Bien que les élections législatives se soient déroulées dans des conditions plus au moins correctes, les résultats mais surtout le taux de participation laissent trop à désirer en termes de crédibilité politique et de légitimité populaire. De fait, avec un taux de participation historiquement bas de 23%, la prochaine assemblée populaire nationale est d’ores et déjà «mal élue» d’autant plus qu’elle sera dominée comme la précédente par les ex -partis formant l’alliance présidentielle sous Bouteflika. Le président Tebboune gagnerait donc à tenter de combler ce cap entre le peuple et cette institution et plus généralement l’Etat, à travers des décisions et des signaux qui vont dans le sens de l’apaisement.
Dans ce contexte de démoralisation, il va falloir en effet montrer la volonté de l’État de corriger le tir pour amener un peuple qui a majoritairement tourné le dos au spectacle du 12 juin, à croire que les choses peuvent changer et que leur cri a été entendu. A commencer par la nomination d’un Premier ministre compétent et consensuel. C’est tellement important de choisir un homme qui jouit du respect d’une bonne partie de la classe politique et des observateurs en raison de sa compétence, sa probité et son passé. Il y a sûrement une belle brochette de personnalités nationales non partisanes qui pourraient servir à redonner espoir aux Algériens loin du discours ampoulé et des professions de foi habituelles.
Vu sous cet angle, le président Tebboune ne devrait pas reconduire Abdelaziz Djerad dont le bilan au palais du Dr Saadane ne restera pas dans les annales algériennes comme l’un des plus brillants, loin s’en faut. L’homme avait entamé son magistère par la pénurie des fonds dans les bureaux de poste et des feux de forêts, et l’a terminé par une redoutable pénurie d’eau. Chemin faisant, on a vécu une tension sur l’huile, les carburants et le lait. Pas de quoi pavoiser en termes de gestion et d’anticipation. Souvent, et à court d’arguments, Abdelaziz Djerad brandissait la bonne vieille recette du «complot» pour justifier l’incapacité de son gouvernement à prendre en charge les préoccupations des Algériens.
Passons sur la gestion à tâtons de la crise sanitaire et la fermeture à double tour des frontières à la face de nos ressortissants à l’étranger auxquels sont imposées des conditions d’entrée absolument incroyables. La logique et le bilan plaident donc pour la nomination d’un nouveau Premier ministre qui soit un «politique» et non point un fonctionnaire qui ne saisit pas l’impact politique de certaines décisions non réfléchies. Aussi, et malgré le fait que le président doive puiser des ministres parmi les partis ayant gagné les législatives, le choix devrait porter sur des profils politique et éviter des personnes connues pour leur populisme qui ne cadre plus avec la situation intenable dans plusieurs secteurs.
Le fait est que le gouvernement Djerad s’en est allé sans même présenter un bilan. Mais quel bilan tirer de la gestion d’une équipe productrice de polémiques et de décisions irréfléchies (importation de véhicules usagés, gestion du confinement, coupures d’internet durant le BAC contrairement à la promesse du président…). En un mot, le prochain gouvernement n’a plus le droit à l’erreur tant la tension est à son paroxysme dans la société. Il va sans dire que la poursuite des arrestations et les emprisonnements dans le contexte actuel sont une mauvaise politique qui élargit un peu plus le fossé entre l’Etat et une bonne partie du peuple.
Ce sont là autant de signaux positifs que le prochain gouvernement pourra donner pour détendre quelque peu l’atmosphère, à travers le choix des hommes et des femmes. Attendons pour voir.
Imane B.
L’Est Républicain, 27/06/2021
Etiquettes : Algérie, gouvernement, Abdelaziz Djerad,
Soyez le premier à commenter