Étiquette : tunisie

  • La beurette : un fantasme made in France

    La beurette : un fantasme made in France

    Algérie, Maroc, Tunisie, Maghreb, porno, France, beurette, sexe,

    En 2014, un site pornographique rend un rapport annuel faisant part des tags les plus recherchés par les internautes en fonction des pays. Résultat, la France est le seul pays dont le tag le plus recherché fait référence à un critère ethnique : « beurette ». En 2016, le compte rendu est le même, « beurette » est toujours n°1 des recherches.

    Ce fantasme de la beurette est très empreint d’orientalisme et de colonialisme. En effet, on retrouve son origine dans la colonisation française du Maghreb, et dans la conception que l’Occident a pu avoir —voire a encore— de ce qu’ils considèrent comme étant l’« Orient ».

    Des origines du fantasme

    Pendant la colonisation, et notamment à cause du concept qu’ont les français de l’Orient (cf. l’Orientalisme comme l’a été expliqué par Edward Said), ces-derniers se chargent d’une mission civilisatrice pris comme prétexte pour imposer leur souveraineté. Ils s’attaquent donc aux femmes, celles-ci étant perçues comme un moyen d’inférioriser un peuple et d’établir la domination. Ainsi, des affiches de propagande destinées aux femmes algériennes commencèrent à circuler, les sommant de se dévoiler.

    Frantz Fanon pose un regard très concret en dénonçant la frustration colonialiste que les français pouvaient avoir face au voile intégral traditionnel algérien, à savoir le hayek, dans son essai « La Bataille du Voile ».

    On peut, outre cela, citer comme exemple les portraits du photographe Marc Garanger pris en 1960. Le photographe a été commandé d’aller photographier des femmes dévoilées de force en Kabylie, prétextant des photos d’identité. (Par respect, je ne posterai pas ces photos, mais pour les avoir vues, on peut très bien remarquer l’humiliation que ces femmes ont subi, et la haine qui se dégage de leur regard, seule arme contre l’énième injustice dont elles faisaient l’objet).

    Cette frustration française des femmes maghrébines « qui pouvaient les voir, mais qu’eux ne pouvaient pas voir », a très vite suscité un fantasme, une obsession. Celui d’accéder à l’inaccessible. Mais aussi celui de la femme maghrébine qu’on veut délivrer de ce voile, de cette culture, de cette religion, vus comme des chaînes l’emprisonnant et la soumettant. Le fantasme de la beurette.

    Ce fantasme orientaliste, cette sexualisation de la maghrébine démarre très tôt, c’est-à-dire dès la colonisation. Citons l’exemple des maisons closes en Algérie, catégorisées par critère ethnique : la kabyle claire, la mauresque plus foncée, etc. (cf. La prostitution coloniale de Christelle Taraud et Les chambres closes de Germaine Aziz). Cette sexualisation demeure encore aujourd’hui. On se rappelera d’une certaine personnalité évoquant la femme « arabe » (en référence à la femme maghrébine) en faisant un méli-mélo de toutes les cultures vues comme « orientales » : une femme basanée, aux longs cheveux bouclés parfumés au jasmin, et rappelant la princesse des contes des Mille et Une Nuits.

    Non seulement cet orientalisme est déshumanisant pour les femmes (qu’elles soient maghrébines, arabes, perses, indiennes ou autre), mais il homogénéise des cultures et des ethnies qui n’ont rien à voir pour le simple plaisir des Occidentaux et pour satisfaire leurs conception imaginaire et fantaisiste de «l’Orient». On peut également évoquer la manière dont les occidentaux ont travesti et sexualisé le harem comme un lieu de désir, de prostitution voire de perversion sexuelle, alors que ce n’était.. Qu’un lieu de vie réservé aux femmes.

    En outre, ce fantasme se développe énormément en France dans les années 80, années où l’immigration maghrébine est en hausse.

    La maghrébine dans le cinéma français d’aujourd’hui

    Le fantasme de la beurette s’est ainsi développé dans les mentalités, et dans le cinéma français. Notons la place des maghrébines dans ce dernier. Souvent, le schéma est le même : une maghrébine de cité, victime de sa culture et de sa religion, dont le seul souhait est de fuir son quartier pour échapper à une figure paternelle qui la tyrannise et l’empêche de se libérer et s’épanouir. Rajoutez un jeune homme dont elle tombe amoureuse —blanc bien évident— qui aura le rôle du sauveur et l’aidera dans sa quête de libération et de civilisation. Au demeurant, cette libération se fait très souvent sexuellement, et sera accompagné d’un rejet total de la vision de sexualité et de chasteté dans la culture maghrébine (imprégnée de l’Islam) par la protagoniste, voire ouvertement tournée au ridicule (cf. Des Poupées et des Anges, scène où la jeune fille, après avoir couché, se moque de l’importance de la chasteté qui lui a été inculquée).

    C’est en quelque sorte l’infantilisation de la femme maghrébine corroborée par un paternalisme de la part de l’Occident. Schéma très colonialiste n’est-ce pas ? À croire que la libération de la femme maghrébine doit necéssairement se faire sur le plan sexuel, ou par le biais du libertinage.

    Ne viendrait-il pas à l’esprit de certains que les jeunes femmes maghrébines puissent être attachées à leur religion et leur culture de manière rationnelle, et non pas du fait d’une pression patriarcale qui serait exercées sur elles ? Que nous avons un cerveau pour réfléchir ? Nos choix n’ont pas à convenir à vos fantasmes pseudo-libérateurs.

    Le plus dramatique aujourd’hui reste la reprise et l’internalisation par les maghrébins eux-mêmes de ces idées, notamment par la jeunesse, mais plus inquiétant encore la reprise dans le cinéma par des réalisateurs maghrébins du schéma que nous avons présenté plus haut : Des poupées et des anges, Aïcha, Divines… Je consacrerai sûrement un article à part entière sur cette question, donc je ne développe pas plus.

    H.B

    Nord Africaines le blog, 17/07/2017

  • Focus sur le gazoduc Maghreb-Europe -Francis Perrin, PCNS-

    Focus sur le gazoduc Maghreb-Europe -Francis Perrin, PCNS-

    Algérie, Maroc, Gazoduc, gaz, Maghreb, #Algérie, #Maroc, Tunisie,

    La récente rupture des relations diplomatiques entre l’Algérie et le Maroc a remis au goût du jour un projet gazier majeur, le gazoduc Maghreb-Europe (GME), dont on n’avait plus beaucoup parlé depuis un certain temps. Qu’est-ce que le GME et que représente-t-il en termes de flux gaziers ?

    Trois gazoducs pour exporter du gaz algérien vers l’Europe

    Le GME fait partie d’un ensemble de trois gazoducs qui relient l’Algérie, pays producteur et exportateur de gaz naturel, à l’Union européenne (UE). Dans l’ordre chronologique de mise en service, le premier d’entre eux est le gazoduc TransMed (trans-méditerranéen) qui dessert le marché italien. Le deuxième est le GME qui alimente la péninsule ibérique (Espagne et Portugal). Le troisième est le Medgaz qui relie l’Algérie à l’Espagne.

    Le TransMed est en service depuis 1982, le GME depuis 1996 et le Medgaz depuis 2011. À Alger, le TransMed est officiellement appelé le gazoduc Enrico Mattei (GEM), en hommage à l’ancien patron du groupe énergétique italien Eni, partenaire de l’algérien Sonatrach pour ce gazoduc, et le GME le gazoduc Pedro Duran Farrell (GPDF), en hommage à l’ancien patron de la compagnie espagnole Gas Natural. Le Medgaz est également le GZ4.

    L’Algérie avait envisagé la construction de deux autres gazoducs vers l’UE, le Galsi et le Nigal ou gazoduc transsaharien. Le premier devait exporter du gaz algérien vers l’Italie et le second devait partir du Nigeria puis traverser le Niger, l’Algérie et la Méditerranée pour arriver en Europe. Pour ce dernier projet, le pays exportateur serait le Nigeria. Mais ces deux projets n’ont pas été réalisés à ce jour. Ils ne sont cependant pas officiellement abandonnés.

    Parmi les gazoducs existants, on distingue deux générations. La première comprend le TransMed / GEM et le GME / GPDF : dans les deux cas, ces gazoducs passent par un pays tiers avant d’arriver dans l’UE. Pour le premier, ce pays est la Tunisie et, pour le second, le Maroc. Le Medgaz / GZ4 est de deuxième génération, puisqu’il relie directement l’Algérie à l’Espagne. Le Galsi devait également faire partie de cette deuxième génération mais, comme mentionné ci-dessus, il n’a pas été construit en raison d’une demande insuffisante de gaz sur le marché italien. Le GME / GPDF est un projet particulièrement complexe car il associe quatre pays, l’Algérie, le Maroc, l’Espagne et le Portugal.

    Une forte baisse des volumes de gaz transportés par le GME au cours de la période récente

    Selon l’entreprise nationale marocaine ONHYM (Office national des hydrocarbures et des mines), les volumes de gaz naturel ayant transité par le GME en 2019 étaient de 5,4 milliards de mètres cubes, en forte baisse (-43,2%) par rapport à 2018 (9,5 milliards de mètres cubes). La redevance pour le Maroc a diminué dans des proportions similaires (-43,9%) et s’est établie à 381,63 millions de mètres cubes en 2019 (680,43 millions de mètres cubes en 2018).

    Ce gazoduc a permis à l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (ONEE, Maroc) de disposer de 300 millions de mètres cubes de gaz en 2019 pour les deux centrales thermiques de Tahaddart et Aïn Beni Mathar ( 388,60 millions de mètres cubes en 2018). La forte diminution des volumes de gaz transportés en 2019 s’explique par une baisse de la consommation en Europe et par une préférence pour le gaz naturel liquéfié (GNL) transporté par bateau.

    Sonatrach estime la capacité de transport de ses trois gazoducs d’exportation existants vers l’UE à 53-57 milliards de mètres cubes (ces deux chiffres sont disponibles sur le site internet de la compagnie nationale algérienne). Pour le TransMed / GEM, la capacité est de 33,15 milliards de mètres cubes par an. Pour le GME / GPDF et Medgaz / GZ4, les capacités de transport sont respectivement de 11,6 et 8 milliards de mètres cubes / an. Mais, en raison d’une demande de gaz assez faible sur les marchés européens, ces trois gazoducs n’ont livré que 26-27 milliards de mètres cubes en 2019, selon Sonatrach.

    Avant la récente crise diplomatique entre l’Algérie et le Maroc, Sonatrach travaillait sur l’extension de GME / GPDF, sur celle de Medgaz / GZ4 et sur la liaison entre les deux afin d’assurer la continuité et la flexibilité de l’approvisionnement en gaz naturel de la péninsule ibérique. En juillet 2021, la compagnie nationale algérienne et la société espagnole Naturgy ont indiqué que la capacité de Medgaz atteindrait 10 milliards de mètres cubes/an au cours de l’automne 2021 après la fin des travaux d’extension de 2 milliards de mètres cubes/an. Medgaz devrait alors représenter 25% du gaz naturel consommé par l’Espagne, avaient précisé ces deux entreprises. Medgaz est contrôlée par Sonatrach (51%) et Naturgy (49%).

    L’importance croissante du GNL

    Pour l’Algérie, l’UE est de loin le premier marché pour ses exportations de gaz. Outre les trois gazoducs d’exportation mentionnés ci-dessus, ce pays dispose d’une autre option, le GNL. L’Algérie possède quatre complexes de liquéfaction de gaz sur sa côte méditerranéenne, GL1Z, GL2Z, GL3Z et GL1K. De son côté, le Maroc envisage depuis plusieurs années d’importer du GNL sur son territoire, un projet qui pourrait aboutir avant la fin de cette décennie. L’horizon 2028 est évoqué par le ministère marocain de l’énergie, des mines et de l’environnement (MEME). Ce projet a été reporté de plusieurs années par rapport aux plans initiaux en raison, notamment, du développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique, selon les explications avancées par le ministère de l’énergie, des mines et de l’environnement.

    Le contrat de transit du gaz algérien via le Maroc grâce au GME expire à la fin du mois d’octobre 2021. Très récemment, le ministre algérien de l’énergie et des mines, Mohamed Arkab, a indiqué que l’Algérie n’aurait plus nécessairement besoin du GME / GPDF pour exporter son gaz vers l’Espagne, notamment grâce à l’expansion de Medgaz.

    Le compte à rebours a-t-il commencé pour le GME, l’un des rares projets emblématiques de la coopération énergétique au Maghreb ?

    Francis Perrin, Senior Fellow au Policy Center for the New South

    Après avoir étudié l’économie et les sciences politiques à l’Université Pierre Mendès France (UPMF – aujourd’hui Université Grenoble Alpes) à Grenoble (France), Francis Perrin a travaillé pendant plusieurs années comme journaliste et consultant indépendant sur les ressources énergétiques et minières. avant de rejoindre l’Arab Petroleum Research Center (APRC) en 1991. Il a été rédacteur en chef d’Arab Oil & Gas (AOG) et de Pétrole et Gaz Arabes (PGA) entre 1991 et 2000 et directeur éditorial des publications de l’APRC de 2001 à fin 2011. Francis Perrin a créé début 2011 2012 Stratégies et politiques énergétiques (SPE) puis Energy Industries Strategies Information (EISI).

    New in 24, 21/09/2021

  • Algérie: La fermeture de son espace aérien avec le Maroc affectera la Tunisie

    Algérie, Maroc, Tunisie, #Algérie, Maroc, #Tunisie, espace aérien,

    Royal Air Maroc a annoncé, hier 22 septembre 2021, que la fermeture de l’Algérie de son espace aérien devant les avions marocains affectera 15 de ses vols par semaine.

    La compagnie aérienne marocaine a indiqué que les vols qui seront affectés par la décision se dirigent vers la Tunisie, la Turquie et l’Egypte.

    Universenews, 23/09/2021

  • Tunisie: L’opposition à la prise de pouvoir du président s’intensifie

    Tunisie: L’opposition à la prise de pouvoir du président s’intensifie

    Tunisie, Kaïs Saïed, opposition, #Tunisie, #KaïsSaïed,

    -Les partis politiques appellent à la fin du « coup d’État ».
    -Le président fait face à une pression croissante pour faire marche arrière
    -Le syndicat se réunit pour formuler une position sur Saied

    TUNIS, 23 septembre (Reuters) – Quatre partis tunisiens ont déclaré jeudi que le président Kais Saied avait perdu sa légitimité et ont appelé à la fin de ce qu’ils ont appelé un coup d’Etat après qu’il ait pris le contrôle des pouvoirs législatif et exécutif, augmentant la perspective d’une confrontation prolongée sur son intervention. en savoir plus

    Saied a déclaré mercredi qu’il gouvernerait par décret et ignorerait certaines parties de la constitution, alors qu’il se prépare à changer le système politique.

    Les partis Attayar, Al Joumhouri, Akef et Ettakatol ont déclaré dans une déclaration commune que sa décision consacrait un monopole du pouvoir absolu.

    M. Saied détient un pouvoir quasi total depuis le 25 juillet, date à laquelle il a limogé le Premier ministre, suspendu le Parlement et assumé le pouvoir exécutif en invoquant l’urgence nationale.

    Ses actions ont sapé les acquis démocratiques de la révolution tunisienne de 2011 qui a mis fin au régime autocratique et déclenché le printemps arabe, malgré ses promesses de maintenir les libertés gagnées il y a dix ans.

    La déclaration de l’opposition de jeudi a accru la pression sur lui. Bien que les quatre partis ne soient pas les plus puissants, ils ont une influence dans la rue, notamment Attayar, qui était proche de Saied avant son intervention.

    « Nous considérons que le président a perdu sa légitimité en violant la constitution […] et qu’il sera responsable de toutes les répercussions possibles de cette mesure dangereuse », ont déclaré les quatre partis dans la déclaration.

    L’élite politique tunisienne se chamaille depuis des années, mais l’intervention de Saied pourrait finalement les pousser à s’unir pour s’opposer à un coup de force qui les a tous laissés sur le carreau.

    « L’important est qu’il y ait une unité pour ces partis politiques après leur dispersion pendant des années. Les décisions de Saied les poussent vers l’unité et la coordination », a déclaré

    Nizar Makni, professeur de géopolitique à l’université de Tunis.

    Les militants politiques qui ont rejeté les mesures de Saied ont appelé à des protestations dimanche le long de la rue Habib Bourguiba, point central des manifestations qui ont mis fin au règne de l’ancien président Zine El Abidine Ben Ali le 14 janvier 2011.

    LE SYNDICAT DISCUTE DE LA STRATÉGIE

    Anour Ben Kadour, un haut responsable du puissant syndicat UGTT, a déclaré : « La Tunisie se dirige vers un pouvoir absolu et individuel ».

    L’UGTT, qui compte environ un million de membres et constitue une force majeure dans la politique tunisienne, a entamé une réunion pour formuler une position sur les actions de Saied et devrait publier une déclaration vendredi.

    Alors que de nombreux Tunisiens ont soutenu Saied et considèrent que ses actions sont nécessaires pour évincer une élite politique corrompue et impopulaire après des années de stagnation économique, ses détracteurs de tous bords disent qu’il est inexpérimenté et intransigeant.

    L’enseignant Borhen Belhsan a déclaré que Saied avait fait ce qu’il fallait.

    « A mon avis, les décisions prises hier par le président de la République étaient attendues et sont en place, mais elles sont modestes, et il faut les hâter. Pourquoi ce retard ? Qui vous rend timide, Monsieur le Président ? », a-t-il déclaré.

    Le chef du parti islamiste modéré Ennahda, Rached Ghannouchi, a déclaré mercredi que les déclarations de Saied signifiaient l’annulation de la Constitution. Le parti – le plus important au Parlement – ne l’accepterait pas, a-t-il dit.

    Ennahda – l’opposant organisé le plus puissant de Saied – a décrit les mesures du président comme « une tendance claire vers un régime autoritaire absolu et un coup flagrant contre la légitimité démocratique ».

    Dans une déclaration, elle a appelé toutes les forces politiques, sociales et de la société civile à unir leurs rangs pour défendre la démocratie et à s’engager dans une « lutte pacifique inlassable ».

    Saied s’est présenté comme le fléau d’une élite politique corrompue et pourrait se réjouir d’une franche hostilité avec un ensemble de partis qu’il rend responsables des échecs de la Tunisie depuis la révolution.

    Cependant, sans parti ou organisation indépendante propre, il est maintenant en désaccord avec presque tous les groupes politiques organisés du pays.

  • Tunisie: Kaïs Saïed renforce les pouvoirs de la présidence

    Tunisie: Kaïs Saïed renforce les pouvoirs de la présidence

    Tunisie, Kaïs Saïed, #Tunisie,

    Le président tunisien Kaïs Saïed a pris des dispositions exceptionnelles mercredi qui renforcent le pouvoir présidentiel au détriment du gouvernement et du Parlement, auquel il va de facto se substituer en légiférant par décrets. Ces dispositions, qui tendent à présidentialiser le système de gouvernement hybride prévu par la Constitution de 2014, ont fait l’objet d’une série de décrets publiés dans le Journal officiel. «Les textes à caractère législatif seront promulgués sous forme de décrets signés par le président de la République», stipule l’un des articles.

    Un autre article énonce que «le président exerce le pouvoir exécutif avec l’aide d’un conseil des ministres présidé par un chef du gouvernement». «Le président de la République préside le conseil des ministres et peut mandater le chef du gouvernement pour le remplacer», ajoute un autre article.

    Dans le système initialement en place, l’essentiel du pouvoir exécutif était aux mains du gouvernement et les mesures annoncées par Saïed font clairement pencher la balance du côté de la présidence.

    Le 25 juillet, Saïed s’est arrogé les pleins pouvoirs en limogeant le gouvernement et en suspendant le parlement. Il avait prolongé ces mesures le 24 août «jusqu’à nouvel ordre». Nombre de Tunisiens avaient accueilli ces mesures avec enthousiasme car, exaspérés par leur classe politique, ils disaient attendre des actes forts contre la corruption et l’impunité dans un pays en graves difficultés sociales et économiques.

    Mais opposants, partis politiques, magistrats et avocats avaient dit craindre une «dérive autoritaire». Dans un décret mercredi, Saïed a annoncé la poursuite du gel du Parlement et la promulgation de «mesures exceptionnelles» pour «l’exercice du pouvoir législatif» et «l’exercice du pouvoir exécutif», qui font l’objet de deux chapitres de la Constitution désormais suspendus de facto.

    Pour souligner le caractère transitoire de ces décisions, le décret présidentiel ajoute que Saïed «entreprend la préparation des projets d’amendements relatifs aux réformes politiques avec l’assistance d’une commission qui sera organisée par arrêté présidentiel».

    Le «décret présidentiel» publié sur la page Facebook de la présidence indique «continuer de suspendre toutes les compétences de la chambre des représentants, de lever l’immunité parlementaire de tous ses membres et de mettre fin aux privilèges accordés au président de la Chambre des représentants et ses membres».

    Le 12 septembre, Saïed a évoqué une réforme de la Constitution de 2014, considérée comme un hybride instable entre régime parlementaire et régime présidentiel. «Les Constitutions ne sont pas éternelles.»

    Agences

  • Demande d’adhésion à la Cedeao: Le Maroc attend depuis 4 ans

    Maroc, Mauritanie, Tunisie, CEDEAO, #Maroc, #Mauritanie, #Tunisie, #CEDEAO,

    En 2017, le Maroc, la Tunisie et la Mauritanie formulaient respectivement une demande d’adhésion a la Cedeao, avec le statut d’observateur et de membre associé. Quatre ans après, la situation reste floue. Explications.

    « Le Maroc n’est pas pressé », ont l’habitude de dire les officiels. Mais quatre ans après la demande d’adhésion formulée par le royaume auprès de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest [Cedeao], toujours aucune réponse a l’horizon.

    Quant a l’étude d’impact engagée par le groupe des cinq Etats membres chargés du dossier a la Cedeao, rien de nouveau non plus. Comme si la demande marocaine était restée lettre morte.

    Contactés par Jeune Afrique, ni le ministère marocain des Affaires étrangères, ni les responsables de la communication au sein de la Cedeao n’ont souhaité s’exprimer sur les évolutions de cette demande formulée le 24 février 2017.Situation confuse

    « Il y a une véritable omerta, aucune information ne circule sur ce projet. Le Maroc a été échaudé par les réactions négatives de certaines parties prenantes au sein de la Cedeao. Néanmoins, des discussions bilatérales sont toujours en cours », avance l’économiste Larabi Jaïdi, Senior Fellow au Policy Center for the New South et membre de la Commission pour le nouveau modèle de développement.

    En 2017, dans la foulée du Maroc, la Tunisie et la Mauritanie avaient respectivement demandé l’obtention d’un statut d’observateur et de membre associé au sein de l’institution ouest-africaine.

    La Tunisie a certes été admise, « mais on ne sait pas a quoi donne droit ce statut d’observateur. S’agit-il simplement d’assister aux réunions de la Cedeao ? » s’interroge Larabi Jaïdi.

    Quant a la Mauritanie, elle a multiplié les allers-retours. Membre de la Cedeao jusqu’en 2000, elle en a claqué la porte pour rejoindre l’Union du Maghreb arabe (UMA), un projet mort-né essentiellement a cause des divergences sur le « dossier Sahara ».

    Echourouk online, 17/09/2021

  • ARTE/ Tunisie, Maroc, Algérie : nouvelle donne au Maghreb

    Algérie, Tunisie, Maroc, Sahara Occidental, #Algérie, #Maroc, #Tunisie,

    Point sur l’actualité du Maghreb : les élections législatives au Maroc, les tensions diplomatiques accrues entre le Maroc et l’Algérie, et la Tunisie où l’on parle de tournant autoritaire.  Émilie Aubry rencontre  Khadija Mohsen-Finan, chercheure et professeure de sciences politiques à l’université Paris 1, spécialiste du Maghreb et des questions méditerranéennes.

    Le 8 septembre 2021, lors des élections législatives marocaines, le parti islamiste de la justice et du développement (PJD) a connu une véritable déroute alors qu’il était à la tête de l’exécutif depuis 2011.

    Pendant ce temps, en Tunisie, le parti islamiste Ennahda est également en difficulté. En effet, par son coup de force du 25 juillet, le président Kaïs Saïed a marginalisé ce parti qui avait pourtant dominé la vie politique tunisienne pendant les années 2010.

    En Algérie, les graves tensions diplomatiques avec le Maroc posent question, dans la foulée du rapprochement Rabat-Tel Aviv de fin 2020 auquel certains observateurs opposent un axe Alger-Téhéran.
    Dès lors, faut-il parler d’un Maghreb en pleine recomposition, dix ans après les printemps arabes ? 

    La Tunisie

    Le 25 janvier, Kaïs Saïed s’est octroyé l’essentiel des pouvoirs. Il a eu recours à l’article 80 de la Constitution, qui correspond en France à ce qu’on appelle le « pouvoir exceptionnel ». C’est un coup d’Etat au regard de la loi sans de suites juridiques parce qu’il est arrivé à sortir le pays de l’immobilisme politique.

    Il affirme qu’il annoncera prochainement un nouveau gouvernement, une réforme de la Constitution.

    La loi lui donne 20 jours renouvelables. Or, sans s’adresser à la population et par un simple communiqué il a annoncé qu’il reconduisait cette période, mais pour une période indéterminée. Sur les question de la révision de la Constitution, les choses restent très opaques. On a le sentiment qu’il a envie de réformer la Constitution en profondeur, mais probablement des pressions faites par les Etats-Unis, la France, tentent de le dissuader en lui demandant de revenir aux institutions.

    Il y a eu en 2011 une vraie révolution, c’est à dire un soulèvement populaire spontané qui a consacré la victoire aux termes d’élections des islamistes d’Ennahdha. Depuis 10 ans, le pays a été extrêmement mal gouverné. Cette mauvaise gouvernance n’est pas dû uniquement aux islamistes d’Ennahdha alors qu’ils sont vraiment stigmatisés aujourd’hui. Elle est dû à tous les acteurs et aux 9 ou 10 gouvernement qui se sont succédé. On est dans l’apprentissage de la démocratie, devant des acteurs qui ne savent pas exactement comment passer de l’opposition à un parti de gouvernement.

    D’un autre côté, le citoyen s’est affirmé de manière protestataire en 2011, mais il n’a pas de culture politique lui permettant d’aller plus loin dans son exigence, dans sa négociation avec le pouvoir. Or, c’est cela qui n’a pas fonctionné. Ce n’est pas la démocratie qui n’a pas fonctionné. Donc, par une espèce de raccourci, on jette le bébé avec l’eau du bas et on dit que tout ce qui a dysfonctionné est la faute de la révolution et de la démocratie.

    Un président très populaire

    Kaïs Saïed est très populaire et les sondages l’ont encore confirmé. Quand il s’est présenté aux élections, il l’a fait d’une manière très populiste comme un anti-système. Or, aujourd’hui, les gens sont dans le rejet du politique, du système. Cela montre pour beaucoup de tunisiens que les questions économiques et sociales sont au-dessus de la démocratie. Les tunisiens préfèrent garder l’espoir d’un homme qui va transformer leur vie, qui va mettre en place un modèle politique alternatif même si aujourd’hui les signaux donnés ne correspondent pas du tout à cela.

    Le Maroc

    En 2011, face à cette contestation, le Maroc a répondu à sa manière en révisant la Constitution et à la faveur de cette réforme les islamistes du PJD sont passés d’un parti présent dans la vie politique au Parlement au gouvernement. Ils étaient à la tête du gouvernement mais ils avaient une marge de manœuvre extrêmement limitée et ils ne sont pas du tout appréciés par le roi qui, malgré la réforme constitutionnelle, détient l’essentiel des pouvoirs et jouit d’une double légitimité à la fois religieuse et politique.

    Ils ont beaucoup perdu parce qu’ils se sont alliés à un pouvoir qui ne leur a pas laissé de marge de manœuvre et, par cette alliance, ils ont perdu une partie de leur identité. C’est vrai qu’ils ont avalé des couleuvres quand le palais royal a décidé, par exemple, une normalisation de ses relations avec Israël.

    Ils ont perdu de leur identité sans pouvoir répondre aux gens qui attendait d’eux un changement. Donc, il y a un phénomène auquel ça participe et qui est la perte d’influence des Frères Musulmans puisque c’est leur matrice et de l’Islam politique de manière plus globale.

    Les tensions entre l’Algérie et le Maroc

    ces tentions ont toujours été présentes. Elles sont récurrentes entre le Maroc et l’Algérie et elles datent du lendemain de l’indépendance de l’Algérie en 1962. Tensions territoriales d’abord mais qui cachent qui, elle va demeurer et qui est une rivalité entre les deux pouvoirs que tout oppose. Au Maroc, un régime monarchique tourné vers l’Occident et un régime socialiste qui a été aidé par l’Union Soviétique, d’abord, et par la Russie par la suite, qui est celui de Boumediène. Et puis, vont suivre des tensions vraiment très grandes qui vont se cristalliser sur la question du Sahara Occidental qui est une ancienne colonie espagnole et où les marocains se sont installés au terme d’une marche verte et qui ont considéré qu’au nom du droit historique il leur revenait de se réapproprier le Sahara Occidental.

    Ce qui va changer fondamentalement la donne, c’est la normalisation des relations entre le Maroc et Israël. Au terme de ces accords, on apprend que le Maroc reconnaît Israël et qu’en contrepartie les Etats-Unis reconnaissent la souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental. L’Algérie se sent véritablement déstabilisée. Elle ne pensait pas que le conflit du Sahara Occidental dont l’issue était confiée aux Nations Unies, prendrait cette tournure. Elle ne pensant aussi que son rival et son ennemi marocain bénéficierait de l’aide stratégique à la fois des Etats-Unis et d’Israël et qu’un axe Washington-Tel Aviv-Rabat se mettrait en place à ses portes.

    Du côté algérien, la recherche d’alliance se pourrait se faire parce que la Russie et la Chine veulent être présentes en Méditerranée Occidentale. La Russie veut être présente en Afrique, ce qui est nouveau. La Chine l’est déjà. Donc, il pourrait y avoir une rencontre d’intérêts et il n’est pas exclu que cet axe se forme (axe Alger-Moscou-Pékin-Téheran, ndlr) mais ce n’est pas encore d’actualité.

    Chercheur, enseignante à l’Université de Paris, spécialiste du Maghreb

  • La Tunisie et la Libye vont rouvrir leurs frontières

    Tunisie, Libye, Frontières, #Tunisie, #Libye,

    La Tunisie et la Libye parviennent à un accord de principe sur la réouverture de leurs frontières

    TUNIS, 9 septembre (Xinhua) — Le président tunisien Kaïs Saïed et le chef du gouvernement d’union nationale libyen Abdel Hamid Dbeibah sont parvenus jeudi à un accord de principe sur la mise en place d’un protocole commun pour reprendre le trafic terrestre et aérien aussi rapidement que possible, a déclaré jeudi la présidence tunisienne dans un communiqué.

    Accompagné des ministres de la Santé, de l’Intérieur et d’autres membres de haut niveau de son gouvernement, M. Dbeibah, qui est arrivé jeudi à Tunis, a été reçu par M. Saïed au palais présidentiel de Carthage.

    Les deux parties sont convenues de renforcer la coordination bilatérale entre les ministères de la Santé et de l’Intérieur des deux pays afin de mettre en place d’un protocole commun pour reprendre le trafic terrestre et aérien aussi rapidement que possible, a indiqué la présidence tunisienne dans le communiqué.

    Selon le communiqué, cette rencontre a été l’occasion de « passer en revue les liens forts de fraternité et les relations fructueuses de coopération entre la Tunisie et la Libye dans divers domaines », et de « réaffirmer l’unité de destin et la cohérence du développement, de la stabilité et de la sécurité dans les deux pays ».

    Le chef de l’Etat tunisien a également évoqué avec le Premier ministre libyen les efforts consentis par les autorités tunisiennes pour mieux contribuer à la reconstruction de la Libye, ainsi que la nécessité d’intensifier la coordination et les échanges d’informations pour sécuriser les frontières et lutter contre le terrorisme et la criminalité organisée.

  • Institut Montaigne: quand le Maghreb entre en ébullition

    Algérie, Maroc, Tunisie: quand le Maghreb entre en ébullition

    Algérie, Maroc, Tunisie, Maghreb, #Maroc, #Algérie,

    Depuis le début de l’été, les États du Maghreb traversent une période de forte instabilité. La pandémie y a exacerbé des difficultés préexistantes dont témoignaient le hirak algérien de 2019, la révolte du Rif marocain en 2017 et l’instabilité politique et sociale tunisienne depuis 2011. Partout, la corruption, les inégalités et la pauvreté, notamment des régions rurales, minent le pacte social. Avec la crise sanitaire, l’arrêt de l’économie et la chute drastique des prix du pétrole, cette instabilité a encore augmenté.

    Dans ce contexte tumultueux, que signifient la crise institutionnelle qui secoue la Tunisie depuis un mois et la rupture des relations diplomatiques entre l’Algérie et le Maroc, intervenue cette semaine ? Quelles conséquences pour l’Europe et la France ? Explications de Hakim El Karoui, Senior Fellow à l’Institut Montaigne et auteur de la note La stabilité du Maghreb, un impératif pour l’Europe.

    Les ingrédients d’un cocktail explosif

    L’Algérie, tout d’abord, apparaît aujourd’hui fragilisée sur le plan politique. S’il a conduit au départ d’Abdelaziz Bouteflika, le hirak apparu en 2019 n’a pas abouti à de réels changements institutionnels, et la question de la transition vers un régime plus efficace et représentatif des aspirations du peuple algérien demeure pendante. C’est dans ce contexte qu’est survenue la pandémie, aux conséquences dévastatrices pour l’Algérie : au-delà de la difficile gestion de la crise sanitaire, l’effondrement du prix des hydrocarbures a mis à mal l’économie, tandis que les ressources manquent à présent pour relancer la consommation. S’ajoutent à ce tableau les feux de forêt qui ont ravagé la Kabylie en août, catastrophe naturelle sans précédent au bilan humain dramatique, puisque l’on dénombre 100 morts dont 30 militaires, et qui a en outre ravivé la question des relations difficiles de cette région avec le pouvoir central.

    Le Maroc, lui, bénéficie d’une situation politique plus apaisée ; la crise sanitaire y a été bien gérée grâce à la mise en place d’un confinement strict et à une campagne de vaccination menée très tôt, puisque les essais cliniques du vaccin chinois Sinopharm ont été effectués dès novembre 2020.

    Plusieurs événements diplomatiques ont cependant attisé les tensions régionales au cours des derniers mois : citons ainsi la signature par le Maroc des accords d’Abraham, marquant la normalisation de ses relations avec Israël, la reconnaissance par les États-Unis de la souveraineté marocaine sur le Sahara occidental, ou encore le rapprochement économique opéré avec la Chine : au cours des trois dernières années, le volume des échanges commerciaux entre les deux pays a progressé de 50 %.

    La Tunisie, enfin, est confrontée à une double crise : politique, tout d’abord, avec une défiance marquée de la population et de l’exécutif vis-à-vis du gouvernement soutenu par le parlement, mais aussi financière, l’État tunisien, fortement endetté, peinant aujourd’hui à trouver de nécessaires financements supplémentaires. C’est dans ce contexte que le variant delta a fait des ravages en juin et en juillet.

    L’été de toutes les tensions

    C’est dans ce contexte éruptif que le président tunisien Kaïs Saïed a limogé le 25 juillet le gouvernement Mechichi et suspendu le Parlement, invoquant un double danger sanitaire et politique pour s’octroyer les pleins pouvoirs en vertu de l’article 80 de la Constitution, dont les dispositions lui permettent de « prendre les mesures qu’impose l’état d’exception » « en cas de péril imminent menaçant l’intégrité nationale, la sécurité ou l’indépendance du pays et entravant le fonctionnement régulier des pouvoirs publics » : une décision soutenue par 91 % des Tunisiens, selon un sondage Sigma Conseil / Le Maghreb du 17 août. Le 26 août, Kaïs Saïed annonçait prolonger le gel du Parlement jusqu’à nouvel ordre, plongeant la Tunisie dans l’inconnu.

    Les risques sont multiples, à commencer par celui de la banqueroute, la Tunisie peinant à trouver des créanciers au-delà des promesses des États du Golfe qui, pour l’instant, ne se sont pas réalisées. Et la popularité de Kaïs Saïed, fondée sur la promesse d’une lutte contre la corruption et d’une redistribution des fruits de cette lutte, pourrait s’étioler à mesure que la perspective de redistribution des fruits de la lutte anti-corruption s’éloigne, exposant le président au risque d’un mécontentement populaire massif qui pourrait avoir des conséquences politiques.

    L’été fut tout aussi agité en Algérie et au Maroc, puisque l’Algérie annonçait le 24 août avoir rompu ses relations diplomatiques avec son voisin. Une querelle opportune pour le gouvernement algérien, qui, en pointant du doigt tantôt un mouvement autonomiste kabyle soutenu par le Maroc, tantôt la politique marocaine de rapprochement avec Israël, détourne l’attention des graves difficultés économiques et institutionnelles que traverse le pays.

    Le Maroc, lui, continue de son côté de renforcer son positionnement et son indépendance en tissant des liens étroits avec les grandes puissances, qu’il s’agisse de la France, des États-Unis avec les accords d’Abraham, ou encore de la Chine. L’affaire Pegasus, enfin (où le Maroc a été accusé – ce qu’il a nié – de s’être appuyé sur une technologie développée par la société israélienne NSO pour déployer une opération d’espionnage de grande envergure, NDLR) démontrerai la normalisation en cours des relations israélo-marocaines.

    Le destin de l’Europe est intimement lié à celui du Maghreb

    Quelles conséquences ces dynamiques régionales emporteront-elles pour l’Europe ? Comment cette dernière doit-elle réagir face aux risques que soulèvent les situations tunisienne, algérienne et marocaine ? En Tunisie, si les États européens, qui craignaient l’émergence d’un mouvement populaire ou la survenue d’un coup d’État militaire, furent tout d’abord soulagés par la décision du président Saïed, leur patience pourrait bien s’amenuiser si la situation perdurait sans que soient mis en œuvre des changements concrets. Pour autant, ni la France ni l’Europe ne disposent de moyens de pression significatifs : le président Saïed, mal connu des Européens et jugé très nationaliste, a besoin d’une poursuite de la coopération et d’un soutien financier. Plus qu’une éventuelle pression diplomatique, c’est la pression économique intérieure qui fera bouger les lignes. Un groupement de pays amis, qui devra compter la France, l’Allemagne et l’Italie, mais aussi l’Algérie et les États du golfe, devrait établir rapidement un dialogue avec le président Saïed pour encourager une transition institutionnelle rapide qui devra s’accompagner de réformes économiques substantielles en échange du soutien financier dont a besoin la Tunisie.

    Au-delà de leur vivacité de façade, les tensions entre l’Algérie et le Maroc, quant à elles, doivent être relativisées : cela fait près de trente ans déjà que la frontière entre les deux États est fermée, et le risque d’escalade du conflit apparaît dès lors minime. En outre, l’Europe n’a que peu de marge de manœuvre face à cette situation : l’Algérie doit poursuivre sa transition politique et institutionnelle, et elle le fera seule.

    L’Europe doit demeurer très attentive à la situation du Maghreb.

    Pour autant, l’Europe doit demeurer très attentive à la situation du Maghreb. Tandis qu’elle se prémunissait d’une grave crise économique et sociale en s’auto-attribuant 15 points de PIB de soutien public, les États à revenus intermédiaires qui se trouvent à ses portes ne pouvaient, eux, débloquer que 2 à 4 points de PIB de soutien public, dans une situation économique et sociale d’ores et déjà désastreuse, et aggravée encore, dans les cas algérien et tunisien, par les fragilités institutionnelles que l’on connaît.

    Il n’est pas anodin, pour l’Europe, de constater que le PIB tunisien a décliné de 8 % l’an dernier et que l’on prévoit -6 % cette année. De tels chiffres sont propices à l’apparition de mouvements populaires et de crises politiques, sociales et économiques majeures dont l’Europe, qui entretient avec la région des liens extrêmement étroits, ressentira nécessairement les effets. Le constat se vérifie également sur le plan sanitaire : tant que le Maghreb sera en proie à la crise sanitaire, l’Europe demeurera exposée au risque d’une recrudescence de l’épidémie.

    Il est donc indispensable et urgent, pour l’Europe comme pour la France, de se montrer bien plus actives dans la promotion d’une politique vaccinale à destination de l’étranger proche ; cette politique doit s’accompagner par ailleurs d’un important soutien financier. Car si tous les regards sont aujourd’hui tournés vers l’Afghanistan, l’Europe et la France seraient bien inspirées de ne pas négliger le Maghreb : ce qui s’y joue aujourd’hui peut avoir pour elles des conséquences infiniment plus importantes que la terrible crise afghane.

    Institut Montaigne, 01/09/2021

  • L’Europe et la peur d’ouvrir la porte au terrorisme islamiste

    L’Europe et la peur d’ouvrir la porte au terrorisme islamiste

    Europe, Union Européenne, terrorisme, islamisme, Maroc, Algérie, Tunisie, Mauritanie, Libye, Afghanistan,

    Le Vieux Continent est entouré par l’instabilité de certains pays et l’infiltration de djihadistes parmi les réfugiés.

    La Libye, la Tunisie, l’Algérie, le Maroc, le Sahara occidental, la Mauritanie, l’ouest géographique du monde arabe, le Maghreb – « le lieu où le soleil se couche » en langue arabe – sont en première ligne de l’instabilité islamiste après la chute de l’Afghanistan, projetant sur l’Espagne et toute l’Europe méditerranéenne l’ombre de menaces inquiétantes, de l’immigration indésirable au terrorisme.

    Iyad Ag Ghaly, le leader du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, une coalition de gangs et d’organisations islamistes liés à Al-Qaïda dans la vaste zone désertique du Sahel, a été l’un des premiers à réagir à la chute de Kaboul : ‘ Rendons hommage et tirons les leçons du nouvel « émirat » islamique d’Afghanistan, après le retrait des troupes d’invasion américaines, fruit final de nombreuses années de combat. La réaction d’Ag Ghaly est hautement symbolique à plus d’un titre : le personnage, malien de naissance, a consacré toute sa vie à la lutte armée contre la France (grande puissance tutélaire dans l’ouest du Sahel, où il a déployé plus de 5 000 soldats depuis 2014). Il est en contact avec toutes les familles de l’islamisme subversif depuis de nombreuses années, en Afrique, au Moyen-Orient et en Afghanistan, transitant, du Mali au Liban, en passant par la Libye, le pion le plus fragile et le plus instable de tout le Maghreb.

    Libye : infiltrée par les affiliés de Daech

    En Libye, la mise en place d’un régime islamiste en Afghanistan a été perçue comme un « indicateur de tendance » par un gouvernement qui se trouve dans une situation précaire et instable. Entre 2014 et 2020, le pays a connu une guerre civile partiellement inachevée, le gouvernement étant harcelé de toutes parts et, en particulier, par des gangs islamistes dans l’est du pays, où en 2014 l’État islamique autoproclamé de Libye a été créé avec l’objectif spécifique d’établir un « califat » islamique dans tout le Maghreb. Ce groupe libyen fait partie de l’archipel subversif de Daech.

    Dans la ville libyenne de Zliten se trouve la légendaire mosquée Al-Asmariya, officiellement présentée comme l’Université des sciences islamiques, l’un des grands centres de l’islam soufi, comparable à la mosquée Al Azahar, au Caire, ou à la Grande mosquée d’Oujda au Maroc. .

    La Libye est à la fois un drain pour les immigrés et les islamistes africains et une base d’opérations djihadistes. Bien avant la chute de l’Afghanistan, le chercheur Jesús A. Núñez Villaverde, commentait pour le Royal Elcano Institute la situation libyenne en ces termes : « L’idée que la Libye continue de s’enfoncer dans un abîme s’impose. La Libye est aujourd’hui un territoire atomisé dans lequel personne ne représente vraiment personne et dans lequel la grande majorité des acteurs en jeu ne cherchent qu’à lutter avec ce qui est à tout moment à leur portée ». Depuis des semaines, les chefs de guerre des organisations et gangs islamistes harcèlent le fragile gouvernement libyen, dans une situation très précaire.

    Tunisie : Corruption et instabilité

    Le président par intérim de la Tunisie en juillet dernier a donné quelque chose de très similaire à un coup d’État, pour prendre tous les pouvoirs et contrôler Ennahdha, le premier parti d’opposition islamiste. La corruption, l’instabilité et l’incertitude favorisent les bouleversements islamistes.

    Ennahdha est un parti islamiste conservateur, créé à l’image et à la ressemblance des Frères musulmans égyptiens, avec une présence historique exceptionnelle dans la société tunisienne, en conflit et tension permanente avec tous les gouvernements officiels. Assumant tous les pouvoirs, Kaïs Saied, chef de l’Etat tunisien, sépare les islamistes des centres de pouvoir. Les optimistes espèrent qu’un nouvel homme fort réussira à préserver la stabilité tunisienne.

    Marek Halter, écrivain, essayiste, connaissant bien les conflits au Moyen-Orient et au Maghreb, commente après une récente visite en Tunisie : « La corruption et l’islamisation forcée ont fait des ravages, elles ont sapé la vie politique tunisienne. Moncef Marzouki, qui fut le premier président de la République démocratique tunisienne, ajoute : « La révolution tunisienne qui promettait la liberté et le progrès a échoué parce que les islamistes ont soutenu la contre-révolution. L’actuel président a effectué un coup d’État. Personne ne sait ce qui se passera demain.

    Algérie : les échos de la guerre civile résonnent

    En Algérie, les islamistes ont annoncé leur triomphe aux élections de juin dernier. Le gouvernement n’a pas clarifié les résultats finaux avec précision. Les islamistes avaient déjà remporté une élection en 1990/91. Le gouvernement n’a pas accepté ce triomphe. Une guerre civile a éclaté qui a duré jusqu’en 2002, faisant plus de 200 000 morts. La corruption et la misère continuent d’être le terreau où l’islamisme reste une menace forte.

    Il y a tout juste dix jours, le ministère algérien de la Défense publiait ce bref communiqué : « Dans le cadre de notre lutte contre le terrorisme, les forces de l’Armée nationale populaire ont capturé un dangereux terroriste, Laouar Fahim, connu de Naïm, qui travaillait pour le groupes terroristes depuis 1994′. L’islamiste détenu avait en sa possession des armes, des munitions et quelque 5 000 euros, une somme exceptionnelle dans les déserts algériens, qui servent de pont entre le Sahel et la Méditerranée. Au cours des six premiers mois de cette année, l’armée algérienne a abattu une dizaine de terroristes islamistes. La guerre civile, religieuse, islamiste de la fin du 20e siècle a fait plus de 200 000 morts. Le nouvel « émirat » afghan nourrit de sanglants espoirs islamistes.

    « L’islamisme le plus radical a conquis un pays, l’Afghanistan, et cette victoire résonne dans tout le monde musulman »
    Kamel Daoud, essayiste d’origine algérienne, commente ainsi l’évolution des crises : « L’islamisme le plus radical a conquis un pays, l’Afghanistan, et cette victoire résonne dans tout le monde musulman. En Algérie, la deuxième chute de Kaboul aux mains des barbares n’est pas très excitante. Depuis la guerre civile entre les islamistes et le régime, l’héritage des « pères » djihadistes, les « Afghans » algériens, rentrés de l’école de guerre en Afghanistan, n’est pas oublié. De nombreuses élites algériennes sont tentées de fuir, de s’exiler, craignant les crises à venir, victimes d’attaques de désespoir contenu ».

    Maroc : en attendant les élections

    Le Parti marocain de la justice et du développement (PJDM) est officiellement un « parti islamiste non-révolutionnaire ». Il fait partie de la coalition gouvernementale et il reste à voir comment il évoluera après les élections de mercredi. Pendant des années, les dirigeants marocains ont déclaré que Rabat partage avec Paris la peur de la croissance et des menaces de l’islamisme radical.

    Youssef Chiheb, politologue marocain, insiste sur ce point : « L’islamisme radical est un ennemi commun, pour la France, pour le Maroc, pour tout le Maghreb. D’où la nécessité de coopérer dans les domaines les plus sensibles. Il n’échappe pas à Chiheb, en même temps, que le PJDM, le parti islamiste marocain, a une vision de la « démocratie islamique » plus ou moins similaire à celle de Recep Tayyip Erdogan, président de la Turquie. Une nuance qui n’est pas forcément rassurante. La crise récente à Ceuta donne une première idée des proportions inflammables que pourrait avoir une croissance incontrôlée de l’islamisme conservateur marocain.

    Mauritanie : Installée dans l’opposition

    En Mauritanie, le premier parti d’opposition est un parti islamiste et le gouvernement s’enflamme contre ceux qui osent critiquer l’islam, justifiant la colère de ceux qui ont tué pour défendre leur religion contre les auteurs des caricatures de Mahomet.

    La Mauritanie est un État islamique fragile, un bouchon et un drain pour les gangs djihadistes de l’immense bande saharienne du Sahel, où opèrent de nombreux gangs et organisations terroristes, proches des différents affiliés de Daech et d’Al Qaida.

    L’installation d’un « émirat » islamiste, les talibans, en Afghanistan, d’où opèrent d’autres familles de l’islam subversif et terroriste, peut être une menace universelle.

    La croissance et la propagation de l’islamisme, entre le Sahel et l’ensemble du Grand Maghreb, de la Libye à la Mauritanie, menacent bien plus étroitement toute l’Europe méditerranéenne, à commencer par l’Espagne bien sûr.

    Juan Pedro Quiñonero

    ABC, 05/09/2021