1) « Au commencement était un tweet »
Courant décembre dernier, un tweet du président sortant, Donald Trump, annonçait la reconnaissance d’une prétendue souveraineté du Maroc sur le Sahara Occidental en échange de la normalisation du royaume avec l’entité sioniste.
Les réactions ne se firent pas attendre. A commencer par la 1ère puissance européenne.
L’Allemagne avait, par la voix de son ambassadeur à l’ONU, Christoph Heusgen, déclaré son attachement à une solution conforme aux dispositions du conseil de sécurité et aux intérêts de toutes les parties de la région.
Il y a peu, l’Espagne boudait l’exercice de l’OTAN, African Lions, qui se déroulait à nos frontières, au motif que certaines opérations incluaient des territoires du Sahara Occidental occupé. Ce qui, toutefois, fut formellement démenti par la partie américaine.
Nous laisserons, au passage, à l’appréciation du lecteur, les réels objectifs de ces exercices, dont il en aura également un aperçu dans sa version orientale en Mer Noire.
Pourquoi donc, sont-ce précisément les voix de ces 2 membres de l’UE qui se sont élevées et qui ont exprimé leur plus vive opposition ? Et pourquoi leur position vis à vis de la question sahraoui tend-elle à converger avec celle de l’Algérie?
2) Comme une odeur de gaz
Faut-il considérer comme l’effet d’un pur hasard le choix de l’Allemagne comme destination du président Tebboune pour des soins suite à sa contamination au covid ?
N’y a-t-il été en effet question que bilans de santé du président et n’en a-t-on pas profité pour discuter d’autres diagnostics ? Gardons un instant à l’esprit l’orientation stratégique de l’Allemagne vers l’hydrogène issu du gaz naturel comme principale source d’énergie.
Autre fait remarquable, le rôle de premier plan joué par l’Algérie dans le dossier libyen à la conférence de Berlin et à laquelle le Maroc avait été royalement ignoré.
Quant au Mali, où l’accord d’Alger est à la base de toutes discussions pour parvenir à une paix durable, le rôle central de l’Algérie n’est plus à démontrer. A noter l’immense potentiel gazier découvert dans le nord du pays en 2010, soit peu avant l’arrivée de « jihadistes » en 2011…dans le nord du pays.
Pour ce qui est de l’Espagne, 1er client du gaz algérien, il n’est fait secret pour personne de leur étroite relation dans ce domaine avec notre pays. De même, du reste, que l’Italie.
Suite à l’affaire Pegasus, la réaction de la France, confinée dans un silence gêné jusqu’ici, traduit un mouvement d’humeur vis à vis de son protectorat et sans doute sonne comme un rappel à l’ordre dans ce qui lui semble une volonté ou du moins une tentative de lui échapper pour les faveurs d’un autre protecteur.
Nous évoquerons au passage la découverte d’un important gisement offshore que partagent l’Algérie et la Tunisie. Cette dernière est également partie de la stratégie énergétique européenne, ne serait-ce qu’au regard des gazoducs passant par son territoire.
Ce qui explique sans doute les problèmes politiques, sociaux et économiques qu’elle rencontre.
Ainsi pour résumer, l’on pourra faire le constat suivant qui se vérifiera infailliblement : les troubles, les conflits que connaissent tous les pays déstabilisés ont la fâcheuse manie de surgir aussitôt que l’on découvre des réserves de pétrole ou de gaz.
3) Le Nigal
D’aucuns s’étonnent des gesticulations intempestives du makhzen, qu’ils jugent désordonnées, absurdes.
Ils considèrent le tweet de Trump comme une initiative personnelle, en somme une énième bourde d’un « illuminé » ignorant des usages diplomatiques.
Or il nous semble que ce fameux tweet n’est en réalité que l’affirmation, la divulgation au grand jour de la guerre du gaz que livre l’Uncle Sam (ou plutôt la faction actuellement aux commandes de l’état profond) aux pays producteurs pour imposer son monopole dans la distribution de cette énergie.
Nous en avons vu les effets dans le conflit syrien où se sont opposés 2 projets de gazoducs rivaux, l’un porté par l’Iran et l’autre soutenu par le Qatar et l’OTAN. Bachar eut le tort, selon les impérialistes atlantistes, de privilégier la solution iranienne.
Les faucons étasuniens semblent projeter 2 scénarii pour le cas algérien :
– soit une redite de la guerre Iran-Irak, avec pour protagonistes l’Algérie et le Maroc. L’armement octroyé par le pentagone à ce dernier a drastiquement augmenté dernièrement.
– soit une répétition de la guerre civile syrienne.
Ainsi, se dessine aux portes de l’Algérie, qui se trouve au cœur de cet enjeu géostratégique dans cette partie du monde, une configuration similaire au cas syrien : deux projets de gazoduc antagonistes. L’un prévu de longue date, le Nigal, livrant à l’Europe le gaz du Golfe de Guinée (riche en gaz mais connaissant une instabilité du fait notamment de l’intervention des puissances étrangères) et passant par le Niger et l’Algérie et le second longeant et traversant une dizaine de pays africains par la côte ouest dont le Maroc pour alimenter l’UE.
Le Maroc, dans la vision du Pentagone, est un pion destiné à renforcer la suprématie étasunienne. Grisé de s’entendre promu au rang « d’allié stratégique » et flatté de se voir intégré dans ce plan américano-sioniste de domination mondiale, il croit avoir acquis un « totem d’immunité » dans ce jeu des grandes puissances.
Il ose désormais afficher officiellement des positions et des déclarations allant à l’encontre des principes des nations unies, et de sa propre population, allant jusqu’à blesser ses sentiments religieux. Il se sent donc libre de faire publiquement son coming-out.
Que le royaume prenne garde toutefois de ne pas oublier le sort réservé par l’oncle Sam à ses « alliés » ou « amis » d’un moment et le peu de cas qu’il accorde à ses pactes et à ses accords au gré de ses intérêts. Le cas de Sadam Hussein, pour ne prendre que celui-ci, en est à cet égard un exemple édifiant.
4) L’Histoire se répète-t-elle sous nos yeux ?
Bon nombre d’analystes s’inquiètent des multiples tensions et conflits de par le monde, qui n’attendent qu’une étincelle pour finir en conflagration mondiale.
Et le contexte actuel n’est pas sans rappeler la situation qui prévalait à la veille de la 1ère guerre mondiale, dont l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand a constitué le détonateur.
C’est ainsi que l’Allemagne et la Turquie (l’Empire Ottoman en ce temps) conclurent un accord pour la construction d’une ligne de chemin de fer Berlin-Baghdad (le fameux Bagdadbahn) financé par la Deutsche Bank et dont le tracé coïncidait avec les champs pétroliers de la région.
Ainsi le gouvernement allemand, s’étant auparavant immiscé dans le capital de la Turkish Petroleum Company en acquérant 24% des parts, entrait de facto en conflit avec la France et l’Angleterre dans une région qui constituait leur sphère d’influence.
L’Empire Ottoman céda un moment à la suite de pressions exercées par l’Angleterre qui envoya des bâtiments de guerre au large de la Turquie, plaçant cette dernière sous la menace de leurs bombardements (manœuvred’une extrême gravité qui constituait en soi une déclaration de guerre).
Les travaux reprirent toutefois, ce qui déclencha, nous en sommes convaincus, la 1ère guerre mondiale, qui opposait les principaux protagonistes avec d’un côté le tandem franco-anglais et de l’autre l’alliance turco-allemande.
Plus près de nous, la crise de Tanger en 1905 et d’Agadir en 1911 avaient cristallisé les tensions entre puissances impérialistes (France, Espagne, GB et Allemagne) dans cette partie de la région, objet de convoitises. Puis durant la 2ème guerre mondiale, les troupes américaines débarquaient à Casablanca et Marrakech entre autres pour prendre à revers et en étau les forces de l’axe. Ils décident d’y demeurer encore pour « endiguer l’expansion soviétique ».
Aujourd’hui, se retrouvent à nos portes quasiment les mêmes acteurs avec les mêmes objectifs : le contrôle du gaz et de sa distribution.
5) Quelle perspective pour l’Algérie ?
Une situation qui semble à priori menaçante pourrait toutefois constituer une opportunité pour l’Algérie.
Ainsi de par sa position géographique privilégiée, ses infrastructures gazières existantes, l’Algérie est à même de s’imposer naturellement comme le partenaire logique et évident de la stratégie énergétique européenne.
Par ailleurs sa neutralité et son attachement au principe de non-ingérencedans les affaires internes, maintes fois (ré)affirmés, privilégiant les solutions politiques, diplomatiques et économiques en font un pays exportateur de paix dans la région et un acteur crédible et sûr, dont la constance ne s’est jamais démentie au cours de son histoire.
En outre les principaux partenaires européens sont conscients de la non viabilité, de l’inefficience du Gazoduc ouest-africain, qui, plus est, contribuerait à accroître la domination et l’emprise des USA dans un secteur vital comme celui de l’énergie.
Les Européens qui sont déjà sous la coupe des USA dans le domaine militaire via l’OTAN, voient en effet d’un mauvais œil l’étau étasunien se resserrer autour d’eux au prétexte de la lutte contre l’ogre russe et le dragon chinois, notamment dans le blocage du projet Northstream et en Afrique du Nord dans le verrouillage et le sabotage du projet Nigal. Nous suggérons à l’occasion l’idée de participer au Northstream car ce dernier aboutira vu son importance pour la patience européenne, en premier chef l’Allemagne qui ne ménagera aucun effort pour que ce projet aboutisse.
L’Europe a donc, on le voit, tout intérêt à s’associer à l’Algérie pour sa sécurité énergétique, un pays reconnu comme un médiateur crédible, susceptible non seulement de prévenir une 3ème guerre mondiale qui gronde à nos portes mais également de contribuer à l’avènement d’un monde apaisé, inaugurant un nouvel âge d’or des relations internationales.
Miloud Boumaza
La Patrie News, 02/08/2021
Etiquettes : Algérie, Maroc, Sahara Occidental, Pegasus, espionnage, Etats-Unis, Union Européenne, UE, Allemagne, gaz, OTAN,
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