La mort de Mouammar Kadhafi sonne comme un soulagement pour beaucoup de monde. Après 9 500 sorties aériennes de l’Otan dont tout le monde aujourd’hui reconnaît que « l’alliance » a largement dépassé son mandat. Après plus de 6 000 cibles dont on espère qu’elles étaient véritablement militaires. Après de grandes quantités d’armes qui ont inondé la Libye[1] et qui pour certaines, sont tombées dans des mains peu respectueuses des droits de la personne. Après plus de 20 000 ? 30 000[2] morts ? La Libye vit-elle une « transition historique » comme l’annonce Ban ki Moon ?
Il est bien sûr trop tôt pour le dire mais on peut déjà facilement entendre comme un soupir de soulagement chez tout ceux qui l’ont soutenu. D’abord les sociétés d’armements qui lui avaient permis de régner en « Saigneurs » sur la Lybie. En France, la société française Amesys[3] a été l’une d’elle. Elle a non seulement vendu du matériel pour contrôler et réprimer les défenseurs libyens des droits de l’homme[4], mais aussi pour protéger Kadhafi en lui vendant une voiture furtive[5]. Nous les avons interrogé lors d’un entretien informel et leur réponse est : « nous avons suivi et respecté les procédures sur le contrôle des exportations du matériel de guerre en France » ce qui est sans doute la stricte et triste vérité. A la question de savoir s’ils ont réfléchi au fait que leur coopération avec le régime de Kadhafi ait pu faciliter l’arrestation et la torture de défenseurs des droits humains, la réponse est froide et limitée « l’usage de notre matériel n’est pas notre problème ! ».
Peut être que la guerre de Libye va aider les entreprises à avoir un comportement plus responsable vis à vis des droits humains. Car il y a une attitude pour le moins cynique d’un certain nombre d’entre elles, comme le cas d’Amesys, qui refuse de penser leur responsabilité dans l’usage du matériel exporté. Il y a une faille que la FIDH et la LDH vont peut être mettre en lumière[6], attendons ce qu’il en adviendra mais il est d’ores et déjà clair que les mailles du filet se resserrent sur ce type de culture d’entreprises irresponsables.
Enfin la Libye va être un cas d’école pour les gouvernements qui ont autorisé des exportations d’armes en Libye, pour analyser ce qu’ont été leurs évaluations des risques d’usages et de les rendre plus responsables. Il s’agira également de réfléchir sur une liste plus juste des matériels à contrôler pour prévenir de graves violations des droits de la personne.
Ces observations, à la lumière de la dramatique histoire libyenne, doivent guider positivement les négociations pour le futur traité sur le commerce des armes, il en va de la crédibilité de la communauté internationale. Les révoltes arabes nous le rappellent au quotidien, du Bahreïn, à la Syrie en passant par le Yémen, l’Egypte et la Tunisie. Le XXI° siècle sera celui des droits de l’homme indivisibles ou ne sera pas.
Benoît Muracciole
[1] voir le rapport d’Amnesty international » Arms transfers to the middle east and North Africa lessons for an effective Arms Trade Treaty »
http://www.amnesty.org/en/library/asset/ACT30/117/2011/en/049fdeee-66fe-4b13-a90e-6d7773d6a546/act301172011en.pdf
[2]Selon une estimation du ministre de la santé du CNT Naji Barakat : http://www.nytimes.com/2011/09/17/world/africa/skirmishes-flare-around-qaddafi-strongholds.html?pagewanted=1&sq=how%20many%20death%20in%20libya%20war&st=cse&scp=3
[3]La FIDH et la LDH ont déposé ce jour une plainte contre X avec constitution de partie civile auprès du Tribunal de grande instance de Paris mettant en cause la société Amesys, filiale de Bull, pour complicité d’actes de torture en Libye. La société Amesys, par cet vente de matériel de contrôle des communications, pourrait avoir été en contravention de l’article 226-3 du code Pénal :
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?cidTexte=LEGITEXT000006070719&idArticle=LEGIARTI000006417931&dateTexte=vig
[4] voir blog précédent : https://armerdesarmer.wordpress.com/2011/09/06/quelles-etaient-les-relations-des-pays-occidentaux-avec-le-regime-de-kadhafi/ et
http://online.wsj.com/article/SB10001424053111904199404576538721260166388.html?KEYWORDS=amesys+gadhafi+
[5] Il serait intéressant de voir jusqu’où la société Amesys a laissé cette « furtivité » fonctionner.
[6] Voir https://armerdesarmer.wordpress.com/2011/10/14/la-semaine-des-bb-plaide-pour-un-traite-sur-le-commerce-des-armes/ responsablité des Etats qui ont ratifié le Convention contre la torture.
Armer Désarmer, 20 oct 2011
Etiquettes : Kadhafi, Occidental, Libye, OTAN, Amesys, Nexa technologies, commerce des armes, espionnage,
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