Les deux camions étaient à l’arrêt, vides et stationnés – Les victimes sont des civils algériens qui ont été visés par un drone du Maroc
Les ressortissants algériens lâchement assassinés étaient des camionneurs. Ils travaillaient comme chauffeurs de camions de transport de marchandises algériennes vers la Mauritanie, via le poste frontalier de Tindouf. L’axe commercial entre Ouargla et la capitale mauritanienne Nouakchott connaît une dynamique considérable, ces dernières années, surtout depuis l’inauguration le 19 août 2018 du nouveau poste frontalier Chahid-Mustapha- Benboulaïd. Les victimes n’en sont pas à leur première mission. L’une d’entre elles a exprimé sa fierté de contribuer à l’exportation des produits algériens vers le marché mauritanien, à travers le marché africain. Ils sont aussi des adeptes de la Tidjaniya, une confrérie musulmane transnationale qui a un rôle important dans la propagation des valeurs de l’islam et de la paix.
H’Mida Boumediene (46 ans) : Son souci était de nourrir sa famille nombreuse. Djalal-Eddine Boumediene, proche de l’une des victimes, a précisé, dans une déclaration à El Moudjahid, qu’il s’agit de son cousin H’mida Boumediene résidant à Aïn Madhi dans la wilaya de Laghouat, né le 6 avril 1973, ainsi qu’Ahmed Belkhir Chtam, né le 17 juin 1986, d’Oued Souf résidant à Ouargla, et Brahim Larbaoui d’Ouargla, né le 19 juin 1987 à Aflou.
L’attaque marocaine a eu lieu sur le chemin du retour. Les victimes étaient à bord de deux camions immatriculés à Ouargla. Selon le témoignage d’une femme sahraouie qui était proche des lieux, les trois ressortissants algériens se sont arrêtés à Bir Lahlou au Sahara occidental pour se reposer. Les camions étaient à vide, raconte-t-elle, dans une vidéo diffusée sur le site d’information Sahraoui «esh.news».
Selon les vidéos et les témoins sur place, les deux camions étaient à l’arrêt lors du bombardement et stationnés.
Djalal-Eddine Boumediene a affirmé que la famille de H’mida Boumediene a été informée par l’un de ses collègues, un chauffeur natif de M’sila qui a tardé à rentrer à Zouerat en Mauritanie. «Nous avons également été contactés par des Sahraouis et Mauritaniens, amis du martyr, qui nous ont confirmé l’attaque ayant ciblé leurs camions», dit-il.
Djalal-Eddine Boumediene affirme que son «cousin travaillait avec son propre camion depuis 20 ans et était très sollicité par des exportateurs et des entreprises nationales publiques. Il était réputé pour son sérieux et sa discipline».
H’mida, âgé de 48 ans, est le garçon unique de ses parents. Marié et père de 9 enfants, selon Ahmed, son proche. Son père Mohamed a indiqué, dans des témoignages diffusés par la télévision nationale, qu’il avait l’habitude de faire ce trajet et de se déplacer en Mauritanie. «Il travaillait dans un cadre légal avec un registre du commerce, il est mort en martyr», dit-il d’une petite voix. Sa mère Kouadri est sous le choc. «On l’a trahi alors qu’il se reposait de la canicule. Son souci était de répondre aux besoins de sa famille. Mon fils est un martyr, il n’a jamais fait de mal», se console-t-elle.
Ahmed Chtem (35 ans), adepte de la Tidjania, un «homme de paix»
Djemoui, frère de la victime Ahmed Chtem, parlait avec difficulté. «Nous sommes sous le choc, Nous n’avons pas cru au début qu’il avait été assassiné. C’est le destin», dit-il au micro de la télévision nationale. Son ami a indiqué qu’il était un adepte de la Zaouïa Tidjania. «C’est un crime odieux et barbare. Les adeptes de la Tidjania sont accueillis chaque année dans sa maison, c’est un brave type qui bossait pour sa famille.»
Brahim Larbaoui (34 ans), victime de la «haine d’un mauvais voisin»
Le frère de Brahim Larbaoui est rassuré par la décision de la présidence de la République d’aller jusqu’au bout pour que ce crime soit puni. «Pourquoi l’a-t-on ciblé ? C’est un commerçant qui n’était pas armé», déplore-t-il. Un avis largement partagé par le beau-frère de la victime qui a qualifié l’attaque contre des civils d’agression. «Comment peut-on assassiner aussi lâchement des personnes sans armes ni défense ? Ce n’est ni de l’islam ni de la fraternité . On a toujours ciblé l’Algérie qui restera toujours dure pour eux», dit-il, en allusion au Maroc et à l’entité sioniste. Les responsables de la confrérie Tidjania ont réagi à ce crime. Cheikh Mahi califat Cheikh Omar Aissaoui, cheikh de la Zaouïa Tidjania au Soudan, a mis en garde contre les répercussions de ce crime, qui «va provoquer la fitna (discorde) et vise à entraîner l’Algérie dans une guerre», rapporte l’ENTV. Il a affirmé que cet acte «délibéré et volontaire» a été commis avec l’implication de «parties étrangères». «Nous allons nous mobiliser comme un seul homme avec l’Algérie, et le crime doit être puni», promet-il. Haidar Dehah Chenkiti de la Mauritanie a relevé les difficultés qu’affrontait H’Mida Boumediene dans son travail : «Il traversait une route qui n’était pas goudronnée et impraticable, mais il était engagé pour transporter le produit algérien à la Mauritanie. Je l’ai rencontré et il m’a confié qu’il était très fier de cette mission pour son pays malgré les difficultés et la fatigue, il était brave et gentil. Je l’ai invité chez moi et j’ai découvert une belle âme.» Mohamed Kebir Youcef Hamadani, de la Tariqa Tidjania au Nigeria, a déploré «l’attaque barbare» et regretté que «des civils soient ciblés et assassinés».
Neila Benrahal
El Moudjahid, 06/11/2021
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