Selon les données du projet Pegasus, le Royaume du Maroc est, après le gouvernement d’Enrique Peña Nieto, le deuxième plus grand utilisateur du logiciel espion. Les services de renseignement du roi Mohammed VI ont massivement sélectionné les noms de militants, de journalistes et d’opposants politiques dans leur plateforme Pegasus.
Ainsi, le Royaume a sélectionné plus de 20 fois en trois mois – de février à avril de cette année – le numéro de téléphone de Hicham Mansouri, un journaliste qui est en asile en France depuis 2016, après avoir subi un lourd harcèlement juridique et physique, et passé 10 mois dans une prison de Casablanca. Bien qu’il ait quitté son pays depuis cinq ans, l’homme reste une cible d’espionnage pour le gouvernement qui l’a envoyé en prison.
« Tout régime autoritaire voit le danger de tous les côtés. Nous ne nous considérons pas comme dangereux, parce que nous faisons des choses qui, à notre avis, sont légitimes, et nous savons que c’est notre droit, mais pour eux, c’est dangereux », explique le journaliste à Forbidden Stories.
Les données du projet Pegasus montrent qu’au moins 35 journalistes basés dans quatre pays ont été ciblés par le gouvernement marocain par le biais de Pegasus. Parallèlement, de nombreux journalistes marocains ont été arrêtés – trois victimes de Pegasus, Taoufik Bouchrine, Soulaimane Raïssouni et Omar Radi, sont actuellement en prison – mais aussi diffamés ou autrement visés par les services de renseignement du roi, qui ont récemment adopté la stratégie consistant à les accuser de délits sexuels ou d’espionnage.
« Il y avait de la place pour la liberté d’expression au Maroc il y a 15 ans, mais il n’y en a plus. C’est fini. Tous les médias indépendants sont morts », déplore Ahmed Benchemsi, porte-parole de Human Rights Watch pour le Moyen-Orient.
Mais les journalistes marocains ne sont pas les seules cibles de l’espionnage gouvernemental : plusieurs journalistes français célèbres ont été attaqués par Pégasus depuis le Maroc, notamment Edwy Plenel, ancien rédacteur en chef du quotidien Le Monde et fondateur du journal d’investigation en ligne Mediapart, dont le téléphone portable a été mis sur écoute alors qu’il participait à un congrès culturel au Maroc, où il a critiqué la répression des manifestations dans la région du Rif.
« Je connais beaucoup de journalistes qui se battent pour une presse libre au Maroc », a déclaré Plenel à Forbidden Stories, ajoutant : « Alors quand j’ai entendu parler de l’espionnage, cela m’a paru logique (…) c’était un cheval de Troie pour espionner nos collègues marocains ».
En plus de Plenel, le gouvernement marocain a tenté – et souvent réussi – à mettre sur écoute des journalistes travaillant pour des médias français de premier plan, tels que Le Monde, France Télévisions – la chaîne de télévision publique française -, Le Canard Enchaîné, Le Figaro ou l’agence AFP ; plusieurs de ces collègues avaient enquêté sur les services de renseignement marocains, ou écrit sur les droits sexuels ou les mouvements d’opposition.
« Dans d’autres cas, la logique des services de renseignement marocains semble étrange : la journaliste du Monde dont le téléphone a été attaqué et infecté ne travaille sur aucun sujet lié de près ou de loin au Maroc, de même que d’autres journalistes dont les numéros ont été sélectionnés par le client marocain de NSO Group ; il est possible qu’ils aient été attaqués principalement pour accéder à leurs annuaires, et ainsi obtenir les numéros d’autres cibles », note Le Monde, qui a également participé au projet Pegasus.
Le gouvernement français, va-t-il réagir face à ces attentats contre la vie privée et professionnelle de ses citoyens par un pays étrenger?
Etiquettes : Maroc, logiciels espions, spyware, Pegasus, journalistes,
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