Métier de journaliste : L’accès à l’information, un frein. En Algérie, journalisme n’est pas un métier aisé au vu des blocages qu’il rencontre durant sa quête de l’information
Le journalisme n’est pas un métier aisé. Sa mission étant d’informer le public sur les différentes questions qui l’intéressent, le journaliste est limité au vu des blocages qu’il rencontre durant sa quête de l’information. Et pourtant la Constitution de 2020, dans son article 54, «le droit des journalistes d’accéder aux sources d’information dans le respect de la loi». Mais certains hauts responsables dans l’administration et le secteur économique ne l’entendent pas de cette oreille. Ce problème qui relève, selon Nadia, journaliste dans la presse écrite publique, de la centralisation et la concentration de l’information. «A mon humble avis, les ministères et les directions centrales sont peu renseignés sur les problèmes que vivent les régions éloignées de la capitale.
Les responsables locaux sont les mieux placés pour en parler. Mais ces derniers vous renvoient aux responsables centraux ou de demander une autorisation pour lui permettre d’aborder un sujet économique ou social», regrette notre interlocutrice, qui a à son actif plus de 20 ans de métier. Pour y remédier, des cellules de communication sont installées pour servir de trait d’union entre les médias et les ministèreset les institutions. «Leur marge de manœuvre est limitée. Certaines ne connaissent même pas le directeur du département apte à répondre à nos questions», soutient Sihem, journaliste dans l’audiovisuel. En outre, des cadres et dirigeants d’entreprise ou administrateurs de différentes institutions et organismes de l’Etat insistent sur le fait de ne pas dévoiler leur identité ou statut pour se protéger d’éventuelles représailles.
«Certains dirigeants n’assument pas leurs responsabilités et ne veulent pas être cités même dans un thème banal comme par exemple la perturbation dans l’AEP. Cela ne concerne pas la sécurité de l’Etat ou la cohésion nationale. Je trouve cela ridicule. Comment voulez-vous que l’opinion publique sache ce qui se passe et adhère aux dispositions prises par les pouvoirs publics ?», s’interroge-t-elle.
«La majorité des journalistes savent que leur travail s’arrête quand il porte atteinte aux institutions et à la vie privée. Cependant, les responsables, tous secteurs confondus, n’ont pas lu la Constitution. C’est dommage, car cela restreint notre accès à l’information», ajoute Sihem. Du coup, l’accès à l’information institutionnelle relève presque de l’impossible. «Il nous reste que les communiqués et les conférences de presse», se désole Nadia. D’autres difficultés empêchent les journalistes de faire leur travail dans des conditions favorables telles que le manque de l’outil numérique et de nouveaux appareils qui facilitent la production de reportages, documentaires ou vidéos.
«L’accès aux nouvelles technologies de l’information est limité. Les entreprises médiatiques n’investissent pas dans le renouvellement ou l’acquisition de matériel sophistiqué. Des PC des années 2000 sont toujours opérationnels dans les rédactions. Il y a aussi la couverture restreinte du territoire. La majorité de nos missions sont concentrées dans la capitale ou sa périphérie», fait remarquer Fathi, webmaster dans un journal électronique.
Riad Houili, secrétaire général du Syndicat des éditeurs de l’information :Les lois de la République sont claires
Le thème retenu pour la septième édition du Prix du président de la République du journaliste professionnel est «Les médias entre la liberté et la responsabilité». Pour Riad Houili, secrétaire général du Syndicat des éditeurs de l’information agréé le 8 septembre dernier, liberté et responsabilité sont deux concepts indissociables.
«En ce sens, la problématique est toute simple : est-ce que la liberté a des limites ou non ? De par l’histoire, pour ne prendre que ce facteur comme référence, une liberté débridée engendre fatalement l’effet inverse de ce qui est escompté. Elle génère en effet la hogra et l’arbitraire», soutient Riad Houili. A l’en croire, une liberté, dans son acception la plus large, qui n’est pas encadrée par la loi, engendre le chaos. «Pour schématiser, ma liberté s’arrête là où commence celle des autres. Ce concept est d’autant plus valable, lorsqu’il s’agit de la liberté d’expression. La liberté d’expression dans la presse doit s’exercer donc avec responsabilité et doit évoluer dans un cadre juridique dont les règles sont claires et ne doivent aucunement prêter à équivoque», conditionne-t-il. Et d’ajouter : «Il est des voix qui s’élèvent pour dénoncer et soutenir que les libertés d’expression et de la presse sont inexistantes chez nous. A cette allégation, je réponds par une interrogation : qui vous interdit de vous exprimer ? Les lois de la République sont claires sur ce point. Outre la Constitution, des lois organiques en vigueur garantissent son exercice.» Selon lui, parmi les adeptes de cette thèse, on distingue deux camps. «Ceux dont les intérêts sont chevillés à des lobbys et des forces d’inertie, et ceux qui usent et abusent d’une liberté sélective, dans le sens où ils s’attaquent, critiquent, voire invectivent tout le monde, même le président de la République, mais en contrepartie, ils ne soufflent aucun mot ou la moindre critique sur ceux qui les financent», fait-il remarquer.
Horizons, 23/10/2021
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