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  • Chronologie de plus de 40 ans de guerre en Afghanistan

    L’ex-Union soviétique est entrée en Afghanistan la veille de Noël 1979, affirmant avoir été invitée par le nouveau dirigeant communiste afghan, Babrak Karmal, et mettant le pays sur la voie de 40 années de guerres et de conflits apparemment sans fin.

    Après le départ humiliant des Soviétiques, l’Amérique a été la prochaine grande puissance à intervenir. Après les attaques terroristes du 11 septembre 2001, les États-Unis ont envahi le pays pour chasser le régime taliban, qui avait hébergé le chef d’Al-Qaida, Oussama Ben Laden.

    Après presque 20 ans, les États-Unis mettent fin à leur guerre en Afghanistan et retirent les dernières troupes américaines.

    Ils laissent derrière eux le gouvernement allié aux États-Unis, déchiré par la corruption et les divisions, qui doit repousser l’avancée des insurgés talibans dans un contexte de blocage des pourparlers de paix. De nombreux Afghans craignent que le prochain chapitre ne voit leur pays plonger dans le chaos et les combats entre factions et seigneurs de la guerre.

    Voici une chronologie de quelques dates clés des 40 ans de guerres de l’Afghanistan :

    25 décembre 1979 – L’Armée rouge soviétique franchit le fleuve Oxus pour entrer en Afghanistan. Au Pakistan voisin, les moudjahidines afghans, ou guerriers saints islamiques, se rassemblent, armés et financés par les États-Unis pour une guerre anticommuniste. Plus de 8 millions d’Afghans fuient vers le Pakistan et l’Iran, la première de multiples vagues de réfugiés au cours des décennies.

    Années 1980 – L’opération secrète Cyclone de la CIA achemine des armes et de l’argent pour la guerre par l’intermédiaire du dictateur pakistanais Mohammed Zia-ul Haq, qui appelle les pays musulmans à envoyer des volontaires pour combattre en Afghanistan. Ben Laden fait partie des milliers de volontaires.

    1983 – Le président Ronald Reagan rencontre les dirigeants des moudjahidines, qu’il qualifie de combattants de la liberté, à la Maison Blanche.

    Septembre 1986 – Les États-Unis fournissent aux moudjahidines des missiles anti-aériens Stinger portés à l’épaule, ce qui change le cours de la guerre. Les Soviétiques commencent à négocier leur retrait.

    15 février 1989 – Le dernier soldat soviétique quitte l’Afghanistan, mettant fin à dix ans d’occupation.

    Avril 1992 – Des groupes de moudjahidines entrent dans Kaboul. Najibullah, qui fuit, est arrêté à l’aéroport et placé en résidence surveillée dans un complexe des Nations unies.

    1992-1996 – Le partage du pouvoir entre les chefs moudjahidines s’effondre et ils passent quatre ans à se battre les uns contre les autres ; une grande partie de Kaboul est détruite et près de 50 000 personnes sont tuées.

    1994 – Les talibans émergent dans le sud de Kandahar, s’emparent de la province et instaurent un régime fondé sur une interprétation stricte de l’islam.

    26 septembre 1996 – Les Talibans s’emparent de Kaboul après avoir balayé le pays sans pratiquement se battre ; les forces de l’Alliance du Nord se retirent au nord vers la vallée du Panjshir. Les talibans pendent Najibullah et son frère.

    1996-2001 – Bien qu’initialement salués pour avoir mis fin aux combats, les talibans gouvernent d’une main de fer sous la direction du mollah Mohammed Omar, imposant des édits islamiques stricts, refusant aux femmes le droit de travailler et aux filles celui d’aller à l’école. Les punitions et les exécutions sont exécutées en public.

    Mars 2001 – Les Talibans dynamitent les plus grandes statues de Bouddha debout du monde dans la province de Bamyan, sous le choc mondial.

    Septembre 2001 – Après les attentats du 11 septembre, Washington lance un ultimatum au mollah Omar : il doit livrer Ben Laden et démanteler les camps d’entraînement des militants ou se préparer à être attaqué. Le chef taliban refuse.

    7 octobre 2001 – Une coalition dirigée par les États-Unis lance une invasion de l’Afghanistan.

    13 novembre 2001 – Les talibans fuient Kaboul pour Kandahar alors que la coalition dirigée par les États-Unis entre dans la capitale afghane avec l’Alliance du Nord.

    5 décembre 2001 – L’accord de Bonn est signé en Allemagne, donnant la majorité du pouvoir aux principaux acteurs de l’Alliance du Nord et renforçant les seigneurs de la guerre qui ont gouverné entre 1992 et 1996. Hamid Karzai, d’origine pachtoune comme la plupart des talibans, est nommé président de l’Afghanistan.

    7 décembre 2001 – Le mollah Omar quitte Kandahar et le régime taliban s’effondre officiellement.

    1er mai 2003 – Le président George W. Bush déclare que la « mission est accomplie » et le Pentagone que les combats majeurs sont terminés en Afghanistan.

    2004 et 2009 – Lors de deux élections générales, Karzai est élu président pour deux mandats consécutifs.

    Été 2006 : Alors que les États-Unis sont embourbés en Irak, la résurgence des talibans prend de l’ampleur avec l’intensification des attaques. Ils commencent bientôt à reprendre des territoires dans les zones rurales du sud.

    5 avril 2014 – L’élection du successeur de Karzai est entachée de graves irrégularités et les deux principaux candidats, Ashraf Ghani et Abdullah Abdullah, revendiquent la victoire. Les États-Unis négocient un accord en vertu duquel Ghani occupe le poste de président et Abdullah celui de chef de l’exécutif, ce qui marque le début d’une ère de gouvernement divisé.

    8 décembre 2014 – Les troupes américaines et de l’OTAN mettent officiellement fin à leur mission de combat et passent à un rôle de soutien et de formation. Le président Barack Obama autorise les forces américaines à mener des opérations contre des cibles talibanes et al-Qaïda.

    2015-2018 – Les talibans poursuivent leur offensive, menant des attaques quasi quotidiennes contre les forces afghanes et américaines et s’emparant de près de la moitié du pays. Un groupe affilié au groupe État islamique émerge dans l’est du pays.

    Septembre 2018 – Après ses promesses électorales de ramener les troupes américaines au pays, le président Donald Trump nomme le diplomate afghan-américain chevronné Zalmay Khalilzad comme négociateur avec les talibans. Les pourparlers se poursuivent jusqu’en 2019, bien que les talibans refusent de négocier avec le gouvernement de Kaboul et intensifient les attaques.

    28 septembre 2019 – Une nouvelle élection présidentielle fortement divisée est organisée. Ce n’est qu’en février 2020 que Ghani est déclaré vainqueur. Abdullah rejette les résultats et organise sa propre investiture. Après des mois, un accord est conclu établissant Ghani comme président et Abdullah comme chef du comité de négociation de la paix.

    18 août 2019 – Le groupe État islamique commet un attentat-suicide lors d’un mariage dans un quartier majoritairement hazara de Kaboul, faisant plus de 60 morts.

    29 février 2020 – Les États-Unis et les talibans signent un accord à Doha, au Qatar, fixant un calendrier pour le retrait des quelque 13 000 soldats américains encore présents en Afghanistan et engageant les insurgés à cesser leurs attaques contre les Américains.

    12 septembre 2020-février 2021 – Après des mois d’attente, les négociations entre les talibans et le gouvernement afghan s’ouvrent au Qatar, s’essoufflent pendant plusieurs sessions et s’arrêtent finalement sans progrès. Ghani refuse les propositions de gouvernement d’unité, tandis que les talibans rechignent à conclure un cessez-le-feu avec le gouvernement.

    18 mars 2021 – Après que les États-Unis ont proposé un projet de plan de paix, Moscou accueille une conférence de paix d’une journée entre les parties afghanes rivales. Les tentatives de reprise des pourparlers échouent. Les négociateurs talibans et gouvernementaux ne se sont pas assis à la table des négociations depuis.

    14 avril 2021 – Le président Joe Biden déclare que les 2 500 à 3 500 soldats américains encore présents en Afghanistan seront retirés d’ici le 11 septembre pour mettre fin à la « guerre éternelle » de l’Amérique.

    Depuis 2019 – La violence augmente à Kaboul. IS mène des attaques brutales, notamment contre une maternité et une école, tuant des nouveau-nés, des mères et des écolières. Se développe également une vague d’attaques aléatoires, non revendiquées et mystérieuses, avec des fusillades, des assassinats et des bombes collantes posées sur des voitures, répandant la peur parmi les Afghans.

    Mai 2021-présent – Les gains des talibans sur le terrain s’accélèrent. De multiples districts du nord, en dehors du cœur des talibans, tombent aux mains des insurgés, parfois sans presque aucun combat. Ghani appelle à une mobilisation publique, armant des volontaires locaux, une mesure qui risque d’aggraver les nombreuses factions.

    2 juillet 2021 – Les États-Unis remettent l’aérodrome de Bagram sous le contrôle de l’armée afghane après le départ des dernières troupes de la base. Le transfert de Bagram, le cœur de la présence de l’armée américaine en Afghanistan tout au long de la guerre, signale que le retrait complet des troupes américaines est imminent, attendu dans quelques jours, bien avant le calendrier de Biden du 11 septembre.

    Associated Press, 02/07/2021

    Etiquettes : Etats-Unis, Afghanistan, Al Qaïda, terrorisme, Oussama Ben Laden, Talibans,

  • La fin d’une aventure en Afghanistan (Edito de L’Expression)

    Une époque s’achève avec le retrait des Etats-Unis d’Afghanistan où ils étaient intervenus militairement en 2001, au lendemain des attentats du 11 Septembre signés par Al Qaïda, à la tête d’une coalition internationale. Le président en exercice, le va-t-en guerre George W. Bush, célèbre pour son intervention destructrice en Irak où il affirmait que la «quatrième armée du monde» disposait de tout un arsenal chimique, avait décidé, un 7 octobre 2001, de lancer une opération baptisée «Enduring Freedom» pour punir le régime fondamentaliste taliban, aux commandes de l’Afghanistan depuis 1996, d’accueillir Oussama Ben Laden et son organisation terroriste Al Qaïda.

    Très vite, le régime taliban sera emporté mais les évènements d’Irak donneront quelque répit aux populations afghanes en 2003, l’attention de Washington étant focalisée par Saddam Hussein. Les talibans, chassés de Kaboul, ont vite fait de réunir d’autres groupes islamistes, dans leur bastion du Sud et de l’Est du pays, pour déclencher une insurrection. Bush expédie des renforts en 2008, imité par…Barack Obama qui promettait, durant sa campagne, de clore les guerres d’Irak et d’Afghanistan.

    Avec 30000 hommes de plus, le contingent US aura atteint, fin 2010, quelque 100000 soldats auxquels s’ajoutent 50000 autres de l’OTAN. Le 2 mai 2011, Oussama Ben Laden est tué par un commando des forces spéciales américaines, venu du Pakistan voisin. Fin 2014, l’OTAN plie bagage et le pays ne compte plus que 22000 soldats étrangers dont 9800 américains. L’insurrection talibane s’étend, alors, tandis que Daesh débarque, à son tour. En août 2017, le président Trump écarte tout retrait et expédie plusieurs milliers de soldats en renfort ainsi qu’un arsenal comme la plus puissante des bombes conventionnelles qui a tué 96 jihadistes.

    Les attaques des talibans se multiplient, meurtrières malgré de nouveaux renforts et les ripostes américaines. Washington opte, du coup, pour des discussions avec les insurgés, d’abord discrètes, puis affichées, à Doha. Le 29 février 2020, Etats-Unis et talibans signent un accord historique au Qatar, prévoyant le départ total des troupes étrangères, avant mai 2021, moyennant des garanties de sécurité, un engagement des talibans à discuter avec Kaboul et une réduction des actes de violence. Annoncé, mi-avril dernier, par le président Joe Biden, le retrait des 2500 GI’S et des 9600 soldats de l’OTAN est, désormais, une réalité, inscrite dans l’histoire tumultueuse d’un Afghanistan martyrisé.

    L’Expression, 2 mai 2021

    Etiquettes : Afghanistan, Etats-Unis, terrorisme, Al Qaïda, talibans, George Bush, Oussama Ben Laden,

  • Dix ans après sa mort, Ben Laden continue à hanter le Pakistan

    Comme presque chaque jour, quelques gamins jouent au cricket sur une large dalle de béton, au milieu d’une herbe roussie et de moellons épars. Voilà tout ce qu’il reste de l’antre final de celui qui fut longtemps l’homme le plus recherché de la planète.

    C’est en ce lieu, dans la ville pakistanaise d’Abbottabad (nord), sur les premières pentes de l’Himalaya, qu’Oussama ben Laden a trouvé la mort dans un raid clandestin mené par des Navy Seals, une unité d’élite des forces spéciales américaines, dans la nuit du 1er au 2 mai 2011.

    Cet événement au retentissement planétaire a durablement affecté l’image internationale du Pakistan et mis à nu les contradictions d’un pays qui a longtemps servi de base arrière à Al-Qaïda et ses alliés talibans, tout en pâtissant comme peu d’autres du terrorisme.

    L’opération « Géronimo » a mis fin à dix ans de traque du cerveau des attentats du 11-Septembre, qui avait échappé aux Américains en 2001 dans les grottes de Tora Bora, dans l’est de l’Afghanistan.

    Elle a causé un énorme embarras au Pakistan et à sa toute puissante armée. Ben Laden a vécu reclus pendant au moins cinq ans à Abbottabad, se terrant derrière les hauts murs d’une imposante bâtisse blanche, à moins de deux kilomètres d’une académie militaire renommée.

    « Cela a été une très mauvaise chose pour cet endroit et pour tout le pays. Abbottabad était le lieu le plus paisible qui soit. En vivant ici, Oussama a donné mauvaise réputation à cette ville », regrette Altaf Hussain, un instituteur à la retraite de 70 ans, qui se promène sur l’allée longeant l’ancienne résidence de Ben Laden.

    L’armée et les services de renseignement pakistanais ont subi un terrible camouflet. Ils auraient pu admettre être au courant de la présence du fondateur d’Al-Qaïda, mais cela aurait mis en exergue leur incapacité à empêcher le raid américain. Ils ont préféré nier, même si cela revenait à reconnaître des failles en matière de renseignement.

    Humiliation nationale

    Vécue comme une humiliation nationale, l’opération a renforcé un déjà fort sentiment anti-américain au sein d’une population lassée du très lourd tribut financier et humain payé à la guerre contre le terrorisme et à son alliance avec les États-Unis après les attentats de 2001.

    Le Pakistan a d’abord été sensible au mythe fondateur d’Al-Qaïda, fondé sur la résistance du peuple musulman face à l’impérialisme américain. A sa mort, Ben Laden n’était pourtant plus tout à fait aussi populaire qu’une décennie plus tôt.

    « Avant, je me rappelle que les gens nommaient leurs enfants Oussama, même dans mon village », raconte le journaliste pakistanais Rahimullah Yusufzai, un spécialiste des réseaux jihadistes. Mais à partir de 2002 ou 2003, ce soutien avait, selon lui, « commencé à diminuer à cause des violences ».

    Cela n’a pas empêché l’extrémisme de continuer à se propager après 2011 au Pakistan, où les mouvements religieux conservateurs sont devenus de plus en plus influents.

    Les trois années suivantes, les groupes terroristes, au premier rang desquels le Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP, les talibans pakistanais), ont versé le sang lors d’attentats de masse et établi leurs bastions dans les zones tribales du nord-ouest.

    Ils n’en ont été délogés que par une campagne militaire lancée en 2014 dans cette région frontalière de l’Afghanistan. Elle a permis de faire retomber les violences, même si une série d’attaques mineures a récemment fait craindre que ces groupes n’aient commencé à s’y reconstituer.

    « Pas d’unanimité »

    Sans son charismatique leader, Al-Qaïda « a survécu, mais à peine » et n’est plus apte à lancer de grande attaque en Occident, souligne M. Yusufzai.

    Le groupe n’est non plus « plus une grande menace pour le Pakistan », qu’il avait d’ailleurs longtemps épargné, mais d’autres comme le TTP ou l’État islamique le restent, estime Hamid Mir, le dernier journaliste à avoir interviewé Ben Laden en face-à-face, fin 2001.

    Dix ans après, Ben Laden conserve la même aura qu’avant dans les cercles radicaux. « Il est vivant dans le cœur de chaque taliban et chaque jihadiste », atteste Saad, un responsable taliban afghan vivant dans la ville pakistanaise de Peshawar (nord-ouest).

    Mais au-delà même de ce courant, une certaine ambivalence à son égard persiste. En 2019, le Premier ministre pakistanais, Imran Khan, avait fait scandale en déclarant devant l’Assemblée nationale que Ben Laden était mort en « martyr », un terme élogieux dans la religion islamique.

    « Il n’y a pas d’unanimité sur Ben Laden au Pakistan. L’opinion publique est divisée », constate M. Mir. Pour lui, le chef d’Al-Qaïda reste perçu par certains comme un « combattant pour la liberté » et par d’autres comme « une mauvaise personne, qui a tué des innocents et causé des destructions, non seulement au Pakistan mais dans beaucoup de pays (en) violation des enseignements de l’islam ».

    Même à Abbottabad, ville de taille moyenne plutôt prospère et tolérante, on maintient une certaine ambiguïté envers Ben Laden, dont la maison a été rasée en 2012 par les autorités pour qu’elle ne se transforme pas en mémorial.

    « Dans cette rue, il y a des différences d’opinion. Certains disent qu’il était bon, d’autres qu’il était mauvais », confie un autre voisin, Numan Hattak, un adolescent.

    Sudinfo.be, 27 avr 2021

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