Etiquettes : Maroc, Algérie, Pays du Champs, Mauritanie, Niger, Mali, Sahel, lutte antiterroriste,
Note à Monsieur le Ministre
Objet : Algérie/pays du sahel : de la lutte antiterroriste au concept des pays du Champ : Enjeux et limites d’une stratégie
J’ai l’honneur de porter à votre connaissance que les pays du champ (Algérie, Mali, Niger, Mauritanie) tiendront, le mercredi 8 décembre, une réunion de haut niveau avec l’UE à Bruxelles, après avoir eu des rencontres élargies, les 8 et 9 novembre dernier, avec l’Administration américaine à Washington.
Ces deux réunions font suite à la Conférence internationale sur le partenariat dans les domaines de la sécurité et du développement entre les pays du champ et leurs partenaires extra régionaux, tenue à Alger les 7 et 8 septembre dernier.
Les déclarations des responsables algériens font ressortir les éléments d’informations, ci-après, sur les objectifs et la portée stratégique de ce nouveau mécanisme dans le redéploiement extérieur de l’Algérie, à la lumière des nouveaux changements en Afrique du nord :
-La coopération entre l’Algérie et les pays du Sahel s’est consolidée graduellement dans le cadre de la lutte anti-terroriste, surtout après la création d’Al Qaida du Maghreb (AQMI), et s’est traduite par la mise en place, à Tamanrasset, en avril 2010, d’un comité d’état-major opérationnel conjoint entre l’Algérie, le Mali, la Mauritanie, le Niger et le Burkina Faso et d’une cellule commune de renseignement ;
-La recrudescence de la menace terroriste dans la région du Sahel et la chute annoncée du régime de Kadhafi ont permis à l’Algérie de redessiner cet espace de coopération et de l’insérer dans le cadre de sa politique de redéploiement aussi bien vis-à-vis de son entourage régional qu’à l’égard des puissance occidentales ;
-La conférence d’Alger du septembre 2010, regroupant les pays du champ et leurs partenaires « extra-régionaux », a marqué un point d’inflexion dans cette stratégie de redéploiement, dans le sens où elle a conforté ce mécanisme régional en tant qu’interlocuteur à part entière dans les domaines liés à la lutte contre la triple menace : terrorisme, crime organisé et extrême pauvreté ;
-L’Algérie explique que les pays du champ se limitent à l’Algérie, le Mali, le Niger et la Mauritanie pour trois raisons :
1. efficacité : ces pays sont ceux les premiers concernés et gagent à mobiliser leurs efforts et à s’entendre sur la problématique de la sécurité et du développement et d’être ainsi l’interlocuteur par rapport aux partenaires extra-régionaux ;
2. objectivité : ces pays sont les premiers à souffrir de l’insécurité et de la problématique du développement dans un espace étendu et désertique comme le sahel;
3. géographie : ces pays sont géographiquement liés à la problématique de sécurité et de développement dans le sahel.
Ce mécanisme régional est organisé suivant une architecture à trois niveaux :
1. politique : réunion tournante, tous les six mois, des Ministres des Affaires Etrangères ;
2. militaire : réunion, avec présidence tournante, des Chefs d’Etat-Major ;
3. services de renseignement : réunion régulière des chefs des services renseignement.
L’Algérie définit trois catégories d’acteurs extra-régionaux :
1. les autres pays du Sahel : en premier lieu le Burkina Faso et le Nigeria, qui fait face au groupe terroriste Boku-Haram ;
2. les pays du Maghreb : le Maroc et la Tunisie. La Libye, dans une étape prochaine ;
3. les partenaires : Etats-Unis, pays de l’UE, bailleurs de fonds,….
Le partenariat entre les pays du champ et les partenaires extra-régionaux s’articule autour de quatre piliers :
a. l’appropriation par les pays du champ de la gestion de la sécurité et du développement dans un cadre régional concerté pour faire face au terrorisme, au crime organisé et à la pauvreté ;
b. le renforcement des capacités et le soutien logistique, s’agissant de pays pauvres et vulnérables, et qui manquent de moyens pour la prise en charge de leur espace désertique étendu ;
c. la maîtrise et le partage des renseignements avec les partenaires extra-régionaux ;
d. la sensibilisation des bailleurs de fonds pour adapter l’aide au développement aux objectifs tracés par les pays du champ.
L’Algérie inscrit l’initiative des pays du champ comme prolongement de sa propre politique d’aménagement de son espace désertique, dans le sens où elle coïncide avec ses projets structurants :
-la route transsaharienne Alger-Lagos (le tronçon restant de 220 km au nord du Niger est pris en charge par l’Algérie) permet d’établir un réseau vertical reliant l’Afrique du nord avec l’Afrique de l’ouest ;
-l’Algérie réfléchit à un réseau horizontal qui devrait la relier avec la Libye et la Mauritanie, à travers Tindouf-Adrar-Tinzaouatine
-le projet de gazoduc entre le Nigeria et l’Algérie (Trans Saharan Gas Pipeline).
-L’Algérie considère que cette stratégie coïncide avec celle des Etats-Unis, l’Union européenne et les Nations Unies dans les domaine de lutte contre le terrorisme, le crime organisé et les OMD.
Ces éléments appellent de la part de cette Direction les observations suivantes :
-Le mécanisme « pays du champ » est un instrument destiné à l’isolement du Maroc de l’espace sahélo-saharien ;
-Ce mécanisme régional est un espace de rencontre sélectif et restreint, dans lequel seul l’Algérie dispose d’un certain poids pour être l’interlocuteur principal des Etats-Unis et de l’Union européenne ;
-L’Algérie tente de tirer profit de la chute du régime de Kadhafi pour remettre en cause le CEN-SAD et tourner la page de l’influence politique et financière de la Libye sur les pays du Sahel ;
-L’Algérie, se sentant assiégé par le nouveau panorama politique en Afrique du nord à l’aune du printemps arabe et méfiante de la réaction des pays euro-méditerranéens, est tentée par une alternative Algérie-pays du sahel
-Le mécanisme pays du champ permet à l’Algérie d’exercer une mainmise dans la gestion des nouvelles menaces (terrorisme, crime organisé, connexion entre les groupes terroristes et les cartels de drogue,…) et de plaider pour un « droit de regard » sur les projets d’aide au développement ;
-Il permet à la diplomatie algérienne de reprendre l’initiative, surtout au moment où il est sérieusement malmenée par rapport à sa position sur la Libye et la Syrie ;
-Ce mécanisme est porteur de danger stratégique pour notre pays, dans la mesure où un certain flou est maintenu sur les conditions d’adhésion et son champ de compétence, ce qui n’exclue pas, en théorie, l’implication de la pseudo « rasd » dans ces travaux.
Source :
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