Étiquette : wahhabisme

  • Terrorisme islamiste et services de renseignement : l’effet « boomerang »

    Etiquettes : Tunisie, terrorisme, wahhabisme, Arabie Saoudite,

    Le problème avec la création d’un monstre est que la créature monstrueuse peut se retourner contre son créateur. Quelque chose de similaire se produit lorsque des créatures monstrueuses (groupes terroristes) se retournent contre leurs créateurs (services secrets). Un analyste algérien pénétrant, Mustafa Hammush, appelle cela l’effet « boomerang ».

    Dans le journal algérien « Liberté » (le journal francophone le plus lu dans ce pays) Mustafa Hammush publie ses analyses toujours intéressantes. Si l’Espagne s’intéressait vraiment à l’Afrique du Nord, ses articles seraient traduits et publiés par les journaux espagnols les plus prestigieux. Mais ce qu’il y a en Espagne n’est pas un véritable intérêt à connaître la vérité de cette région voisine. Les personnes en deuil qui se plaignent que nous connaissons peu cette région sont précisément celles qui s’efforcent le plus de transmettre une image préfabriquée à la consommation occidentale.

    Mustafá Hammush a publié le lundi 19 octobre dans le journal Liberté un article qui met en exergue la relation entre le terrorisme et les services de renseignement. Voici son texte:

    ***********
    Boomerang

    Par : Mustafa Hammush

    Alors que le pouvoir au Pakistan se résigne enfin à lancer une guerre offensive contre le bastion imprenable des talibans, l’Iran subit, pour la deuxième fois en un an, une attaque majeure. En raison de la qualité politique des victimes, il s’agit de l’un des attentats terroristes les plus meurtriers que la République islamique ait subis depuis sa création.
    Plus au sud, une guerre fait rage entre l’armée régulière et les tribus chiites affiliées au régime à Téhéran dans la région de Saada.

    LIRE AUSSI : Tunisie : Rached Ghannouchi convoqué par la justice

    L’Arabie saoudite subit régulièrement des attentats d’Al-Qaïda, dont l’un, le 27 août, a été dirigé contre son vice-ministre de l’Intérieur.

    Tous ces pays portent la responsabilité d’avoir initié le terrorisme islamiste avant de l’alimenter, idéologiquement, financièrement et militairement.

    En inondant le monde musulman de noyaux wahhabites, l’Arabie saoudite croyait propager, grâce à ce réseau, un environnement doctrinal qui légitimerait son régime despotique et archaïque sur une base panislamique.
    L’Iran, après la révolution islamique, s’est consacré à exporter son modèle en terre d’islam pour étendre son influence aux dépens des régimes et idéologies wahhabites et baathistes.

    On peut dire, en gros, que tous les régimes arabes, à l’exception peut-être de la Tunisie, ont tenté d’intégrer l’islamisme dans la formulation de leur identité politique. Ainsi, tous les despotes croyaient avoir donné suffisamment de signes de religiosité pour être à l’abri de la révolution islamique. Mais, si nécessaire, ils étaient toujours prêts à ajouter une autre couche. La façon dont le parti FLN algérien, certes historiquement opposé à la laïcité et détourné de son « jihad anticolonial » pour atteindre des objectifs de pouvoir local, s’est barbu aux premiers symptômes d’hégémonie et aux premières manifestations de la brutalité du FIS illustre la volonté du régime algérien, par exemple, d’embrasser la nouvelle religion politique.

    LIRE AUSSI : Mali: des chefs terroristes tués, dont un franco-tunisien

    Ce qui précède équivaut à l’effet d’accueil et d’amplification quasi triomphal dont a bénéficié l’intégrisme par les puissances en place en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.
    L’Algérie, politiquement dépourvue de tout fondement doctrinal, et dont les dirigeants n’ont été animés que par la volonté de puissance, constitue le point faible du système géopolitique du monde musulman : elle a été naturellement choisie pour être la première révolution islamique armée à y être testée. Et il continue de payer l’acharnement du projet obscurantiste, largement soutenu de l’intérieur, mais tout aussi efficacement combattu par la résistance civile républicaine.

    Malgré ses divisions, ses contradictions et ses alliances malheureuses, l’islamisme a frappé un peu partout dans le monde. Aujourd’hui, il revient militairement à ses points de départ. Leurs bases (les frontières irano-pakistanaises, la frontière pakistano-afghane et les montagnes yéménites) sont devenues, comme par un effet boomerang, des champs de bataille.

    Après deux décennies de terrorisme islamiste, cette vérité peut être énoncée : quiconque l’a provoqué, soutenu ou dirigé, nul ne peut prétendre en être exempt. Y compris celui qui l’encourage, le soutient ou le guide.

    LIRE AUSSI : Algérie-Tunisie. Exemplaire

    MH
    musthammouche@yahoo.fr

    POST-SCRIPTUM
    Une fois ce texte publié, je lis un article intéressant de Jean-Louis Dufour , comme tous les siens, qui traite du Pakistan , où la thèse de Hammush sur la complicité de certains États (à travers leurs services secrets) avec des organisations terroristes :

    la politique d’exportation de la subversion semble avoir définitivement échoué. Les militants et miliciens islamistes que le Pakistan a longtemps soutenus, nourris et encadrés tentent maintenant de détruire la cohérence politique du Pakistan.

    #ArabieSaoudite#Terrorisme #Wahhabisme

  • Politique et religion (Edito d’El Watan)

    Les deux entretiennent depuis des siècles un mariage d’intérêt. Et le prince héritier saoudien, Mohammed Ben Salmane, ne fait que rajouter une date dans l’histoire de cette relation.

    En affirmant au monde qu’il n’y a pas d’écoles de pensée fixe ni de personne infaillible, l’homme fort de la monarchie décrète en effet la mutabilité de l’islam saoudien. Si l’Etat change, la religion change aussi, enseigne MBS.

    L’histoire des religions est meublée d’épisodes similaires. Toutes les puissances politiques ont employé la religion pour servir leurs desseins. La fin des colonialismes et l’avènement des économies pétrolières au milieu du siècle dernier ont favorisé la résurgence de l’idéologie islamiste. Mais c’est le wahhabisme, doctrine salafiste née à la fin du XVIIIe siècle d’une alliance entre la dynastie Al Saoud et la confrérie de Mohammed Abdelwahab, qui va s’imposer et s’exporter dans le Maghreb et le Moyen-Orient.

    Advertisements
    Pour asseoir son influence géostratégique, le royaume saoudien distribue, à partir des années 1980, des aides financières aux Etats, accueille des foules de jeunes avides d’endoctrinement et finance des guerres. Les imams prêchant à partir de La Mecque deviennent des superstars adulées et suivies à la lettre.

    Les chaînes satellitaires et internet sont des vecteurs exponentiels de propagande salafiste. Mais aujourd’hui, la maison-mère baisse le rideau. L’Etat rigoriste, qui pratique la lapidation des femmes et influence partout les mouvements islamistes, déclare obsolète la doctrine qu’il a fondée. Le contrat d’intérêt mutuel est ainsi rompu pour satisfaire les exigences de la conjoncture. Un contrat à durée déterminée réalisé sur les corps de millions de victimes collatérales. Et ça se résume à cela. Les utopistes de la «dawla islamya», royaume de Dieu sur Terre reçoivent une douche froide. En Algérie, les pratiquants de l’islam politique et les adeptes de la religion d’Etat doivent être déstabilisés par cette tournure. Ils devraient ruminer en tout cas la leçon saoudienne.

    Un pouvoir politique légitime et fort n’aurait pas attendu MBS pour mettre la religion à l’abri des calculs. Mais il est encore temps, et le basculement saoudien est une opportunité historique pour nous. Un moment favorable pour enclencher la «dé-wahhabisation» des universités islamiques et des mosquées, la dé-wahhabisation des programmes scolaires et des médias. On ne peut pas être plus royaliste que le roi.

    L’élite religieuse ainsi que l’élite universitaire et politique doivent aux Algériens de lancer le débat et faire leur autocritique après avoir suivi aveuglément une doctrine éphémère et servi les desseins importés, qui nous ont coûté des milliers de morts, la haine entre frères et l’hypothèque de l’avenir de notre nation. La leçon saoudienne nous enseigne qu’entre politique et religion, c’est toujours un marché de dupes.

    El Watan, 10 mai 2021

    Etiquettes : Arabie Saoudite, MBS, Mohamed Ben Salmane, wahhabisme, politique, religion, Islam, salafisme, chaînes satellitaires,