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par Noureddine Mebarki*
Dans l’actuel contexte économique algérien et africain d’une manière générale, voire continentale, la nouvelle vision africaine consiste à réaliser une intégration qui était depuis longtemps et toujours la préoccupation des Etats africains.
Cette intégration doit être basée et fondée sur des principes notamment la transparence, la confiance et la solidarité. Cette contribution se propose de mettre en évidence la nécessité d’accorder une plus grande importance au développement économique national pour l’Algérie et continental pour l’Afrique, à travers l’élaboration d’une vision stratégique globale comme préalable à la mise en œuvre d’un plan de développement interafricain. A ce titre, l’accord de la ZLECAf (Zone de Libre-Echange Continentale Africaine) représente une opportunité pour l’Afrique afin de réaliser l’intégration économique, et pour l’Algérie de redynamiser l’économie nationale, et assurer une reprise économique qui s’avère nécessaire mais difficile dans un temps de crises. Ces crises économiques à l’exemple du covid-19, la guerre en Ukraine et dernièrement la guerre de Gaza, les crises politiques dans certains pays africain, qui ne cessent d’affaiblir l’économie africaine et mondiale.
D’abord et avant tout, il est nécessaire de préciser que cette vision africaine ne peut être réalisée sans l’élaboration d’une stratégie destinée à relever les défis et promouvoir les relations économiques et les échanges commerciaux. A cet effet, les Etats africains ont pris la décision de relever les défis et faire face aux obstacles, à leur tête l’instabilité sécuritaire qui empêche la réalisation de cette intégration économique, à travers la création d’un accord dit « ZLECAf » (Zone de Libre-Echange Continentale Africaine).
L’Algérie avec sa diplomatie économique basée sur des éléments tels que : sa situation géographique stratégique, ses capacités et potentiels naturels et humain, se présente comme un membre actif et acteur principal de la réalisation de cette intégration.
L’Afrique, depuis longtemps est à la recherche d’une intégration économique, plusieurs initiatives visant à appuyer la coopération économique régionale ont été engagées. A l’exemple de plusieurs CER (Communautés Economiques Régionales), commençant par le traité instituant la CEA (Communauté Economique Africaine) adopté en 1991 par les membres de l’OUA (Organisation de l’Unité Africaine) créée en 1963.L’idée fondamentale était d’établir la CEA en renforçant les CER existantes et en instituant d’autres groupements économiques afin de couvrir le continent dans son ensemble(1)
La ZLECAf n’est qu’un projet phare parmi d’autres prévus dans l’agenda 2063 de l’Union Africaine. Cet agenda est le plan de développement de l’Afrique qui vise à réaliser un développement socio-économique inclusif et durable sur une période de 50 ans. Le continent compte concrétiser cet objectif par la réalisation de cinq plans décennaux de mise en œuvre(2).
L’accord de la ZLECAf a été signé à Kigali (Rwanda) le 21 mars 2018, lors du Sommet extraordinaire de l’UA, et lors du 12ème sommet extraordinaire de l’UA, qui s’est tenu à Niamey (Niger), le 19 juillet 2019, mais en réalité, cet accord est entré en vigueur pour les 24 pays africains qui l’ont signé et ratifié le 30 mai 2019. Les chefs d’Etat ont officiellement lancés la zone de libre-échange continentale africaine(3).
L’OUA (Organisation de l’Unité Africaine) a laissée la place à l’UA (Union Africaine) dont le but est de s’avancer vers une intégration approfondie du continent à travers la création de plusieurs comités techniques spécialisés. L’un de ces comités se charge du commerce, des douanes et de l’immigration. En 2006, l’Assemblée des chefs d’Etat et de gouvernement de l’UA a pris la décision de suspendre la reconnaissance de nouvelles CER. Aujourd’hui, huit CER sont reconnues par l’UA. En juin 2015, l’UA a ouvert les négociations en vue d’un Accord portant création la zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) qui a été ratifié le 21 mars 2018(4). La ZLECAf en tant que moteur de la croissance et du développement durable, vise à accélérer le commerce intra-africain en renforçant la voix commune et l’espace politique de l’Afrique. En conséquence, la cet accord jette les bases d’une union douanière à l’échelle continentale(5). La ZLECAf est un marché unique libéralisé pour les marchandises et les services afin d’approfondir l’intégration économique du continent africain et conformément à la vision panafricaine d’une « Afrique intégrée, prospère et pacifique » telle qu’énoncée dans l’Agenda 2063(6).
Objectifs et principes de la ZLECAf
Les objectifs de l’accord de la ZLECAf tels quels sont énoncés dans l’article « 4 » sont :
-Elimination progressive des barrières tarifaires et non tarifaire au commerce des marchandises
- Libéralisation progressive du commerce des services
- Coopération entre les Etats membres en matière d’investissement, de droits de propriété intellectuelle et de politique de concurrence
- Coopération dans tous les domaines liés au commerce
- Coopération dans le domaine douanier et dans la mise en œuvre des mesures de facilitation des échanges
- Etablissement d’un mécanisme de règlement des différends
- Etablissement et maintien d’un cadre institutionnel de mise en œuvre et de gestion de la ZLECAf.
En ce qui concerne le commerce des marchandises, les Etats membres se sont engagés à libéraliser substantiellement tous les échanges en éliminant les droits de douane sur 97% des lignes tarifaires sur une période donnée. Les 3% de lignes tarifaires restants sont des produits qui sont exclus de toute réduction tarifaire(7).
Quant aux principes, la ZLECAf est régie par les principes suivants(8) (a) action conduite par les États membres de l’Union africaine ; (b) les Zones de libre-échange (ZLE) des CER comme piliers de la ZLECAf; (c) géométrie variable ; (d) flexibilité et traitement spécial et différencié ; (e) transparence et diffusion de l’information; (f) préservation des acquis ; (g) traitement de la nation la plus favorisée (NPF) ; (h) traitement national ; (i) réciprocité ; (j) libéralisation substantielle ; (k) consensus dans la prise de décision ; (l) prise en compte des meilleures pratiques au sein des CER et dans le cadre des conventions internationales applicables à l’Union africaine.
L’Algérie dans la ZLECAf
Au cours des deux dernières décennies, le boom des hydrocarbures a permis à l’Algérie de progresser sur le plan du développement économique et humain. Le pays a pratiquement apuré sa dette multilatérale en 2008, investi dans des projets d’infrastructures propices à la croissance économique et mis en place des politiques sociales à caractère redistributif qui ont contribué à faire reculer la pauvreté et à fortement améliorer les indicateurs de développement humain(9). La ZLECAf est un choix stratégique pour l’Algérie, et surtout une opportunité pour promouvoir les exportations hors hydrocarbures qui dominent l’économie nationale. A l’instar des accords économiques tels que : l’accord avec l’union européenne ; l’accord avec la Tunisie ; et l’accord de la grande zone arabe de libre échange (GZALE), l’Algérie a opté pour un autre et nouveau accord dans un cadre purement continental, la ZLECAf. En conséquence, la hausse continue des prix des hydrocarbures a générée une nette amélioration des équilibres macroéconomiques. Le solde de la balance commerciale est passé d’un déficit de 9,4% du PIB en 2020 à un surplus de 0,7% en 2021, sous le coup d’une augmentation de 70% des recettes d’exportation des hydrocarbures(10). Ce qui signifie que les hydrocarbures constituent l’épine dorsale de l’économie algérienne jusqu’à présent.
Le commerce extérieur constitue l’un des principaux piliers de développement économique en Algérie, est un élément clé de la réalisation des plans de développement dans les domaines de l’investissement, de la production et de la consommation. D’après les statistiques de l’Office Nationale des Statistiques (ONS) Les exportations du 1er trimestre 2022 se sont élevées à 1831,8 milliards de DA contre 1025,2 milliards de DA au cours du 1er trimestre 2021 soit une hausse de 78,7% en valeurs courantes par rapport au 1er trimestre 2021. Alors que Les importations se sont élevées à 1395,2 milliards de DA au 1er trimestre 2022 contre 1202,2 milliards de DA au cours de la même période 2021, soit une hausse en valeurs courantes de 16,1% par rapport au 1er trimestre 2021. L’ONS note que durant la période des neuf mois 2022, les prix à l’exportation de marchandises connaissent une forte augmentation de 85,4% par rapport aux neuf mois de l’année 2021. En terme de valeur, Les exportations du 1er trimestre 2022 se sont élevées à 1831,8 milliards de DA contre 1025,2 milliards de DA au cours du 1er trimestre 2021 soit une hausse de 78,7% en valeurs courantes par rapport au 1er trimestre 2021.
Ces statistiques montrent clairement que l’Algérie peut bénéficier de cet accord de la ZLECAf on ouvrant une nouvelle porte économique vers l’Afrique. Ce nouveau marché est prometteur pour l’Algérie, et pour plusieurs raisons, notamment sa situation géographique, ses richesses naturelles, son potentiel humain et financier aussi.
ZLECAf ou GZALE
La Grande Zone Arabe de Libre-Echange représente de sa part un marché important pour l’Algérie, alors que la balance commerciale de l’Algérie avec les pays de l’accord, elle a ballotté entre excèdent et déficit, en dépit de la croissance positive des exportations algériennes vers les pays arabes, depuis son adhésion à cet espace commercial. La moyenne des échanges commerciaux entre l’Algérie et les pays arabes depuis 2009 (année de son adhésion à la GZALE) jusqu’à 2022, a atteint 4,7 milliards de dollars par an(11).
La ZLECAF est un marché trois (03) fois plus grand que la GZALE en terme de pays (18 pays GZALE et 45 pays ZLECAf à présent), de superficie et de population, ces indices présagent d’une part de grandes opportunités que va offrir la ZLECAF aux marchés Algérien et Africain. D’autre part, elle va pouvoir attirer un nombre important d’investisseurs locaux et/ou étrangers. Les contraintes au sein de la GZALE sont nombreuses et de natures différentes. Pour l’Algérie le problème de l’origine des marchandises a toujours étais une contrainte qui ralentisse les échanges, porte atteinte au principe de la confiance, et peut mettre en difficulté l’avenir de cette zone. Ce point (l’origine) plus particulièrement peut se présenter comme un obstacle pour l’Algérie, notamment en ce qui concerne la relation de certains pays africains membres de la ZLECAf avec l’Etat hébreu.
L’ambition principale de l’Algérie est de mettre à profit ses atouts géographiques et en matières premières, pour devenir un leader économique africain tout en profitant de ses accès au marché européen. Sur fond de concurrence régionale et de menaces sur la stabilité dans le Sahel, y finance des projets de développement, notamment une route avec la Mauritanie et une banque de l’union algérienne (Algerian Union Bank) dernièrement inaugurée. Elle cherche à renforcer la Zone de libre-échange africaine (ZLECAF), qui ne représente qu’un faible volume commercial, en raison de barrières juridico-administratives et logistiques(12).
L’Algérie a mis en place des dispositifs et des mesures afin d’intensifier les initiatives de diversification, améliorer le climat des affaires et appuyer les entreprises exportatrices dans leur démarche de conquête des marchés étrangers à l’exemple de la promulgation de la nouvelle loi d’investissement (22-18), la création des autorités de régulation et du la relance économique comme la CREA (Conseil du Renouveau Economique Algérien). En conclusion, on peut dire que théoriquement l’accord de la ZLECAf représente une véritable opportunité et une vision stratégique qui permettra sans doute de réaliser l’intégration économique africaine. Mais, cela ne signifie pas que cette intégration sera concrétisée à travers la signature et la ratification de l’accord, et l’élaboration de quelques guides pratiques. Compte tenu de la situation économique de l’Algérie et de l’Afrique d’une manière générale. Le pays et le continent ont vraiment besoin de cet accord, afin de valoriser leurs ressources naturelles, commercialiser leurs produits, faire circuler facilement et rapidement leurs marchandises et redynamiser leurs économies. Dans ce cadre, un travail considérable et des efforts énormes doivent être fournis par les Etats parties, commençant par l’étude et la réalisation des projets, voire des mégaprojets considérés comme l’infrastructure de l’accord « ZLECAf » tels que la construction des routes et chemins de fer pour le transport ; la création des zones franches, La création d’une banque de données africaine pour faciliter l’échange des informations entre les pays membres de la ZLECAf, renforcer la chaine logistique de transport, etc.
*Fonctionnaire d’Etat
Référence:
1). 4) CreckBuyongeMirito, La Zone de Libre-Echange Continentale Africaine: historique aperçu et rôle de la douane.
2). 5) .7) Union Africaine, Deuxième rapport continental sur la mise en œuvre de l’agenda 2063, Février 2023.
3)En vertu de la Décision Assembly/AU/Dec.714 de la 32ème session ordinaire de la Conférence, tenue à Addis-Abeba (Éthiopie), les 10 et 11 février 2019, et disposant de tenir spécifiquement ce 12ème Sommet extraordinaire pour célébrer le premier anniversaire de la signature de l’Accord (qui a eu lieu lors du sommet extraordinaire de l’UA à Kigali le 20 mars 2018).
8) Article « 3 » de l’Accord portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine.
9) Article « 5 » de l’Accord portant création de la Zone de libre-échange continentale africaine.
10). 11) La Banque Mondiale en Algérie.
12) Algérie Presse Service, article, 23 Octobre 2022.
13) Ambassade de Suisse en Algérie, Rapport économique 2023 Algérie, Mai 2023.
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