Tags : Tourisme sexuel, Afrique, Maroc, Kenya, Ouganda, Tunisie – Les grandes destinations du tourisme sexuel en Afrique
Le continent est devenu, après l’Asie et l’Amérique latine, une destination prisée par les touristes sexuels. La faiblesse d’une réglementation dissuasive et une population libérée du poids des traditions favorisent le phénomène.
Bienvenue à Saly, station balnéaire située à environ 90 km de Dakar, la capitale sénégalaise. Hôtels de luxe, clubs et restos chics, plages de sable fin, bungalows au toit de paille… La station passe pour être le lieu de villégiature le plus séduisant d’Afrique de l’Ouest. Mais Saly est aussi et surtout la capitale du tourisme sexuel au Sénégal. Le célèbre guide français du Routard, il y a quelques années, décrivait ainsi froidement ce petit village chaud de la commune de Mbour:
«Saly est le point de ralliement des Occidentaux vieillissants qui souhaitent goûter aux charmes de jeunes Sénégalais(es), pas toujours majeur(e)s.»
Ici, des jeunes filles à peine sorties de l’adolescence rivalisent d’ingéniosité pour approcher les touristes blancs, tandis que les jeunes hommes exhibent fièrement leur forte musculature sur la plage, histoire de pouvoir offrir leurs services à des dames âgées… ou à des messieurs.
Cela conduit souvent à des situations bien dramatiques. Comme l’histoire de cette Française de 65 ans qui se suicide dans sa chambre d’hôtel en consommant une forte dose d’insecticide, après s’être fait dépouiller de tous ses biens par un jeune garçon. Ou comme celle de ces quatre Français condamnés de deux à dix ans de prison pour pédophilie.
Selon le magazine L’Express, qui rapportait la nouvelle il y a quelques temps, l’un d’eux avait attiré une fillette de 10 ans, vendeuse de cacahuètes sur la plage de Saly, avec un billet de 1000 francs CFA (1,50 euro) et lui avait ensuite fait perdre sa virginité. Le phénomène a pris une telle ampleur qu’une ONG de lutte contre la pédophilie, Avenir de l’enfant, s’est créée en 2002 pour «briser l’omerta et faire se délier les langues».
Kampala, la délurée (Ouganda)
Un peu comme pour oublier les stigmates de la guerre qui l’a longtemps miné, l’Ouganda a mis en place une politique touristique pour le moins agressive. Kampala, la capitale, est ainsi progressivement devenue une destination populaire. La ville accueille nombre de touristes, des Occidentaux pour la plupart, qui, la nuit tombée, prennent d’assaut les bars, discothèques et hôtels qui pullulent dans la ville.
Beaucoup parmi eux viennent en Ouganda non pas pour les charmes du pays —qui croupit dans une pauvreté endémique (35% des Ougandais vivent en-dessous du seuil de pauvreté)—, mais plutôt pour les charmes des jeunes Ougandaises, le plus souvent à peine sorties de l’adolescence. Des statistiques estiment à plusieurs centaines de milliers le nombre de victimes du tourisme sexuel, dont une part considérable sont des enfants.
A l’exception de l’est du territoire, l’Ouganda est un pays relativement sûr pour les touristes sexuels, qui n’hésitent pas à vanter Kampala comme LA destination incontournable. Ceux-ci ont d’ailleurs ouvert un blog où ils décrivent leurs «souvenirs de voyage» et échangent des informations sur le physique des Ougandaises, les lieux où les trouver, le prix à payer, ainsi que sur la meilleure façon de les appâter.
Les plus aventureux osent même publier quelques photos montrant leurs rapports sexuels avec ces jeunes femmes. Un blog ouvert depuis 2004, sans que les auteurs soient vraiment inquiétés par les autorités. En 2009, le Parlement ougandais a pourtant adopté une loi criminalisant le tourisme sexuel et la pédophilie.
Mombasa, l’effrontée (Kenya)
La police a pris l’habitude depuis quelques temps d’effectuer des descentes le long de la côte à Mombasa, une ville portuaire située à 440 km au sud-est de Nairobi, la capitale du Kenya. A chaque intervention, les personnes interpelées se révèlent être des mineurs. Ici, les travailleuses du sexe sont en majorité des adolescentes. Des jeunes filles qui se lancent dans le commerce de leur corps pour fuir la pauvreté.
Leur cible privilégiée ce sont les touristes, qui viennent principalement des Etats-Unis, de Suisse, de Suède, de Norvège ou d’Allemagne. Sur la plage de Mombasa, ces jeunes filles défilent sous le nez des wazungu (hommes blancs), qui n’ont alors que l’embarras du choix.
Une de ces jeunes filles a récemment déclaré au magazine du Bureau de la Coordination des Affaires humanitaires des Nations unies, Irin News:
«Ma mère est veuve et a perdu les deux mains quand elle travaillait dans une aciérie de Mombasa, ce qui me force à faire ce que je fais.»
Avant d’ajouter tout de même que la plupart de ses clients préfèrent des relations sexuelles non protégées.
Les autorités, aidées par des ONG, traquent les touristes sexuels, même s’il est encore difficile d’estimer l’ampleur du phénomène. Cependant, une étude conjointe du gouvernement kényan et du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef) publiée en 2006 faisait savoir que jusqu’à 30% des adolescentes des villes côtières du Kenya se livrent au commerce du sexe. Et le Code de conduite pour la protection des enfants contre l’exploitation sexuelle dans l’industrie du voyage et du tourisme, adopté en 2004, semble toujours ne faire peur à personne. Ni aux pédotouristes, ni à leurs victimes.
Hammamet, l’opulente (Tunisie)
Tous ceux qui ont eu l’occasion de visiter la ville s’accordent à le dire: avec sa médina, sa marina, sa plage, son parc animalier, et ses centaines d’hôtels, Hammamet est une vraie usine à touristes.
Très fréquentée l’été par une clientèle venant majoritairement d’Europe de l’Est, la station attire forcément par le charme luxuriant de ses plages, son cosmopolitisme et l’exubérance des soirées qu’elle propose, le plus souvent animées par les meilleurs DJ. Située à une soixantaine de kilomètres au sud de Tunis, la capitale, c’est l’une des principales stations balnéaires de la Tunisie.
Hammamet, c’est aussi ces cabarets surchauffés où les étrangers peuvent venir admirer les danseuses du ventre. Mais la ville est surtout une destination réputée pour être un véritable lieu de débauche. Partout, on peut croiser des prostituées qui semblent n’avoir aucun mal à offrir leurs charmes à des touristes. Et sur les plages, de très jeunes gens tiennent compagnie à des vieux messieurs souvent bedonnants ou à des femmes d’un âge assez avancé. On peut les voir aussi dans certains restaurants huppés de la ville, quand ils ne les accompagnent pas tout simplement sur les petites plages privées naturistes que compte Hammamet.
En Afrique du Nord, la station balnéaire est devenue, depuis plusieurs années, une destination de choix pour les touristes sexuels. Le soleil, la douceur du climat et surtout l’assurance de mettre la main sur des proies faciles, les encourage à revenir parfois plusieurs fois par an. Pourtant, il continue de régner comme une sorte d’omerta sur la question. Tout le monde est au courant, mais presque personne n’en parle. Ni les autorités, ni les populations locales.
Kribi, la libertine (Cameroun)
Dès la tombée de la nuit et loin du tumulte des plages, le cœur de Kribi bat au Carrefour Kinguè. A ce croisement de rues, se sont installés les principaux bars et cabarets ainsi que les plus grands restaurants qui rythment les soirées de cette petite ville de 50.000 habitants, située sur la côte atlantique, à quelques 200 km au sud de Douala, la capitale économique du Cameroun.
Cette petite station balnéaire, avec ses plages de sable fin doré, ses cocotiers, ses bungalows et ses coins sauvages, est un peu pompeusement appelée la «Côte d’Azur du Cameroun». C’est ici que se déversent chaque année, surtout entre novembre et janvier, plusieurs centaines de milliers de touristes. Et pratiquement tous à la recherche de ce que Kribi offre de plus exotique en plus de son cadre paradisiaque: ses jolies filles et ses jeunes éphèbes.
Cependant, malgré le pipeline entre le Tchad et le Cameroun qui traverse la ville, malgré les travaux d’agrandissement du vieil aéroport, malgré le projet de construction d’un port en eau profonde, le chômage est accablant et le tourisme sexuel a le vent en poupe.
Ici, pour les touristes généralement en provenance de France ou des Etats-Unis, le bonheur ne coûte qu’une petite misère: 10.000 francs CFA (15 euros) pour un échange avec une jeune Kribienne —quand ils ne déboursent pas 60.000 francs CFA (90 euros) pour faire venir un mineur dans leur chambre, avec la complicité des vigiles des hôtels. Ces chiffres ont été rapportés il y a quelques temps par le journal camerounais Le Messager.
Pour l’heure, les autorités ferment les yeux et préfèrent parler de simple prostitution. Même si elles ont fait adopter en 2007 une charte contre le tourisme sexuel, signée par tous les acteurs de la filière touristique. Et c’est l’écrivain Amély James Koh-Bela, grande militante pour les droits des femmes et la protection des mineurs, qui décrit bien le problème du tourisme sexuel au Cameroun, dans son ouvrage Mon combat contre la prostitution:
«Des jeunes filles postées aux abords des grands hôtels et restaurants fréquentés par les Européens, des femmes quinquagénaires qui déferlent à Kribi pour trouver des petits jeunes ou des enfants livrés comme des colis dans la chambre d’étrangers avec la complicité du personnel hôtelier.»
Marrakech, la perverse (Maroc)
Même avant la fameuse sortie de l’ancien ministre français Luc Ferry à la télévision, la ville de Marrakech au Maroc avait la réputation d’être un haut lieu du libertinage. Une ville où tout semble permis; une ville dont l’image est, depuis longtemps, associée au tourisme sexuel et à la pédophilie.
La ville ocre, comme on l’appelle, regorge en effet de tous les exotismes et de tous les plaisirs possibles. Les casinos du complexe hôtelier La Mamounia, les multiples boîtes de nuit branchées de Marrakech, ses riads et ses cabarets où l’on drague à tout-va. Chaque année, ils sont entre 600.000 et un million de touristes (dont une moitié de Français) à assiéger la ville, qui a opté pour un tourisme de luxe. Conséquence, elle accueille essentiellement une clientèle aisée. Le tourisme représente aujourd’hui 10% du PIB du Maroc.
Les prostitués, hommes et femmes, ont bien vu la manne et ont eux aussi envahi Marrakech. Mais les touristes, en quête de chair plus fraîche, s’offrent les services de «rabatteurs» qui les accostent pour leur «livrer» des mineurs. Il y a quelques années, un reportage de la télévision française évoquait le cas de cette fillette de 8 ans qui avait été «livrée» pour environ 150 euros.
Ce n’est plus un secret pour personne: à Marrakech, les enfants sont les doubles victimes du tourisme sexuel. Celles des fameux «rabatteurs» et celles des pédotouristes. Des associations se sont engagées dans la lutte contre ce fléau et ont forcé les autorités à agir. Même si, comme l’explique Najat Anwar de l’ONG Touche pas à mon enfant, les résultats sont encore peu satisfaisants:
«Les procédures contre les étrangers restent très rares. Les autorités craignent de porter préjudice au tourisme en ternissant la réputation du pays.»
Nosy Be, la pudique (Madagascar)
L’accueil est chaleureux pour les touristes, le long du chemin qui va de l’aéroport à Ambatoloaka, la station balnéaire de Nosy Be, au nord-ouest de Madagascar. Chaleureux mais dissuasif, au vu des messages qui informent des lourdes peines prévues en cas d’«attentat à la pudeur» contre des mineurs. Traduisez: le tourisme sexuel est interdit sur la Grande Île et puni d’une amende de 2 à 10 millions d’ariarys (de 715 à 3.500 euros), assortie de 5 à 10 ans de prison.
Mais la nuit tombée, la première destination touristique malgache se transforme en une véritable plaque tournante du commerce du sexe. Loin des plages de sable fin et des eaux luxuriantes de la mer, les pédotouristes, parmi les 400.000 visiteurs que Madagascar accueille chaque année, vont se fondre avec les habitants de Nosy Be. Une population de quelques 109.000 habitants, essentiellement constituée de jeunes et frappée par la pauvreté et le chômage. Acculés par la misère, ces jeunes ont entre 15 et 20 ans et affluent à Nosy Be pour «trouver» une Européenne ou un mari blanc.
La prostitution s’est développée dans cette île située sur la côte mozambicaine depuis les premiers grands licenciements provoqués par les programmes d’ajustement structurel des années 90. Aujourd’hui, le chômage est massif et 76% de la population vit avec moins d’un dollar par jour, selon des chiffrés rapportés en avril 2011 par le journal Midi Madagascar. Les familles ont du mal à subvenir aux besoins des enfants, qui se retrouvent donc sur les plages à la merci des «prédateurs» occidentaux.
Le blog de Evina, 29/10/2013
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