Étiquette : Tayyip Erdogan

  • «Danger pour la France», «guerre d’influence»: Jordan Bardella dézingue la Turquie d’Erdogan

    Par Florent Zephir

    Jordan Bardella a tiré à boulets rouges sur le Président turc et son pouvoir sur BFM TV, l’accusant d’humilier l’Europe et de s’ingérer dans les affaires françaises. L’eurodéputé RN a notamment demandé des sanctions.

    Dénonçant l’attitude de Recep Tayyip Erdogan vis-à-vis de Charles Michel et surtout d’Ursula von der Leyen, Jordan Bardella est revenu sur l’épisode du Sofagate sur BFM TV. L’eurodéputé (RN) a rappelé que certains «codes de courtoisie» existaient en Europe, où un homme n’est pas censé s’asseoir avant qu’une femme ne se soit elle-même installée.

    Des codes que «ne partage pas» le chef d’État turc selon Jordan Bardella, puisqu’il a laissé patienter Ursula von der Leyen debout quelques instants avant de la reléguer sur un canapé, à bonne distance des débats.

    Le vice-président du RN voit dans l’accueil réservé aux représentants européens une «forme d’humiliation» qui participe plus largement à une «guerre d’influence».

    «Erdogan prend l’Europe depuis des mois, voire des années, comme un paillasson […]. Il reçoit des dirigeants européens comme on reçoit des vaincus en temps de guerre. On voit qu’Erdogan, par une stratégie extrêmement fine et précise, mène une guerre d’influence», estime l’élu RN.

    Le député européen a précisé que ces humiliations étaient rendues possibles par la «mansuétude» dont bénéficie Erdogan de la part de dirigeants français et européens.

    Sanctions et fermeté

    Au-delà de cet incident protocolaire, M.Bardella a souligné que le pouvoir turc représentait une «menace pour l’Europe» sur un plan géopolitique. Il a en particulier fustigé le «chantage aux migrants» d’Ankara et son «jeu trouble avec Daech*».

    La Turquie bénéficie en effet de fonds européens alloués à la gestion des migrants depuis le pacte migratoire avec l’UE signé en 2016. Une manne financière strictement contrôlée par Bruxelles via une structure de cogérance, mais qu’Erdogan souhaiterait désormais voir arriver «directement dans les caisses de l’État turc», comme l’explique à Sputnik Constantin Pikramenos, expert en intelligence économique.

    Pour faire cesser le «jeu ambigu» d’Ankara, Jordan Bardella demande «des sanctions et de la fermeté», suggérant notamment de taper au portefeuille, la Turquie ayant reçu «47 milliards d’euros, à la fois de prêts et de subventions européennes» sur ces 25 dernières années.

    «Pas un euro d’argent public pour la Turquie tant qu’elle aura un jeu ambigu à notre égard, mais aussi à l’égard des islamistes et de Daech*!», clame-t-il sur BFM TV.

    Ingérence en France

    Enfin, Jordan Bardella a fait allusion à la politique d’ingérence de la Turquie sur le sol français, critiquant en particulier l’association Millî Görüş, soupçonnée de radicalisme. L’organisme a récemment défrayé la chronique suite aux subventions accordées par la mairie de Strasbourg à la future grande mosquée de la ville. Il lui est entre autres reproché de ne pas avoir signé la Charte des principes pour l’islam de France.

    Pour mettre un terme à cette guerre d’influence sur le territoire national, Jordan Bardella demande des «mesures de rétorsion». Il a ainsi proposé de «renvoyer chez eux» les imams étrangers détachés en France par la Turquie. Une idée déjà évoquée en février 2020 par Emmanuel Macron et Christophe Castaner. Ce dernier avait d’ailleurs assuré sur France Inter qu’il travaillait «sur la fin des imams détachés en 2024».

    *Organisation terroriste interdite en Russie

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    Sputnik, 11 avr 2021

    Etiquettes : UE, Turquie, France, Tayyip Erdogan, Emmanuel Macron, Jordan Bardella, Europe, Charles Michel, Ursula von der Leyen,

  • Chronologie : Les relations tendues de la Turquie avec l’UE

    AFP

    Les relations difficiles de la Turquie avec l’Union européenne ont mis un frein à son projet d’adhésion à l’UE et fait de l’Union une cible privilégiée des critiques du président Recep Tayyip Erdogan.

    Mais alors que les deux parties se rencontrent à Ankara pour leur premier entretien en face à face depuis un an, elles doivent aborder une nouvelle série de problèmes, notamment la quête agressive d’énergie de la Turquie dans les eaux de la Méditerranée orientale et un conflit tendu concernant les migrants.

    Nous revenons sur plus d’un demi-siècle de hauts et de bas.

    – 1963 : Accord d’association –
    La Turquie signe un accord d’association avec la Communauté économique européenne de l’époque, le précurseur de l’UE. Cet accord comprend des dispositions prévoyant un abaissement progressif des barrières douanières avant l’adhésion pleine et entière à la CEE.

    – 1974 : Invasion de Chypre –
    La Turquie envahit le nord de Chypre en juillet après une tentative de coup d’État à Nicosie, un acte condamné par tous les pays européens. La question chypriote devient un problème épineux qui ne fera que se compliquer après l’entrée de la Grèce et de Chypre dans le bloc.

    – 1980 : Coup de grâce –
    L’accord d’association est gelé après un coup d’État militaire férocement répressif en Turquie.

    En 1987, Ankara déclare officiellement sa candidature à l’UE, mais la Commission européenne la rejette, invoquant des problèmes économiques et politiques.

    – 1999 : Candidature à l’UE –
    La Turquie, membre de l’OTAN, obtient finalement le statut de candidat quelques semaines avant le nouveau millénaire. Mais l’UE déclare que les négociations ne commenceront pas tant qu’Ankara ne respectera pas les normes en matière de démocratie et de droits de l’homme.

    En août 2002, la Turquie adopte une série de réformes, abolissant la peine de mort et améliorant les droits civils de la minorité kurde.

    – 2003 : « Le printemps d’Erdogan ».
    Recep Tayyip Erdogan, leader de l’AKP d’origine islamique, devient Premier ministre en 2003 et adopte un large éventail de réformes démocratiques.

    Deux ans plus tard, les négociations d’adhésion à l’UE commencent enfin, mais les progrès sont lents.

    Les élections au Parlement européen de 2004 voient la percée des partis populistes, hostiles à l’entrée de la Turquie à majorité musulmane.

    Si certains progrès sont enregistrés, la France, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, et la chancelière allemande Angela Merkel bloquent l’élargissement des négociations.

    Entre-temps, Ankara refuse de normaliser ses relations avec Chypre ou d’étendre à l’île divisée ses accords de libre circulation avec l’UE.

    – 2015 : Crise des migrants –
    Fin 2015, la Turquie apparaît comme un acteur stratégique dans la pire crise des migrants que connaît l’Europe depuis la Seconde Guerre mondiale. Les relations envenimées par la répression par la Turquie d’une vague de manifestations anti-Erdogan en 2013 commencent à se réchauffer.

    En mars 2016, Ankara et l’UE signent un accord controversé pour endiguer le flux de migrants, provenant pour la plupart de Syrie et d’Irak déchirés par la guerre.

    – 2016 : Échec du coup d’État –
    Après qu’Erdogan ait survécu à un coup d’État en juillet 2016, des tensions profondes se développent alors qu’il se lance dans une série de purges massives, muselle davantage les médias et enferme des dizaines de milliers d’opposants et de « terroristes ».

    – 2019 : Tensions dans la Méditerranée
    La Turquie signe en novembre un accord de sécurité controversé avec le gouvernement libyen reconnu par l’ONU, revendiquant pour elle de vastes zones de la Méditerranée en échange d’une aide militaire.

    La zone est depuis longtemps disputée entre la Grèce et la Turquie, l’appétit d’Ankara étant aiguisé par la découverte d’importantes réserves de gaz naturel.

    En juillet 2020, la Grèce signe un accord rival avec l’Égypte, qui recoupe partiellement l’accord Turquie-Libye.

    Ankara déclenche également la colère en forant dans les eaux au large de Chypre, au mépris des avertissements de l’UE et des États-Unis, ce qui incite la France à envoyer des navires de guerre dans la zone.

    En août, des navires de guerre grecs et turcs entrent en collision alors qu’ils se talonnent, mettant l’UE et l’OTAN sur les dents.

    – 2021 : Désescalade ? –
    En décembre 2020, les dirigeants européens condamnent les « activités unilatérales et provocatrices » de la Turquie et dressent une liste de cibles turques à sanctionner.

    Ankara condamne cette initiative, la qualifiant de « partiale » et d’ »illégale », mais Erdogan déclare ensuite qu’il espère tourner une « nouvelle page » dans les relations.

    Les dirigeants européens acceptent prudemment de renouer le dialogue avec la Turquie en mars 2021 si « la désescalade actuelle se poursuit ».

    La Turquie rejette les demandes « étroites » de Bruxelles, mais s’engage à prendre des « mesures positives ».

    Macau Business, 7 avr 2021

    Etiquettes : Turquie, Union Européenne, UE, OTAN, migration, Tayyip Erdogan,

  • Macron accuse la Turquie de tenter d’interférer dans les élections françaises de 2022

    Le président a fait cette affirmation lors d’un débat sur la télévision publique française.

    Emmanuel Macron est convaincu que la Turquie tentera d’interférer dans les élections de l’Élysée de 2022. Le président français a fait cette dénonciation gr ave, mardi soir, dans une émission spéciale de la chaîne publique France 5 intitulée « Erdogan, le sultan qui défie l’Europe ». Le documentaire de deux heures, suivi d’un débat, a également fait intervenir l’ancien président Nicolas Sarkozy et l’ancien Premier ministre Manuel Valls, qui ont tous deux exprimé leur inquiétude face à l’agressivité du régime d’Ankara.

    « Il y aura des tentatives d’ingérence dans la prochaine élection », a admis Macron, sans hésiter, lorsque la question lui a été posée. Il est écrit. Les menaces ne sont pas cachées ». Analysant les fortes tensions entre lui et Erdogan, pour diverses raisons, le président français a déclaré qu’il y avait « une offensive en règle » contre sa personne et contre la France dans le monde musulman. Il a déploré « une politique de mensonges d’Etat, diffusée par des organes de presse contrôlés par l’Etat turc et par certaines grandes chaînes contrôlées par le Qatar ».

    Dans un communiqué, le ministère turc des affaires étrangères a qualifié hier les propos de M. Macron d’ »inadmissibles », ainsi que de « regrettables » et d’ »incohérents » dans un contexte d’effort visant à « restaurer une relation pacifique et amicale ».

    En effet, malgré ses graves reproches à l’encontre d’Erdogan, Macron a souligné la nécessité de poursuivre le dialogue et de travailler avec lui, par simple pragmatisme, car des questions vitales telles que la lutte contre le terrorisme et la gestion de l’immigration sont en jeu. Le chef de l’Elysée a reconnu que, ces derniers temps, son interlocuteur s’est montré plus conciliant.

    « Il y a un besoin de dialogue avec la Turquie, il y a un besoin de faire tout ce qui est nécessaire pour qu’elle ne tourne pas le dos à l’Europe et qu’elle n’aille pas vers plus d’extrémisme religieux ou vers des choix géopolitiques négatifs pour nous. » Macron a été franc quant aux conséquences de claquer la porte à Ankara. « S’ils ouvrent les portes, nous allons avoir trois millions de réfugiés syriens qui vont arriver en Europe », a-t-il prévenu.

    Offensive contre Paris
    « Il y a eu une politique de mensonges de la part de l’État, de la Turquie et des réseaux qataris ».

    La volonté de Macron de ne pas rompre la relation en tout cas, malgré les provocations, n’empêche pas Paris d’exiger d’Erdogan qu’il soit un allié digne de ce mot. « Nous devons clarifier la place de la Turquie dans l’OTAN », a déclaré le président français, qui a défendu sa position ferme de l’été dernier en soutien à la Grèce lors du dernier conflit avec la Turquie sur la souveraineté dans les eaux de la mer Égée.

    L’émission de France 5 a rappelé la partition de l’île de Chypre – le dernier mur sur le territoire européen – pour illustrer que les désaccords avec la Turquie remontent à loin. La carrière politique d’Erdogan, son utilisation de la religion comme instrument pour consolider son pouvoir et son rêve expansionniste de nostalgie ottomane ont été passés en revue. Tant les opposants que les partisans du régime ont été interrogés. Certaines des raisons qui ont contribué à l’animosité croissante d’Erdogan à l’égard de l’Europe n’ont pas été cachées, parmi lesquelles le comportement hypocrite consistant à offrir à la Turquie, au début du 21e siècle, une future adhésion à l’UE – sans réelle volonté de le faire – et l’ambiguïté des dirigeants européens lorsque le dirigeant turc a subi une tentative de coup d’État en juillet 2016. Ces deux événements ont provoqué une déception et un ressentiment que les autorités turques ont instrumentalisés.

    L’année dernière, les crises se sont accumulées entre la Turquie et l’Europe, et plus particulièrement entre Ankara et Paris. Macron a assumé un leadership européen pour lequel il paie un prix. Lors des escarmouches entre Grecs et Turcs en mer Égée – au sujet de l’exploitation de gisements d’hydrocarbures – Paris a envoyé des frégates et des chasseurs-bombardiers Rafale pour renforcer la capacité de dissuasion grecque. Elle a ensuite vendu 18 de ces appareils à Athènes. D’autres points de friction avec Ankara sont son intervention en Syrie, la présence militaire turque en Libye et l’achat de missiles russes, un affront à l’Alliance atlantique.

    En France, le harcèlement de la communauté arménienne de Décines-Charpieu, une banlieue de Lyon, il y a quelques mois par des nationalistes turcs extrémistes a suscité l’indignation. Cela a conduit à la mise hors la loi du groupe radical des Loups gris, qu’Erdogan courtise souvent.

    Pragmatisme
    Macron considère que la collaboration avec Erdogan sur l’immigration et la lutte contre le terrorisme est inévitable

    Pour l’ancien président Sarkozy, qui continue d’être présent dans le débat public malgré sa récente condamnation à une peine de prison pour corruption, l’entrée de la Turquie dans l’UE était et reste impossible en raison de sa forte population et du fait que, selon lui, ni sa culture ni son histoire ne sont européennes. « Cela aurait été la négation de l’ensemble du projet européen », a-t-il déclaré. Et concernant les insultes constantes à l’encontre de Macron et de la France, il a prévenu qu’il en supportait trop. « L’Europe est une puissance et doit être respectée », a-t-il souligné.

    La Vanguardia, 23 mars 2021

    Tags : France, Emmanuel Macron, Turquie, Tayyip Erdogan, élections,

  • Erdogan jette de la poudre sur les Européens

    Par Alaeddin Saleh

    La Turquie s’est efforcée d’améliorer ses relations endommagées avec l’Union européenne et d’introduire un programme positif dans les négociations avec les dirigeants de l’UE : c’est une impression trompeuse que les récentes mesures prises par les dirigeants turcs auraient pu produire sur un observateur extérieur.

    En effet, Recep Erdogan lui-même a participé à une vidéoconférence avec les chefs de la Commission européenne et du Conseil de l’Europe, Ursula von der Leyen et Charles Michel, à l’approche du sommet européen prévu les 25 et 26 mars.

    Le dirigeant turc a indiqué qu’Ankara attendait des États européens qu’ils prennent des mesures spécifiques afin de développer la coopération avec la Turquie. Il a également exprimé l’espoir d’une prolongation de l’accord sur les réfugiés, qui oblige l’UE à allouer des milliards d’euros à la Turquie en échange d’une limitation du flux de migrants. La question des personnes déplacées temporairement reste le principal levier entre les mains d’Erdogan, qu’il manie habilement pour exercer une pression sur l’Europe.

    L’implication personnelle du président turc dans les négociations avec l’UE témoigne de l’intérêt considérable des autorités turques pour le rétablissement des barrières. Mais cette démarche n’est guère dictée par un effort sincère pour revenir sur les rails de l’intégration européenne. Le catalyseur le plus probable de l’initiative d’Erdogan est sa crainte de sanctions supplémentaires contre la Turquie, susceptibles de détériorer davantage une économie nationale déjà en difficulté.

    Depuis le début de l’année 2021, Ankara s’efforce d’envoyer un message sur sa volonté de changement : La Turquie a mis fin aux provocations habituelles en Méditerranée orientale et a rejoint le processus de règlement pacifique en Libye qui a commencé à porter des fruits prometteurs.

    Toutefois, comme dans le cas du discours d’Erdogan qui a préparé le terrain du sommet de l’UE, ces mesures ne peuvent être prises au sérieux que par un observateur extérieur. En fait, la Turquie n’a plus besoin de livrer des armes supplémentaires à la Libye uniquement parce qu’une présence militaire turque à part entière a été établie dans le pays d’Afrique du Nord au cours des dernières années. Dans ce contexte, les rapports sur la prétendue intention d’Ankara de retirer les mercenaires syriens de Libye ne doivent pas être pris avec un grain de sel, mais plutôt avec tout le baril. Il en va de même pour les louanges des dirigeants turcs au dialogue politique et au nouveau gouvernement – un gouvernement qui comprend des personnalités qui ne cachent même pas leur loyauté envers la Turquie. Toutes les mesures conçues par les dirigeants turcs poursuivent un seul et même objectif : atteindre un point d’appui à l’approche du sommet de l’UE, sans plus.

    La Turquie a profité d’un calme relatif pour regrouper ses forces et renforcer son influence dans la région. Le journal turc Daily Sabah a récemment fait état de l’expansion du port maritime de la ville côtière de Zawiya, qui devrait remplacer celui de Tripoli pour la livraison de matériel militaire et de munitions. En outre, Ankara continue de s’implanter dans l’aérodrome d’Al-Watiya, le transformant en base aérienne militaire. Même le nombre de mercenaires syriens en Libye ne devrait pas diminuer : les combattants d’un groupe Sultan Suleyman Shah soutenu par la Turquie se prépareraient à remplacer ceux qui sont censés quitter le pays.

    De toute évidence, Erdogan n’a pas mis ses ambitions de côté. Il ne fait que feindre d’adhérer aux valeurs européennes pour gagner le soutien de l’UE. Ce faisant, Erdogan trompe les Européens, cherchant à retarder ou à éviter les mesures punitives contre Ankara. Il est important de comprendre que, sous sa direction, la Turquie a toujours agi et agira toujours dans son propre intérêt, sans se soucier de ses partenaires européens.

    Modern Diplomacy, 26 mars 2021

    Tags : Turquie, Tayyip Erdogan, Union Européenne, UE, Libye,