Normalisation, Benny Gantz, accord sécuritaire – Maghreb. Le Maroc et Israël scellent un accord militaire
Dans un contexte régional très tendu, Rabat et Tel Aviv signent un pacte sécuritaire sans précédent. L’initiative qui sème le trouble dans l’opinion marocaine est perçue comme une menace par l’Algérie
C’est une première dans l’histoire des relations entre le Maroc et Israël. Les deux pays ont signé mardi 23 novembre un accord historique qualifié de « cadre solide pour formaliser les relations sécuritaires et soutenir des collaborations futures », selon un communiqué du ministère de la défense israélien. L’Israélien Benny Gantz, en charge de ce portefeuille, qui a paraphé le document avec son homologue son homologue, Abdellatif Loudiyi, s’est réjoui « d’une première visite formelle », d’une nouvelle étape en fait dans une coopération militaire qui ne date pas d’hier. Rabat s’équipe en effet discrètement depuis plusieurs années en Drones armés et autres logiciels de cyberespionnage israéliens. Il est désormais question « d’échange d’expériences et d’expertise, transfert technologique, formations, coopération dans le domaine de l’industrie de défense », s’enthousiasme le Palais. Tel Aviv s’ouvre ainsi les perspectives de ventes d’armes à hauteur de plusieurs centaines de millions d’euros.
Au Maroc, ce pacte n’est pas sans semer le trouble dans l’opinion. Une coalition propalestinienne de partis et ONG de gauche ainsi que les islamistes du mouvement Justice et Bienfaisance ont dénoncé la normalisation avec Israël et la venue au Maroc du « criminel de guerre Gantz », chef d’état-major lors de la guerre meurtrière de l’été 2014 à Gaza.
Au plan géopolitique, l’accord nourrit de plus belle les tensions dans la région, notamment autour de l’enjeu du Sahara Occidental dont l’autodétermination est farouchement défendue par l’Algérie, soutien inconditionnel du Front Polisario. « Le Mossad à nos frontières » titre le quotidien algérien francophone l’Expression, proche du pouvoir, au lendemain de la signature de l’accord. « Israël sera chez elle au Maroc et aura l’Algérie à portée de missile, de drone et même d’incursion dans ses territoires », ajoute-t-il.
L’Algérie qui a rompu ses relations diplomatiques avec son voisin suite à des déclarations jugées « hostiles », cherche à présent une parade face à ce qui est perçu comme une menace. La question saharienne est plus que jamais prioritaire dans l’offensive diplomatique très perceptible depuis le retour de Ramtane Lamamra, diplomate chevronné, à la tête du ministère des AE. Alger déploie des efforts de rapprochement et de consolidation des liens avec le Mali et le Niger (construction du gazoduc Trans Saharan Gaz Pipeline, TGSP, reliant le Nigeria à l’Algérie, via le Niger). La Russie, premier fournisseur d’armes (69 %), est de nouveau un partenaire privilégié. Les armées des deux pays ont récemment effectué des exercices communs. L’Algérie déploie également des efforts diplomatiques en direction de l’Espagne et de l’Italie. Le dégel est aussi apparemment en cours, dans les relations avec Paris.
La lune de miel Israélo-Marocaine dans un contexte régional très tendu ouvre en tout état de cause une période de grande incertitude. Le roi Mohamed VI s’est offert une bombe à retardement, à contre-courant des intérêts des peuples maghrébins.
Nadjib Touaibia
Vendredi 26 Novembre 2021
L’Humanité, 26/11/2021
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