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  • Crises mondiales et nouveaux ordres et désordres sociaux

    Crises mondiales et nouveaux ordres et désordres sociaux

    L’économie de marché, capitalisme, Ukraine, Chine, Russie, crise climatique, globalisation, Occident,

    par Derguini Arezki*

    Ce que je voudrai essayer de traduire dans ce texte qui restera cependant quelque peu sous-jacent, c’est le point auquel, il me semble, sont parvenus des économistes tels Daru Acemoglu et Dani Rodrik : premièrement, derrière le développement de l’économie de marché se trouvent des arrangements sociaux et deuxièmement, ceux-ci ne sont pas exportables.

    Il y a ainsi des arrangements sociaux favorables au développement du marché et d’autres qui le contrarient. Il fut un temps où des socialistes européens à la suite de Karl Polanyi opposaient société et société de marché, se refusant de confondre économie de marché et société de marché. Ils entendaient par société de marché, une société qui pousse toujours plus loin la production, le champ d’action du marché, la marchandisation de ses transactions, sans souci des conditions de reproduction des facteurs (du milieu vivant, humain et non humain) que la production humaine ne produit pas, sans souci du caractère foncièrement destructeur de la production, d’une « destruction créatrice » (J. Schumpeter) toujours plus destructrice.

    La société devait se défendre du marché, défendre les conditions non marchandes de l’économie, la production capitaliste étant devenue dangereusement destruction de son milieu naturel et social. L’économie devait être « réencastrée » dans la nature et la société, mise à sa place et non pas les dominer.

    Soit une économie de marché, une production contenue dans les limites de la reproduction de la société et de la planète et non une société n’obéissant qu’à la compétition et à la croissance de la production marchande. Cette notion déclassée aujourd’hui du fait de l’incapacité du marché à absorber la société, n’en a pas moins laissé derrière elle l’inquiétude qui la justifiait. On est désormais simplement inquiet de la trop grande pénétration sélective du marché dans l’ensemble des domaines de la vie. La production fabrique de plus en plus nombreux hybrides (humains augmentés de non humains), mais aussi de plus en plus de destructions et de déchets humains.

    La morale et le marché

    Un ouvrage célèbre du philosophe américain MICHAEL J. SANDEL en porte le souci : « Ce que l’argent ne saurait acheter. Les limites morales du marché.» Dans cette problématique, c’est la morale qui prendrait la défense de la société, qui mettrait l’économie à sa place. Cela nous rappelle un vieux débat apparu avec la naissance de l’économie politique : la fable des abeilles de Mandeville « les vices privés font la vertu publique » et la main invisible d’Adam Smith. Mais la morale de SANDEL, à la différence de celle de Smith et de Mandeville, reste à l’extérieur de l’économie. Ses limites sont externes, le problème se déplace alors : il faut s’interroger sur la place et le champ d’action de la morale dans la société et non plus sur la place et le champ d’action du marché. Mais il n’est pas traité.

    J’opposerai pour ma part, à titre d’hypothèse, à cette morale extérieure/transcendante, une morale dans l’économie et une économie dans la morale. Il ne faut pas s’étonner, à mes yeux, qu’une morale extérieure ait pour résultat de laisser l’économie sans morale.

    L’auteur s’appuie sur un certain nombre d’exemples concrets. Il ne s’interroge pas sur la morale comme il le fait à propos du marché. Voici son exemple emblématique : la crèche israélienne. Celle-ci « a décidé d’appliquer des amendes financières aux parents qui viennent récupérer leur enfant trop tardivement. La conséquence ne s’est pas fait attendre : les retards se sont multipliés. En effet, les parents ont instrumentalisé la mesure prise par la crèche pour l’ériger en tant que nouveau « service » : en échange d’une compensation financière, l’on pouvait arriver en retard tout en ayant bonne conscience. Le fait de payer l’amende les dédouanait de leur obligation d’arriver à l’heure.» L’auteur enferme la question économique dans des limites morales qu’elle n’a pas : avec l’amende, les parents ne sont plus « obligés » d’arriver à l’heure. Les parents n’ont pas confié leurs enfants à la crèche sur la base d’un contrat moral, la crèche n’est pas la famille dont on a abusé des services et vis-à-vis de laquelle on aurait des problèmes de conscience.

    La crèche n’abuse pas de ses employés à la suite de l’abus des parents. Les rapports contractuels entre la crèche, les clients et les employés sont clairs et respectés. Par contre, si la crèche voulait minimiser les heures supplémentaires de ses employés parce qu’elle veut faire respecter des horaires, elle aurait mieux fait de faire « payer » moralement ses clients plutôt que financièrement. Le contrat aurait été autant moral que financier. Mais sinon que diable est allée faire la morale dans cette galère ? Il est vrai que confier ses enfants à d’autres que soi n’est pas toujours une simple affaire économique, mais là n’était pas la question.

    Une morale qui a prise sur l’économie et sur laquelle l’économie a prise est interne à la pratique économique. Il n’y a pas morale d’un côté et économie de l’autre, il y a économie moralement acceptable et une morale économiquement acceptable. Car, comment une morale extérieure peut-elle prétendre régenter l’économie sans être totalitaire ? Prétention totalitaire que de vouloir que des principes, le rationnel, puissent subsumer le réel. La morale devrait être une morale de la pratique économique, autrement dit des mœurs économiques et une morale autant ex ante qu’ex post, des valeurs de la pratique économique, même quand elle est inspirée par des principes et des dogmes qui doivent alors être intériorisés. Ce que l’on peut reprocher à une telle approche morale, sans dénier à l’économie politique une dimension morale, c’est son extériorité, son détachement du souci de la reproduction des conditions d’existence de la vie en général. Le social et le naturel, la morale et l’économie sont ici dissociés, par conséquent les « limites planétaires »[1] de la production et la production de déchets (humains et non humains) sont alors ignorées.

    Ce qui est donc recherché, c’est non pas une société dans le marché, dominée par l’économie de marché où, à la suite de Karl Polanyi, on montre que l’extension de la production marchande détruit société et nature, détruit en consommant des facteurs qu’elle ne reproduit pas (capital naturel), sépare les individus en début de parcours en les spécialisant, mais ne les réunit pas en fin de course pour faire société[2]. Avec le développement de la production marchande, de la division du travail et de la spécialisation, nous dépendons d’un plus en plus grand nombre de personnes qui n’ont nul besoin d’entretenir des rapports de familiarité. Pour beaucoup d’entre eux, les rencontres avec les produits qu’ils vendent sur les marchés qu’ils fréquentent suffisent. Bref, nous dépendons de plus en plus d’étrangers, d’un monde d’une familiarité limitée, sur lesquels nos prises sont incertaines.

    Avec la guerre en Ukraine et la « rivalité systémique » déclarée de la Chine par l’Occident, cette indifférence à l’égard des gens avec qui nous échangeons est mise en cause.

    On s’abstient, ou on veut s’abstenir, d’échanger avec des gens qui désormais entretiennent avec nous des rapports « inamicaux ». La compétition pour l’hégémonie entre la Chine et les USA, la guerre entre la Russie et l’Ukraine, la crise climatique, ont posé la question de savoir à qui profitent les interdépendances créées par la globalisation et pour quelles conséquences. De voir qu’elles ont profité davantage à la Chine et aux pays émergents fait réagir l’Occident de manière guerrière.

    La rivalité systémique et la guerre ont introduit dans les échanges avec les étrangers la différence entre les amis, les ennemis et les autres. Il faut affaiblir celui qui nous combat, porter atteinte à ses ressources. Avec les sanctions économiques, l’économie apparaît pour ce qu’elle est, la servante, la logistique, du militaire.

    Les interdépendances étant ce qu’elles sont, il faut ne pas échanger avec le rival pour l’affaiblir et non s’affaiblir. Les sanctions économiques sont des armes à double tranchant. Il ne faut pas acheter à la Russie son gaz et son pétrole, mais il ne faut pas en souffrir plus qu’elle. Les USA qui crie haut et fort que leur ennemi principal est la Chine, envisage de réduire les taxes sur les produits chinois pour éviter que l’inflation ne réduise singulièrement le pouvoir d’achat des Américains au moment précis où la Chine adopte une stratégie sanitaire qui freine les échanges : la santé d’abord, l’économie ensuite dit-elle dans sa compétition idéologique.

    En effet, en décidant que la santé doit primer sur l’économie avec une politique zéro Covid, elle réduit ses échanges avec le monde extérieur et contrarie la politique de défense du pouvoir d’achat US. Les USA ne manquent pas d’accuser la Chine de ce comportement inamical. En faveur de qui la balance des rapports de forces va-t-elle pencher ? On pourrait dire qu’une telle politique américaine de lutte contre l’inflation va attiser les oppositions au sein des producteurs chinois qui se soucieraient davantage de leur situation matérielle que de la santé d’une société chinoise vieillissante, à la différence du Parti communiste chinois. Certaines réactions chinoises laissent penser une certaine rigidité, une certaine difficulté à se tourner vers le marché intérieur, des producteurs chinois.

    Certains pourront dire que l’opinion occidentale ne doit pas être déçue, elle veut et doit être dupée. Il n’est donc pas sûr que les sanctions économiques contre la Russie, dans le cours desquelles semble s’inscrire la politique zéro-Covid et l’accentuer, ne se retournent pas contre l’Occident lui-même. À moins que l’Europe réussisse à transformer cette crise en opportunité : elle pourrait obtenir de la société une austérité/sobriété qu’elle ne pourrait pas obtenir autrement pour réaliser la nécessaire, mais douloureuse transition énergétique. En effet, face à la crise climatique, les autorités politiques démocratiques doivent faire face aux « rigidités » des puissants producteurs et consommateurs.

    Les sanctions économiques qui ont visé à séparer les sociétés de leurs dirigeants, en leur rendant la vie plus difficile, ont échoué. Les sanctions économiques ont durci le régime iranien, elles ne menacent pas son existence quoiqu’elles puissent affecter ses performances. Elles ont tendance à renforcer le lien entre ses dirigeants et la société engagée.

    Car de vouloir punir les dirigeants, le régime, les sanctions punit d’abord la société qui en retour ne se défait pas comme attendu de ses dirigeants. Les sociétés peuvent refuser de répondre aux « incitations » extérieures. Les sanctions peuvent accroitre la souffrance des uns et la détermination des autres.

    Par ailleurs, les sociétés sous sanctions économiques ne sont plus dupes : les sanctions sont moins conçues pour défaire des autorités despotiques, instaurer la démocratie, que pour soumettre ces mêmes autorités à une volonté extérieure. Il est fort souhaitable que l’Afrique qui s’est abstenue de prendre parti pour les sanctions économiques contre la Russie puisse approfondir sa démarche, profiter du cours des choses pour sortir de la gravitation autour des centres de gravité étrangers. Mais les opportunités arrivent probablement trop tôt.

    Les arrangements sociaux précèdent les transactions marchandes

    Dans son livre « ce que l’argent ne saurait acheter », le philosophe américain déplore l’absence dans la vie politique de débat qui puisse examiner sérieusement le rôle et le champ d’action du marché. Le rôle du marché est d’effectuer des transactions monétaires. Tant que les transactions peuvent régler les différences de potentiel à la base des échanges (ex. j’ai du temps et pas d’argent, il a de l’argent et pas de temps), le marché est dans sa fonction. Une structure des échanges permet d’établir des rapports sociaux pacifiés, une structure sociale. Tolérer certains échanges, c’est tolérer certains rapports sociaux, une certaine division du travail. Le marché est le visiteur du soir, il arrive quand la société est prête à concéder un rapport social, une transaction. Quand un ennemi est défait et doit accepter un traité, par exemple. Ainsi le gouvernement indépendant d’Haïti qui a dû indemniser les anciens propriétaires d’esclaves des pertes qu’ils ont subies après que les esclaves se soient libérés. Les esclaves devaient racheter leur liberté et ne pouvaient pas réclamer des dédommagements pour leur mise en esclavage. Celui qui ne pouvait nourrir sa famille, autre exemple, pouvait confier un de ses enfants à autrui pour sauver sa vie et celle de son enfant ; ou autre exemple, partir en guerre contre le riche pour lui arracher une partie ou le tout de ses réserves. Une société, comme la société « segmentaire », qui ne pouvait tolérer qu’un individu soit exproprié de sa terre, son moyen de subsistance, et transformé en prolétaire, n’acceptera pas que la terre soit une marchandise. On ne peut pas, à proprement parler, parler de valeurs marchandes, mais de valeurs non marchandes qui rendent possible un échange marchand. Une société qui accepte qu’un individu soit séparé de ses conditions de subsistance (ne puisse pas subsister de par lui-même), mais refuse qu’il puisse disposer d’un autre individu, autrement que d’une partie de son temps, tolèrera le salariat, mais pas l’esclavage.

    Qu’une société qui accepte que certains soient propriétaires de moyens de production et d’autres non, qui décide que la règle qui organise leurs rapports soit le contrat entre parties juridiquement égales, ne tolèrera pas qu’un individu dispose d’un autre individu autre chose que ce que ce dernier et la société lui accordent. Une société qui institue l’école obligatoire ne permet pas que des parents puissent disposer librement de leurs enfants. Elle interdira le travail des enfants et s’indignera de ce qu’un parent fasse travailler son fils ou sa fille. Des arrangements sociaux précèdent les transactions marchandes. Le marché libre n’est libre d’exécuter que les transactions que les arrangements sociaux permettent. Les sociétés africaines sont instables parce que leurs arrangements sociaux le sont et ne permettent pas aux échanges de former des centres de gravité endogènes.

    En vérité ce dont s’indigne SANDEL, c’est le caractère foncièrement esclavagiste de la société américaine, dont l’histoire consiste en un réaménagement permanent de cette société originairement esclavagiste.

    Elle s’est érigée contre le féodalisme, sans toucher à son fondement esclavagiste. Dans une telle société qui tolère une division sociale fondamentale entre possédants et non-possédants, où l’individu jouit d’une propriété privée exclusive et de la liberté de disposer de soi, tout finit par se vendre. Tant que la société butera sur cette division fondamentale, son sens de la justice ne pourra que s’indigner moralement, en essayant de se protéger de la destruction par des limites juridiques.

    Quant au champ d’action du marché, il doit pouvoir être le plus large possible afin de donner une vie matérielle la plus riche possible. Plus nous travaillons pour un nombre important de personnes et plus un nombre important travaille pour nous, plus nous sommes riches et puissants. Dans le passé préindustriel, plus un individu disposait de serviteurs, plus il était « riche ». Les hommes riches étaient des guerriers qui soumettaient les autres à leur propriété. Aujourd’hui, plus on dispose de machines à son service plus on est riche et puissant. Les guerriers doivent se soumettre des machines qui sont et seront fabriquées. Les professionnels de la guerre qui ont voulu se réserver les machines n’ont pas triomphé. Les vainqueurs ont partagé les usages de ces machines avec la société qui supporte leur production en retour. Pour parler comme Pierre Jancovici, on était riche du nombre d’esclaves (de choses humaines) que l’on possédait, on est riche du nombre d’esclaves mécaniques (de choses non humaines) qui sont à notre service. Ici la morale a une place claire : on est riche du nombre d’objets que l’on extrait du monde. Aujourd’hui la nouveauté, c’est que ces objets sont encombrants, c’est que ces « esclaves mécaniques », en se multipliant, consomment plus de vie, de matière et d’énergie fossiles qu’il ne peut en être produit, produisent plus de déchets qu’il ne peut être éliminé, détraquent ainsi les équilibres sociaux et naturels. Ils se substituent au travail humain et fabriquent des populations inutiles. Leur développement ne peut être donc illimité. Le marché rencontre donc des limites externes, les limites planétaires, et des limites internes, l’offre ne produit plus sa demande, crée des congestions dans la circulation et ne distribue plus les revenus qui permettent de l’acheter. Vers quels réaménagements de la société de nature esclavagiste se dirige-t-on ?

    Nous restons dans la même problématique : dans les nouvelles limites de la production, le plus riche et le plus puissant est celui qui peut mettre en œuvre le plus d’esclaves mécaniques. Un continent comme la Russie qui possède la matière et l’énergie non humaine ne doit pas posséder les machines les plus puissantes, si on veut l’empêcher d’être une puissance rivale. Elle doit rester soumise à une division internationale primaire du travail : à elle les matières premières, aux USA, et leurs suivants, les machines. L’Allemagne ne doit pas disposer d’une énergie bon marché pour développer sa puissance industrielle, cela déséquilibre les comptes extérieurs US. La guerre de la Russie contre l’Ukraine est envisagée par les USA comme une politique de réduction de la compétition qui menace l’hégémonie US. On chante l’unité occidentale avec la guerre contre l’Ukraine, en vérité on fait semblant de ne pas voir que les USA travaillent pour une hégémonie anglo-saxonne, jouent des divisions de l’Europe et mettent en demeure cette dernière d’accepter une certaine division du travail avec eux. Certains sont attachés à une telle hégémonie américaine, ainsi de la Pologne et des pays de l’Est qui veulent se protéger de l’Allemagne, alors que cette dernière doit se rappeler qu’elle a été la vaincue de la Seconde Guerre mondiale.

    Le champ d’action du marché doit donc être le plus large possible étant donné des arrangements sociaux acceptables. La compétition internationale dominée par l’Occident doit accepter les arrangements sociaux de celui-ci afin qu’il puisse demeurer le centre de gravité du monde. Il devient de plus en plus net que les arrangements sociaux ne sont pas exportables, les pays qui ont réussi à étendre le champ d’action de leurs échanges, et en voie de développer leur économie de marché, sont ceux qui ont pu définir les arrangements qui ont permis une telle extension.

    Il faut bien constater cependant qu’étendre le champ d’action du marché ne préfigure pas de la distribution de ses centres de gravité. Tous les pays du monde ont connu une extension considérable du champ d’action du marché, mais peu ont réussi à en apprivoiser les forces. On peut dire aujourd’hui que les USA visent à priver la Chine d’une telle intériorité économique en s’efforçant de la faire avorter. Ils poussent la Chine à se priver de la contribution technologique internationale par leur attitude et leurs sanctions afin que ne puissent pas se former et se stabiliser ses centres de gravité intérieurs.

    Extension du marché et configuration de ses centres de gravité

    Un marché étendu ne peut donc se préserver face à des sanctions économiques extérieures que s’il est en mesure de s’auto-entretenir. Ce qu’il ne peut faire que si l’extension de son champ d’action s’est accompagnée de la formation de centres de gravité qui prennent de la consistance avec ces sanctions. Il doit pouvoir comprendre les retournements de situations, tels ceux qui se sont produits entre les puissances émergentes et les anciennes puissances : situations de marché favorables aux dernières au départ puis défavorables, d’amicales au départ puis inamicales. L’économie doit pouvoir être à double circulation, s’étendre au monde pour constituer des centres de gravité, être en mesure de se restreindre autour de centres de gravité endogènes avec la réduction du champ d’action du marché.

    Ces deux capacités, s’étendre le plus largement possible en situation de paix et se restreindre à soi-même en situation d’adversité, supposent une certaine capacité d’adaptation, une certaine « flexibilité » des offres et des demandes, soit fondamentalement, une certaine résilience de la société.

    La guerre actuelle en Ukraine, la « rivalité systémique » entre la Chine et les USA et la crise climatique, vont mettre à l’épreuve la résilience de toutes les sociétés du monde, qu’elles soient ukrainiennes et russes, ou européennes, nord-américaines, africaines et autres. Résilience de ces centres de gravité qui exprime la capacité de la société, des sociétés à s’organiser et vivre autour de certains échanges. Le marché ne peut plus se penser autrement qu’à des échelles régionales. Ce qui est en question, c’est la distribution internationale de ses centres de gravité. Les échanges d’une nation ne peuvent dépendre exclusivement de centres de gravité extérieurs, comme ils ne peuvent compter exclusivement sur des centres internes de gravité. Le capital politique d’une nation s’épuise s’il ne s’arme pas des autres formes de capital. Les centres nationaux de gravité se défont s’ils ne sont pas associés à des centres de gravité extérieurs pour constituer une société/économie qui se suffise. C’est dans le cadre d’une configuration des centres de gravité qui peut réaliser une telle suffisance que réside l’autonomie de décision. Nous sommes globalement devant la situation suivante : à l’Occident la technologie, au reste du monde les matières premières, dont les céréales et l’énergie. Si les pays réémergents dont la Chine, l’Inde, la Turquie, l’Iran et émergents tel le Brésil, les Émirats arabes unis pour ne citer que ceux-là, tournent le dos au chantage technologique occidental, s’ils réussissent à produire la technologie dont le reste du monde a besoin, le bloc occidental ne pourra rien faire face au retournement du marché qui leur est défavorable. Il suffit que le monde non occidental refuse l’affrontement qui est proposé par la Russie et les USA, se détache des problèmes de l’Occident pour s’attacher à ses propres problèmes, pour que se dégagent les nouveaux centres de gravité mondiaux dont il a besoin.

    En guise de conclusion. S’attacher à la résolution de ses propres problèmes, c’est définir correctement les arrangements sociaux qui permettront à la société de se mettre en ordre. Sans cette mise en ordre, on ne peut envisager une compétition à la mesure de la compétition internationale. On ne peut pas aussi, sans cela, envisager ni un « encastrement » de l’économie dans la société ni une extension des échanges qui puisse permettre la formation de centres de gravité , soit une transformation de flux externes en flux internes, puis en flux internes s’auto-entretenant.

    Les crises mondiales actuelles offrent des opportunités différentes à chaque région, à chaque pays. Qui sera en mesure de les saisir ? D’établir les bons arrangements sociaux, la bonne extension du marché et la bonne configuration des centres de gravité économiques à même de soutenir l’autonomie de la décision politique ? Certainement pas ceux qui voudront imposer un cours au monde, mais plutôt ceux qui au plus près de ce cours pourront emprunter les bifurcations qui peuvent conduire à la formation d’un nouveau cours. Je parie sur la Chine, l’Inde et l’Europe, si ces régions arrivent à converger quant à la transition énergétique, autrement dit à rester compétitives, c’est-à-dire les moins affectées par les congestions et les inégalités internes, tout en réduisant leur consommation énergétique, le nombre de leurs esclaves mécaniques. L’Afrique peut-être, non par dessein, mais plutôt par nécessité et humilité.

    [1] 9 grands équilibres conditionnent notre vie sur terre.
    [2] La fabrication de l’homme inutile (la pire des inégalités selon Pierre Noël Giraud) et la destruction du capital social de Robert Putnam.
    *Enseignant chercheur en retraite, Faculté des Sciences économiques, Université Ferhat Abbas Sétif ancien député du Front des Forces Socialistes (2012-2017), Béjaia.

    Le Quotidien d’Oran, 02 juin 2022

    #Ukraine #Russie #Economiedemarché #Globalisation #Occident #Chine #PaysEmergents

  • Aggravation

    Aggravation

    France, Russie, Ukraine, embargo, Union Européenne, Marine Le Pen, Bruno Le Maire,

    La guerre d’Ukraine a débuté il y a plus de trois mois et les mesures punitives de l’Europe vis-à-vis de la Russie sont toujours plus sévères, alors que Moscou reste fermement ancré sur ses positions. Pourtant, les décisions de l’Union européenne regardant la situation en Europe de l’Est ne sont pas soutenues par tous. Marine Le Pen a ainsi mis en garde, hier, contre les «conséquences cataclysmiques sur le pouvoir d’achat des Français» du sixième paquet de sanctions contre la Russie décidé en début de semaine par Bruxelles, accusant le gouvernement de «mentir» sur la situation économique du pays. «Cette décision va avoir des conséquences cataclysmiques sur le pouvoir d’achat des Français, ça va contribuer à aggraver le prix évidemment du pétrole et, accessoirement, du gaz et donc de l’électricité», s’est inquiétée la finaliste de la dernière présidentielle.

    Les dirigeants des 27 pays de l’UE ont en effet trouvé un accord lundi qui devrait permettre de réduire de quelque 90 % leurs importations de pétrole russe d’ici la fin de l’année afin de tarir le financement de la guerre menée par Moscou en Ukraine. «Si on n’achète plus le pétrole à Vladimir Poutine, d’autres l’achèteront, c’est aussi simple que cela. En réalité, donc, il y avait d’autres mesures qu’on pouvait mettre en œuvre avec l’effort des pays producteurs dans le monde», a dénoncé la députée du Pas-de-Calais. «C’est le choix du sacrifice du pouvoir d’achat des Français», a-t-elle jugé, soulignant, comme elle l’a martelé pendant la présidentielle, que des familles «n’arrivent plus à boucler leurs fins de mois».

    La députée du Pas-de-Calais, qui a rencontré le Premier ministre hongrois Viktor Orban à Paris vendredi, partage avec lui l’idée de taxer les pétroliers. «Je vous conseille de ne pas croire un mot de ce que dit Bruno Le Maire et d’ailleurs l’ensemble du gouvernement sur la situation économique du pays, car ils ont par le passé déjà menti». Le ministre de l’Économie a affirmé, hier, sur France Inter, qu’il ne croyait pas à un risque de récession.

    Selon Marine Le Pen, «lorsque le gouvernement dit que le bouclier tarifaire fera que les prix de l’électricité ne font pas l’objet de rattrapage, il ment, il y aura un rattrapage de cela probablement en 2023». «Ils mentent jusqu’à ce qu’ils ne puissent plus faire autrement que de dire la terrible vérité qui est la conséquence de leur incompétence : on va probablement rentrer en récession», a-t-elle insisté.

    La position de Marine Le Pen se rapproche ainsi plus de celle d’une partie de l’extrême-gauche, notamment La France Insoumise, qui a exprimé à de nombreuses reprises ses objections vis-à-vis de la stratégie de la France et de l’Occident en général face à la Russie de Vladimir Poutine. Toutefois, les Français qui étaient appelés aux urnes il y a un peu plus d’un mois ont choisi d’élire Emmanuel Macron et avec lui sa politique vis-à-vis de la situation en Ukraine et ils devront donc en assumer les conséquences politiques comme financières.

    Fouzia Mahmoudi

    Le Jour d’Algérie, 01 juin 2022

    #France #Sanctions #Russie #Electricité #MarineLePen

  • Les Américains savent jusqu’où ne pas aller en Ukraine

    Les Américains savent jusqu’où ne pas aller en Ukraine

    Etats-Unis, Russie, Ukraine, crise ukrainienne,

    Les autorités américaines ayant fait savoir, par une voie détournée, il y a de cela quelques jours, qu’elles avaient bien l’intention de livrer des lance-roquettes multiples à l’armée ukrainienne, qui les demandait à cor et à cri, seule moyen pour elle de résister au pilonnage infernal russe dans Severodonetsk notamment, sur le point de tomber, il ne restait plus qu’un seul point à tirer au clair : celui de leur portée. Les Américains en enverraient-ils dont les projectiles pourraient frapper l’intérieur de la Russie, ce qui serait de nature à déclencher une réaction russe dirigée contre eux directement, ou ne fourniraient-ils que ceux dont la portée ne dépasserait pas la frontière russe ? Telle était la question. Depuis quelques heures on connaît la réponse, donnée par Joe Biden lui-même, autant dire à la cantonade au moment de sa descente d’avion de retour de Delaware : les Etats-Unis ne fourniront pas aux Ukrainiens des armes avec lesquelles ceux-ci pourraient porter la guerre sur le sol russe. Cette réponse est par un côté une négation, et c’est celle qui vient d’être dite, mais par un autre c’est une affirmation : oui nous allons livrer les armes demandées par les Ukrainiens.

    Une sage décision, a commenté Dmitri Medvedev, mais sans plus, par ailleurs le seul officiel russe à avoir réagi jusqu’à présent. Ce n’était d’ailleurs pas lui qui avait préalablement mis en garde les Américains contre l’envoi d’armes susceptibles d’apporter la destruction dans les villes russes. Ce n’était même pas un officiel, mais une journaliste de télévision proche du Kremlin, qui avait averti les Américains de ce qu’ils encourraient si des roquettes tirées par leurs armes tombaient sur des villes russes. Elle a même été particulièrement claire sur ce point : la riposte russe irait s’abattre droit sur les centres ayant permis que cela se produise. La réponse venant du président Biden en personne montre bien combien les paroles de la journaliste ont été prises au sérieux par son administration.

    Cet épisode est gros d’enseignements. Il dit clairement que les Russes ont tracé une ligne rouge que les Occidentaux auraient intérêt à ne pas dépasser sous peine d’être considérés à leur tour comme des «cibles légitimes». Les Américains avaient déjà semblé disposés à procurer des Mig-29 aux Ukrainiens, qu’ils prendraient chez la Pologne, à laquelle ils livreraient en compensation des F-16, pour finalement abandonner le projet. De là l’idée qu’ils pourraient faire de même avec les lance-roquettes. Dans ce cas, la mise au point de Biden ne serait que négative, c’est-à-dire que le refus qu’elle signifie englobe toutes les portées possibles des armes en question, les longues comme les moyennes, ainsi que les courtes. Mais on n’en est pas encore là. Il faut attendre quelques jours pour en avoir le cœur net.

    Les Occidentaux affirment depuis le début vouloir infliger en Ukraine à la Russie une défaite stratégique. On sait maintenant que ce ne sera surtout pas au prix d’une guerre directe avec elle. Les meilleurs alliés de l’Ukraine, les Etats-Unis les premiers, ne lui livrent pas les armes dont elle a besoin pour être en mesure de gagner la guerre, mais uniquement celles qui lui permettent de la faire durer.

    Le Jour d’Algérie, 31 mai 2022

    #Ukraine #USA #OTAN #EtatsUnis #Russie #Armes

  • Maroc: l’économie s’approche de la faillite

    Maroc: l’économie s’approche de la faillite

    Maroc, économie, PIB, crise, Ukraine, déficit commercial, gaz, pétrole,

    La dette devrait dépasser le PIB à la fin de l’année: l’économie marocaine s’approche de la faillite

    L’économie marocaine s’achemine vers la faillite, comme l’indiquent les chiffres diffusés par les autorités marocaines. Au cours du premier trimestre de l’exercice en cours, le déficit commercial marocain s’est établi à près de 91,04 milliards de dirhams , soit près de 10 milliards de dollars.

    Et si la tendance reste identique pour les trois derniers trimestres de l’exercice 2022, la dette marocaine dépassera le PIB marocain estimé à 124 milliards de dollars, ouvrant la voie à la faillite, et à l’obligation de recherche de nouveaux prêts pour éviter l’inévitable cessation de paiement, synonyme d’explosion sociale et fin de règne de la dynastie du régime du Makhzen.

    Un déficit commercial de plus de 43%

    Le déficit commercial durant le premier trimestre a connu une hausse de 43,6% par rapport à fin avril 2021, selon l’Office marocain des Changes. Le déficit est lié à la hausse des importations par rapport aux exportations à hauteur de 37,8% soit 230,05 MMDH, alors que le montant des exportations, a été établi à 139,01 MMDH (+34,2%), note l’Office marocain des changes dans son récent bulletin sur les indicateurs mensuels des échanges extérieurs, ajoutant que le taux de couverture a perdu 1,6 point à 60,4%.

    La hausse des importations de biens concerne la quasi-totalité des groupes de produits, fait observer l’Office, notant que la facture énergétique a plus que doublé à 43,79 MMDH. Cette évolution fait suite, essentiellement, à la hausse de 12,14 MMDH des approvisionnements en gas-oils et fuel-oils due à l’élévation des prix qui ont presque doublé, passant à 8.833 DH/T contre 4 490 DH/T un an auparavant. En parallèle, les quantités importées ont enregistré une hausse de 15,8%.

    De leur part, les importations des demi produits ont enregistré une hausse de 53%, suite à la forte croissance des achats de l’ammoniac. Les importations des produits bruts se sont accrues, quant à elles, de 72,6%, principalement à cause de la hausse des achats des soufres bruts et non raffinés qui ont quasiment triplé (+3,971 MMDH).

    S’agissant des importations des produits alimentaires, elles ont affiché une hausse de 25,4%, tributaire, principalement, de l’augmentation importante des achats d’orge (2,27 MMDH). Les approvisionnements en blé ont augmenté de 16% due à l’effet prix en accroissement de 38,8%. Les quantités, quant à elles, ont baissé de 16,4%.

    Les prévisions de l’expert international Nouredine Leghliel

    Interrogé par Algérie 54 au début du conflit ukrainien, l’expert international en énergie et analyste financier, l’Algérien Nouredine Leghliel avait souligné que l’économie marocaine sera très affectée par la crise ukrainienne, survenue dans le sillage du Covid-19 qui avait durement affecté certains secteurs économiques marocains comme le tourisme, et aussi par la rupture de l’approvisionnement en gaz Algérien.

    L’expert avéré, nous avait exposé loin de toute propagande, les indicateurs économiques à sa prévision, en se fiant à la hausse des importations du Royaume en matière de produits céréaliers , boostée par la sécheresse qui frappe le Maroc et l’augmentation des prix liée au conflit ukrainien, dont Kiev et Moscou sont les plus gros producteurs de la planète. Les indicateurs ne se limitaient pas uniquement aux prix des produits céréaliers, mais aussi aux prix des produits énergétiques que connaît le monde. La décision d’Alger de fermer ses robinets le 31 octobre 2021, pour répondre à l’hostilité manifeste du régime du Makhzen, n’a pas arrangé les choses et à contraint Rabat à chercher des ressources d’approvisionnement loin du GME et les prix préférentiels accordés auparavant par Alger. Le Maroc est contraint de se plier aux fluctuations et devra acheter du gaz et pétrole plus cher, causant un préjudice énorme à sa balance commerciale.

    La banque d’investissement marocaine avait annoncé la couleur

    Un rapport de la banque d’investissement marocaine CDG Capital avait annoncé au début de l’année 2022 que l’exercice sera dur et avait prédit ne laisse eun avenir sombre de l’économie du royaume alaouite.

    «L’économie marocaine entame une année incertaine marquée par la détérioration des déficits jumeaux (budget et balance des paiements) et de niveau d’endettement, une saison agricole 2021-2022 menacée par la sécheresse et la forte hausse des prix des matières premières et énergétiques», souligne la direction Insight de CDG Capital dans un rapport récent intitulé «Perspectives économique et taux 2022: des équilibres fragiles dans un contexte global tendu» écrit au début de l’année la direction Insight de CDG Capital.

    Dans l’attente des notations

    Les agences de notations ne seront nullement tendres avec le Maroc dont les indices du risque vont certainement augmenter et avec eux les chances d’un défaut de paiement. Le Maroc dont la dette extérieure frôle les 100 milliards de dollars, devra brader ce qui lui reste à brader et faire des concessions énormes pour obtenir des prêts désavantageux pour résister au crash qui se dessine avec une dette qui dépassera le PIB. Ceci est un indicateur significatif à une flambée des prix et la mort du pouvoir d’achat des marocains ouvrant la voie à une explosion sociale inévitable. Et ce n’est pas la propagande , la désinformation et les Fakenews des médias inféodés au Makhzen qui vont sortir le Commandeur des croyants de cette imminente banqueroute.

    Il convient de rappeler que la hausse du taux de l’endettement public du Maroc avait suscité l’inquiétude des agences de notation internationales, notamment les trois principales agences américaines : Standard&Poors, Fitch et Moody’s.

    Par Mehdi Messaoudi

    Algérie54, 02 juin 2022

    #Maroc #Economie #PIB #Prix #Crise #Ukraine

  • La Russie est en train de gagner la guerre économique

    La Russie est en train de gagner la guerre économique

    Russie, Vladimir Poutine, Europe, Occident, Ukraine, embargo, guerre économique, Pétrole, gaz,

    Les effets pervers des sanctions se traduisent par une augmentation des coûts du carburant et des denrées alimentaires pour le reste du monde – et les craintes grandissent d’une catastrophe humanitaire. Tôt ou tard, un accord doit être conclu

    Cela fait maintenant trois mois que l’Occident a lancé sa guerre économique contre la Russie , et cela ne se déroule pas comme prévu. Au contraire, les choses vont vraiment très mal.

    Des sanctions ont été imposées à Vladimir Poutine non pas parce qu’elles étaient considérées comme la meilleure option, mais parce qu’elles étaient meilleures que les deux autres plans d’action disponibles : ne rien faire ou s’impliquer militairement.

    La première série de mesures économiques a été introduite immédiatement après l’invasion, alors qu’il était supposé que l’Ukraine capitulerait en quelques jours. Cela ne s’est pas produit, si bien que les sanctions – bien qu’encore incomplètes – se sont progressivement intensifiées.

    Il n’y a cependant aucun signe immédiat de retrait de la Russie de l’Ukraine et ce n’est guère surprenant, car les sanctions ont eu l’effet pervers de faire grimper le coût des exportations russes de pétrole et de gaz, d’augmenter massivement sa balance commerciale et de financer son effort de guerre. Au cours des quatre premiers mois de 2022, Poutine pourrait se vanter d’un excédent du compte courant de 96 milliards de dollars (76 milliards de livres sterling) – plus du triple du chiffre pour la même période de 2021.

    Lorsque l’UE a annoncé son interdiction partielle des exportations de pétrole russe plus tôt cette semaine, le coût du pétrole brut sur les marchés mondiaux a augmenté, offrant au Kremlin une autre manne financière. La Russie n’éprouve aucune difficulté à trouver des marchés alternatifs pour son énergie, avec des exportations de pétrole et de gaz vers la Chine en avril en hausse de plus de 50 % sur un an.

    Cela ne veut pas dire que les sanctions sont sans douleur pour la Russie. Le Fonds monétaire international estime que l’économie se contractera de 8,5 % cette année à mesure que les importations en provenance de l’ouest s’effondreront. La Russie dispose de stocks de biens essentiels au maintien de son économie, mais avec le temps, ils seront épuisés.

    Mais l’Europe ne se libère que progressivement de sa dépendance à l’égard de l’énergie russe, et ainsi une crise financière immédiate pour Poutine a été évitée. Le rouble – grâce au contrôle des capitaux et à un excédent commercial sain – est fort . Le Kremlin a le temps de trouver des sources alternatives de pièces de rechange et de composants auprès de pays désireux de contourner les sanctions occidentales.

    Lorsque les acteurs mondiaux se sont réunis à Davos la semaine dernière, le message public était la condamnation de l’agression russe et un engagement renouvelé à soutenir fermement l’Ukraine. Mais en privé, on s’inquiétait des coûts économiques d’une guerre prolongée.

    Ces inquiétudes sont tout à fait justifiées. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a donné un nouvel élan à des pressions déjà fortes sur les prix. Le taux d’inflation annuel du Royaume-Uni s’élève à 9 % – son plus haut niveau en 40 ans – les prix de l’essence ont atteint un niveau record et le plafond des prix de l’énergie devrait augmenter de 700 à 800 £ par an en octobre. Le dernier programme de soutien de Rishi Sunak pour faire face à la crise du coût de la vie était le troisième du chancelier en quatre mois – et il y en aura d’autres à venir plus tard dans l’année.

    À la suite de la guerre, les économies occidentales sont confrontées à une période de croissance lente ou négative et d’inflation croissante – un retour à la stagflation des années 1970. Les banques centrales – y compris la Banque d’Angleterre – estiment qu’elles doivent répondre à une inflation proche des taux à deux chiffres en augmentant les taux d’intérêt. Le chômage est appelé à augmenter. D’autres pays européens sont confrontés aux mêmes problèmes, sinon plus, car la plupart d’entre eux sont plus dépendants du gaz russe que le Royaume-Uni.

    Les problèmes auxquels sont confrontés les pays les plus pauvres du monde sont d’un ordre de grandeur différent. Pour certains d’entre eux, le problème n’est pas la stagflation, mais la famine, en raison du blocage de l’approvisionnement en blé des ports ukrainiens de la mer Noire.

    Comme l’a dit David Beasley, le directeur exécutif du Programme alimentaire mondial : « En ce moment, les silos à grains de l’Ukraine sont pleins. Dans le même temps, 44 millions de personnes dans le monde marchent vers la famine.

    Dans toutes les organisations multilatérales – le FMI, la Banque mondiale, l’Organisation mondiale du commerce et les Nations unies – les craintes grandissent d’une catastrophe humanitaire. La position est simple : à moins que les pays en développement ne soient eux-mêmes des exportateurs d’énergie, ils font face à un triple coup dur dans lequel les crises énergétiques et alimentaires déclenchent des crises financières. Confrontés au choix de nourrir leurs populations ou de payer leurs créanciers internationaux, les gouvernements opteront pour le premier. Le Sri Lanka a été le premier pays depuis l’invasion russe à faire défaut sur ses dettes , mais il est peu probable que ce soit le dernier. Le monde semble plus proche d’une véritable crise de la dette qu’à n’importe quel moment depuis les années 1990.

    Poutine a été condamné à juste titre pour avoir « militarisé » la nourriture, mais sa volonté de le faire ne devrait pas surprendre. Depuis le début, le président russe joue un long jeu, attendant que la coalition internationale contre lui se fragmente. Le Kremlin pense que le seuil de souffrance économique de la Russie est plus élevé que celui de l’Occident, et il a probablement raison à ce sujet.

    S’il fallait une preuve que les sanctions ne fonctionnent pas, alors la décision du président Joe Biden de fournir à l’Ukraine des systèmes de roquettes avancés le fournit . L’espoir est que la technologie militaire moderne des États-Unis réalisera ce que les interdictions énergétiques et la saisie des actifs russes n’ont pas réussi à faire jusqu’à présent : forcer Poutine à retirer ses troupes.

    La défaite complète de Poutine sur le champ de bataille est une façon dont la guerre pourrait se terminer, bien que dans l’état actuel des choses, cela ne semble pas si probable. Il y a d’autres résultats possibles. La première est que le blocus économique finit par fonctionner, avec des sanctions de plus en plus sévères forçant la Russie à reculer. Un autre est un règlement négocié.

    Poutine ne va pas se rendre sans condition, et le potentiel de graves dommages collatéraux de la guerre économique est évident : baisse du niveau de vie dans les pays développés ; la famine, les émeutes de la faim et une crise de la dette dans le monde en développement.

    Les atrocités commises par les troupes russes signifient qu’un compromis avec le Kremlin est actuellement difficile à avaler, mais la réalité économique ne suggère qu’une chose : tôt ou tard, un accord sera conclu.

    Larry Elliot

    Larry Elliott est le rédacteur économique du Guardian

    The Guardian, 02 juin 2022

    Lire aussi : Poutine compte se débarrasser du dollar et de l’euro

    Lire aussi : Poutine: l’OTAN a franchi la ligne rouge

    Lire aussi : Poutine : Biden est un âpre négociateur

    #Russie #Ukraine #Poutine #Guerre_économique #Gaz #Pétrole #Embargo #Occident #Europe #UE

  • Zelensi : « L’Ukraine perd entre 60 et 100 soldats par jour »

    Zelensi : « L’Ukraine perd entre 60 et 100 soldats par jour »

    Ukraine, Volodymyr Zelensky, Russie,

    Entre 60 et 100 soldats ukrainiens meurent chaque jour au combat et quelque 500 autres sont blessés, a assuré le président de l’Ukraine Volodymyr Zelensky au média américain Newsmax dans un entretien publié mercredi.

    «La situation dans l’Est est vraiment difficile», a ajouté Volodymyr Zelenski.

    «Nous perdons de 60 à 100 soldats par jour, tués au combat, et quelques 500 sont blessés», a détaillé le dirigeant de 44 ans, qui s’est exprimé grâce à un interprète. Ce nombre élevé de pertes survient au moment où les troupes ukrainiennes mènent des combats acharnés contre une puissante concentration de forces russes tentant de prendre le contrôle de la région de Lougansk dans l’est de l’Ukraine.

    Les Russes ont aussi subi des pertes importantes selon les informations du front.

    Le Soir d’Algérie, 02 juin 2022

    #Ukraine #Russie

  • ONU: Il faut avancer dans le « processus de paix » au Sahara

    Jean-Pierre Lacroix, ONU, Opérations de Paix, Sahara Occidental, Maroc, MINURSO, Mali, Ukraine,

    Le secrétaire général des Nations unies pour les opérations de paix, Jean-Pierre Lacroix, considère qu’il est « extrêmement important » d’obtenir des « progrès » dans le « processus de paix » au Sahara occidental, où une guerre de basse intensité s’est intensifiée ces derniers mois. Dans une interview accordée à Efe lors de sa visite à Madrid, où il a rencontré des représentants du gouvernement espagnol pour analyser la participation de Madrid aux missions de maintien de la paix de l’ONU, le diplomate français a évoqué la situation actuelle dans cette ancienne province espagnole du nord de l’Afrique occupée par le Maroc depuis 1975. « Depuis un an et demi, nous avons constaté une plus grande tension sur le territoire, en partie à cause de cette impression qu’il n’y a pas eu de progrès et d’effort », reconnaît le fonctionnaire de l’ONU, réticent à entrer dans de nombreux détails de la mission. Selon lui, la nomination de Staffan de Mistura au poste de Représentant du SG de l’ONU pour le Sahara Occidental a permis de « diminuer cette tension sur le territoire », même s’il rappelle que la situation « reste fragile et a un impact sur la mission ».

    Restrictions de mobilité pour la MINURSO

    Jean-Pierre Lacroix regrette que la MINURSO rencontre des « limitations » à sa liberté de mouvement sur le territoire, mais assure qu’ils « font tout leur possible pour réduire l’impact sur la mission ». Malgré cela, ils continuent « à avoir de bonnes relations avec les parties (Maroc et POLISARIO), des interactions régulières ». Cependant, il indique que « la situation de la MINURSO reflète une situation plus générale dans presque toutes les missions de maintien de la paix, où ils ont un environnement politique et sécuritaire qui s’est détérioré au cours des deux dernières années. » Quelque chose qui rend ces missions « plus importantes que jamais car les situations sont plus fragiles et plus tendues. »

    Lacroix évite de commenter le récent changement de position de l’Espagne avec lequel il est allé soutenir le Maroc dans son projet de transformer le territoire en une province autonome au sein du pays et de ne pas poursuivre sur la voie de l’organisation d’un référendum d’indépendance. « Hier, j’ai parlé avec le FM José Manuel Albares et il a confirmé que l’Espagne continue de soutenir les efforts de paix menés par l’ONU et le PESG, il est extrêmement important de poursuivre dans cette voie », dit-il. Ainsi, il fait allusion au fait que les résolutions approuvées par l’organisation internationale « sont très claires » : « nous avons une opération pour surveiller la situation sécuritaire au Sahara Occidental et nous allons mettre en œuvre le mandat ». « Il est extrêmement important d’avoir un mandat de paix qui avance, car lorsqu’il n’y a pas de progrès et que les efforts de paix s’arrêtent ou qu’il y a cette perception que ces efforts ne bougent pas, cela a un impact sur la situation sécuritaire du territoire, nous l’avons vu l’année dernière », a-t-il déclaré.

    Situation « fragile » au Liban et au Mali

    L’USG analyse la situation « fragile » actuelle au Liban et au Mali, où travaillent respectivement la FINUL et la MINUSMA, et assure qu’ »aujourd’hui plus que jamais, elles sont nécessaires » dans les deux territoires. Lacroix apprécie la « contribution et le soutien » de l’Espagne, notamment dans son travail au commandement de la mission libanaise « en temps de guerre en Europe » avec le conflit en Ukraine et apprécie que ces professionnels « maintiennent le lien avec des parties qui ne se parlent pas directement », le Liban et Israël. « Il est très important d’éviter toute escalade des incidents qui se produisent souvent, chaque jour ou chaque semaine, et qui peuvent dégénérer très rapidement s’il n’y a pas de capacité de réaction de la FINUL », affirme-t-il.

    Conscient de la réalité au Mali, le fonctionnaire regrette son récent départ du G5-Sahel, une organisation intergouvernementale dans laquelle le pays était avec le Burkina Faso, le Tchad, la Mauritanie et le Niger pour générer des politiques de développement et de sécurité. « Nous pensons que le G5-Sahel a été une initiative très positive dans le sens où les pays les plus touchés par la sécurité ont décidé de prendre en main leur réponse avec le soutien international et avec la certitude qu’il s’agit de problèmes régionaux », explique-t-il. Pour cette raison, il espère que l’organisation « peut se réinventer et qu’elle a un avenir » : « Nous continuerons à soutenir tous les efforts des pays de la région pour répondre non seulement avec des moyens militaires mais aussi pour résoudre les causes et les racines de la situation, qui Elle a à voir avec le développement et l’impact du changement climatique ou du terrorisme mondial », souligne-t-il.

    « Très prématuré » de savoir s’il y aura une mission de maintien de la paix en Ukraine

    L’ONU compte actuellement quatorze missions de maintien de la paix déployées dans le monde, dont deux seulement sont encore actives en Europe, au Kosovo et à Chypre. Face à l’éventuelle nécessité d’en générer une nouvelle pour l’Ukraine, le fonctionnaire appelle à la prudence, compte tenu de la situation actuelle du conflit et estime qu’il serait encore « très prématuré de spéculer sur une opération quelconque » dans le pays. « Dans le cas d’une opération de maintien de la paix ou de cessez-le-feu, il doit y avoir un accord de paix à respecter, malheureusement ce n’est pas ce que nous voyons », ajoute-t-il.

    La Voz de Galicia, 01 juin 2022

    #SaharaOccidental #Maroc #ONU #MINURSO #JeanPierreLacroix

  • UE-Russie. Le dindon de la farce

    UE-Russie. Le dindon de la farce

    Union Européenne, UE, Russie, Ukraine, pétrole, embargo,

    Le conflit opposant l’Occident à la Russie prend une drôle de tournure. Les protagonistes semblent jouer au chat et à la souris dans une joute dont ne sortira vainqueur que celui qui détient les clés de la suprématie stratégique. Hier, lundi soir, l’Union européenne a annoncé être (enfin) parvenue à un « accord de principe » pour se passer du pétrole russe d’ici la fin de l’année. Une annonce qui a eu pour effet immédiat de faire flamber les prix du brut à plus de 123 dollars en pleine saison creuse.

    Une question se pose : comment les 27 comptent-ils concrétiser cet accord, qui a plus l’air d’une promesse politique que d’un engagement ferme ? D’autant que cet accord « de principe », n’a pas reçu l’assentiment de tout le monde. La Hongrie, la Slovaquie et la République tchèque ont, toutes trois, obtenu des dérogations. L’on se demande alors à quoi rime tout ce manège. Les gouvernements européens se disent que cet embargo, s’il se concrétise, participera à « freiner l’effort de guerre russe », à supposer que cela soit vraiment le cas. Car, Vladimir Poutine n’a pas attendu que les 27 se mettent d’accord sur quoi que ce soit pour agir. Il sait qu’il a en main des armes affûtées dans cette guerre qui se joue plus sur le terrain économique que sur les champs de bataille. Il pose ses conditions et a réussi à retourner l’arme de destruction massive économique contre ses initiateurs.

    Poutine a déjà suspendu les approvisionnements gaziers sur quatre pays européens et promet que d’autres suivront s’ils ne se résolvent pas à payer en rouble. Le plus cocasse est que ces pays qui ont refusé de payer en roubles annoncent déjà qu’ils iront chercher le gaz chez ceux qui le font. Au final, l’entêtement des Occidentaux n’a aucun effet, si ce n’est de donner la migraine aux bureaucrates.

    Et au-delà de l’énergie, cette confrontation entre l’Otan et la Russie a eu pour effet de couper une grande partie des routes pour l’approvisionnement en minéraux de base et en céréales. Les « alliés » devront d’ailleurs montrer patte blanche, lorsque Serguei Lavrov ira en Turquie pour que les routes de commercialisation des céréales soient rouvertes. En attendant, les prix flambent sur les marchés internationaux et l’inflation atteint des sommets et la récession menace, notamment en Europe. Poutine, lui ne s’inquiète pas. Malgré toutes les prévisions pessimistes des institutions de Bretton Woods sur l’économie russe, le rouble ne s’est jamais aussi bien porté et le Kremlin se permet de financer son arsenal de défense contre les sanctions occidentales et multiplie les mesures sociales destinées à en limiter l’impact sur les Russes.

    L’entêtement de l’Otan à vouloir un élargissement vers l’Est fait le lit de la guerre, et l’Union européenne a été mise sur le front avec toutes les conséquences que cela implique, quitte à devenir le dindon de la farce.

    La Sentinelle, 01 juin 2022

    #Russie #Ukraine #UE #Pétrole_russe #Embargo #OTAN

  • UE-Russie. Sabordage

    UE-Russie. Sabordage

    Union Européenne, Russie, Ukraine, embargo, pétrole, gaz,

    Les menaces non voilées de l’Union européenne concernant un boycott du pétrole russe sont actées depuis lundi. L’UE se passera de cette énergie graduellement, avec un clap de fin de 90 % d’ici fin 2022. Un scénario qui se dessinait à mesure que gonflait la guerre en Ukraine. «Le rétablissement de l’ordre» qui ne devait pas excéder quelques semaines traine en longueur et oblige l’Union Européenne à rebattre ses cartes vis-à-vis de la Russie, toutes les tentatives de la mettre au pas ayant échoué.

    Ce boycott du pétrole russe a été le vœu de Washington qui a joué dès le début des hostilités russo-ukrainiennes au va-t-en-guerre économique, mais pas que. La Maison-Blanche n’a pas cessé d’exhorter ses «alliés» à plus de fermeté envers Poutine. Néanmoins, l’ostracisme envers les énergies fossiles russes promet d’être un sabordage des pays de l’UE, tant les décisions se déclinent avec une musique américaine qui ne jure que par le Dollar.

    Les Etats-Unis ont donc donné d’une main à l’Ukraine pour en reprendre davantage à la vieille Europe. Un nouveau plan Marshall en quelque sorte puisque, et comme toujours, Washington monnaye son «aide» en proposant «son» pétrole et son gaz à des prix prohibitifs, et l’affolement des cours de l’or noir n’en est pas la seule cause. Les cours mondiaux de pétrole qui s’affoleraient pour moins que ça reprennent leur tendance haussière en frôlant les 124 Dollars le baril. Les retombées sur l’Europe ne tarderont pas à se manifester à la pompe et dans la vie de tous les jours, les spécialistes envisageant même une crise plus importante que celle des années 70 et 80 et qu’elle prendrait plus d’ampleur temporelle. La crise de l’énergie s’annonce néanmoins avec beaucoup d’inconnus car si l’approvisionnement de l’Europe en pétrole peut se trouver des substituts, celui du gaz s’annonce problématique tant la quantité de gaz russe vers l’UE reste difficile, pour ne pas dire impossible, à mettre en œuvre. Des dissensions, que l’on espère aplanies du côté de Bruxelles, sont toujours présentes comme la livraison de gaz à l’Allemagne, la Hongrie, l’Autriche, ou le paiement en roubles comme exigé par Moscou.

    L’union de l’Occident «démocratique» annoncée en grande pompe face à l’autocratie du tsar russe ne promet pas une pérennité. Ce même Occident qui n’était pas assez courageux pour «avoir froid» en hiver en boycottant le gaz russe, le serait-il assez pour mettre ses moyens de locomotion au garage et de payer plus un blé qui ne sera pas russe ? Rien n’est moins sûr même si l’oncle Sam promet des compensations, à la sauce US, bien sûr.

    Par Hamid Bellagha

    Sanctions des pays de l’UE contre les hydrocarbures russes : Embargo progressif sur le pétrole, «pause» sur le gaz

    Les pays des Vingt-sept sont d’accord pour se passer progressivement du pétrole russe, optant pour un embargo en deux étapes. Les sanctions qu’ils prévoient contre le gaz s’avèrent «compliquées» et plus difficiles à appliquer sur le terrain…

    Les Vingt-Sept de l’Union européenne (UE) se sont accordés, dans la nuit du lundi 30 mai, sur le choix d’un embargo progressif sur le pétrole russe. Cette mesure comprise dans le «sixième paquet» de sanctions de Bruxelles contre Moscou va être appliquée en deux temps : d’abord un embargo sur les livraisons maritimes d’ici la fin de l’année, puis un autre «aussi vite que possible» sur le pétrole livré par oléoduc. Elle répond au souci de ménager la Hongrie et la Slovaquie, deux pays enclavés et fortement dépendants de la ressource fossile russe. Comme l’Allemagne et la Pologne se sont engagés à ne plus acheter de pétrole russe transporté par oléoduc d’ici la fin de l’année, «l’UE va donc tarir de 90 % les livraisons de pétrole russe d’ici la fin 2022», a déclaré Charles Michel, le président du Conseil européen, autour de minuit (heure algérienne). Pour acter cette décision, les ambassadeurs des Vingt-Sept auprès de l’UE se réunissent aujourd’hui. Ils doivent valider aussi le reste du «sixième paquet» de sanctions proposé par la Commission début mai : exclusion de trois nouvelles banques russes du système de messagerie financière Swift, et notamment de la Sberbank, première banque domestique avec 37 % du marché ; interdiction de diffusion dans l’UE de trois radiodiffuseurs russes ; allongement de la liste noire des personnalités sanctionnées ; interdiction des services de conseil ou de comptabilité à des entités russes. Ils devront déterminer également la façon de mettre fin aux importations de pétrole russe via les oléoducs. La Hongrie réclame des garanties de livraisons alternatives en cas de rupture de l’oléoduc Droujba, critique pour son approvisionnement en énergie. Elle exige aussi des aides financières pour adapter ses raffineries, qui à l’heure actuelle ne peuvent traiter que du brut russe et devront à terme pouvoir fonctionner avec le pétrole reçu via l’oléoduc Adria en provenance de Croatie. D’autres Etats membres demandent des clauses dérogatoires, notamment la Bulgarie et la Croatie. Ce traitement à la carte pourrait donner un avantage concurrentiel aux pays bénéficiaires, un facteur qui devra être pris en considération. Après l’accord sur un embargo sur le pétrole russe, quid du gaz ? «Le sixième paquet de sanctions est un grand pas en avant. Et je pense que nous devrions faire une pause maintenant», a déclaré hier le Premier ministre belge Alexander de Croo. «Ce paquet, mettons-le d’abord en pratique (…) Le gaz, c’est beaucoup plus compliqué. C’est donc une étape importante. Arrêtons-nous là pour le moment et voyons quel est l’impact», a-t-il expliqué. «Nous devrons parler d’un septième paquet de sanctions parce que la situation ne s’améliore pas en Ukraine. Mais le gaz est bien sûr beaucoup plus difficile que le pétrole», a souligné la Première ministre de l’Estonie Kaja Kallas. «Le gaz doit faire partie du septième paquet, mais je suis également réaliste, je ne pense pas qu’il y sera», a-t-elle estimé. «Il y a un problème technique qui a été résolu avec Viktor Orban. Avec le gaz, c’est tout à fait différent. Par conséquent, l’embargo sur le gaz ne sera pas dans le prochain train de sanctions», a renchéri le chancelier autrichien Karl Nehammer.

    L’UE, qui a déjà décidé de se passer de charbon russe à partir du mois d’août, a trouvé d’autres fournisseurs aux Etats-Unis pour un tiers de ses achats de gaz russe. En 2021, la Russie a fourni 30% du brut et 15% des produits pétroliers achetés par l’UE. Elle fournit annuellement 150 milliards de m3 de gaz, soit 40% des importations de l’UE.

    L’Union européenne refuse de payer les achats de gaz à la Russie en roubles, comme l’a exigé le Kremlin, estimant qu’il s’agit d’une violation des sanctions. Les compagnies énergétiques sont tenues de respecter les conditions de paiement des contrats conclus avec Gazprom (97% prévoient un règlement en dollars ou en euros), sous le contrôle des Etats membres. La Pologne et la Bulgarie, qui ont refusé d’ouvrir un second compte en roubles, ont cessé d’être livrées par Gazprom qui a considéré que le règlement n’avait pas été effectué. Mais tous les Etats membres ne respectent pas l’interdit. Le groupe autrichien «OMV a eu des discussions bonnes et constructives» avec la compagnie russe, a confirmé Karl Nehammer. Le chancelier allemand Olaf Scholz a annoncé que le sujet ne serait «pas discuté au cours du sommet». «Personne ne veut acheter de l’énergie à la Russie. La Russie, un pays barbare, un pays sur lequel on ne peut compter en aucune façon», a lancé mardi le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki.
    «C’est pourquoi nous discutons de la manière de nous éloigner rapidement non seulement des hydrocarbures russes comme le charbon ou le pétrole, mais aussi, à plus long terme, du gaz», a-t-il expliqué.

    Anis Remane

    Reporters.dz, 01 juin 2022

    #Russie #Ukraine #UE #Embargo #Pétrole #Gaz

  • La Guerre en Ukraine vue par les Think tanks (I)

    La Guerre en Ukraine vue par les Think tanks (I)

    Ukraine, Russie, guerre, think tanks, analyse, Europe, OTAN, Etats-Unis,

    Premiers enseignements nucléaires de la guerre en Ukraine (IFRI, France)

    -L’invasion de l’Ukraine par la Russie s’est accompagnée de multiples signaux nucléaires envoyés par Moscou. Face à cette rhétorique offensive, les puissances nucléaires occidentales, dont la France, ont refusé une escalade dans ce domaine en produisant un signalement mesuré.

    -La doctrine nucléaire russe a évolué depuis la fin de la guerre froide et des conditions plus restrictives de l’emploi de l’arme ont été adoptées. Cependant, une certaine ambiguïté est maintenue et l’hypothèse de l’emploi d’une arme nucléaire non stratégique sur le champ de bataille ne doit pas être exclue.

    -Les conséquences de cette guerre sur les équilibres nucléaires mondiaux seront durables, notamment sur les traités de limitation des armements entre Russie et États-Unis.

    -La dissuasion élargie américaine en Europe de l’Est risque aussi d’être questionnée par des pays convaincus que seule la possession d’une arme nucléaire peut dissuader une autre puissance dotée, un narratif qui pourrait fragiliser le régime de non-prolifération.

    Une chronologie des allusions nucléaires de Moscou dans la guerre contre l’Ukraine (Fondation Science et Technologie Politique – Institut allemand pour la Politique internationale et Sécurité)


    Analyse

    Le soir du 23 février 2022, les forces russes ont attaqué l’Ukraine avec l’objectif de s’emparer de la capitale en quelques jours. Quelques heures plus tard, Vladimir Poutine a annoncé le lancement d’une « opération militaire spéciale ». Dans son discours, le président russe a mis en garde ceux qui pourraient être tentés de « faire obstacle » à la Russie. Ils devraient s’attendre à des « conséquences sans précédent » – une déclaration que beaucoup ont interprétée comme une allusion au potentiel d’armes nucléaires de la Russie. Le sabre nucléaire avait déjà commencé quelques jours avant l’invasion de l’Ukraine et des allusions nucléaires similaires se sont multipliées dans les semaines qui ont suivi. Elles ont été accompagnées de commentaires occidentaux, de condamnations et de quelques contre-réactions, peu nombreuses en comparaison. Mais surtout, les allusions de Moscou ont déclenché un débat public dans plusieurs pays occidentaux sur la manière dont elles devaient être interprétées et sur les réponses qu’elles appelaient.

    Ce document de travail rassemble et analyse les allusions nucléaires des décideurs russes et les réactions de l’Occident de la mi-février à la fin avril 2022. Fin avril au plus tard, la guerre a pris une nouvelle dimension politique et militaire. Le plan initial du Kremlin visant à conquérir rapidement Kyiv a échoué et les efforts de guerre de la Russie se sont désormais concentrés sur l’est de l’Ukraine. Dans ce document, nous proposons tout d’abord notre propre analyse des déclarations nucléaires russes et des réactions occidentales lors de la première phase de la guerre : Quel était l’objectif des déclarations du Kremlin ? Comment ont-elles été mises en œuvre ? Et comment peut-on interpréter ces réactions ? Dans un deuxième temps, nous énumérons les principaux développements et les représentons graphiquement. Dans la dernière partie, nous essayons de résumer toutes les déclarations pertinentes dans un récit, de les relier entre elles et de faire référence à la source originale si elle est disponible. Ce document n’a toutefois pas la prétention d’être exhaustif.

    Que cherche à faire la Russie avec ses allusions nucléaires ?

    Liviu Horovitz et Lydia Wachs soulignent trois objectifs dans un récent SWP-Aktuell.1 Premièrement, Poutine semble vouloir empêcher une intervention militaire directe de l’Occident. Les décideurs et décideuses occidentaux ont refusé à plusieurs reprises une intervention directe dans la guerre. Pourtant, du point de vue de Moscou, les conséquences d’une intervention occidentale seraient si importantes qu’elles justifieraient la réitération des lignes rouges. Il ressort des déclarations de presque tous les décideurs occidentaux que la Russie parvient en effet à dissuader une telle intervention – le risque d’une éventuelle escalade nucléaire est cité comme la principale raison pour laquelle l’OTAN n’interviendra pas directement. Le deuxième objectif est une dissuasion générale des mesures de soutien à l’Ukraine – plus on peut en dissuader, mieux c’est. Moscou formule ses menaces de manière vague afin de donner l’impression que les livraisons d’armes à Kyiv ou les sanctions économiques contre Moscou pourraient également franchir les lignes rouges nucléaires à partir d’un certain point. Compte tenu de l’impasse nucléaire dans laquelle se trouvent l’Occident et la Russie depuis des décennies, de telles menaces sont peu crédibles. Mais comme les risques et les incertitudes de la dissuasion nucléaire ne peuvent pas être totalement éliminés, les acteurs averses au risque sont particulièrement vulnérables à cette stratégie – un exercice d’équilibriste des élites occidentales dont les dirigeants russes se servent habilement.

    Troisièmement, Moscou tente d’effrayer l’opinion publique occidentale. En raison de l’immense pouvoir de destruction des armes nucléaires et du tabou nucléaire, ces armes suscitent une grande émotion. suscitent des émotions très fortes chez la plupart des gens. Moscou semble croire que qu’une population effrayée remettra en question les mesures de soutien de ses gouvernements à l’Ukraine. Le fait que l’opinion publique soit particulièrement importante dans les démocraties libérales profite à la Russie dans ce type d’influence. L’attention des médias et les craintes évidentes de la population suggèrent que la stratégie de Moscou fonctionne, du moins dans une certaine mesure.

    Comment Moscou tente-t-elle d’atteindre ces objectifs ?

    Avec une vingtaine de déclarations et d’actions entre la mi-février et la fin avril 2022, les dirigeants russes ont voulu suggérer, que l’utilisation d’armes nucléaires dans le contexte de la guerre contre l’Ukraine n’est pas exclue. D’un point de vue temporel, de telles déclarations se multiplient surtout lorsque des décisions occidentales sont sur le point d’être prises. Les rares déclarations qui sont plus explicites visent à visent à dissuader une intervention étrangère en Ukraine. La plupart des déclarations sont Les décideurs russes évoquent la possibilité d’une guerre nucléaire, mais n’expliquent pas qui aurait recours à de telles frappes. pourraient être utilisées et pourquoi. De plus, de nombreuses déclarations russes font référence à des mesures qui sont en fait routinières ou qui ont été annoncées et attendues auparavant. Fin avril, le test de par exemple, l’essai d’un missile intercontinental Sarmat à capacité nucléaire, prévu depuis un certain temps, s’est accompagné de la déclaration menaçante de Poutine selon laquelle cette arme « pourrait frapper tous ceux, qui tenteraient de menacer [la Russie] … les obligerait à réfléchir à nouveau ».

    Un modèle récurrent de la stratégie de communication russe est la rhétorique

    Des pointes suivies rapidement d’un affaiblissement de la rhétorique. On parvient ainsi à, d’une part, que le récit sur les armes nucléaires ne s’intensifie pas et, d’autre part, que des allusions similaires soient à nouveau perçues comme inquiétantes à une date ultérieure. Le président Poutine fait presque toujours preuve d’escalade, tandis que le ministre des Affaires étrangères Sergueï Lavrov est généralement celui qui relativise les déclarations. Le porte-parole du Kremlin Dmitri Peskov est l’un de ceux qui s’expriment de plus en plus souvent de manière rassurante et précisent, que la doctrine nucléaire défensive de la Russie reste valable. Même au sein d’un même discours même discours, les décideurs russes font souvent des déclarations à la fois menaçantes et des allusions de désescalade. A titre d’illustration, Lavrov a déclaré fin avril que les risques d’une guerre nucléaire étaient « très importants », « sérieux » et « réels », tout en soulignant qu’il ne voulait pas les « exagérer ». ne voulait pas « augmenter artificiellement » ces risques – la position de la Russie étant qu’une guerre nucléaire est est inadmissible.

    L’absence de menaces explicites mérite d’être mentionnée

    L’expérience de la guerre de la guerre froide suggèrent que même des menaces peu crédibles susciteraient des mesures de préparation politique et technique de la part des gouvernements occidentaux. Moscou veut manifestement éviter cela. De plus, la Russie ne semble pas non plus vouloir ne prend aucune mesure militaire préparatoire pertinente pour une éventuelle intervention nucléaire. Les déclarations de Poutine après l’annonce de l’invasion en sont l’illustration. a certes déclaré qu’une obstruction de la Russie aurait des « conséquences sans précédent ». mais n’a ensuite mentionné les armes nucléaires que dans un contexte défensif. La Russie est « l’une des plus puissantes puissances nucléaires du monde ». une attaque directe conduirait à une défaite – une déclaration qui peut être conciliée avec la politique déclaratoire de toute puissance nucléaire.

    Comment l’Occident réagit-il ?

    Premièrement, les représentants occidentaux communiquent en permanence sur ce qui a effectivement été dissuadé. Il est possible qu’ils veuillent ainsi éviter tout malentendu avec la Russie. En outre, cette approche permet d’éviter toute pression politique interne pour entreprendre quelque chose qui a été découragé par les armes nucléaires de la Russie. Le président américain Joe Biden, le secrétaire général de l’OTAN Jens Stoltenberg et de nombreux décideurs européens répètent ainsi que l’OTAN n’interviendra pas avec des troupes en Ukraine et ne souhaite pas de confrontation directe avec les troupes russes, principalement parce qu’une telle action comporte des risques nucléaires. Accompagnés de telles déclarations, les pays de l’OTAN ont par exemple décidé début mars de s’opposer à l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne en Ukraine – une mesure qui semblait au départ bénéficier d’un certain soutien public dans les pays occidentaux et qui aurait des « conséquences catastrophiques » selon Poutine.

    Deuxièmement, les hommes et femmes politiques occidentaux tentent de saper la stratégie de la Russie. Biden a par exemple déclaré à plusieurs reprises que les citoyens américains ne devaient pas craindre une attaque nucléaire de la Russie. A Washington, Londres et Paris, on ne cesse de répéter publiquement qu’il n’y a aucun signe que la Russie se prépare à une attaque avec des armes nucléaires. Mais surtout, les gouvernements occidentaux indiquent clairement que les menaces de Moscou n’ont pas d’effet dissuasif en ce qui concerne les sanctions contre la Russie ou les livraisons militaires à l’Ukraine – et agissent en conséquence, ce qui joue un rôle bien plus important.

    Troisièmement, les gouvernements occidentaux, en particulier les Etats-Unis, tentent de ne pas laisser la situation s’envenimer. Si Washington répondait aux insinuations de Moscou par un récit similaire, les deux puissances nucléaires pourraient rapidement se retrouver dans une situation difficilement contrôlable. Au lieu de cela, les Etats-Unis ont par exemple d’abord reporté un test de missile Minuteman III, qui a ensuite été complètement annulé. Washington a également souligné à plusieurs reprises qu’il ne voyait aucune raison de repositionner ses forces nucléaires. En outre, l’Occident a visiblement tenté de faire comprendre à Moscou qu’il n’avait pas l’intention de créer une menace existentielle pour l’Etat russe – le seuil d’une escalade nucléaire dans la doctrine russe. Les représentants des Etats membres de l’OTAN ont ainsi souligné à plusieurs reprises qu’ils ne se trouvaient pas dans une confrontation directe avec la Russie. Même lorsque le président américain Biden a déclaré fin mars que Poutine « ne pouvait pas rester au pouvoir », les représentants de son gouvernement ont immédiatement précisé que les Etats-Unis ne pratiquaient pas de politique de changement de régime en Russie.

    En fin de compte, l’administration américaine exprime ses propres lignes rouges. Bien que de telles déclarations soient principalement faites à huis clos afin d’éviter une escalade, Washington est plus crédible, tant vis-à-vis de la Russie que de ses alliés, lorsqu’il les rend publiques, du moins après coup. On a par exemple appris à la mi-mars que le gouvernement américain avait mis en garde la Russie contre l’utilisation d’armes nucléaires tactiques vers le 28 ou le 1er mars, c’est-à-dire juste après que Poutine ait ordonné l’état d’alerte élevé des forces nucléaires russes. Le 23 mars, un collaborateur du Conseil national de sécurité américain a en outre déclaré à la presse que l’utilisation d’une arme nucléaire tactique en Ukraine redistribuerait les cartes en vue d’une participation directe des Etats-Unis à la guerre. Enfin, avant et après le déclenchement de la guerre en Ukraine, Washington a clairement indiqué à Moscou que toute utilisation d’armes nucléaires serait considérée comme stratégique par le gouvernement américain.

    LA TEMPÊTE À VENIR (Center for Strategic and International Studies)

    Le point de vue de l’Ukraine sur l’escalade dans la guerre moderne

    Benjamin Jensen et Adrian Bogart

    À L’AVENIR…

    • Il y aura d’autres crises comme celle de l’Ukraine qui attireront les grandes puissances, feront naître des risques d’escalade fondés sur la peur et l’incertitude et mettront à l’épreuve la viabilité de la dissuasion intégrée.
    • Plus un conflit comme celui de l’Ukraine durera, moins il sera susceptible de se limiter à un seul État.
    • La communauté de la sécurité nationale devra mettre au point des outils et des techniques pour évaluer la concurrence, les tendances à l’escalade et les attitudes à risque des dirigeants étrangers, en combinant d’anciens concepts issus de la psychologie politique et les nouvelles capacités offertes par la science des données et le traitement du langage naturel.

    D’après trois simulations de crise organisées fin mars 2022 avec des membres de groupes de réflexion, des planificateurs militaires et des membres du Congrès, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) aura probablement du mal à faire face à des vecteurs d’escalade presque certains de pousser la guerre actuelle en Ukraine au-delà des frontières du pays. Ce document présente les principales conclusions de ces simulations basées sur deux événements déclencheurs : (1) une frappe chirurgicale russe sur un centre logistique de l’OTAN utilisé pour fournir des armes à l’Ukraine dans le sud-est de la Pologne, et (2) l’utilisation par la Russie d’armes chimiques le long de la frontière polonaise alors qu’elle se mobilise simultanément pour menacer les pays baltes. Alors que le conflit franchissait un seuil clé et risquait de se transformer en guerre régionale, la plupart des participants ont constaté une tendance naturelle à l’escalade dans chaque scénario, malgré des attentes limitées quant à l’obtention d’une position d’avantage concurrentiel. L’analyse de la manière dont les individus et les équipes ont abordé la prise de décision permet de repenser les modèles d’escalade au XXIe siècle et de tirer parti des nouveaux concepts et capacités pour mieux soutenir la signalisation en cas de crise.

    La guerre de la Russie en Ukraine : les objectifs et les hypothèses du Kremlin (International Centre for Defence and Security)

    Ce dossier aborde les objectifs de guerre de la Russie. Ceux-ci ne se limitent pas à la destruction de l’État ukrainien, ni même de la nation ukrainienne, de sa culture et de sa langue, mais incluent la modification de l’architecture de sécurité de l’Europe en sapant l’OTAN et l’UE. Il évalue également dans quelle mesure les hypothèses de la Russie étaient justes et fausses, comme le prouve le cours des événements après le 24 février 2022. Il conclut que le régime de Vladimir Poutine a tendance à faire des erreurs de calcul et semble avoir un appétit pour les aventures futures.

    -L’ambition de la Russie ne se limite en aucun cas à l’anéantissement de l’Ukraine.
    -L’objectif à long terme de la Russie – la destruction de l’Ukraine – ne changera pas tant que Poutine restera au pouvoir.
    L’objectif indéniable de Poutine est un Occident incapable de se mobiliser de manière solidaire pour défendre l’Ukraine et, en fin de compte, lui-même.
    -La Russie s’est montrée efficace pour exploiter les opportunités, mais incapable de tirer les leçons du passé.

    La guerre Russie-Ukraine à trois mois (Brookings)
    L’auteur examine les différents développements et note que l’issue souhaitée de cette guerre serait que les Ukrainiens forcent la Russie à se retirer ou, au minimum, que Moscou accepte un règlement négocié dans des conditions acceptables pour Kiev. Faire en sorte que l’agression russe échoue et que l’Ukraine obtienne l’un de ces résultats devrait être l’un des principaux objectifs de l’Occident.

    (Suivra)

    #Ukraine #Russie #Europe #OTAN #Guerre #EtatsUnis