurs épisodes de tonnerre et de grêle qui provoquent des inondations sur des sols secs. En mai 2021, c’est le réservoir de Kaudiet Eserdoune, l’un des plus grands barrages d’Algérie, qui se retrouve à sec. Début juin, on constate que le taux de remplissage des barrages du pays est inférieur à 50%. Les niveaux de précipitations sont en baisse dans le nord du pays, confirme le climatologue Rachid Besoud pour le quotidien algérien l watan : « La vulnérabilité naturelle et climatique de l’Algérie s’accroît ». Des pays comme le Maroc et la Tunisie sont en crise à cause du manque d’eau.

    Rappelons que la consommation d’eau est désormais inférieure à la « limite de réduction », un indice conçu par l’hydrologue suédoise Malin Falkenmark il y a 25 ans, fixé à 1000 mètres carrés3/ habitant/an. Une situation problématique en dessous de ce seuil « La vie sociale et le développement économique sont difficiles ». Les gouvernements du Maghreb entendent lutter contre cette pénurie d’eau en stockant les eaux de surface et en construisant des barrages réservoirs. Le Maroc, très riche, en possède 144, la Tunisie, 34. Une autre stratégie a été adoptée, qui tire parti des 7000 km de côtes : les usines de dessalement de l’eau de mer. Cette fois, l’Algérie est en tête avec 21 stations. La plus grande unité de dessalement marocaine est entrée en service au début de cette année. Si l’approvisionnement en eau peut augmenter et s’améliorer, l’eau est gaspillée, perdue dans des réseaux de stockage et de distribution mal entretenus. En ce qui concerne le retraitement des eaux usées, qui permettrait un bon cycle de la précieuse ressource, les trois pays manquent de stations d’épuration. Mais c’est au niveau agricole et donc rural que les choses sont encore plus dramatiques, et encore plus dans les zones où l’eau est puisée dans les nappes phréatiques, qui ne seront pas rechargées de sitôt. L’inégalité d’accès à l’eau dans les zones rurales exacerbe les relations sociales. En définitive, ce sont les petits agriculteurs qui souffriront le plus de la raréfaction de l’eau.

    « Projet « 3 millions de génomes africains

    Vingt ans se sont écoulés depuis que la première séquence du génome humain a été publiée dans la revue scientifique Nature. Mais parmi tout ce matériel collecté et analysé, les génomes des individus d’ascendance africaine ne représentent que 2% de l’ensemble. Il y a un « préjugé européen ou caucasien » dans ce catalogue d’ADN. Pour rééquilibrer cette pénurie d’informations génomiques, le généticien camerounais Ambrose Vonkam a lancé un projet appelé 3MAG, ou trois millions de génomes africains, qui vise à séquencer l’ADN de 3 millions d’individus issus de plusieurs groupes ethniques du continent africain. Le résultat promet d’atteindre beaucoup plus de variations génétiques que dans le reste du monde. magazine podcast economist Met l’accent sur un fait encore peu connu du grand public, à savoir l’extrême diversité génétique des populations africaines au sein même des groupes ethniques africains, par rapport aux autres groupes ethniques hors du continent. Le pourcentage oublié par le podcast est stupéfiant : 7% des variations génétiques à l’origine des maladies identifiées grâce à ce séquençage génomique proviennent d’échantillons d’ADN d’individus du continent africain. Obtenir jusqu’à 2% sur le génome africain est très prometteur. A été mentionné par Ambrose Wonkam lui-même en février 2021 pour examen. Nature, une récolte spectaculaire de variantes génétiques recueillies à partir de l’analyse des séquences du génome entier de seulement 426 personnes appartenant à 50 groupes ethnographiques en Afrique et jusqu’à présent inconnues. Le projet durera dix ans et s’appuiera sur des programmes et des institutions déjà en cours dans divers pays africains, en Grande-Bretagne et aux États-Unis.

    « Nous devons nourrir le monstre » ou comment les ressources halieutiques de l’Afrique de l’Ouest sont pillées

    Cette 3ème année consécutive, Greenpeace s’efforce d’établir un lien entre, d’une part, les ressources halieutiques au large des côtes d’Afrique de l’Ouest, qui sont de plus en plus rares, et, d’autre part, les besoins des fermes aquacoles d’Europe et d’Asie. Les chaînes d’approvisionnement et les produits de la mer vendus par les grandes chaînes de distribution européennes. L’ONG environnementale publie les résultats d’une enquête menée avec une autre ONG, Changing Markets, sous un titre évolutif : Nourrir le monstre : comment les industries européennes de l’aquaculture et de l’alimentation animale transforment l’alimentation des communautés d’Afrique de l’Ouest. Cette zone poissonneuse attire les navires de pêche industrielle et les flottes locales. La crise générale est la pêche illégale qui épuise les réserves de protéines dont bénéficie la population locale. Ce qui est changé et expliqué par le rapport de Greenpeace de ce mois de juin, c’est l’importance prise récemment par les usines locales des changements dans l’huile de poisson et la nourriture. Et ce, selon la « campagne » responsable de Greenspace Africa, interviewée par Ibrahima Sisse magazine young africa, « Une goutte d’eau qui brise le dos d’un chameau ». Il y a une dizaine d’années, ces usines ont remplacé les déchets de la transformation du poisson. Maintenant, elles commandent du poisson frais. « petit bassin » Les petits poissons qui se reproduisent de manière très vivante, comme la Sardinelle et le Bonga, vivent près des côtes et sont donc plus faciles à attraper, explique M. Sisse. Ces poissons sont d’excellentes sources de protéines animales pour les populations de Mauritanie, du Sénégal et de Gambie, mais aussi pour leurs voisins de l’intérieur. Leur inconvénient est aussi celui de nombreux métiers traditionnels. Hors d’Afrique, la farine et l’huile finiraient dans les aliments pour l’aquaculture et les élevages de porcs, dans les compléments alimentaires, les cosmétiques et les produits alimentaires pour animaux de compagnie.

    Inside Wales Sport, 21 juin 2021

    Etiquettes : Algérie, Maroc, Tunisie, eau, pénurie, sécheresse,

  • La combinaison des connaissances indigènes et scientifiques améliore la gestion des incendies au Sahel

    par Natalie Duncan*

    Le Sahel est une ceinture aride et chaude qui ne pardonne rien et qui s’étend sur le continent africain, du Sénégal au Tchad. Il marque la zone de transition entre le désert du Sahara au nord et les savanes humides au sud. Cette zone est caractérisée par un régime pluvial unique. Une longue saison sèche est suivie d’une saison des pluies courte mais intense ; certaines régions peuvent connaître jusqu’à 80 % de leurs précipitations annuelles entre les mois d’août et de septembre. Les populations qui vivent dans cet écoclimat difficile sont particulièrement vulnérables aux effets de la variabilité et du changement climatique.

    Au Sahel, le pastoralisme, ou l’élevage de bétail et d’autres ruminants, est le moyen de subsistance dominant. Les pasteurs s’appuient sur des informations liées au climat, comme la quantité et le moment des précipitations dans une région, pour prendre des décisions qui ont un impact sur leurs troupeaux. Cependant, les pasteurs signalent que la variabilité accrue du climat compromet leur prise de décision traditionnelle. Il est peut-être possible de surmonter ce problème en combinant les connaissances indigènes avec des informations scientifiques essentielles.

    En particulier, l’apport scientifique pourrait être utile aux communautés pastorales qui utilisent le brûlage dirigé dans le cadre des pratiques traditionnelles de gestion des terres, comme les Fulani au Sénégal.

    Le brûlage dirigé est différent des incendies de forêt, qui sont incontrôlés et ont souvent des effets dévastateurs. Les feux contrôlés sont allumés au début de la saison sèche pour améliorer les pâturages en éliminant les chaumes non appétissants, encourager la repousse et réduire le risque de feux de brousse plus incontrôlables plus tard dans la saison. Les pasteurs s’appuient sur les modes de connaissance indigènes pour élaborer leurs stratégies de brûlage. Ces modes de connaissance sont centrés sur la surveillance de la végétation et la prévision des conditions météorologiques futures ; pour la plupart, les connaissances indigènes reposent sur des preuves empiriques qui peuvent être vérifiées par l’expérience vécue.

    L’utilisation pastorale du feu pour la gestion des terres – y compris le moment, la fréquence et l’intensité des feux – correspond bien à la compréhension scientifique de la préservation de l’écologie dans le biome de la savane. Au Sénégal, la stratégie consiste généralement à allumer des feux au début de la saison sèche. Les feux sont plus fréquents dans le sud pour encourager la nouvelle croissance, mais rarement dans le nord, où la perte de fourrage l’emporte sur les autres avantages. L’étendue du brûlage est fonction du résultat souhaité : le brûlage de zones spécifiques d’herbes vivaces sèches permet de créer des pâturages, tandis que le brûlage de grandes étendues de zones environnantes crée des coupe-feu qui protègent les pâturages.

    Face à l’incertitude croissante du climat, il est possible d’intégrer des données scientifiques pour améliorer la résilience de la surveillance du climat par les autochtones et la prise de décision quant à savoir si, quand et comment effectuer un brûlage contrôlé. Trois paramètres cruciaux doivent être pris en compte pour s’assurer que les régimes de brûlage dirigé répondent de manière optimale aux besoins des pasteurs : la probabilité d’inflammation, la vitesse de propagation du feu et la quantité de combustible consommé. Pour quantifier ces paramètres, il existe cinq variables qui peuvent être mesurées à l’aide d’une collecte de données scientifiques : la teneur en humidité du combustible, la charge en combustible mort, le couvert végétal, la vitesse du vent et l’humidité relative. Ces variables sont liées aux conditions climatiques actuelles et passées et sont utiles pour prédire les risques de déclenchement d’un incendie.

    En incluant ces variables dans les simulations de la propagation des incendies, il est possible de développer un modèle météorologique des incendies pour les pays du Sahel, comme le Sénégal. Cela permettrait de formaliser la prédiction du comportement du feu, qui a été historiquement sous-étudiée dans les écosystèmes de savane d’Afrique. Les pasteurs bénéficieraient d’une meilleure compréhension de quand, comment et où utiliser le feu pour préparer efficacement les pâturages pour leurs troupeaux. Cela permettrait d’éviter les feux qui se propagent de manière intense et incontrôlée, endommageant les ressources naturelles limitées. En fait, lors d’un récent atelier financé par USAID, les pasteurs sénégalais ont déclaré avoir besoin de plus d’informations sur les conditions favorables aux feux de brousse.

    Cependant, l’utilité des données scientifiques et des modèles prédictifs seuls est limitée. Les cinq variables qui pourraient être utilisées comme intrants dans les simulations de propagation des feux ne tiennent pas compte des autres perturbations propres aux modes de vie pastoraux. Par exemple, les modèles par lesquels les pasteurs font migrer leurs troupeaux vers différents pâturages peuvent grandement influencer le comportement du feu, car la présence du bétail qui broute et piétine réduit naturellement la quantité d’herbe et donc l’intensité du feu.

    Compte tenu de l’incertitude liée au développement de modèles de prévision des incendies pour les écosystèmes de savane d’Afrique, il sera nécessaire de recourir à des techniques de vérification sur le terrain. Celles-ci s’appuieront probablement sur la surveillance du climat et de l’environnement effectuée par les éleveurs eux-mêmes, soulignant la nécessité de systèmes de connaissances à la fois scientifiques et indigènes.

    La création de partenariats entre les producteurs et la communauté scientifique est un domaine d’intérêt de l’Institut international de recherche sur le climat et la société de l’université Columbia, par le biais du projet « Adapting Agriculture to Climate Today, For Tomorrow (ACToday) Columbia World ». En se concentrant récemment sur la zone sahélienne, ACToday travaille au Sénégal pour établir des liens et accroître l’utilisation des données climatiques afin d’améliorer la résilience des éleveurs et de lutter contre l’insécurité alimentaire.

    L’utilisation en parallèle des modes de connaissance scientifiques et indigènes permet de surmonter les lacunes de chacun. Cela est soutenu par la littérature, qui a montré que l’utilisation des deux a eu un effet positif sur l’adaptation des pasteurs au climat. Les modèles de prévision des incendies qui prennent en compte les deux modes de connaissance seront essentiels pour améliorer la résilience pastorale face au changement climatique, ce qui permettra de mieux garantir que les feux de brousse restent contrôlés et que les brûlages dirigés sont d’une efficacité optimale.

    *Institut de la Terre de l’Université de Columbia

    Phys.org, 22 mars 2021

    Tags : Sahel, France, Barkhane, Tchad, Burkina Faso, Mali, Niger, Mauritanie,changement climatique, sécheresse, désertification,

  • Au Maghreb, l’eau est à la source des conflits sociaux de demain

    Les conflits autour des ressources en eau se multiplient ces dernières années à travers le Maghreb. Un réchauffement climatique global conjugué à des politiques prédatrices pourrait accentuer les tensions politiques

    Parler des ressources hydriques au Maroc, c’est parler d’agriculture : le secteur avale environ 80 % des stocks en eau du pays (AFP)

    Dans les années 1980, le plus célèbre des opposants marocains à Hassan II, Abraham Serfaty, écrivait dans une langue marxiste typique : « La politique dite ‘‘des barrages‘‘ symbolise l’extension dans les zones les plus fertiles du pays de la grande propriété terrienne orientée vers la culture de produits d’exportation correspondants aux besoins du marché d’Europe occidentale en produits méditerranéens, dans la droite ligne de la politique agricole coloniale. »

    À l’époque, l’accès à l’eau ne semblait pas encore être un enjeu politique et social majeur au Maghreb.

    Des décennies plus tard, le révolutionnaire pétri par la lutte des classes se serait-il étonné de voir le partage et l’usage des ressources en eau dans la région effectivement décrit comme un révélateur majeur de fractures sociales par des analystes peu soupçonnables de sympathies révolutionnaires ?

    « L’eau représente un véritable indicateur d’inégalités à différents niveaux », écrivent des chercheurs de l’Institut français des relations internationales (IFRI) dans une publication soutenue par l’Office chérifien des phosphates (OCP), une des principales entreprises publiques marocaines. Inégalités entre les régions notamment, mais aussi entre les genres, les femmes étant les principales collectrices et porteuses d’eau dans la région.

    Ces dernières années, les conflits autour des ressources hydriques se multiplient : au Maroc, l’occupation d’une source d’eau par des habitants à Imider est devenue un symbole des nouveaux mouvements sociaux qui marquent le pays.

    Depuis des années, des habitants s’opposent à l’exploitation d’une mine d’argent et de mercure par la SMI, une filiale du groupe minier Managem, dont le principal actionnaire est la holding de la famille royale.

    « En 2011, tout a commencé par le blocage des vannes du réservoir d’eau de la mine avec des chaînes », rappelle à Middle East Eye Moha Ed-Daoudy, une figure du mouvement.

    Hotspot du réchauffement climatique dans le monde
    Le cinquième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) l’a souligné en 2014 : le Maghreb est un « hotspot » mondial du réchauffement climatique.

    D’un côté, la montée du niveau de la mer entraîne une salinisation des nappes phréatiques côtières et, de l’autre, les terres s’assèchent.

    La Tunisie est un des pays les plus durement touchés du bassin méditerranéen et avec une disponibilité en eau estimée à 470 m3 par an et par habitant, elle est désormais bien en deçà du seuil de pénurie défini par l’ONU, fixé à 1 000 m3.

    Les gouvernements sont conscients des retombées possibles, notamment des déplacements forcés de population. Stratégie en matière d’énergies renouvelables en Algérie, plan national de l’eau au Maroc… les annonces se succèdent ces derniers mois devant la réalité du stress hydrique.

    La Tunisie, à qui la dégradation de l’environnement coûterait jusqu’à 2 % de son PIB selon la Banque mondiale, a aussi inscrit le droit à un environnement « sain et équilibré » dans sa Constitution.

    Mais les enveloppes débloquées pour des projets de dessalement d’eau de mer ou de traitement des eaux usées ne calment pas encore les colères. Tout au long du hirak, mouvement de protestation dans le Rif marocain, de 2016 à 2018, les difficultés d’accès à l’eau ont hanté les esprits dans les administrations.

    « En 2017, nous avons frôlé la coupure nette dans plusieurs points de l’Oriental, pas loin d’Al Hoceima, l’épicentre du hirak. Ça n’a finalement pas eu lieu, mais ça aurait signé l’extension et la radicalisation du mouvement… », confie à MEE un fonctionnaire sous couvert d’anonymat.

    Dans la société civile, en l’absence de partis écologiques, c’est dans différents univers qu’on trouve posée la question de l’usage de l’eau : les habitants d’oasis, des organisations altermondialistes, des intellectuels critiques, le mouvement amazigh au Maroc… Des organisations spécifiques comme l’Observatoire tunisien de l’eau gagnent aussi en visibilité dans le débat public.

    En 2019, cet observatoire a comptabilisé une centaine de manifestations liées à des difficultés d’accès à l’eau en Tunisie.

    La plupart ont lieu dans les foyers des mouvements sociaux de 2008 et de la révolution de 2011, les régions de Gafsa, Kasserine et de Sidi Bouzid. Depuis quelques années, des habitants creusent chaque été de nouveaux puits plus profonds pour récupérer des eaux boueuses et saumâtres.

    Du côté des institutions, les ajustements techniques prédominent souvent la création de stratégies publiques nouvelles lorsqu’il s’agit d’apporter des réponses au désarroi des populations.

    Ainsi, en Tunisie comme au Maroc, les autorités renvoient à la vétusté des conduites qui occasionne de grosses pertes en eau. Une tendance à dépolitiser le dossier : la sécheresse est structurelle, liée à des dynamiques sur lesquelles les autorités publiques n’auraient pas la main.

    Charafat Afilal, ancienne ministre marocaine déléguée à l’Eau, va jusqu’à reconnaître des défaillances en matière de gouvernance, pointées du doigt par les institutions internationales.

    Une fiscalité inégalitaire
    La complexité des organisations chargées des politiques hydriques et la bureaucratie ne facilitent pas la recherche de solutions.

    Mais l’ex-ministre met en avant les réalisations : « Le Plan Maroc Vert [plan agricole marocain] se recoupe avec le plan national pour l’eau. La prise en considération du facteur stress hydriques est bien là. »

    Elle ramène en outre les conflits à des soucis locaux : « Il est vrai qu’on constate des ratés dans la mise en application sur le terrain, comme des subventions accordées sans l’avis des agences de bassin. »

    Ces considérations techniques et bureaucratiques ne sont pas sans importance, souligne Mehdi Lahlou, président de la branche marocaine de l’Association pour un Contrat mondial de l’eau.

    Mais il souligne à MEE : « Il y a aussi un modèle économique libéral qui a été choisi dans la gestion de l’eau au Maroc, comme dans le reste du Maghreb. »

    Il pointe du doigt une fiscalité inégalitaire et une privatisation rampante du secteur de la distribution, qui permettent à de grands agriculteurs de payer moins cher le mètre cube d’eau productif que le particulier pour se désaltérer.

    Il accuse aussi des symboles lourds de conséquences : des sources confiées à des entreprises ou des consortiums comprenant des entreprises étrangères pour de la mise en bouteille, comme celle de Ben Smim, objet d’un litige et d’une mobilisation locale.

    En effet, lorsque des vents de contestation soufflent sur le pays, l’eau n’est jamais bien loin. En 2011, lors du Mouvement du 20 Février, des habitants de la ville de Tanger se sont regroupés devant les locaux d’Amendis, filiale du français Veolia qui gère le service de l’eau dans la ville.

    Lors du mouvement de boycott contre la vie chère en 2018, parmi les trois marques ciblées et durement touchées, on retrouvait la fameuse marque d’eau Sidi Ali, des Eaux minérales d’Oulmès, entreprise présidée par Miriem Bensalah Chaqroun, ancienne patronne du principal syndicat patronal marocain, la CGEM.

    Le Maghreb s’est aussi tourné vers un modèle agricole bien particulier. À Zagora au Maroc, comme à Sidi Bouzid en Tunisie, on cultive surtout des produits à l’export. Fraises, fleurs, agrumes, pastèques…

    « Des produits très gourmands en eau, produits dans des régions parfois très arides, au détriment de cultures qui demandent moins d’irrigation », souligne Alaa Marzougui, président de l’Observatoire tunisien de l’eau.

    Mehdi Lahlou relève : « Ce qui est certain, c’est que parler de ressources hydriques au Maroc, c’est parler d’agriculture. Le secteur avale 80 % des stocks en eau du pays environ. »

    La pastèque a été mise sur le banc des accusés au Maroc lorsqu’un « hirak de la soif » a éclaté en 2018 à Zagora, jetant des centaines de citoyens assoiffés dans les rues.

    Le plan agricole Maroc Vert a boosté la production dans la région de ce produit ultra gourmand en eau et destiné aux marchés étrangers. Aujourd’hui, presque 20 000 hectares de terres à travers le royaume sont consacrés à ce fruit qui en occupait à peine quelques centaines il y a une décennie.

    Le Maghreb s’en remet aux marchés étrangers

    À Sidi Bouzid, grenier de la Tunisie, et foyer de départ du soulèvement de 2011, la colère politique est liée à ce modèle agricole, à en croire la chercheuse tunisienne Alia Gana. Elle écrit dans l’ouvrage collectif Tunisie, une démocratisation au-delà de tout soupçon : « La réallocation des ressources au profit de l’agriculture intensive en irrigué, levier de l’insertion dans les marchés internationaux, a eu des effets discriminatoires sur l’agriculture familiale, accélérant la marginalisation, voire l’exclusion des petits agriculteurs. »

    Ce modèle de développement, poursuit la chercheuse, « basé sur une intensification technique inadaptée aux spécificités d’un milieu aride, contribue à une dégradation souvent irréversible des ressources en eau ».

    Les politiques d’intégration aux marchés européens ont favorisé une spécialisation en biens agricoles à haute teneur en eau, mais aussi une dépendance alimentaire à l’égard des marchés mondiaux.

    Le Maghreb s’en remet aux marchés étrangers pour s’approvisionner en produits agricoles de base et accuse une balance commerciale structurellement déficitaire.

    Selon un document de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 80 % des besoins tunisiens en blé sont couverts par l’importation, soit l’équivalent de quatre baguettes de pain sur cinq consommées.

    La Tunisie et l’Algérie sont depuis des années parmi les dix premiers pays importateurs de blé dans le monde. Une dépendance qui rendrait la région vulnérable aux fluctuations des prix et aux chocs mondiaux. Et qui a un coût pour la population : les deux pays sont aussi marqués par la part importante de budget consacrée par leurs citoyens à la nourriture : 43 % en Algérie et 35 % en Tunisie, le même chiffre qu’en Irak, selon le département américain de l’Agriculture.

    Dans Food Insecurity and Revolution in the Middle East and North Africa, les chercheurs Habib Ayeb et Ray Bush expliquent comment ces politiques commerciales influencées par les institutions financières internationales ont contribué à l’exaspération des populations et aux soulèvement en Tunisie et en Égypte en 2011.

    En janvier 2020, la volonté du président algérien Abdelmadjid Tebboune de relancer les projets de forages de gaz de schiste dans le sud a mobilisé les manifestants du hirak. Ces derniers accusaient par voie de slogans et de pancartes : l’exploitation du gaz de schiste par une technique dite de fracturation hydraulique exerce une pression énorme sur les précieuses eaux dans les nappes phréatiques.

    Les projets de forage avaient été suspendus en 2015 dans la foulée de mobilisations dans la région d’In Salah. Le sujet divise au sein même du gouvernement : « Le gaz de schiste est une calamité. On va hypothéquer l’avenir du Sud », déclarait à la radio publique Chems Eddine Chitour, actuel ministre de la Transition énergétique, alors à l’Enseignement supérieur, et expert des énergies.

    Muriel Ressiguier, une députée française, soulignait à l’Assemblée : « L’extraction des gaz s’effectue en Algérie par la fracturation hydraulique. Il ne saurait être acceptable que les pays de l’Union européenne ne l’autorisant pas chez eux à cause des multiples risques se tournent vers l’Algérie pour le produire, en laissant supporter à ce pays les aberrations écologiques liées à ce type d’extraction, notamment la pollution des nappes phréatiques… »

    Dans les rues algériennes, on accusait le gouvernement, mais aussi les grandes entreprises gazières et pétrolières étrangères intéressées par la prospection : « Notre Sahara n’est pas à vendre. » La gestion de l’eau se retrouvait ainsi intégrée aux exigences de souveraineté populaire sur les richesses et les institutions des manifestants du hirak.

    Des migrations intérieures massives

    En Tunisie, c’est aussi un secteur clé de l’économie qui suscite des débats. Dans la région du bassin minier, certains imputent à l’extraction de phosphate la raréfaction de l’eau. Une hypothèse contestée, mais la pollution de certaines sources est bien avérée.

    Le désarroi social place les citoyens devant des dilemmes, comme le souligne le biologiste Mohsen Kalboussi dans une opinion publiée sur le site Nawaat : « Différents mouvements sociaux revendiquent le droit à l’emploi plutôt que de contester la pollution générée par les activités minières dans la région. »

    La société civile se déchire parfois et des syndicalistes et des agriculteurs s’opposent ainsi lors de chauds débats locaux ou au cours de mobilisations à propos des retombées économiques et écologiques de l’activité phosphatière.

    Moha Ed-Daoudy, depuis Imider, suit avec intérêt ces mobilisations dans la région. Il est conscient de la difficulté de trancher entre développement économique et protection des ressources hydriques. Mais il insiste : « Ces mouvements montrent que les populations veulent avoir leur mot à dire sur l’utilisation des ressources naturelles. »

    Des chercheurs établissent maintenant le rôle sous-jacent du réchauffement climatique dans l’instabilité politique au Moyen-Orient. Ceux du Center for Climate and Security aux États-Unis, par exemple, ont observé que le soulèvement syrien avait débuté dans des régions tournées vers un usage intensif de l’eau pour la culture du coton notamment, et frappées par des sécheresses entraînant des migrations intérieures massives et une urbanisation chaotique.

    En 2015, l’ancien président américain Barack Obama et la figure de gauche Bernie Sanders ont publiquement fait leur cette analyse.

    Cette dernière a pourtant suscité des oppositions. Pour beaucoup, expliquer le soulèvement syrien par le changement climatique minimise ses raisons politiques. Dans le futur, il semble possible que dans la région, l’usage des ressources en eau devienne une cause explicite de mobilisations politiques.

    Middle East Eye, 22 mars 2021

    Tags : Maghreb, Maroc, Algérie, Tunisie, eau, sécheresse,

  • La décision du Maroc de publier des cartes de sécheresse pourrait profiter à l’ensemble de la région MENA

    Par Rachael McDonnell, directrice de programme stratégique – Eau, changement climatique et résilience, à l’Institut international de gestion des eaux.

    La gestion de la sécheresse est devenue un défi crucial pour de nombreux pays, en particulier ceux de la région Moyen-Orient et Afrique du Nord (MENA), où la pénurie d’eau est un problème permanent. Parmi les mesures prises pour lutter contre la sécheresse, le ministère marocain de l’agriculture, de la pêche, du développement rural, des eaux et des forêts (MAFRWF) a publié en ligne, pour la première fois, des cartes de sécheresse par satellite à l’échelle du pays.

    Les cartes présentent visuellement les données satellitaires sur les précipitations, la température à la surface du sol, l’humidité du sol et la santé de la végétation, qui ont été compilées dans un indice composite de sécheresse amélioré (eCDI) facile à interpréter. En analysant les cartes à code couleur et en observant l’évolution de la valeur sous-jacente de l’indice eCDI à partir du début de la saison de croissance, les utilisateurs peuvent détecter rapidement l’apparition d’une sécheresse, avant même que ses effets ne soient visibles sur le terrain.

    Les sécheresses sont de plus en plus fréquentes et sévères au Maroc, et le changement climatique devrait poursuivre cette tendance à l’avenir. La moitié de la population vit dans des zones rurales, et deux ruraux sur trois travaillent dans l’agriculture. Par conséquent, lorsqu’une grave sécheresse frappe, elle peut avoir un impact majeur sur la sécurité alimentaire et hydrique, ainsi que sur les moyens de subsistance et la santé. La mise à disposition des cartes de sécheresse aux agences gouvernementales, aux universités et aux instituts de recherche est un premier pas vers le développement d’un système d’alerte précoce de la sécheresse, où des alertes automatiques peuvent déclencher des actions de la part des agences gouvernementales pour atténuer les impacts les plus graves.

    Les cartes de sécheresse ont été développées dans le cadre du volet marocain du projet MENAdrought financé par l’USAID, mené par l’International Water Management Institute et ses partenaires. Nous avons développé l’eCDI en collaboration avec le National Drought Mitigation Center de l’Université de Nebraska-Lincoln, le NASA Hydrological Sciences Laboratory, et le Daugherty Water for Food Global Institute, USA, en collaboration avec le département de la stratégie et des statistiques du MAFRWF. Les données sur les précipitations, la température de la surface terrestre, l’humidité du sol et la santé de la végétation, compilées à partir de diverses missions satellitaires, sont incorporées dans l’eCDI, avec une pondération de 40% pour les précipitations et de 20% pour les trois autres paramètres.

    La saison des pluies au Maroc s’étend généralement de septembre à juin, le début de la saison de croissance coïncidant avec les fortes pluies d’automne. L’examen des données des cartes de sécheresse par satellite permet aux utilisateurs d’identifier le début et la progression de la sécheresse. Tout d’abord, si les précipitations de septembre-novembre sont inférieures à la norme (calculées à partir des données satellitaires antérieures), cela se manifestera par un signal de précipitations inférieures à la normale dans l’ICDÉ. Ensuite, si cette « sécheresse météorologique » progresse en hiver, le signal d’humidité du sol sera également inférieur à la moyenne.

    Un niveau adéquat d’humidité du sol aux étapes clés de la saison de croissance est essentiel pour la santé et le développement des cultures. Si le déficit d’humidité du sol est tel qu’il commence à affecter la végétation et les cultures, provoquant une « sécheresse agricole », cela sera visible à travers l’indice de santé de la végétation dans l’eCDI en hiver et au printemps. Appelé indice de végétation par différence normalisée, il fonctionne en calculant la lumière réfléchie par les plantes. Une biomasse saine reflète davantage de lumière proche de l’infrarouge, tandis qu’une végétation stressée ou clairsemée reflète davantage de lumière visible. Si la sécheresse se prolonge au-delà d’une saison, elle devient une sécheresse « hydrologique », avec des répercussions sur le bilan hydrique global des bassins et du pays.

    Actuellement, les utilisateurs peuvent télécharger les fichiers de données des cartes satellites et entreprendre leurs propres analyses pour vérifier la présence et la progression de la sécheresse. Cependant, dans l’équipe MENAdrought, nous travaillons à développer des seuils qui peuvent déclencher automatiquement des actions de réponse et d’atténuation. Nous nous sommes d’abord concentrés sur les céréales pluviales dans tout le pays, ainsi que sur la région aride et pauvre en eau de Souss-Massa, dans le sud-ouest du Maroc.

    Abritant plus de 2,5 millions de personnes, le Souss-Massa est délimité à l’ouest par l’océan Atlantique Nord et à l’est par le désert du Sahara. Nous utilisons les preuves des impacts connus des sécheresses passées sur la région pour développer les seuils de déclenchement. Ceux-ci sous-tendront un cadre de risque de sécheresse englobant la planification institutionnelle et le travail d’un groupe de travail sur la gestion de la sécheresse. Une fois la technologie et le cadre éprouvés pour le Souss-Massa, la prochaine étape consistera à les étendre à l’ensemble du pays.

    Nous travaillons également à calibrer et valider les cartes de sécheresse à usage pastoral pour l’ensemble du Maroc. Cela permettra de soutenir l’application des lois sur la gestion des pâturages et de la transhumance. Le pastoralisme est traditionnellement très répandu au Maroc, mais la dégradation des terres de parcours, par la sécheresse et la surexploitation, incite certains éleveurs nomades à chercher de nouveaux pâturages, ce qui entraîne des tensions. Une fois validées, en utilisant des données de terrain pour vérifier les données satellitaires, les cartes de sécheresse permettront aux autorités marocaines de prévoir où la sécheresse affectera les pâturages et d’autoriser les éleveurs à emmener leur bétail dans des zones où la végétation est saine.

    Les cartes de sécheresse de l’eCDI sont codées par couleur, les nuances de rouge représentant une sécheresse extrême, grave et modérée, et les nuances de vert indiquant des conditions allant de normales à très, très et extrêmement humides. Même un œil non averti peut facilement faire le lien entre le changement spectaculaire du rouge généralisé en septembre 2020, et la prédominance du vert en octobre, et l’arrivée des pluies saisonnières. Entre les mains de météorologues, de planificateurs agricoles et de statisticiens qualifiés, capables de détecter les tendances dans les données sous-jacentes, les cartes ont le potentiel de protéger de nombreux Marocains des effets de périodes de sécheresse prolongées.

    La décision du Maroc de publier les cartes satellite a également des implications pour la gestion de la sécheresse dans l’ensemble de la région MENA. Si le Maroc parvient à utiliser les cartes pour orienter les actions visant à atténuer les effets de la sécheresse, d’autres pays pourraient être tentés de faire de même. Mais ils doivent d’abord avoir la certitude que les cartes satellites peuvent générer des données fiables. À long terme, l’espoir est que la technologie soit couramment utilisée dans toute la région MENA pour la gestion de la sécheresse, contribuant ainsi à renforcer la résilience au changement climatique, à promouvoir la responsabilité et la transparence, et à informer la gestion de la rareté dans les bassins versants arides. Cela contribuera à soutenir les agriculteurs et les éleveurs, et à faire en sorte que chacun ait suffisamment de nourriture à manger.

     International Water Management Institute, 19 mars 2021

    Tags : Maroc, eau, sécheresse,

  • L’eau dans le secteur agricole en Algérie, au Maroc et en Tunisie

    Situation des ressources en eau et de l’utilisation de l’eau et possibilités pour le secteur agricole

    Acacia Water et The Salt Doctors ont réalisé, pour le compte des conseils agricoles des ambassades de Rabat et d’Alger, une étude sur la situation des ressources en eau et l’utilisation de l’eau dans le secteur agricole au Maroc, en Algérie et en Tunisie, ainsi que sur les possibilités offertes aux entreprises néerlandaises dans ces pays.

    Pénurie d’eau

    Le Maroc, l’Algérie et la Tunisie font partie des pays qui connaissent la plus grande pénurie d’eau et, dans le même temps, l’agriculture joue un rôle économique de plus en plus important. La superficie utilisée pour l’agriculture est en augmentation. La production à grande échelle dans les secteurs de l’horticulture, des produits laitiers, de la volaille et de la pomme de terre est encouragée pour des raisons de sécurité alimentaire, mais aussi pour l’exportation.

    Les effets du changement climatique renforcent le problème de la pénurie d’eau : les précipitations sont irrégulières et depuis plusieurs années, il y a de longues périodes de sécheresse. Dans les zones arides du sud, les populations sont totalement dépendantes des réserves d’eau fossiles souterraines, qui ne sont pas très renouvelables. La production à grande échelle de légumes, de dattes et de pommes de terre a lieu ici. Il existe également des effets tels que la salinisation du sol et de l’eau et la dégradation des sols. Les gouvernements sont conscients de l’importance de l’utilisation durable de l’eau. Par exemple, dans les trois pays, il existe des subventions pour l’utilisation de l’irrigation au goutte-à-goutte. La connaissance et l’utilisation de la technologie moderne visant à l’efficacité de l’eau et à une meilleure productivité de l’eau sont encore limitées.

    Rapport

    Le rapport examine la situation actuelle et les évolutions attendues : dépendance à l’égard des ressources en eau fossiles souterraines et surexploitation de celles-ci, augmentation de la demande en eau en raison de la croissance démographique et de l’utilisation de l’eau à des fins agricoles pour le marché local et pour l’exportation, mauvaise utilisation de l’eau et des engrais, et effets supplémentaires tels que la salinisation des sols et de l’eau. Le rôle de la politique gouvernementale est également discuté.

    Le rapport fait ensuite le lien avec la technologie et les connaissances néerlandaises et les possibilités de coopération qu’elles offrent au Maghreb : pour chaque pays, le rapport présente un certain nombre de cas d’affaires sur lesquels les entreprises et institutions intéressées peuvent travailler. Elles vont de l’agriculture saline à la récolte de l’eau et à l’hydroponie.

    Vous pouvez télécharger le rapport ici

    Pour plus d’informations, veuillez contacter notre collègue Victor Langenberg.

    Acacia Water, 16 mars 2021

    Tags : Algérie, Maroc, Tunisie, eau, agriculture, sécheresse,