Algérie-France: Vers la fin de la crise ? – Emmanuel Macron, Abdelmadjid Tebboune, mémoire,
Paris veut dénouer la crise profonde qu’elle traverse avec l’Algérie et « renouer une relation de confiance », ainsi que le « dialogue politique ». C’est ce qu’a déclaré hier le chef de la diplomatie française au terme de sa visite à Alger.
Abla Chérif – Alger (Le Soir) – Cette visite inattendue dans ce contexte de grandes tensions entre les deux pays est interprétée comme étant, en quelque sorte, la phase concrète des démarches entamées à la mi-novembre à Paris pour tenter d’apaiser la colère des dirigeants algériens suscitée par de graves propos d’Emmanuel Macron.
À cette période qui coïncidait avec la préparation d’une conférence sur la Libye, un conseiller du chef d’État français avait déclaré que «le président de la République regrettait les polémiques et les malentendus engendrés par les propos rapportés» et qu’il « était fortement attaché au développement de la relation». Cette déclaration a été suivie d’autres propos apaisants du même genre, d’insistance sur « le rôle important de l’Algérie dans la région et la nécessité d’entretenir des relations de travail sereines entre les deux pays ».
Après les paroles, les actes. Jean-Yves Le Drian et Ramtane Lamamra, qui s’étaient limités à un simple salut courtois à Kigali, en octobre dernier, ont pu s’entretenir hier à Alger. Le chef de la diplomatie française a ensuite été reçu par Abdelmadjid Tebboune auquel il a fait part du « souhait (de son pays) de travailler à lever les blocages et les malentendus qui peuvent exister entre les deux pays ».
« Ce déplacement a pour double objectif de renouer une relation de confiance entre nos deux pays, marquée par le respect de la souveraineté de chacun, mais aussi de regarder vers l’avenir pour travailler à la relance et à l’approfondissement de notre partenariat qui est indispensable (…) la France et l’Algérie ont des liens profonds animés par la densité des relations humaines entre Algériens et Français, et ancrés dans une Histoire complexe », a-t-il ajouté.
Le Drian a fait savoir qu’au cours des échanges, « les deux parties ont convenu de reprendre certains axes de la coopération bilatérale, qui se traduira par la reprise d’un dialogue opérationnel entre partenaires sur les questions humaines et migratoires, et aussi par la reprise d’un dialogue opérationnel sur la lutte contre le terrorisme et par nos efforts communs pour assurer la sécurité de nos deux pays », a-t-il dit, avant d’exprimer son « souhait que le dialogue que nous relançons aujourd’hui puisse conduire à une reprise des échanges politiques entre nos deux gouvernements en 2022 ».
Les échanges ont également porté sur des questions régionales où « l’Algérie joue un rôle important », ajoute-t-il. «Nous entendons continuer à coordonner nos initiatives diplomatiques pour favoriser le processus d’une transition politique en Libye à la suite de la Conférence de Paris (…) nous avons fait le point sur la situation au Mali », soulignant que « l’engagement de l’Algérie dans la mise en œuvre de l’Accord de paix et de réconciliation est un élément essentiel du processus de paix au Mali ».
Il a été aussi question du terrorisme au Sahel et de l’émigration clandestine, autant de sujets « d’intérêts communs » qui ont fait « le sens de ma présence aujourd’hui à Alger (…) pour une visite de travail et d’évaluation de la relation bilatérale ». La veille, le Quai d’Orsay avait évoqué une « visite de travail, d’évaluation et de relance des relations algéro-françaises », alors qu’à Alger, un communiqué du ministère des Affaires étrangères a fait état d’une « visite de travail et d’évaluation des relations bilatérales ». Le terme « évaluation » sous-entend que l’Algérie compte mettre à plat l’ensemble des différends ayant conduit à la crise inédite qui secoue les deux pays depuis près de deux mois. Ces tensions ont commencé avec l’annonce de la réduction de 50% du quota de visas habituellement octroyés à l’Algérie (au Maroc et à la Tunisie aussi).
Selon Paris, cette décision a été prise en raison du refus de ces États de rapatrier leurs citoyens en situation illégale. Alger s’est élevée contre cette prise de décision, sans concertation préalable sur le sujet, avant le rappel de son ambassadeur. Cette question de rapatriement a également généré un différend entre les deux pays. Le ministre de l’Intérieur français a avancé que ces migrants illégaux sont près de huit mille personnes, alors que l’Algérie affirme qu’ils ne dépassent pas les 900 personnes. Ce chiffre avait été avancé par Abdelmadjid Tebboune dans une interview accordée à Der Spiegel et où il avait aussi qualifié de « très graves » les propos du Président français. « Emmanuel Macron a blessé la dignité des Algériens. Nous n’étions pas des sous-hommes. Nous n’étions pas des tribus nomades avant que les Français viennent en Algérie », a-t-il déclaré en réaction aux propos (de Macron) qui avait remis en cause l’existence de « la Nation algérienne avant la colonisation française ».
Le Président français avait également accusé le système algérien de s’être bâti sur une « rente mémorielle », lors d’une rencontre avec de jeunes binationaux à l’Élysée. Ces propos rapportés par le journal Le Monde ont entraîné une série de réactions, notamment le rappel de l’ambassadeur à Paris et l’interdiction de survol du territoire algérien faite aux avions militaires français appuyant l’opération Barkhane au Nord-Mali.
A. C.
Le Soir d’Algérie, 09/12/2021
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