Étiquette : torture

  • Sous la torture au Maroc, sa force morale était l’espoir de revoir sa fille

    Ali : « J’ai été torturé au Maroc »

    « Jamais, je n’ai perdu l’espoir de retrouver ma famille et de voir ma fille grandir. »

    Libre après 12 ans, Ali dit avoir été torturé dans des prisons marocaines. Il veut témoigner pour dénoncer ce dont peu de gens osent parler. Et il continue de clamer son innocence.

    « Ils ont commencé à me frapper. Des coupd de pied, des coups de poing, m’insulter … Et puis, tout à coup, il y a quelqu’un qui s’approche de moi et il arme son arme et il commence à tirer à côté de ma tête avec 3 ou 4 coups et il me disait : « Ici, on va t’enterrer aujourd’hui, si tu ne nous dis pas où sont les armes on va t’enterrer ici. Tout ça c’était… c’était dur à accepter, c’était…c’était insupportable ».

    Il accuse le Maroc de l’avoir torturé.

    « Ma fille, à lépoque avat 2 ans et 8 mois et je ne l’ai plus vue jusqu’à ma libération. Je refusais… je refusais de la voir grandir parce que je rêvais d’elle telle que je l’avais laissée ; A chaque fois que je rêvais d’elle, je la voyais toute petite. C’était ma force morale. C’était ma façon de faire face à toutes ces injustices. C’est ça, c’était ma force. C’était l’espoir de la voir grandir et de revivre avec elle des bons moments ».

    En 2008, le Maroc soupçonne Ali de fournir des armes à des djihadistes.

    «  Je n’avais aucune arme ! Donc, ça n’a jamais existé ! Je n’avais absolument rien à leur dire ».

    Libéré, il clame son innocence.

    Source : VEWS RTBF, 07 mai 2021

    Etiquettes : Maroc, Belgique, Ali Aarrass, torture,

  • Un détenu de Guantanamo dépose plainte à l’ONU pour détention arbitraire

    Un détenu de Guantanamo, Abou Zoubaydah, qui dit avoir été arrêté et torturé après les attentats du 11-septembre, s’apprête à déposer une plainte auprès d’une agence de l’ONU pour sa détention qui dure depuis près de 19 ans, a annoncé jeudi son avocate.

    La plainte, qui vise les Etats-Unis et six autres pays, sera déposée vendredi auprès du Groupe de travail sur la détention arbitraire, un groupe consultatif d’experts indépendants, pour lui demander d’intervenir dans son dossier, a précisé l’avocate Helen Duffy.

    Aujourd’hui âgé de 50 ans, Zayn al-Abidin Mohammed Hussein, dit Abou Zoubaydah, est un Palestinien né en Arabie Saoudite, qui était considéré par la CIA comme un responsable de haut rang d’Al-Qaïda ayant participé aux préparatifs des attentats du 11 septembre 2001.

    Selon son avocate, il a été arrêté en 2002 au Pakistan et remis à la CIA, qui l’a détenu dans plusieurs prisons secrètes où il a été le premier prisonnier soumis à la torture, subissant notamment 83 séances de «waterboarding», ces noyades simulées aujourd’hui interdites par les Etats-Unis.

    Il a été transféré en 2003 à Guantanamo, où il est toujours détenu sans inculpation ni espoir d’être un jour libéré, et la CIA a reconnu depuis qu’Abou Zoubaydah n’appartenait pas à Al-Qaïda.

    «Sa détention n’a aucune base légale selon les lois internationales et c’est une offense à tous les principes de respect des procédures», a noté Mme Duffy dans un communiqué.

    Dans sa plainte, Abou Zoubaydah va demander à l’agence de l’ONU de conclure que les Etats-Unis doivent le libérer.

    Il veut également que les six autres pays qui seraient impliqués dans sa détention –Grande-Bretagne, Thaïlande, Afghanistan, Lituanie, Pologne et Maroc — prennent toutes les mesures pour assurer sa libération, y compris en lui offrant l’asile.

    «Après 19 ans de détention arbitraire, la seule solution légale appropriée serait sa libération et sa réhabilitation», a ajouté son avocate. La réponse de l’administration du président Joe Biden «permettra de tester les engagements qu’il a pris récemment en faveur des règles de droit et des droits humains».

    Le Nouvelliste, 30 avr 2021

    Etiquettes : Etats-Unis, Guantanamo, Zayn al-Abidin Mohammed Hussein, CIA, Maroc, torture, Al Qaïda, terrorisme, 11 septembre,

  • Un détenu de Guantanamo dépose plainte à l’ONU pour détention arbitraire

    Un détenu de Guantanamo, Abou Zoubaydah, qui dit avoir été arrêté et torturé après les attentats du 11-septembre, s’apprête à déposer une plainte auprès d’une agence de l’ONU pour sa détention qui dure depuis près de 19 ans, a annoncé jeudi son avocate.

    La plainte, qui vise les Etats-Unis et six autres pays, sera déposée vendredi auprès du Groupe de travail sur la détention arbitraire, un groupe consultatif d’experts indépendants, pour lui demander d’intervenir dans son dossier, a précisé l’avocate Helen Duffy.

    Arrêté en 2002 au Pakistan

    Aujourd’hui âgé de 50 ans, Zayn al-Abidin Mohammed Hussein, dit Abou Zoubaydah, est un Palestinien né en Arabie saoudite, qui était considéré par la CIA comme un responsable de haut rang d’Al-Qaïda ayant participé aux préparatifs des attentats du 11 septembre 2001.

    Selon son avocate, il a été arrêté en 2002 au Pakistan et remis à la CIA, qui l’a détenu dans plusieurs prisons secrètes où il a été le premier prisonnier soumis à la torture, subissant notamment 83 séances de « waterboarding », ces noyades simulées aujourd’hui interdites par les Etats-Unis.

    Il a été transféré en 2003 à Guantanamo, où il est toujours détenu sans inculpation ni espoir d’être un jour libéré, et la CIA a reconnu depuis qu’Abou Zoubaydah n’appartenait pas à Al-Qaïda.

    « Sa détention n’a aucune base légale selon les lois internationales et c’est une offense à tous les principes de respect des procédures », a noté Mme Duffy dans un communiqué.

    Il demande l’aide de 6 pays

    Dans sa plainte, Abou Zoubaydah va demander à l’agence de l’ONU de conclure que les Etats-Unis doivent le libérer.

    Il veut également que les six autres pays qui seraient impliqués dans sa détention : Grande-Bretagne, Thaïlande, Afghanistan, Lituanie, Pologne et Maroc, prennent toutes les mesures pour assurer sa libération, y compris en lui offrant l’asile.

    « Après 19 ans de détention arbitraire, la seule solution légale appropriée serait sa libération et sa réhabilitation », a ajouté son avocate. La réponse de l’administration du président Joe Biden « permettra de tester les engagements qu’il a pris récemment en faveur des règles de droit et des droits humains ».

    AFP

    Vivreici.be, 30 avr 2021

    Etiquettes : Etats-Unis, Guantanamo, ONU, plainte, Abou Zoubaydah, Zayn al-Abidin Mohammed Hussein, Al-Qaïda, terrorisme, torture, ONU, Groupe de travail sur la détention arbitraire, Grande-Bretagne, Thaïlande, Afghanistan, Lituanie, Pologne et Maroc,

  • Maroc : Ali Aarrass, résident de Bruxelles, est enfin de retour à la maison

    « Ils ont mis ma tête dans un seau d’eau jusqu’à ce que je m’étouffe. J ‘ ai été violé à l’envers avec une bouteille. J ‘ ai subi des chocs électriques. » Depuis dix ans Ali Aarrass, un résident de Bruxelles emprisonné au Maroc, a été le visage de la campagne mondiale d’Amnesty International contre la torture. Aarrass insiste sur son innocence. Depuis l’été dernier, il est libre, ′′ et infiniment reconnaissant à tous ceux qui lui ont écrit. »

    On se retrouve à la Bourse et on continue en marchant. ′′ C ‘ est comme si j’avais soudainement atterri sur une autre planète, » a-t-il dit. ′′ Une planète avec seulement des gens sympas. C ‘ est tellement bizarre de voir tous ceux qui ont écrit des lettres, qui vous ont défendu, dans la vraie vie après toutes ces années. Tenez-vous bien à eux pour une fois, mais malheureusement ce n’est pas encore possible. ′′

    Après toutes les informations qui viennent du Maroc depuis 2009 sur son sort, Ali Aarrass (58 ans) semble étonnamment courageux. Il a une longue histoire de boxeur et servi dans l’armée belge. Il peut supporter beaucoup de choses. ′′ Les cicatrices des brûlures de cigarettes disparaissent, » dit-il. ′′ Les autres ne le font pas. Et ce que c’est dans votre tête, de traverser tout cela et de réaliser que les gens qui font ça sont spécialement formés pour ça, je ne peux expliquer. ′′

    Ali Aarrass a vécu à Bruxelles pendant 29 ans. Il a d’abord dirigé une boutique de souvenirs, puis un kiosque à journaux à Molenbeek. En 2004, il a décidé de revenir à Melilla, l’esclave espagnol près de la ville marocaine de Nador, où se trouvent ses racines.

    ′′ Quand les agents de Guardia Civil m’ont contacté dans la rue le 1 avril 2008, je m’attendais à un client. Ils ont fait croire qu’il était lié à une amende de circulation. La première question était : ′′ Qui sont vos amis ? ′′ Je l’ai trouvé un peu bizarre, ça semblait menaçant. J ‘ ai dit que je n’avais qu’un seul vrai ami, mon père. Ils se sont moqués de moi. Après, j’ai réalisé qu’ils me suivaient depuis longtemps. Le soir, j’ai été traduit devant un juge. Il a dit que je devais être transféré à Madrid. Voilà, j’ai été mis en isolement. Après un certain temps, j’ai été mené devant Baltasar Garz ón. ′′ \ n
    Il était le magistrat qui a attaqué Augusto Pinochet et Silvio Berlusconi, et qui voulait poursuivre George W. Bush pour les tortures subies à Guant ánamo.

    ′′ À la demande du Maroc, il a également enquêté sur les attaques de Casablanca (contre les centres touristiques le 16 mai 2003). Il m’a confronté à toute une série de noms qui ne signifiaient rien pour moi. Il m’a demandé qui je connaissais au Maroc. J ‘ ai dit : ′′ Personne du tout. » Je n’y ai jamais vécu. Je suis né à Melilla et je sais pour un fait que l’enclave est vue avec soupçon par le Maroc. M. M. Garz ón a fait son travail correctement et a décidé que je ne devrais pas être poursuivi en justice. Cependant, je n’ai pas été libéré. Le Maroc a demandé mon extradition. Amnesty International L ‘ Espagne a lancé une action. Parce que le Maroc est un pays qui torture. ′′ \ n
    Grâce à d’autres détenus, les descriptions d’Aarrass des méthodes horribles de torture dont il a souffert ont atteint le monde extérieur.

    – Connaissez-vous l’origine des suspicions qui pendent sur vous ?

    ′′ Non, j’étais un pion sur un conseil diplomatique. Nous étions deux au départ. Avec moi, ils avaient récupéré un certain Mohamed el Bay, aussi à Melilla. Quelqu’un que je ne connaissais pas. Il a également été extradé vers l’Espagne et a passé plus d’un an et demi en prison là-bas. Il avait la nationalité hispano-marocaine, il est né en Espagne, tout comme moi. Moi, avec ma nationalité belgo-marocaine, j’ai été extradé. Ils viennent de le laisser partir.
    ′′ Quand j’ai appris que l’extradition devenait inévitable, j’ai fait une grève de la faim. Le premier d’une longue série. J ‘ ai été emmené à l’aéroport par des gens de la Croix-Rouge espagnole et transporté à Casablanca lors d’un vol régulier Royal Air Maroc le 19 novembre 2009. S ‘ ils avaient vraiment vu un terroriste en moi, ils ne le feraient pas. Je n’aurais pas pris un vol régulier, non ? D ‘ après tout ce qui m’est arrivé, il est clair que les gens que j’ai traités n’ont pas cru un mot de ce qui a été dit sur moi. Ils ne faisaient que exécuter les ordres. Après l’atterrissage, je ne suis même pas passé par la douane. J ‘ ai été poussé dans une voiture avec quatre agents des services secrets à l’intérieur. L ‘ un d’entre eux a dit : ′′ Maintenant tu es à ta place. J ‘ ai dit que j’étais belge. J ‘ ai reçu le premier coup de poing. Nous avons conduit à Rabat. Nous avons dû passer trois cabines à péage. À chaque cabine de péage, ils m’ont poussé la tête vers le bas. ′′

    – Toujours selon les normes marocaines, votre arrestation était-elle illégale ?

    ′′ Au moins, c’est ce que j’ai ressenti. En fin de compte, j’ai été bandé les yeux, donc je ne savais pas où j’avais fini. D ‘ abord, ils vous placent menotté par derrière sur une chaise très instable, de sorte qu’à un moment donné, vous vous cognez inévitablement la tête par terre. Alors vous l’avez fait vous-même, pour ainsi dire. Puis les questions ont commencé. Qui es-tu ? Combien de sœurs et frères avez-vous ? Et tout d’un coup, ′′ Où cachez-vous les armes ? » Pendant quatre jours, ils n’ont pas arrêté de répéter cette question. J ‘ avais une barre de fer entre les jambes. Ils ont mis ma tête dans un seau d’eau jusqu’à ce que je m’étouffe. J ‘ ai été violé à l’envers avec une bouteille. J ‘ ai eu des chocs électriques. Leur objectif évident était une confession. ′′

    – Qu ‘ est-ce que, selon les autorités marocaines, vous avez fait aussi?

    ′′ Inventer un scénario est une chose très différente de celle de l’avouer. Je ne pouvais plus supporter la douleur. Après quatre jours, j’ai mentionné l’adresse de ma tante qui vit près de la frontière avec Melilla. Ils ont commencé à enquêter, en disant, » C ‘ est vrai, il a une tante qui vit là-bas. » Ils ont commencé à fouiller toute la maison, et j’ai dû aller avec eux. J ‘ ai été soudainement traité d’une manière agréable. À partir des données sur le tableau de bord de la voiture que nous conduisions, j’ai réalisé que cela faisait quatre jours. Je n’avais aucune idée du jour ou de la nuit. Cette histoire sur ma tante m’a fait gagner du temps. Je savais aussi qu’il y avait au moins sept heures de route. »

    – Comment ont-ils réagi quand ils n’ont pas trouvé d’armes ?

    ′′ Ça a ravivé tout. Et dans la commissaire, le téléphone sonnait tout le temps. Je les ai entendus dire : ′′ Oui, patron, patron, patron compris. » Avec respect, chef. J ‘ étais déshabillé, ils me coinçaient une matraque dans les fesses. Ils m’ont énervé. Ils ont tiré des balles dans ma tête. Ils ont dit : ′′ Si tu ne nous montres pas la vraie cachette maintenant, on va te tirer dessus. » J ‘ ai dit : ′′ Vas-y. Je ne connais aucune cachette. Ils m’ont ensuite assommé. J ‘ ai ensuite imaginé un autre scénario, avec le même résultat. ′′

    – N ‘ avez-vous pas reçu d’aide du consulat belge à ce moment-là ?

    ′′ Ils n’ont rien fait du tout. Pour eux, j’étais ′′ juste ′′ un marocain. Finalement, j’ai été condamné sur la base de mes ′′ aveux. » D’ abord à quinze, puis à douze. Et je les ai servis. Jusqu’au dernier jour. Dans la prison de Salé notamment. Ils ont continué à me torturer là-bas. Parce que ma sœur, le comité Free Ali et Amnesty International ont continué à faire du bruit. Ils ont continué à écrire des lettres. Je serai reconnaissant à votre journal d’avoir publié jusqu’à la fin de ma vie les dessins animés que j’ai mis en fraude grâce à mes collègues détenus. C ‘ est ce qu’ils voulaient arrêter : l’attention, la critique d’Amnesty. Leur idée, je pense, était : ′′ Un jour, ça s’arrêtera tout seul. » Je suis bien conscient d’être privilégié. Au moins 2,000 personnes ont été arrêtées à la suite des attentats de Casablanca, dont des centaines ont été traités comme moi. Qu ‘ est-ce qui leur est arrivé ? »

    – Vous avez été libéré au milieu de la première fermeture du Maroc.

    ′′ C ‘ était déjà un point de contestation. On m’a dit en prison qu’ils ne pouvaient pas me libérer à cause du Coronavirus. Il y avait à ce moment là une dame marocaine qui connaissait le comité Free Ali et qui m’a proposé de m’accueillir. Elle est venue me chercher dans sa voiture. Je suis resté avec sa famille pendant trois mois parce qu’il n’y avait pas de vol. Jusqu’à ce que soudainement j’ai reçu un message : vous pouvez venir sur un vol pour Paris. J ‘ y croyais seulement quand on était dans l’air. Puis j’ai réalisé. Je n’ai eu que des bonnes personnes à remercier pour ça. À la générosité désintéressée. ′′

    Comment vivez-vous maintenant ?

    ′′ Quelque chose que je n’aurais jamais imaginé allait m’arriver. Du CPAS (Les Centres Publics d’Action Sociale ont pour mission de garantir que toutes les conditions de vie sont en conformité avec la dignité humaine). Toute ma vie, j’ai toujours travaillé, très volontiers. Maintenant je cherche du travail tous les jours mais pas facile. ′′

    Par Douglas De Coninck, du journal De Morgen, 17 février 2021.

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  • La cruauté de Guantánamo est médiévale, c’est une histoire d’horreur et elle est réelle

    Mohamedou Ould Slahi, 50 ans, a subi des passages à tabac, des simulacres d’exécution par électrocution et des humiliations sexuelles dans la tristement célèbre prison américaine de Guantánamo Bay.

    Mohamedou Ould Slahi, 50 ans, n’a jamais été condamné pour un quelconque crime, ni même accusé de quoi que ce soit. Il a pourtant passé quatorze ans en captivité dans la tristement célèbre prison américaine de Guantánamo Bay, où il a été battu, humilié sexuellement, soumis à des simulacres d’exécution et électrocuté à plusieurs reprises.

    « Ils ont essayé de me forcer à avouer un crime que je n’ai pas commis », a-t-il expliqué. « Ils m’ont privé de sommeil et m’ont interrogé pendant les soixante-dix premiers jours, et m’ont empêché de prier ou de jeûner. »

    Sur la base de preuves peu convaincantes, Slahi a été surnommé « prisonnier numéro un » et accusé à tort d’être l’un des cerveaux des attentats terroristes de 2001 à New York et Washington, parce qu’il avait soutenu Al-Qaida pendant l’insurrection des années 1980 en Afghanistan. Il y a combattu pendant trois semaines contre des communistes soutenus par l’Union soviétique avant de rompre ses liens avec le groupe.

    Dans le nouveau film hollywoodien The Mauritanian, qui a été nommé pour cinq Baftas, le réalisateur Kevin Macdonald raconte l’histoire de l’arrestation de Slahi devant la maison familiale en Mauritanie en novembre 2002, son emprisonnement à Guantanamo sans procès et le travail tenace de son avocat.

    Slahi travaillait pour une entreprise technologique allemande à la fin des années 1990 lorsqu’il a été repéré par les services de renseignement américains. Sous la pression des États-Unis, les autorités de son pays d’origine, la Mauritanie, l’ont arrêté en 2001 avant qu’il ne soit victime d’une « restitution extraordinaire » et emmené en Jordanie par la CIA. Il y a été détenu à l’isolement pendant des mois. Les États-Unis l’ont ensuite transféré à la base aérienne de Bagram, en Afghanistan, d’où il a été transporté par avion jusqu’à Guantánamo Bay.

    Construit sur une petite zone de Cuba que les États-Unis louent comme base navale depuis 1903, le site de la prison a été délibérément choisi parce qu’il se trouve en dehors du territoire américain et n’est donc pas soumis à la loi américaine. Créée pour détenir des suspects après les attentats du 11 septembre 2001, cette prison offshore est devenue le symbole des excès de la « guerre contre le terrorisme » menée par les États-Unis, en raison des méthodes d’interrogatoire brutales qui, selon les critiques, s’apparentent à de la torture.

    « Le gouvernement américain a su très bien tisser le récit pour me faire passer pour le pire des terroristes aux yeux du monde », m’a-t-il dit. « Ils ont fait croire que j’avais été ramassé sur un champ de bataille en Afghanistan, mais ce n’était pas vrai. Ils m’ont kidnappé dans mon pays, en Mauritanie. Et maintenant, ils font croire que j’étais aux mauvais endroits au mauvais moment, mais encore une fois, non ! C’est complètement faux, j’étais occupé à travailler et à aider ma famille. « 

    Considéré comme le prisonnier le plus torturé de l’histoire de Guantanamo, Slahi a écrit un mémoire à succès en 2015, intitulé Guantanamo Diary, détaillant sa vie à la prison. Le film est basé en partie sur ce livre. On y apprend comment il a résisté aux techniques d’interrogatoire « améliorées », qui comprenaient des passages à tabac longs et sanglants à des températures glaciales, la privation de sommeil et la simulation de noyade sur le côté d’un bateau.

    Ce n’est que lorsque les gardiens ont menacé de faire venir sa mère et de la placer dans une prison exclusivement masculine – en insinuant qu’elle serait violée, dit-il – qu’ils l’ont finalement obligé à admettre des choses qu’il n’avait pas faites. Parmi eux, un projet visant à faire exploser l’emblématique tour CN de Toronto.

    Le Mauritanien met en scène l’acteur franco-algérien Tahar Rahim dans le rôle de Slahi, Jodie Foster dans le rôle de Nancy Hollander, l’avocate de la défense qui s’est battue contre l’obscurantisme de l’armée américaine pour obtenir la libération de son client, et Benedict Cumberbatch dans le rôle du lieutenant-colonel Stuart Couch, un procureur militaire américain qui a refusé de poursuivre le procès de Slahi après avoir conclu que ses déclarations incriminantes étaient le résultat de la torture.
    « J’ai vu le film mais je n’ai pas pu regarder les scènes de violence et de torture, je me suis levée et je suis partie parce que cela me rappelait de très mauvais souvenirs que j’essaie de supprimer. La réalité était bien pire et je peux encore sentir le bout de ses doigts. »

    Il a expliqué cela en soulignant que lorsque la CIA l’a enlevé à la Jordanie, il a littéralement senti leurs empreintes digitales lorsqu’ils ont coupé et déchiré ses vêtements pour lui mettre des couches. « J’avais les yeux bandés tout le temps. J’ai vraiment cru que je ne sortirais jamais vivant de cet endroit. »

    La cruauté est médiévale. C’est une histoire d’horreur. Et c’est vrai.

    La prison a ouvert ses portes en janvier 2002 et, au fil des ans, 780 hommes soupçonnés de liens avec les talibans et Al-Qaïda y ont été détenus, bien qu’ils n’aient jamais été inculpés d’aucun crime. L’ancien président américain Barack Obama a déclaré que la prison allait à l’encontre des valeurs américaines et était une « tache sur notre vaste bilan » lorsqu’il a défendu sa fermeture en 2016. Il a pris un décret pour le fermer, mais n’a pas réussi à le faire complètement, laissant 41 détenus derrière les barreaux, dont la plupart n’ont pas été inculpés. Aujourd’hui, le président Joe Biden a déclaré qu’il allait entamer un processus d’examen en vue de la fermeture de la prison, une décision qui aurait dû être prise depuis longtemps.

    Selon M. Slahi, le problème ne relève pas uniquement du gouvernement américain, mais constitue un crime collectif pour lequel les États-Unis, le Royaume-Uni et les pays musulmans et du Moyen-Orient tels que l’Arabie saoudite, la Jordanie et le Pakistan doivent partager la responsabilité.

    Selon M. Slahi, le problème ne relève pas du seul gouvernement américain ; il s’agit d’un crime collectif pour lequel les États-Unis, le Royaume-Uni et les pays musulmans et du Moyen-Orient tels que l’Arabie saoudite, la Jordanie et le Pakistan doivent partager la responsabilité.

    « Il n’y a personne à Guantanamo, à ma connaissance, qui n’ait pas été remis par des pays musulmans ou arabes. Et nous devons résoudre ce problème avant de crier uniquement aux États-Unis pour le régler, car d’autres pays comme la Mauritanie, le Pakistan, la Jordanie et l’Arabie saoudite jouent également un rôle », a-t-il déclaré. « Ce ne sont pas de vrais pays démocratiques qui respectent les droits de l’homme. Il est décourageant que mon peuple, qui est censé me protéger, me livre sans se plaindre. Je ne suis pas considéré comme innocent jusqu’à preuve du contraire. En fait, la seule personne qui croit en cette théorie est sa mère ».

    Lors de sa comparution devant le comité d’examen périodique de la prison, qui interroge les détenus et examine leurs dossiers, Slahi a été interrogé sur son point de vue concernant l’occupation coloniale de la Palestine par Israël. « J’ai été surpris. Le gouvernement américain voulait savoir si j’étais un bon gars en fonction de ma position politique sur le conflit Palestine-Israël. C’était un facteur décisif pour savoir si je suis un bon gars. »

    Il a décrit l’ensemble du processus comme un jeu politique. « Il y a des innocents à Guantanamo parce que le terrorisme est un terme politique, pas un terme pénal. Nous, les Arabes, le connaissons bien car nous l’avons inventé au Moyen-Orient. Tous les opposants politiques sont classés comme des terroristes et les gouvernements peuvent faire n’importe quoi avec eux. »

    Malgré l’énorme e rreur judiciaire dont il a été victime, Slahi semble être en bonne santé, énergique et joyeux. Il est plein d’espoir et d’optimisme, m’a-t-il dit, mais il admet que cette expérience éprouvante l’a changé. Pourtant, il trouve toujours en lui la force de pardonner.

    « Même s’ils m’ont traité de la manière la plus inhumaine qui soit, j’ai décidé que je n’en voudrais à aucun des gardes présents et que je leur pardonnerais complètement. C’est tellement bon et libérateur, et je me sens tellement plus proche de Dieu. »

    L’une des premières demandes de Slahi après son arrivée chez lui, début 2016, a été de demander à sa famille de lui acheter deux grands téléviseurs remplis de chaînes. Le contrôle strict de ce qu’il pouvait regarder et écouter en prison l’avait poussé à vouloir comprendre ce qui se passait réellement dans le monde. Il a demandé à sa nièce d’installer les chaînes, mais elle l’a regardé avec surprise et a dit : « Mon oncle, je ne sais pas comment faire. Je n’ai jamais utilisé de télévision de ma vie, seulement mon téléphone. »

    Conscient que le monde va trop vite, il est toujours en train de rattraper son retard. Il est désormais écrivain à plein temps et vient de publier un nouveau livre, Ahmed et Zarga.

    L’écriture est sa thérapie. Enfant, inspiré par les Mille et Une Nuits, il a toujours voulu écrire et enseigner car « même la mort est si joliment écrite dans son recueil d’histoires ».

    Sous la pression des Etats-Unis, les autorités mauritaniennes ont refusé de lui donner son passeport pendant trois ans. Il n’a même pas été autorisé à voyager pour recevoir un traitement pour une affection nerveuse de longue date qui, selon lui, a été aggravée par ses tortionnaires à Guantánamo. Dans sa nouvelle vie de liberté, Slahi continue donc de se sentir emprisonné par les contraintes imposées par les États-Unis. Il se voit maintenant refuser des visas, y compris un visa en Grande-Bretagne pour promouvoir Le Mauritanien.

    Slahi a conclu notre entretien en disant que le traitement des prisonniers de Guantanamo en dit plus sur les États-Unis que sur les personnes enlevées et emprisonnées. « Aucun d’entre eux n’a été condamné avec succès pour un quelconque crime, alors où est la justice ? Il n’y a pas de justice pour ceux qui sont en prison ; il n’y a pas de justice pour les victimes du 11 septembre et leurs familles, qui ont perdu des êtres chers d’une manière très douloureuse. Il n’y a pas de justice pour qui que ce soit.

    Nous sommes donc tous en droit de nous demander quelle est la fonction et le but réels de la prison américaine de Guantánamo Bay.

    Middle East Monitor, 4 avr 2021

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  • RTBF : Ali Aarrass dénonce les tortures au Maroc : « Avec ces techniques, ils finiront toujours pour avoir gain de cause »

    Ali Aarrass nous a donné rendez-vous dans son petit appartement, à Bruxelles.

    C’est là qu’à 59 ans désormais, l’homme refait petit à petit sa vie, auprès de sa femme Houria, et de sa fille Amina. Une reconstruction pas à pas, après 12 années de privations, d’emprisonnement, et d’épisodes de torture affirme-t-il. Douze années passées à purger sa peine dans les prisons marocaines.

    Hanté par ses souvenirs, Ali Aarrass ressasse encore sa disparition au monde.

    « Les conditions de détention en isolement sont très très dures à accepter surtout pour un innocent, dit-il. Et le plus dur, c’est d’être entre ces quatre murs, je vous parle surtout du Maroc, et toutes vos doléances, toutes vos demandes, sont bafouées ; là vous vous sentez abandonné. »

    Car Ali Aarrass clame surtout son innocence, et cela depuis son arrestation en Espagne.

    Son histoire judiciaire débute pour le grand public le 1er avril 2008. En vacances chez son père qui habite dans l’enclave espagnole de Melilla, il est arrêté à la demande des autorités marocaines. Ce Belgo-marocain est accusé de trafic d’armes, pour le compte d’une organisation terroriste djihadiste. Il va être extradé, puis condamné au Maroc 15 ans de prison, ramenés à 12 ans en 2012.

    Extradé, malgré un non-lieu

    Il passera plus d’un an et demi en prison à Madrid. La justice espagnole va enquêter sur ses activités présumées, et le juge Baltasar Garzon va conclure à un non-lieu… Ali Aarrass va tout de même être extradé, les autorités marocaines modifiant leurs charges à son encontre.

    Amer, Ali Aarrass sait bien aujourd’hui que c’est cette décision du gouvernement espagnol de répondre positivement à la demande d’extradition, qui déterminera le reste de sa vie : « S’il y a quelqu’un à qui je devrais en vouloir, c’est le gouvernement espagnol et à José Luis Zapatero (premier ministre socialiste espagnol à cette époque, ndlr), un gouvernement complice avec le Maroc, ajoute Ali Aarrass : « Et quand on parle du Maroc, on parle du Roi Mohamed VI, et le directeur général de la sûreté marocaine, Abdellatif Hammouchi. Ils sont les responsables de ce massacre, et des tortures abjectes qui m’ont été faites. »

    Absence de soins médicaux, de nourriture comestible, « on était dans un zoo », raconte-t-il.

    Mais surtout, Ali Aarrass dénonce : les aveux sur lesquels s’est basée sa condamnation au Maroc, les seuls éléments fournis publiquement, auraient été forcés, obtenus sous la torture.

    Aveux et tortures

    Il raconte avoir subi des maltraitances pendant quatre jours, à son arrivée dans un centre de détention de la DST (Direction générale de la surveillance du territoire) , le centre de Temara. « Ils ont l’habitude de torturer, de massacrer, et ce n’est qu’après qu’ils te posent des questions. Les scènes de tortures sont horribles, abominables, inhumaines. On ne peut pas dire que ce sont des aveux, parce qu’à force de torture, après quatre jours, quand je n’ai pas cessé de leur dire que je n’avais rien à voir avec ces accusations, et ces armes qu’ils cherchaient, je me suis dit il faut que j’invente quelque chose. Ce ne sont pas des aveux… C’est impossible de résister, avec ces techniques, ils finiront toujours pour avoir gain de cause. »

    A ces souvenirs, Ali Aarrass faiblit, ses yeux s’emplissent de larmes. « Temara, c’est un centre secret, un centre pénitentiaire secret qui est là spécialement pour torturer les citoyens et les citoyennes marocaines. Au moment où j’étais sous la torture, j’ai entendu les cris d’une femme… C’était horrible… C’était horrible de voir une femme crier et eux, ils étaient en train de rigoler. Pour moi ils étaient en train de la violer… C’est connu ils font ça avec plein de gens, d’innocent pour en tirer des aveux. Le centre de Témara c’est un centre où l’on torture… Est-ce qu’on peut dire que c’est un Etat de droit, un Etat démocratique ? »

    Plus tard, d’autres éléments vont être interpellants dans ce dossier. Une vidéo montrera Ali Aarras, le dos marqué de coups, dans une cellule de la prison marocaine de Salé 2. Cette vidéo aurait été tournée par un gardien, en 2012, elle sera diffusée par la famille et les avocats d’Ali Aarras en 2015.

    RTBF, 24 mars 2021

    Tags : Maroc, Belgique, Ali Aarrass, torture, terrorisme,

  • Plainte déposée à Moscou contre le groupe de mercenaires Vagner concernant la torture d’un détenu syrien

    Trois organisations non gouvernementales basées en France, en Syrie et en Russie ont annoncé une action en justice à Moscou contre le groupe Vagner, un entrepreneur militaire russe ayant des liens indirects avec l’élite politique du pays, pour la torture en 2017 d’un détenu en Syrie.

    « Ce litige est la toute première tentative de la famille d’une victime syrienne de tenir les suspects russes pour responsables de crimes graves commis en Syrie », la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH), le Centre syrien pour les médias et la liberté d’expression, et le Centre des droits de l’homme Memorial, basé à Moscou, a déclaré dans une déclaration commune le 15 mars.

    Ils ont dit que le frère d’un citoyen syrien qui a été « torturé, tué, et avait son cadavre mutilé par six personnes en 2017 à Gouvernorat de Homs » a déposé la plainte pénale devant le Comité d’ enquête de la Russie le 11 Mars

    La plainte, qui a été facilitée par la La FIDH, le SCM et Memorial, « exigent l’ouverture de poursuites pénales sur la base d’un meurtre commis avec une extrême cruauté, en vue d’établir la responsabilité des auteurs présumés de ce crime et d’autres, y compris les crimes de guerre », indique le communiqué.

    L’affaire ne devrait conduire à aucune condamnation puisque le groupe Vagner serait dirigé par l’homme d’affaires russe Evgeny Prigozhin, un proche associé du président Vladimir Poutine.

    Bien que les entreprises militaires privées soient illégales en Russie, les observateurs affirment que Vagner a joué ces dernières années un rôle de plus en plus important pour soutenir les ambitions du Kremlin à l’étranger.

    Le groupe est actif depuis plusieurs années dans des opérations de combat dans différentes régions, notamment en Syrie, en Libye et dans d’autres régions d’Afrique.

    Dans leur déclaration, les trois ONG ont cité «de nombreux rapports faisant état de graves violations des droits humains commises par le groupe contre des civils, parfois avec une extrême cruauté».

    « Le statut juridique ambigu de [Vagner] au regard du droit russe et le déni des liens factuels indiquant sa totale dépendance vis-à-vis des autorités russes, est un moyen pour la Russie de se soustraire à sa responsabilité internationale pour les crimes commis » par les membres de l’entreprise militaire ajoutèrent-ils.

    Le communiqué cite l’un des avocats du plaignant syrien qui déclare que la loi russe « contient une obligation pour l’État d’enquêter sur les crimes commis par des citoyens russes à l’étranger ».

    « Chaîne d’impunité »

    Le comité d’enquête « n’a, à ce jour, ouvert aucune enquête sur le crime en question, même si toutes les informations nécessaires ont été officiellement communiquées aux autorités russes il y a plus d’un an », a déclaré l’avocat Ilya Novikov. .

    le président de Memorial Alexandre Cherkasovdéclaré une plainte déposée par le journal Novaïa Gazeta à Moscou un an était « ignoré. » il y a

    « cela nous a forcé,défenseurs des droitshomme,se tourner versautoritésenquête russes.effet, cela est une répétition de ce Il y a 20 ans, lorsque les disparitions forcées, la torture et les exécutions extrajudiciaires commises pendant le conflit armé dans le Caucase du Nord n’ont pas non plus fait l’objet d’enquêtes. Aujourd’hui, nous voyons un autre maillon dans cette chaîne d’impunité », a ajouté Tcherkasov.

    Avec l’Iran, la Russie a fourni un soutien militaire crucial au président syrien Bashar al-Assad pendant la guerre civile en Syrie, qui a commencé par une répression contre les manifestants antigouvernementaux en mars 2011. Plus de 400 000 personnes ont depuis été tuées et des millions déplacées.

    Les États-Unis ont frappé Prigozhin de sanctions pour ingérence dans les élections présidentielles américaines de 2016 et en relation avec le rôle de la Russie dans la guerre civile en Libye.

    Radio Free Europe / Radio Liberty, 15 mars 2021

    Tags : Russie, Syrie, Wagner, torture, Plainte,

  • Guantánamo, la torture et l’amitié : comment nous avons réalisé My Brother’s Keeper

    Le réalisateur du documentaire du Guardian, récompensé par un Bafta, explique comment il a été réalisé et a transcendé les stéréotypes.

    Comment avez-vous découvert Mohamedou et Steve ?

    J’ai entendu parler de Mohamedou Ould Salahi pour la première fois en décembre 2014, lorsque mon rédacteur en chef du Guardian de l’époque, Mustafa Khalili, m’a demandé de réaliser un court métrage d’animation sur les mémoires à succès de [Salahi], Guantánamo Diary. C’est grâce à ce projet que j’ai rencontré l’avocate de Mohamedou, Nancy Hollander, et nous avons ensuite commencé à discuter de la possibilité de réaliser ensemble un documentaire à plus long terme.

    Fait remarquable, le livre de Mohamedou a été écrit et publié alors qu’il était encore prisonnier à Guantánamo. Il décrit de manière saisissante sa « restitution extraordinaire » de son pays natal, la Mauritanie, vers la Jordanie, l’Afghanistan et enfin Cuba, ainsi que les interrogatoires et les actes de torture déchirants qui ont suivi (appelés par euphémisme « mesures spéciales »). Tout au long de ses 15 années d’incarcération, Mohamedou n’a jamais été accusé d’un crime par les autorités américaines.

    Malgré cette terrible épreuve, ses mémoires révèlent un être humain compatissant, chaleureux et intellectuellement riche, pris dans les filets de la paranoïa de l’après-11 septembre, et dont la compréhension astucieuse de la langue et de la prose est non seulement très accessible, mais aussi profondément émouvante.

    Mohamedou avait exprimé le souhait que ses premiers moments de liberté soient documentés par une caméra. Nancy m’a donc invité à la rejoindre à Nouakchott quelques jours après sa libération en 2016. Mohamedou et moi avons tout de suite cliqué et j’ai eu le sentiment que son parcours après sa libération mériterait d’être exploré. Heureusement pour moi, Mohamedou est un grand fan de cinéma (notamment des comédies d’Adam Sandler), en plus d’être un incorrigible frimeur, donc il était vraiment attiré par l’idée de réaliser un documentaire.

    Comment avez-vous procédé pour réaliser ce documentaire ? Combien de temps cela a-t-il pris au total ?

    J’ai rendu visite à Mohamedou en Mauritanie lors de quatre voyages entre 2016 et 19. À la deuxième occasion, Mohamedou a commencé à s’ouvrir sur son amitié improbable avec son ancien gardien, Steve Wood, et l’année suivante, ils avaient repris contact sur Facebook et prévoyaient une réunion à Nouakchott. Mohamedou m’a appelé peu après et m’a invité à les rejoindre.

    J’ai commencé le montage environ un an plus tard, au printemps 2019, et nous sommes passés par plusieurs itérations au cours des 12 mois suivants, y compris une coupe plus longue qui présentait beaucoup plus de l’histoire de Mohamedou. Mes producteurs exécutifs, Lindsay Poulton et Mustafa Khalili, ainsi que ma coéditrice, Agnieszka Liggett, ont joué un rôle crucial dans cette évolution. Ils ont tous contribué à façonner le film final et m’ont aidé à découvrir ses thèmes et son orientation narrative.

    Lindsay Poulton, responsable des documentaires du Guardian, déclare : « Avec Guardian Documentaries, nous sommes toujours à la recherche d’itinéraires surprenants pour aborder des histoires contemporaines importantes. Laurence a choisi un objectif intéressant pour réfléchir à Guantanemo, un symbole puissant de la ‘guerre contre le terrorisme’. Il y a beaucoup à dire sur la cruauté, mais choisir de célébrer l’humanité que l’on peut trouver même dans les coins les plus sombres était une décision audacieuse. La réalisation d’un film est toujours une collaboration, un va-et-vient entre la vie et l’imagination. L’esprit ineffable de Mohamedou dans la vie a tiré le film dans la direction de l’espoir ».

    Nous avons officiellement lancé le film terminé au festival du film de Tribeca en 2020, mais malheureusement, tout a été perturbé par Covid-19. Cependant, le film a connu un certain succès sur le circuit des festivals virtuels, jouant dans 19 festivals de films internationaux, remportant trois prix et a récemment été sélectionné par le Bafta pour le court métrage britannique.

    Pourquoi avez-vous estimé qu’il était si important de raconter son histoire de cette manière ? Et pourquoi maintenant ?

    Dans la vague de paranoïa et de peur qui a suivi le 11 septembre, les musulmans ont souvent été vilipendés, stéréotypés et mal représentés à l’écran. Les détenus eux-mêmes ont rarement été décrits comme des personnes tridimensionnelles jouissant de droits de l’homme universels, ou traités comme innocents jusqu’à preuve du contraire. En ce sens, je pense que Guantánamo a malheureusement très bien réussi à déshumaniser les personnes qu’il incarcère.

    Et pourtant, sans le vouloir, Mohamedou et Steve avaient surmonté ces énormes clivages pour se considérer l’un l’autre non pas comme les instruments d’une idéologie mais comme des êtres humains. Dans l’un de nos derniers entretiens, peu après leurs retrouvailles, Mohamedou a déclaré : « Nous avons transcendé tous ces stéréotypes, toute cette haine. Nous ne l’avons pas fait après la prison, nous l’avons fait dans les moments les plus sombres. Nous l’avons fait quand ça comptait le plus. »

    Quels ont été les grands défis lors de la réalisation de ce film ?

    Lorsque j’ai rencontré Mohamedou pour la toute première fois, je rencontrais un homme qui était au terme d’une terrifiante odyssée de 15 ans. L’histoire de la façon dont Mohamedou est devenu un prisonnier de Guantánamo et ce qui lui est arrivé pendant qu’il y était, était suffisamment dramatique et complexe pour occuper une série en plusieurs parties, sans parler d’un court métrage. Dès le début, j’ai su que l’un de nos plus grands défis était de trouver le moyen d’aborder autant d’histoires sans que cela ne paraisse laborieux ou écrasant.

    L’autre défi majeur était de trouver une narration active forte, tout en acceptant le fait qu’une pièce essentielle du puzzle a été occultée dans le passé – un passé où il n’y avait pratiquement pas d’archives cinématographiques, pas de « found footage » et pas de photographie non censurée.

    Nous avons été aux prises avec cette énigme narrative pendant près de deux ans, alors que je continuais à rendre visite à Mohamedou et à sa famille à Nouakchott. Lorsqu’il m’a dit qu’il avait été en contact avec son ancien garde américain et qu’ils prévoyaient une réunion, nous avons réalisé que cette narration active pouvait être le ciment de l’histoire.

    Et les moments forts ?

    L’un des moments forts de la réalisation de ce film a certainement été d’être avec Mohamedou sur la plage de Nouakchott quelques jours après sa libération en 2016. Il a suggéré que nous descendions sur la plage parce qu’il n’avait pas vu de coucher de soleil depuis plus de 15 ans. Cela a vraiment fait ressortir la nature choquante de son incarcération et la facilité avec laquelle nous prenons les plaisirs simples de la vie pour acquis.

    Mohamedou et moi marchions au bord de la mer lorsqu’il a soudain ramassé un rocher de forme inhabituelle et s’est lancé dans une étrange imitation de David Attenborough : « Vous voyez ça ? Cette roche est très rare et on ne la trouve qu’ici, en Mauritanie. » Je riais tellement que je n’arrivais pas à tenir l’appareil photo en place. Mohamedou m’a dit plus tard que l’un des rares DVD auxquels il avait accès à Guantanamo était la série Blue Planet de la BBC et que, parce qu’il avait regardé chaque épisode des centaines de fois, il avait maîtrisé la célèbre intonation de David. C’était un exemple brillant du don de Mohamedou pour l’observation, le langage et l’humour, et j’ai su à ce moment-là que je filmais un être humain vraiment spécial.

    The Guardian, 1 mars 2021

    Tags : Mauritanie, Mohamedou Ould Salahi, Guantanamo, Torture, terrorisme,

  • The Mauritanian est un dur souvenir de la guerre d’Irak en cours

    Dans The Mauritanian, les gens ne cessent de regarder leur reflet – le leur, celui d’un membre de leur famille dans un rétroviseur. Cela se produit plusieurs fois rien que dans les premières minutes. La métaphore est appropriée dans un film axé sur le reflet, avec le sentiment que rien n’a vraiment changé.

    The Mauritanian (actuellement à l’affiche au AMC Waterfront et disponible à la location sur Amazon Prime) raconte fidèlement l’histoire vraie de Mahamedou Ould Salahi, la première personne à avoir écrit ses mémoires alors qu’elle était emprisonnée au camp de détention de Guantanamo Bay. (Le film est en partie basé sur son Journal de Guantanamo). Malgré les preuves douteuses (au mieux) de ses crimes présumés, il a été détenu pendant 14 ans sans qu’aucune charge ne soit retenue contre lui.

    Le film est centré sur la bataille juridique pour et contre lui, avec les rouages d’un thriller juridique classique. Ce n’est pas une mauvaise chose, mais Le Mauritanien ne cherche pas à réinventer la roue dans sa façon de raconter son histoire. Il reprend consciencieusement toutes les notes du genre, avec des avocats déterminés qui épluchent des dossiers, des concours de pisse entre des personnes gagnant des salaires à six chiffres, et des discours passionnés sur l’obligation morale du système juridique qui vous donnent un peu trop d’espoir.

    Les performances sont à la hauteur de l’attitude laborieuse du film et contribuent à rehausser un matériau dont on connaît tous les rebondissements et les moments forts. La révélation ici est Tahar Rahim dans le rôle de Salahi. Être le visage d’une guerre et d’une bataille politique est ingrat, mais Rahim s’en sort plus que bien. Il ne se contente pas de jouer Salahi comme un vecteur de douleur, mais comme un individu constamment curieux, dont la situation est d’autant plus douloureuse qu’il est suffisamment intelligent pour comprendre la dynamique du pouvoir qui le maintient en prison.

    Et c’est cette dynamique du pouvoir qui permet à The Mauritanian de ne pas être un simple film de genre médiocre. Les véritables batailles qui se déroulent ici ne sont pas entre avocats, ni même vraiment entre pays. C’est entre l’information et le manque d’information, la guerre qui a été transmise au public et celle qui a réellement eu lieu.

    Jodie Foster incarne Nancy Hollander, l’avocate des droits de l’homme, dure et cynique, qui se heurte à son cabinet et à l’opinion publique pour prendre en charge le cas de Salahi. Ce rôle lui semble aussi facile que de sortir du lit, car elle se glisse facilement dans la peau de militaires arrogants et sort des phrases lapidaires comme « La Constitution ne comporte pas d’astérisques indiquant que les conditions générales s’appliquent ».

    Les autres interprètent leurs rôles tout aussi bien. La bouche de Benedict Cumberbatch fait des heures supplémentaires pour essayer de garder son accent du Sud mâchouillé dans le rôle de l’avocat militaire principal Stuart Couch, mais son mélange naturel d’acier et d’intelligence sert bien le film pour un personnage à un carrefour éthique. Shailene Woodley est parfois malmenée dans le rôle de l’avocate junior Teri Duncan, mais elle porte bien la charge émotionnelle de certains des moments les plus tristes du film.

    On sait maintenant ce qui se passe à Guantanamo Bay, mais cela ne rend pas moins horrible la scène de torture finale. Mais l’horreur plus occasionnelle de The Mauritanian est le mépris fondamental de la transparence qui a fini par définir la politique américaine au Moyen-Orient dans les années 2000. C’est un film principalement défini par la paperasserie et des documents fortement expurgés. Et surtout, il est très rarement défini par des preuves.

    Le film semble se terminer sur la même ligne dure mais optimiste, mais le post-scriptum vous frappe aux tripes. C’est un rappel brutal que, quelle que soit l’intensité de la lutte pour la justice dans cette guerre apparemment sans fin, elle ne peut pas faire une grande différence. Cela fait maintenant 20 ans que le conflit dure. Les choses n’ont pas changé, elles ont juste changé de nom et de salle d’audience.

    Source : Pittsburgh City Paper, 9 mars 2021

    Tags : The Mauritanian, Guantanamo, terrorisme, torture, Irak,