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En dépit de quelques opérations de plâtrages et de ravalement de façades, la capitale qui possède, pourtant, un inestimable patrimoine immobilier se dégrade. La cité est, d’autre part, mal habitée et mal utilisée.
Le centre-ville d’Alger n’a plus rien à voir avec celui d’une capitale. Avec ses trottoirs dépareillés et, par plusieurs endroits, défoncés, ses magasins dans la plupart des cas poussiéreux ou mal agencés, ses cafés en majorité mal entretenus, Alger ressemble de plus en plus à un capharnaüm qu’à une cité aux beaux atours. Pourtant, que ce soit la Médina, appelée passivement et par mimétisme la Casbah, ou la ville européenne construite par la colonisation, la métropole possède un tissu urbain des plus luxuriants. En mille ans d’existence en tant que grande agglomération méditerranéenne, Alger a su harmoniser des styles architecturaux hétérogènes pour les faire coexister dans un mode unique.
Si la Casbah, qui est aujourd’hui menacée de ruine, a préservé pendant dix siècles, tel un musée à ciel ouvert, l’art de construire mauresque enrichi, plus tard, par des influences andalouses, Alger des XIXe et XXe siècles est un maelstrom créé par une multitude d’écoles suivant les évolutions du temps. On y trouve du classique, du néo-classique, de l’art-déco, du néo-mauresque, du moderne ainsi que d’autres audaces architectoniques.
Mais qu’en reste-il aujourd’hui ? Bien que les bâtiments soient toujours là, résistant au temps, leur état ne cesse de se dégrader en dépit de quelques coûteuses opérations de plâtrage et de ravalement de façade. Ce qui lui est, toutefois, plus dommageable que l’usure c’est la manière dont on l’habite et l’utilise.
La rue Hassiba Ben Bouali par exemple, l’une des plus longues artères de la ville, débute à par un tronçon très commerçant qui va du boulevard Amirouche à la place du Premier mai. Ce bazar long de quelques centaines de mètres réunit une population d’acheteurs appauvris qui guettent les bonnes occasions dans des magasins de vêtements contrefaits, dans des friperies et se nourrissent de pizzas au fromage industriel pour en contrepartie d’une poignée de dinars dévalués. La rue attire aussi une faune de vendeurs à la sauvette, en majorité jeunes, affichant parfois une attitude inquiétante. Vêtus de tenues de sport de marque, les cheveux traités à la kératine et coupés à la manière de guerriers tribaux, ils proposent, imposent presque, une panoplie d’objets en toc ou des parfums de mauvais aloi.
Sans gêne ni retenue
Tout le temps en train de négocier bruyamment entre eux, de s’interpeller à voix haute de part et d’autre de la rue créant ainsi un bain sonore des plus désagréables. Sans gêne ni retenue, ils coupent le chemin aux passants pour les asperger d’eau de toilette de bas de gamme ou pour leur mettre sous le nez un tas de bimbeloteries.
Les magasins ayant pignon sur rue sont, eux aussi, adeptes de la manière forte, parfois agressive. En plus de faire leur réclame sur des affichettes format A4 tirées sur des imprimantes, ils haranguent, pour certains, les clients en pleine rue, n’hésitent pas à sortir leurs mannequins dans la rue et à établir une relation de ruse avec la clientèle.
Parfois des bagarres éclatent entre les marchands installés et les jeunes loups de l’informel qui harcèlent, chassent littéralement, les éventuels acheteurs les détournant ainsi des boutiques. Hassiba Ben Bouali est un ring où se battent, avec férocité, des intérêts contradictoires sans régulation, sans contrôles et sans bénéfices pour les caisses de l’Etat. La majeure partie des marchandises, de qualité médiocre, qui s’y écoulent sont produits dans des ateliers asiatiques ou turcs et revendus sans aucune déclaration.
Hier, comme avant-hier, un important dispositif policier était déployé dans la capitale mais, contrairement aux souhaits de ses habitants, il n’avait pas pour mission de lutter contre ces trafics ou contre la petite délinquance de plus en plus visible et à l’œuvre contre les citoyens. Selon la Direction générale de la Sûreté nationale, cette descente avait pour objectif la sécurisation du Métro dont l’activité reprendra aujourd’hui. Ce plan prévoit « la mobilisation de formations sécuritaires fixes et mobiles, comportant 300 policiers formées répartis sur toute la ligne du Métro y compris les entrées et sorties et dotés des différentes techniques modernes à même de faciliter le contrôle et la sécurisation », a expliqué la DGSN.
A rappeler que le marché de Hassiba se trouve tout près du commissariat central d’Alger et du siège de la Bourse dont la façade est si sale qu’elle peut tout inspirer sauf la prospérité. L’avenue présente ainsi un échantillon du climat des affaires en Algérie ; un climat favorable au clandestin, au frauduleux, et toxique aux activités qui respectent la législation.
Mohamed Badaoui
La Nation, 07/10/2021
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