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  • Belgo-marroquíes bajo presión de la DGED

    Etiquettes : Belgique, Maroc, communauté marocaine, services secrets, DGED, lobbying,

    3 mujeres belgo-marroquíes alertan a las autoridades belgas: « Agentes marroquíes activos en Bélgica nos presionan ».
    Mujeres belga-marroquíes intentan alertar a los servicios belgas.

    Gilbert Dupont

    Son belgas de origen marroquí. Las conocimos en Bruselas. Una de ellas hace carrera en la función pública. Todas desean permanecer en el anonimato. Han creado asociaciones que dirigen en sus barrios. De este modo, representan a la comunidad belgo-marroquí, dentro de la cual tienen peso.

    Evidentemente, esto es lo que atrae la atención de ciertos servicios -no especifican cuáles- que pretenden, según ellos, monopolizarlos, vigilarlos y controlarlos.

    La palabra « espías » aparece en las conversaciones. Están preocupadas, y ése es el motivo de la reunión: aclarar y alertar. Estas presidentas de asociaciones no reniegan de sus raíces y declaran que quieren seguir siendo fieles a Marruecos, pero se niegan a que ciertas personas intenten monopolizarlas y desviar las organizaciones sin ánimo de lucro que dirigen hacia otros objetivos e intereses. « Tenemos orígenes marroquíes, pero no estamos al servicio de Marruecos. En Bélgica, estamos al servicio de la comunidad belgo-marroquí. Estamos alertados por el hecho de que individuos y agentes persiguen objetivos que representan una amenaza para la seguridad y la estabilidad (de la comunidad belgo-marroquí). « 

    Este es su mensaje: « Cuando eres alguien que cuenta en la comunidad, te conviertes en un objetivo. Los « agentes » quieren obligarte a estar de acuerdo con ellos y con su ideología y a conseguir sus objetivos. Tienes que trabajar para ellos: o colaboras, o te destrozan. Nos presionan ».

    Representan a asociaciones de solidaridad multicultural activas en diversos ámbitos de la vida social, educativa y religiosa. « Nos enfrentamos a presiones, intimidaciones, chantajes e incluso amenazas.

    « Malos marroquíes

    Identificaron a tres mujeres. Una de ellas trabajaba hasta hace poco en el Consulado General de Marruecos en Bruselas, del que fue despedida, según supieron, tras sospechas de « malas prácticas ».

    « Una de las prácticas consiste en amenazar: ‘O colaboras como queremos, o te destrozamos difamando tu imagen en la comunidad, en los barrios, en las redes sociales y en las asociaciones’.

    La difamación es una técnica: desacreditar difundiendo el rumor de que son malos marroquíes y desleales a Marruecos por apoyar posturas sobre un tema determinado contrarias a los intereses marroquíes. « Somos independientes. Desde hace algún tiempo, no es fácil resistirles. Nos presionan y amenazan con obligarnos a caminar recto. Si retrocedemos, buscan desacreditarnos y aislarnos en nuestra comunidad. Hoy en día, haber nacido en Bélgica o en Marruecos es irrelevante. No renegamos de nuestros padres, de nuestros orígenes o de Marruecos, pero nuestra vida está en Bélgica y, a través de las asociaciones que representamos, trabajamos para la comunidad belgo-marroquí. No estamos al servicio de Marruecos, eso es muy diferente ».

    Llamamiento

    Insisten una y otra vez en permanecer en el anonimato. « Es una cuestión de seguridad », dicen. « Hay gente peligrosa que puede llegar muy lejos. Nos vigilan y, a través de nosotros, es a la comunidad a la que quieren poner bajo control y dependencia. Pedimos a los servicios belgas que estén vigilantes, que hagan lo necesario para acabar con esto ».

    Fuente : La DH, 17/10/2023

    #Bélgica #Marruecos #Servicios_secretos #DGED #Comunidad_marroquí

  • Maroc : Mandat d’arrêt contre Yassine Mansouri

    Tags : Maroc, France, Parlement européen, corruption, DGED, services secrets,

      Des responsables des services secrets marocains sont demandé par la justice belge.

      Les juges de Bruxelles ont émis des mandats d’arrêt contre des responsables marocains et principalement contre le directeur des renseignements, Mohamed Yassin al-Mansouri.

      Ces mandats font suite aux enquêtes des services de sécurité belges qui sont arrivés à prouver l’implication des poursuivis dans l’affaire de corruption de l’Union européenne, connue sous le nom de « Maroc Gate ».

       Ces mandats ont été délivrés à la justice française, afin d’arrêter les responsables marocains, en vertu de leur résidence sur le sol français, selon ce qu’a rapporté lundi le journal « Le Figaro ».

      Selon le journal français, qui a publié une photo du directeur du renseignement marocain en tête de la liste des personnes recherchées, la justice belge a remis à son homologue français la liste des Marocains recherchés afin de les arrêter, notant qu’un diplomate français a commenté le cas que ces responsables marocains avaient des enfants vivant en France, et cette dernière s’est retrouvée dans l’embarras, car « l’affaire va aggraver sa relation avec le Maroc, donc elle ne veut pas les arrêter à la descente de l’avion alors qu’ils viennent voir leurs enfants en France », a-t-il déclaré.

      Les mesures prises par la justice belge interviennent quelques jours après que la police belge a arrêté vendredi dernier le député belge Mark Tarabella, impliqué dans la même affaire après que le Parlement européen a levé son immunité parlementaire.

      #Maroc #France #Qatargate #Parlement_européen #Corruption

    • La décennie européenne de l’espionnage

      Tags : Europe, Etats-Unis, Russie, UE, espionnage, services secrets,

      Les taupes américaines des années 1980 sont bien connues des spécialistes du renseignement – ​​et elles pourraient bientôt être rejointes par des traîtres européens tout aussi infâmes.

      Michael Jonsson*

      Le mois dernier, deux frères suédois ont été reconnus coupables d’espionnage pour le service de renseignement militaire russe, la direction principale de l’état-major général des forces armées de la Fédération de Russie (GRU). Mais leur condamnation n’est que la dernière d’une liste croissante d’affaires d’espionnage à travers l’Europe – et bien que la Russie soit à l’origine de la plupart des espions, l’espionnage chinois est également en augmentation.

      De plus en plus, il semble que les années 2020 pourraient bien devenir la «décennie de l’espionnage» de l’Europe – un peu comme les années 1980 étaient celles de l’Amérique .

      Dans les années 1980, il y avait en moyenne sept à huit condamnations pour espionnage chaque année aux États-Unis, y compris des espions à fort impact comme Jonathan Pollard qui espionnait pour Israël, Anna Montes pour Cuba et John Walker pour l’Union soviétique. Et bien que les taupes américaines les plus infâmes, Aldrich Ames à la CIA et Robert Hanssen au FBI, aient tous deux commencé leurs trahisons au cours de la même décennie, elles ont finalement été démasquées plusieurs années plus tard.

      De même, lors d’un examen préliminaire des affaires judiciaires en Europe qu’un collègue et moi avons entrepris pour l’Agence suédoise de recherche sur la défense (Sw. FOI), nous avons identifié 42 personnes différentes condamnées pour espionnage en Europe entre 2010 et 2021, et 13 autres attendent toujours leur procès. — 37 des condamnés espionnaient pour le compte de la Russie.

      Et le nombre a considérablement augmenté.

      Entre 2014 et 2018, les condamnations pour espionnage ont plus que triplé par rapport à celles entre 2010 et 2013, atteignant près de six par an. Et depuis le début de la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine, ces chiffres ont augmenté : rien qu’en 2022, au moins sept personnes ont été reconnues coupables d’espionnage pour la Russie et trois pour la Chine.

      Étant donné qu’il y a dix ans, il n’y avait qu’une à deux condamnations par an en Europe, cela représente un changement radical.

      Fait intéressant, ces condamnations ont principalement eu lieu en Europe du Nord, en particulier dans les États baltes, qui représentent plus de 70 % des condamnations alors qu’ils comptent moins de 2 % de la population européenne. L’ Estonie en particulier a conclu que la meilleure façon de lutter contre l’espionnage est de poursuivre, en appelant l’instigateur dans le but de dissuader les espions potentiels. Et bien que de telles condamnations ne représentent que la pointe de l’iceberg, car de nombreux pays préfèrent des résultats de contre-espionnage plus discrets que des accusations portées, plusieurs alliés européens adoptent désormais également cette approche, ce qui peut expliquer en partie la forte augmentation des chiffres.

      À certains égards, cependant, le nombre de cas importe moins que qui effectue réellement l’espionnage et quelles informations ils divulguent.

      Fait troublant, environ un quart des espions européens condamnés travaillaient pour les agences de défense ou de renseignement de leur propre pays. Ces taupes avaient plus accès à des informations importantes et de haute qualité ; ils étaient mieux payés et actifs plus longtemps que les autres ; leurs recruteurs ont utilisé des techniques commerciales plus élaborées pour les protéger , y compris des courriers, des réunions dans des pays tiers, des largages et une technologie de pointe ; et ils étaient clairement les sources les plus appréciées – parce qu’elles étaient les plus dommageables pour l’Europe.

      Le cas suédois du mois dernier correspond bien à ce modèle.

      Selon la condamnation du tribunal, le frère aîné, Peyman Kia, a travaillé à la fois pour le service de sécurité suédois (Sw. SÄPO) et plus tard pour le service de renseignement et de sécurité militaire (Sw. MUST), où il a volé des informations classifiées en photographiant son écran d’ordinateur. Alerté qu’il y avait une taupe livrant des secrets à la Russie, SÄPO s’est concentré sur le frère aîné – son frère cadet, Payam, a agi principalement comme son coursier. Ils ont été condamnés respectivement à la réclusion à perpétuité et à près de 10 ans de prison.

      Bien que les procureurs n’aient pas divulgué de détails sur les informations divulguées, la condamnation suggère que ce qui a été remis au GRU était très sensible. Et devant le tribunal, SÄPO a établi un parallèle avec le transfuge du FBI, Robert Hanssen, dont l’espionnage a été décrit dans un rapport du ministère américain de la Justice comme « probablement le pire désastre du renseignement de l’histoire des États-Unis ».

      D’autres cas très médiatisés en Europe avant 2021 incluent désormais un officier de l’armée estonienne , un officier de l’armée autrichienne , un officier de contre-espionnage portugais et un responsable du renseignement estonien . Et pour l’avenir, il y aurait déjà – deux ans seulement après le début de cette décennie – des enquêtes sur un officier de marine italien , un officier de l’armée française , un soldat allemand et un officier de renseignement allemand , ainsi que sur sept Bulgares ayant des liens avec leurs services de sécurité nationale et militaire.

      L’année dernière, les rapports sur de nouvelles enquêtes et affaires d’espionnage en Europe arrivaient si rapidement et furieusement qu’il était difficile de garder une trace. Bien sûr, ce rythme peut être en partie le résultat de la guerre de la Russie contre l’Ukraine, les services de sécurité de Moscou travaillant à plein régime et leurs homologues occidentaux répondant de la même manière.

      Cependant, comme la plupart de ces affaires et enquêtes en cours semblent impliquer de l’espionnage pour le compte du GRU, cela soulève également la question de savoir si le service de renseignement militaire russe a pu être compromis ou s’il est simplement négligent.

      De plus, alors que les responsables de la sécurité occidentaux déplacent maintenant leur attention du contre-terrorisme vers le contre-espionnage aussi rapidement qu’ils le peuvent, ce n’est pas seulement la Russie qui est dans leur esprit non plus. Le MI5 britannique et la CIA américaine ont émis des avertissements selon lesquels, en fait, ce n’est pas la Russie mais la Chine qui représente la plus grande menace à long terme pour la sécurité de l’Europe.

      Les taupes américaines des années 1980 sont bien connues des spécialistes du renseignement – ​​certaines sont même devenues des noms familiers. Et alors que l’Europe entre dans ce qui pourrait s’avérer être sa « décennie de l’espionnage », ces noms pourraient bientôt être rejoints par des traîtres européens tout aussi infâmes.

      * Les opinions exprimées sont celles de l’auteur seul et ne représentent pas celles de la FOI ou du gouvernement suédois.

      *Michael Jonsson est directeur de recherche adjoint à l’Agence suédoise de recherche pour la défense .

      Politico, 05/02/2023

      #Espionnage #Pegasus #Maroc #Parlement_européen #Corruption #Union_Européenne #UE #Services_secrets

    • Les « femmes de couverture » des espions marocains en Espagne

      Les « femmes de couverture » des espions marocains en Espagne

      Tags : Maroc, services secrets, DGED, Mohamed Bellahrach, Noureddine Ziani, Mustapha El Mouahidi, Aya Travel Tours, CCME, Atiqa Bouhouria, Naima Lamalmi, Naziha El Montaser

      Une enquête judiciaire met un visage sur les millions de subventions que le Maroc envoie à ses communautés en Espagne mais qui finissent blanchies dans les poches de ses espions.

      Il était une fois un royaume appelé Maroc qui était très préoccupé par ce que ses enfants faisaient en dehors de ses frontières. A tel point qu’un jour, elle a décidé de récompenser sa progéniture soumise et de garder un œil sur les traîtres et ceux dont les idéaux religieux étaient trop extrêmes. Il y a vingt ans, le royaume a commencé à envoyer ses meilleurs observateurs (espions) chez son voisin du dessus, l’Espagne, qui compte, dans son coin droit, une mansarde quelque peu rebelle appelée Catalogne, où vivent 218 985 Marocains. Le but de ces justiciers était de mettre en place un réseau d’informateurs pour savoir ce qui se passait dans leur communauté. Ils avaient des confidents dans la rue (et à la mosquée) et d’autres proches de personnes ayant une idéologie très forte (les indépendantistes).

      Ils ont commencé à créer des associations et des centres islamiques qui ont reçu des millions d’euros de subventions de Papa Maroc pour, en théorie, former leurs prédicateurs (imams), construire des mosquées et contrôler ceux qui font une mauvaise interprétation (djihadisme) d’une religion que la grande majorité de ses adeptes considèrent comme une religion de paix. Cependant, une grande partie de l’argent envoyé aux associations musulmanes est siphonnée dans les poches de justiciers de plus en plus riches, qui utilisent leurs épouses pour faire circuler l’argent par le biais de sociétés écrans (façades de blanchiment). Une partie du butin se trouve sur des comptes bancaires espagnols et marocains aux noms des justiciers et de leurs épouses. Le reste – l’argent liquide – finit en petites quantités chez les informateurs (le chauffeur de taxi, le serveur, le politicien, le banquier…) répartis en Catalogne et dans le reste de l’Espagne. L’épicentre de tout cela est une agence de voyage située dans la rue Victòria à Mataró.

      Il s’agit d’une histoire d’espionnage qui aurait très bien pu sortir de la tête du romancier John le Carré, mais qui est en fait sortie d’un bureau à Rabat il y a de nombreuses années. Une histoire de secrets et de corruption qui a été apportée en Catalogne par un colonel nommé Mustapha El Mouahidi, un homme fort de la Direction générale des études et de la documentation (DGED), le service de renseignement extérieur du Maroc. El Mouahidi est resté au consulat du Maroc à Barcelone jusqu’en 2009, date à laquelle il est rentré dans son pays, sa mission accomplie. Il avait mis en place un réseau d’espions et d’informateurs en Catalogne qui s’étendrait ensuite au reste de l’Espagne.

      L’une des pièces fondamentales de ce réseau était un homme qui était responsable d’une association à Vilanova del Camí (Barcelone) depuis 1999. Son nom, Nourredine Ziani, apparaît dans les fichiers du CNI comme « un danger pour la sécurité nationale ». Pour cette raison, en 2013, il a été expulsé d’Espagne par le ministère de l’Intérieur, qui l’a accusé d’être un agent de la DGED et a accusé le ministre de l’époque, Jorge Fernández Díaz, de « promouvoir le radicalisme et d’avoir des idées salafistes ».

      Trois ans avant son expulsion, en février 2010, Ziani a créé l’Union des centres culturels islamiques de Catalogne (Uccic). Par le biais de cette association, il coordonne officiellement 70 mosquées en Catalogne, forme des imams, organise des activités et contribue à l’intégration de la communauté musulmane. Elle reçoit des subventions de plus de deux millions d’euros par an du ministère marocain des Affaires religieuses. Bien que cet argent ait en fait atterri sur plusieurs comptes bancaires de Ziani et de son épouse, Atiqa Bouhouria Meliani, acteur clé d’un complot aux tentacules trop nombreux.

      Commençons en 2013, lorsqu’une agence de voyage appelée Aya Travel Tours a été ouverte dans la rue Vitòria à Mataró. Il a été enregistré par trois femmes : Atiqa Bouhouria, Naima Lamalmi et Naziha El Montaser. Ils étaient tous enregistrés à l’adresse d’Atiqa, dans la rue Generalitat de Catalunya à Barcelone. Naima, qui possède une clinique dentaire à Rabat, est mariée à Mohamed Belahrech, chef de la DGED à Rabat. Il est chargé de contrôler les mosquées et les imams dans des pays comme l’Espagne et d’envoyer des agents en mission à l’étranger. Naziha vit également à Rabat, est enseignante et épouse d’Abdellah Boussouf, secrétaire général du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME), un poste nommé directement par Mohammed VI. L’une de ses fonctions consiste à superviser l’argent envoyé du Maroc à ses communautés dans les pays européens. Curieusement, Boussouf, Belahrech et Ziani (le mari espion d’Atiqa) ont une autre agence de voyage, Elysee Travels, basée à Rabat, enregistrée à leur nom.

      SOCIÉTÉS ÉCRANS

      « Ce sont toutes des sociétés écrans destinées à détourner et à blanchir l’argent qui est venu à Uccic du ministère marocain des Affaires religieuses (où Ziani travaille actuellement). Depuis l’association, des transferts ont été effectués vers les comptes bancaires de Ziani, de sa femme Atiqa et également vers l’agence Aya Travel. Et puis, une partie de cet argent a fini dans une autre agence fantôme à Rabat, gérée par trois hommes forts de l’État marocain », explique la source juridique qui s’occupe de l’affaire et qui demande à ne pas révéler son nom. « C’est comme si, en Espagne, le secrétaire d’État à l’agriculture envoyait de l’argent des caisses publiques à des projets en Amérique du Sud, supervisés par le directeur général de l’industrie alimentaire, et que ses épouses le retiraient au Pérou pour l’envoyer sur les comptes de leurs maris ».

      Ziani a mis en place l’infrastructure en Catalogne. Boussouf et Belahrech envoyaient des fonds publics pour des subventions et leurs épouses les blanchissaient pour que l’argent retourne dans les poches de leurs maris. C’est la chaîne qui apparaît dans les documents (comptes d’Uccic, virements bancaires, retraits d’argent et procédures d’un tribunal de Barcelone) auxquels Crónica a eu un accès exclusif.

      Tout a commencé à être découvert en interne en 2015, lorsque les personnes qui ont pris en charge l’Uccic après l’expulsion de l’espion Ziani, dirigées par Mimon Jalich, ont effectué un audit de ses comptes (de 2012 à 2015) lorsqu’elles se sont rendu compte que la quasi-totalité de l’argent qu’elles avaient reçu du Maroc n’avait pas été utilisée aux fins prévues par ses statuts. Mimon a convoqué une assemblée extraordinaire, a renouvelé le conseil et a constaté que les chiffres ne correspondaient pas. Un an plus tard, toutes ces informations ont abouti au Juzgado de Instrucción 5 d’Igualada, qui a ouvert une procédure et dont le ministère public instruit l’affaire comme un délit de fraude aux subventions.

      Il y a beaucoup plus. « Ils ont créé l’association pour mettre en place des activités, bien qu’en vérité l’argent qu’ils ont reçu était destiné aux fins personnelles de Ziani et de ses patrons dans les renseignements marocains », explique l’un des employés de l’Uccic. « Ils ont utilisé l’association comme une carcasse. Ils vivent comme des rois avec l’argent que le Maroc envoie en Espagne pour prévenir le jihadisme. Et puis ils l’ont aussi dépensé pour payer des informateurs. Nous avons la preuve que l’un a reçu 300 euros pour des informations, un autre 500… ». Dans les comptes de l’association, on peut voir des transferts presque quotidiens vers les comptes personnels de Ziani et d’Atiqa, des revenus totalisant plus de 240 000 toutes les deux semaines en 2011-2013.

      « Et ils ont été capables de ne pratiquement rien justifier. Atiqa a témoigné devant les tribunaux (la dernière fois il y a six mois) et a présenté des centaines de fausses factures, par exemple pour des cours d’arabe émis le 31 février, un jour qui n’existe pas », ajoute-t-il. Marta Segura, l’avocate d’Atiqa, ne veut répondre à aucune de ces questions car « l’affaire est en cours de traitement judiciaire ».

      « Nous avons engagé un test d’expert pour voir combien d’argent a pu être détourné et il est impossible de connaître le montant total car ils avaient des comptes dans de nombreuses banques. Nous avons obtenu, par décision de justice, les mouvements bancaires effectués à Banco Popular – où il y avait un compte avec 1,3 million – et à La Caixa. Mais Ziani et sa femme avaient également des comptes chez ING et Deutsche Bank », explique la source juridique. « Ce sont des fraudeurs qui pensaient s’en tirer à bon compte. Et si vous commencez à creuser plus profondément, vous ne pouvez pas imaginer ce que vous allez trouver », déclare Mimon Jalich, l’actuel président de l’Uccic, dont la signature apparaît falsifiée sur un chèque de 49 000 euros destiné à la mosquée de Sabadell qui n’est jamais arrivé. « Atiqa a essayé de justifier les dépenses par un congrès d’oulémas (savants islamiques, pour lequel ils ont reçu un transfert de 390 410 euros du Maroc) avec plusieurs factures de plus de 50 000 euros d’Aya Travel qui ont toutes été faites le même jour, en plus c’était un dimanche. Et le juge chargé de l’affaire a dressé un procès-verbal pour faux documents. Nous avons également découvert qu’Atiqa s’est rendue à tous les distributeurs automatiques de billets de Barcelone pour retirer cet argent pour des montants ne dépassant pas 2 000 euros. Ils ont tout fait de manière très maladroite ; ils pensaient s’en tirer à bon compte ».

      L’Uccic affirme que Ziani et Atiqa ont créé d’autres structures pour blanchir l’argent. Comme la Fédération des entités des centres culturels islamiques de Catalogne (« l’argent qui avait été approuvé pour l’association a été détourné vers le compte de cette organisation »), le Haut Commissariat à la culture islamique, l’Association Union des centres culturels de Catalogne ou la Fondation Grande Mosquée. « Et puis il y a les paiements qu’ils ont fait à leurs collaborateurs en liquide avec l’argent qu’ils ont pris à toutes ces associations », ajoute-t-on du côté de l’Uccic. Ils font référence aux informateurs et agents de la DGED vivant en Catalogne.

      AGENTS INFILTRÉS

      « La plupart d’entre eux sont discrets, des gens qui passent toute la journée dans les mosquées et dans les quartiers où il y a plus de musulmans. Ils observent, écoutent et chantent ensuite à leurs supérieurs. Mais il y a aussi des gens liés à tous les partis, parce que le Maroc est maintenant intéressé à avoir ses gens dans tous les mouvements pour promouvoir le discours marocain de paix et de tolérance », dit un ancien diplomate marocain basé en Espagne. Des noms comme celui du député socialiste Mohamed Chaib, qui siégeait au Parlement de Catalogne alors qu’il appartenait au Conseil de la communauté marocaine à l’étranger, l’organe dirigé par Abdellah Boussouf, apparaissent ici. Il était également étroitement lié à l’espion Ziani. « Ils avaient un projet pour partager l’influence du Maroc en Catalogne. Chaib allait contrôler la sphère culturelle et Ziani la sphère religieuse », révèle l’ancien diplomate marocain.

      Un politicien moins médiatisé que Chaib est Fouad El Jebli, un candidat du PDeCAT dans Canovellas qui a rencontré Carles Puigdemont en Belgique en avril. Un ancien agent marocain le définit comme « un espion inactif mais infiltré », qui a pour interlocuteur un agent de la DGED travaillant au consulat du Maroc à Barcelone.

      Une autre personne liée aux mouvements pro-indépendance est Younes El Harrak. Il est répertorié comme l’unique administrateur de l’agence Aya Travels (« Les femmes l’ont placé là en échange d’argent, mais il n’a aucun pouvoir de décision. Il a témoigné devant le tribunal et a dit qu’il ne savait rien, qu’il ne connaissait qu’Atiqa »). El Harrak a été imam à la mosquée Annour de Mataró et est maintenant membre de Nous Catalans. « Une organisation – dont l’espion Ziani était également membre – liée aux partis indépendantistes qui a passé ces dernières années à recruter des Marocains pour la cause », affirme l’ancien diplomate. « Ceux qui sont au pouvoir à Rabat ne sont pas intéressés par l’indépendance de la Catalogne. Ils ne le veulent pas et ne l’acceptent pas, car c’est un discours qui pourrait déborder sur la question du Sahara. En outre, l’indépendance catalane a tenté de s’associer à l’activisme du mouvement rifain. Une autre chose est qu’un courant islamique dans les services secrets et au sein du gouvernement marocain est très intéressé par la déstabilisation de l’Espagne », a ajouté J., agent du CNI et expert en terrorisme, à Crónica il y a quelques semaines.

      PRESSION DE RABAT

      Après qu’Atiqa ait comparu pour la première fois devant le tribunal d’Igualada (janvier 2017), Mimon Jalich, l’actuel président de l’Uccic, a reçu un appel d’un type de Melilla appelé Muhammad Khalifa : « Ceux d’en bas (Rabat) sont très inquiets et veulent te parler ». Mimon, accompagné d’un autre employé de l’association, s’est rendu dans la capitale pour rencontrer Mohamed Belahrech, chef de la DGEG à Rabat et propriétaire de l’autre agence de façade, Elysee Travels : « Je veux que tout cela s’arrête, je n’ai pas le temps pour ces bêtises », leur a dit Belahrech. » C’est une honte que vous emmeniez une femme au tribunal (Atiqa). Vous travaillez pour le CNI. Sa stratégie consistait à les faire passer pour des traîtres afin qu’ils ne continuent pas à enquêter. « Ce que je veux, c’est que l’on résolve ce problème. Combien cela me coûterait-il ? », a déclaré Belahrech.

      Quelques semaines après cette réunion, Mimon Jaich a présenté une lettre de démission au tribunal d’Igualada, mais il était trop tard car le ministère public et le juge avaient déjà pris l’affaire en main. « Personne n’a fait pression sur moi ou ne m’a acheté. Je voulais démissionner parce que ces procédures sont très longues et coûteuses », se défend Mimon.

      Ce qu’il ne sait pas – ou ne veut pas savoir – c’est que tout ce complot est un réseau mondial qui n’est pas seulement concentré en Catalogne. « Dans d’autres pays comme la France et la Belgique, ils ont créé leurs propres agences d’espionnage financées par ces subventions publiques. Et il en va de même dans les associations de Madrid ou d’Andalousie. De nombreux millions sont détournés dans les poches de quelques-uns et pour payer des espions et des informateurs », explique la source juridique chargée de l’affaire.

      Nous avons contacté plusieurs personnes impliquées dans ce reportage (Ziani, Atiqa et El Harrak) mais elles refusent toutes de faire une déclaration.

      « Les responsables au Maroc sont conscients de ce que ces personnes ont fait. Quand cela se saura, ils pointeront du doigt ceux qui ont fait toutes les opérations (Atiqa, Naima, Nazhia et leurs maris) et diront qu’ils ont détourné l’argent pour leur usage personnel et que la DGED n’a rien à voir avec cela ». Un jeu d’espionnage, celui du Maroc, dont il y a encore beaucoup à découvrir.

      El Mundo, 11/06/2019 via Marocleaks

      #Espagne #Maroc #DGED #CCME #Espionnage #Mohamed_Bellahrach #Aya_travel_tours #Services_secrets

    • Allemagne : Arrestation d’un espion marocain

      Allemagne : Arrestation d’un espion marocain

      Tags : Maroc, Allemagne, espionnage, services secrets,

      Selon le quotidien Suddeustche Zeitung, qui cite le parquet fédéral, les autorités allemandes ont arrêté « un espion présumé des services de renseignement marocains dans la région de Cologne ».

      « L’homme avait déjà été déféré devant un juge d’instruction et était en garde à vue, ont annoncé dans la soirée les autorités de Karlsruhe. Il est accusé d’avoir promis aux services secrets « à un moment indéterminé entre avril 2021 et mars 2022 » d’espionner les partisans d’un grand mouvement de contestation marocain vivant en Allemagne pour de l’argent. Il a en fait transmis des informations sur au moins une personne, précise la même source.

      « L’âge de l’homme, qui est également marocain, n’a pas été révélé. Ses locaux ont également été perquisitionnés », conclue-t-il.

      Le groupe ciblé par cette opération d’espionnage pourrait être le mouvement rifain dont les membres résident en Allemagne sont très actifs.

      En 2012, l’Allemagne a arrêté un autre marocain accusé d’avoir surveillé les activités du représentant sahraoui en Allemagne et des membres de la communauté sahraouie.

      #Maroc #Rif #Hirak #Espionnage

    • Maroc : Mohamed Yassine Mansouri, le nouvel homme fort

      Maroc : Mohamed Yassine Mansouri, le nouvel homme fort

      Topics : Maroc, Yassine Mansouri, DGED, Mohammed VI, services secrets, renseignement,

      Sa discrétion n’a d’égale que sa puissance. Renseignement intérieur, lutte anti-terroriste, affaires étrangères…
      L’ombre du patron de la DGED est partout.

      Voilà un personnage mystérieux. Depuis son passage au collège royal aux côtés du futur Mohammed VI, on sait que Mohamed Yassine Mansouri est extrêmement réservé, voire timide. Le genre à rougir légèrement les rares fois où il lui arrive de prendre la parole. Ses amis parlent d’un homme pieux (c’est un habitué de la Omra aux lieux saints de l’islam), attaché à ses origines. Lors de ses apparitions publiques, plutôt fréquentes pour un patron de services secrets, il étonne par sa simplicité et sa disponibilité. Ne l’a-t-on pas vu, par exemple, marcher lors de manifestations pro-palestiniennes, ou jouant des coudes lors de funérailles de grands hommes d’Etat ?

      Ceux qui l’ont pratiqué s’arrêtent sur son flegme et sa prudence, parfois exagérée. “Il lui arrive de ne pas trancher sur des questions cruciales tant qu’il n’a pas reçu un feu vert d’en haut lieu”, se rappelle l’un de ses anciens collaborateurs au ministère de l’Intérieur. A la DGED (Direction générale des études et de la documentation, renseignements extérieurs ou contre espionnage), Mansouri n’a pas changé. Travailleur infatigable, il reste malgré tout proche de sa famille et de ses amis. Vaguement, on sait qu’il a rajeuni les équipes de l’agence et élargi son champ d’action, aussi bien au Maroc qu’à l’international. On sait aussi qu’il a fini par imposer la DGED comme une super-agence, qui semble de plus en plus, et c’est une grande nouveauté, coordonner l’action de tous les autres services de renseignement. Vrai ou faux ? Difficile de trancher, ou de confirmer cela auprès du premier intéressé, totalement injoignable. Mais une chose reste sûre, toutes les grandes affaires du royaume, ou presque, portent aujourd’hui l’empreinte de l’agence dirigée par l’enfant prodige de Bejaâd, son fief natal.

      Il a surfé sur l’affaire Mustapha Salma

      Dernier cas en date, celui de Mustapha Salma Ould Sidi Mouloud. L’affaire de l’ex-policier indépendantiste n’a pas encore livré tous ses secrets. Il y a quelques semaines, le Front Polisario a certes annoncé sa libération. Mais Mustapha Salma demeure introuvable. Sa famille, aussi bien à Tindouf qu’au Maroc, n’a pas encore réussi à le localiser, encore moins à lui parler. Le Polisario aurait-il “bluffé” pour contenir la pression (grandissante) à l’international ? “Cela reste possible, analyse ce militant de gauche à Laâyoune. Mais alors, ils ont mal calculé leur coup parce que la mobilisation pour le cas Mustapha Salma a repris de plus belle. Parfois même avec plus d’intensité”. En fin de semaine dernière en effet, Human Rights Watch et Amnesty International ont fait part de leur “préoccupation” quant au cas du dissident sahraoui. “Le Polisario est dans une situation pour le moins inconfortable, poursuit notre militant. Le Front a d’abord abusivement arrêté un Sahraoui qui n’a fait qu’exprimer une opinion politique. Aujourd’hui, les responsables de l’organisation indépendantiste sont, de plus, soupçonnés d’avoir menti à la communauté internationale. De toute évidence, le Maroc marque des points dans la guerre médiatique et politique qui l’oppose au Polisario”. Derrière ce “coup”, se cache un homme : Yassine Mansouri, patron de la DGED.

      Selon plusieurs sources qui suivent de très près l’affaire du Sahara, il a pris le temps de “travailler son dossier”. Avant d’organiser sa conférence de presse à Smara et de proclamer ouvertement sa préférence pour le plan d’autonomie marocain, Mustapha Salma a en effet tranquillement traversé le Maroc, du nord au sud. L’ex-responsable sahraoui aurait-il réussi à déjouer “la vigilance” des autorités marocaines ? La question fait sourire ce journaliste sahraoui. “Il a évidemment été fiché dès son entrée au Maroc, peut-être même avant, mais on l’a laissé tranquille. C’est lors de son deuxième séjour au royaume (en août) que les services de sécurité sont entrés en contact avec lui. Ils sont tombés sur une perle rare. Un Sahraoui suffisamment souple pour accepter de dialoguer, mais assez têtu pour tenter le diable, et revenir à Tindouf”, conclut le journaliste.

      Dans cette affaire, comme dans plusieurs autres, difficile d’évaluer la part d’intervention de chaque service. Néanmoins, sur le terrain, le lobbying discret mais insistant et l’influence grandissante de la DGED ne font aucun doute. L’agence, théoriquement dédiée au renseignement à l’international, a peu à peu élargi son périmètre d’intervention à l’intérieur du territoire. “Il n’y a pas de mystère à cela, confie cet officier. Les thématiques sur lesquelles travaille la DGED, comme le Sahara, le terrorisme ou la lutte contre le trafic de drogue, ont des implications aussi bien au Maroc qu’à l’étranger”.

      Ce n’est pas tout. Depuis le départ de Fouad Ali El Himma, confie-t-on, Mohamed Yassine Mansouri est devenu le nouvel homme fort de l’ensemble de l’appareil sécuritaire marocain. Une sorte de coordinateur général des différents services même si, selon certains de ses proches, l’ancien camarade de classe de Mohammed VI n’aime pas ce genre de classification. “En fait, explique notre source, c’est un poste qui n’existe pas officiellement. Fouad Ali El Himma l’a incarné au lendemain des attentats du 16 mai, le général Laânigri l’a certainement convoité en secret. Aujourd’hui, c’est au tour de Mansouri d’en hériter. Et force est de reconnaître qu’il a la tête de l’emploi”.

      Il a un accès direct au roi

      Réservé et discret, Mohamed Yassine Mansouri a d’abord toujours su se préserver des guerres secrètes, et souvent violentes, qui secouent le premier cercle royal. Il continue donc d’avoir un accès direct au monarque, ce qui lui confère une crédibilité certaine auprès de ses différents interlocuteurs. “Qu’ils soient acteurs politiques, dissidents sahraouis ou partenaires sécuritaires internationaux, tous savent qu’ils ont en face d’eux un émissaire privilégié et personnel du roi. Cela fait souvent la différence”, affirme un proche du patron de la DGED.

      C’est ensuite un travailleur qui a patiemment fait son apprentissage du “métier”. D’abord aux côtés de Driss Basri puis sous Mohammed VI. Il a successivement été patron de la Direction des affaires générales (DAG) au ministère de l’Intérieur, puis directeur général de l’agence MAP avant d’atterrir dans la forteresse de la route de Rommani (siège de la DGED à Rabat). “Il a même effectué un stage au FBI sur recommandation personnelle de Hassan II”, confie un vieil ami de Mohamed Yassine Mansouri.
      La carrière makhzénienne n’a pas empêché le fils de Bejaâd d’entretenir un vaste réseau politique. On le dit ainsi proche de plusieurs figures de la gauche marocaine comme Bensaid Aït Idder, dirigeant de l’OADP puis du PSU. L’homme dispose également de relais solides dans sa région natale, ainsi qu’au Sahara, voire même à Tindouf. Pour entretenir ce réseau, Mansouri n’hésite pas à s’offrir quelques “bains de foule politiques” à l’occasion d’évènements spéciaux, comme ce fut le cas lors des funérailles de Abdallah Ibrahim ou de Abdelaziz Meziane Belfqih.

      Car contrairement à ce qu’on pourrait penser, sa nomination à la tête du contre-espionnage marocain ne l’a pas rendu invisible. Bien au contraire. Il est ainsi l’un des principaux négociateurs marocains dans l’affaire du Sahara. Il pose, sans complexes, aux côtés du secrétaire général de l’ONU et s’affiche publiquement lors des points de presse et des séances de briefing qui suivent les rounds de négociations entre le Maroc et le Polisario. “Mais alors, raconte un journaliste qui s’est déjà retrouvé à sa table, impossible de lui extirper la moindre information ou le moindre commentaire. Il arrive toujours à changer de sujet ou à vous retourner votre question, tout en restant poli et cordial”.

      Au lendemain du putsch qui a renversé le président mauritanien Ould Cheikh Abdellahi en 2008, c’est encore lui que Mohammed VI dépêche officiellement à Nouakchott afin de sonder les intentions du nouveau chef de l’Etat. La capitale mauritanienne est d’ailleurs une véritable plaque tournante pour le renseignement marocain à l’étranger. Une sorte de hub africain de première importance. “Les agents de la DGED y ont d’ailleurs leurs habitudes depuis plusieurs années, confie cet entrepreneur mauritanien. Ils résident toujours dans le même hôtel, vont au même restaurant et gardent un œil sur tout ce qui se passe dans le pays. Mansouri se rend souvent sur place également”. Depuis 2005, le pays de Mohamed Ould Abdelaziz est, de plus, devenu une véritable tour de contrôle pour les équipes de la DGED, sérieusement préoccupées par les activités d’Al Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) dans la région du Sahel.

      Il dialogue avec les Européens et les Américains

      Si l’Algérie a fait le choix des armes pour lutter contre le réseau terroriste, le Maroc a privilégié, quant à lui, le renseignement. Une mission qui échoit naturellement à la DGED, dont les agents sont devenus habitués aux réunions sécuritaires mondiales au Mali ou au Niger. “Mansouri est fier que la DGED ait exprimé, la première, son inquiétude face aux risques terroristes dans cette région du monde, explique ce cadre au ministère de l’Intérieur. A l’époque, le Maroc a discrètement partagé les informations en sa possession avec les grandes puissances mondiales. Mansouri ne voulait pas trop en faire pour ne pas être taxé de chercher simplement à déstabiliser le Polisario et légitimer, d’une nouvelle manière, la souveraineté marocaine sur le Sahara”.

      Aujourd’hui encore, l’intervention de la DGED dans ce dossier relève du secret-défense. En août 2010 par exemple, le ministre espagnol de l’Intérieur nous apprenait, presque par hasard, que le Maroc a fourni “une précieuse assistance” au royaume ibérique afin de libérer deux otages détenus par AQMI. “L’enjeu est important pour le royaume, analyse cet observateur sahraoui. D’un côté, ses services secrets donnent la preuve de leur efficacité. Les fichiers de combattants jihadistes qu’ils ont constitués au fil des années s’avèrent grandement utiles. De l’autre, le Maroc semble affirmer qu’AQMI ne pourra pas élargir ses activités au Sahara tant que ce dernier est sous souveraineté marocaine”. Au passage, Mohamed Yassine Mansouri devient un interlocuteur incontournable dans la région auprès des Européens et des Américains. On dit que ses visites sont assez fréquentes à Washington, où il disposerait d’entrées privilégiées au sein d’agences de renseignement de premier plan.

      Et cela ne plaît pas forcément à tout le monde. L’Algérie ne rate par exemple aucune occasion de rappeler que le royaume ne dispose pas de frontières avec la région du Sahel. Il y a quelques semaines, le pays de Abdelaziz Bouteflika a même refusé de prendre part à une réunion de coordination sécuritaire au Mali pour protester contre la présence marocaine autour de la table de discussions. Une première ! “En fait, analyse notre observateur, l’Algérie n’arrive pas à digérer le fait que le Maroc, essentiellement à travers la DGED, soit devenu incontournable dans la gestion de dossiers sécuritaires régionaux et continentaux, après avoir sérieusement renforcé sa coopération économique et diplomatique avec plusieurs pays africains”.

      Il partage, il fédère, il rassure

      Reste une question : dans quelle mesure la DGED chapeaute-t-elle réellement, aujourd’hui, le travail des autres services de renseignement ? Difficile de répondre avec précision. Certes, chacun des services a ses propres prérogatives et son domaine d’intervention bien précis, “mais il n’est pas interdit de travailler ensemble. C’est même souhaitable”, ironise un proche de Mansouri.
      Avec Si Yassine, comme certains l’appellent désormais, la guerre des services n’est (apparemment) plus qu’un lointain souvenir. “Du fait de sa proximité avec le roi et de la complexité des dossiers qu’il gère, il a souvent des informations à partager avec les autres. Le travail de la DAG ou de la DST n’a plus de secrets pour lui du fait de son long passage au ministère de l’Intérieur”, explique une source proche du milieu du renseignement. “Il n’est ni cassant ni rancunier, surenchérit ce journaliste qui l’a côtoyé à la MAP. Lorsqu’il a atterri à l’agence de presse, on avait tous parié sur un changement radical, des mises au placard à la pelle, etc. Il n’en fut rien. Il s’est installé dans le même bureau que son prédécesseur et a travaillé avec le même staff. C’est un homme qui déteste la brutalité et les règlements de compte”. Très vite, nous a-t-on assuré, les autres services ont compris qu’avec un profil pareil à la tête de la DGED, “ils gagneraient en efficacité sans perdre en indépendance”.

      Autre avantage pour Mansouri : l’absence de concurrents influents ou charismatiques. A la DST par exemple, le général Laânigri, professionnel du renseignement, a été remplacé par Abdellatif Hammouchi, spécialiste de l’antiterrorisme. Capable de reproduire, de mémoire, l’architecture complexe de tous les groupuscules terroristes marocains, le numéro 1 de la DST reste néanmoins presque exclusivement concentré sur l’opérationnel et les actions de terrain. Ce n’est donc pas lui qui risque, vraiment, de voler la vedette au nouvel homme (de l’ombre) fort du royaume.

      De plus, Mansouri a su entretenir des relations assez bonnes avec les ministères de l’Intérieur et des Affaires étrangères. Avec lui, visiblement, les services, tous les services de Sa Majesté, gagnent visiblement en sérénité. “Lorsqu’on ne se marche pas dessus, l’efficacité suit toujours”, nous confie ce proche de Mansouri.

      Perso. Un vrai chef de clan

      Mohamed Yassine Mansouri a, depuis toujours, fui les mondanités et les endroits publics. Dès que son emploi de temps le lui permet, le chef de la DGED préfère plutôt rejoindre son épouse et ses quatre enfants. “Il lui arrive de passer les voir quelques minutes entre deux déplacements. C’est important pour son équilibre”, confie l’un de ses proches. Lors des grandes fêtes religieuses, c’est également chez lui que se réunit la grande famille. Durant ses déplacements à l’étranger, il lui arrive régulièrement de faire un saut chez ses nièces et neveux installés en Europe et aux Etats-Unis. Mohamed Yassine Mansouri reste, par ailleurs, très attaché à sa région natale (Bejaâd) et celle de son père (Bzou dans le Moyen-Atlas) qu’il visite au moins une fois par an et où il supervise plusieurs actions caritatives.
      Chaque année, l’homme tient plus que tout à deux rendez-vous devenus incontournables sur son agenda : la Omra à La Mecque et la commémoration, à Bejaâd, de l’anniversaire du décès de son père, Lhaj Abderrahmane Mansouri, un érudit qui a fréquenté les plus grands alems comme Mokhtar Soussi ou Ahmed Alami. En 1957, il a même été nommé grand juge de Bejaâd.

      Tel Quel, novembre 2010

    • Liste des services de renseignements au Maroc

      Liste des services de renseignements au Maroc

      Topics : Maroc, DST, DGED, 5e Bureau, DGST, RG, services secrets,

      Le guide des services

      Plusieurs agences et services s’occupent du renseignement au Maroc. Le tour du propriétaire.

      La toile de la DGST
      C’est sans doute le service qui a le plus fait parler de lui pendant les 30 dernières années. Son ancêtre, le CAB 1, était spécialisé dans la traque des opposants à Hassan II. Aujourd’hui, la DGST s’occupe prioritairement de lutter contre la prolifération de groupuscules terroristes dans les grandes villes. Placée sous la tutelle administrative du ministère de l’Intérieur, elle a pour mission d’“anticiper et suivre toutes les activités potentiellement subversives”. Son quartier général se trouve à Témara et ses brigades territoriales sont implantées un peu partout à travers le royaume, y compris au sein même de certaines administrations. Dans les coins reculés où la DGST ne dispose pas de relais, elle peut compter sur les services de renseignement de la Gendarmerie royale pour faire remonter l’information.

      Le brut de la DAG
      La Direction des affaires générales est l’un des départements les plus puissants du ministère de l’Intérieur. Sa mission ? Collecter et filtrer les renseignements provenant des différents agents de l’administration territoriale (gouverneurs, caïds, moqaddems, etc.). La DAG dispose d’ailleurs d’antennes dans pratiquement toutes les préfectures et wilayas du pays. C’est donc une source importante de renseignement de proximité, qu’elle partage ensuite avec les différents services concernés.

      L’œil des RG
      C’est l’outil de renseignement de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN). Ses méthodes d’investigation et de collecte de l’information restent assez basiques. Au sein de la police, elle est en effet concurrencée par de puissantes directions comme la Police judiciaire (PJ) ou la Brigade nationale de la police judiciaire (BNPJ). Ces dernières ne font pas dans le renseignement, mais leurs enquêtes sont souvent rapides et efficaces.

      La veille du 2ème bureau
      Sous cette appellation anodine se cache une direction militaire ultra-sensible, chargée du “renseignement sur l’ennemi et de l’étude des menaces”. Elle doit donc rassembler un maximum d’informations sur les troupes des pays voisins comme l’Algérie et l’Espagne, leurs contrats d’armements et les mouvements de leurs unités, surtout sur les zones frontalières.

      Le contrôle du 5ème bureau
      Spécialisé dans le renseignement militaire, ce service assure le contrôle des troupes armées marocaines. Influences politiques et idéologiques, corruption, tentatives d’infiltration…tout y passe.

      Les oreilles de la DGED
      Le champ d’intervention de la DGED est très large : espionnage à l’étranger, suivi des activités des MRE, coopération avec les services étrangers sur des dossiers d’intérêt commun, Sahara, lutte contre le trafic de drogue, etc. Les principaux services de la DGED sont le service action, la direction de contre-espionnage qui collabore avec la DST et la direction des transmissions. Depuis quelques années, la direction coiffée par Mohamed Yassine Mansouri s’est également dotée d’une brigade financière.

      Zoom. Quand la DGED fait parler d’elle

      En septembre 2008, un mini-scandale éclate aux Pays-Bas. Un jeune policier d’origine marocaine est soupçonné de travailler pour le compte des services secrets marocains. Immédiatement licencié, il a été condamné (il y a tout juste quelques semaines) à quelques heures de travaux d’intérêt général. Le jeune Maroco-néerlandais s’en sort avec un minimum de dégâts, mais le mal est fait. Pourquoi ce jeune a-t-il été recruté par la DGED ? Cette dernière continuerait-elle à surveiller les activités des MRE ? Des questions, qu’on croyait révolues sous le nouveau règne, refont surface. “En fait, explique ce journaliste à Bruxelles, le contrôle des activités de la communauté à l’étranger ne s’est jamais interrompu, mais les finalités ont changé. Avant, on traquait les opposants et les exilés, aujourd’hui, les agents de la DGED s’intéressent davantage aux extrémistes religieux, aux trafiquants de drogue ou aux grosses fortunes à l’international”.

      Carrière. Renseignement, toute !

      La carrière de Mohamed Yassine Mansouri démarre au milieu des années 1980 quand il intègre le ministère de l’Intérieur, en tant que stagiaire au sein du cabinet de Driss Basri. Les témoins de cette époque parlent d’un “garçon discipliné et travailleur, limite effacé”. Il apprend doucement son métier et montre des aptitudes exceptionnelles pour le renseignement et l’analyse de données. Intronisé en juillet 1999, Mohammed VI ne tarde d’ailleurs pas à faire appel aux services de son ancien camarade de classe. En septembre de la même année, de violentes émeutes éclatent à Laâyoune. Deux hommes sont chargés par le monarque de préparer un rapport sur la situation : le général Hamidou Laânigri et Mohamed Yassine Mansouri. “Leur rapport a pointé du doigt la brutalité de la répression ordonnée par Basri, remercié par Mohammed VI”, raconte cet officier à la retraite. Dans la foulée, Hamidou Laânigri est nommé à la tête de la DST et Mohammed Yassine Mansouri devient directeur général de l’agence officielle MAP. Il en améliore, en douceur et sans faire de vagues, les processus de collecte et de traitement de l’information, réactive les bureaux internationaux et étoffe son réseau relationnel personnel.
      En mars 2003, Mansouri revient au ministère de l’Intérieur, mais cette fois en tant que wali directeur de la DAGI, la Direction des affaires générales intérieures. Une structure centrale chargée du contrôle du travail des walis et des gouverneurs, en plus de coordonner et filtrer l’information provenant des différents circuits de l’administration territoriale (moqaddems, caïds, gouverneurs, etc.). Sur le terrain, Mansouri supervise les élections communales de 2003, reçoit les patrons de partis politiques (même les plus extrémistes comme Annahj Addimocrati) et s’ouvre sur plusieurs sensibilités sahraouies. A l’international, il travaille, aux côtés de ses homologues espagnols, français et africains, sur des dossiers épineux comme l’émigration clandestine, le trafic de drogue ou le terrorisme.

      En février 2005, Mansouri devient le premier patron civil de la DGED, où il continue à travailler sur les mêmes sujets, mais avec des méthodes différentes.

      TEL QUEL ONLINE

      #Maroc

    • Le Maroc réhabilite El Hammouchi, l’architecte de Pegasus

      Le Maroc réhabilite El Hammouchi, l’architecte de Pegasus

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      Le Maroc réhabilite l’architecte de Pegasus et expose sa rencontre avec le directeur du CNI

      Abdellatif Hammouchi, chef de la police marocaine, a brisé un tabou dans le monde du renseignement en publiant un communiqué et des photos d’une rencontre avec Esperanza Casteleiro, chef des espions espagnols.

      Par Ignacio Cembrero

      Au cours de sa décennie à la tête du Centre national de renseignement (CNI), le principal service secret espagnol, le général Félix Sanz Roldán s’est rendu plusieurs fois au Maroc, mais toujours dans le plus grand secret, comme il est d’usage dans ce type de visite. L’actuelle directrice des espions espagnols, Esperanza Casteleiro Llamazares, s’est rendue jeudi à Rabat pour la première fois. Les autorités marocaines ont médiatisé sa visite en diffusant plusieurs photos et en publiant un communiqué qui a surpris son hôte, qui était persuadé que son séjour serait discret. Le directeur a rencontré Abdellatif Hammouchi, 56 ans, qui est à la fois directeur de la Sécurité nationale et de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST), la police secrète. Jamais un chef de la police n’a détenu autant de pouvoir dans l’histoire du Maroc, plus que l’actuel ministre de l’intérieur, Abdelouafi Laftit. M. Casteleiro a également eu un entretien avec Yassine Mansouri, chef de la Direction générale des études et de la documentation, le service de renseignement extérieur, mais cet entretien n’a pas été rendu public.

      « L’objectif de la réunion est de renforcer la coopération bilatérale entre le Maroc et l’Espagne dans divers domaines sécuritaires d’intérêt commun », souligne le communiqué de la DGST. Pour souligner l’importance de la réunion de Rabat, les collaborateurs d’El Hammouchi ont envoyé des photographies de la réunion à des journalistes espagnols appartenant à des médias favorables aux autorités marocaines.

      Hammouchi était déjà à Madrid les 16 et 17 juin au retour d’un voyage aux États-Unis et, selon l’hebdomadaire « L’Observateur du Maroc », dirigé par Ahmed Charai, un collaborateur des services secrets marocains, selon une décision de justice de 2015, il a rencontré ses homologues espagnols de la « sécurité et des renseignements ». Le ministère de la défense, dont dépend le CNI, a nié qu’il ait rencontré Esperanza Casteleiro. Le supercopain marocain est revenu en Espagne, sur la Costa del Sol, cet été pour des vacances en famille.

      Hammouchi est également considéré comme le cerveau derrière l’utilisation massive par le Maroc du logiciel malveillant israélien Pegasus, introduit dans les téléphones portables de plus d’un millier de politiciens européens, principalement français, de journalistes et de militants des droits de l’homme et d’opposants marocains, comme l’a révélé le 18 juillet 2021 Forbidden Stories, un consortium de 17 grands médias. « Abdellatif Hammouchi, le super-flic marocain, au cœur du scandale Pégase », titrait « Mediapart », l’un des journaux les plus influents de France, le 22 juillet 2021, après avoir rappelé que parmi les victimes de ce « malware » figuraient le président Emmanuel Macron et 14 ministres. « Abdellatif Hammouchi, l’espion marocain qui met la France en difficulté », faisait la une de l’hebdomadaire « Le Point ».

      Les autorités marocaines ont toujours nié avoir acquis et utilisé ce « malware », mais dans une interview publiée le 27 décembre par le quotidien « Le Monde », l’actuel Premier ministre israélien, Yaïr Lapid, n’a pas nié que la société israélienne NSO avait vendu la licence au Maroc. Il a répondu : « C’est une licence très stricte : nous avons exposé tout le matériel dont nous disposions aux autorités françaises ». La visite de M. Lapid à Paris et celle de son collègue de la défense, Benny Gantz, ont contribué à apaiser les tensions avec la France.

      En brisant un tabou et en médiatisant aux quatre vents la visite du directeur du CNI à Rabat, Hammouchi tente de blanchir son image et de montrer que, malgré l’épisode Pegasus, il reste un interlocuteur valable et apprécié de ses collègues responsables des services secrets européens, selon des sources familières du monde du renseignement. Trois membres du gouvernement espagnol, le président Pedro Sánchez et ses ministres de la défense et de l’intérieur, ont également été victimes de ce programme israélien malveillant au printemps 2021, comme l’a révélé en mai le ministre de la présidence, Félix Bolaños. Le gouvernement a alors déposé une plainte auprès de l’Audiencia Nacional.

      Personne au sein du gouvernement espagnol n’a alors désigné le Maroc comme l’auteur possible de l’espionnage des téléphones portables, bien que les dates du piratage coïncident avec le moment de plus grande tension dans la crise hispano-marocaine : l’entrée de plus de 10.000 immigrants illégaux à Ceuta en mai 2021. Des rapports confidentiels du CNI en possession de l’exécutif en indiquent également la paternité marocaine. La ministre des affaires étrangères de l’époque, Arancha González Laya, a également été « piratée » à ces dates, selon ce que le Centre national de cryptologie lui a dit après avoir analysé son téléphone portable. L’ancien ministre l’a reconnu dans une interview publiée le 8 juin dans « El Periódico de España ». Elle s’est plainte que tout a été utilisé contre elle « dans la crise avec le Maroc : écoutes, dénonciations et campagnes de presse ». Le 3 mai, le quotidien britannique « The Guardian » a également révélé que 200 autres téléphones portables espagnols avaient été ciblés par les services secrets marocains, mais sur cette liste, seuls quatre numéros ont été divulgués à ce jour, dont celui de la célèbre militante sahraouie Aminatou Haidar. La liste des téléphones mobiles français infectés s’élève à environ 1000.

      Suite à la plainte de l’exécutif, le juge d’instruction de la Cour Suprême, José Luis Camala, a demandé le 5 mai qu’une commission rogatoire soit envoyée en Israël afin d’interroger les dirigeants de NSO. Quatre mois plus tard, aucune réponse n’a été reçue. Le gouvernement espagnol, pour sa part, n’a demandé aucune explication à Israël, selon une source israélienne. L’exportation de Pegasus nécessite une autorisation du ministère israélien de la défense, car il est considéré comme une cyber-arme. La cyber-attaque Pégasus a généré des tensions entre la France et le Maroc qui persistent encore. Preuve en est qu’Emmanuel Macron n’a pas reçu à l’Elysée le roi Mohammed VI, qui vit à Paris de manière quasi continue depuis le 1er juin. Il ne lui a pas non plus téléphoné pour s’enquérir de son état de santé lorsqu’il a contracté la covidie à la mi-juin. La diplomatie française a drastiquement restreint les visas accordés aux Marocains, et certains d’entre eux n’hésitent pas à demander ce document dans les consulats espagnols au Maroc, puis à se rendre en France via une escale dans un aéroport espagnol, respectant ainsi la réglementation Schengen (espace européen de libre circulation).

      Abdellatif Hammouchi n’a plus officiellement mis les pieds en France depuis le 20 février 2014, date à laquelle la police judiciaire française a tenté, en vain, de le faire comparaître devant un juge d’instruction qui enquêtait sur deux plaintes déposées contre lui pour torture par deux Marocains représentés par des avocats de l’Association des chrétiens pour l’abolition de la torture (ACAT), composée de catholiques, évangéliques et orthodoxes. Avant que le scandale Pegasus n’éclate, il a tout de même effectué plusieurs visites officielles en Espagne, dont la dernière en septembre 2019, lorsqu’il a été décoré, sur ordre du ministre de l’Intérieur Fernando Grande-Marlaska, de la Grand-Croix de l’Ordre du Mérite de la Garde civile. Cinq ans plus tôt, en octobre 2014, c’est un autre ministre de l’Intérieur, Jorge Fernández Díaz, qui avait fait approuver par le Conseil des ministres une autre décoration pour l’invité marocain, la Grande Croix honorifique du mérite policier.

      El Confidencial, 16/09/2022

      #maroc #espagne

    • Maroc : Nadia Jalfi, un relais de la DGED en Espagne

      Maroc : Nadia Jalfi, un relais de la DGED en Espagne

      Maroc, Espagne, Nadia Jalfi, Gustavo de Arístegui, DGED, services secrets, espionnage, lobbying,

      La femme d’Arístegui a aidé les services secrets marocains
      -Quelque 150 courriels de l’épouse de l’ancien porte-parole du PP Foreign révélés
      -Les ‘e-mails’ traitaient de sujets tels que l’image de presse du conflit du Sahara
      -Son contact était le chef de cabinet du chef du renseignement étranger
      Rabat a bloqué la diffusion de messages sur Twitter, mais ne les dément pas

      Le diplomate et cinéaste espagnol « nous propose de capter en images, de manière pertinente, la souveraineté historique du Maroc sur le Sahara . Il affirme détenir des documents inédits à ce sujet. Il n’est pas nécessaire d’expliquer le bénéfice que nous pourrions tirer d’un projet de cette nature.

      Celle qui écrit ces lignes à Rabat depuis sa messagerie Yahoo , au retour d’un voyage à Madrid fin 2008, c’est Nadia Jalfi . Ils sont envoyés à l’une des trois adresses mail ouvertes par Mourad el Ghoul . Il s’agit du directeur de cabinet du directeur de la Direction générale des études et de la documentation (DGED), les services secrets étrangers marocains. La visite à Madrid, rappelle-t-il dans le message, a été effectuée après avoir obtenu « l’accord de principe » d’El Ghoul.

      Le profil anonyme qui depuis le 2 octobre a révélé, via Twitter , des centaines de documents et de mails confidentiels de la diplomatie marocaine et de la DGED a mis en ligne le 16 janvier environ 150 mails envoyés ou reçus, entre 2008 et 2011, par Nadia Jalfi et El Ghoul. Les deux sont sur la base du prénom et sont écrits en français. De ses lectures on déduit que pendant ces trois années Jalfi a entretenu une relation étroite avec la DGED.

      Peu de temps après ce post, Twitter a suspendu le compte de l’usurpateur du nom du sélectionneur de l’équipe nationale du Pays de Galles ( @chris_coleman24 ). Les autorités marocaines ont pris des dispositions pour que ce profil soit fermé, mais elles n’ont pas nié l’authenticité des documents qu’elle a mis au jour. Seul un homme d’affaires de la presse marocaine, Ahmed Charai , qui apparaît dans des centaines de courriels, a écrit qu’ils avaient été manipulés, mais sans préciser pourquoi.

      Nadia Jalfi a épousé, en octobre 2010, Gustavo de Arístegui , 51 ans, alors porte-parole des Affaires étrangères du Groupe populaire au Congrès des députés. Leur relation amoureuse avait commencé deux ans plus tôt. De Arístegui est ambassadeur d’ Espagne en Inde depuis 2012 .

      ‘Travail de milieu de gamme’

      « Nadia occupait un poste de milieu de gamme dans une agence de communication à Rabat, qui recevait des commissions d’administrations et d’entreprises privées », raconte une personne proche de l’épouse de l’ambassadeur et désignée par elle pour répondre aux questions d’EL MUNDO.

      « Il était en correspondance avec plusieurs clients, mais il ne connaît pas cet El Ghoul », ajoute cette même source, qui nie toute relation avec la DGED. « Certains des e-mails publiés ont été manipulés », précise-t-il, sans expliquer pourquoi. « Beaucoup de leurs clients souhaitaient que je les aide à promouvoir, via la presse européenne, des événements qui se déroulaient au Maroc, comme le Festival du film de Marrakech », précise-t-il.

      Nadia Jalfi « a cessé de travailler pour cette agence en 2008, bien qu’elle ait encore fait quelques collaborations sporadiques en 2009 », poursuit la même personne. « Si des mails ultérieurs sont apparus, c’est probablement parce que, par routine, certains de ses interlocuteurs ont continué à s’adresser à elle », soupçonne-t-elle. « Rien de ce qu’elle a fait n’est étrange ou illégal », souligne-t-il.

      Nadia Jalfi a travaillé ces années-là pour l’ agence Mena Media Consulting , qui appartenait à l’homme d’affaires saoudien Othman Al Omeir, avec des investissements dans la presse au Maroc. L’agence a ensuite été rachetée par Fouad Ali el Himma , le bras droit du roi Mohamed VI, selon les médias marocains.

      Une partie de l’activité professionnelle de Nadia Jalfi a été consacrée à essayer de faire connaître les aspects positifs du Maroc, en proposant par exemple aux radios espagnoles de diffuser leurs programmes vedettes en direct de Rabat. Il a envoyé ces invitations en coordination avec El Ghoul, selon les courriels divulgués.

      D’autres invitations ont été adressées à des directeurs de journaux espagnols et ont consisté en un voyage éclair à Rabat pour avoir une longue conversation informelle avec Yassine Mansouri , directeur de la DGED. À une occasion, El Ghoul a présenté Nadia Jalfi à un interlocuteur français en tant qu’ »attachée de presse » chargée de préparer la visite et d’accompagner le journaliste.

      Le Sahara, sujet récurrent

      Le Sahara occidental, cette ancienne colonie espagnole aux mains du Maroc depuis près de 40 ans, occupe une place importante dans la correspondance de Nadia Jalfi. Le 16 octobre 2008, il envoie un mail à El Ghoul pour son approbation et publication par l’agence de presse officielle ( MAP ). Elle y raconte la visite à Rabat de Pedro Sanz , président de La Rioja , qu’elle a contribué à organiser. L’invité espagnol estime que « la solution la plus logique et la seule viable pour résoudre le conflit du Sahara est une large autonomie », comme celle proposée par le Maroc.

      Le 17 décembre de la même année, Nadia Jalfi reçoit un mail d’un journaliste du magazine italien Tempi , dont elle a également organisé la visite au Sahara. Il annonce qu’il tiendra sa promesse en publiant un rapport « de trois pages consacré aux anciens membres du Polisario qui ont rejoint le Maroc après de mauvaises expériences dans les camps de réfugiés ».

      Deux ans plus tard, le 18 décembre 2010, El Ghoul confie à Nadia Jalfi que la chaîne de télévision américaine Fox News a enfin mis en ligne sur son site Internet un article « concernant les liens entre le Polisario et Al-Qaïda au Maghreb islamique « . Il vous exhorte à « le divulguer le plus possible à vos contacts ». Un mois plus tôt, le coordinateur antiterroriste du département d’État , Daniel Benjamin , avait cependant nié tout lien entre le Polisario et le terrorisme.

      « Pourriez-vous mobiliser vos contacts médias en France pour prendre la parole et couvrir l’événement ? », demande El Ghoul à Nadia Jalfi le 12 janvier 2011, dans l’un des derniers mails échangés. Il s’agit pour les médias français de se faire l’écho de la conférence de presse que l’avocat Michel de Guillenchmidt a donnée le 17 janvier pour dénoncer « la manipulation haineuse » de la presse espagnole.

      Après le démantèlement du grand camp de protestation sahraoui de Gdeim Izik en novembre 2010, l’agence Efe et plusieurs journaux espagnols (EL MUNDO, El País, La Vanguardia , etc.) ont publié une photo d’enfants palestiniens dans un hôpital de Gaza , se faisant passer pour Enfants sahraouis à l’ hôpital El Ayoun . Dans le flot d’instantanés envoyés à la presse par des individus du Sahara, auxquels la presse étrangère a opposé son veto, cette photographie a glissé. La plupart des journaux ont reconnu leur erreur et ont présenté leurs excuses à leurs lecteurs.

      Les autorités marocaines n’étaient pas satisfaites de cela. Ils ont donné instruction à la DGED de rechercher à Gaza deux parents et un enfant palestinien qui s’en sont sortis vivants et de les transférer à Rabat, où ils ont exprimé leur indignation face à la manipulation. Au consulat d’Espagne , ils ont obtenu des visas Schengen avec lesquels ils se sont rendus à Madrid, Paris et Bruxelles , où ils ont donné des conférences de presse, accompagnés d’avocats, et déposé une plainte.

      « Si Nadia avait été espagnole ou italienne, elle n’aurait pas été sous le commandement d’un espion », explique un ancien agent secret espagnol. « En Europe, si les pouvoirs publics veulent faire du lobbying à l’étranger pour améliorer leur image sur une certaine question, ils n’ont pas recours à un service secret », ajoute-t-il. « Mais au Maroc, c’est différent ; dès qu’on touche au Sahara, les services sont omniprésents », conclut-il.

      El Mundo, 02/02/2015

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    • Maroc. Exclusif : Photo de Yassine Mansouri adolescent

      Maroc. Exclusif : Photo de Yassine Mansouri adolescent

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      Yassine Mansouri, 60 ans, dirige depuis 2005 la Direction générale des études et de la documentation (DGED), le service de renseignement étranger de Yassine Mansouri. Il est le premier civil à diriger cette institution considérée comme stratégique. C’est le seul service de renseignement qui dépend formellement du palais royal du Maroc et qui est devenu quelque plus qu’un service secret. C’est un instrument de la diplomatie marocaine. La personnalité de son patron l’explique.

      Mansouri fait partie du cercle des proches collaborateurs du roi Mohamed VI, avec qui il a étudié au collège royal. Il est également le seul parmi les intimes du monarque à ne pas avoir été touché par un scandale économique ou politique. Les documents confidentiels dévoilés par le hacker Chris Coleman ont révélé que c’est lui le véritable patron de la diplomatie marocaine.

      Sa photo adolescent a été publié par le hacker Chris Coleman pour prouver qu’il a réussi à pirater le compte mail de la plus haute autorité de la DGED.

      Cependant sa carrière est parsemé d’échecs. Plusieurs de ses agents ont été pris en flagrant délit d’espionnage. Plus de détails dans cet article d’Ignacio Cembrero :

      A la recherche de l’espion marocain

      El País, 14/12/2012

      Bagdad A. est un marocain de 59 ans, qui évoluait avec aisance au sein de la communauté maghrébine en Allemagne. Il collectait des « informations sur les événements organisés par les groupes d’opposition », selon le parquet allemand. En 2007, il s’était proposé pour travailler pour les services secrets de son pays, affirmant posséder « un vaste réseau de contacts » au sein de l’immigration marocaine. Ils l’avaient donc recruté. Cinq ans plus tard, le 7 décembre, les procureurs de Karlsruhe l’ont inculpé pour ses « activités en faveur de services de renseignement étrangers ».

      Bagdad A. est le quatrième Marocain arrêté pour espionnage en Allemagne depuis 2011. Ils s’étaient tous consacrés à surveiller et établir des rapports sur les activités de leurs 230.000 compatriotes marocains résidents en Allemagne, à l’exception de Mohamed B., 56 ans, arrêté en février dernier à Berlin, et qui s’était fait une spécialité de la surveillance des membres du Front Polisario. Selon les procureurs, il avait touché 22.800 euros pour cela.

      De tous les agents marocains démasqués ces dernières années en Europe, celui qui avait fait le plus parler de lui en 2008 était Redouane Lemhaouli, 42 ans, policier d’origine marocaine qui avait eu accès aux dossiers du ministère de l’Intérieur des Pays-Bas. C’est là où il avait obtenu des informations sur les « actions contre le roi du Maroc », le « terrorisme » et le « trafic d’armes », pour les communiquer aux espions qui, sous couverture diplomatique, l’avaient recruté.

      Le cas de « Re » – le surnom que ses camarades avaient communiqué à la police – avait eu autant d’impact en raison du fait que cet agent avait côtoyé la princesse Maxima, l’épouse du prince d’Orange, ainsi qu’un membre du gouvernement néerlandais. La princesse avait pris place à ses côtés, au premier rang, lors d’une cérémonie au cours de laquelle 57 immigrés, la plupart d’origine marocaine, avaient reçu des diplômes leur permettant de travailler comme personnels au sol à l’aéroport de Rotterdam. « Re » les avaient formés.

      Quelques mois plus tard, il avait été radié des rangs de la police, et condamné à 240 heures de travail d’intérêt général. Le ministre néerlandais des Affaires étrangères, Maxime Verhagen, avait adressé une lettre aux députés dénonçant « les secteurs et les services exerçant une influence sur les citoyens d’origine marocaine ».

      Au total, depuis 2008, on a recensé 10 arrestations et/ou poursuites d’agents, ou encore des expulsions de diplomates marocains en Europe – la Mauritanie ayant également expulsé un onzième agent l’année dernière… un chiffre que seule la Russie a dépassé, avec ses 31 agents expulsés du Vieux Continent.

      Les 11 agents marocains travaillaient pour la Direction générale des Etudes et de la Documentation (DGED), le service de renseignements extérieurs dirigé par Yassine Mansouri, 50 ans, le premier civil à occuper cette fonction. C’est le seul service d’espionnage qui dépend formellement du palais royal marocain et qui a même dépassé son rôle pour aller au-delà des activités classiques d’espionnage et de renseignement. La DGED est également un instrument de la diplomatie marocaine, et la personnalité de son patron le montre assez clairement et l’explique encore mieux.

      Mansouri fait partie du premier cercle des proches collaborateurs du roi Mohammed VI, en compagnie duquel il avait fait ses classes au Collège Royal. Il est également le seul parmi les intimes du monarque qui n’ait jamais été impliqué dans un scandale politique ou économique.

      Sa loyauté à l’égard du futur monarque avait même été la cause de son limogeage en 1997 du poste qu’il occupait au sein du ministère de l’Intérieur dirigé alors par l’ancien ministre aujourd’hui défunt, M. Driss Basri. Ce dernier le soupçonnait de le surveiller pour le compte du prince héritier, que lui-même surveillait au nom de son père Hassan II. Mansouri était néanmoins le seul des amis d’enfance du prince que Basri jugeait compétent. Il a loué à Hassan II sa force et sa capacité de travail et le roi l’avait envoyé aux États-Unis en 1992 pour y être formé par le FBI.

      Né à Bejaâd, dans le centre du pays, fils d’un alem (érudit musulman), Mansouri avait reçu une éducation religieuse, ce qui était plutôt problématique pour les amitiés gauchistes de son frère, jusqu’à ce qu’on lui offre une place au sein du Collège royal. Aujourd’hui encore, il reste un homme pieux qui fait ses prières, ne boit pas d’alcool, ne fume pas, et ne fait pas dans l’ostentation.

      Sa traversée du désert a pris fin après l’intronisation du Roi Mohammed VI qui, en 1999 l’avait nommé directeur général de la MAP, l’agence de presse officielle du pays, qu’il avait quittée en 2003, pour revenir au ministère de l’intérieur, y entrant cette fois-ci par la grande porte. Pendant deux ans, il avait dirigé la plus importante direction du ministère, d’ou Basri l’avait limogé, la Direction des Affaires générales. De là, il avait fait ses premiers pas dans le monde de l’espionnage et dans la diplomatie parallèle.

      Mansouri était ainsi membre, par exemple, de la délégation marocaine qui s’était rendue à New York en 2007 pour soumettre au Secrétaire général de l’ONU la proposition d’autonomie pour le Sahara ; il avait aussi rencontré à plusieurs reprises le Polisario pour négocier et avait secrètement noué des contacts, à Paris en 2007, avec la ministre israélienne des Affaires étrangères, Tzipi Livni. En 2008, il avait reçu à Rabat le Secrétaire d’Etat-adjoint américain, David Welsh, qui s’était déclaré préoccupé par la fragilité du régime tunisien et la « cupidité » du dictateur Ben Ali, ce qui avait été révélé par la suite dans les messages diplomatiques divulgués par Wikileaks. Trois ans plus tard, Ben Ali a été renversé, et Mansouri figurait donc parmi les rares personnes qui avaient établi un bon diagnostic pour la Tunisie.

      A sa création en 1973, la DGED s’était spécialisée dans la surveillance des ennemis en exil de la monarchie alaouite, puis des gauchistes historiques et, aujourd’hui, des islamistes et autres indépendantiste sahraouis. Mais, comme l’émigration marocaine a connu une forte croissance, la DGED s’efforce également de la surveiller pour éviter que l’extrémisme ne se développe au sein de cette communauté, et pour s’assurer qu’elle reste fidèle au trône.

      Selon un rapport du Centre national d’intelligence (CNI) envoyé en mai 2011 par son directeur, le général Felix Sanz, à trois ministres, le Maroc a mis au point en Espagne une « stratégie à grande échelle ». « L’objectif est d’étendre son influence et d’accroître le contrôle sur la communauté marocaine sous couvert de religion », précise le rapport. Ce contrôle est exercé par Rabat, selon le CNI, « à travers son ambassade et ses consulats (…), ainsi que le personnel associé », soit des agents de la DGED bénéficiant de l’immunité diplomatique et des informateurs recrutés sur le terrain. La Fondation Hassan II y collabore aussi ; présidée par la Princesse Lalla Meryem, la sœur aînée de Mohammed VI, le budget de cette Fondation n’est pas soumis au contrôle parlementaire.

      La preuve de l’intérêt de la DGED pour la religion a été apportée par l’intervention de Mansouri, en novembre 2008, devant un parterre d’imams venant d’Espagne et d’Italie et invités à Marrakech par le ministère des Affaires islamiques. Un an auparavant, Mansouri s’était rendu à Majorque pour rencontrer son homologue espagnol de l’époque, Alberto Saiz, et le mettre en garde contre ce que le Marocain estimait être « jouer avec le feu », à savoir le soutien espagnol offert aux « tablighistes » de Ceuta, un courant islamique d’origine indienne, au détriment de l’islam malékite qui domine au Maroc.

      C’est peut-être parce qu’ils souhaitent éviter les tensions avec Rabat ou au nom de la coopération dans la lutte contre le terrorisme – la DGED avait aidé le CNI à dénouer l’enlèvement de trois bénévoles catalans par Al-Qaïda au Mali – que les pays du sud de l’Europe comme l’Espagne, la France et l’Italie, les pays qui accueillent le plus d’émigrés marocains, n’expulsent ni n’arrêtent les agents marocains. « Cela s’est en effet produit, mais sans plus », nuance cependant un ancien collaborateur du CNI qui avait servi au Maghreb.

      En 2010, Rabat avait expulsé trois agents espagnols travaillant au Maroc sous couverture diplomatique ; mais durant le dernier quart de siècle, il n’y avait eu qu’une seule affaire d’espionnage marocaine en Espagne qui ait été divulguée: l’infiltration d’une taupe au sein du ministère des Affaires Etrangères, en 1990, qui avait obtenu un rapport sur la conversation du ministre de l’époque, Francisco Fernandez Ordonez, avec un responsable du Front Polisario.

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