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  • La militarisation du Sahel ne rendra pas l’Europe plus sûre

    La militarisation du Sahel ne rendra pas l’Europe plus sûre

    Sahel, Union Européenne, UE, Mali, France, Barkhane, Burkina Faso, Takuba, Tchad, Niger,

    L’obsession de l’UE pour la sécurité au Sahel est le reflet de ses propres angoisses – et une trahison de ses valeurs.

    Par Delina Goxho, doctorante à la Scuola Normale Superiore, et Yvan Guichaoua, maître de conférences à la Brussels School of International Studies de l’université du Kent.

    Depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en Libye il y a 11 ans et la crise sécuritaire qui a suivi au Mali, l’Europe a accéléré le processus de repoussage des frontières de son voisinage immédiat au sud. Elle a engagé davantage de dépenses, lancé plus de programmes de développement et de stabilisation, et renforcé son empreinte militaire étrangère dans les pays du Sahel africain, en particulier le Mali, le Niger et le Burkina Faso, qui sont désormais considérés comme faisant partie du « seuil » de l’Europe. »

    Avant 2011, la région du Sahel était perçue par les décideurs européens comme une terre désertique éloignée, sujette aux sécheresses et ayant besoin d’infrastructures et d’aide humanitaire. Elle est désormais considérée comme la source d’une croissance démographique dangereuse, d’une migration indésirable et d’un extrémisme violent, et comme le terrain de prédilection de mercenaires russes cupides. Elle a donc été transformée en un laboratoire où l’Europe met en scène ses insécurités géopolitiques.

    L’Europe aime se considérer comme une puissance normative – un diffuseur mondial d’idées libérales par le biais de sa politique étrangère généreuse – mais chercher à freiner la migration dans des régions comme Agadez au Niger, insister sur le fait que le Sahel est un laboratoire pour les ambitions de l’Europe en matière de sécurité et de défense, et finalement permettre la militarisation de toute une région sont des politiques qui vont à l’encontre de la promotion des droits de l’homme, de l’égalité des sexes et des solutions diplomatiques aux crises.

    Pour faire face aux multiples crises dans la région, dont le Mali est l’épicentre, l’Union européenne et ses États membres ont mis en place un nombre considérable d’initiatives dans lesquelles la sécurité est la préoccupation primordiale.

    La stratégie européenne pour le Sahel 2021 met en avant une variété de menaces présumées, mêlant un peu tout : terrorisme international, flux migratoires incontrôlés, trafics illicites, instabilité politique et réchauffement climatique. Ces multiples menaces, regroupées dans un même panier éclectique, semblent représenter différents degrés de peur. Le pronostic d’un boom démographique africain (ou d’une « bombe à retardement », comme l’appellent de nombreux responsables européens) de jeunes hommes sans emploi, éventuellement radicalisés, qui alimenteront la prochaine crise migratoire, est considéré comme la principale menace pour la sécurité européenne. La pauvreté, le trafic de marchandises et le réchauffement climatique sont présentés comme des facteurs exacerbants.

    Le Sahel est présenté à Bruxelles comme un problème pour l’avenir de l’Europe. L’endiguement des migrations et la promotion de la collaboration européenne en matière de sécurité sont les principaux objectifs de l’UE. La guerre en Ukraine et l’expansionnisme diplomatique et militaire agressif de la Russie en Afrique – qui se manifeste par le déploiement de ses mercenaires au Mali et ailleurs sur le continent (principalement en République centrafricaine, mais aussi en Libye et au Soudan) – ont ajouté une nouvelle couche d’anxiété.

    Le Sahel est désormais aussi un terrain de jeu où des pays que l’Europe considère comme des concurrents stratégiques, tels que la Russie, la Chine et la Turquie, doivent être tenus en échec. Alors que des mercenaires du groupe russe Wagner tentent actuellement de séduire le régime militaire du Burkina Faso après avoir fait une percée au Mali, il est urgent de discuter à Bruxelles de l’accélération des moyens de dépenser la Facilité européenne de soutien à la paix, un instrument financier au nom ironique qui permettrait à l’UE de fournir des armes létales aux dirigeants sahéliens, pour relever le défi.

    La France, qui est intervenue militairement au Mali début 2013 après que les deux tiers du territoire du pays soient tombés aux mains des forces djihadistes, a demandé aux partenaires européens de se joindre à son aventure militaire, complétée par une aide au développement accrue. Une dynamique vertueuse – combinant fourniture de sécurité et développement – était censée suivre. Sur le plan militaire, l’effort de partage du fardeau s’est traduit par la Task Force Takuba, une coalition de volontaires intégrée à l’opération française Barkhane.

    L’objectif était d’offrir un encadrement plus étroit aux armées sahéliennes par le déploiement de forces spéciales tout en répartissant le coût financier et politique entre un plus grand nombre de participants. L’européanisation de l’interventionnisme était, selon le raisonnement français, un moyen de diluer les accusations de néocolonialisme et d’affirmer en même temps l’autonomie stratégique de l’Europe vis-à-vis de l’OTAN. La Task Force Takuba était de petite taille, mais elle était censée ouvrir la voie à des plans plus ambitieux en vue de la création d’une véritable défense européenne défendue par la France.

    Mais la Task Force Takuba a finalement pris fin avant de se concrétiser, tout comme la mission de formation spécifique de l’UE au Mali. Leur rejet par les autorités maliennes après un second coup d’État militaire en mai 2021 est la principale raison de leur arrêt. Près de dix ans d’efforts français de lutte contre le terrorisme, pour la plupart inefficaces, ont rendu l’interventionnisme occidental malvenu.

    Du côté européen, les choses ne se sont pas passées sans heurts non plus, l’unilatéralisme français ayant provoqué la frustration des partenaires européens. En outre, l’appétit de participer à l’aventure militaire était inégalement réparti. De nombreuses forces européennes sont intégrées dans la mission de maintien de la paix des Nations unies au Mali, et elles n’ont pas l’intention d’investir davantage de troupes, mais comptent plutôt sur des formes de participation militaire plus éloignées, telles que la puissance aérienne ou les missions de formation.

    L’adhésion à la coalition des volontaires était aussi principalement basée sur la diplomatie transactionnelle. Par exemple, l’Estonie n’a que peu d’intérêt pour le Sahel, mais elle tient à renforcer sa relation de sécurité avec la France en raison de ses propres inquiétudes concernant la Russie. Il est important de noter que les objectifs de la France en matière de lutte contre le terrorisme ne sont pas aussi importants pour plusieurs de ses partenaires européens, tels que l’Italie et l’Espagne, qui sont plus préoccupés par la migration, et l’absence d’accord sur un sujet aussi crucial semble avoir un effet fragmentant sur les efforts européens au Sahel.

    Paris dirait à Madrid : « Oui, le contre-terrorisme n’est pas votre objectif principal, mais je suis sûr que vous vous souciez de la migration – pourquoi n’envoyez-vous pas vos gendarmes pour endiguer les flux de migrants ? Cela contribuera également à mes objectifs de lutte contre le terrorisme. » Selon cette logique, tout le monde est politiquement gagnant – même si, sur le plan opérationnel, un patchwork désordonné d’initiatives de sécurité finit par être mis en œuvre.

    Alors qu’à Bruxelles, les responsables peuvent penser que les populations du Sahel ignorent totalement quels sont les objectifs de l’UE, les Sahéliens savent que les Européens ne sont pas là avec les mêmes objectifs qu’avant la crise malienne de 2012, à savoir le développement et la coopération. Ces jours-ci, l’ordre du jour est l’endiguement des menaces. L’accusation de néocolonialisme que la France voulait esquiver a été largement déviée vers l’Europe plus largement.

    L’opinion publique régionale, déjà bien versée dans les récits anti-impérialistes, approuve de plus en plus les théories du complot qui envahissent les médias sociaux sahéliens. Le rejet brutal de l’interventionnisme occidental par le Mali ne le fait pas disparaître. Désormais, l’opinion fermement ancrée selon laquelle le Sahel dans son ensemble est un problème de sécurité crucial signifie que les efforts de sécurisation européens doivent être placés sur les pays voisins.

    Mais les leçons maliennes ont-elles été tirées ? L’opération militaire française Barkhane va redéployer une version transformée d’elle-même au Niger, et il est également probable que la présence de la France y soit contestée. Même une approche légère pourrait ne pas suffire, car l’approche de guerre à distance choisie par les puissances occidentales entraîne des problèmes qui lui sont propres, tels que la saturation de l’aide militaire, la coordination, l’efficacité stratégique et la responsabilité. Ce qui est considéré comme de l’interventionnisme à distance dans les capitales européennes n’est pas perçu de cette manière au Sahel, où les donateurs et les troupes européennes provoquent une distorsion des dynamiques nationales et régionales.

    Une perception déformée du Sahel, qui met trop l’accent sur les menaces démographiques et sécuritaires pour l’Europe, a fait d’une certaine forme d’intervention européenne une nécessité aux yeux des décideurs européens. Les craintes à l’égard du Sahel ont augmenté à un point tel que la non-intervention est devenue impossible.

    Mais un catalogue de craintes ne devrait pas faire une politique – et l’histoire récente des relations entre l’Europe et le Sahel a jeté un doute sur les moyens efficaces d’intervenir. Compte tenu de la valeur que l’Europe a accordée à la région, un échec au Sahel pourrait plonger l’Europe dans un puits d’insécurité plus profond.

    Pour élaborer des politiques européennes efficaces, il faut reconnaître certaines réalités fondamentales. L’élaboration de politiques fondées uniquement sur les craintes européennes a peu de chances de répondre aux aspirations des Sahéliens à un changement significatif. L’époque de l’édification d’un État par l’étranger est révolue. La construction d’une future politique stable au Sahel nécessite des négociations locales auxquelles les insurgés peu libéraux devront peut-être participer. Pour ce faire, un espace civique ouvert et sain est nécessaire. À court terme, la réponse aux besoins humanitaires causés par la crise prolongée nécessitera une mobilisation importante de ressources, ce qui signifie également qu’il faut laisser les gens se déplacer.

    L’Europe peut apporter une aide significative et humble dans ces domaines, mais catastrophiser la région et la militariser davantage ne fera qu’empirer les choses.

    Foreign policy, 05/08/2022

    #Sahel #Mali #Union_européenne #UE #France #Barkhane #Takuba #Burkina_Faso #Tchad #Niger


  • L’armée française quitte la base malienne avant le retrait total

    L’armée française quitte la base malienne avant le retrait total

    France, Mali, Sahel, Menaka, Barkhane, Takuba,

    Paris (AFP) – Les troupes françaises ont restitué lundi une base militaire dans le nord-est du Mali avant un retrait définitif de la nation sahélienne, a annoncé l’armée française, après neuf ans de lutte contre une insurrection djihadiste.

    Et l’émissaire de l’ONU sur place a averti que leur retrait pourrait laisser Menaka, où ils étaient basés, vulnérable à une attaque djihadiste.

    Le départ de la base de Ménaka « s’est déroulé dans le bon ordre, en toute sécurité et dans la transparence », a déclaré à Paris le porte-parole de l’armée française, le général Pascal Ianni.

    Il précède le dernier retrait du Mali « à la fin de l’été », lorsque la principale base militaire française de Gao sera rendue aux forces maliennes, a-t-il ajouté.

    Mais El-Ghassim Wane, le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU au Mali, a averti que le retrait pourrait causer des problèmes à Menaka.

    Il s’était rendu dans la ville il y a deux semaines, a-t-il dit, et les personnes à qui il avait parlé « n’excluaient pas une attaque contre la ville de Ménaka », où 5 000 personnes forcées de fuir les violences dans la région s’étaient réfugiées.

    « Si ce scénario se concrétise, la base de la MINUSMA sera probablement perçue comme le dernier refuge pour les civils fuyant la violence », a ajouté Wane, faisant référence à la base de la force de maintien de la paix de l’ONU au Mali.

    Mais il a averti : « Avec un minimum de forces maliennes dans la région et quelque 600 casques bleus disponibles pour protéger les civils, le personnel et les biens de l’ONU, la capacité de la MINUSMA à organiser une réponse efficace est limitée ».

    Détérioration des relations

    L’ancien dirigeant colonial français a installé l’avant-poste de Menaka en 2018 dans la zone sauvage des trois frontières où le Mali rencontre le Niger et le Burkina Faso. Il abritait des forces spéciales françaises et européennes sous le nom de Takuba chargées de former les troupes locales.

    Le général Ianni a déclaré aux journalistes que l’opération Takuba ne serait pas transférée au Niger voisin.

    La France a lancé des opérations anti-jihadistes au Sahel en 2013, aidant le Mali à étouffer une révolte dans le nord.

    Mais les jihadistes se sont regroupés pour attaquer le centre instable du pays, déclenchant une insurrection enflammée que le président élu Ibrahim Bubacar Keita n’a pas été en mesure d’écraser.

    En août 2020, les manifestations contre Keita ont abouti à un coup d’État de colonels mécontents, suivi d’un deuxième coup d’État militaire en mai 2021.

    Dès lors, les relations avec la France n’ont cessé de se détériorer, poussées par la résistance de la junte à fixer une date rapide pour rétablir un régime civil et par les accusations de Bamako selon lesquelles la France incitait la région à adopter une ligne dure contre elle.

    L’effondrement s’est accéléré en 2021 alors que la junte resserrait ses liens avec Moscou, faisant venir des « instructeurs militaires » que la France et ses alliés condamnaient comme des mercenaires embauchés par le groupe pro-Kremlin Wagner.

    La France ne quitte pas le Sahel

    L’opération française à travers le Sahel comptait à son apogée en 2020 quelque 5 500 soldats avant que Paris ne commence à réduire progressivement les effectifs et à fermer les bases les plus avancées à Kidal, Tessalit et Tombouctou dans le nord du Mali.

    En janvier dernier, l’ambassadeur de France à Bamako a été expulsé et le mois suivant, le président Emmanuel Macron a annoncé le retrait total du Mali alors que les relations et la sécurité se détérioraient.

    Cependant, l’armée a déclaré lundi que les forces françaises ne quittaient pas la région du Sahel.

    « L’engagement dans la lutte contre le terrorisme, aux côtés des Etats de la région, à leur demande, reste une priorité absolue », a déclaré le porte-parole.

    © 2022 AFP

    Source : France24, 13/06/2022

    #France #Barkhane #Mali #Takuba #MINUSMA #Ménaka

  • L’Occident pour le retour de la machine de guerre au Nord-Mali

    L’Occident pour le retour de la machine de guerre au Nord-Mali

    Mali, Sahel, Barkhane, France, Takuba, G5-Sahel, Wagner, Russie, Algérie,

    Depuis l’éviction de Barkhane du Mali, la machine de guerre occidentale mise sur rails dans le Sahel se détraque pièce par pièce. Fin de Barkhane, fin de Tabuka et fin du G5-Sahel. A l’inverse, le Mali gagne des points, même si la machine de guerre de propagande occidentale fait des dégâts sur le plan médiatique.

    C’est la France qui mène la locomotive médiatique contre les Russes au Mali, point de fixation de l’Elysée. La société Wagner est diabolisée à l’outrance, jusqu’à la faire passer pour un autre groupe terroriste, non affilié à l’Etat islamique mais située dans la proche périphérie. De toute évidence, les pays de l’Europe, solidaires, suivent la politique africaine de la France, quoi qu’il leur en coûte. Cependant, « face à Moscou qui déploie ses mercenaires sur le terrain et qui mène une campagne de propagande efficace sur les réseaux sociaux, la France semble pour le moment enregistré des revers dans la bataille de l’opinion », s’afflige « Le Monde » dans son édition d’hier.

    L’image de ces jeunes maliens se prenant en photo devant une affiche du président russe Vladimir Poutine, lors de la manifestation portée par le mouvement Yerewolo contre la présence militaire française au Mali, place de la Tour de l’Afrique, à Bamako, le 4 février 2022, a fait le tour des salles de rédaction des quotidiens français et semble avoir fait mal. De même que les drapeaux russes brandis pendant que ceux de la France flambent dans les manifestations de l’opposition au Tchad.

    L’Algérie est directement intéressée par ce qui se passe à ses portes sud : les accords d’Alger, leur application, après la dernière réunion du groupe international menée par l’Algérie, l’agitation saharo-sahélienne contre la présence française, etc.

    En réalité, la France perd pied au Sahel ; cela leur fait mal et le ressenti se répercute sur tous les articles de la presse occidentale spécialisée. Comme pour la guerre Russie-Ukraine, vous ne lirez sur la presse internationale mainstream que ce qui va dans le sens souhaité par ces capitales occidentales.

    A décrypter avec le maximum de précautions…

    L’Express, 30 mai 2022

    Lire aussi : Mali: L’UE mise sur le rôle central de l’Algérie

    Lire aussi : Frontière Mali-Niger: Un nouveau sanctuaire pour Daech

    Lire aussi : Mali: La Russie dénonce la mentalité « coloniale » des Européens

    #Algérie #Mali #Sahel #G5Sahel #Barkhane #Takuba #France #Occident

  • L’Allemagne étend les opérations de la Bundeswehr au Sahel

    L’Allemagne étend les opérations de la Bundeswehr au Sahel

    L’Allemagne étend les opérations de la Bundeswehr au Sahel – Mali, Barkhane, France, Takuba, MINUSMA,

    Ces dernières semaines, Berlin a joué un rôle de plus en plus agressif dans la guerre par procuration de l’OTAN contre la Russie. Presque quotidiennement, la coalition des feux tricolores annonce de nouvelles sanctions contre Moscou et la livraison de plus d’armes lourdes à Kiev. Maintenant, elle dirige également l’offensive de l’impérialisme allemand en Afrique. Mercredi, le cabinet a décidé d’étendre massivement les opérations militaires allemandes au Mali et dans toute la région du Sahel.

    La motion du gouvernement fédéral, qui sera votée au Bundestag la semaine prochaine, prévoit une augmentation de 300 soldats de la participation allemande à la mission onusienne MINUSMA. Surtout, le personnel supplémentaire est destiné à prendre le relais des troupes combattantes françaises, qui devraient quitter le Mali dans les prochains mois et être relocalisées dans les pays voisins.

    Le WSWS a décrit le retrait annoncé par le président français Emmanuel Macron le 17 février comme « une réponse à la formidable opposition populaire à l’impérialisme français, en particulier après le retrait humiliant de l’OTAN d’Afghanistan l’année dernière et les massacres répétés des troupes françaises et locales. avec le soutien tacite de la France ».

    L’Allemagne réagit maintenant à la fin des fameuses missions « anti-terroristes » dirigées par la France « Barkhane » et « Tabuka » au Mali en renforçant sa propre présence dans ce pays géostratégiquement important et riche en ressources.

    « La limite supérieure des effectifs passera de 1 100 à 1 400 soldats afin de rendre justice à la contribution allemande prévue pour compenser les compétences précédemment reprises de la France », indique la demande du gouvernement fédéral. Il s’agit de services médicaux, de forces de soutien pour la poursuite de l’exploitation de l’aérodrome de Gao, ainsi que « d’une compagnie de sécurité supplémentaire pour la protection des biens » et « d’appui aux opérations de nos forces de reconnaissance au sol ».

    Il devient de plus en plus clair que le gouvernement prépare une opération de combat massive au Mali – et de plus en plus dans tout le Sahel – dans le dos du peuple, pour laquelle de plus en plus de soldats sont mobilisés. « Pour les phases du transfert ainsi que dans le cadre des changements de quotas et dans les situations d’urgence », « la limite supérieure des effectifs peut être temporairement dépassée », précise le texte du mandat.

    La MINUSMA est « autorisée à prendre toutes les mesures nécessaires, y compris le recours à la force militaire, pour exécuter la commande… ». La « participation allemande » a été un succès au Mali, mais pour le transport aérien, le ravitaillement en vol et le « soutien logistique et autre », la base militaire de Niamey au Niger faisait également « partie de la zone d’opérations ».

    Les missions de police européenne seront également étendues à l’ensemble de la région. « Un autre pilier de l’engagement allemand » est le « soutien au développement ultérieur » des « missions civiles du GSDP EUCAP Sahel Mali et EUCAP Sahel Niger ». L’Allemagne y participerait avec un total de 30 soldats et « compléterait ainsi l’implication de la police dans la MINUSMA ».

    En outre, la mission de l’UE EUTM se concentrera sur le Niger et d’autres pays du Sahel. Selon la demande gouvernementale correspondante, jusqu’à 300 soldats de la Bundeswehr doivent contribuer à améliorer les « capacités opérationnelles des forces de sécurité du Burkina Faso, du Mali, de la Mauritanie et du Niger et de la force opérationnelle conjointe des pays du G5 Sahel ». Il s’agit de « conseils et de formation militaires, y compris la formation préalable au déploiement » et « d’accompagnement ».

    Officiellement, la délocalisation d’EUTM est basée sur les massacres perpétrés par le gouvernement putschiste malien en alliance avec les forces russes. « Les informations sur les violations des droits de l’homme par les troupes maliennes et russes, que nous lisons dans les journaux ici et bien sûr entendues localement, sont terribles », a déploré la ministre des Affaires étrangères Annalena Baerbock au Bundestag. Il s’agit désormais de « travailler avec les populations locales pour s’opposer à ces forces qui ne donnent rien aux droits de l’homme, rien à la démocratie et rien à un ordre fondé sur des règles ».

    Ce n’est rien d’autre qu’une propagande absurde. En réalité, Berlin est de connivence avec le putsch malien contre le « peuple local » qui s’oppose à l’occupation par les puissances impérialistes. Ils veulent « d’une part faire pression sur le gouvernement de transition malien, mais en même temps garder ouvertes les voies de dialogue et offrir un soutien dans un esprit de partenariat », indique le texte de mandat du gouvernement fédéral.

    Les massacres sur place sont commis par les forces mêmes que la Bundeswehr a formées pendant de nombreuses années. Les auteurs étaient « des troupes maliennes – il faut le dire ici – qui ont été entraînées par des officiers allemands bien intentionnés et qui assassinent maintenant avec les troupes russes », même la députée Katja Leikert, qui représente le groupe parlementaire CDU/CSU au Bundestag, a dû admettre que la commission des affaires étrangères du Bundestag siège.

    Et ce n’est pas toute la vérité non plus. En fait, les puissances impérialistes et leurs troupes sur le terrain n’ont pas de « bonnes intentions » mais sont les premiers responsables de la terreur et des massacres de civils.

    Le Mali en est un tragique exemple. Le pays a été plongé dans l’abîme par les bombardements de l’OTAN sur la Libye en 2011. Après un afflux d’armes et de milices au Mali à la suite de la destruction de la Libye, les combattants touaregs et les forces islamistes ont entamé un soulèvement dans le nord du pays contre le gouvernement central à Bamako au début de 2012.

    Alors que l’armée malienne officielle était sur le point de s’effondrer après de violents combats et un coup d’État militaire en mars 2012, l’ancienne puissance coloniale française est intervenue début 2013 pour sécuriser le nord du pays, particulièrement riche en ressources naturelles. La mission a été annoncée comme une « lutte contre le terrorisme ». En réalité, cela faisait partie d’une nouvelle ruée vers l’Afrique par les puissances impérialistes .

    L’ Allemagne a été impliquée dès le début et a soutenu l’intervention française – d’abord avec la logistique et le personnel. Fin avril 2013, la Bundeswehr a commencé à former les premiers soldats sur place. Depuis lors, les mandats ont été prolongés et élargis encore et encore – et avec eux la brutalité de la guerre.

    La colère populaire s’est intensifiée après les crimes impérialistes – comme la frappe aérienne française sur une fête de mariage à Bounty début 2021, qui a fait 22 morts – et les nombreux massacres qui ont eu lieu sous les yeux des forces d’occupation. En mai 2021, l’armée a organisé un autre coup d’État, bien après que les syndicats maliens ont annulé une grève générale prévue dans la capitale, Bamako.

    Un objectif de guerre déclaré des puissances impérialistes est l’oppression des masses appauvries de la région et les empêche de fuir vers l’Europe. Le gouvernement prévient dans son texte de mandat que le Sahel est caractérisé par « un degré élevé d’instabilité… combiné à une augmentation massive des fuites et des migrations, qui peuvent également affecter l’Europe ».

    En même temps, il s’agit de poursuivre des intérêts économiques et géopolitiques et de repousser l’influence d’autres puissances – avant tout la Russie. « Si la MINUSMA devait se retirer du Mali, le vide serait encore plus rempli par d’autres forces », a averti Baerbock au Bundestag. Cela vaut « pour les combattants islamistes », mais « aussi pour les forces russes ».

    Comme dans la guerre de l’OTAN contre la Russie, la présence de la Bundeswehr en Afrique fait partie du retour de l’impérialisme allemand sur la scène mondiale. On ne se concentre pas seulement « sur ce qui se passe à notre porte », mais « on continue à prendre au sérieux notre responsabilité dans le monde », a annoncé Baerbock au nom de toute la classe dirigeante. C’est aussi « le message que nous envoyons avec le soutien de ce mandat de la MINUSMA ». L’Allemagne est « le plus grand fournisseur occidental de troupes au Mali » et « ne se retire pas du monde ».

    Jean Stern

    WSWS, 14 mai 2022

    #Allemagne #Armée #Bundeswehr #Mali #Sahel #MINUSMA #Barkhane #Takuba

  • Leçons à tirer de la présence militaire européenne au Sahel

    Leçons à tirer de la présence militaire européenne au Sahel

    Leçons à tirer de la présence militaire européenne au Sahel – Mali, Burkina Faso, Tchad, Niger, Barkhane, Takuba, France, UE,

    Par Nina Wilen

    La Task Force Takuba, mise en place en mars 2020, est une coalition d’unités de forces spéciales européennes ayant pour objectif de lutter contre le terrorisme aux côtés de l’armée malienne et de l’opération française Barkhane, déployée depuis 2014. Le 17 février, le président français Emmanuel Macron a annoncé la retrait des troupes françaises et européennes du Mali. Dans ce contexte, comment évaluer les opérations militaires européennes au Sahel ? Nina Wilén, directrice du programme Afrique à l’Institut Egmont des relations internationales et professeure associée à l’Institut des politiques de développement de l’Université d’Anvers, partage son analyse.

    Comment voyez-vous l’avenir de la présence européenne au Sahel, alors que le commandement européen de la task force Takuba a annoncé son retrait du Mali en février dernier ?
    Cela reste un grand point d’interrogation pour le moment, notamment à la lumière de l’annonce récente par l’EUTM (Mission de formation de l’UE) de l’arrêt de ses activités au Mali . Il semble probable que la France renforcera sa présence dans les pays où elle dispose déjà de bases militaires et de collaborations établies, notamment le Niger et les pays du golfe de Guinée.

    Ces derniers ont également connu une augmentation des activités djihadistes au cours des derniers mois, il y a donc une incitation à anticiper et à empêcher une expansion des activités dans cette région. La présence d’États européens qui ont déjà des accords militaires bilatéraux avec des États du Sahel est également incertaine, compte tenu de la survenance de plusieurs coups d’État et de la détérioration du contexte sécuritaire, tant au Sahel qu’en Europe.

    La Task Force européenne Takuba a été déployée au Sahel en 2020. Quel bilan faites-vous de la mission européenne d’appui aux forces maliennes dans la lutte contre le terrorisme ? Comment percevez-vous l’argument selon lequel Takuba aurait pu être un laboratoire d’expérimentation de ce à quoi pourrait ressembler la défense européenne ?

    Il est difficile d’évaluer les opérations ou les résultats de Takuba, notamment en termes de soutien et d’augmentation des capacités et capacités des forces maliennes. Il ne fait aucun doute qu’il y a eu plusieurs opérations conjointes réussies contre les forces armées négatives. Pourtant, ces évolutions se déroulent dans un contexte politique et sécuritaire qui se dégrade constamment, où la junte malienne est devenue de plus en plus autoritaire, les attaques djihadistes se multiplient et le professionnalisme et l’éthos militaire des forces maliennes ne se sont manifestement pas améliorés, comme en témoignent les derniers événements en Moura.

    Takuba a été ce que j’ai appelé une  » mission pull-and-plug  » dans une publication précédente , ce qui signifie qu’elle repose entièrement sur le fait que la France est la nation-cadre, commandant, soutenant et comblant les éventuelles lacunes pour que cela fonctionne. Elle est restée une mission française du début jusqu’à aujourd’hui, bien qu’avec des contributions des États membres européens. Il est difficile de dire si cela pourrait servir de prédécesseur pour de futures opérations similaires. Je pense que cela dépend de l’endroit et du moment où ces opérations auraient lieu.

    Cependant, l’influence croissante de la Russie en Afrique et le besoin de l’Europe de se sevrer de l’énergie russe augmenteront l’importance de l’Afrique pour l’Europe.

    Compte tenu de l’importance croissante de la Russie et de sa milice Wagner au Sahel, quel avenir voyez-vous pour les opérations militaires internationales dans la région, comme la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA) ?

    La MINUSMA fait face à un environnement opérationnel de plus en plus difficile : la viabilité de l’ Accord d’Algerfait l’objet d’un doute sérieux et peu de progrès ont été accomplis dans sa mise en œuvre, un obstacle auquel se heurte également la junte actuelle. Les niveaux de violence augmentent à la fois parmi les acteurs armés non étatiques, tels que les groupes djihadistes, et les forces de sécurité maliennes, qui sont régulièrement accusées d’avoir commis des massacres, récemment avec des mercenaires du groupe Wagner. En outre, la junte malienne s’est efforcée de réduire l’espace politique et militaire de la MINUSMA en introduisant de nouvelles conditionnalités et règles, l’empêchant de fonctionner efficacement. Dans ce contexte, la poursuite de la collaboration avec les FAMA (forces armées maliennes) semble difficilement envisageable. La MINUSMA perdra également le soutien logistique et la réassurance stratégique apportés par les forces françaises. Dans ces circonstances, il semble peu probable que la Mission soit en mesure d’augmenter ses effectifs, pourtant, rentrer chez eux n’est pas non plus une option satisfaisante, étant donné le contexte actuel de graves violations des droits humains et le mandat de la MINUSMA de protéger les civils. Une option serait de donner la priorité à la protection des civils (PoC) et d’essayer de faire revivre l’accord d’Alger. Cela permettrait de faire fonctionner une structure politique de transition, mais pourrait soulever de nouveaux problèmes, compte tenu de la situation sécuritaire et de la longue période de transition de la junte, qui pourrait très bien finir par être encore plus longue.

    Cet article a été publié pour la première fois sur le site de l’Institut Montaigne .

    Egmont Institute, 12 mai 2022

    #France #UE #Sahel #Barkhane #Takuba #Mali #Tchad #BurkinaFaso #Niger

  • La justice malienne convoque Jean-Yves Le Drian

    La justice malienne convoque Jean-Yves Le Drian

    La justice malienne convoque Jean-Yves Le Drian – Mali, France, Barkhane, Takuba, corruption, tribunal de Bamako, Maliko, marché de fabrication de passeports,

    La justice malienne a convoqué le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, le 20 juin prochain, dans le cadre d’une enquête portant sur une « atteinte aux biens publics et autres infractions » remontant à 2015, a indiqué mercredi, l’AFP citant un tribunal de Bamako.

    « Le juge d’instruction du deuxième cabinet au tribunal de grande instance de la commune III du district de Bamako (pôle économique et financier) invite Monsieur Jean Yves-Le Drian à se présenter à son cabinet le lundi 20 juin 2022 pour affaire le concernant », précise la convocation, qui a été authentifiée, mercredi 11 mai, à l’AFP par la justice malienne.

    Une source judiciaire malienne a précisé que cette enquête faisait suite à une plainte d’une plateforme de plusieurs associations de la société civile malienne, dénommée « Maliko » (« La cause du Mali »). « C’est une histoire d’attribution d’un marché de fabrication de passeports maliens à une société française (à laquelle) le fils de Le Drian serait lié », a ajouté cette source.

    Algérie54

    #Mali #France #Corruption #JeanYvesleDrian

  • Le Mali rompt les accords SOFA avec la France et l’UE

    Le Mali rompt les accords SOFA avec la France et l’UE – Sahel, Union Européenne, Barkhane, Takuba,

    Le Mali a annoncé, lundi soir, dénoncer les accords de défense avec la France et ses partenaires européens, fustigeant les « atteintes flagrantes » de la part des forces françaises présentes dans le pays à la souveraineté nationale et de « multiples violations » de l’espace aérien malien.

    Les autorités maliennes rompent les Accords de statut des forces (Status of Force Agreements, ou Sofa) fixant le cadre juridique de la présence au Mali des forces françaises Barkhane et européenne Takuba, ainsi que le traité de coopération en matière de défense conclu en 2014 entre le Mali et la France, a déclaré le colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement, sur la télévision nationale.

    « Depuis un certain temps, le gouvernement de la République du Mali constate avec regret une détérioration profonde de la coopération militaire avec la France », a-t-il expliqué.

    Il a notamment cité « l’attitude unilatérale » de la France lors de la suspension, en juin 2021, des opérations conjointes entre les forces françaises et maliennes, l’annonce en février 2022, « encore sans aucune consultation de la partie malienne », du retrait des forces Barkhane et Takuba, et les « multiplies violations » de l’espace aérien malien par les appareils français malgré l’instauration par les autorités d’une zone d’interdiction aérienne au-dessus d’une vaste partie du territoire.

    #France #Mali #Barkhane #Takuba #Sahel #SOFA



  • Le Mali accuse l’armée française d’”espionnage” et de “subversion”

    Le Mali accuse l’armée française d’”espionnage” et de “subversion”

    Le Mali accuse l’armée française d’”espionnage” et de “subversion” – Sahel, France, terrorisme, Russie, Wagner, Barkhane, Takuba, Algérie,

    Le Mali a accusé mardi l’armée française d’”espionnage” et de “subversion” après la diffusion par l’état-major français de vidéos tournées par un drone a proximité d’une base du centre du Mali récemment restituée par la France.

    Bamako reproche a la France d’avoir filmé des vidéos montrant des soldats blancs, prétendument du groupe russe Wagner, s’affairant autour de cadavres près de la base de Gossi, et d’avoir ensuite diffusé ces preuves pour se disculper, selon Le Monde.

    Les autorités maliennes ont “constaté depuis le début de l’année plus de cinquante cas délibérés de violation de l’espace aérien du pays par des aéronefs étrangers, notamment opérés par les forces françaises”, annonce un communiqué du gouvernement de Bamako. “Un des cas les plus récents a été la présence illégale d’un drone des forces françaises, le 20 avril 2022, au-dessus de la base de Gossi, dont le contrôle [avait] été transféré” aux Forces armées maliennes (FAMa) la veille, ajoute le texte, signé du colonel Abdoulaye Maïga, porte-parole du gouvernement mis en place par la junte.

    “Ledit drone était présent (…) pour espionner nos vaillantes FAMa. Outre l’espionnage, les forces françaises se sont rendues coupables de subversion en publiant [de] fausses images montées de toutes pièces afin d’accuser les soldats des FAMa d’être les auteurs de tueries de civils, dans le but de ternir [leur] image”, accuse enfin le communiqué.

    Faire toute la lumière

    Au lendemain de la publication de ces images, l’état-major malien a annoncé avoir découvert « un charnier, non loin du camp anciennement occupé par la force française “Barkhane” », du nom de l’opération française antidjihadistes au Sahel. “L’état de putréfaction avancée des corps indique que ce charnier existait bien avant la rétrocession. Par conséquent, la responsabilité de cet acte ne saurait nullement être imputée aux FAMa”, ajoutait l’état-major. Mardi, la justice militaire malienne a annoncé l’ouverture d’une enquête “pour faire toute la lumière” après “la découverte d’un charnier a Gossi”. Selon le procureur de la République près le tribunal militaire de Bamako, “l’opinion sera tenue régulièrement informée de l’évolution de l’enquête, dont les résultats seront rendus publics”.

    Mis sous embargo par la Cédéao, le Mali rappelle ses ambassadeurs

    Les dirigeants Ouest-africains (Cédéao) réunis a Accra ont décidé dimanche de fermer les frontières avec le Mali et de mettre le pays sous embargo, des mesures qualifiées de “très dures” sanctionnant le non-respect par la junte de l’échéance de février pour des élections ramenant les civils au pouvoir.

    Les chefs d’Etat et de gouvernement de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) siégeant a huis clos dans la capitale ghanéenne ont décidé de fermer les frontières avec le Mali au sein de l’espace sous-régional et de suspendre les échanges autres que de produits de première nécessité, affirme un communiqué lu a l’issue du sommet.

    Ils ont aussi décidé de couper les aides financières et de geler les avoirs du Mali a la Banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Ils vont rappeler les ambassadeurs des pays membres au Mali, théâtre de deux coups d’Etat militaires depuis 2020 et en proie a une profonde crise sécuritaire.

    Les dirigeants de la Cédéao ont entériné les mesures prises lors d’un sommet de l’Union économique et monétaire Ouest-africaine (UEMOA) précédant immédiatement le leur, a dit sous le couvert de l’anonymat un participant au sommet, parlant de mesures “très dures”.

    Les autorités maliennes ont réagi lundi a l’annonce de sanctions contre le Mali par les Etats Ouest-africains de la Cédéao en rappelant ses ambassadeurs dans ces pays et en fermant ses frontières terrestres et aériennes avec eux, selon un communiqué du gouvernement malien.

    “Le gouvernement du Mali condamne énergiquement ces sanctions illégales et illégitimes”, indique le communiqué du gouvernement.

    “Le gouvernement du Mali regrette que des organisations sous-régionales Ouest-africaines se fassent instrumentaliser par des puissances extra-régionales aux desseins inavoués”, a-t-il ajouté.

    Maïga: “A cause de la France, le terrorisme s’étend a 80% du territoire malien”

    Le premier ministre malien Choguel Maïga a reproché, dans un entretien accordé au Monde, a la France le fait que le terrorisme qui était confiné a Kidal s’est étendu a 80 % du territoire du pays, laissant entendre qu’un complot international serait concocté contre le Mali, souhaitant également une implication forte de l’Algérie dans la lutte contre le terrorisme le long de la zone frontalière entre les deux pays où l’insécurité sévit selon lui.

    Ces dernières semaines ont été tendues entre vous et le président Emmanuel Macron. Souhaitez-vous le divorce?

    Il peut y avoir des scènes de ménage mais je ne crois pas beaucoup au divorce. Malgré tout ce qui se dit, je ne crois pas qu’une rupture des liens militaires avec la France soit pour demain. Sur le plan politique, économique et sécuritaire, trop de choses lient le Mali et la France pour qu’une équipe [celle d’Emmanuel Macron] en précampagne [électorale], sur un coup de tête ou une saute d’humeur, vienne tout remettre en cause. Nous avons décidé de n’insulter ni le passé ni le présent, encore moins l’avenir. Il nous reste encore beaucoup de choses a faire ensemble.

    Dans un entretien accordé a l’agence russe RIA Novosti le 8 octobre, vous avez accusé la France d’avoir entraîné des groupes armés dans le nord du Mali après le déclenchement de l’opération «Serval» en 2013. Suggérez-vous qu’elle fait preuve de duplicité au Mali en matière de lutte antiterroriste?

    Quand le gouvernement malien a demandé une intervention française en 2013, l’objectif était de détruire le terrorisme et d’aider l’Etat malien a se réinstaller sur l’intégralité de son territoire. Mais une fois arrivée a Kidal (bastion des rébellions touareg), l’armée française a empêché notre Etat de reprendre la ville. Je n’accuse pas, je donne des faits. A chacun d’en tirer ses conclusions. Les faits sont que le Mali a demandé a la France de l’aider a détruire le terrorisme et a recouvrir l’intégralité de son territoire. Près de neuf ans après, que constatons-nous? Le terrorisme qui était confiné a Kidal s’est étendu a 80 % de notre territoire. Cela conduit les Maliens a penser qu’il y a un complot international contre notre pays.

    Souhaitez-vous que les forces françaises quittent votre pays?

    Nous n’avons jamais dit cela. Nous n’avons jamais rompu l’accord bilatéral de défense qui nous lie a la France. Au contraire, c’est la France qui veut le remettre en cause. En juin dernier, on s’est réveillé un matin en entendant dans les médias que la France suspendait ses opérations militaires avec l’armée malienne, sans nous prévenir ni nous donner d’explication, tout ça parce qu’un nouveau gouvernement qui ne leur convenait pas avait été mis en place (suite au second coup d’Etat du 24 mai). Un mois plus tard, au sommet du G5 Sahel, Emmanuel Macron est venu nous annoncer que «Barkhane» allait se retirer.

    La France assure pourtant que cela a été discuté avec tous les chefs d’Etat du G5 Sahel, dès février, en marge du sommet de N’Djamena…

    Il n’y a pas eu de discussion. Emmanuel Macron l’a annoncé, tout de go. Le président de la transition (le colonel Assimi Goïta) l’avait pourtant dit a Emmanuel Macron: « Ce que vous voulez faire, c’est un abandon, en termes militaires. Asseyons-nous et dites-nous quand vous voulez partir, pour qu’on se prépare a prendre progressivement les emprises que vous allez laisser. Lorsqu’on sera prêts, vous pourrez partir. » Au lieu de ça, nous avons été abandonnés. Depuis, notre gouvernement a bien compris que s’il ne compte que sur un seul partenaire, il pourra a tout moment être abandonné. Nous en cherchons d’autres.

    Y a-t-il eu des discussions menées avec la milice privée russe Wagner?

    Ce sont les médias français qui en parlent. Moi, je ne connais pas de Wagner. Ce sont des rumeurs, a ce stade-la. Le jour où nous conclurons des accords avec quelque pays que ce soit, nous les rendrons publics. En attendant, qu’on ne nous fasse pas de procès d’intention!

    Votre gouvernement entretient le flou autour de la question. Ne craignez-vous pas de vous aliéner les autres partenaires internationaux et d’aller a l’isolement?

    Ce sont des menaces qui, aujourd’hui, sont sans objet, parce que nous n’avons pas signé d’accord avec qui que ce soit. Il n’y a pas de flou! Ce que nous avons, c’est un accord avec l’Etat russe (conclu en juin 2019). Dans ce cadre, nous achetons des équipements militaires – on en a reçu récemment –, et nous demandons a des instructeurs russes de former nos militaires. Nous sommes en discussion avec l’Etat russe, nous ne le cachons pas. Nous cherchons tous les moyens et le concours de tous les Etats qui pourraient nous aider a sécuriser notre peuple.

    L’Algérie pourrait-elle renforcer son rôle en matière de lutte contre le terrorisme au Mali?

    Notre Etat le souhaite. L’insécurité sévit le long de notre zone frontalière. Si l’Algérie s’impliquait de façon forte dans la lutte contre le terrorisme, ce que nous espérons, ce serait un grand plus.

    Pourrait-on envisager le déploiement de soldats algériens au nord du Mali?

    La Constitution algérienne, qui a récemment été révisée, le permet désormais. Ce sont aux Algériens de le décider.

    Vous n’avez jamais caché votre opposition a certains termes de l’accord de paix d’Alger, signé en 2015 entre l’Etat malien et les ex-groupes rebelles du Nord. En renégociant cet accord, ne craignez-vous pas que ces groupes ressortent les armes?

    Je ne suis pas contre l’accord. Je dis simplement qu’il faut l’appliquer de façon intelligente. Ce texte a été signé sous la pression et certains articles créent les conditions de l’émergence de nouvelles rébellions. Il faut les rediscuter. Quant a ceux qui ont pris les armes en 2012, ils n’ont jamais été désarmés. Ils défilent chaque année avec des armes lourdes lors de la fête de l’indépendance de leur fantomatique république de l’Azawad.

    «Barkhane» est en train de se retirer progressivement de ses emprises du Nord (Kidal, Tombouctou et Tessalit) pour se recentrer sur le Liptako Gourma, a l’est. Comment comptez-vous faire pour assurer la sécurité du Nord, une fois les Français partis?

    On s’interroge. La France a décidé de se concentrer sur le Liptako, où l’EIGS (Etat islamique au Grand Sahara) est le plus actif. Or, le groupe le plus dangereux pour l’Etat malien, c’est le GSIM (Groupe de soutien a l’islam et aux musulmans). Pendant qu’Al-Qaïda multiplie ses attaques, notre principal allié, en tout cas celui que nous croyions l’être, décide de quitter sa zone d’influence pour se concentrer sur les trois frontières. N’est-ce pas de l’abandon en plein vol? Nous sommes en train de chercher des solutions.

    Avez-vous fait une croix sur l’organisation des élections le 27 février 2022, comme prévu dans le calendrier initial?

    Cette date a été fixée a partir de positions de principe: dix-huit mois, pas plus. Mais la politique, c’est le réalisme. Il faut prendre en compte les exigences du peuple, comprendre ce qui l’a amené a se soulever contre le régime d’« IBK ». Le coup d’Etat du 18 août 2020 n’était pas un putsch classique. Les militaires ne sont pas sortis de leur caserne pour prendre le pouvoir: ils sont intervenus pour parachever la lutte d’un peuple qui s’est soulevé contre un régime gangrené par la corruption. Il faut trouver un début de solution a leurs revendications, mettre en place des réformes institutionnelles et politiques solides. Nous devons aussi faire en sorte de ne plus avoir des élections contestées qui pourraient aboutir a un nouveau soulèvement ou coup d’Etat.

    Combien de temps faudrait-il?

    Nous exposerons les délais lors des Assises nationales de la refondation qui se tiendront en novembre, au plus tard en décembre. Ensuite, le gouvernement présentera a ses partenaires un calendrier réaliste et accepté par les Maliens. Quelques semaines ou quelques mois de décalage (pour les élections), ce n’est pas la fin du monde pour un pays en crise depuis dix ans.

    La Cédéao a prévenu que des sanctions seraient prises contre le Mali si la date du 27 février n’était pas respectée. Qu’en pensez-vous?

    Les sanctions ne sont pas la solution. Si la Cédéao ne tient pas compte des raisons qui ont conduit a la chute du régime et décide de punir une nation dont l’Etat s’est retrouvé a terre par la faute de ses dirigeants, je pense que cela sera contre-productif.

    N’êtes-vous pas en train de jouer sur une fibre nationaliste contre l’étranger, avec tous les risques que cela représente?

    Nous ne jouons pas de carte nationaliste mais celle de la responsabilité: être capable de dire a nos amis qu’il n’est pas possible de faire ce qu’ils veulent qu’on fasse (organiser des élections) pendant la période initialement fixée. S’ils nous y forcent en créant une crise financière et les conditions d’un changement de régime, l’objectif stratégique qui était de stabiliser le Mali sera complètement mis de côté. Notre souhait est de transférer le pouvoir a un gouvernement élu, mais il faut négocier avec la communauté internationale un délai raisonnable, pragmatique, pour tenir les élections.

    Le journaliste français Olivier Dubois est toujours otage du GSIM. Des négociations sont-elles ouvertes pour le libérer?

    Nous sommes dans des discussions, sans pouvoir en dire plus.

    LIRE AUSSI : France, Macron, Barkhane : quand l’opinion publique s’impose


    Echoroukonline, 27/04/2022

    #France #Mali #Sahel #Barkhane #Niger #BurkinaFaso #Tchad #Takuba

  • Pourquoi Barkhane quitte le Mali? Conséquences sur le Sahel

    Pourquoi Barkhane quitte le Mali? Conséquences sur le Sahel – Niger, Burkina Faso, Tchad, Barkhane, Takuba,

    Pourquoi les troupes françaises quittent-elles le Mali et qu’est-ce que cela signifiera pour la région ?

    Le président Emmanuel Macron a annoncé qu’il retirerait les forces françaises du pays ouest-africain du Mali, où elles combattent les militants islamistes depuis 2013.

    Il y a 5 000 soldats français au Mali et dans les pays voisins, combattant des groupes comme Al-Qaïda et l’État islamique.

    Mais au cours des huit dernières années, la présence française est devenue de plus en plus impopulaire auprès du gouvernement malien et de son public.

    Quelle est la menace terroriste au Mali et dans la région du Sahel ?

    Le groupe État islamique et al-Qaïda ont décidé de se concentrer sur la région du Sahel en Afrique, après avoir subi des revers au Moyen-Orient.

    Le Sahel est une bande de terre semi-aride sous le désert du Sahara qui s’étend à travers le continent d’est en ouest. Il comprend des parties du Tchad, du Niger, du Mali, du Burkina Faso et de la Mauritanie.

    L’État islamique dans le Grand Sahara (ISGS) et la filiale d’Al-Qaïda, appelée Jamaat Nusrat al-Islam wal-Muslimin (JNIM), ont mené des attentats terroristes dans la région qui ont tué plusieurs milliers de personnes, déplacé des dizaines de milliers d’autres et provoqué la fermeture de milliers d’écoles.

    Deux autres groupes djihadistes sont actifs au Sahel : Ansaroul Islam et Boko Haram.

    En avril 2022, des jihadistes ont attaqué trois bases militaires dans le centre du Mali et une au Burkina Faso , tuant six militaires,

    Pourquoi la France s’est-elle engagée ?

    En 2013, la France a envoyé 5 000 soldats au Mali à la demande du gouvernement alors qu’il faisait face à une rébellion armée.

    Après l’éviction et l’assassinat du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, les mercenaires touaregs qui avaient combattu pour lui sont rentrés au Mali déterminés à lutter pour l’indépendance du nord du pays.

    Avec les armes de Kadhafi, ils ont formé une alliance avec des islamistes liés à Al-Qaïda qui devaient devenir les partenaires les plus forts. Ensemble, ils ont pris le contrôle du nord et ont menacé de prendre le contrôle de tout le pays.

    Le Mali était une colonie française jusqu’en 1960. Le gouvernement français a déclaré qu’il voulait protéger la population malienne et les 6 000 citoyens français qui y vivent.

    Parmi ces troupes, 2 400 ont été localisées dans le nord du Mali, tandis que les autres ont utilisé des drones et des hélicoptères pour traquer les cellules djihadistes qui opèrent au Mali, au Tchad, au Niger, au Burkina Faso et en Mauritanie.

    Il y a aussi 14 000 soldats de maintien de la paix de l’ONU qui opèrent aux côtés des forces militaires locales, patrouillant dans les déserts du Sahel.

    Pourquoi la présence française est-elle devenue impopulaire ?

    Les forces françaises ont été chaleureusement accueillies à leur arrivée au Mali il y a neuf ans, mais les relations se sont détériorées depuis.

    Le nombre d’attaques terroristes dans le pays n’a cessé d’augmenter, tout comme le nombre de Maliens rejoignant les groupes d’insurgés. Au cours des neuf dernières années, la menace militante islamiste s’est également étendue à d’autres pays tels que le Burkina Faso et le Niger, les insurgés faisant des raids dans la région depuis leurs bases au Sahara.

    De nombreux habitants estiment que la France, en tant que puissance militaire avancée, aurait dû être en mesure de résoudre le problème du terrorisme et qu’elle devrait s’écarter si elle ne peut pas le faire. Certains ont qualifié la présence de troupes de l’ancienne puissance coloniale d’ »occupation ».

    Depuis que 55 soldats français ont été tués au Sahel, il n’est pas non plus populaire en France.

    Il y a également eu des disputes entre le gouvernement français et la junte militaire malienne, qui a pris le pouvoir lors d’un coup d’État en août 2020 – la deuxième fois qu’un gouvernement civil est renversé en huit ans.

    La junte est revenue sur un accord pour organiser des élections démocratiques en février et a déclaré qu’elle conserverait le pouvoir jusqu’en 2025. Lorsque l’ambassadeur de France s’y est opposé, il a été expulsé.

    Le président Macron a déclaré: « Nous ne pouvons pas rester militairement engagés aux côtés d’autorités de facto dont nous ne partageons pas la stratégie et les objectifs cachés. »

    En avril 2022, les dirigeants maliens ont annoncé qu’ils organiseraient des élections deux ans plus tard, en 2024 .

    La France a refusé de négocier un accord de paix avec des groupes islamistes, politique privilégiée par de nombreux Maliens.

    La France a également été irritée par la décision de la junte malienne d’inviter des mercenaires de la société russe Wagner pour aider à la lutte contre les groupes jihadistes.

    La ministre française des Armées, Florence Parly, a déclaré que « nous ne pourrons pas cohabiter avec des mercenaires ».

    Que se passe-t-il maintenant ?

    Les troupes françaises impliquées dans l’opération Barkhane seront retirées au cours des quatre à six prochains mois.

    La France déploiera des troupes dans d’autres pays du Sahel, aux côtés des troupes d’autres nations européennes servant dans la Task Force Takuba. Les pays concernés disent qu’ils établiront des plans sur la façon dont ils opéreront dans la région à l’avenir.

    Les gouvernements des pays voisins craignent que le retrait de la France du Mali ne déstabilise davantage la région. Le président ivoirien Alassane Ouattara a averti que cela créerait un vide politique.

    « Nous serons obligés d’augmenter nos forces de défense et d’augmenter la protection de nos frontières », a-t-il déclaré.

    Le président ghanéen Nana Akufo-Addo a exhorté l’ONU à maintenir sa force de maintien de la paix au Mali malgré le départ des Français.

    L’arrivée des mercenaires du groupe Wagner a été saluée par certains Maliens, qui la considèrent comme politiquement neutre. Cependant, de nombreux pays occidentaux s’en méfient et accusent le gouvernement russe de l’avoir aidé à remporter son contrat au Mali.

    En avril 2022, l’armée française a accusé des mercenaires russes d’avoir enterré des corps à l’extérieur d’une base militaire et d’avoir blâmé les troupes françaises pour les meurtres .

    La France dit que cela fait partie des efforts visant à discréditer sa force de départ. La Russie n’a pas commenté les allégations.

    Wagner a opéré dans plusieurs autres pays africains, dont le Mozambique, le Soudan et la République centrafricaine. Il a également été lié à des crimes de guerre dans la guerre civile en Libye.

    BBC, 26/04/2022

    #Sahel #France #Barkhane #Mali #Tchad #Niger #BurkinaFaso #Takuba

  • France, Macron, Barkhane : quand l’opinion publique s’impose

    France, Macron, Barkhane : quand l’opinion publique s’impose

    France, Macron, Barkhane : quand l’opinion publique s’impose – Serval, Takuba, Mali, Mauritanie, Tchad, Niger, Burkina Faso, Russie, Wagner, Sahel, G5 Sahel, MINUSMA,

    L’impossible mission de la France au Sahel. Le retrait de février dernier est le fruit d’un mécontentement entre les populations françaises et sahéliennes, devenu décisif en vue des élections présidentielles

    Par Naomi Moreno-Cosgrove/ Institut Royal Elcano

    Le 17 février 2022 , le président français Emmanuel Macron a annoncé le retrait des troupes françaises et européennes du Mali . Une telle déclaration, qui faisait suite à une rupture rapide des relations avec la junte au pouvoir au Mali – qui a pris le pouvoir après un coup d’État en mai 2021 – a mis un terme brutal aux neuf années d’engagement militaire de la France dans le pays.
    Le communiqué de l’Elysée est intervenu à un moment où les réactions sociales avaient alimenté le scepticisme entourant l’opération Barkhane . Dans le contexte des élections françaises alors imminentes, cette manœuvre semblait suggérer que l’engagement français au Sahel avait pris soin d’éviter d’être surnommé «l’Afghanistan français».

    Le Mali était le point focal de la contre-insurrection française au Sahel , une ceinture de 4 millions de kilomètres carrés qui s’étend sur la frontière savane-désert de l’Afrique. L’opération a vu le jour en 2013 avec l’ Opération Serval . Il a donné suite à la demande du Mali d’évincer les djihadistes qui avaient profité des griefs des minorités existantes, utilisant la rébellion touareg comme cheval de Troie pour conquérir les territoires du nord du Mali.
    Comme ce fut le cas au début de la guerre en Afghanistan, Serval s’est avéré être un succès tactique. En 2014 , l’ Opération Serval a été étendu à toute la région , y compris la Mauritanie , le Niger , le Burkina Faso et le Tchad , dans ce qui est devenu connu sous le nom d’ opération Barkhane . Ce dernier ne devait durer que quelques semaines mais ne s’est pas déroulé comme prévu. Plutôt que d’apaiser la situation, le déroulement de Barkhane s’est heurté à une augmentation des pertes , à une escalade de l’insurrection et à une baisse des soutiens sur le terrain et à l’intérieur .

    Ces dernières années , l’implication du contre-terrorisme français au Sahel a vu une escalade de l’opposition locale , avec des protestations incitées par les médias sociaux et une colère généralisée contre l’insécurité. D’une part, le désenchantement local s’est produit car, contrairement à ce qui était attendu, les Sahéliens ont longtemps été témoins de l’échec de la France à éviter les pertes de l’armée locale . De plus, bien que Barkhane ait été promu comme « agissant pour le bénéfice maximum des populations locales », l’armée française n’a pas réussi à empêcher l’augmentation des pertes civiles et le déplacement généralisé de la population .

    Les succès tactiques de Barkhane – impliquant la neutralisation de djihadistes de haut niveau tels qu’Adnan Abu Walid al-Sahraoui, chef de l’État islamique au Grand Sahara (ISGS), et Abdelmalek Droukel, chef d’Al-Qaïda au Maghreb islamique ( AQMI ) – ils ne se sont pas traduits par un succès pour la stratégie globale de la mission et ont été dépassés par l’incapacité de la France à réduire les événements violents dans la région. L’élargissement de leur champ d’action aux contentieux locaux a permis aux groupes djihadistes – notamment l’ISGS et le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM), la branche d’al-Qaïda dans la région – de se consolider son influence, se mobiliser et obtenir des ressources pour renforcer son action. En outre, la crise des déplacements et la crise humanitaire – avec 1,4 million de personnes déplacées à l’intérieur du pays (PDI) en 2019 – ont montré que la situation est loin de s’améliorer. Depuis 2015, plus de 23 500 civils ont été tués au Mali , au Niger et au Burkina Faso , dont la moitié au cours des trois dernières années.

    Ajouté aux perceptions mutuelles dissonantes qui ont caractérisé les relations franco-maliennes , en partie aggravées par le virage pro-russe du Mali, le sentiment populaire anti-français croissant a contribué à alimenter le soutien aux coups d’État d’août 2020 et de mai 2021 .

    e point de basculement est survenu en mars 2021 , lorsque les enquêteurs de l’ONU ont révélé qu’une frappe aérienne française avait frappé un mariage dans le centre du Mali au début de l’année et avait tué 19 civils.

    Dans la région au sens large, l’irritation à propos de Barkhane a culminé en novembre 2021lorsque des manifestants dans le nord du Burkina Faso et l’ouest du Niger ont bloqué un important convoi de fournitures militaires françaises. Dans la ville nigériane de Tera, des soldats français ont tiré sur des manifestants pour libérer le convoi, tuant trois personnes et faisant 18 blessés. De plus, à la suite du coup d’État militaire de janvier 2022 , à Ouagadougou, les images des milliers de Burkinabés descendant dans la rue , avec beaucoup dans la foule agitant des drapeaux russes et tenant des banderoles anti-françaises , ne sont plus une surprise.

    Cette désillusion s’est conjuguée à la perception partagée qu’un « embouteillage sécuritaire » a transformé le Sahel en une arène pour les acteurs internationaux de la sécurité aux mandats d’intervention contradictoires . Ainsi, au lieu de s’améliorer, la situation s’est aggravée.

    La myriade d’interventions – du G5 Sahel et de la MINUSMA aux missions de formation de l’UE et la dernière initiative, la Task Force Takuba – ont encore contribué à la rhétorique jihadiste anti-néocoloniale en exploitant les plaintes des populations. Bien que les acteurs de la sécurité continuent de ne pas parvenir à stabiliser la région, l’intervention internationale et, en particulier, française continue d’être vue à travers les yeux méfiants d’une population fatiguée.

    L’annonce de février est également intervenue au moment où Emmanuel Macron se préparait pour le premier tour de l’élection présidentielle du 10 avril. Comme lors de la campagne de 2017 , lorsqu’elle a émis l’idée que les opérations extérieures françaises devaient être réduites en ampleur et se traduire par des efforts internationaux accrus, l’opinion publique française semble jouer un rôle dans la transformation de Barkhane .

    Les opérations militaires françaises à l’étranger continuent d’être perçues aux yeux du public comme un prétexte pour couvrir des intérêts indéfinis – comme la sécurité de l’uranium d’Areva au Niger – en collaborant avec des régimes autoritaires .

    De plus, dans un contexte où des questions plus urgentes semblent occuper l’arène géopolitique, la congruence entre les moyens et les capacités de Barkhane n’a pas réussi à répondre aux paramètres de la mission. L’opération a déployé jusqu’à 5 100 soldats, 780 véhicules militaires et environ 40 avions de combat, pour un coût d’environ 1,2 milliard de dollars par an. Ainsi, en janvier 2021 , pour la première fois depuis le début de la mission en 2013, un sondage Ifop montrait que la majorité – 51 % – de la population française n’était pas favorable à l’intervention française au Mali., avec environ 19 % se déclarant « fortement opposés ». Cela contraste avec les 73% en 2013 et 58% en 2019 qui soutenaient la présence militaire française au Mali.

    Moins d’un mois avant de se présenter aux élections, Macron a rejeté la responsabilité sur la junte malienne : « nous ne pouvons pas rester engagés militairement avec des autorités de facto dont nous ne partageons pas la stratégie et les objectifs cachés ». Dans l’ ensemble, l’électorat français et les contributions négatives des populations locales semblent avoir joué un rôle central dans le façonnement du déroulement de l’opération Barkhane et de l’avenir des missions antiterroristes françaises dans la région .

    Bien qu’ayant capté l’essentiel de l’attention, les coups d’État au Mali et la montée au pouvoir conséquente des russophiles prêts à négocier avec les djihadistes, responsables de la mort de 54 soldats français depuis 2013 et dont le but est la raison d’être de Barkhane, ce n’était pas la cause, mais il a souligné que la journée de la France au Mali est sur le point de se terminer. Alors que Wagner – une société paramilitaire publique-privée gérée au sein du cercle oligarchique de Vladimir Poutine – s’apprête à exploiter le vide laissé par les Français et la Task Force Takuba au Sahel, l’annonce de Macron en février indique une dynamique que les décisions gouvernementales en France concernant une région traditionnellement sous son emprise, ils ont été conditionnés par des schémas de mécontentement parmi les populations françaises et sahéliennes .

    L’Indro, 22/04/2022

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