Par Mohamed Kouini
Que faut-il retenir de l’annonce ce mercredi par la Présidence de la République du nouveau gouvernement? Alors qu’elle était prévue mardi , l’annonce ne comporte que peu de surprises, ne chamboule guère les équilibres et maintient les grandes tendances. Souci de stabilité ou recherche d’efficacité, ce cabinet dévoile cependant une nette volonté de dépasser la crise politique, sociale et économique actuelle.
A première vue, cinq points importants se dégagent d’emblée de ce gouvernement qu’on voulait new-look. D’abord, le Premier ministre Aymen Benabderrahmane cumule aussi le poste de ministre des Finances, ce qui est déjà une première dans la tradition gouvernementale algérienne. Selon des sources, ce cumul sera de courte durée, au moins deux à trois mois, jusqu’à la nomination d’un nouveau ministre, en raison des chantiers déjà avancés comme la loi de Finances complémentaire 2021 et des projets de réforme lancés par le Premier ministre.
Ensuite, il faudra retenir le maintien par le Président de la République, Abdelmadjid Tebboune de son poste de ministre de la Défense, alors que certains s’attendaient à une nomination d’un vice-ministre dans ce secteur.
Néanmoins, le fait saillant dans la formation de ce gouvernement est le retour surprise de Ramtane Lamamra au poste de ministre des Affaires étrangères et de la Communauté algérienne à l’étranger. Le diplomate avait été pressenti plusieurs fois au poste de Premier Ministre, voire même de candidat à la magistrature suprême.
Pour rappel, le dernier poste de Lamamra en 2019 aura été de courte durée, une vingtaine de jours, un record. Il fut nommé vice-premier ministre dans le gouvernement de Bedoui et ministre des Affaires étrangères. Sa nomination est intervenu en plein hirak, au troisième vendredi de manifestations populaires ( le 13 mars), au moment ou des millions d’Algériens exigeaient l’annulation du cinquième mandat de Abdelaziz Bouteflika. La mission de Lamamra à l’époque était d’expliquer aux principaux partenaires étrangers le pourquoi d’une période de transition d’un an que Bouteflika avait dévoilé. En quelques jours, Lamamra a accompli à l’étranger une tournée au pas de charge, plaidant surtout pour la tenue d’une “conférence nationale”, chargée des réformes institutionnelles et une révision constitutionnelle. Il sera limogée juste après la démission de Bouteflika un 2 avril 2019.
L’autre fait à noter est le limogeage de Belkacem Zeghmati, désormais ex ministre de la Justice. L’homme était contesté à plusieurs reprises pour sa gestion des affaires des détenus du hirak, ainsi que pour les procès à tour de bras à l’encontre de manifestants ou de journalistes. Etonnamment, Zeghmati savait qu’il allait partir depuis plusieurs semaines, voire l’an dernier au premier remaniement de juin 2020. Mais, cela n’a pas eu lieu pour différentes raisons. Il vient enfin d’être remplacé par un certain Abdelrachid Tebbi.
D’autre part, il faut souligner que le cercle restreint formé des proches de Tebboune n’a pas été touché, comme le ministre de l’Intérieur Kamel Beldjoud et celui de l’Habitat Mohamed Tarek Belabidi.
Plusieurs d’autres ministres sont maintenus parmi lesquels, Kamel Rezig (Commerce), Abderrahmane Benbouzid (Santé), Lotfi Benbahmed (Industrie pharmaceutique), Ammar Belhimer (Communication), Mohamed Arkab (Énergie et mines), Kaouther Krikou ( Solidarité), ainsi que des ministres délégués. Belhimer toutefois, perd son rôle de porte- parole du gouvernement.
Sur un autre registre, il convient de retenir que les partis politiques sortis vainqueurs des législatives anticipées du 12 juin dernier n’ont pas été servis. Juste quelques départements symboliques sans grande portée économique ou sociale. Le FLN qui revendiquait une belle brochette de ministres a été finalement rabroué, se contentant de miettes.
Il est bien clair que cet exécutif ne sera point partisan ou politique, mais plutôt technocratique, engagé dans un processus délicat de réformes et de révisions déchirantes dans plusieurs domaines.
Subissant les contrecoups socio-économiques de la crise sanitaire et des menaces sécuritaires régionales et géostratégiques, qui s’amplifient davantage, le pays se trouve également confronté à d’autres défis majeurs, comme l’inflation, le chômage endémique, la baisse du pouvoir d’achat des ménages, la dépréciation de la monnaie nationale, le ralentissement de la croissance, insuffisance dans les investissements étrangers directs. D’autres crises se sont grevées dans cette conjoncture, comme le stress hydrique et ses effets sociaux, ainsi que les tensions sociales ( grèves à répétition des travailleurs de l’éducation, de la santé ou des Collectivités locales).
Le Jeune Indépendant, 07/07/2021
Etiquettes : Algérie, gouvernement, crise politique, crise économique, crise sociale,
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