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  • Il a accusé de pédophilie le philosophe vedette Michel Foucault, célèbre intellectuel libéral français.

    Guy Sorman, professeur-écrivain-économiste-philosophe libéral français, a été secoué par une énorme tempête lorsque, au cours du week-end, il a également parlé, dans une interview au Sunday Times britannique et dans un talk-show, de la période où il visitait la Tunisie avec un groupe d’amis à Pâques 1969. Michel Foucault, philosophe français vedette qui enseignait à l’université, a été témoin d’événements qui ont montré que Foucault avait des relations sexuelles et payait pour de jeunes garçons.

    Selon Sorman, le philosophe, décédé en 1984 à l’âge de 57 ans et qui fut l’une des premières victimes françaises connues du sida, vivait dans un village appelé Sidi Bou Said, près de la capitale. D’après les souvenirs de Sorman, les enfants couraient dans les rues du village après Foucault, en lui criant : « Et moi ? Prends-moi aussi ! « Selon le professeur, le philosophe a donné de l’argent aux enfants au vu et au su de tous », en nous donnant rendez-vous à l’endroit habituel à dix heures du soir. « Qui, en fait, était le cimetière du village. » Là, il a fait l’amour sur les tombes avec les garçons. La question du consentement ne s’est pas non plus posée. « – a déclaré Sorman.

    Selon le professeur, qui s’estime donc plus tard « sournois » et « particulièrement sale moralement » pour ne pas avoir fait de rapport et ne pas l’avoir couvert à l’époque dans la presse. « Foucault n’oserait pas le faire en France » Il a ensuite établi un parallèle entre le comportement du philosophe et les actions néfastes d’artistes français légendaires tels que le peintre Paul Gauguin, qui aurait eu des relations sexuelles avec ses modèles mineurs, et le romancier André Gide, qui chassait de jeunes garçons en Afrique du Nord.

    « Il a des proportions coloniales. L’impérialisme blanc » pense Sorman.

    Selon Sorman, un élément important de l’affaire est que le secret de Foucault n’était pas vraiment un secret jusqu’à ce que les médias français le sachent. Par exemple, plusieurs journalistes étaient présents lors du voyage rappelé, et de nombreuses personnes ont été témoins des événements, mais à l’époque, personne n’a pensé à écrire ce qu’il avait vu :

    « Foucault était le roi des philosophes. En France, il était traité comme un roi. « 

    En général, les médias français se caractérisent par un silence raisonnable sur les cas bien connus de la « classe dirigeante », le meilleur exemple est le fait qu’ils ont attendu 1994, l’avant-dernière année de la présidence de 14 ans de François Mitterrand pour révéler le bien -le fameux secret qu’il a une amante et un enfant caché, mais il a caché la famille dans une des ailes du palais présidentiel pendant un certain temps, apparaissant en public avec sa femme et trois enfants officiels.

    Pendant longtemps, l’opinion publique française a été fondamentalement influencée par le concept que Voltaire a le plus clairement énoncé lorsqu’il a déclaré qu’il existe deux sortes de moralité : une libre pour l’élite et une restrictive pour le peuple. Le duo formé par le général De Gaulle et Jean-Paul Sartre est un excellent exemple de l’enracinement de cette perception. Le général De Gaulle, avec qui, bien sûr, se trouvaient les plus farouches adversaires politiques et idéologiques, a donné l’ordre à la police de ne pas arrêter le gauchiste Sartre, même s’il avait enfreint la loi lors d’une manifestation de rue pendant le soulèvement des étudiants de 68 :

    « Nous n’aurions pas non plus mis Voltaire derrière les barreaux ! ».

    Pas une histoire typique de MeToo

    L’accusation de Foucault est quelque peu différente de l’originale, qui est caractéristique depuis l’époque de Metoo. L’homme célèbre accusé, d’une part, est mort depuis longtemps, il ne peut donc pas se défendre. D’autre part, il ne s’agit pas de ses anciennes victimes, mais d’un outsider qui était en quelque sorte un concurrent de Foucault, car Guy Sorman, comme lui, était un intellectuel français qui avait fait une carrière sérieuse en Amérique.

    Il est vrai aussi que Sorman, s’il n’est pas impliqué dans sa personnalité, risque beaucoup en allant de l’avant. Si ses accusations ne sont pas prouvées, il pourrait facilement devenir un paria dans la vie intellectuelle française et américaine. Foucault reste la principale référence et la star absolue dans la sphère académique des deux pays. D’aucuns en tirent une politique identitaire qui définit également la vie publique américaine et constitue une référence pour une grande variété de courants progressistes.

    Jusqu’à ce que l’un des acteurs survivants apparaisse dans ce voyage de 1969 – ou l’une des victimes locales potentielles, bien que moins viable encore – tout ce que nous pouvons faire est d’examiner les circonstances de l’affaire présumée afin de pouvoir replacer Sorman dans son contexte. revendications.

    Par exemple, un ajout important à l’explication et au traitement des accusations est que Foucault lui-même, comme beaucoup de ses collègues français âgés de 68 ans et son intellectuel, a pleinement encouragé le sexe libre entre enfants et adultes.

    Le cas le plus célèbre a eu lieu en 1977, lorsque trois hommes ont été condamnés à l’emprisonnement en France pour des crimes sexuels non violents contre des enfants âgés de 12 et 13 ans, jusqu’à présent, la plus grande élite intellectuelle progressiste du pays a fait deux pétitions distinctes – en faveur des pédophiles . « Trois ans de prison pour des faveurs et des baisers : c’est beaucoup, beaucoup », a-t-il déclaré dans une pétition signée, entre autres, plus tard par le ministre de la culture Jack Lang et Bernard Kouchner, fondateur de Médecins sans frontières, ministre des socialistes et du centre – gouvernements français.

    Une autre pétition, signée par des noms aussi connus que Foucault, Simone de Beauvoir et Jean-Paul Sartre, Jacques Derrida, Roland Barthes, Alain Robb-Grey ou Louis Aragon, soutenait que si la loi française considère les jeunes de 13 ans comme des juges aux multiples décisions de justice, c’est-à-dire qu’elle punit les citoyens, à quel titre ils sont privés de ce droit lorsqu’il s’agit de leur vie sexuelle et affective. Selon les signataires, le droit français devrait garantir le droit des enfants et des adolescents à avoir des contacts avec n’importe qui.

    Cette attitude découle de l’attitude du mouvement réformateur de 68 à la renonciation à tous les tabous bourgeois antérieurs. Le fait n’est pas que les signataires de ces pétitions étaient en pratique nécessairement pédophiles, la plupart d’entre eux considéraient les enfants comme des citoyens égaux sur une base idéologique qui devaient recevoir des droits égaux.

    Lorsque le sujet, pour l’essentiel oublié, des pétitions susmentionnées est réapparu en 2001, l’architecte Roland Castro, qui avait à l’époque joué un rôle important dans les émeutes étudiantes, a déclaré au Guardian britannique, qui n’est pas vraiment à blâmer pour la 68e opposition :

    « Beaucoup de bonnes choses se sont passées avec 68, mais nous devons maintenant faire face à l’époque naïve que nous avons connue. Nous disions tout et son contraire, à la hâte, sans réfléchir. Et bien que nous voulions nous affranchir des anciennes barrières, nous les avons complètement démantelées. « 

    Ainsi, Michel Foucault était certainement un partisan déclaré de la légalisation des relations sexuelles pédophiles, mais en raison de l’esprit de l’époque, il ne s’ensuit pas nécessairement qu’il était lui-même pédophile. Bien entendu, cela ne réduit pas les chances que ce soit le cas.

    En évaluant le cas, ce serait une erreur de ne pas tenir compte de l’attitude pratique, mentionnée précédemment, de l’élite intellectuelle française, indépendante de 68 ans, à l’égard de la séparation de la morale publique et privée et des crimes sexuels contre les enfants. Les Français, qui respectent encore leur élite spirituelle à la manière de l’ancienne classe dirigeante héréditaire, n’ont que récemment commencé à affronter publiquement le fait qu’une minorité notable de cette élite a commis des crimes sexuels horribles sans grand secret.

    Fait intéressant, les squelettes ont commencé à tomber de l’armoire en 2016 avec la découverte d’un prédateur sexuel non français. Alors Flavi Flamen, un célèbre présentateur de télévision français, a accusé dans son livre le photographe britannique David Hamilton de l’avoir violé à l’âge de 13 ans. Hamilton, âgé de 83 ans, s’est suicidé l’année suivante.

    Dès lors, les unes après les autres, les atrocités sexuelles cachées de l’élite française, souvent consignées dans des livres, ont été révélées.

    Par exemple, Camille Kouchner, la fille de l’ancien ministre Bernard Kouchner, a écrit dans son livre de janvier, La Grande Famille, que son père adoptif, Olivier Duhamel, un professeur, intellectuel et homme politique bien connu, a harcelé de force l’auteur de 13 ans. Un frère jumeau de 14 ans, à la fin des années 1980, c’est-à-dire son propre fils adoptif.

    Plus tôt dans le livre, l’éditrice Vanessa Spirangora a raconté comment elle a établi un réseau de relations au début de son adolescence, dans les années 1980, et comment sa relation avec le romancier cool Gabriel Matneff, âgé de cinquante ans, a commencé à l’âge de 14 ans.

    Le fait que Matzneff n’ait pu être généralement déguisé en pédophile que dans les années 2020 donne une image effrayante de l’amnésie de la société française. L’écrivain, qui évoluait dans les hautes sphères, était un ami du couturier Yves Saint Laurent et le président François Mitterrand l’admirait comme un « mélange de Dorian Gray et de Dracula » – il n’était pas seulement pédophile, mais en a littéralement vécu pendant des décennies devant le plus grand public ; il a fait l’objet de ses livres. « Se coucher avec un enfant est une expérience sacrée, une aventure sacrée semblable au baptême », écrivait-il, par exemple, dans son livre Under Sixteen, paru en 1974. Et dans son autobiographie, dix ans plus tard, il a ouvertement déclaré qu’il lui arrivait de coucher immédiatement quatre garçons de 8 à 14 ans lors de ses tournées sexuelles aux Philippines.

    Sorman, qui couvre actuellement la fête, a souligné que Foucault ne devrait pas être mis à l’index après son ouverture : « J’admire son travail, je ne veux pas qu’on brûle ses livres, je veux juste qu’on sache la vérité sur lui, soit que lui et plusieurs autres philosophes ont utilisé leurs arguments pour justifier leurs propres passions et désirs. « 

    Variety Info, 29 mars 2021

    Etiquettes : Guy Sorman, Michel Foucault, pédophilie, Tunisie, #Metoo, #MetooInceste,

  • De Jérusalem à Eton et à la Tunisie : Une histoire palestinienne

    Qu’est-il arrivé aux familles de Palestine ? Celles qui ont été expulsées de leur pays en 1948 sans savoir où aller ? Leurs biens ont été confisqués. Leurs moyens de subsistance ont été bouleversés. Leur héritage, leur pays et leurs maisons ont été volés.

    Dans « From Jerusalem to a Kingdom by the Sea », un mémoire de 300 pages rédigé par Adel A. Dajani, qui est devenu le premier Arabe à aller à Eton, ce qui est arrivé à son clan d’élite palestinien commence au cœur de la vieille ville de Jérusalem, où la famille était la gardienne de la tombe du prophète David.

    L’histoire de cette famille palestinienne, dont les racines à Jérusalem remontent à plusieurs siècles, se poursuit en Égypte et à Tripoli. Elle se poursuit via Eton et Knightsbridge jusqu’à la Tunisie, où la colère brute du printemps arabe fait l’objet d’une attention toute particulière dans ce livre.

    Il s’agit d’une remarquable histoire de survie entre la perte d’une patrie et les multiples révolutions qui ont suivi. Le voyage commence avec la Nakba en Palestine en 1948. La création du royaume de Libye en 1951, le coup d’État de Kadhafi en 1969, ainsi que les révolutions du printemps arabe en Tunisie et en Libye en 2011 sont autant d’étapes à franchir.

    Le récit facile à suivre de Dajani nous offre une vue d’ensemble des pérégrinations de ce clan cosmopolite, alors qu’il construit et reconstruit sa fortune et sa famille, en misant sur des études supérieures et des terres inconnues.

    C’est une fenêtre sur un pan méconnu de l’histoire palestinienne, perdu dans le récit global du terrorisme et des camps de réfugiés. Un récit des « 1001 nuits » du XXe siècle, tissé à travers les bouleversements politiques et les pertes personnelles.

    « L’histoire d’une famille et de ses cygnes noirs », voilà comment Dajani, banquier d’affaires chevronné, présente son récit. Dajani est né en Libye. Son histoire commence en Palestine.

    « Selon ma grand-mère maternelle, Faika Husseini Dajani, le bruit des tirs et des explosions à Jaffa, dans les dernières années du mandat britannique sur la Palestine, devenait effroyablement courant. L’explosion du camion piégé qui s’est produite récemment devant le Serrani, l’hôtel de ville ottoman de Jaffa, qui comptait trois étages et dans lequel quatorze Palestiniens ont été tués le 5 janvier 1948, a brisé le calme des jardins bien entretenus de Faika. L’écriture était sur le mur ».

    C’est ainsi que commence son livre, à Jaffa, en 1947, lorsque la famille décide de faire un court voyage au Caire, alors que les Britanniques « fanfaronnent » et veulent laisser la Palestine tranquille.

    Ce voyage s’est transformé en une « vie d’errance », comme le dit Dajani. Leurs vêtements d’hiver emballés à la hâte ne suffisent pas à les protéger de la perte de leur patrie et de la confiscation de tous leurs biens après la création de l’État d’Israël en 1948. Ils ont tout perdu en vertu de la loi sur la propriété des absents.

    Une lettre que son père, diplômé d’Oxford, a écrite du Caire à la Commission des Nations unies pour les réfugiés, énumérant toutes ces propriétés, a fait l’objet d’un accusé de réception accompagné d’une lettre le remerciant pour sa pièce jointe, écrit Dajani. Son père a gardé le morceau de papier énumérant ses maisons dans sa poche après cela.

    Pour cette famille qui avait vécu en Palestine pendant plus de 1000 ans, il était temps de refaire sa fortune. Il y a eu de nombreux cygnes noirs en cours de route. Du Caire, la Libye fait signe. Le père de Dajani, Awni, a joué un rôle majeur dans la rédaction d’une partie de la constitution.

    « La première candidature d’Awni concernait le poste de conseiller juridique auprès de la Cour royale libyenne dirigée par le prince Idris al-Senussi, qui était le prince de Cyrénaïque, une province de l’est du pays sous mandat britannique. La demande a été initialement rejetée », écrit Dajani.

    Son diplôme d’Oxford en poche, son père avocat, après avoir beaucoup insisté, se retrouve bientôt à travailler pour le roi de Libye. Le jeune Dajani est élevé dans son palais royal. Il a été transporté directement de l’hôpital au palais royal, après sa naissance à Tripoli. Sa vie a commencé dans ce royaume de la mer.

    Beaucoup des récits qui suivent sont magiques. Vacances d’été avec le roi et la reine. Des rires d’enfants au dîner avec des chefs d’État en visite. Du beau monde. Des fêtes riches. Des plages de rêve.

    Jusqu’à ce qu’il soit temps d’aller à Eton et d’affronter le temps maussade et les trajets en train déprimants en Grande-Bretagne pour cet enfant de 11 ans. Cette éducation lui a bien servi. La beauté du campus a compensé une partie de la morosité britannique.

    Il y aura encore beaucoup de bouleversements pour la famille. La révolution de Kadhafi qui a envoyé son père en prison. De nouvelles menaces sur la propriété de leur nouvelle maison lorsque les lois et les régimes en Libye changent. Les biens sont confisqués. Des voyages dangereux à travers des frontières difficiles pour chasser les squatters en cours de route.

    Beaucoup de choses ont transpiré avant les débuts du printemps arabe en Tunisie où, une fois de plus, des personnes en colère ont menacé le domicile familial en 2011. Dajani l’a gardé en sécurité.

    Le faire et le défaire des régimes du monde arabe se déroule parallèlement à la construction de sa famille et de sa carrière. La mort du patriarche de la famille. Les témoins directs du printemps arabe en Tunisie et en Libye apparaissent sous nos yeux dans ce récit personnel de régions troublées dans un monde troublé.

    À la fin du livre, Dajani se retrouve en voyage à Jérusalem avec son fils. Les tombes de sa famille ont été profanées. Un hôpital construit par des proches a été rebaptisé. L’histoire est devenue trop lourde à porter sur ses épaules.

    « Alors que nous serpentions sans but, perdus dans nos pensées, autour du cimetière où sont enterrées d’innombrables générations de nos ancêtres, Rakan et moi avons ressenti un sentiment unique d’appartenance profondément enracinée. Mais en même temps, nous avons ressenti le poids écrasant de notre impuissance et de notre solitude dans la lutte pour préserver nos liens historiques à Jérusalem pour les générations futures. C’était comme si l’histoire de notre famille, qui a commencé à Jérusalem en 637, allait se terminer en 2017 sous notre surveillance et que la faute en revenait entièrement à nous. Un boulet autour de notre cou », écrit-il.

    Al Bawaba, 29 mars 2021

    Etiquettes : Israël, Palestine, Jérusalem, Al Qods, Islam, Libye, tripoli, Tunisie,

  • Lancement de « Challenger one », le satellite tunisien, le premier fabriqué dans le Maghreb

    C’est un petit pas pour l’aérospatiale mais un grand pas pour la Tunisie: le premier satellite fabriqué entièrement localement, destiné à l’internet des objets connectés, a été lancé dans l’espace lundi. « C’est une fierté d’avoir participé à ce projet, travailler dans le secteur aéronautique ou aérospatial est un rêve », a déclaré à l’AFP Khalil Chiha, ingénieur formé à l’école nationale d’électronique de Sfax (centre). La Tunisie est le premier pays du Maghreb à fabriquer son propre satellite, et le sixième pays africain, selon le site spécialisé Space in Africa.

    Expérimental

    Thermomètres ou capteurs de pollution connectés, puces de localisation ou senseurs d’humidité: ce satellite expérimental est destiné à récolter les données collectées par ces appareils pour y avoir accès en temps réel même dans une zone terrestre sans couverture internet. « Challenge One », créé par l’entreprise tunisienne de télécommunications TelNet, doit rejoindre son orbite vers 10H20 GMT à bord d’un lanceur Soyouz.

    La fusée, qui devait initialement décoller samedi – 65e anniversaire de l’indépendance tunisienne -, a finalement quitté Baïkonour, au Kazakhstan, lundi matin. Un décollage suivi depuis Tunis par le président tunisien Kais Saied. « Notre richesse réelle est la jeunesse qui peut faire face aux obstacles », a déclaré M. Saied, soulignant que la Tunisie, empêtrée dans une crise sociale et politique, ne manquait pas de ressources mais de « volonté nationale ».

    Un million d’euros

    Ce projet d’environ un million d’euros, lancé en 2018, est la concrétisation du travail d’une équipe de jeunes ingénieurs locaux, encadrés par quelques experts tunisiens travaillant à l’étranger, dont l’un a participé à la mission Perseverance de la Nasa sur Mars.

    Challenge One, qui doit disposer d’une capacité de transmission de 250 kb/s sur 550 km, tente de répondre au besoin croissant de connexion satellitaire pour les objets car moins de 20% de la surface du globe est couverte par le réseau internet terrestre. TelNet souhaite lancer d’ici trois ans, en partenariat avec d’autres pays africains, une constellation de plus de vingt satellites pour exploiter commercialement cette technologie.

    « Cela ouvre la voie à l’ouverture d’un service innovant pour la région, dans un domaine en pleine expansion », a souligné à l’AFP Mohamed Frikha, PDG de TelNet. Signe du développement aérospatial dans la région, les Emirats arabes unis ont lancé en février la première mission interplanétaire arabe, une sonde en orbite autour de Mars. Une agence spatiale africaine et un groupe de coopération arabe dans le domaine spatial ont été mis sur pied en 2019.

    RTBF, 22 mars 2021

    Tags : Tunisie, Satellite,

  • Au Maghreb, l’eau est à la source des conflits sociaux de demain

    Les conflits autour des ressources en eau se multiplient ces dernières années à travers le Maghreb. Un réchauffement climatique global conjugué à des politiques prédatrices pourrait accentuer les tensions politiques

    Parler des ressources hydriques au Maroc, c’est parler d’agriculture : le secteur avale environ 80 % des stocks en eau du pays (AFP)

    Dans les années 1980, le plus célèbre des opposants marocains à Hassan II, Abraham Serfaty, écrivait dans une langue marxiste typique : « La politique dite ‘‘des barrages‘‘ symbolise l’extension dans les zones les plus fertiles du pays de la grande propriété terrienne orientée vers la culture de produits d’exportation correspondants aux besoins du marché d’Europe occidentale en produits méditerranéens, dans la droite ligne de la politique agricole coloniale. »

    À l’époque, l’accès à l’eau ne semblait pas encore être un enjeu politique et social majeur au Maghreb.

    Des décennies plus tard, le révolutionnaire pétri par la lutte des classes se serait-il étonné de voir le partage et l’usage des ressources en eau dans la région effectivement décrit comme un révélateur majeur de fractures sociales par des analystes peu soupçonnables de sympathies révolutionnaires ?

    « L’eau représente un véritable indicateur d’inégalités à différents niveaux », écrivent des chercheurs de l’Institut français des relations internationales (IFRI) dans une publication soutenue par l’Office chérifien des phosphates (OCP), une des principales entreprises publiques marocaines. Inégalités entre les régions notamment, mais aussi entre les genres, les femmes étant les principales collectrices et porteuses d’eau dans la région.

    Ces dernières années, les conflits autour des ressources hydriques se multiplient : au Maroc, l’occupation d’une source d’eau par des habitants à Imider est devenue un symbole des nouveaux mouvements sociaux qui marquent le pays.

    Depuis des années, des habitants s’opposent à l’exploitation d’une mine d’argent et de mercure par la SMI, une filiale du groupe minier Managem, dont le principal actionnaire est la holding de la famille royale.

    « En 2011, tout a commencé par le blocage des vannes du réservoir d’eau de la mine avec des chaînes », rappelle à Middle East Eye Moha Ed-Daoudy, une figure du mouvement.

    Hotspot du réchauffement climatique dans le monde
    Le cinquième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) l’a souligné en 2014 : le Maghreb est un « hotspot » mondial du réchauffement climatique.

    D’un côté, la montée du niveau de la mer entraîne une salinisation des nappes phréatiques côtières et, de l’autre, les terres s’assèchent.

    La Tunisie est un des pays les plus durement touchés du bassin méditerranéen et avec une disponibilité en eau estimée à 470 m3 par an et par habitant, elle est désormais bien en deçà du seuil de pénurie défini par l’ONU, fixé à 1 000 m3.

    Les gouvernements sont conscients des retombées possibles, notamment des déplacements forcés de population. Stratégie en matière d’énergies renouvelables en Algérie, plan national de l’eau au Maroc… les annonces se succèdent ces derniers mois devant la réalité du stress hydrique.

    La Tunisie, à qui la dégradation de l’environnement coûterait jusqu’à 2 % de son PIB selon la Banque mondiale, a aussi inscrit le droit à un environnement « sain et équilibré » dans sa Constitution.

    Mais les enveloppes débloquées pour des projets de dessalement d’eau de mer ou de traitement des eaux usées ne calment pas encore les colères. Tout au long du hirak, mouvement de protestation dans le Rif marocain, de 2016 à 2018, les difficultés d’accès à l’eau ont hanté les esprits dans les administrations.

    « En 2017, nous avons frôlé la coupure nette dans plusieurs points de l’Oriental, pas loin d’Al Hoceima, l’épicentre du hirak. Ça n’a finalement pas eu lieu, mais ça aurait signé l’extension et la radicalisation du mouvement… », confie à MEE un fonctionnaire sous couvert d’anonymat.

    Dans la société civile, en l’absence de partis écologiques, c’est dans différents univers qu’on trouve posée la question de l’usage de l’eau : les habitants d’oasis, des organisations altermondialistes, des intellectuels critiques, le mouvement amazigh au Maroc… Des organisations spécifiques comme l’Observatoire tunisien de l’eau gagnent aussi en visibilité dans le débat public.

    En 2019, cet observatoire a comptabilisé une centaine de manifestations liées à des difficultés d’accès à l’eau en Tunisie.

    La plupart ont lieu dans les foyers des mouvements sociaux de 2008 et de la révolution de 2011, les régions de Gafsa, Kasserine et de Sidi Bouzid. Depuis quelques années, des habitants creusent chaque été de nouveaux puits plus profonds pour récupérer des eaux boueuses et saumâtres.

    Du côté des institutions, les ajustements techniques prédominent souvent la création de stratégies publiques nouvelles lorsqu’il s’agit d’apporter des réponses au désarroi des populations.

    Ainsi, en Tunisie comme au Maroc, les autorités renvoient à la vétusté des conduites qui occasionne de grosses pertes en eau. Une tendance à dépolitiser le dossier : la sécheresse est structurelle, liée à des dynamiques sur lesquelles les autorités publiques n’auraient pas la main.

    Charafat Afilal, ancienne ministre marocaine déléguée à l’Eau, va jusqu’à reconnaître des défaillances en matière de gouvernance, pointées du doigt par les institutions internationales.

    Une fiscalité inégalitaire
    La complexité des organisations chargées des politiques hydriques et la bureaucratie ne facilitent pas la recherche de solutions.

    Mais l’ex-ministre met en avant les réalisations : « Le Plan Maroc Vert [plan agricole marocain] se recoupe avec le plan national pour l’eau. La prise en considération du facteur stress hydriques est bien là. »

    Elle ramène en outre les conflits à des soucis locaux : « Il est vrai qu’on constate des ratés dans la mise en application sur le terrain, comme des subventions accordées sans l’avis des agences de bassin. »

    Ces considérations techniques et bureaucratiques ne sont pas sans importance, souligne Mehdi Lahlou, président de la branche marocaine de l’Association pour un Contrat mondial de l’eau.

    Mais il souligne à MEE : « Il y a aussi un modèle économique libéral qui a été choisi dans la gestion de l’eau au Maroc, comme dans le reste du Maghreb. »

    Il pointe du doigt une fiscalité inégalitaire et une privatisation rampante du secteur de la distribution, qui permettent à de grands agriculteurs de payer moins cher le mètre cube d’eau productif que le particulier pour se désaltérer.

    Il accuse aussi des symboles lourds de conséquences : des sources confiées à des entreprises ou des consortiums comprenant des entreprises étrangères pour de la mise en bouteille, comme celle de Ben Smim, objet d’un litige et d’une mobilisation locale.

    En effet, lorsque des vents de contestation soufflent sur le pays, l’eau n’est jamais bien loin. En 2011, lors du Mouvement du 20 Février, des habitants de la ville de Tanger se sont regroupés devant les locaux d’Amendis, filiale du français Veolia qui gère le service de l’eau dans la ville.

    Lors du mouvement de boycott contre la vie chère en 2018, parmi les trois marques ciblées et durement touchées, on retrouvait la fameuse marque d’eau Sidi Ali, des Eaux minérales d’Oulmès, entreprise présidée par Miriem Bensalah Chaqroun, ancienne patronne du principal syndicat patronal marocain, la CGEM.

    Le Maghreb s’est aussi tourné vers un modèle agricole bien particulier. À Zagora au Maroc, comme à Sidi Bouzid en Tunisie, on cultive surtout des produits à l’export. Fraises, fleurs, agrumes, pastèques…

    « Des produits très gourmands en eau, produits dans des régions parfois très arides, au détriment de cultures qui demandent moins d’irrigation », souligne Alaa Marzougui, président de l’Observatoire tunisien de l’eau.

    Mehdi Lahlou relève : « Ce qui est certain, c’est que parler de ressources hydriques au Maroc, c’est parler d’agriculture. Le secteur avale 80 % des stocks en eau du pays environ. »

    La pastèque a été mise sur le banc des accusés au Maroc lorsqu’un « hirak de la soif » a éclaté en 2018 à Zagora, jetant des centaines de citoyens assoiffés dans les rues.

    Le plan agricole Maroc Vert a boosté la production dans la région de ce produit ultra gourmand en eau et destiné aux marchés étrangers. Aujourd’hui, presque 20 000 hectares de terres à travers le royaume sont consacrés à ce fruit qui en occupait à peine quelques centaines il y a une décennie.

    Le Maghreb s’en remet aux marchés étrangers

    À Sidi Bouzid, grenier de la Tunisie, et foyer de départ du soulèvement de 2011, la colère politique est liée à ce modèle agricole, à en croire la chercheuse tunisienne Alia Gana. Elle écrit dans l’ouvrage collectif Tunisie, une démocratisation au-delà de tout soupçon : « La réallocation des ressources au profit de l’agriculture intensive en irrigué, levier de l’insertion dans les marchés internationaux, a eu des effets discriminatoires sur l’agriculture familiale, accélérant la marginalisation, voire l’exclusion des petits agriculteurs. »

    Ce modèle de développement, poursuit la chercheuse, « basé sur une intensification technique inadaptée aux spécificités d’un milieu aride, contribue à une dégradation souvent irréversible des ressources en eau ».

    Les politiques d’intégration aux marchés européens ont favorisé une spécialisation en biens agricoles à haute teneur en eau, mais aussi une dépendance alimentaire à l’égard des marchés mondiaux.

    Le Maghreb s’en remet aux marchés étrangers pour s’approvisionner en produits agricoles de base et accuse une balance commerciale structurellement déficitaire.

    Selon un document de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), 80 % des besoins tunisiens en blé sont couverts par l’importation, soit l’équivalent de quatre baguettes de pain sur cinq consommées.

    La Tunisie et l’Algérie sont depuis des années parmi les dix premiers pays importateurs de blé dans le monde. Une dépendance qui rendrait la région vulnérable aux fluctuations des prix et aux chocs mondiaux. Et qui a un coût pour la population : les deux pays sont aussi marqués par la part importante de budget consacrée par leurs citoyens à la nourriture : 43 % en Algérie et 35 % en Tunisie, le même chiffre qu’en Irak, selon le département américain de l’Agriculture.

    Dans Food Insecurity and Revolution in the Middle East and North Africa, les chercheurs Habib Ayeb et Ray Bush expliquent comment ces politiques commerciales influencées par les institutions financières internationales ont contribué à l’exaspération des populations et aux soulèvement en Tunisie et en Égypte en 2011.

    En janvier 2020, la volonté du président algérien Abdelmadjid Tebboune de relancer les projets de forages de gaz de schiste dans le sud a mobilisé les manifestants du hirak. Ces derniers accusaient par voie de slogans et de pancartes : l’exploitation du gaz de schiste par une technique dite de fracturation hydraulique exerce une pression énorme sur les précieuses eaux dans les nappes phréatiques.

    Les projets de forage avaient été suspendus en 2015 dans la foulée de mobilisations dans la région d’In Salah. Le sujet divise au sein même du gouvernement : « Le gaz de schiste est une calamité. On va hypothéquer l’avenir du Sud », déclarait à la radio publique Chems Eddine Chitour, actuel ministre de la Transition énergétique, alors à l’Enseignement supérieur, et expert des énergies.

    Muriel Ressiguier, une députée française, soulignait à l’Assemblée : « L’extraction des gaz s’effectue en Algérie par la fracturation hydraulique. Il ne saurait être acceptable que les pays de l’Union européenne ne l’autorisant pas chez eux à cause des multiples risques se tournent vers l’Algérie pour le produire, en laissant supporter à ce pays les aberrations écologiques liées à ce type d’extraction, notamment la pollution des nappes phréatiques… »

    Dans les rues algériennes, on accusait le gouvernement, mais aussi les grandes entreprises gazières et pétrolières étrangères intéressées par la prospection : « Notre Sahara n’est pas à vendre. » La gestion de l’eau se retrouvait ainsi intégrée aux exigences de souveraineté populaire sur les richesses et les institutions des manifestants du hirak.

    Des migrations intérieures massives

    En Tunisie, c’est aussi un secteur clé de l’économie qui suscite des débats. Dans la région du bassin minier, certains imputent à l’extraction de phosphate la raréfaction de l’eau. Une hypothèse contestée, mais la pollution de certaines sources est bien avérée.

    Le désarroi social place les citoyens devant des dilemmes, comme le souligne le biologiste Mohsen Kalboussi dans une opinion publiée sur le site Nawaat : « Différents mouvements sociaux revendiquent le droit à l’emploi plutôt que de contester la pollution générée par les activités minières dans la région. »

    La société civile se déchire parfois et des syndicalistes et des agriculteurs s’opposent ainsi lors de chauds débats locaux ou au cours de mobilisations à propos des retombées économiques et écologiques de l’activité phosphatière.

    Moha Ed-Daoudy, depuis Imider, suit avec intérêt ces mobilisations dans la région. Il est conscient de la difficulté de trancher entre développement économique et protection des ressources hydriques. Mais il insiste : « Ces mouvements montrent que les populations veulent avoir leur mot à dire sur l’utilisation des ressources naturelles. »

    Des chercheurs établissent maintenant le rôle sous-jacent du réchauffement climatique dans l’instabilité politique au Moyen-Orient. Ceux du Center for Climate and Security aux États-Unis, par exemple, ont observé que le soulèvement syrien avait débuté dans des régions tournées vers un usage intensif de l’eau pour la culture du coton notamment, et frappées par des sécheresses entraînant des migrations intérieures massives et une urbanisation chaotique.

    En 2015, l’ancien président américain Barack Obama et la figure de gauche Bernie Sanders ont publiquement fait leur cette analyse.

    Cette dernière a pourtant suscité des oppositions. Pour beaucoup, expliquer le soulèvement syrien par le changement climatique minimise ses raisons politiques. Dans le futur, il semble possible que dans la région, l’usage des ressources en eau devienne une cause explicite de mobilisations politiques.

    Middle East Eye, 22 mars 2021

    Tags : Maghreb, Maroc, Algérie, Tunisie, eau, sécheresse,

  • Israël, la pandémie et les hommes en noir

    Par Mohamed Larbi Bouguerra

    Si on prête foi aux médias occidentaux, Israël serait un phénix en ces temps de pandémie.

    C’est peut-être le cas- hypothèse d’école- si on fait abstraction de l’utilisation à des fins bassement politiciennes du Covid-19 par Netanyahou et en ayant comme point de mire les élections législatives israéliennes du 23 mars prochain ; si on oublie l’ignoble refus israélien du vaccin aux Palestiniens sous occupation et si on ne tient pas compte de ce qui se passe en Israël avec les ultraorthodoxes qui refusent d’appliquer tout ce qui vient du gouvernement «séculier».

    Si Israël a eu si vite le vaccin, c’est parce qu’il a consenti de fouler au pied l’éthique en partageant avec le fabricant, tous les renseignements médicaux personnels des Israéliens vaccinés.

    Le 25 février 2021, le quotidien Haaretz a publié un article fleuve de Ronen Bergman intitulé « Comment la pandémie a été tout prêt de déchirer Israël » avec ce chapeau : « Les confinements ont créé des tensions extrêmes entre les communautés non-pratiquantes et les ultraorthodoxes. Les conséquences politiques de ces tensions pourraient être ressenties au cours des années à venir. »

    Israël a enfermé sa population bien plus que tout autre pays au monde et pourtant il a enregistré le taux le plus élevé d’infection au coronavirus. La raison principale de ce paradoxe apparent est la communauté ultraorthodoxe. Cet aspect de la pandémie en Israël est peu évoqué par les médias. « Les haredim ont exaspéré le pays durant l’épidémie de Covid-19, en refusant de respecter les confinements. » écrit bien précautionneusement Louis Imbert dans le Monde (21-22 mars 2021, p. 4)

    C’est ainsi que le 31 janvier 2021 alors que le pays était confiné pour la troisième fois, le rabbin Meshulam Dovid Soloveitchik, 99 ans, a rendu l’âme terrassé par le coronavirus. Il dirigeait une yeshiva (école religieuse) d’élite à Jérusalem. Dans ces établissements, on n’étudie ni les mathématiques ni l’histoire ni les langues étrangères. (Le Monde, 21-22 mars 2021).

    Avec la pandémie, les enterrements et les mariages sont devenus des sujets de frictions et de controverses violentes en Israël. Le mariage, le 5 août 2020, du petit-fils du grand rabbin Yissachar Dov Rokeach, intronisé à l’âge de neuf ans, réunit plusieurs milliers de personnes de la communauté de Galicie (Ukraine) sans la moindre précaution contre le virus. De fait, la majorité des ultraorthodoxes refuse de porter le masque et de respecter la distanciation prétendant que le confinement les empêche de pratiquer leur foi. Résultat : trois fois plus d’atteintes Covid-19 que chez le reste de la population israélienne. Le rabbin Soloveitchik a été infecté dans son école qui a continué à fonctionner au mépris des ordres du gouvernement. Des milliers d’hommes en noir (les haredim : ceux qui tremblent devant dieu)) ont tenu à suivre le cortège funèbre sans masque ni distanciation annonçant ainsi un super cluster. Vint s’ajouter à ce deuil la mort du grand rabbin Yitzchok Scheiner, 98 ans- une autre éminence ultraorthodoxe- des suites des complications du corona virus. Son enterrement réunit encore des milliers de disciples.

    La police ne fit rien face à ces foules. Des vidéos montrent qu’elle est plus répressive et violente vis-à-vis des Israéliens laïcs que vis-à-vis des haredim.

    Le porte-parole de la police, Shabtai Gerberchik, se défend: «Je ne vais pas confronter 20 000 personnes. Je n’ai pas les moyens de le faire.» Explication: les ultraorthodoxes soutiennent le gouvernement Netanyahou. Ce dernier se singularisa en interdisant à ses propres citoyens de regagner le pays lors de la fermeture de l’aéroport de Tel Aviv pendant le confinement…. mais il autorisera ses seuls soutiens ultraorthodoxes à rentrer dans leur foyer afin de pouvoir voter pour lui le 23 mars 2021.

    L’influence politique et sociale de ces derniers ( 12,6% de la population) n’est pas négligeable. Le vice-président de la Knesset est un haredim qui ose déclarer que l’Etat d’Israël est antisémite. De plus, le mariage, le divorce, les enterrements et les conversions sont du ressort exclusif des seuls rabbins en Israël. Dans cet Etat «démocratique» pas de mariage civil et des films ont montré l’inhumain calvaire des femmes qui n’ont pu obtenir de leur mari l’autorisation de se séparer, le fameux «guet».

    Face aux multiples procès et aux manifestations hebdomadaires qui visent le Premier Ministre Netanyahou, le soutien des religieux est vital. Autre atout des haredim : la femme orthodoxe met au monde 6,6 enfants alors que l’Israélienne non pratiquante donne naissance à 2,2 enfants en moyenne. Il se dit que le rabbin Chaim Kanievsky, 93 ans, qui a des milliers de fidèles- peut, par ses bénédictions, faire que des femmes stériles mettent au monde de beaux bébés. Mais pour éviter que ses ouailles s’ouvrent sur le monde et restent sous sa coupe, ce saint homme leur interdit le téléphone portable – sauf s’il est kosher- et Internet ! Kanievsky affirme que « fermer les yeshivas est plus dangereux que de les ouvrir et que ceux qui votent pour les listes « Judaïsme Uni de la Torah » sont protégés du corona virus. »
    Respecter les règles religieuses et prier sont absolument nécessaires pour la pérennité de l’existence même du monde affirment les rabbins ultras.

    Faisant fi du confinement mis en place par un gouvernement sioniste séculier haï, Bnei Brak , ville haredi, vécut comme à l’ordinaire. Le 26 mars 2020, la ville comptait 176 cas Covid-19 et le 31 mars, on enregistrait 596 contaminations.

    Le ministre de la sante défie Netanyahou

    Christophe Ayad et Louis Imbert écrivent : « Les ultraorthodoxes ont de plus en plus d’influence sur le cours d’un pays dont ils ont longtemps nié l’existence. » (Le Monde, 20 mars 2021, p. 26-27). Le ministre de la Santé, Yaakov Litzman**, natif de Brooklyn (New York), lui-même ultraorthodoxe, s’en est pris au chef du gouvernement en personne au cours du premier confinement. Ce saint homme ne comprenait pas que l’on puisse ordonner la fermeture des yeshivas et des bains rituels (mikvèh) alors qu’on a le droit de sortir promener son chien. Il exigeait de Netanyahou d’exempter les ultraorthodoxes des rigueurs du confinement car, avancait-il, « il y a une loi supérieure à considérer »! Et Netanyahou de répliquer : « Que voulez-vous faire ? Le virus ne respecte pas la religion. » Guère convaincu, Son Excellence rétorqua : « Alors, laissez-nous la respecter. » Au final, Litzman et son épouse attrapèrent le Covid-19. Netanyahou et le chef des services d’espionnage (Mossad) -cas contact- durent être mis en quarantaine. Haaretz note : « L’homme qui a la charge de protéger Israël de la pandémie n’a pas été en mesure de se protéger lui-même ni de protéger sa famille. »

    La pandémie a révélé et exacerbé en Israël des tensions qui existaient depuis longtemps : les ultraorthodoxes ne font pas le service militaire et la plupart ne travaillent pas vivant de donations et des aides de l’Etat que Netanyahou augmenta sérieusement pour gagner leurs voix. Ils sont opposés aux sionistes car seul le Messie peut établir l’Etat d’Israël non les hommes. Sionistes et ultraorthodoxes se sont fait la guerre et, en 1924, les premiers assassinèrent à Jérusalem, un chef ultra, Jacob de Haan, qui devait aller à Londres demander aux Anglais de ne pas faire de la Palestine « un foyer national juif » comme le promettait la déclaration Balfour en 1901.

    Les ultraorthodoxes ont accepté de manière sélective l’Etat séculier et ses largesses mais, à chaque fois que le gouvernement israélien a essayé de contrôler la communauté d’une manière qui menace l’autorité de ses chefs, ils ont défendu bec et ongles leurs privilèges. Netanyahou, ayant besoin des voix de son parti, n’a pas limogé son ministre de la Santé qui a été à la synagogue malgré l’interdiction gouvernementale et y a contracté le virus. En janvier, les autorités ont quelques fois tenté de faire appliquer confinements et couvre-feux, la réaction a été particulièrement furieuse. Invoquant l’Holocauste, ils se sont soulevés contre « les ghettos ». Des vidéos montrent la police tirant en l’air pour disperser les manifestations massives de ces haredim. Ainsi, on a vu leurs adolescents bloquer la rue face à un bus à Bnei Brak -une ville haredi de 200 000 habitants près de Tel Aviv – contraindre le chauffeur à quitter le véhicule qu’ils ont réduit en cendres.

    L’armée israélienne s’invite chez les ultra-orthodoxes

    Et c’est ainsi que la pandémie a permis de voir, pour la première fois, l’armée israélienne se déployer dans les villes ultraorthodoxes dans l’éventualité où il faudrait les isoler étant donné les taux de contamination rapportés.

    Le matin du vendredi 3 avril 2020, la police et l’armée bloquèrent subitement, sans concertation, les routes menant à Bnei Brak. Les haredim ne purent faire les courses pour le repas du Sabbat. Pire, le lendemain, le maire de la ville voisine de Ramat Gan plaça des barrières et des gardes aux limites avec Bnei Brak pour l’isoler. Les ultraorthodoxes ne portaient déjà pas dans leur cœur cet édile qui avait été le premier en Israël à autoriser la circulation des bus le samedi. Des manifestants aux chapeaux ronds et à l’accoutrement noir jetèrent sur la police et l’armée des pierres et les abreuvèrent d’insultes : « Gestapo », « Nazis » « Ne nous mettez pas dans des ghettos. » Devant la montée des périls, le maire de Bnei Brak – qui ne fait pas confiance au gouvernement israélien- constitua une équipe d’anciens de l’armée et du Mossad pour faire face à la crise.

    Cependant, ébranlés par la mort des rabbins et le nombre croissant de malades, les haredim se divisèrent. Certains appelèrent au respect des règles de confinement édictées par l’Etat mais les radicaux comme la « Faction de Jérusalem » dissidente, restèrent sur leur position de refus.

    Pour contraindre les haredim au respect du confinement, on coupa l’eau des bains rituels en bouchant à la chaux les conduites et on scella par soudure les portes des écoles et des synagogues. Fin mai, les cas de contamination baissèrent chez les ultraorthodoxes.

    En septembre 2020, les leaders haredi décidèrent d’ouvrir les yeshivas. « Nous n’avons rien à faire des décisions du gouvernement. Nous n’allons pas obéir. » décrétale rabbin Kanievsky. Netanyahou essuya des critiques même de certains de ses ministres qui le jugèrent incapable d’arrêter l’épidémie chez les ultraorthodoxes et de condamner le pays à un troisième confinement. Ce qui ne manqua pas de se produire quand, le 5 janvier 2021, le taux de contamination chez les haredim explosa. Un sur 100 haredim âgés de plus de 60 ans succomba au corona soit 3,5 fois plus que dans la population générale.

    Pour le directeur de l’Institut Haredi des Affaires Publiques : « Cette communauté ne se voit pas comme appartenant à la société civile israélienne. »

    La pandémie de corona va affecter la société israélienne pour les années à venir pronostique le quotidien Haaretz. Les ultraorthodoxes- ashkénazes- ont mis à nu les tares d’Israël et son inhomogénéité congénitale de Liberman et des russophones en passant par le nouvel opposant à Netanyahou, Yaïr Lapid et son jeune parti…ils ont poussé aux extrêmes les Israéliens notamment sépharades tel l’assassin Elor Azaria devenu héros national.

    Alors que les élections législatives approchent, Israël est sur la défensive face à l’enquête lancée par la CPI et son président Rivlin est venu chercher des alliés en Europe…à l’heure où Israël vient d’interdire au ministre des Affaires Etrangères de l’AP de se rendre à l’étranger pour avoir rencontré la procureure de la CPI à La Haye. Reuven Rivlin plaide laborieusement dans le Figaro et ose écrire que la CPI rend « plus difficile pour Israéliens et Palestiniens de trouver un terrain d’entente ». (18 mars 2021, p. 17). Israël semble avoir tous les droits. Tous les jours, les destructions de maisons se poursuivent, les arrestations d’enfants continuent, les agressions par les colons se multiplient. L’éditorial du Monde, sous le titre « Israël-Palestine : l’enquête nécessaire. » est catégorique : « Nul ne peut être au-dessus du droit international. » (14-15 mars 2021, p. 27)

    Mohamed Larbi Bouguerra

    ** Lire « Le ministre Yaakov Litzman, la face publique d’un monde secret. Le ministre de la santé est l’homme de confiance d’un tyran secret qui dirige une secte fermée » (Anshel Pfeffer, Haaretz, 1er juillet 2016)

    Leaders, 22 mars 2021

    Tags : Tunisie, Israël, coronavirus, covid 19, pandémie, vaccination,

  • Tunisie : Un site archéologique découvert à Foussana, Kasserine.

    Le gouvernorat de Kasserine a annoncé, hier, dimanche 21 mars 2021, la découverte d’un site archéologique, baptisé « Kadas Remad » et situé au niveau de la route régionale 91 à Foussana.

    Selon les résultats des études préliminaires menées par une équipe de l’Institut National du Patrimoine (INP) sous la direction du Dr Nabiha Awadi, Chef du Département de préhistoire., ce site daterait de 6000 ans.

    Les recherches de l’équipe dirigée par Nabiha Awadi, qui a mené des fouilles et des études scientifiques, ont confirmé qu’il s’agit de l’un des meilleurs sites archéologiques découverts en Tunisie car contenant des vestiges archéologiques de plusieurs cultures.

    Le gouverneur de Kasserine, Adel Mabrouk, s’est déplacé sur les lieux pour constater cette découverte et a souligné la nécessité d’intervenir afin de protéger et de valoriser le site et de l’inclure dans la route touristique de la région.

    Webdo, 22 mars 2021

    Tags : Tunisie, Kasserine, site archéologique, Foussana,

  • Tunisie-Libye : Un fonds pour la reconstruction libyenne à l’étude

    Par Sami Zaptia .

    Abdelhafid El Sakroufi, le chef du Conseil suprême des hommes d’affaires tunisiens libyens (SCLTB), une organisation qui représente un groupe de chefs d’entreprise libyens et tunisiens, a déclaré que le Conseil travaille sur un fonds tuniso-libyen pour la reconstruction de la Libye, avec Fonds tunisiens et libyens, ainsi que des fonds internationaux.

    Il a indiqué que pour stimuler les investissements entre la Tunisie et la Libye, il fallait essentiellement modifier les lois sur l’investissement.

    El-Sakroufi a également indiqué que la Libye avait l’intention de recruter 3 000 enseignants et personnels médicaux tunisiens grâce à la coopération internationale.

    S’adressant aux médias tunisiens jeudi, il a été cité par le SCLTB comme disant que le processus de recrutement n’a pas encore été approuvé et qu’il sera mis en œuvre par le biais de la coopération technique.

    Il a déclaré que la question ne se limitait pas aux enseignants, mais que les détachements comprenaient un certain nombre de travailleurs médicaux, qui travaillent actuellement sous contrat en Libye ou dans le cadre de convois médicaux.

    Libya Herald, 20 mars 2021

    Tags : Tunisie, Libye, reconstruction,

  • Le printemps tunisien n’a pas apporté de réel changement – Rapport spécial

    Par Alessandra Bajec

    Chaque janvier depuis 2011, les manifestations sont devenues un événement régulier en Tunisie pour marquer le dixième anniversaire de la révolution qui a renversé le régime du dictateur de longue date Zein el Abdine Ben Ali – et a déclenché ce qui est devenu le printemps arabe. Malgré ces manifestations annuelles, cependant, la Tunisie n’a pas réussi à faire de progrès substantiels dans la vie quotidienne de ses citoyens car la démocratisation du pays ne s’accompagne pas d’une transition socio-économique.

    Compte tenu de cet échec, les manifestations de cette année étaient différentes. Tout au long du mois de janvier, des manifestations nocturnes ont secoué les quartiers défavorisés de la capitale comme Ettadhamen et Douar Hicher et de nombreuses villes du pays pendant plus d’une semaine. Des dizaines de jeunes âgés de 15 à 30 ans ont affronté les forces de sécurité. Certains incidents de pillage et de vandalisme ont été signalés. L’armée et la police ont réagi par un recours excessif à la force et des arrestations massives de plus de 1 600 jeunes pour la plupart, dont un tiers sont des mineurs.

    La série de manifestations nocturnes a commencé le jour de l’anniversaire, le 14 janvier, qui a coïncidé avec le début d’un verrouillage national de quatre jours ordonné ostensiblement de contenir un récent pic de COVID-19, bien que de nombreux Tunisiens aient affirmé que la mini-détention avait été imposée dissuader les gens de manifester, plutôt que pour des raisons de santé publique.

    Les révoltes ont frappé différents endroits, des zones urbaines pauvres de Tunis à Siliana, Kairouan, Kasserine et Gafsa à l’intérieur jusqu’aux villes balnéaires telles que Bizerte, Nabeul, Sousse et Monastir.

    Des rassemblements de jour ont suivi pour protester contre la répression policière, la corruption et une situation économique désastreuse exacerbée par la pandémie de coronavirus. Les militants ont également demandé la libération des jeunes manifestants détenus. Les manifestations se sont poursuivies tout au long de la seconde quinzaine de janvier, certains rassemblements se poursuivant en février. La vague de troubles chez les jeunes était sans précédent. Les étudiants, les décrocheurs, les chômeurs – pour la plupart non affiliés à aucun parti politique – se sont révoltés dans les quartiers populaires. Leurs protestations reflétaient une prise de conscience plus large du taux de chômage élevé, de l’appauvrissement et de la détérioration des conditions de vie.

    Heythem, un militant de la fin des années 20 du mouvement tunisien «Hold Them Accountable» ( Hassebhom ), a déclaré à Toward Freedom que les actions des jeunes de la périphérie étaient «politiques» alors même qu’ils pillaient les chaînes de supermarchés. «Ils ont envoyé un message politique: » nous avons faim, nous devons nous battre pour nos petites entreprises « », a-t-il affirmé. «Lorsque ces enfants voient la police faire des descentes dans leurs quartiers et attaquer leurs pairs, ils demandent clairement de ‘quitter mon quartier!’»

    Une fois que les manifestations de rue sont entrées dans le centre de la capitale tunisienne pendant la journée, le mouvement de protestation s’est encore élargi pour inclure des acteurs de la société civile, des groupes de défense des droits, des partisans de gauche, des représentants de partis de gauche, des anarchistes et des militants queer.

    La colère généralisée face à la privation socio-économique et aux abus de la police s’est reflétée dans la participation importante et variée dans les rues du centre-ville de Tunis.

    «Dès que la scène de protestation s’est déplacée dans la capitale, les foules sont devenues beaucoup plus diversifiées avec une forte représentation de la société civile au sens large», a déclaré Quiem Chettaoui à Toward Freedom . Chettaoui est un spécialiste des politiques publiques axé sur les questions socio-économiques en Tunisie. Elle a déclaré que ces manifestants avaient aidé à formuler «des demandes plus explicites», vraisemblablement compte tenu de leurs antécédents politiques et de leur expérience de l’activisme.

    Un nouveau groupe de jeunes militants antifascistes, «The Wrong Generation», s’est mobilisé de manière plus inclusive que d’autres groupes de protestation, atteignant les jeunes des quartiers défavorisés. Leur intention est de mieux comprendre les doléances des riverains, tout en gardant un contact régulier avec eux.

    Un autre groupe, la Campagne nationale pour soutenir les luttes sociales, a publié une déclaration articulant un ensemble de revendications populaires à la suite des manifestations de janvier appelé le programme des peuples contre l’élite. Certaines des demandes incluent la libération de tous les détenus et le démantèlement du système répressif de la police; porter le salaire minimum d’un peu moins de 400 TND (146 $) à 600 TND (219 $) par mois et octroyer des allocations de chômage mensuelles de 400 TND; la distribution des terres appartenant à l’État et des terres négligées des grands propriétaires fonciers aux travailleurs agricoles sans terre, aux chômeurs et aux petits agriculteurs; et la relance de l’industrie textile nationale.

    Amayed Aymen, un activiste de 29 ans et chercheur indépendant de Gafsa, a assisté à une plus grande participation aux rassemblements de janvier, même s’il pensait que les membres de groupes de la société civile établis et les militants politiques restaient détachés des problèmes quotidiens des personnes issues des districts marginalisés.

    «Ils [l’élite civile] ne savent pas ce qui se passe dans les banlieues ou à l’intérieur, ils visitent à peine ces zones, mais beaucoup d’entre eux ont tendance à parler au nom du peuple même si ce n’est pas leur lutte», a noté le chercheur.

    «Quand vous voyez des enfants se lever, c’est un très mauvais signe», a-t-il ajouté. «Cela signifie qu’eux aussi ressentent l’impact de la crise. Vous pouvez voir des Tunisiens lutter pour acheter des produits essentiels et mener une vie normale. La situation est toujours pire pour ceux qui vivent dans des zones à faible revenu. »

    Le pays est aux prises avec un taux d’inflation de 7,5% et le chômage dépasse 15%, un tiers du nombre étant composé de jeunes. Le PIB a diminué de 9 pour cent l’année dernière.

    Face au chômage endémique des jeunes, au manque de perspectives de vie et à une réponse sécuritaire musclée à leurs problèmes, tout ce que ces jeunes Tunisiens voulaient était d’être entendu.

    Politiciens focalisés sur le vandalisme

    Le silence prédominant des responsables gouvernementaux en réaction aux troubles nocturnes a déçu les militants. Certains politiciens et chefs de parti ont rompu leur silence quelques jours plus tard, manifestant cependant très peu d’empathie. Plutôt que de tenter de comprendre ce qui aurait pu motiver de telles vagues de colère, les partis politiques ont préféré concentrer leur attention sur les actes de vandalisme et de pillage qui se sont produits pendant les émeutes.

    Rached Ghannouchi, président du parlement et chef du parti musulman Ennahdha , s’est adressé avec mépris aux jeunes en colère à la télévision: «Le vandalisme et le pillage ne vous apporteront pas d’emploi», a-t-il insisté. Certaines personnalités importantes d’ Ennahdha ont accusé les jeunes manifestants d’être des saboteurs et des criminels.

    Dans un autre discours télévisé, le Premier ministre Hichem Mechichi a déclaré qu’il comprenait les manifestants, mais que «la loi sera appliquée».

    Lors d’une visite dans une banlieue de Tunis, le président Kais Saied s’est entretenu avec une dizaine de jeunes, les exhortant à s’abstenir de viser des personnes ou des biens.

    Le 26 janvier, le parlement tunisien a tenu un vote de confiance dans un remaniement du gouvernement de Mechichi. Il s’est réuni au milieu d’une forte sécurité policière, ressemblant à un état de siège, alors que des centaines de manifestants se rassemblaient à proximité pour appeler à la chute du système.

    A tweeté Nesrine Jelalia, directrice exécutive du chien de garde parlementaire tunisien Al Bawsala, «Au lieu de se préparer à recevoir une délégation de jeunes manifestants à l’ARP [parlement] pour les engager dans le dialogue et les écouter, l’ARP et les autres institutions étatiques ont choisi de se barricadent au moyen de barbelés et de chars.

    La révolution du jasmin: une certaine démocratie gagnée; mais les droits économiques et sociaux prévenus

    Dix ans plus tard, le mécontentement de la population est palpable. L’establishment politique post-révolutionnaire n’a manifestement pas réussi à répondre aux aspirations mêmes scandées par ceux qui ont combattu dans le soulèvement. Pourtant, le bouleversement tunisien de 2011, surnommé la «révolution du jasmin», a abouti à une démocratie naissante qui a jusqu’à présent traversé une transition cahoteuse mais pacifique malgré tous les défis économiques, politiques et sociaux. La petite nation nord-africaine a souvent été saluée comme la seule réussite du printemps arabe en raison de son expérience démocratique, qui a été la première et la plus longue du monde arabe à la suite des manifestations. Depuis lors, de nombreux Tunisiens jouissent de droits et libertés durement acquis, tant publics qu’individuels, l’un des acquis les plus solides étant la liberté d’expression.

    Mais à l’origine, la révolution n’était pas une question de démocratie. Lors des révoltes populaires de 2010-2011 qui ont balayé les régions intérieures de la Tunisie, le slogan notoire «travail, liberté et dignité nationale» représentait le mieux les revendications fondamentales qui ont poussé les gens à descendre dans la rue. Il s’agissait avant tout d’améliorer leurs moyens d’existence. Lorsque le 17 décembre 2010, le vendeur ambulant Mohammed Bouazizi s’est immolé par le feu, ce qui a déclenché la révolution tunisienne, il l’a fait pour protester contre la corruption gouvernementale et le chômage généralisé.

    Plus tard, alors que les bouleversements se propageaient dans tout le pays et atteignaient la capitale, des groupes de la société civile, des partis d’opposition et des syndicats ont rejoint le mouvement. Ce n’est qu’alors que le changement politique est devenu une demande.

    Mehdi Barhoumi, chef de projet pour l’ONG International Alert en Tunisie , a expliqué à Toward Freedom que la priorité de l’élite politique était la «question démocratique» par opposition à la «question socio-économique». «Le changement structurel nécessaire pour créer un modèle juste et équitable ne s’est pas produit», s’est-il plaint.

    Pour de nombreux jeunes révolutionnaires et militants, une fois que les élites politiques et civiles ont saisi le soulèvement comme une opportunité d’évincer l’ancien autocrate, des questions comme le transfert de pouvoir et la transition démocratique ont repris les appels initiaux en faveur des droits socio-économiques entendus lors des premières manifestations.

    Le jeune militant Heythem est également un ancien membre du mouvement «Je ne pardonnerai pas» ( Manich Msameh) qui a fait pression contre la corruption et l’impunité. Il a souligné qu’après que Ben Ali a fui le pays le 14 janvier 2011, des personnalités de l’opposition et des organisations civiles établies ont exprimé des revendications institutionnelles, à savoir la rédaction d’une constitution et la tenue d’élections libres et équitables, qui n’étaient «pas les revendications du peuple. . »

    La Tunisie a tenu des élections libres (présidentielles et législatives) à deux reprises depuis la révolution, en 2014 et 2019. Heythem a noté qu’après avoir voté pour la première fois à deux séries d’élections démocratiques, les Tunisiens se sont rendu compte que les dirigeants politiques post-2011 n’agissent pas. dans l’intérêt public comme ils l’espéraient. Au lieu de cela, ils sont enclins à protéger les groupes d’intérêt et les capitalistes de copinage, car beaucoup d’entre eux sont connectés à ces réseaux privilégiés bien enracinés.

    «Le processus révolutionnaire a été rapidement détourné par des groupes d’intérêt, qu’il s’agisse d’élites politiques, économiques ou financières, qui ont maintes fois entravé les progrès du pays», a observé Quiem Chettaoui. Cela, selon elle, était dû au fait que le mouvement de protestation populaire de base en 2011 n’était pas très bien organisé et que les forces politiques qui s’opposaient au régime étaient trop faibles et non coordonnées pour former un bloc cohésif qui pourrait soutenir le mouvement de protestation dans sa demande de changement. .

    Une décennie après le début de la révolution, au milieu d’une politique tumultueuse, plus de dix gouvernements élus successifs n’ont pas réussi à promulguer des réformes indispensables telles que l’adoption de griefs sociaux et économiques régionaux et la lutte contre la corruption et le népotisme.

    La richesse reste concentrée sur la côte et la responsabilité est insaisissable

    Loin de renverser le statu quo socio-économique, le leadership politique post-2011 a reproduit les mêmes mécanismes qui perpétuent les inégalités régionales depuis que l’État nord-africain a obtenu son indépendance en 1956. Autrement dit, la richesse est principalement concentrée dans les zones côtières. au détriment de l’arrière-pays négligé qui est aux prises avec des infrastructures médiocres, des ressources limitées et un accès limité aux opportunités d’emploi.

    Sayida Ouniss , une parlementaire représentant le parti musulman Ennahdha, a reconnu que le droit d’accéder aux ressources économiques est une question centrale qui aurait dû être priorisée, mais qui n’a pas été traitée jusqu’à présent, ce qui implique que la «volonté politique» fait défaut. Si elle est résolue , a-t-elle déclaré à Toward Freedom, « cette question clé ouvrirait des opportunités commerciales, faciliterait la création d’entreprises, embaucherait formellement des travailleurs et garantirait la fourniture d’une couverture de sécurité sociale».

    Mehdi Barhoumi, qui est également un expert des droits et de la gouvernance, a rappelé que l’ancien modèle économique avait été maintenu, «renforçant ainsi les déséquilibres régionaux» que la pandémie a encore mis en évidence en termes d’accès aux services de santé et sociaux.

    La lutte pour la reddition de comptes a également été difficile. Le processus de justice transitionnelle en Tunisie, qui a été mis en place pour restaurer la dignité des victimes et faire face à des décennies de corruption et de violence, a subi des revers majeurs. La plupart sont issus des dirigeants politiques du pays et des élites tunisiennes. Des responsables gouvernementaux, ainsi que des autorités de sécurité et judiciaires, ont entravé le travail de la Commission vérité et dignité (TDC), mise en place en 2014. La TDC est chargée d’enquêter sur les violations des droits de l’homme, la corruption et les crimes économiques commis dans toute la dictature du pays et dans le années qui ont immédiatement suivi la révolution ,. Le gouvernement a empêché l’accès aux preuves contenues dans les archives et les fichiers. Le Parlement a même tenté d’ empêcher l’extension du mandat de la commission. De plus, la loi de réconciliation administrative très controversée, adoptée en septembre 2017, a accordé l’amnistie aux fonctionnaires coupables de corruption, ce qui a bouleversé le processus officiel de justice transitionnelle.

    Une cour constitutionnelle n’a toujours pas été formée depuis sa création en 2014 en raison de l’incapacité du parlement à nommer ses trois derniers membres, laissant la démocratie tunisienne mal équipée pour réglementer la répartition du pouvoir au sein du régime politique du pays, en particulier en temps de crise.

    « Sans un organe juridique pour déterminer qui a raison, des questions cruciales comme la nomination des ministres ont évolué vers des luttes intestines politiques et le chaos, empêchant le pays d’aller de l’avant», a expliqué Sarah Yerkes, membre senior du Carnegie Endowment for International Peace’s Middle. Programme Est qui se spécialise dans la politique et l’économie de la Tunisie. .

    Pour rendre les choses plus difficiles, la Tunisie vit une instabilité politique continue depuis la révolution, alors que les cabinets successifs de courte durée, avec des dirigeants politiques occupés à leurs propres conflits internes, ont reporté ou bloqué la mise en œuvre de réformes clés. Le gouvernement manque tout simplement de la continuité dont il a besoin pour fonctionner comme il se doit, en particulier en période de crise comme la pandémie de coronavirus.

    Accorder la priorité au progrès politique depuis 2011 ne s’est pas traduit par une amélioration des moyens de subsistance et de la dignité pour tous. Les libertés civiles et politiques sans opportunités économiques et équité sociale ne signifient pas grand-chose pour la population.

    «La police partout, la justice nulle part»

    Dans un environnement politique de plus en plus polarisé, le gouvernement est bien conscient de son incapacité à apporter les solutions nécessaires aux citoyens. Au lieu de cela, il a choisi de contenir la colère populaire en renforçant la sécurité.

    La relation entre les forces de sécurité et les citadins pauvres en Tunisie est depuis longtemps tendue. Les pratiques répressives adoptées à l’époque de Ben Ali (1997-2011) se sont poursuivies après la révolution de 2011. Le jeune activiste Amayed Aymen a évoqué les abus constants de la police que les jeunes des quartiers défavorisés doivent endurer. «Les flics arrêtent régulièrement et vérifient les papiers d’identité des jeunes hommes dans le centre de Tunis, en fonction de leur apparence.» S’ils arrêtent quelqu’un d’un endroit marginalisé », a-t-il ajouté,« ils lui demanderont «que faites-vous ici?», Soulignant la liberté restreinte et le peu de dignité de ces jeunes.

    Mais parce que ces mêmes jeunes Tunisiens à la fin de l’adolescence ou au début de la vingtaine n’ont pas vécu sous la dictature de Ben Ali, ils ignorent ce qu’est l’autoritarisme et s’attendent à être libres à l’ère de l’après-révolution. Ils savent qu’ils ont des droits et sont prêts à se battre pour eux. Ils perçoivent en grande partie le gouvernement et l’ensemble du système comme corrompus. Ils rejettent les partis politiques et les islamistes, les membres de l’ancien régime et autres, et s’opposent aux abus de pouvoir de la police et de toute autorité qui leur dicte quoi faire. «La police partout, la justice nulle part», lit-on certaines des banderoles hissées lors des manifestations de janvier.

    Les dirigeants politiques n’ont pas rompu avec les anciens choix économiques et sociaux faits sous Ben Ali, et les jeunes d’aujourd’hui veulent rompre avec la classe politique actuelle qui s’est révélée à plusieurs reprises incompétente.

    Pendant ce temps, les vestiges des politiques de Ben Ali ont prolongé un modèle de développement exclusif, laissant croître l’économie informelle, avec sa main-d’œuvre de plus en plus précaire et peu rémunérée, tout en refusant aux travailleurs irréguliers le droit d’être intégrés dans le secteur formel afin d’avoir accès à une meilleure économie économique. Opportunités.

    Le député Ouniss a admis que la grande erreur commise par toutes les parties au fil des ans n’a pas été de donner la priorité à un meilleur accès à la production de richesse. «Il faut du courage politique de chacun pour prendre position contre le capitalisme de copinage, pour ouvrir un débat et légiférer sur ce dossier», a estimé le législateur. Agir sur cette question critique, a-t-elle poursuivi, permettrait de réapprovisionner les caisses, y compris les fonds de sécurité sociale, permettant à l’État d’allouer des dépenses plus adéquates dans les secteurs de l’éducation, de la santé, des transports et des infrastructures, ainsi que de concevoir et de mettre en œuvre des politiques publiques. garantir l’équité économique et sociale.

    Pour Mehdi Barhoumi, «le vrai problème n’a pas été de remettre en question le système économique et social que nous avons. Nous devons avoir un nouveau modèle basé sur une meilleure redistribution des richesses », faisant allusion à la rareté des emplois et à la diminution des services publics de qualité médiocre à l’intérieur, au sud et dans les banlieues.

    Le parcours révolutionnaire de la Tunisie est remis en cause par des mouvements régressifs venant de plusieurs joueurs. Ceux-ci incluent les cercles des capitalistes et des groupes d’intérêt financier, les élites politiques, le plus grand parti islamiste modéré Ennahda (qui est la seule force politique stable depuis la révolution) et des politiciens contre-révolutionnaires comme Abir Moussi, un ancien responsable du parti de Ben Ali qui loue ouvertement l’ancien régime et dont le Parti Destourien Libre (PDL) est en tête dans les sondages.

    Les forces extérieures empêchent également le changement

    Cependant, les défis ne viennent pas seulement de l’intérieur. Le Fonds monétaire international (FMI), le plus important donateur étranger du pays, est probablement le plus grand acteur extérieur contre-révolutionnaire. La politique du FMI en Tunisie est une autre source de pression économique. Ses prêts sont liés à un programme d’austérité drastique aggravant les malheurs sociaux de l’État nord-africain, en particulier dans les régions internes, tout en faisant peu pour essayer de résoudre les problèmes structurels auxquels est confrontée l’économie nationale. Les directives néolibérales du fonds ont considérablement sapé les faibles efforts des gouvernements de transition pour adopter des mesures socialement et économiquement justes pour répondre aux demandes de la population.

    L’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis (EAU) ont également joué un rôle en soutenant les forces antidémocratiques en Tunisie et en concentrant récemment leur soutien sur le leader contre-révolutionnaire, Abir Moussi.

    Le gouvernement américain a fourni plus de 100 millions de dollars d’aide à la Tunisie pour renforcer l’application de la loi et le système judiciaire du pays. Une partie de l’aide a été consacrée à la modernisation de l’académie de police phare du ministère de l’Intérieur et au renforcement des capacités de formation de la police et de la Garde nationale dans des programmes comprenant le contrôle des foules. [Le texte continue ci-dessous]

    Depuis 2011, la coopération militaire entre les États-Unis et la Tunisie s’intensifie. En 2015, le département d’État américain a classé le petit État nord-africain comme son seizième principal allié non-OTAN, affirmant qu’un tel accord de partenariat envoyait «un signal fort de notre soutien à la décision de la Tunisie de rejoindre les démocraties du monde». Cette déclaration n’a pas bien résonné auprès du public tunisien. «Depuis quand l’OTAN a-t-elle promu la« démocratie »dans les pays du sud de la Méditerranée?» a demandé Francis Ghilès, un expert européen de premier plan sur le Maghreb, dans un éditorial . Après que les forces de l’ OTAN ont bombardé la Libye, at – il noté, la «Le Royaume-Uni et les États-Unis ont quitté la Libye à l’automne 2011, laissant la Tunisie faire face à un afflux massif de réfugiés. Ils ont laissé un État en faillite et d’énormes caches d’armes modernes qui ont ensuite coulé dans les pays voisins.

    La Tunisie est un partenaire réticent de l’alliance, souhaitant préserver la souveraineté nationale en matière de sécurité, ce qui n’est pas facile dans un contexte de turbulences régionales, notamment lorsqu’elle est absorbée par des troubles économiques et sociaux chez elle. Le gouvernement s’oppose à la présence de toute organisation étrangère à l’intérieur du pays, semblant mal à l’aise de dire aux citoyens que les bases militaires tunisiennes sont utilisées par les puissances occidentales pour des opérations dans les pays voisins, ou qu’il y a des bottes étrangères sur le terrain.

    «L’OTAN est très impopulaire dans notre pays. J’ai encore du mal à comprendre pourquoi nous avons besoin de l’aide de ceux qui ont mis le feu à la région. » a tweeté Chafik Ben Rouine, co-fondateur de l’Observatoire tunisien de l’économie (TOE).

    Pendant ce temps, le mouvement de protestation de la jeunesse qui a émergé des troubles de janvier ne fait que commencer à se définir. Ces jeunes manifestants sont douloureusement conscients de la réalité dans laquelle ils vivent. Ils sont motivés par des revendications claires et rejettent la politique de statu quo proposée par l’establishment post-2011.

    Reste à voir si leur mouvement aura suffisamment d’endurance pour continuer à se mobiliser et à pousser pour le changement – contre un gouvernement qui continuera sa réponse axée sur la sécurité.

    Alessandra Bajec est une journaliste indépendante spécialisée dans le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord. Entre 2010 et 2011, elle a vécu en Palestine. Elle était basée au Caire de 2013 à 2017, et depuis 2018 est basée à Tunis.

    Toward Freedom, 15 mars 2021

    Tags : Tunisie, Printemps Arabe, démocratie, liberté,

  • La Libye expulse un certain nombre de familles de membres de l’Etat islamique vers la Tunisie

    Le chef du département des enquêtes au bureau du procureur général, Al-Siddiq Al-Sour, a déclaré que les autorités tunisiennes avaient reçu jeudi trois femmes et cinq enfants des familles de membres de «  l’Etat islamique  » qui se trouvaient dans la ville de Syrte avant sa libération.

    Dans un communiqué de presse, Al-Sour a déclaré qu’à la demande des autorités tunisiennes, sept femmes et neuf autres enfants seront expulsés la semaine prochaine.

    Il a également souligné que la Tunisie refusait depuis le début d’accepter ces femmes et ces enfants, ajoutant que le procureur général ne s’opposait pas à la remise de toutes les épouses et enfants des membres de «  l’Etat islamique  », à l’exception de ceux accusés dans des affaires qui sont examinées par le Tribunaux libyens.

    The Libya Observer, 12 mars 2021

    Tags : Tunisie, Libye, Daech, Etat Islamique,

  • Tunisie : la crise d’un pays entre démocratie et précipice

    En dix ans depuis la révolution, beaucoup de choses ont changé en Tunisie. Aujourd’hui, nous pouvons dire que tous les éléments essentiels d’une vraie démocratie existent, mais si elle ne peut pas se débarrasser des déchets du passé, alors elle n’aura guère d’avenir.

    En l’espace d’une semaine se sont multipliées les initiatives diplomatiques qui ont vu le président de la république Kaïs Saïed s’impliquer personnellement d’une part auprès des ambassadeurs des pays de l’UE, et d’autre part le président du parlement Rachid Ghannouchi et le chef de la gouvernement Hichem Mechichi avec l’ambassadeur américain.

    Dans les deux cas, il s’agissait de plaider la bonne cause de la transition démocratique tunisienne, mise en danger par les effets dévastateurs d’une crise économique sans précédent auxquels se sont ajoutés ceux de la pandémie.

    Si quelqu’un pouvait avoir des doutes sur le véritable objectif de ces rencontres, celle qui a eu lieu en fin de semaine, vendredi 26 février, entre le chef du gouvernement de Mechichi et les ambassadeurs des pays du G7 a clarifié la situation sans équivoque. Dans cette circonstance, en effet, Mechichi a explicitement demandé aux ambassadeurs d’intervenir auprès des agences de notation pour leur expliquer la situation dans le pays, en demandant compréhension et soutien. Tout cela suite à la publication par Moody’s du déclassement, avec perspective négative, à B3 en Tunisie. C’est-à-dire à un pas du précipice de la zone C, qui entraînerait le passage du pays dans le purgatoire du Club de Paris et la perte subséquente de ce qui reste encore de sa souveraineté.

    Il est difficile de dire quelles seront les réactions des institutions financières internationales, d’abord celle du Fonds monétaire international FMI, qui depuis plus d’un an tente en vain d’inciter le pays à mettre en œuvre les réformes qui ont toujours été annoncées. et sont toujours restés lettre morte.

    La Tunisie est aujourd’hui exposée au risque réel de perdre son autonomie et, avec elle, la démocratie qui aurait dû en faire le pays modèle qui aurait dû inspirer les pays arabes comme une possible alternative démocratique aux monarchies saoudiennes, aux républiques islamiques et aux dictatures.

    S’il y a dix ans, il était relativement facile d’emballer le président Ben Ali et de l’envoyer en voyage aller simple en Arabie saoudite après des années d’avertissements inutiles de Bush d’abord puis d’Obama qui lui avait demandé de le planter avec du recyclage, qui est maintenant devenu partie intégrante et cœur de métier de l’économie nationale avec la complicité d’une banque centrale, des douanes, de la police des frontières et de la justice, aujourd’hui après dix ans au cours desquels sept gouvernements se sont alternés sans qu’aucun d’entre eux ne puisse nettoyer en profondeur le système, c’est impossible une solution comme celle du 14 janvier 2011, pour reproduire que toute la flotte de la compagnie aérienne nationale ne suffirait pas, il y a beaucoup de patrons de ces groupes familiaux qui continuent sans se décourager à mener, en privé, les travaux étatiques inachevés de Ben Ali et la famille Trabelsi qui appartenait à son épouse Leila.

    En dix ans depuis la révolution, beaucoup de choses ont changé en Tunisie. Aujourd’hui, nous pouvons dire que tous les éléments essentiels d’une vraie démocratie existent: des élections libres, la liberté de pensée et d’expression, un parlement doté d’un pouvoir législatif, le multipartisme; de tout ce qu’il faut pour pouvoir dire que la démocratie existe vraiment, il ne manque rien. Mais si cette démocratie ne peut pas se débarrasser des scories du passé, il est peu probable qu’elle ait un avenir.

    Formiche.net, 26 fév 2021

    Tags : Tunisie, crise politique, Kaïes Saïed, Hichem Mechichi, Ennahdha,