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  • Afghanistan: Poutine invite les Talibans à être « civilisés »

    Afghanistan: Poutine invite les Talibans à être « civilisés »

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    Civilisés

    Dix ans avant la prise total du pouvoir des talibans en Afghanistan en 1996, l’URSS avait été leur premier grand adversaire. Mais à l’époque, en 1986, les Américains, ennemis de l’empire soviétique, avaient décidé de s’allier aux islamistes pour contrer l’influence de Moscou sur la région.

    Les États-Unis avaient alors armé et entraîné des milliers d’hommes qui, s’ils ont réussi à vaincre les Soviétiques, ont aussi réussi à exporter leur lecture fondamentaliste de l’islam aux quatre coins de la planète. Aujourd’hui, après avoir réussi à vaincre les Américains, les talibans reprennent une fois encore le contrôle du pays après vingt années de guerre.

    Le président russe Vladimir Poutine a dit espérer que les talibans se comportent de manière «civilisée» en Afghanistan, afin que les autres pays puissent avoir des relations diplomatiques normales avec Kaboul.

    Prenant acte de la situation, il a estimé que «plus vite les talibans entreront dans la famille des peuples civilisés, plus il sera facile de maintenir des contacts, de communiquer avec eux afin de les influencer d’une manière ou d’une autre, de (leur) poser des questions».

    Le président russe a prôné à ce titre des «relations civilisées» et le «respect de règles civilisées».

    Le précédent régime taliban, jusqu’à sa chute en 2001 après l’intervention américaine à la suite des attentats du 11 septembre, s’est rendu coupable de terribles exactions et d’une politique de répression des femmes qu’il justifiait par la loi islamique.

    «La Russie n’a aucun intérêt à une désintégration de l’Afghanistan, si cela arrivait il n’y aurait plus personne à qui parler», a en outre noté le président russe.

    S’exprimant lors du Forum économique de l’Est à Vladivostok, en Extrême-Orient russe, Vladimir Poutine a blâmé les États-Unis pour la «catastrophe» en cours en Afghanistan. «Ils ont dépensé 1 500 milliards de dollars et quel est le résultat ? Il n’y en a pas», a-t-il lancé.

    Les autorités russes ont adopté ces dernières semaines une attitude assez conciliante à l’égard des talibans, constatant leur victoire, tout en les appelant à un «dialogue national» pour former un gouvernement représentatif. Moscou considère en revanche toujours le groupe comme «terroriste», même si la Russie dialogue depuis des années avec lui.

    Les autorités russes sont avant tout inquiètes pour la sécurité des ex-Républiques soviétiques d’Asie centrale, limitrophes de l’Afghanistan, et d’y voir émerger de nouveaux groupes djihadistes inspirés des talibans ou soutenu par eux.

    Le Kremlin veut également éviter un afflux régional de réfugiés ainsi qu’un nouvel essor du trafic d’opium et d’héroïne.

    Reste à voir quel type de relation s’instaurera entre Kaboul et Moscou dans le futur, ces deux anciens ennemis, si différents, ayant toutefois désormais comme adversaire commun, Washington.

    Commentaire par Fouzia Mahmoudi

    Le Jour d’Algérie, 06/09/2021

  • Afghanistan: Le départ avait l’air apocalyptique (équipage)

    Afghanistan: Le départ avait l’air apocalyptique (équipage)

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    WASHINGTON (AP) – Cela ressemblait à une apocalypse de zombies.

    Pour les pilotes et les équipages de l’armée américaine qui s’apprêtaient à effectuer leur dernier décollage d’Afghanistan, le ciel était illuminé par des feux d’artifice et des tirs sporadiques, et l’aérodrome était jonché de carcasses d’avions et d’équipements détruits. Des chiens errants couraient autour du tarmac. Et des combattants talibans, visibles dans l’obscurité grâce aux lunettes de vision nocturne teintées de vert, parcourent le terrain d’aviation en faisant des signes d’adieu sinistres.

    Alignés sur la piste de l’aéroport de Kaboul lundi soir, les cinq derniers C-17 ont quitté le pays après une évacuation aérienne chaotique et meurtrière qui a marqué la fin de la participation américaine à la guerre en Afghanistan. Dans les dernières heures, il n’y avait plus de systèmes de défense antiroquettes pour les protéger sur la piste, et personne dans le centre de contrôle de l’aéroport pour les diriger vers la sortie.

    « Cela avait tout simplement l’air apocalyptique », a déclaré le lieutenant-colonel de l’armée de l’air Braden Coleman, qui était chargé de surveiller l’extérieur de son avion pour détecter les tirs d’artillerie et autres menaces. « Cela ressemblait à un de ces films de zombies où tous les avions avaient été détruits, leurs portes étaient ouvertes, les roues étaient cassées. Il y avait un avion qui était entièrement brûlé. Vous pouviez voir que le cockpit était là, et tout le reste de l’avion ressemblait au squelette d’un poisson. »

    Dans des interviews accordées mercredi à l’Associated Press, des membres du 816e escadron de transport aérien expéditionnaire de l’armée de l’air, qui ont effectué les derniers vols militaires, ont décrit en détail les dernières heures tendues de ce qui a été une sortie sombre, émotionnelle et divisée des États-Unis d’une guerre qui laisse maintenant le pays aux mains du même ennemi taliban qu’ils ont autrefois chassé du pouvoir.

    « C’était vraiment très tendu, et nous étions tous sur le qui-vive à surveiller tout ce qui se passait pour être sûrs d’être prêts », a déclaré le capitaine de l’armée de l’air Kirby Wedan, pilote de MOOSE81, qui a mené la dernière formation de cinq avions.

    Le fait que leurs avions étaient stationnés dans une zone de l’aéroport qui avait déjà été attaquée et violée par le passé ajoutait au stress, dit-elle. A un moment de la nuit, un groupe de civils est entré sur l’aérodrome et a essayé d’atteindre l’avion, mais ils ont été arrêtés par les troupes de l’armée qui sécurisaient l’avion, a déclaré le Cdt Wedan, qui est le chef de la cellule de planification de mission de l’escadron.

    Juste derrière son C-17 se trouvait le MOOSE92, où Coleman, le directeur des opérations du 816th Expeditionary Airlift Squadron, passait en revue ses propres check-lists pour le décollage. Lorsqu’on lui a demandé de rouler un peu plus loin, il est sorti de l’avion pour aider à indiquer à l’équipage où aller.

    « J’avais mes NVG, mes lunettes de vision nocturne, et un corbeau derrière moi me suivait, s’assurant que j’étais, vous savez, en sécurité », a déclaré Coleman, faisant référence à un membre des forces de sécurité spécialement formées qui protègent les avions de l’Air Force. « C’était un peu tendu, je ne vais pas mentir. Mais je suppose que vous n’y pensez pas vraiment sur le moment. Vous faites simplement… ce pour quoi vous avez été formé. »

    Pendant plus de trois heures, ils ont méthodiquement passé en revue les quelque 300 points de leur liste de contrôle, emballant les quatre derniers hélicoptères Little Bird et s’assurant que leurs troupes et leur équipement étaient au complet.

    Depuis la base aérienne de Scott, dans l’Illinois, le général Jacqueline Van Ovost, commandant le commandement de la mobilité aérienne, a regardé sur des écrans vidéo les appareils s’aligner pour le décollage. Un écran montrait un défilement du flux de discussion mIRC – l’application de messagerie en ligne que les militaires utilisent pour communiquer. Et elle pouvait entendre les ordres du lieutenant-colonel Alex Pelbath, un pilote qui faisait office de commandant de mission pour le dernier départ.

    Un par un, chaque C-17 a reçu l’ordre de « clamshell », c’est-à-dire de fermer la rampe. Puis l’ordre final de Pelbath : « Videz la force. » Sur ces mots, Wedan a commencé à déplacer son C-17 sur la piste.

    « C’était vraiment différent. Je n’ai jamais été sur un aérodrome où je n’avais pas vraiment l’autorisation de décoller », a déclaré le Cne Wedan, notant l’absence de contrôle du trafic aérien dans la tour.

    Alors qu’ils décollaient en succession rapide, des acclamations ont éclaté parmi les troupes à bord – la plupart étant des forces d’opérations spéciales et des soldats de la 82e division aéroportée.

    « C’était un soulagement visible », a déclaré Wedan. « On pouvait voir qu’ils avaient travaillé très dur. Beaucoup d’entre eux ne s’étaient pas douchés depuis deux semaines. Ils étaient tous incroyablement fatigués. … On pouvait voir qu’ils étaient simplement soulagés d’être sortis de là et que leur mission était accomplie. »

    Lorsque le dernier C-17 a quitté l’espace aérien de Kaboul, le Cne Pelbath a délivré un message de bienvenue : « MAF Safe », une abréviation pour dire que les Forces aériennes de mobilité sont hors d’état de nuire.

    Le général de division Chris Donahue, commandant de la 82e division aéroportée de l’armée américaine, a été le dernier soldat à monter sur la rampe du dernier C-17 à partir. Il avait été chargé de la sécurité de la mission d’évacuation. Peu après le décollage des avions, il a envoyé son propre message : « Travail bien fait. Fier de vous tous ».

    Entassés sur le plancher de l’avion, les troupes épuisées ont trouvé des endroits pour dormir. « Tout le monde était assis les uns sur les autres – tout ce que nous pouvions faire pour les faire monter dans l’avion et les faire sortir », a déclaré Mme Wedan.

    En 30 minutes, dit-elle, la plupart des passagers de son avion étaient endormis. Coleman est d’accord.

    « Je suis descendu et on m’a prévenu de ne pas aller aux toilettes parce qu’il y avait trop de monde devant la porte des toilettes », raconte Coleman. « Il y avait un type qui avait une boîte de bouteilles d’eau qu’il utilisait comme oreiller. Je ne sais pas comment cela aurait pu être confortable. Mais, hey, il s’est endormi rapidement ».

    Leur vol vers le Koweït a duré environ quatre heures. Coleman a dit que son avion avait la chance d’avoir des toilettes supplémentaires. Celui de Wedan n’en avait qu’une, mais son équipage a distribué des bonbons.

    « Ils sont fatigués et ils se reposent maintenant. Mais je pense que, pendant deux semaines et demie, vous avez vraiment vu pourquoi beaucoup d’entre nous se sont engagés », a déclaré Coleman, qui s’est engagé en 2001 après les attaques du 11 septembre qui ont déclenché l’invasion américaine en Afghanistan. « Voir tout le monde se mobiliser pour que cela se produise en si peu de temps, pour que 124 000 personnes soient évacuées en moins de trois semaines. Je veux dire, je ne pourrais pas être plus fier d’être un pilote de C-17 aujourd’hui. »

  • Le western religieux

    Le western religieux

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    Madjid Khelassi

    L’armée américaine quitte l’Afghanistan après 20 ans de bivouacs inutiles. Le président potiche installé par les USA a fui comme un rat, et les Talibans rentrent dans Kaboul sans avoir tiré une cartouche.

    Des décennies de guerre, d’expérimentation, dans ce pays de pierres,- par un Occident jouant toujours au gendarme, et à l’expert, dans les parages du fanatisme, – finissent dans un lâchage US sans gloire.

    Les Talibans entrent dans Kaboul, a dit la télé . Les populations civiles empoignent leur mauvaise étoile en cavalant vers l’immense inconnu.

    Le tchador et la burqa (re) sortent des placards et les femmes sont les premières visées .

    Les femmes, agnelles du sacrifice de tous les despotismes et dominations, soumises au fatum des mâles, n’ont d’autre réalité que les sévices de leur chair, et d’autres certitudes que celle de leur condition.

    Bonnes à tout faire dans les Emirats ou dans les demeures cossues de Marrakech, de Djeddah et d’Istanbul , et de la majorité des capitales «musulmanes», elles sont les esclaves modernes d’un monde qui se «civilise».

    Filles de la guerre, en Afghanistan, elles subissent plus depuis toujours l’aveuglement des mâles …fagotés en guerriers et rancis dans leurs haines et leurs frustrations.

    Crimes et délation : sortez vos « mouchards » ! Les femmes qui se sont émancipées pendant 20 ans, paieront tout de suite .

    Les « desseins » animés pendant 20 ans par l’Amérique se sont avérés inutiles . Lâcheté et poudre d’escampette. Naufrage des repères et retour au messianisme : le bien et le mal plus que jamais mixés avec une morale douteuse.

    L’Afghanistan se gavera plus que jamais des avatars religieux, qui accentueront la traque de la femelle rebelle.

    Et le job premier est de sévir sur «les femme-diables», de les opprimer , de leur glisser dans l’âme la certitude d’avoir à se racheter des fautes qu’elles n’ont pas commise. Elles sont déjà la chair promise sur le grand caillou de la désespérance .

    Le western religieux, tourné dans le décor de pierres afghan, n’a pas fini de donner le mauvais rôle aux femmes afghanes. Shame on you…Pleutre Amérique.

    La Nation, 31/08/2021

  • L’Algérie et ses Talibans cachés

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    par Slimane Laouari

    Les Talibans reprennent le pouvoir en Afghanistan. En dehors de Daesh qui vient de l’exprimer à sa manière et avec ses moyens, il ne doit pas y avoir beaucoup d’entités politiques à exprimer aussi clairement et avec autant d’ostentation leur… bonheur que les islamistes algériens. Ce qui est « bien »— en tout cas accommodant — chez les islamistes, avec mention spéciale pour ceux d’Algérie, c’est qu’ils manquent rarement de cohérence.

    Quand il s’agit de s’exprimer sur les questions fondamentales, ils sont ainsi… sans surprise. Pas seulement s’exprimer mais aussi agir en conséquence quand ils ont la logistique opérationnelle, les troupes suffisantes et une conjoncture nationale, régionale ou internationale favorable.

    L’un impliquant l’autre, ils ne vous laissent, par contre, aucune illusion sur le sens de leurs sporadiques accès de tiédeur et sur les raisons qui les ont motivés. Ils peuvent faire le dos rond et conclure quelques alliances de conjoncture qui ne devraient pas leur ressembler. Mais ils n’omettent jamais de faire savoir à leurs adversaires que ceci n’est pas bien sérieux.

    Quant à leurs ouailles et leurs vrais alliés, ils les rassurent : dans le pire des cas, c’est une épreuve à passer. Dans le meilleur, c’est une autre ruse qui conforte leur entrisme, depuis un temps consacré comme modus operandi politique.

    Ainsi, non seulement ils ne cèdent rien sur l’essentiel mais entretiennent en même temps l’illusion qu’ils peuvent s’inscrire dans les idées que tout le monde leur dénie, du moins leur conteste. Parmi ces idées, il y a la plus importante : l’engagement à respecter le jeu démocratique.

    Mais les islamistes, il faudra peut-être les remercier pour ça, ne vous laissent jamais le temps de vous enflammer : ils sont démocrates mais… dans la foulée, ils veulent appliquer la Charia !

    À leur décharge également, il y a beaucoup de monde à les aider pour ce faire en Algérie. Le système politique avec tous ses régimes a souvent empêché leur arrivée au pouvoir plutôt que combattu leur projet, l’opposition démocrate leur trouve cycliquement des vertus et la société a fini par se ranger à leur gestion de la vie publique qui leur a été entièrement livrée pour usufruitier dans un deal tacite avec les gouvernants.

    En l’occurrence, il faut avouer qu’ils n’ont pas d’alliés mais souvent des… ralliés, sans jamais rien demander à personne. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant de les voir engagés dans la surenchère démocratique, évoquer les droits humains comme leur combat et… dénoncer la violence comme moyen d’action politique, de conquête du pouvoir et de gestion de la Cité.

    Et comme toujours, ils vous obligent tout de suite à l’apnée. Vous n’avez pas le temps de souffler et les voilà heureux de voir les… Talibans revenir aux affaires !

    Tout le monde a vu comment les Afghans sont aussi heureux. Tellement heureux que, terrorisés à l’idée de voir s’installer le nouveau pouvoir, ils l’ont fait savoir en s’accrochant aux ailes des avions comme des naufragés tentant d’attraper une bouée dérisoire.

    Le Soir d’Algérie, 29/08/2021

  • Afghanistan: Le pire se jouera à huis clos

    Afghanistan, Talibans,

    Alors que les évacuations des ressortissants occidentaux et de quelques afghans ayant servi les armées occidentales tirent à leur fin, l’Afghanistan semble à la porte d’un avenir où rien n’est sur et rien n’est définitif. La décision des Américains et de leur président de tirer un trait définitif sur l’Afghanistan est, en tout point de vue, non négociable et définitivement tranchée. Il reste bien sur quelques palabres d’acteurs de seconde zone, en particulier les Français, mais tout le monde sait qu’ils disparaîtront immédiatement après la sortie totale des Américains.

    Il restera alors dans ce pays meurtri, trois forces : les Talibans, l’Etat islamique, et les forces du fils du Shah Massoud , Ahmed Massoud dans le Panchir.

    Et entre les trois le peuple afghan qui devra encore une fois et pour longtemps vivre sous les diktat d’extrémistes prêts à tout pour garder la main sur un pays abandonné de tous et de toutes parts. Après les derniers attentats de l’aéroport de Kaboul, il devient clair qu’une longue guerre est en train de s’installer, encore une fois, dans ce pays. Entre les Talibans et les combattants de l’EI ce sera une guerre jusqu’à la mort, où il n’y aura ni vainqueur ni vaincu, mais un long affrontement qui fera revenir le pays aux années les plus sombres de son histoire.

    Aujourd’hui encore sous les projecteurs de l’actualité et des caméras du monde entier, l’Afghanistan finira par tomber dans l’oubli et dans l’anonymat d’ici quelques semaines. Et c’est pendant cette période que l’on assistera aux pires crimes pouvant être exécutés dans un pays. C’est pendant cette période que le peuple afghan aura à affronter les pires brimades, sévices et injustices qu’aucun peuple ne pourra subir au monde. Ce sera une guerre à huis clos où tous les coups seront permis entre des factions qui ne croient qu’à la force et au bruit des balles et des meurtres.

    Les Occidentaux qui seront déjà partis, après avoir échoué pendant de longues années à sortir l’Afghanistan de son sous développement et de son cycle permanant de la violence, regarderont de loin le gâchis qu’ils ont laissé derrière eux , et comme toujours refuseront de reconnaître une quelconque responsabilité. Ils seront déjà dans une autre partie du monde à parler de démocratie, de droits de l’homme et d’autres mensonges qui lui permettront de mettre d’autres pays sous leur coupe, pour faire avancer leurs causes et leurs intérêts, avant de partir et de laisser derrière d’autres drames et d’autres peules en plein désoeuvrement.

    Par Abdelmadjid Blidi

    Ouest Tribune, 30/08/2021

  • La Chine, le Pakistan et l’Inde se disputent l’Afghanistan

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    Analyse : la Chine, le Pakistan et l’Inde se disputent une place dans le nouveau Grand Jeu de l’Afghanistan

    23 août (Reuters) – Les empires russe et britannique se sont battus pour l’Afghanistan au XIXe siècle, et les États-Unis et l’Union soviétique au XXe. Alors que les talibans prennent le contrôle de cette nation stratégique et enclavée, le nouveau Grand Jeu contrôle le Pakistan, son allié la Chine cherchant à renforcer son emprise sur la région.

    Le Pakistan a des liens étroits avec les talibans et a été accusé de soutenir le groupe islamiste alors qu’il combattait le gouvernement soutenu par les États-Unis à Kaboul – accusations démenties par Islamabad. Lorsque les talibans ont capturé Kaboul la semaine dernière, le Premier ministre pakistanais Imran Khan a déclaré que les Afghans avaient brisé les « chaînes de l’esclavage ».

    Alors que les talibans tiennent des discussions pour décider de leur modèle de gouvernement, les médias ont indiqué que certains responsables pakistanais sont impliqués.

    Un porte-parole du ministère des Affaires étrangères à Islamabad a déclaré que le Pakistan souhaitait un règlement politique inclusif en Afghanistan qui garantisse la paix et la stabilité dans la région, mais a ajouté que « le rôle clé reste aux Afghans ».

    La Chine, sans aucune implication antérieure en Afghanistan mais une alliance forte avec le Pakistan, a tendu un rameau d’olivier aux talibans, séduits par les richesses minérales du pays , notamment ses importantes réserves de lithium, un composant clé des véhicules électriques. La Chine envisage également la possibilité d’une sécurité supplémentaire pour sa route terrestre étroite à travers les montagnes du Karakoram vers le Pakistan.

    Et puis il y a l’Inde – le vieil ennemi du Pakistan, qui est enfermé dans une impasse militaire avec la Chine le long de sa frontière contestée depuis plus d’un an. L’Inde était un soutien clé du régime renversé à Kaboul et alors que le Pakistan et la Chine deviennent des acteurs clés dans un Afghanistan dirigé par les talibans, la nervosité de New Delhi augmente.

    La Chine affirme cependant que son objectif principal en atteignant les talibans est de protéger sa région occidentale du Xinjiang des militants anti-Pékin du Mouvement islamique du Turkestan oriental (ETIM), qui pourraient chercher refuge en Afghanistan.

    « Alors que le Pakistan pourrait penser à tirer parti de l’Afghanistan contre l’Inde, ce n’est pas nécessairement le cas pour la Chine », a déclaré Zhang Li, professeur d’études sud-asiatiques à l’Université du Sichuan.

    « La principale préoccupation de la Chine est maintenant que les talibans (…) construisent un régime inclusif et modéré afin que le terrorisme ne déborde pas sur le Xinjiang et la région. Tout autre calcul reste à voir. »

    Le gouvernement américain affirme que l’ETIM n’existe plus en tant qu’organisation formelle et est plutôt une étiquette large que la Chine utilise pour opprimer divers groupes ethniques musulmans, y compris les Ouïghours, dans sa région du Xinjiang. La Chine nie toutes les accusations d’abus.

    La Chine a suspendu la perspective de fournir les deux choses dont les talibans ont besoin pour gouverner l’Afghanistan : une reconnaissance diplomatique et une infrastructure et une assistance économique indispensables, a déclaré Brahma Chellaney, professeur d’études stratégiques au Center for Policy Research de New Delhi.

    « Une Chine opportuniste est certaine d’exploiter la nouvelle ouverture pour faire des incursions stratégiques dans l’Afghanistan riche en minerais et approfondir sa pénétration au Pakistan, en Iran et en Asie centrale », a-t-il déclaré.

    SOUVENIRS AMERS

    Il y a eu beaucoup d’acclamations au Pakistan face à la déconvenue de l’Inde face à la tournure des événements, a déclaré Raza Ahmad Rumi, un commentateur politique, qui enseigne à Ithaca College à New York. Les deux pays ont mené trois guerres depuis qu’ils sont devenus des nations indépendantes lorsque le sous-continent a été divisé en 1947.

    « La jubilation au Pakistan observée sur les réseaux sociaux et les écrans de télévision était en grande partie liée à la perte de l’influence indienne, car les cercles politiques conventionnels considéraient (le président afghan Ashraf) les liens étroits de Ghani avec l’Inde comme une menace », a déclaré Rumi.

    L’Inde garde un souvenir amer du précédent passage au pouvoir des talibans de 1996 à 2001 et des liens du groupe avec le Pakistan.

    Un avion d’Indian Airlines a été détourné en 1999 et a finalement atterri à Kandahar, dans le sud de l’Afghanistan. New Delhi a libéré trois militants pakistanais de haut rang dans ses prisons en échange du retour des passagers et les talibans ont autorisé les pirates de l’air et les prisonniers libérés à se rendre au Pakistan.

    « Notre position aujourd’hui est de s’adapter à la réalité. Nous devons jouer le long jeu en Afghanistan. Nous n’avons pas de frontière contiguë mais nous y avons des enjeux », a déclaré Jayant Prasad, ancien ambassadeur indien à Kaboul.

    Au cours de l’année écoulée, alors que les talibans sont devenus une force dominante et que les négociations négociées par les États-Unis ont commencé à Doha, les diplomates indiens ont ouvert une ligne avec le groupe, ont déclaré des sources diplomatiques à New Delhi.

    « Nous parlons à toutes les parties prenantes », a déclaré l’un d’eux, mais n’a pas voulu entrer dans les détails des discussions. On a critiqué chez nous le fait que l’Inde ait mis tous ses œufs dans le panier du gouvernement Ghani alors que les États-Unis eux-mêmes avaient entamé des pourparlers avec les talibans, et que New Delhi l’a quitté trop tard.

    ‘PAS UNE REPRISE’

    Pourtant, l’Inde en tant qu’acteur économique majeur peut être attrayante pour les talibans, cherchant à éviter une dépendance excessive à l’égard de la Chine, a déclaré la source.

    L’Inde a des projets de développement dans chacune des 34 provinces afghanes, petites et grandes, y compris le bâtiment du parlement à Kaboul qu’elle a construit, qui a été envahi par des talibans armés après avoir envahi la ville la semaine dernière.

    Myra MacDonald, auteur de trois livres sur l’Asie du Sud et ancienne journaliste de Reuters, a déclaré que si la prise de contrôle des talibans était un revers pour l’Inde, ce n’était pas fini pour New Delhi.

    « Ce n’est pas une répétition du passé. Tout le monde va faire beaucoup plus attention cette fois à laisser le terrorisme islamiste en Afghanistan exploser comme avant le 11 septembre. »

    « De plus, en termes relatifs, l’Inde est beaucoup plus forte économiquement que le Pakistan cette fois-ci. »

    Un haut responsable des talibans a déclaré à Reuters que l’Afghanistan appauvri avait besoin de l’aide des pays de la région, dont l’Iran, ainsi que des États-Unis et de la Russie.

    « Nous attendons d’eux qu’ils nous aident, qu’ils soutiennent nos populations, en particulier le secteur de la santé et surtout le secteur des affaires et le secteur minier », a déclaré Waheedullah Hashimi, qui a accès à la prise de décision du groupe.

    Reuters

  • Ces monstrueux talibans et nous

    Afghanistant, OTAN, Talibans,

    On aurait dit un écho d’un passé colonial. À l’époque, les journaux publiaient des informations alarmantes chaque fois qu’il y avait une révolte de « barbares » contre l’autorité coloniale : les Boxers en Chine, les Mau-Mau au Kenya, les Simbas au Congo. Tous, sans exception, des barbares qui osaient se révolter contre la chrétienté, la civilisation et les droits de l’homme (dans cet ordre précis), imposés par les maitres occidentaux dans les colonies, dans le même temps qu’ils y terrorisaient les populations et y pillaient les matières premières.

    Les titres des infos de la semaine écoulée ont tous été du genre : les fondamentalistes islamistes talibans sont de retour. Les barbares talibans s’emparent des villes l’une ville après l’autre, Kaboul tombe dans leurs mains. Dans un laps de temps d’une dizaine de jours, le régime installé par l’Occident dans ce pays s’est enfui et une armée de 300 000 hommes s’est rendue à une armée de guérilla de quelque 75 000 hommes.

    La rapidité des événements a surpris tout le monde. Même si tous ceux qui avaient quelque peu suivi la guerre savaient qu’une défaite de l’Occident était inéluctable. Il y a dix ans, à l’aide de documents secrets, Wikileaks[1] montrait déjà que la résistance des Talibans était en train de gagner et qu’elle était bien répandue dans tous les coins du pays. Matthew Hoh, un capitaine de l’armée américaine qui avait démissionné en septembre 2009 pour protester contre la guerre en Afghanistan, décrivait comme suit la résistance dans ce pays : « La révolte pashtoun est composée d’innombrables groupes locaux. Elle est soutenue par le peuple qui se tourne contre des siècles d’agression contre son pays, sa culture, ses traditions, sa religion. Selon moi, la grande majorité des insurgés ne se battent pas pour le drapeau blanc des talibans, mais plutôt contre la présence de soldats étrangers et contre les impôts et taxes qui leur ont été imposés par un gouvernement non représentatif installé à Kaboul. »[2]

    Les États-Unis (EU) et leurs alliés, dont la Belgique, sont en train de subir une défaite historique comparable, sinon plus sévère encore, à la défaite de 1975 contre le Vietcong communiste et les Nord-Vietnamiens.

    Exactement comme lors de la retraite honteuse de l’époque, nous entendons de savants professeurs et autres spécialistes expliquer que les Américains commettent une erreur historique en se retirant de la sorte et en abandonnant à leur sort le pays et sa population. Tous les acquis démocratiques, disent-ils, comme les droits de la femme, qui y ont été introduits par l’Occident au cours des vingt années écoulées, risquent d’être perdus. À l’instar du cobalt, du lithium et autres minéraux dont l’Afghanistan regorge, ajoutait sans sourciller ni rougir un spécialiste perspicace.
    Et nous sommes naturellement animés de préoccupations humanitaires et nous sommes aussi de grands défenseurs des droits de l’homme, mais cela aussi a ses limitations : ce qui nous intéresse le plus, c’est la façon de pouvoir endiguer ces afflux de réfugiés qui nous arrivent. Et la façon de pouvoir empêcher que le terrorisme reprenne vigueur dans nos pays, maintenant que les talibans sont de retour au pouvoir. Et, ici, on oublie de mentionner que c’est précisément la guerre contre l’Afghanistan qui a déclenché bien plus d’attentats en Europe que ce ne fut jamais le cas dans la période antérieure.

    À propos des droits de la femme

    En ce qui concerne les commentaires humanitaires sur l’Afghanistan, je me demande pourquoi cette même coalition occidentale qui avait envahi l’Afghanistan, allait, deux ans plus tard, balayer également l’Irak de la carte, alors qu’on y respectait bel et bien les droits de la femme. On se demande pourquoi un pays comme l’Arabie saoudite, qui foule au pied ces mêmes droits de la femme, fait toujours partie du cercle de nos proches amis. Pourquoi permettons-nous que la population palestinienne de Gaza soit enfermée dans une prison à ciel ouvert, sans eau ou électricité à suffisance : n’y a-t-il pas là des femmes et des enfants aussi ?

    Ou cette réflexion, également : les droits de la femme en Occident ont-ils jamais été arrachés grâce à l’intervention d’une puissance étrangère ? Notre pays a-t-il été bombardé afin d’être forcé d’accorder aux femmes le droit de vote en 1948, ou d’y permettre aux femmes d’ouvrir un compte bancaire sans l’accord de leur mari, un droit qui ne leur a été accordé qu’en 1976 ? La France a-t-elle été bombardée parce que, jusqu’en 1965, les femmes ne pouvaient pas y avoir un emploi sans le consentement de leur mari ? Ou veut-on nous dire que les femmes afghanes sont une fois pour toutes plus arriérées que les femmes occidentales ?

    On oublierait presque pourquoi tout cela a commencé il y a vingt ans

    La déclaration de guerre des EU à l’Afghanistan en 2001 n’avait strictement rien à voir avec le fait d’apporter la civilisation ou avec les droits des femmes ou des enfants. Mais tout à voir avec la vengeance de l’Occident en raison des attentats de New York, le 11 septembre 2001. Une vengeance exercée contre l’un des pays les plus pauvres de la planète. Une vengeance contre une population de quelque 28 millions d’humains. Contre cette guerre, les talibans ont tenté de se défendre par tous les moyens. Tels qu’ils sont décrits dans le livre « My Life with the Taliban » (Ma vie avec les talibans) d’Abdul Salam Zaeef, l’ambassadeur afghan des talibans au Pakistan.

    L’Amérique avait désigné Osama Bin Laden, qui se trouvait en territoire afghan, comme responsable des attentats de New York. À l’époque, la chasse à Bin Laden avait cours depuis quelques années déjà. Les attentats de 1998 contre les ambassades des EU à Nairobi et en Tanzanie avaient valu à Bin Laden une place bien en vue sur la liste américaine des « 10 most wanted » (les 10 personnages les plus recherchés). Après ces attentats, le président de l’époque, Bill Clinton, avait fait tirer des roquettes sur l’Afghanistan et de lourdes sanctions économiques avaient été imposées au pays. Les EU exigeaient la livraison d’Osama Bin Laden. Il n’existait pas d’accord d’extradition entre les EU et l’Afghanistan et, par conséquent, le gouvernement des talibans répondit à la demande américaine en trois points.

    Un. Si les EU peuvent prouver qu’Osama Bin Laden est responsable des attentats, ils doivent dans ce cas déposer ces preuves auprès de la Cour suprême de justice en Afghanistan. Si ces preuves sont réelles, Bin Laden sera châtié selon la charia islamique.

    Deux. Si la chose n’est pas acceptable pour les EU, du fait qu’ils ne reconnaissent pas l’État islamique de l’Afghanistan, ce dernier propose alors de désigner trois procureurs de trois pays islamiques et de le juger dans un quatrième pays islamique. L’Amérique pourra y plaider sa cause contre Bin Laden. Si celui-ci est déclaré coupable, il sera condamné pour ses actes criminels.

    Trois. Si cela aussi est inacceptable aux yeux des EU, l’Afghanistan promet alors de priver Bin Laden de tous les moyens le mettant en mesure d’avoir quelque portée à l’étranger et de lui permettre de ne mener qu’une simple existence de réfugié en Afghanistan.

    L’Amérique allait balayer de la main ces trois propositions et elle exigea la livraison inconditionnelle de Bin Laden. Il n’y eut même pas de contre-proposition de désigner un tiers pays qui aurait pu juger Bin Laden. Pas plus que l’option de la Cour internationale de justice à La Haye ne s’avéra acceptable pour les EU. Cette position américaine était inadmissible, pour les talibans. Ils déclarèrent à juste titre que cela signifierait que les EU auraient les coudées franches pour faire extrader n’importe qui dans le monde entier. Et que le point de vue des EU signifiait que, selon eux, il n’existait pas de justice dans le monde islamique et que ce dernier n’était pas en mesure de protéger les droits du peuple et de sanctionner les criminels.

    Après les attentats contre les ambassades, le ministère afghan des Affaires étrangères écrivit, dans une lettre adressée à l’ambassade des EU au Pakistan que « l’Afghanistan n’a pas l’intention d’infliger des torts aux EU, ni maintenant, ni non plus à l’avenir. Nous ne soutenons pas d’agression contre les EU sous quelque forme que ce soit et nous empêcherons également quiconque d’utiliser le territoire afghan en vue d’une telle agression. » Cela ne servit à rien.

    Puis il y eut les attentats de New York, le 11 septembre 2001

    Après les attentats de New York, les autorités afghanes organisèrent le plus vite possible une conférence de presse et elles condamnèrent les attentats dans un communiqué officiel : « Au nom de Dieu le bienfaisant et le miséricordieux, nous condamnons on ne peut plus sévèrement ce qui s’est passé aux EU contre le World Trade Center et le Pentagone. Nous partageons le deuil de tous ceux qui ont perdu des êtres chers lors de ces attentats. Tous ceux qui en sont responsables doivent être traînés devant la justice. Nous voulons que justice soit faite et nous demandons à l’Amérique d’être patiente et prudente dans les actions qu’elle a l’intention d’entreprendre. » En effet, les talibans avaient rapidement compris déjà qu’ils allaient de retrouver dans le collimateur des EU. Même si le principal dirigeant des talibans, le mollah Mohammad Omar, avait à l’époque un avis différent sur la question. Il estimait qu’il n’y avait que « 10 pour 100 de chances que les EU aillent plus loin que des menaces » et que « une attaque était improbable ». Et que l’Afghanistan, exactement comme en 1998, devait attendre des preuves contre Bien Laden pour entreprendre plus avant des actions contre lui.

    L’ambassadeur de l’Afghanistan au Pakistan adresse au nom de talibans une lettre à Bush et à la Maison-Blanche dans laquelle il expliquait à quel point la situation était dramatique dans le pays, après vingt ans de guerre incessante et de lutte interne. Et comment la population était confrontée à la faim, à la sécheresse et aux flux de réfugiés : « Nous avons tout perdu au cours de la guerre. Nous n’avons pas de pouvoir politique ou économique. Nous ne voulons plus combattre et nous ne disposons plus non plus de la force pour le faire. Nous demandons le dialogue, pas la guerre. »

    Rien n’y fit.

    L’opération « Enduring Freedom » (liberté immuable)
    Les EU ne voulaient absolument pas d’une action policière ou juridique en vue d’arrêter et de juger les auteurs des attentats de New York. Ils voulaient assouvir leur vengeance, et tout de suite, encore. Ils ne se contentaient plus de la seule extradition de Bin Laden, mais ils voulaient également un accès illimité à n’importe quel endroit de l’Afghanistan en vue de faciliter les opérations de recherche de l’armée américaine. De plus, le gouvernement taliban devait démissionner et une large coalition qui respectait les droits des citoyens et ceux des femmes devait reprendre le pouvoir.

    Le 7 octobre 2001, sous le nom de « Operation Enduring Freedom », une monstrueuse coalition dirigée par les EU envahit l’Afghanistan. Selon l’Otan, il s’agissait de « l’une des plus grandes coalitions de l’histoire, composée de 130 000 soldats en provenance de 50 pays, soit de l’Otan, soit alliés ».[3] Ce qui devait être une guerre éclair pour éliminer Al Qaida et renverser les talibans qui lui avaient prêté le couvert, allait se muer en une guerre longue de vingt ans.

    Une guerre que l’Otan, sous la direction des EU, pensait gagner grâce à sa supériorité technologique, en effectuant des bombardements massifs à l’aide d’avions et de drones, en s’enfermant dans des bases militaires coupées de la population et d’où elle lancerait ses attaques. Tout cela alla de pair avec des arrestations de masse et la torture des détenus dans la base militaire de Bagram, suivies de l’ouverture du camp de torture de Guantanamo, à Cuba, destiné à quelque huit cents musulmans afghans et internationaux accusés de terrorisme. Les talibans échappèrent en grande partie aux bombardements et aux arrestations en se repliant sur un territoire frontalier au Pakistan. En 2009, les EU obligèrent le Pakistan d’évacuer ce territoire et d’enfermer ainsi quelque 250 000 personnes dans des camps de réfugiés. Et c’est ce qui arriva, effectivement. Une mesure qui ne fit qu’accroître encore la haine parmi la population. Entre-temps, en Afghanistan, les vieux talibans qui s’étaient réfugiés au Pakistan au cours des vingt années écoulées avaient été renouvelés par de jeunes combattants, qui se déplaçaient parmi la population campagnarde comme des poissons dans l’eau. Ils opéraient comme une armée de guérilla, y compris en effectuant dans attentats meurtriers dans les villes aussi. Même s’il n’y a aucune comparaison entre les idéologies, écrivait Tariq Ali dans The Guardian en 2012, ils opéraient exactement comme les armées de guérilla vietnamienne, chinoise ou cubaine, de la même manière que Giap, Mao ou Che Guevara.

    Le coût humain et financier de la guerre fut horrible. Selon l’un des instituts de recherche sur la guerre, entre 218 000 et 241 000 personnes perdirent la vie en conséquence directe de ces 20 années de guerre.[4] Sept ans après le début de la guerre, Oxfam écrivit que les EU « avaient dépensé 65 000 dollars par minute pour vaincre les talibans ».[5] Le coût de la guerre allait s’élever à quelque 2 000 milliards de dollars. Et, pendant toutes ces années, 60 pour 100 de la population afghane des campagnes fut sans travail.

    Pas d’enquête sur les crimes des « porteurs de civilisation »

    Prenons quelques exemples venus de la province de Kunduz. Peu de temps après l’invasion américaine en 2001, les guerriers talibans se rendirent aux troupes américaines et au général Rashid Dostum.

    Ce dernier devint plus tard le premier vice-président de l’Afghanistan et, plus tard encore, maréchal de l’armée sous l’actuel président Ghani. Dostum fit alors enfermer les prisonniers talibans dans des containers métalliques. La majorité des 2 000 prisonniers étouffèrent et ceux qui avaient survécu furent abattus sans autre forme de procès.[6] Huit ans plus tard, à Kunduz également, les avions de la coalition larguèrent des bombes sur une foule de personnes qui transvasaient de l’essence de deux camions-citernes immobilisés près d’un passage de rivière. Au moins 142 civils furent brûlés vifs.[7] En 2015, toujours à Kunduz, un hôpital dirigé par Médecins sans frontières (MSF) fut complètement pulvérisé par des tirs en provenance d’un navire de guerre américain. Au moins 42 patients et membres du personnel médical perdirent la vie et de nombreuses autres personnes furent blessées.

    Le 11 mars 2012, le sergent américain Robert Bales massacra deux familles afghanes, 16 personnes en tout, dans les villages de Balandi et d’Alkozai dans le sud de l’Afghanistan. Après cela, il incendia les corps. Sumad Khan, un fermier afghan, perdit 11 membres de sa famille, dans cette tuerie : sa femme, quatre gamines de deux à six ans, quatre fils de huit à douze ans ainsi que deux proches parents.[8] Je ne connais pas les noms de ces enfants afghans. Et il est probable que nous ne les connaîtrons jamais.

    Pour rappel, la complicité belge

    Avant que la guerre ne commence, l’ambassadeur afghan au Pakistan s’était plaint de l’attitude arrogante de l’ambassadeur belge : « J’ai un bon contact avec tous les ambassadeurs », écrit-il. « Seuls, les ambassadeurs d’Allemagne et de Belgique sont impolis, brutaux et arrogants. Tous deux n’avaient que des préjugés à notre égard et la question des femmes était la seule chose dont ils voulaient discuter. » En 2008, après sept années de participation à la guerre en Afghanistan, la Belgique décida d’encore y accroître son engagement. À la Chambre des députés, le ministre de la Défense de l’époque, De Crem, répondit ce qui suit aux critiques prudentes des partis Écolo / Groen et des socialistes flamands : « Vous êtes isolés. Vous vous situez dans le camp d’Osama Bin Laden et de ses amis les poseurs de bombes et les violeurs. Vous êtes des alliés objectifs de ces poseurs de bombes et de ceux qui coupent les oreilles des filles lorsqu’elles veulent aller à l’école. Vos propos sont déraisonnables et sans respect pour les soldats belges qui sont présents là-bas. » Le 28 janvier 2011, on pouvait lire dans le quotidien Le Soir : « En trois ans, entre la période Flahaut (PS) et la période De Crem (CD&V), le nombre total de militaires belges en Afghanistan a augmenté, passant de 360 à 626. »

    Du 6 au 8 octobre 2013, sous la direction du ministre de la Défense et de quelques généraux, une délégation composée de membres des partis CD&V, CDH, MR, Open VLD, N-VA, Écolo / Groen, PS et Vlaams Belang rendait visite aux soldats belges en Afghanistan. Cette visite parlementaire se terminait par un discours d’un représentant du Vlaams Belang : « Le président de la Commission, Monsieur Filip De Man (Vlaams Belang) s’est adressé aux militaires belges au nom de toute la délégation. Il a exprimé son admiration pour le professionnalisme avec lequel les soldats exécutent leur mission et les a remerciés pour cette visite mémorable. Il a insisté sur le fait que, selon l’adage ‘une image en dit davantage que mille mots’, une visite aux troupes en opération est très enrichissante pour une profonde compréhension du contexte local. »[9]

    Au cours des mois et des jours qui ont précédé le retrait américain, tous les militaires européens encore présents ont quitté l’Afghanistan en toute discrétion, sur la pointe des pieds, pourrait-on dire. Associated Press (AP) a publié une liste d’un genre que nous ne sommes absolument pas habitués d’avoir sous les yeux. Cette liste est établie comme suit : « Ont quitté l’Afghanistan : l’Allemagne, la Pologne (33 000 Polonais y ont combattu au cours des 20 années écoulées), la Roumanie, l’Italie (53 soldats tués, 723 blessés), la Géorgie, la Norvège, le Danemark, l’Estonie et les Pays-Bas. L’Espagne s’en est allée le 13 mai, la Suède le 25 mai, la Belgique le 14 juin. De même, le Portugal, la Tchéquie, la Slovénie, la Finlande, l’Albanie, la Macédoine du Nord et le Luxembourg ont rappelé leurs petits contingents. »[10]

    Quel épilogue honteux pour une monstrueuse coalition constituée en vue d’une guerre criminelle !

    Notes

    [1] https://wikileaks.org/wiki/Afghan_War_Diary,_2004-2010

    [2] https://www.theguardian.com/commentisfree/2010/jul/30/no-secret-pakistan-taliban

    [3] https://www.nato.int/cps/en/natohq/topics_8189.htm

    [4] https://watson.brown.edu/costsofwar/figures/2021/human-and-budgetary-costs-date-us-war-afghanistan-2001-2021

    [5] https://www.thenewhumanitarian.org/feature/2008/02/27/poverty-pushing-youth-arms-taliban

    [6] https://economictimes.indiatimes.com/news/defence/warlord-abdul-rashid-dostum-back-in-the-fray-as-taliban-overwhelm-afghan-north/articleshow/8526930

    [7] https://www.wsws.org/en/articles/2021/08/10/pers-a10.html

    [8] https://kifkif.be/cnt/artikel/van-oslo-utoya-tot-toulouse-montauban-de-horror-van-de-oorlog-haalt-europa-2315

    [9] http://www.pieterdecrem.be/index.php

    [10] https://apnews.com/article/europe-afghanistan-health-coronavirus-pandemic-9c1c4f5732c032ba85865aab0338a7a3

    Luk Vervaet, De monsterlijke Taliban en wij.

    Article traduit du néerlandais par Jean-Marie Flemal

    Source: le blog de Luk Vervaet

  • Après Kaboul, Biden a-t-il déçu ses alliés européens?

    Après Kaboul, Biden a-t-il déçu ses alliés européens?

    Joe Biden, Etats-Unis, Union Européenne, UE, Afghanistan, OTAN, Talibans,

    Les alliés ont salué Biden. Kaboul a-t-il mis à nu la « grande illusion » ?

    BRUXELLES (AP) – Bien avant que le président américain Joe Biden n’entre en fonction au début de l’année, le responsable de la politique étrangère de l’Union européenne a chanté ses louanges et salué une nouvelle ère de coopération. La quasi-totalité des alliés occidentaux de Washington ont fait de même.

    Josep Borrell, de l’UE, était heureux de voir la fin de l’ère Trump, avec sa politique de l’Amérique d’abord, et parfois de l’Amérique seulement, enthousiasmé par l’affirmation de Biden selon laquelle il allait « diriger, non pas simplement par l’exemple de notre puissance, mais par la puissance de notre exemple. »

    L’effondrement de Kaboul dimanche, déclenché par la décision de Biden de se retirer de l’Afghanistan et une armée américaine incapable de contenir le chaos depuis, a certainement mis un terme à cela. Même certains de ses plus grands fans émettent désormais des critiques.

    M. Borrell en fait partie, cette fois-ci en raison de l’affirmation de M. Biden selon laquelle « notre mission en Afghanistan n’a jamais été censée être la construction d’une nation », dans le sillage des efforts déployés par l’Occident au cours des deux dernières décennies pour semer les graines de l’État de droit et assurer la protection des femmes et des minorités.

    « La construction de l’État n’était pas le but ? C’est discutable », a déclaré M. Borrell, dépité, à propos de la position de M. Biden, qui a été critiquée dans une grande partie de l’Europe.

    Et pour de nombreux Européens rompus à la diplomatie du soft power pour exporter les valeurs démocratiques occidentales, l’affirmation de M. Biden selon laquelle « notre seul intérêt national vital en Afghanistan reste aujourd’hui ce qu’il a toujours été : empêcher une attaque terroriste contre la patrie américaine » aurait pu être tirée d’un discours de M. Trump.

    Le président du Conseil de l’UE, Charles Michel, a souligné les différentes positions en déclarant dans un tweet jeudi que « les droits des Afghans, notamment des femmes et des filles, resteront notre principale préoccupation : tous les instruments de l’UE pour les soutenir doivent être utilisés ».

    La parlementaire française Nathalie Loiseau, ancienne ministre de l’Europe du président Emmanuel Macron, a exprimé plus crûment la déconnexion inattendue entre l’UE et Biden : « Nous avons un peu vécu la grande illusion », a-t-elle déclaré. « Nous pensions que l’Amérique était de retour, alors qu’en fait, l’Amérique se retire ».

    La situation n’était pas meilleure en Allemagne, où un membre éminent du bloc de l’Union de centre-droit de la chancelière allemande Angela Merkel, le gouverneur de Bavière Markus Soeder, a appelé Washington à fournir des fonds et un abri à ceux qui fuient l’Afghanistan, car « les États-Unis d’Amérique portent la principale responsabilité de la situation actuelle. »

    Même au Royaume-Uni, qui s’est toujours enorgueilli de sa « relation spéciale » avec Washington et qui, aujourd’hui plus que jamais, a besoin de la bonne volonté des États-Unis pour surmonter l’impact de sa sortie de l’UE, les critiques fusent de toutes parts.

    L’ancien chef de l’armée britannique Richard Dannatt a déclaré que « la manière et le moment de l’effondrement de l’Afghanistan sont le résultat direct de la décision du président Biden de retirer toutes les forces américaines d’Afghanistan avant le 20e anniversaire du 11 septembre ».

    « D’un seul coup, il a sapé le travail patient et minutieux des cinq, dix, quinze dernières années pour construire la gouvernance en Afghanistan, développer son économie, transformer sa société civile et renforcer ses forces de sécurité », a déclaré Dannatt mercredi au Parlement.

    « Le peuple avait un aperçu d’une vie meilleure – mais cela a été arraché ».

    Biden a pointé du doigt l’accord de l’administration Trump négocié avec les talibans 18 mois plus tôt à Doha, au Qatar, qui, selon lui, l’obligeait à retirer les troupes américaines, comme préparant le terrain pour le chaos qui engloutit maintenant le pays.

    Néanmoins, le fait que M. Biden rejette la plus grande partie de la responsabilité sur les forces afghanes qui ne protègent pas leur pays n’a pas non plus été bien accueilli par les alliés occidentaux.

    Le député conservateur Tom Tugendhat, qui a combattu en Afghanistan, a été l’un des nombreux législateurs britanniques à s’offusquer.

    « Voir leur commandant en chef remettre en question le courage des hommes avec lesquels j’ai combattu, prétendre qu’ils ont fui, c’est honteux », a déclaré Tugendhat.

    Chris Bryant, du parti travailliste d’opposition, a qualifié les remarques de Biden sur les soldats afghans de « commentaires parmi les plus honteux jamais tenus par un président américain. »

    À Prague cette semaine, le président tchèque Milos Zeman a déclaré qu’ »en se retirant d’Afghanistan, les Américains ont perdu leur statut de leader mondial. »

    Mais malgré toutes les critiques, il est impossible de se passer des États-Unis sur la scène mondiale. L’Amérique reste vitale pour les alliés occidentaux dans toute une série d’autres dossiers, notamment celui de l’action contre le réchauffement climatique.

    Après les catastrophes climatiques qui ont frappé une grande partie de la planète cette année, l’Union européenne comptera beaucoup sur M. Biden pour prendre des mesures efficaces lors de la conférence mondiale COP26 qui se tiendra en novembre à Glasgow, en Écosse, afin d’accélérer la lutte contre le réchauffement climatique.

    L’Europe et Washington ont également suffisamment de désaccords commerciaux à régler pour se rendre compte que, malgré la débâcle de l’Afghanistan, il y a beaucoup plus de choses qui les unissent que de choses qui les divisent. La puissance et l’aide américaines restent nécessaires, même en Afghanistan.

    Avant la réunion des ministres des Affaires étrangères de l’OTAN de vendredi, certains pays de l’Alliance ont reconnu qu’ils allaient plaider auprès de Washington pour qu’il reste en Afghanistan encore plus longtemps qu’il ne le faudrait pour ramener tous les citoyens américains chez eux, voulant s’assurer que leurs ressortissants en sortent aussi.

    « Nous, ainsi qu’un certain nombre d’autres pays, allons demander aux Américains de rester aussi longtemps que possible, voire plus longtemps que nécessaire », a déclaré Sigrid Kaag, ministre néerlandaise des Affaires étrangères.

    Associated press, 19/08/2021

  • 20 ans après, débâcle américaine en Afghanistan

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    par Abdelhak Benelhadj

    C’est fini. La première puissance militaire du monde a été boutée hors d’Afghanistan par des combattants d’un pays pauvre, sous-développé, armés seulement et pour l’essentiel de leurs convictions. Une leçon qui sera difficile à digérer par les états-majors des nations développées et moins développées.

    La narco-économie1, désorganisée, profondément pénétrée par la corruption et l’iniquité, minée par des luttes intestines qui s’appuient sur le clientélisme féodal et les liens complexes entre chefs de guerre, chefs de tribus et multiples intervenants publics et privés étrangers, rappelant les « guerres de l’opium (de la Chine contre la GB au milieu du XIXème siècle), la « guerre des Boxers » (1899-1901) et le bourbier vietnamien, a fini par voler en éclats.

    Liz Cheney, élue républicaine, a bien résumé la déroute de son pays, s’inquiétant qu’elle ne dégrade durablement l’image de l’Amérique, n’inspirant plus ni crainte à leurs adversaires ni confiance à leurs « alliés ».

    « C’est inexcusable. C’est catastrophique. Et cela est porteur de conséquences pas seulement pour l’Afghanistan, pas seulement pour la guerre contre le terrorisme, mais de façon globale pour le rôle de l’Amérique dans le monde ». La défaite américaine signifie « que les rivaux de l’Amérique [sous-entendu la Russie et la Chine] savent qu’ils peuvent nous menacer, et nos alliés s’interrogent ce matin sur le fait de savoir s’ils peuvent compter sur nous pour quoi que ce soit » (D. 15 août 2021).

    La portée de cet événement est encore difficile à mesurer. Quoi qu’il en soit, il n’était pas nécessaire d’attendre l’inéluctable retrait des armées américaines d’Afghanistan pour constater et anticiper une redistribution des rapports de forces à l’échelle mondiale, avec les pays occidentaux en difficulté dans des domaines où ils dominaient sans partage.

    La gestion de la pandémie en cours a montré les déficits considérables des Etats-Unis hors d’état de faire face à ce défi. Ordinairement prompts à venir au secours du monde, ils se sont avérés incapables de résoudre leurs propres problèmes.

    D. Trump avait même interdit que le moindre masque, test ou vaccin soit exporté, fût-ce vers un pays allié. Il s’est même permis de détourner vers son pays, sur un tarmac chinois, fin mars 2020, des articles destinés à la France.

    Heureusement, les autorités françaises, alliées fidèles, ne sont pas rancunières…

    En Afghanistan, en ce 16 août 2021, s’est joué plus qu’une défaite militaire occidentale infligée à une coalition dirigée par la première puissance de la planète.

    CHRONOLOGIE D’UNE FAILLITE MORTIFÈRE

    Quelques dates seraient bien insuffisantes pour résumer la guerre la plus longue que les Etats-Unis aient entreprise hors de leur territoire. Ci-après quelques repères.

    11 septembre 2001 : effondrement des twin-tower à Manhattan, abattues par deux avions de ligne, provoquant la mort de 2 977 personnes.

    14 septembre 2001. Les États-Unis et le Royaume-Uni désignent ouvertement Oussama Ben Laden comme responsable. Ils exigent des Talibans son extradition.

    18 septembre 2001. Le Conseil de sécurité des Nations unies demande aux Talibans d’appliquer la résolution no1 333 et d’extrader Oussama Ben Laden devant les autorités compétentes.

    Les Américains nationalisent la guerre contre les Talibans et la placent sous leur contrôle exclusif. Ils refusent ainsi à l’ONU le droit de la diriger et même de la surveiller (notamment grâce à un amendement permettant d’empêcher que des soldats américains puissent être déférés devant la Cour Pénale Internationale à laquelle les Etats-Unis ne reconnaissent aucune aptitude à juger leurs ressortissants qui relèvent de leurs seules lois nationales).

    07 octobre 2001 : Déclenchement de la guerre en Afghanistan. Une armada déferle sur l’Afghanistan par terre, air et mer (ainsi qu’il en sera de l’Irak moins de deux plus tard). Bombardements aériens (par des B1 et B52) et tirs de missiles de croisière (BGM-109 Tomahawk). 4 porte-avions sont mis à contribution avec de nombreux bâtiments accompagnés de sous-marins. Faite de bric et de broc, une alliance du nord disparate dont l’efficacité et la réputation surfaite en Europe, apporte un concours relatif qui n’a qu’une valeur politique. 2

    Une armée de près de 100 000 soldats au plus fort de la présence américaine en 2011.

    13 novembre 2001 : Chute de Kaboul.

    05 décembre 2001 : Conférence internationale à Bonn où sont exposés les buts de guerre. Désormais, l’Afghanistan va subir un programme de modernisation, de démocratisation, de pacification dans le cadre d’un « Nouveau Moyen Orient » que les Etats-Unis et leurs alliés se proposent d’entreprendre. Ce « nation building », dans les cartons depuis longtemps, échafaudé par les « faucons » qui gravitaient autour des décideurs à Washington3, allait enfin prendre forme. Samuel Huntington et sa guerre des civilisations4 retrouvaient là une conception ancienne de la colonisation bienfaitrice et civilisatrice qu’un Jules Ferry n’aurait pas reniée.

    En Irak, deux ans plus tard, le laboratoire allait ouvrir une succursale et de nouvelles horreurs expérimentales allaient être conduites. Les « filiales » allaient se multiplier à Abou Ghraïb, à Guantanamo et dans de nombreux pays qui ferment les yeux sur ce qui se passe chez eux…

    Viendra un jour où tous ces crimes seront jugés. Au moins devant le tribunal de l’histoire.

    11 août 2003 : En prenant le commandement de la Force internationale d’assistance à la sécurité (ISAF) à Kaboul, l’Otan entame sa première opération hors des frontières européennes en 54 ans d’existence. L’Organisation change de dimension et se place à l’échelle mondiale. Mais l’important ici tient au poids des images et des mots-clé : les Etats-Unis avaient le besoin de construire et de crédibiliser une « communauté internationale » nécessaire à la conduite de sa politique, aussi bien à l’attention de ses ennemis qu’à celle de sa propre opinion publique, toujours rétives aux interventions militaires à l’étranger. La guerre du Vietnam a laissé des traces indélébiles.

    L’écrasante majorité des moyens matériels et humains est américaine. Le reste des figurants est là surtout pour la com’.

    31 décembre 2014. Le retrait des forces de combat de l’Otan s’achève.

    29 février 2020. Après plusieurs mois d’échanges discrets, les talibans signent avec les États-Unis l’Accord de Doha, fixant les conditions du retrait des troupes occidentales dans les quatorze mois (avec des clauses secrètes).

    Les Talibans ont assuré (mais sans aucune garantie) que ceux qui ont travaillé pour le régime et l’occupation étrangère ne seront pas inquiétés. Ils se sont aussi engagés à protéger les étrangers humanitaires et non militaires. Là aussi sans aucune garantie.

    Remarque : J. Biden, lundi 16 août, pour expliquer la défaite de son pays, a mis sur le dos du gouvernement afghan et de son armée (« pourtant soutenue et financée par Washington »), leur inaptitude et leur incapacité de former une autorité capable de faire face aux Talibans.

    Il oublie que les Etats-Unis ont négocié leur retrait avec les Talibans à Doha à l’insu et en l’absence du gouvernement afghan. Comment pouvait-il espérer mieux, avec un tel mépris pour les fantoches installés à Kaboul.

    Tous les procédés similaires (vietnamisation, irakisation, afghanisation…), cosmétiques à l’usage des opinions publiques, de ce type de conflit ne présentent la moindre alternative à une mauvaise guerre et à une inévitable et piteuse retraite.

    S’il y a deux pays, dans l’histoire des deux ou trois derniers siècles, qui ont subi les plus affreuses guerres que l’Amérique ont engagées contre d’autres pays, si l’on excepte les abominations nucléaires commises contre le Japon en 1945, car elles appartiennent à une autre catégories de monstruosités, ce serait bien le Vietnam (libéré le 30 avril 1975) et l’Afghanistan.

    Il y a bien des différences entre ces conflits, notamment le fait que la guerre du Vietnam et celle de Corée participaient d’une guerre froide opposant deux camps idéologiquement et mondialement antagonistes, mais ils sont identiques sur au moins un point : une seconde défaite humiliante pour la première puissance militaire de l’histoire de l’humanité.

    Un record que Hollywood se gardera de glorifier. Rien d’extraordinaire.

    Aucune nation ne commémore ses déroutes : les Français oublient très vite Azincourt, Aboukir, Trafalgar, Waterloo, Sedan, Mers el Kebir… Les historiens embeded se chargent de trier ce qu’il convient d’enseigner aux enfants.

    Les gagnants et les perdants

    L’Afghanistan, les supplétifs abandonnés à leur sort, l’image de l’Amérique et plus largement de l’Occident vont y laisser, chacun pour ce qui le concerne, des plumes. Cette guerre-là des règlements de comptes n’est évidemment pas achevée.

    Le sort des « fixeurs » n’est pas encore fixé.

    On (sous-) estime à 18 000 les auxiliaires Afghans (53 000 avec leurs familles) au service des occidentaux coalisés à divers titres : milices, traducteurs, administratifs, informateurs, guides…

    L’ex-général David Petraeus5 déclarait dans le Washington Post lundi 28 juin qu’il était du devoir moral des Etats-Unis d’organiser un pont aérien pour leur accorder l’asile. Ce serait le minimum que ces gens, pour la plupart d’entre innocents de tout crime, seraient en droit d’attendre.

    Or, les visas ne sont pas délivrés et le budget a été minoré pour les assister. L’idée de les placer en transit sur l’île de Guam en attendant de régler leur situation administrative reste à l’état de projet et vient buter contre les controverses autour de la politique migratoire des Etats-Unis, entre les promesses électorales de J. Biden et l’intransigeance toujours active de D. Trump.

    Les Français usent d’un « hub » sur une base militaire à Abu Dhabi pour opérer discrètement leur tri.

    Paris accorde 1000 visas pour ceux, déclare la ministre de la défense française sur franceinfo le lundi 16 août, « qui ont rendu d’éminents services à notre pays en nous aidant au quotidien, et par ailleurs faire le maximum pour mettre en protection des personnalités qui ont défendu les droits, les droits de l’Homme, des journalistes, des artistes, tous ceux qui sont engagés pour ces valeurs que nous continuons de défendre partout dans le monde ».

    1000 visas, une goutte d’eau. L’Allemagne annonce dix fois plus. Même si, compte tenu du format de leur engagement, les Etats-Unis se chargent de la plus grande part.

    Abandonnés, jetés après usages. Personne ne s’embarrasse des outils indigènes qui ont épuisé la pertinence et l’opportunité de leur utilité. A l’exception de petits débrouillards et de filous qui réussissent à passer entre les mailles du filet, la plupart de ceux qui ont servi sont livrés à leur sort. Les scènes observées sur les pistes de l’aéroport de Kaboul renvoient à celles de films catastrophe tels « War World Z » (Marc Forster, 2013) et renforce l’imaginaire de barricadés entretenu en Occident, un îlot civilisé entouré d’un océan de barbares, un cliché qui remonte au moins jusqu’à Hérodote.

    La majorité de ceux qui parviennent à rejoindre les rives de la « civilisation », sont parqués comme les harkis en 1962, dans des « camps de transit et de reclassement » dans le sud de la France où ils resteront en transit et reclassement perpétuels.

    Les moins oublieux se souviennent de la fuite éperdue des Américains par la terrasse de leur ambassade via des hélicoptères, alors que les Vietnamiens qui ont servi leur cause tentaient en vain de franchir avec leurs familles les grilles d’une forteresse assiégée.

    Cela permet par la suite de laisser couler quelques larmes de crocodiles sur le sort des supplétifs exécutés par leurs frères ou recyclés dans des camps de « rééducation » et de dénoncer les régimes « terroristes » qui leur ont succédé.

    A l’évidence, tous ceux qui seraient tentés par une carrière d’« auxiliaires » devraient mesurer la confiance très relative que leur témoigneraient leurs employeurs si les affaires tournent mal ou lorsque la « mission » est achevée. Encore une raison qui explique le silence de la fuite.

    Le gouvernement afghan, sous prétexte de pandémie, avant son évaporation, avait fermé le bureau des passeports justement pour éviter un exode massif des Afghans vers l’étranger.

    Le président E. Macron, en campagne pour sa réélection, dans son allocution télévisée du lundi 16 août a très vite souligné le risque migratoire avec les menaces qu’il ferait peser sur la sécurité de l’Europe sur celle des malheureux qui se lanceraient dans cette aventure, comme on l’observe pour les migrants sahéliens ou proche-orientaux qui traversent la Méditerranée.

    La Turquie met une touche finale à son « Mur » et tous les pays de la région se tiennent prêts. Le Pakistan a annoncé très tôt être disposé à fermer ses frontières en cas de mouvement massif de population.

    Les autres supplétifs.

    L’Otan s’est engagée très tôt (août 2003), au nom de l’article V (clause de défense collective) aux côtés des Etats-Unis en Afghanistan. C’est ainsi, au nom de la défense de l’Occident, menacé par le « terrorisme islamiste » que les gouvernements européens ont fait avaler à leurs opinions publiques leur participation à leur campagne afghane. 38 pays ont collaboré à cette guerre américaine en Afghanistan.

    Contrairement à ce qui est affirmé sur tous les médias, ce n’est ni à D. Trump, ni à J. Biden que l’initiative de retrait devrait être attribuée. Dès 2010, B. Obama l’avait projetée. La question alors n’était pas le retrait, mais l’afghanisation du pays après le départ des troupes de l’OTAN (sous commandement américain, est-il besoin de le rappeler).

    22 juin 2011. Obama annonce le retrait de milliers de soldats américains.

    En sorte qu’en 2021, il ne s’agit plus de décision de retrait, mais de décision « d’accélération » de ce retrait.

    Or, les « alliés » de Washington, au même titre d’ailleurs que les Afghans, n’ont été associés ni à cette décision de retrait, ni à son accélération, ni même à son calendrier.

    Ils ont juste été informés après coup… comme d’habitude.

    Il n’y a eu aucun débat à l’Assemblée nationale en France, ni ailleurs.

    Certains auraient peut-être voulu des explications sur ce retrait humiliant. Après tout une centaine de soldats français y ont laissé la vie…

    N’aurait-il pas été pertinent de se demander non pas pourquoi les Occidentaux s’en vont, mais plutôt pourquoi ils y sont allés et guerroyé 20 ans durant ?

    Fut-ce seulement à cause de Ben Laden (au reste exécuté sans jugement au Pakistan) ?

    Le plus cocasse en cette affaire d’« alliés » est qu’au moment de la déclaration de retrait unilatéral américain, les troupes sur le terrain étaient plus américaines mais dans leur majorité, européennes.

    Les Etats-Unis sont aux manettes et contrôlent les opérations (comme ailleurs, en Libye ou au Sahel, par exemple) via les capacités critiques, les clés de la décision stratégique et tactique (la logistique, l’information décisive) qu’ils sont seuls à posséder.

    Les Américains fixent les objectifs, déterminent le chemin à suivre et distribuent les rôles en y mettant (mais pas toujours) la forme qui convient. Les autres exécutent.

    Mais cette guerre n’est pas perdue pour tout le monde. Il y a d’autres comptes à régler.

    Le monde de la finance et le système militaro-industriel poussent régulièrement à la guerre inventant à chaque fois que nécessaire de nouveaux ennemis et un nouvel « empire du mal ».

    En 2010, alors que la pacification du pays et la lutte contre les talibans marquaient le pas, l’USGS (United States Geological Survey) révélait l’existence de ressources minières, pétrolières et gazières d’une valeur minimum de 1000 milliards de dollars, dont près de 1,3 millions de tonnes de terres rares et 3,48 millions de tonnes de minerais de niobium… (https://www.geostrategia.fr, 13 février 2018)

    Selon des chercheurs de l’université Brown, les Etats-Unis ont déboursé 2261 Mds$ entre 2001 et 2021. Les budgets du Département de la Défense et du Département d’État se sont ainsi alourdis de 1435 Mds$. Les dépenses de soin pour les vétérans ont, quant à elle, coûté 296 Mds$. Et les 530 derniers Mds$ ont été nécessaires pour payer les intérêts des emprunts contractés par les Etats-Unis pour financer cette guerre.

    Entre 2001 et 2050, si on élargit aux interventions au Pakistan et en Irak, les Américains devraient verser 6 500 Mds$ d’intérêts sur les sommes empruntées pour les financer. Une montagne de dollars qui semble avoir été investie en pure perte.6

    La Banque Mondiale évalue en 2020 à un peu moins de 20 Mds$ le PIB annuel de l’Afghanistan (36 millions d’habitants), soit un peu plus de 500 dollars par hab. Cela signifie que les Etats-Unis ont dépensé (sans tenir compte des créances à venir) l’équivalent de 113 PIB annuels de ce pays pour tenter officiellement de le pacifier.

    Naturellement, ces sommes ont servi à bien d’autres buts qu’à la quiétude, à la prospérité et à la civilisation des Afghans. Tant d’armements commandés. Tant d’expériences « intéressantes » réalisées dans ce laboratoire in vivo… pour ainsi dire…

    Certes, les Etats-Unis, notamment via le dollar et Wall Street, se débrouillent toujours pour recycler leurs dettes en les faisant endosser par le reste du monde. Il n’en demeure pas moins qu’outre les pertes géopolitiques occasionnées par cette sombre campagne, il reviendra au peuple américain de demander au bénéfice de qui réellement ces dépenses ont été ordonnées en son nom…

    C’est contre ces dérives et ce « système » que naguère le général-président D. Eisenhower (qui parlait d’expérience) prévenait les Américains dans son discours de fin de mandat le 17 janvier 1961. Il ne semble pas que son avertissement ait porté.

    « Dans les assemblées du gouvernement, nous devons nous garder de toute influence injustifiée, qu’elle ait ou non été sollicitée, exercée par le complexe militaro-industriel. Le risque d’une désastreuse ascension d’un pouvoir illégitime existe et persistera. Nous ne devons jamais laisser le poids de cette combinaison mettre en danger nos libertés et nos processus démocratiques. Nous ne devrions jamais rien prendre pour argent comptant. Seule une communauté de citoyens prompts à la réaction et bien informés pourra imposer un véritable entrelacement de l’énorme machinerie industrielle et militaire de la défense avec nos méthodes et nos buts pacifiques, de telle sorte que sécurité et liberté puissent prospérer ensemble. »

    Nouveau contexte géostratégique régional : l’axe du monde bascule.

    Croire que le retour des Talibans aux affaires est un retour aux conditions initiales, serait une grave erreur. Il arrive à l’histoire de bégayer, mais c’est seulement pour permettre aux vaincus de relancer une guerre perdue (déjà la « femme afghane opprimée » devient l’objet principal des tabloïds et des « une ») ou pour couvrir l’ignorance de ceux qui ont besoin d’analogies commodes pour paraître savants.

    Les Etats-Unis, en l’espace de deux interventions militaires en moins de deux ans, ont rendu un immense service à l’Iran, le débarrassant de deux irréductibles ennemis : le régime de Saddam Hussein à l’ouest (ainsi fabriqué pour faire front à la Révolution de 1979) et celui des Talibans à l’est.

    Le nouveau régime victorieux de l’Amérique qui triomphe à Kaboul ne sera sûrement pas dans les mêmes dispositions que celui que les Américains ont chassé en 2001. Téhéran en a pris la mesure dès le 16 août par la voix de son président tout nouvellement élu. Les Russes et les Chinois ont, depuis longtemps, pris leurs dispositions en vue l’inévitable défaite de Washington.

    Désormais, il n’y a plus d’alliés de l’Occident autour de l’Afghanistan, à l’exception peut-être des ambiguës anciennes républiques socialistes soviétiques (Ouzbékistan et le Tadjikistan) qui tentent de se ménager des libertés de manoeuvre sur tous les tableaux.

    Autour, il y a l’Iran, la Russie, la Chine, le Pakistan. Entre les quatre pays une coopération et des liens de plus en plus denses se tissent. Un peu plus loin, Ankara cogite et compute.

    La Chine continue de tisser sa toile et de tracer ses « routes »…

    En 2007, deux entreprises d’État chinoises, Metallurgical Corporation of China (MCC) et Jiangxi Copper Corporation (JCCL) ont investi 4,4 milliards de dollars dans le gisement de cuivre d’Aynak. MCC aurait proposé des investissements à hauteur de 10 Mds$ pour mettre en valeur le gisement. En plus de cela, China National Petroleum Corporation (CNPC) a sécurisé trois blocs pétroliers du champ de pétrole d’Amu Darya. À la suite de cet investissement, un accord de faisabilité a été signé avec le gouvernement afghan en 2012 pour la construction du segment afghan d’un pipeline allant d’Iran en Chine et passant par l’Afghanistan et le Turkménistan. (https://www.geostrategia.fr, 13 février 2018)

    15 novembre 2020. Pékin célèbre en fanfare la conclusion du Partenariat régional économique global (RCEP), établissant sous son égide la zone de libre-échange la plus imposante de la planète, face à l’Europe et aux États-Unis toujours englués dans la pandémie. Le premier ministre Li Keqiang et 14 dirigeants des principales économies d’Asie-Pacifique ont signé, par vidéo interposée, un accord douanier spectaculaire facilitant les échanges entre plus de 2 milliards d’habitants, pesant un tiers du PIB mondial.7

    La Chine a maintenant les mains plus libres pour exploiter l’amitié « proclamée » entre les deux pays à peine les troupes américaines parties. Il ne fait pas de doute que Chinois et Talibans étaient en contacts et en transactions approfondies bien avant la chute de Kaboul.

    L’Inde est affaiblie, perturbée par ses désordres politiques internes, aggravés par la pandémie du Covid-19 où la dernière souche très contagieuse est née et avait pris son nom avant de devenir le « variant delta ». Acteur virtuellement majeur, sans dépourvue de moyens, elle est pour le moment écartée de l’essentiel.

    L’autre nerf de la guerre.

    Ne reste plus à l’Amérique que les leviers traditionnels en attendant…

    Les Talibans ne pourront pas mettre la main sur les milliards de dollars de réserves de l’Afghanistan, largement détenus à l’étranger.

    « Les actifs de la Banque centrale que le gouvernement afghan possède aux États-Unis ne seront pas mis à la disposition des Talibans», assurait lundi 16 août un responsable de l’administration Biden.

    Au total, les réserves brutes de la Banque centrale afghane s’élevaient à 9,4 milliards de dollars fin avril, selon le Fonds monétaire international (FMI). La majorité de ces fonds sont détenus en dehors de l’Afghanistan.

    Cet acte de brigandage est coutumier des pirates qui se paient sur la bête. Personne ne sait ce que sont devenus les capitaux irakiens à l’étranger après la chute de Baghdad en 2003 ou des milliards de dollars libyens après l’assassinat de M. Kadhafi en 2011. Combien ? Où ? Qui ?… « mystère et boule de gomme ».

    Les États-Unis, qui dominaient l’Afghanistan militairement et financièrement depuis 20 ans, pourraient aussi tenter de bloquer l’aide prévue par le FMI et la Banque mondiale, comme ils l’ont fait avec d’autres pays dont ils cherchent à faire capituler les gouvernements, tel le Venezuela.

    Réduire l’aide de façon drastique pour tenter de mettre à genoux le régime, est une tentation si… tentante. Et dire que les pays occidentaux critiquent la Chine l’accusant d’user des mêmes procédés destinés à fabriquer des obligés : endetter pour mieux astreindre…

    Le FMI avait approuvé le 06 novembre 2020 un programme d’aide de 370 millions de dollars pour l’Afghanistan devant alors s’étaler sur 42 mois (trois ans et demi), avec un décaissement immédiat de 115 millions de dollars. Une seconde tranche d’aide d’un montant de 149,4 millions de dollars a été versée début juin. Il reste donc quelque 105,6 millions de dollars à verser dans le cadre de ce plan d’aide. (AFP, mardi 17 août 2021)

    Chacun sait que le FMI et la Banque mondiale sont des instruments entre les mains du bellicisme américain, est un propos de complotiste.

    Ce sont des institutions professionnelles, apolitiques et honorables, hors de toute inclination idéologique et qui s’acquitteront scrupuleusement de leurs obligations contractuelles…

    Cette guerre a fait un peu plus de 3000 morts dans la coalition dirigée par les Etats-Unis et quelques dizaines de milliers de blessés. C’est surtout le contingent américain, en proportion de son engagement, qui en a été le plus affecté.8

    Il a fait un nombre incalculable de victimes afghanes, des centaines de milliers de morts, comme d’habitude surtout parmi des civils.

    En Irak, en Syrie, en Libye, au Yémen, en Somalie, au Soudan… en Palestine…

    Tout ça pour ça…

    Notes :

    1- Juillet 2000. Les Talibans avaient tenté d’éradiquer les champs de pavot en édictant une fatwa en ce sens. La production avait alors chuté de 90%. Vingt ans plus tard, l’Afghanistan est redevenu un pays totalement gangrené par la drogue. En 2020, le pays comptait 224.000 hectares de pavot, soit une hausse de 37% par rapport à 2019, selon l’Office des Nations unies contre les drogues et le crime (UNODC).

    2- Le « commandant Massoud » figure de proue de cette coalition hétéroclite (le « Lion du Panshir ») a été éliminé dès le 09 septembre 2001. Aujourd’hui, son fils, Ahmed, reprend du service et lance un appel ce 16 août à la résistance (https://laregledujeu.org), faisant référence à l’Europe de 1940… Le 15 août il envoyait au Journal du dimanche une lettre adressée à « son ami Bernard-Henri Lévy », suppliant la France de soutenir l’armée afghane…

    3- Cf. Lettre ouverte à B. Clinton du 26 janvier 1998 signée par 18 faucons poussant au renversement de S. Hussein.

    4- Samuel P. Huntington (1996) : Le choc des civilisations. Traduction O. Jacob, 2000, 545 p.

    5- Ex-commandant de la « Force internationale d’assistance et de sécurité » en Afghanistan entre 2010 et 2011 et directeur de la Central Intelligence Agency de 2011 à 2012. Il démissionne cette année-là pour une affaire d’adultère et, accessoirement, pour avoir détenu et transmis des informations secrètes.

    6- L’Expansion-Express, le mardi 17/08/2021

    7- Une gigantesque zone de libre-échange entre les 10 États de l’Asean – Indonésie, Thaïlande, Singapour, Malaisie, Philippines, Vietnam, Birmanie, Cambodge, Laos et Brunei – et la Chine, le Japon, la Corée du Sud, l’Australie et la Nouvelle-Zélande. Cela, malgré les difficultés crées par les Etats-Unis par l’entremise de l’Australie.

    8- Pour éviter les « émotions » qui ont bouleversé l’Amérique lors de la guerre du Vietnam la rendant totalement impopulaire, Washington a pris deux décisions stratégiques : premièrement, l’armée sera composée de « professionnels » tarifés. Il ne s’agira plus que de soldats contractuels qui savent à quoi s’en tenir. Deuxièmement, aucun reporter « indépendants » n’accèdera au front s’il n’est pas scrupuleusement labellisé. Désormais, les guerres seront « clean », sans mort et sans images, sinon celles strictement triées par les « services compétents ».

    Le Quotidien d’Oran, 19/08/2021

  • Afghanistan : La débâcle américaine

    Afghanistan : La débâcle américaine

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    L’anti-Saïgon

    Par Mohamed Habili

    Beaucoup d’Américains, et d’abord leur président, disent après la chute de Kaboul avoir été surpris non que le pouvoir et l’armée afghane créée de toutes pièces par eux se soient effondrés, à l’approche des Talibans, mais qu’ils l’aient fait aussi vite. On n’aurait vu aucune de ses scènes de chaos et de panique sur les pistes de l’aéroport international de Kaboul, où de désespoir des Afghans se sont accrochés à des avions en train de prendre leur envol, pour ensuite s’écraser au sol, si, à les en croire, les Afghans avaient voulu se battre.

    Des images qui n’ont pas été sans rappeler la débâcle de 1975 dans Saigon libéré. On se souvient peut-être qu’au moment où l’offensive talibane commençait, en mai dernier, le renseignement américain était d’avis que le collapse se produirait sans doute, mais pas tout de suite, au bout de six mois, un délai suffisant pour permettre un retrait digne et des troupes, et des ressortissants américains et des alliés afghans.

    Interrogé plus d’une fois sur l’éventualité de l’effondrement, Joe Biden l’avait estimé des plus improbables, alléguant notamment la supériorité de l’équipement mais également la longue préparation des troupes régulières afghanes dans la perspective du choc à venir.

    S’il n’avait pas carrément dit qu’elles remporteraient la victoire, ses propos autant que l’air dont il les avait accompagnés le laissaient néanmoins clairement entendre. On sait maintenant qu’il n’y croyait rien, et que tout ce qu’il attendait des alliés afghans, c’est seulement qu’ils aient assez envie de se défendre pour que son retrait à lui se fasse sinon sans encombre, du moins sans rien qui ressemble à une débâcle.

    Cela bien sûr n’a pas échappé aux amis afghans, certains que leur sort était scellé dès lors qu’ils n’avaient pas été admis aux pourparlers de Doha, censés pourtant déboucher sur un accord de paix en Afghanistan. Une négociation dont une partie essentielle est exclue se fait nécessairement au détriment de celle-ci.

    Américains et Talibans se sont entendus à Doha pour une passation de pouvoir entre eux qui sur le terrain paraîtrait une guerre bien réelle, avec des pertes humaines et matérielles de part et d’autre. Dans ce premier scénario, l’acte final, la bataille de Kaboul, devait avoir lieu, à la suite de plusieurs autres, mais une fois que les Américains auraient vidé les lieux.

    Pour qu’il y ait effondrement, encore faut-il qu’il y ait au départ une réelle volonté de se battre, chez ceux-là même qui sont condamnés à perdre. L’armée afghane ne s’est pas effondrée, elle a refusé le combat, elle a pactisé avec les Talibans, de même que l’ami américain a passé un deal de non-agression avec eux. Elle se serait sans doute battue si les Américains n’avaient pas commencé par faire la paix avec les Talibans, qui pour ce qui les concerne avaient parfaitement compris que les Américains n’avaient qu’une seule envie : s’extirper de l’Afghanistan, leur pays, «le cimetière des empires», une réputation que Joe Biden a tenu à rappeler dans ses dernières «remarques sur l’Afghanistan», faites lundi sous forme d’adresse à ses compatriotes.

    En l’espèce se battre pour les Afghans aurait seulement signifié acheter au prix de leur sang du temps pour que les Américains puisent s’offrir un retrait de première classe. Un anti-Saigon. Une revanche sur Saigon. Ils ont préféré ne pas leur faire ce cadeau-là, mais plutôt les associer à leur débâcle. Ils ont été trahis, ils ont trahi à leur tour.

    « Morts pour rien »

    Fouzia Mahmoudi

    La situation en Afghanistan préoccupe aujourd’hui l’ensemble de la planète, plus particulièrement les pays qui furent militairement engagés lors de la guerre menée par l’armée américaine et ses alliés en octobre 2001, moins d’un mois après les attaques du 11 septembre. La France a quant à elle perdu 89 soldats qui semblent pour certains, au vu de la situation actuelle de l’Afghanistan, être «morts pour rien», des mots même du père d’un militaire français décédé.

    Lundi soir, Emmanuel Macron donnait dans un discours solennel sa vision de la situation afghane et a choqué une partie de la gauche française. Plusieurs responsables de gauche se sont en effet indignés hier des propos d’Emmanuel Macron qui a affirmé lundi, dans son intervention sur l’Afghanistan : «Nous devons anticiper et nous protéger contre des flux migratoires irréguliers importants».

    Le député européen EELV Yannick Jadot, candidat à la primaire écologiste pour la présidentielle de 2022, s’est dit sur Twitter «sidéré d’écouter Emmanuel Macron déclarant que les femmes, les hommes et les enfants qui fuient l’enfer des talibans sont d’abord une menace, des migrants irréguliers, avant d’être des victimes et potentiellement des réfugiés». «Et l’asile ? Et ces enfants, ces femmes, ces hommes qui fuient l’horreur ?», a lancé le secrétaire national d’EELV, Julien Bayou.

    «Macron fait honte à la France», a affirmé le maire écologiste de Grenoble, Éric Piolle, autre candidat à la primaire. Lors d’une allocution télévisée lundi à 20 heures, le chef de l’État avait déclaré : «La France fait et continuera de faire son devoir pour protéger celles et ceux qui sont les plus menacés. (…) Mais l’Afghanistan aura aussi besoin dans les temps qui viennent de ses forces vives et l’Europe ne peut pas à elle seule assumer les conséquences de la situation actuelle. Nous devons anticiper et nous protéger contre les flux migratoires irréguliers importants qui mettraient en danger ceux qui les empruntent et nourriraient les trafics de toute nature».

    «Flux migratoires irréguliers, c’est donc ce terme que les femmes et les hommes qui s’accrochent aux ailes des avions à Kaboul auront inspiré à Emmanuel Macron», a regretté le député ex-LREM Aurélien Taché, que le gouvernement avait chargé en 2017 d’un rapport sur l’intégration avant qu’il ne prenne ses distances avec la majorité. «Quel cynisme ! Quelle honte !», s’est indignée la sénatrice socialiste Laurence Rossignol, tandis que son collègue Rémi Féraud jugeait cette intervention «digne d’un mauvais président de droite». Il faut «protéger toutes celles et tous ceux qui relèvent désormais du droit d’asile», a affirmé le patron du PS, Olivier Faure.

    Devant le début de polémique, et alors que ses propos avaient été raillés par le lanceur d’alerte Edward Snowden d’un tweet lapidaire, «Emmanuel Le Pen !», le chef de l’État avait précisé lundi peu avant minuit sur Twitter, à propos de ses déclarations, «que certains veulent détourner», que «la France fait et continuera de faire son devoir pour protéger celles et ceux qui sont les plus menacés». Mais la gauche française semble oublier, comme à son habitude, que les milliers de migrants qu’elle appelle de ses vœux, doivent aussi être accueillis dans des conditions dignes et avec l’argent des contribuables, qui sont déjà nombreux, comme l’a démontré le mouvement des «gilets jaunes» à ne pas être capables de joindre les deux bouts et qui se voient depuis trente ans sommés malgré eux de financer les programmes utopistes de leurs politiques.

    Le jour d’Algérie, 17/08/2021