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Le risque de guerre entre l’Algérie et le Maroc
Etiquettes : Algérie, Maroc, France, Sahara Occidental, Maghreb, colonisation, Béchar, Tindouf,
Les tensions entre les deux grands États du Maghreb, qui se sont nettement envenimées ces dernières semaines, si bien que certains observateurs redoutent que le conflit actuel dégénère en guerre ouverte, ne datent pas d’hier.
Les fortes tensions entre l’Algérie et le Maroc remontent à la fin de la guerre d’indépendance algérienne. La question des frontières dessinées par le colonisateur, qui avantagent l’Algérie au détriment des autres pays de la région, suscite un profond différend entre Rabat et Alger, qui connaîtra de multiples rebondissements, sous des formes diverses et avec un abcès de fixation récurrent au Sahara occidental. Un retour historique s’impose pour comprendre les données de la dégradation à laquelle on assiste en ce moment.
Un conflit ancien
Lorsque le Maroc devient protectorat français en 1912, l’administration française délimite les deux territoires algérien et marocain. Mais le tracé est très peu précis et varie d’une carte à l’autre.Pour la France, il ne s’agit pas à proprement parler de frontières, la zone qui va de Colomb-Béchar à Tindouf et correspond à l’Ouest algérien étant inhabitée.
Le regard sur ce territoire allait fondamentalement changer à partir de 1952, date à laquelle la France y découvre un gisement de pétrole et des minerais (fer et manganèse). Ces terres sont alors intégrées à l’Algérie. Pour la France, il s’agit de les inclure dans son territoire sur le long terme, l’Algérie étant française alors que le Maroc n’est qu’un protectorat appelé à s’affranchir de la tutelle de Paris.Mais dès son indépendance, en 1956, le Maroc revendique ce territoire, affirmant qu’il fait partie du Maroc historique.
La France répond à cette demande en proposant à Rabat un marché : cette bande Ouest de l’Algérie pourrait être restituée au Maroc en contrepartie de la mise en place d’une « Organisation commune des régions sahariennes » (OCRS), qui serait chargée d’exploiter les gisements miniers du Sahara algérien, au bénéfice commun du Maroc et de la France.
L’offre de Paris est assortie d’une demande : celle de ne pas abriter d’insurgés algériens. Rabat rejette cette proposition, préférant discuter directement avec les Algériens.
En juillet 1961, Hassan II, qui vient d’accéder au trône, reçoit à Rabat Farhat Abbès, le président du Gouvernement provisoire de la République algérienne. Une convention est signée au terme de la rencontre, et une commission algéro-marocaine est créée pour régler cette question du Sahara algérien « dans un esprit de fraternité et d’unité maghrébines ».Selon l’accord, une fois l’indépendance de l’Algérie acquise, le statut de la zone serait renégocié. Mais à l’indépendance de l’Algérie, et avant même que l’accord de Rabat ait pu être ratifié, une coalition menée par Ahmed Ben Bella et soutenue par l’Armée de libération nationale (ALN) évince Farhat Abbas du gouvernement. La nouvelle équipe au pouvoir à Alger refuse de rétrocéder au Maroc un territoire « libéré avec le sang de tant de martyrs ».
Hassan II se sent trahi par la nouvelle classe politique algérienne, et l’Istiqlal, le parti marocain qui porte la question nationale et en devient le phare, se dit indigné par l’« ingratitude » des Algériens. Le Maroc historique auquel se réfèrent les acteurs politiques marocains allait être matérialisé par une carte du « Grand Maroc » que l’Istiqlal fait dessiner et publier dans son hebdomadaire Al-Alam en mars 1963.
Selon cette carte, les frontières du pays se définissent en fonction des allégeances qui ont été faites aux sultans du Maroc à travers les âges. Le Grand Maroc comprendrait un bon tiers du Sahara algérien, le Sahara occidental colonisé par l’Espagne (1884-1976), la Mauritanie et une partie du Mali.
Entre « territoire acquis par le sang des martyrs » et « droit historique », deux conceptions du droit et de l’histoire allaient donc s’affronter, donnant lieu, en septembre 1963, au déclenchement d’un conflit armé : la Guerre des sables.
Ayant pour théâtre la région de Tindouf, ce conflit oppose le Maroc à une Algérie fraîchement indépendante et aidée par l’Égypte et Cuba. Les combats, dont le bilan humain est encore controversé, cessent en février 1964, quand l’Organisation de l’unité africaine (OUA – l’ancêtre de l’Union africaine) obtient un cessez-le-feu qui laisse la frontière inchangée : la zone contestée demeure algérienne.
Mais le contentieux entre les deux États allait se prolonger, se nourrissant de l’irrédentisme marocain autour de la question du « Grand Maroc » et du refus de l’Algérie indépendante de reconsidérer les frontières héritées de l’ère coloniale. Un différend dont l’intensité ne peut se comprendre qu’à l’aune de la sourde rivalité pour le leadership régional qui oppose les deux pays.
Le Sahara occidental, abcès de fixation
À partir de 1975, l’appui apporté par l’Algérie au Front Polisario, ce mouvement indépendantiste mis en place en 1973 et qui revendique le Sahara occidental au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, viendra nourrir la tension désormais permanente entre Alger et Rabat. En effet, le Maroc revendique cette ancienne colonie espagnole et s’engage donc dans une lutte durable contre le Front Polisario. Pour l’Algérie, qui s’abrite derrière le droit des peuples à l’autodétermination, un conflit de basse intensité a l’avantage d’affaiblir le Maroc. Les deux pays allaient donc s’affronter par Front Polisario interposé.
Deux conflits s’additionnent et se superposent : l’opposition territoriale entre l’Algérie et le Maroc, d’une part, et le conflit de décolonisation entre Sahraouis et Marocains, qui n’aurait pu se prolonger pendant près d’un demi-siècle si le contentieux algéro-marocain n’avait pas lourdement pesé sur son déroulement.
En accueillant les réfugiés sahraouis à Tindouf, symboliquement, après l’installation du Maroc sur ce territoire, en mettant sa diplomatie au profit du Front Polisario et en l’armant, l’Algérie donnait un autre aspect à ce dernier conflit de décolonisation d’Afrique.
L’imbrication des deux conflits, entre Algérie et Maroc d’abord, entre Sahraouis et Marocains ensuite, pèse lourdement sur l’attitude des acteurs. Chacun des deux camps souhaite une victoire totale sur l’adversaire, au point que toute négociation devient impossible. L’impuissance des Nations unies, en charge du règlement de ce conflit saharien depuis 1991 est sans doute à lire à travers ce prisme.
L’implication de l’Algérie dans le dossier saharien provoque une rupture des relations diplomatiques entre l’Algérie et le Maroc entre 1976 et 1988. Pour autant, la reprise des relations ne contribue pas à dissiper la conflictualité.En 1994, Driss Basri, ministre marocain de l’Intérieur, a laissé entendre que les services secrets algériens pouvaient avoir commandité l’attentat terroriste qui s’est produit dans un hôtel de Marrakech, faisant deux victimes espagnoles. Il instaure des visas et organise une campagne d’expulsion d’Algériens résidant au Maroc sans carte de séjour. La riposte d’Alger est immédiate : la fermeture de la frontière terrestre.
Abdelaziz Bouteflika, président de l’Algérie à partir de 1999, a tenté de rompre cette spirale de tensions et de ruptures, sans succès. Il s’est heurté à la l’intransigeance de l’état-major de l’armée algérienne qui gère le dossier des frontières, la relation avec le Maroc et bien plus encore, tant l’armée est impliquée dans la vie politique algérienne.La brouille aura des effets majeurs sur les échanges commerciaux et culturels entre les deux pays.
La coopération est quasi inexistante, exception faite du gazoduc qui relie l’Algérie à l’Europe en passant par le Maroc. Le différend bloque toute interaction au niveau horizontal et rend impossible l’intégration de la région, c’est-à-dire la mise en place de l’Union du Maghreb arabe (UMA), qui a pourtant été signée en 1989. Le conflit du Sahara occidental s’en est trouvé gelé, la coopération entre les pays quasi nulle et l’UMA une véritable coquille vide.
L’axe Washington/Tel-Aviv/Rabat
L’accord du 22 décembre 2020 passé entre le Maroc et les États-Unis, qui stipule que Rabat normalise ses relations avec Israël en contrepartie de la reconnaissance par Washington de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental a créé un déséquilibre dans le rapport des forces entre l’Algérie et le Maroc.Pour Alger, un Maroc appuyé par Israël ne pouvait être que plus puissant, d’autant que le pays a donné de lui-même l’image d’un partenaire incontournable pour les États occidentaux, notamment dans la lutte contre le djihadisme, ou en matière de contrôle de l’immigration venue des pays subsahariens.
Un an après la déclaration de Donald Trump, l’administration Biden a d’une certaine manière confirmé cette reconnaissance, même si le chef de la diplomatie américaine a exprimé son désir de respecter le droit international. Les Algériens, qui continuent d’appuyer inconditionnellement le Front Polisario, savent que c’est une question de temps et que, tôt ou tard, le Maroc verra sa souveraineté sur ce territoire être reconnue par l’ONU, au mépris d’un processus de résolution du conflit saharien confié à la même organisation depuis 1991. Le silence éloquent de l’Union européenne sur ce dossier les conforte dans leur conviction.
L’année 2021 a été émaillée de vexations et de provocations qui sont allées crescendo jusqu’à l’été passé. La tension devient très vive en juillet dernier, suite aux révélations selon lesquelles le Maroc aurait eu recours au logiciel israélien Pegasus, commercialisé par l’entreprise israélienne NSO, pour espionner « des responsables et des citoyens algériens ». L’enquête a révélé que des milliers de numéros de téléphone algériens ont été ciblés, dont certains appartenant à de hauts responsables politiques et à des militaires.
La tension monte d’un cran lorsque, au cours d’une réunion des Non Alignés à New York (13 et 14 juillet) Omar Hilale, l’ambassadeur du Maroc à l’ONU a distribué une note stipulant que « le vaillant peuple de Kabylie mérite, plus que tout autre, de jouir pleinement de son droit à l’autodétermination ».
Un mois plus tard, c’est Yaïr Lapid, le ministre israélien des Affaires étrangères, en visite à Rabat, qui déclarait, en présence de son homologue marocain Nasser Bourita, qu’il était « inquiet du rôle joué par l’Algérie dans la région, du rapprochement d’Alger avec l’Iran et de la campagne menée par Alger contre l’admission d’Israël en tant que membre observateur de l’UA ».La riposte algérienne
Le 24 août, l’Algérie annonce la rupture de ses relations diplomatiques avec le Maroc. Le haut conseil de sécurité algérien, présidé par le chef de l’État Abdelmajid Tebboune, ferme l’espace aérien du pays à tout appareil civil ou militaire immatriculé au Maroc.Évidemment, la frontière étant fermée depuis 1994, l’impact de cette rupture des relations est politique. Elle met néanmoins un terme au seul cas de coopération entre les deux pays : le fameux gazoduc Maghreb Europe (GME).
Le gaz est, ici comme ailleurs, utilisé comme un moyen de pression. Le contrat qui liait les deux pays pour alimenter le Maroc en gaz et pour le transit a été interrompu le 31 octobre.Difficile de croire le Maroc qui affirme, par un communiqué de l’Office national de l’électricité et de l’eau (ONEE), que l’impact de cette décision sur le système électrique marocain est « insignifiant », le pays ayant pris ses dispositions.
Car, depuis 1996, le Maroc est un pays de transit pour le gaz algérien exporté en Espagne et au Portugal. 10 milliards de mètres cubes sont ainsi transportés chaque année et le Maroc perçoit des droits de péage en gaz et le reste de sa consommation est facturé à des tarifs très avantageux.
La réponse marocaine s’inscrit dans le prolongement du conflit, puisque l’ONEE affirme que même si les deux centrales électriques qui fonctionnent grâce au gaz algérien venaient à s’arrêter, le consommateur marocain ne s’en rendrait pas compte car, pour compenser la perte, le Maroc dispose de plusieurs options : les alimenter en charbon, en produits pétroliers ou bien importer plus d’électricité.
Le premier ministre Aziz Akhannouch est en négociation avec Madrid au sujet du renvoi du gaz algérien à partir de l’Espagne. Ce dernier pays serait quant à lui toujours alimenté par l’Algérie par voie sous-marine, à travers le gazoduc Medgaz.
Toutefois, ce pipeline est aujourd’hui au maximum de sa capacité, 8 milliards de mètres cubes y transitant chaque année. Pour compenser la différence, il faudrait élargir le pipeline, ou transporter le gaz liquéfié par méthaniers. Autant de moyens qui impliquent un coût qui ne peut que se répercuter sur le consommateur, qu’il soit espagnol ou marocain.
L’énergie est donc la dernière arme qu’a choisi d’utiliser l’Algérie dans sa guerre sans fin contre le Maroc. Mais les armes conventionnelles pourraient aussi parler, les deux pays étant les plus grands acheteurs d’armes en Afrique après l’Égypte…
Source : Afriques en lutte
#Maroc #Algérie #SaharaOccidental #Maghreb #Israël #France #Béchar #Tindouf
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Quand les Etats-Unis fournissaient des armes au Maroc « pour assurer la stabilité du roi Hassan II dans un contexte difficile » (docs déclassifiés)
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Résumé de la réunion du Dr. Brzezinski avec le président algérien Chadli Bendjedid
76. Compte-rendu de conversation
Alger, le 2 novembre 1979, de 18h à 19hSUJET : Résumé de la réunion du Dr. Brzezinski avec le président algérien Chadli Bendjedid
PARTICIPANTS
Dr. Zbigniew Brzezinski, conseiller du président pour les affaires de sécurité nationale
Ulric Haynes, ambassadeur des États-Unis en Algérie
Peter Constable, secrétaire d’État adjoint
James M. Rentschler, membre du personnel du NSC
M. Alec Toumayan, interprète
Chadli Bendjedid, président de l’Algérie
Mohamed Benyahia, ministre des Affaires étrangères
InterprèteLe Dr. Brzezinski a commencé par remettre au président Bendjedid une lettre personnelle du président Carter. Il a exprimé son plaisir d’avoir pu visiter plus tôt dans la journée les champs de bataille de Kabylie et son admiration pour les progrès et développements pacifiques qu’il a observés dans cette région. Il a souligné l’importance de contacts plus fréquents entre les deux pays, affirmant que malgré des divergences sur certaines questions, les fondamentaux de leurs relations restaient alignés. Il a déclaré que l’Algérie est une force régionale et internationale essentielle et que les États-Unis souhaitaient un dialogue sérieux sur les grands enjeux communs.
Le président Bendjedid a remercié le Dr. Brzezinski et a noté que malgré des désaccords sur certaines questions internationales, les relations bilatérales étaient bonnes. Il a toutefois exprimé des préoccupations concernant l’approvisionnement en armes des voisins de l’Algérie, notamment le Maroc, par les États-Unis, ce qui pourrait provoquer une instabilité régionale.
Bendjedid a rappelé que l’Algérie, depuis son indépendance, s’est abstenue d’interférer dans les affaires de ses voisins, même en période de troubles au Maroc. Il a souligné que l’Algérie défendait le principe d’autodétermination pour le peuple du Sahara occidental, en accord avec les positions de l’ONU et de l’OUA, afin d’éviter un précédent dangereux en Afrique.
Concernant la question des armes, le président algérien a affirmé que celles acquises par son pays n’avaient jamais été utilisées contre ses voisins, contrairement à la politique expansionniste du Maroc. Il a insisté sur la nécessité pour les grandes puissances, en particulier les États-Unis, d’empêcher une telle politique qui pourrait engendrer des conflits régionaux.
En réponse, le Dr. Brzezinski a souligné que l’objectif des États-Unis en fournissant des armes au Maroc était d’assurer la stabilité du roi Hassan II dans un contexte difficile, et non de favoriser une politique agressive. Il a assuré que les divergences entre les deux pays étaient pratiques et non stratégiques, appelant à un dialogue politique continu pour renforcer les relations bilatérales.
Bendjedid a conclu en réitérant que l’Algérie était engagée dans la paix et le développement de sa population, tout en insistant sur l’importance pour les puissances internationales de promouvoir la stabilité et la non-agression dans la région.
Dr. Brzezinski a remercié le Président Bendjedid pour ses points de vue et a déclaré qu’ils étaient très utiles. Les États-Unis croient fermement qu’Alger n’a que des motivations pacifiques et aucune intention agressive. Quiconque connaît la lutte courageuse de l’Algérie, qui constitue l’un des chapitres les plus remarquables de l’histoire contemporaine, comprend son aspiration à la paix et au développement. (C)
Le Président Bendjedid a affirmé que cela représentait effectivement un fondement essentiel de la vie nationale algérienne ; l’Algérie avait trop souffert pour désirer autre chose. (C)
Dr. Brzezinski a poursuivi en disant qu’en plus de vouloir la paix, l’Algérie était la puissance la plus forte de la région. Elle pouvait se sentir en sécurité quant à sa paix. Les États-Unis n’ont certainement pas l’intention de soutenir quiconque contre l’Algérie. Nous avons l’intention d’utiliser notre influence politique pour encourager le Maroc, ainsi que d’autres amis, à rechercher une solution pacifique. Nous ne sous-estimons pas le potentiel de destruction du conflit au Sahara occidental. Cela menace non seulement le Maroc, notre ami traditionnel, mais aussi tous les autres acteurs de la région. Il est impossible de prédire les conséquences d’une prise de conscience politique généralisée du peuple saharien. Il pourrait être difficile de circonscrire le conflit à sa zone actuelle. [Page 203] On ne peut exclure la possibilité d’un débordement qui inviterait à une confrontation idéologique Est-Ouest. (S)
Le Président Bendjedid a interjeté qu’il n’y avait aucun problème idéologique dans le Sahara occidental. (C)
Dr. Brzezinski a répliqué qu’il pourrait en surgir si le conflit s’élargissait. On ne peut pas prévoir les implications d’un tel conflit ni faire de suppositions fermes. Dans tous les cas, il souhaitait souligner le désir des États-Unis de voir ce conflit prendre fin le plus rapidement possible. La question est de savoir comment et quelle sera la solution. Nous n’avons pas de prescription. Nous encouragerons nos amis à rechercher un accommodement politique ; nous ne les encouragerons pas à chercher une solution militaire. Nous respectons le principe de l’autodétermination. Cela soulève à son tour la question de la manière de progresser vers une solution fondée sur des principes partagés par toutes les parties. À l’heure actuelle, il y a une division entre les parties qui exclut ces principes partagés. Mais avec de la patience et des encouragements de la part des amis, cette division peut être réduite, et les choses qui semblent difficiles ou impossibles à l’une ou l’autre des parties maintenant peuvent devenir acceptables. L’important est d’éviter de créer une situation où l’une des deux parties se sent contrainte à des actes de désespoir ou de provocation. (S)
Le Président Bendjedid a demandé des précisions : quelles étaient les deux parties auxquelles Dr. Brzezinski faisait référence ? (C)
Le Maroc et ceux qui s’opposent au Maroc, a répondu Dr. Brzezinski. Il a ajouté qu’il ne savait pas vraiment qui s’opposait au Maroc, mais il supposait que tout le monde dans la pièce savait. Il a ensuite assuré au Président que les États-Unis engageaient des discussions avec leurs amis, discussions qui ne sont pas faciles, pour les encourager à envisager les réalités de manière pacifique et pratique. À ce stade, nous ne pensons pas qu’il soit possible d’envisager les détails d’une solution pacifique, mais cela pourrait devenir possible une fois qu’un processus aura été amorcé, conduisant à un dialogue sérieux. (C)
Le Président Bendjedid a déclaré qu’il était d’accord avec le Dr Brzezinski mais souhaitait souligner qu’Algérie est membre de l’OUA, une organisation qui a désigné un comité pour traiter ce problème. Les États-Unis et leurs alliés devraient collaborer avec ce comité pour amener le Maroc à adopter une politique différente vis-à-vis du Sahara occidental. (C)
Le Dr Brzezinski a répondu que les États-Unis étaient prêts à explorer toutes les voies susceptibles de conduire à la paix. Cependant, nous ne sommes pas prêts à devenir un médiateur – nous avons l’impression que ni l’Algérie ni le Maroc ne souhaitent que nous jouions ce rôle. (C)
Le Président Bendjedid a rétorqué que ce n’était pas ce qu’il voulait dire. Il existe un cadre pour la paix qui n’a pas encore été utilisé. (C)
[Page 204]
Le Dr Brzezinski a noté qu’il rencontrerait le Président Tolbert après son entretien avec le Président Bendjedid et qu’il s’attendait à ce que cette question soit davantage discutée. Tout ce qu’il affirme pour l’instant, c’est que nous explorerons toutes les voies vers la paix. Le Maroc et l’Algérie sont des pays arabes ; il existe de nombreuses façons d’encourager les parties à avancer vers la paix dans ce contexte. (C)
Le Président Bendjedid a assuré au Dr Brzezinski que l’Algérie accueillerait favorablement toute initiative menant à la paix et à la stabilité dans ce conflit. Cela serait dans l’intérêt de l’Algérie. Bien que l’Algérie ne soit pas directement impliquée dans le conflit, il est dans son intérêt de le voir résolu. Il a ensuite demandé au Dr Brzezinski si les États-Unis croyaient au principe de l’autodétermination. (C)
Le Dr Brzezinski a répondu par l’affirmative. Cependant, il a ajouté que l’autodétermination n’était qu’un principe parmi d’autres : la non-utilisation de la force en est un autre ; la sécurité nationale en est un troisième. Il était sûr que nous partagions tous ces principes. (C)
Le Président Bendjedid a réaffirmé que l’Algérie avait certains principes ; il souhaitait souligner cet aspect. (C)
Le Dr Brzezinski a réitéré qu’il ne croyait pas qu’il y ait un conflit fondamental entre nous sur la question des principes ou de leur application, que ce soit sur ce continent ou ailleurs. Nous estimons que le Mouvement des Non-Alignés est une force positive dans les affaires mondiales. C’est un changement dans la politique des États-Unis par rapport aux administrations précédentes. Nous pensons que des pays comme l’Algérie et la Yougoslavie jouent un rôle de leadership de manière constructive. C’est un développement historiquement important, car il implique un affaiblissement des divisions idéologiques autrefois intenses. Pendant de nombreuses années en Occident, par exemple, le concept de socialisme était associé à l’athéisme. L’Algérie démontre que le socialisme et la religion sont compatibles. (C)
Le Président Bendjedid a déclaré qu’il souhaitait insister sur le fait que l’Algérie continue de suivre la même voie dans la construction de sa société. Personne ne pourrait faire de l’Algérie un pays communiste. (C)
Le Dr Brzezinski a affirmé qu’il n’avait jamais soupçonné le peuple algérien ou ses dirigeants de sympathie pour le communisme ; cependant, avant sa visite, il avait sous-estimé l’ampleur de l’attachement du peuple algérien à la religion. En tant que jeune étudiant et académicien, il considérait la lutte algérienne davantage comme un phénomène politique et national plutôt que religieux. La résurgence de la religion dans la vie nationale est quelque chose que le Dr Brzezinski trouve particulièrement fascinant. En Amérique, nous ne craignons ni ne désapprouvons cela. Nous l’accueillons favorablement, [Page 205] car cela correspond à la mosaïque philosophique et systémique que nous considérons comme idéale pour un monde de pluralisme et de diversité. S’il était un dirigeant soviétique, il serait profondément préoccupé par cette tendance. Il se demanderait, chaque fois que des salutations apparaissent dans la Pravda de la République socialiste et démocratique d’Algérie, ce que les 65 millions de musulmans vivant en Union soviétique pourraient penser. Il pourrait imaginer des habitants de Tachkent dire : « Pourquoi ne puis-je pas avoir ma propre mosquée, mon propre drapeau, mon propre pays ? » (C)
Le Président Bendjedid a conclu la réunion en soulignant à quel point il avait trouvé son entretien avec le Dr Brzezinski fructueux. L’Algérie et les États-Unis favorisent tous deux une relation de coopération. En ce qui concerne le Sahara occidental, il croit que les États-Unis agiront en faveur d’une solution politique et est confiant dans les intentions américaines à cet égard. Il a demandé au Dr Brzezinski de transmettre ses meilleurs vœux au Président Carter, qu’il espère rencontrer prochainement. (C)
Le Dr Brzezinski a exprimé ses chaleureux remerciements pour sa rencontre avec le Président Bendjedid, l’a assuré que le Président Carter espérait l’accueillir à la Maison-Blanche et lui a offert un modeste cadeau de la part du Président. (U)
Source : Bibliothèque Carter, Affaires de sécurité nationale, Matériel Brzezinski, Fichier thématique, Boîte 34, Memcons : Brzezinski : 9–12/79. Secret. La réunion a eu lieu à l’hôtel Aurassi.↩
Voir le Document 74.↩
Non identifié davantage.↩
La référence est à la tentative de coup d’État du 10 juin 1971 au palais balnéaire de Hassan à Skhirat. Pour plus de détails sur l’attaque, voir Relations étrangères, 1969–1976, vol. E–5, Partie 2, Documents sur l’Afrique du Nord, 1969–1972, Documents 116 et 117.↩
Le Dr Brzezinski a rencontré Tolbert, alors président en exercice de l’OUA, de 19h à 19h45. Le mémorandum de conversation se trouve dans la Bibliothèque Carter, Affaires de sécurité nationale, Matériel Brzezinski, Fichier thématique, Boîte 34, Memcons : Brzezinski : 9–12/79. Un bref résumé de la réunion figure dans le télégramme 289347 envoyé à Alger, Monrovia et Rabat, le 6 novembre. (Archives nationales, RG 59, Dossier central de politique étrangère, D790509–1095)↩
Source : State Department
#Maroc #Algérie #EtatsUnis #Armes #SaharaOccidental #HassanII #Bendjedid #Brzezinski
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Au Maroc, la France finance Medi1, vieillissante voix du roi
Etiquettes : Maroc, France, Médi1, Algérie, Sahara Occidental, Elodie Font, Marion Guénard, Radio Méditerranée Internationale, Valéry Giscard d’Estaing,
www.tamanrasset.net – 21 septembre 2010
Temoignage : Au Maroc, la France finance Medi1, vieillissante voix du roi
par Elodie Font et Marion Guénard | ex-journalistes à Medi 1Ex-journalistes à Medi1, Elodie Font et Marion Guénard racontent le fonctionnement particulier d’une radio surveillée de près par le pouvoir, et où le moindre impair à l’antenne peut coûter cher. Et rappellent que le financement de ce média très institutionnel est assuré en partie par la France, via une subvention pour la rédaction française.
(De Tanger) Au dernier étage d’une imposante villa qui domine le mythique détroit de Gibraltar, au nord du Maroc, journalistes, animateurs et techniciens s’activent. « Sept heures trente sur Medi 1 ! » Comme chaque matin, depuis trois décennies, le jingle retentit. C’est parti pour un quart d’heure d’informations maghrébines et internationales.
Radio Méditerranée Internationale, plus connue sous le nom de Medi1, a soufflé il y a quelques jours ses trente bougies. Depuis 1980, elle émet vingt-quatre heures sur vingt-quatre, en arabe et en français. D’après ses propres chiffres (il n’existe pas d’instituts statistiques), elle serait écoutée par plus de 20 millions d’auditeurs.
Il y a trois décennies, Medi 1 était un ovni dans le paysage médiatique maghrébin : seuls les relais officiels des différents régimes sont alors autorisés. Les auditeurs découvrent la matinale, avec un ton plus direct et des informations fiables sur l’actualité internationale. Une station innovante, qui semble indépendante.
Hassan II en est pourtant à l’origine : le roi cherche alors à contrer la couverture algérienne du conflit au Sahara. L’idée séduit le président français, Valéry Giscard d’Estaing, qui y voit un moyen de pérenniser l’influence française au Maghreb.Medi 1, un vent de liberté vite essouflé
L’accord est scellé : Medi 1 sera possédée à 51% par le Maroc et à 49% par la France, par l’intermédiaire de la Compagnie internationale de radio et télévision (le CIRT), que nous avons joints pour obtenir davantage de détails, mais personne n’a souhaité nous répondre.
Un vent de liberté qui s’essouffle rapidement. Medi 1 n’échappe pas à la règle : impossible pour la radio de repousser certaines limites. Principal mot d’ordre : ne jamais offenser le pouvoir royal, qu’il soit incarné par Hassan II, puis par son fils Mohammed VI.
A sa prise de pouvoir, en 1999, le roi, jeune trentenaire, semble pratiquer l’ouverture. Pourtant, aujourd’hui, Medi 1 n’a jamais été autant assujettie au palais. C’est d’ailleurs la station qui diffuse le plus longuement les activités royales -davantage que la Radio Télévision Marocaine, fidèle parmi les fidèles. Par activité royale, comprenez le récit détaillé de l’emploi du temps du roi, quel qu’il soit.
Voici l’extrait d’un communiqué (pris au hasard), publié par la MAP, l’agence de presse officielle du Royaume :
« SM le Roi inaugure à Agadir un centre de formation professionnelle mixte et un centre de consolidation des compétences des femmes, d’un coût total de 12 millions de dirhams.
Agadir – Sa Majesté le Roi Mohammed VI, que Dieu L’assiste, a inauguré, mardi à Agadir, un centre de formation professionnelle mixte et un centre de consolidation des compétences des femmes, réalisés par la Fondation Mohammed V pour la solidarité pour un coût global de 12 millions de dirhams. [1 million d’euros, ndlr] »
Sur l’antenne, les journalistes ont le droit d’oublier le « Sa Majesté » et le « que Dieu l’assiste.» Pour le reste, tous les mots sont repris. Tant pis si, finalement, l’information peut paraître obscure. Le plus important, c’est de recracher la dépêche le plus rapidement possible à l’antenne. Et d’en faire l’ouverture.
Explication du nouveau PDG de la radio, Hassan Khyiar :« Quand le roi, après avoir inauguré un centre, remonte dans sa voiture, il veut l’entendre sur Medi 1 le plus vite possible. »
Pas question de se tromper à l’antenne : Medi 1 est la voix du roi
Et pour cause : avec 20 millions d’auditeurs, une diffusion dans tout le Maghreb, Medi 1 est devenue progressivement la voix du roi. Au Maroc, bien sûr, mais aussi pour les observateurs extérieurs. Pas question donc de se tromper sur un chiffre ou sur un nom.
En mai, l’une de nous deux en a fait les frais. Le roi d’Arabie saoudite venait de faire un don au Maroc, et il fallait rapidement donner l’information à l’antenne. Dans la précipitation, elle parle du « président de l’Arabie saoudite ».
Dans une monarchie, c’est l’erreur à ne pas faire. A peine le flash terminé, le téléphone sonne dans le bureau des rédacteurs en chef. Plusieurs dizaines de fois. Au bout du fil, très en colère, l’ambassade d’Arabie saoudite et le Palais royal.
En une heure, la radio est sens dessus dessous. Personne ne comprend réellement ce qui se trame. Ni elle, ni ses collègues.
Une heure après, elle présente un nouveau flash. En sortant du studio, son rédacteur en chef l’attend. Le visage grave, il lui annonce : « On demande ta tête. » Une exigence du Palais. Pour cette erreur, elle a finalement été mise à pied pendant trois jours.
Medi 1 parle plus librement de l’Algérie, mais n’enquête guère
Pour éviter tout dérapage, tous les sujets de politique intérieure et de société passent à la trappe. A part pour quelques domaines chers à la famille royale (comme la lutte contre le cancer), Medi 1 ne s’autorise pas à parler du Maroc.
La radio parle plus librement de l’Algérie. Dans les années 1990, le GIA algérien y diffusait d’ailleurs ses communiqués -comme dans l’affaire des moines de Tibéhirine. Les nombreux auditeurs algériens cherchent sur les ondes marocaines une vision plus critique de leur pays.
Sur certains sujets, ils sont servis. La question du Sahara, par exemple -ce qu’on appelle en France le Sahara occidental. Medi 1, comme les autres stations marocaines, ne peut se permettre aucune nuance : le Maroc a forcément raison, l’Algérie toujours tort.
Medi 1 est très écoutée en Algérie et pourtant la station n’a que deux correspondants réguliers à Alger. Alors, pour parler du pays, chaque matin, le premier réflexe des journalistes est d’éplucher la presse algérienne (El Watan, Liberté, L’Expression), d’en ressortir une poignée d’informations qui datent souvent de l’avant-veille, et de les redonner à l’antenne. En ne les vérifiant jamais.
S’inspirer de la presse algérienne, c’est une vieille tradition dans la rédaction. Preuve parmi d’autres de la faible évolution du traitement de l’information. Après trois décennies, les journalistes sont toujours obligés de passer par le standard pour appeler à l’extérieur ; il n’y a toujours pas d’invité en direct -pour éviter ce qui est arrivé à la station privée Radio Mars ; toujours pas de reportage.
Les subventions françaises accordées à la radio augmentées en 2010
Pourtant Medi1 ne manque pas de financements. Fait rare en ces temps de vaches maigres, les subventions françaises reçues ont même augmenté cette année. En 2010, l’Etat lui a versé 1,6 million d’euros, pour financer la rédaction francophone -composée d’une quinzaine de journalistes.
Même si elle est encore une référence aujourd’hui, la vieille Medi 1 est en train de se faire rattraper de toute part par des radios concurrentes bien plus aventurières (2M ou Aswat).Pour stopper l’hémorragie, la nouvelle direction va lancer en octobre une nouvelle grille. Un des principaux objectifs : développer le numérique. Alors que le journalisme citoyen est apparu il y a déjà plusieurs années, le site ne propose aucune forme d’interactivité avec les auditeurs.
Medi 1 était à ses débuts un appel d’air sans précédent, un vrai laboratoire d’idées. C’est aujourd’hui une radio bien difficile à dépoussiérer.
#Maroc #France #Médi1 #Algérie #SaharaOccidental
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Maroc-Espagne. Je t’aime, moi non plus!
Etiquettes : Maroc, Espagne, Sahara Occidental, Ceuta, Melilla, José Luis Rodriguez Zapatero,
par Driss Bennani
Une crise chasse désormais l’autre dans le registre des relations entre les deux royaumes. Comment expliquer cette escalade diplomatique ? Prendra-t-elle bientôt fin ?
Rien ne va plus entre le Maroc et l’Espagne. Durant le mois d’août, les deux pays ont frôlé la crise diplomatique suite à l’agression, en juillet dernier, de cinq jeunes Marocains par des éléments de la Guardia Civil. Une crise à peine dissipée qu’un nouvel incident est venu rappeler la précarité des relations entre les deux pays. Samedi 28 août, un groupe de militants associatifs espagnols organise une manifestation pro-Polisario au beau milieu de Laâyoune.
Rapidement encerclés par les forces de l’ordre, ils ont été reconduits aux Iles Canaries où une armée de reporters et de caméras les attendait pour montrer les bleus sur leurs corps et témoigner ainsi de “la sauvagerie de la police marocaine au Sahara”. Ont-ils véritablement été maltraités par les forces de l’ordre ou (c’est la version officielle du gouvernement) se sont-ils fait attaquer par des unionistes marocains ? Mystère. Toujours est-il que le Premier ministre espagnol s’est une nouvelle fois retrouvé obligé de “demander des explications” à ses homologues marocains, tout juste revenus à de meilleurs sentiments vis-à-vis des responsables ibériques.
“Cela est bien la preuve que le gouvernement ne maîtrise pas tout en Espagne. Des lobbys hostiles au Maroc estiment que ce dernier a remporté une victoire diplomatique durant la dernière crise et qu’il faut donc venger une certaine fierté espagnole. L’incident de Laâyoune n’est probablement donc que le premier d’une longue série à venir”, décrypte Nabil Driouch, chercheur marocain installé en Espagne.
L’hélico qui fâche
Il faut dire que la crise estivale entre les deux royaumes n’a pas encore livré tous ses secrets. “On ne sait pas ce qui a réellement motivé cette escalade diplomatique, affirme l’universitaire espagnol Bernabe Garcia Lopez. Ce n’est pas la première fois que des incidents éclatent aux passages frontaliers de Sebta et Melilia. Cela n’a jamais donné lieu à une réaction aussi virulente de la part du ministère marocain des Affaires étrangères”.
Selon plusieurs sources au fait des relations maroco-espagnoles, c’est un incident militaire survenu durant le mois de juillet à Al Hoceïma qui aurait tout déclenché. Le roi Mohammed VI est alors en visite dans la région lorsqu’un hélicoptère militaire espagnol s’approche de la résidence où il se trouve. L’hélicoptère approvisionnait une caserne militaire située sur une île occupée, à quelques mètres seulement du littoral marocain. Une manœuvre habituelle dans la région, mais son timing aurait sérieusement dérangé le roi Mohammed VI. “D’autant que, rappelle Driouch, le Maroc n’avait toujours pas digéré la visite du roi d’Espagne à Sebta et Melilia ainsi que la mobilisation espagnole en faveur d’Aminatou Haïdar, et qu’il a totalement revu la nature de ses relations vis-à-vis de son voisin du nord”.
Bref, quand cinq jeunes Marocains sont maltraités par des policiers espagnols, le royaume saute sur l’occasion et descend en flamme la Guardia Civil espagnole. Idem quand des membres de ce corps “jettent” à la mer des immigrés clandestins, sauvés in extremis par la marine marocaine. En tout, le Maroc a publié cinq communiqués officiels au ton particulièrement virulent à l’encontre du gouvernement de José Luis Rodriguez Zapatero, pourtant présenté comme un ami du royaume chérifien au début de son mandat.
“Dans toutes ses sorties, le Maroc a fait allusion à l’occupation de Sebta et Melilia. C’est un sujet qui fait très mal à Madrid”, affirme Driouch. Parallèlement aux communiqués officiels, le Maroc tolère certaines manifestations hostiles aux intérêts espagnols. Quelques jours avant le début du ramadan, des manifestants ont carrément bloqué l’accès des camions à Melilia, privant l’enclave de produits de première nécessité pour la communauté musulmane qui y vit. Le gouvernement espagnol essaye de tempérer mais Rabat fait la sourde oreille. Il a fallu que le roi Juan Carlos téléphone personnellement au roi Mohammed VI pour que les deux royaumes acceptent de tourner la page.
“Le roi d’Espagne a voulu arrêter l’escalade et éviter ainsi des dérapages qui pouvaient nuire gravement aux relations entre les deux pays. Rien n’a filtré concernant le contenu des discussions mais elles ont dû être éminemment politiques”, analyse Garcia Lopez. Cela a d’ailleurs failli se produire quand l’ancien président du gouvernement, José Maria Aznar, a effectué une visite à Melilia pour “remonter le moral des troupes” face à la faiblesse du gouvernement.
Pompier madrilène
Quelques jours après l’appel téléphonique entre les deux monarques, l’Espagne dépêche son ministre de l’Intérieur à Rabat. “Notons que l’Espagne n’a pas envoyé son chef de la diplomatie. En dépêchant son ministre de l’Intérieur, elle considère les incidents survenus comme étant techniques et non politiques”, explique Driouch. Ce qui n’est pas le cas du Maroc. En plus du déplacement du responsable espagnol, le royaume a en effet obtenu l’arrivée prochaine de Miguel Angel Moratinos, ministre des Affaires étrangères, et du roi Juan Carlos. Le roi Mohammed VI a ensuite tenu à s’entretenir personnellement avec le ministre ibérique de l’Intérieur, en le chargeant (sans doute) de transmettre des messages politiques à son gouvernement.
Reste une question : comment expliquer la retenue et la prudence du gouvernement Zapatero tout au long de ces dernières semaines ? “Dès son élection, Zapatero a promis d’améliorer la relation de l’Espagne avec ses voisins, et d’abord le Maroc. Il y va donc de son bilan gouvernemental”, assure Driouch. Reste à savoir si ce même gouvernement résistera longtemps aux pressions de plusieurs lobbys politiques, médiatiques et associatifs hostiles au Maroc.
Diplomatie. En attendant Ould Souilem
Le Maroc aurait-il abandonné l’idée de nommer Ahmedou Ould Souilem à la tête de l’ambassade marocaine à Madrid ? C’est le bruit qui court actuellement dans les salons et les rédactions espagnoles. Depuis mars 2010 en effet, l’Espagne a définitivement accepté d’accréditer l’ancien dirigeant du Polisario, mais le Maroc ne l’a toujours pas officiellement installé à son poste, ouvrant la porte aux rumeurs les plus folles. En plus, depuis plusieurs semaines, Ould Souilem s’est totalement éclipsé de la scène médiatique, renforçant (surtout en Espagne) l’hypothèse d’un changement de cap de la part du Maroc.
Autre ambassadeur qui attend d’être accrédité : celui de l’Espagne au Maroc. Le successeur de Luis Planas a, selon plusieurs sources, déjà été désigné. Il s’agirait de l’actuel ambassadeur espagnol à Lisbonne. L’arrivée prochaine du chef de la diplomatie espagnole à Rabat suffira-t-elle pour pallier ce “vide diplomatique” ? Wait and see.
Tel Quel n. 437
#Maroc #Espagne #SaharaOccidental
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Face au Maroc, une victoire amère
Etiquettes : Maroc, Espagne, PSOE, Ignacio Cembrero, Pegasus, espionnage,
Face au harcèlement judiciaire du Royaume alaouite, un journaliste peut se protéger psychologiquement. Mais face au soutien apporté à Rabat par les gouvernements espagnols, notamment celui du PSOE, cela devient impossible. Ils sapent la défense du journaliste. Leur comportement fait mal.
Il était presque minuit, ce jeudi 19 décembre. Depuis déjà 12 heures, mon avocat, Javier Sánchez Moro, m’avait annoncé la grande nouvelle : le Royaume du Maroc ne ferait pas appel devant la Cour suprême de la décision rendue par la Cour provinciale de Madrid, qui rejetait sa plainte contre moi pour « action de vantardise », suite à mes accusations selon lesquelles il serait responsable de l’espionnage de téléphones portables via le logiciel espion Pegasus.
Depuis 12 heures, j’avais partagé cette nouvelle via des listes de diffusion et des réseaux sociaux. Elle mettait fin à deux ans et demi de persécution judiciaire, qui avaient été précédés par huit autres années où le gouvernement marocain avait réussi à me faire inculper à l’Audience nationale pour apologie du terrorisme. Cette plainte avait finalement été classée sans qu’il y ait de procès.
Dès midi, ce jeudi 19, j’ai reçu des centaines de messages de félicitations pour ce dénouement. Des collègues journalistes, des associations de presse, des hauts responsables d’institutions publiques, des politiciens de tous bords parlementaires, des amis ou des lecteurs anonymes m’ont adressé leurs messages, en privé ou sur les réseaux sociaux. Parmi eux, il y avait même quelques membres du PSOE, ce parti dont le secrétaire général, Pedro Sánchez, s’est aligné, en mars 2022, sur la solution préconisée par le Maroc pour résoudre le conflit au Sahara occidental.
Il était presque minuit ce jeudi-là, et je ne pouvais plus contenir ma frustration : aucun membre du gouvernement espagnol ne m’avait félicité. Ce n’est pas que je connaisse beaucoup de ministres, mais quelques-uns avec qui j’ai partagé des moments avant leur arrivée au gouvernement. Avec l’un d’eux, j’ai même donné une conférence conjointe organisée par le Parlement européen.
Cette nuit-là, je n’ai plus pu attendre. J’ai envoyé un court message privé à ceux figurant dans mon carnet d’adresses. Je leur ai dit que, dans un moment comme celui-ci, j’aurais apprécié recevoir une félicitation de la part d’un membre du gouvernement espagnol. Ils ont vu le message — comme l’indiquent les deux coches sur WhatsApp — mais tous, sauf une, sont restés silencieux. Celle qui m’a répondu immédiatement s’est excusée pour sa journée chargée et m’a adressé une félicitation sincère. Je lui suis très reconnaissant, mais cela ne compense pas l’amertume causée par le silence de ses collègues.
Ce mutisme gâche ma victoire, la quatrième en dix ans, contre le Maroc, son gouvernement, ses espions, et désormais contre le Royaume alaouite lui-même. Après une décennie de harcèlement judiciaire, j’ai développé une résistance psychologique face à leurs attaques. Mais je ne me suis jamais habitué à ce que mes propres compatriotes, en particulier les sociaux-démocrates auxquels je m’identifie, soutiennent les autorités du pays voisin dans leur harcèlement.
Les premiers signes de soutien à Rabat contre le journaliste espagnol sont apparus sous le gouvernement du Parti Populaire. Depuis la première investiture de Pedro Sánchez, cela s’est accentué. Je donnerai quelques exemples parmi une longue liste. Le 19 janvier 2023, les eurodéputés socialistes espagnols — contrairement au reste de leur groupe — ont voté contre une résolution du Parlement européen demandant aux autorités marocaines de cesser le harcèlement judiciaire que je subissais. Ils n’ont jamais expliqué leur vote, qui coïncidait avec celui de l’extrême droite française.
L’an dernier, un commissaire européen que je connais a suggéré à Nasser Bourita, ministre marocain des Affaires étrangères, que ce serait souhaitable que Rabat retire sa plainte contre moi. Bourita a refusé, étonné que le commissaire s’intéresse à mon cas alors que les ministres espagnols avec qui il s’était entretenu ne l’avaient pas fait.
Il était naïf de ma part d’espérer qu’Albares intervienne en ma faveur. Le gouvernement espagnol a accepté de se réconcilier avec le Maroc en mars 2022, sans exiger le retrait des plaintes, inspirées par Rabat, contre l’ex-ministre des Affaires étrangères Arancha González Laya et son chef de cabinet, pour avoir organisé l’accueil en Espagne de Brahim Ghali, le leader du Front Polisario.
Tout ce qui touche au ministère espagnol des Affaires étrangères m’est interdit. Jamais je n’ai été invité à leurs briefings, ni même à présenter mon livre La España en Alá. Même mon premier avocat a été écarté.
Le Département de sécurité nationale de Moncloa a offert des arguments aux avocats marocains en 2023, en omettant de mentionner le Maroc dans un rapport sur les menaces étrangères, tout en dénonçant la Russie et la Chine.
Certains disent que je suis « antimarocain ». Je tiens à le dire haut et fort : je ne suis pas anti-marocain, tout comme les antifranquistes n’étaient pas anti-espagnols.
Je passe beaucoup de temps à échanger avec des Marocains, certains devenus des amis, qui m’ont aidé dans mon travail. Mais analyser le comportement de Rabat est désormais perçu comme dérangeant, pour les deux parties.
Ignacio Cembrero
Source : El Confidencial, 29/12/2024
#Maroc #Pegasus #IgnacioCembrero #Espionnage #ForbiddenStories
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Cameroun : 40e anniversaire de l’assassinat de Tchoutchang Pouemi
Etiquettes : Cameroun, Tchoutchang Pouemi, France, Franc CFA, néocolonialisme, Françafrique,
Il y a 40 ans et un jour, l’un des pères idéologiques de la lutte contre le Franc CFA, Tchoutchang Pouemi, auteur du classique « Monnaie, servitude et liberté », était assassiné sur ordre du gouvernement français.
40 ans plus tard, le Franc CFA est toujours là, et le gouvernement néocolonial français persécute toujours ses véritables détracteurs.
Sa biographie selon Wikipedia
Joseph Tchundjang Pouemi, né le 13 novembre 1937 à Bangoua au Cameroun et mort le 27 décembre 1984, est un économiste camerounais1.
Joseph Tchundjang Pouemi est né le 13 novembre 19373 à Bangoua dans le Ndé à l’Ouest du Cameroun où il fait ses études primaires, avant de s’inscrire au Collège Moderne de Nkongsamba où il obtient le BEPC en 1955. Ses études sont interrompues à la suite d’une mesure d’internement dans le Nord du pays où il servira comme instituteur à Pitoa de 1955 à 1958. Cette interruption ne l’empêche cependant pas de préparer son Baccalauréat qu’il obtient en 1959 et de poursuivre de 1960 à 1964 des études supérieures à l’Université de Clermont-Ferrand. Il y mène des études de Mathématiques et de Sciences Economiques et obtient sa licence de Sciences économiques en 1964. La même année, il entre à l’École nationale de la statistique et de l’administration économique (ENSAE) de Paris. Il en sort diplômé en 1967 avec le titre d’Administrateur de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). En 1968, il soutient une thèse de Sciences économiques préparée sous la direction de Pierre Massé, le père des plans français, sous le titre Les critères de choix des projets d’investissement en pays sous développés par les organismes internationaux, fondements théoriques et problèmes d’applications4. Sa thèse complémentaire, soutenue en 1970, s’intitule Considérations sur les comptes nationaux du Cameroun5.
Il se met immédiatement au service de la nation, comme enseignant à la Faculté de Droit et des Sciences Economiques de l’Université Fédérale du Cameroun et dirige en outre la fondation Canergie qui donnera naissance à l’IRIC.En 1971, il est reçu au concours d’Agrégation de Droit et des Sciences économiques. Premier Camerounais ainsi reçu à ce concours, il est nommé Professeur Titulaire et en 1973 Chef de Département des Sciences économiques, fonction qu’il assume jusqu’en 1975. En même temps, il se voit confier la Direction de l’Institut d’administration des entreprises (IAE).
En 1975, il est Professeur à l’Université d’Abidjan dont il dirige le département d’Économie publique et participe, comme économiste en chef, aux travaux et études du Bureau National d’Étude de Technique du Ministère du Plan. À ce titre, il assure la direction de nombreuses études, notamment sur les problèmes monétaires.
En 1977, il rejoint le Fonds monétaire international (FMI) à Washington, mais en démissionne deux années plus tard, du fait d’un désaccord patent avec les prescriptions économiques et monétaires de cet organisme. Il rejoint le Cameroun en 1979 et est nommé professeur au Centre universitaire de Douala, nouvellement créé. Professeur des techniques quantitatives à l’École supérieure des sciences économiques et commerciales du centre, il y est nommé Chef de Département d’Analyse de données et Traitement de l’Information en 1983.
Le 22 août 1983, il est nommé Directeur Général du Centre Universitaire de Douala, fonction qu’il assume jusqu’en août 19843.
Appelé à l’université de Yaoundé à la rentrée académique 1984-1985, c’est à ce moment-là qu’il meurt brutalement.
Le Professeur Tchundjang a été un économiste dont les travaux sont reconnus à l’Université camerounaise et par la communauté scientifique nationale et internationale. Son combat s’est livré essentiellement à partir de sa chaire des universités de Yaoundé et d’Abidjan et du centre universitaire de Douala, c’est-à-dire sur le front de formation de nombreuses promotions d’étudiants.
Ouvrages et études :
–Monnaie, Servitude et Liberté, Édition Jeune Afrique, 1980; réédition par les éditions menaibuc, Paris 2000
–Microéconomie appliquée, Faculté de Droit et des Sciences Economiques de Yaoundé 1974
–Monnaie et indépendance nationale, BNETD – Ministère du plan, Abidjan 1977
–Le système bancaire et le financement de l’économie ivoirienne, BNETD – Ministère du plan, Abidjan 1977
#FrancCFA #France
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Quelles sont les implications attendues de l’accord entre l’Algérie et la Mauritanie sur le renforcement de la sécurité frontalière ?
Etiquettes : Algérie, Mauritanie, Maroc, Sahara Occidental, Sahel, Wagner, Azawad, Mali,
L’Algérie montre un intérêt accru à intensifier ses mouvements militaires et sécuritaires pour renforcer son rôle régional, lequel a récemment fait face à de fortes pressions. Ces pressions découlent des désaccords croissants avec certaines puissances internationales et régionales, ainsi que du succès du Maroc à obtenir le soutien de plusieurs pays pour son approche concernant la question du Sahara occidental.
Dans ce contexte, le chef d’état-major algérien, le général de corps d’armée Saïd Chengriha, a visité la Mauritanie le 16 octobre 2024, où les deux pays ont signé un accord pour renforcer la sécurité des frontières. Cette initiative revêt une importance particulière au regard des développements régionaux dans la région du Sahel, notamment l’escalade des conflits dans le nord du Mali, qui a entraîné des interventions accrues de puissances extérieures telles que la Russie, l’Ukraine et la France. Les tensions entre l’Algérie et Moscou se sont également accrues en raison du soutien russe à l’armée malienne contre les mouvements de l’Azawad.
Objectifs multiples
L’Algérie et la Mauritanie visent à atteindre les objectifs suivants grâce à la signature de cet accord de sécurité frontalière :
Contenir l’influence décroissante de l’Algérie au Sahel : Les relations entre l’Algérie et les pays du Sahel, notamment le Mali, le Niger et le Burkina Faso, se sont tendues ces dernières années, surtout à la suite des développements politiques et militaires dans ces pays au cours des quatre dernières années. Le Mali a pris des mesures pour empêcher l’intervention de l’Algérie dans le nord, ce que Bamako considère comme une ingérence dans ses affaires intérieures. Cela a exacerbé les tensions et conduit à une crise politique entre les deux pays, le Mali accusant l’Algérie de soutenir les mouvements de l’Azawad, tandis que l’Algérie s’inquiète des opérations militaires maliennes à la frontière. Un indicateur clair de l’affaiblissement de l’influence algérienne est l’alignement du Mali, du Niger et du Burkina Faso sur l’initiative atlantique lancée par Rabat, en défi aux politiques de l’Algérie.
Réduire les craintes mauritaniennes face aux incursions du Polisario : La Mauritanie exprime des inquiétudes croissantes concernant les incursions répétées de membres du Front Polisario sur son territoire. La frontière maroco-mauritanienne a connu des violations de la part du Polisario, qui viserait à mener des opérations contre le Maroc. Le président mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani a mis en garde contre ces incursions. L’Algérie, par cet accord, semble vouloir apaiser ces craintes en renforçant la coopération sécuritaire et en matière de renseignement avec Nouakchott.
Renforcer la coordination face au groupe Wagner : L’Algérie et la Mauritanie sont préoccupées par les mouvements militaires du groupe russe Wagner près de leurs frontières. La Mauritanie a averti à plusieurs reprises de leurs incursions présumées sur son territoire, tandis que l’Algérie s’inquiète de l’expansion des activités de Wagner au Sahel et dénonce leur soutien aux opérations militaires maliennes. Les deux pays semblent donc convenir d’une coordination accrue pour contrer les mouvements de Wagner.
Former une alliance régionale parallèle aux alliances soutenues par la Russie : L’Algérie et la Mauritanie surveillent les mouvements des armées libyenne et malienne, soutenues par la Russie. Les deux pays estiment que ces mouvements peuvent avoir des répercussions négatives sur la sécurité régionale, et il apparaît que l’Algérie et la Mauritanie envisagent de constituer une alliance sécuritaire régionale en opposition aux alliances soutenues par la Russie.
Renforcer la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée : Les menaces liées à l’expansion des organisations terroristes et de la criminalité organisée, notamment le groupe Jama’at Nasr al-Islam wal Muslimin, obligent les deux pays à coordonner leurs efforts en matière de sécurité et de renseignement pour empêcher leur propagation. De plus, ils entendent lutter contre la contrebande d’or et le trafic de drogue le long de leurs frontières communes.
Conséquences possibles
Les mouvements militaires et sécuritaires algériens devraient avoir des répercussions sur les dynamiques régionales au Maghreb et au Sahel :
Intensification de la concurrence entre l’Algérie et le Maroc : Les mouvements militaires algériens pourraient inciter le Maroc à offrir davantage d’incitations à la Mauritanie pour influencer sa position sur l’initiative d’autonomie proposée par Rabat au sujet du Sahara occidental.
Escalade des opérations militaires marocaines contre le Polisario : Le Maroc, préoccupé par les mouvements algériens en direction de la Mauritanie et l’absence de résolution internationale au conflit, pourrait intensifier ses opérations militaires contre le Polisario.
Tensions accrues entre l’Algérie et la Russie : Le renforcement de l’opposition algérienne à la stratégie russe au Sahel pourrait exacerber les tensions entre Alger et Moscou, notamment en raison du soutien russe à l’armée malienne contre les mouvements de l’Azawad.
Augmentation des activités de renseignement au Sahel : L’accord entre l’Algérie et la Mauritanie pourrait entraîner une intensification des activités de renseignement algériennes dans la région, contribuant à une plus grande instabilité politique et sécuritaire.
Intérêts conflictuels
En conclusion, cet accord de sécurité reflète la situation de tension et de conflit régional dans le Sahel et le Maghreb, avec l’implication croissante de puissances internationales et des visions contradictoires entre l’Algérie et la Russie. Les actions militaires algériennes pourraient exacerber ces conflits, avec des scénarios allant de coups d’État à des crises d’intégration nationale dans des pays comme le Mali et la Libye.Source : Politics DZ
#Algérie #Mauritanie #Maroc #SaharaOccidental #Mali #Russie #Wagner #Azawad
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Realpolitik cynique: Macron vend l’âme de la France au Makhzen
Etiquettes : France, Maroc, Emmanuel Macron, Algérie, Sahara Occidental,
Emmanuel Macron vient de franchir un cap dangereux dans le camouflet cinglant infligé aux légitimes revendications d’autodétermination du peuple sahraoui. En prenant fait et cause pour le Maroc malgré les décisions de justice européennes, le président trahit les idéaux républicains français au profit des visées expansionnistes d’une monarchie féodale.Cette allégeance aveugle aux thèses marocaines sur le Sahara occidental est d’autant plus déconcertante qu’elle ne rapporte strictement rien à la France, si ce n’est l’inimitié durable de l’Algérie, pilier historique et naturel. Que penser de ce reniement des principes fondateurs au profit des caprices d’un royaume voyou ?
En piétinant allègrement les résolutions onusiennes et la jurisprudence de la CJUE, Macron se rend coupable d’une haute trahison des valeurs qu’il est censé incarner.
Son empressement à dénier au peuple sahraoui son droit imprescriptible à l’autodétermination, pourtant reconnu par le droit international, est une insulte à la démocratie et aux droits humains. L’hypocrisie atteint des sommets lorsque le même Macron prétend respecter ce droit pour la Nouvelle-Calédonie, tout en le bafouant odieusement pour le Sahara occidental.
Cette posture de soumission aux intérêts étroits d’un régime arriéré, en dépit du droit et de la morale, déshonore la France. En trahissant ainsi ses principes par pur cynisme géopolitique, Paris perd bien plus qu’elle ne gagne. Elle sacrifie son crédit, son honneur et son autorité morale sur l’autel des courtes vues marocaines.Enchoisissant ce tropisme coupable, le chef de l’État français s’exclut de l’avenir radieux qui s’ouvrira quand, inéluctablement, le peuple sahraoui recouvrera sa pleine souveraineté.
Déshonorante, cette posture indigne fera entrer durablement Paris dans l’ombre d’Alger, gardienne des vraies valeurs universelles et de la légalité internationale
Source : Algérie confluences
#Maroc #France #SaharaOccidental #Algérie #Macron
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Meeting with Outgoing Tunisian Ambassador Ben Yahia
Tags: Ben Yahia, Tunisia, Libya, Morocco, Western Sahara, Gaddafi, Oujda Agreement, Colin Powell,
366. Memorandum of Conversation1
Washington, September 9, 1988SUBJECT : Meeting with Outgoing Tunisian Ambassador Ben Yahia
PARTICIPANTS : Colin Powell, William J. Burns, NSC Staff, Peter Burleigh, Deputy Assistant Secretary, Near Eastern and South Asian Affairs, Department of State, Ambassador Habib Ben Yahia, Mr. Hedi Gharbi, Deputy Chief of MissionAmbassador Ben Yahia paid a brief farewell call on General Powell on September 9 following his photo opportunity with the President.2 Ben Yahia thanked Powell for his support for Tunisia, and pledged that he would do all he could in his new position in the Foreign Ministry to further strengthen U.S.-Tunisian ties.
Ben Yahia then explained at some length Tunisia’s approach to relations with Libya. He said recent progress toward greater Maghreb cooperation offered a means of “regional containment” of Qadhafi. At the same time, there was a great deal of “fermentation” inside Libya. Qadhafi’s partial relaxation of some internal controls had allowed Libyans a glimpse of what more open societies had to offer. Since the GOT opened its borders with Libya in 1987, fully one-third of the Libyan population had visited Tunisia. Their experiences in Tunisia only reinforced their interest in pressing for further loosening of Qadhafi’s economic, social, and political controls.
Ben Yahia emphasized that the Tunisian government’s profound distrust of Qadhafi had not diminished one bit. But Tunisia had to co-exist with Libya and movement toward increased regional economic integration and related changes inside Libya gave the GOT a way to come to grips with the threat that Qadhafi posed. Tunisia remained deeply concerned about Qadhafi’s CW program, his support for Palestinian extremist groups, and his habitual efforts to destabilize his [Page 751]neighbors. The best strategy for countering that threat, from Tunisia’s perspective, was to build regional restraints on Qadhafi’s behavior and encourage the process of internal Libyan change that was underway. This did not mean open-ended political agreements with Qadhafi; Ben Yahia stressed that “we won’t make the same mistakes Morocco did in signing the Oujda Accord.”
In the meantime, Ben Yahia said, Tunisia remained firmly committed to close consultation with the United States on Libya. Ongoing cooperation with DOD and CIA would continue. The U.S. needed to trust Tunisia’s judgment on Qadhafi. “Benign neglect” might be the best U.S. approach to dealing with Qadhafi—since it denied him the international attention that he thrived upon, and that magnified his role out of all proportion to his real importance.
General Powell responded that the United States had full confidence in Tunisia’s judgment. We too preferred that Qadhafi’s role not be hyped. At the same time, Ben Yahia was well aware of U.S. concerns about Qadhafi’s continuing troublemaking. His CW program3 and support for terrorists were very serious matters. So long as these activities continued, it was dangerous to grant him political respectability—and we hoped Tunisia would not give him credibility and legitimacy that he did not deserve, and had not earned.
Ben Yahia reassured Powell that the GOT would continue to deal very carefully and cautiously with Libya. He added that President Ben Ali was determined to push ahead on a bold program of domestic political liberalization and economic reform. Greater democracy and privatization—borrowing from the U.S. model—were very important goals for Ben Ali. General Powell said the U.S. applauded Tunisia’s efforts.
Finally, Ben Yahia explained that Ben Ali had been very disappointed that he had been unable to visit Washington in September. Three main concerns had prevented him from coming. First, Tunisia’s domestic political calendar was overloaded, as Ben Ali sought to complete a series of reforms prior to the anniversary of his assumption of power on November 7. Second, Tunisia was heavily involved in regional diplomacy, particularly efforts to mediate a settlement between Chad and Libya and to promote a resolution of the Western Sahara conflict. Third, the PLO had still not made up its mind whether to hold the fall PNC meeting in Tunis or Algiers. A Tunis venue would create massive security headaches for the GOT, and Ben Ali—a “very security-minded fellow”—felt he could not make any extended foreign trips while this question remained.
[Page 752]
General Powell noted that he was sorry that Ben Ali had been unable to come to Washington as planned. This had caused some temporary administrative problems, but would have no negative effect on the strong U.S.-Tunisian relationship. He concluded by congratulating Ben Yahia again on his new appointment, and reiterating the U.S. Government’s deep appreciation for Ben Yahia’s superb service in Washington.
Source: Reagan Library, William J. Burns Files, Tunisia: 09/01/88–12/31/88. Secret. Although no drafting information appears on the memorandum of conversation, Burns sent it to Schott Stevens under a September 12 covering memorandum recommending that Schott Stevens approve it. There is no indication that Schott Stevens approved it.↩
In a five minute meeting in the Oval Office, Reagan “expressed appreciation for Ambassador Ben Yahia’s distinguished service in Washington” and promised “that the Administration would continue to work to strengthen bilateral ties with Tunisia.” (Memorandum of Conversation, September 9; ibid.)↩
See footnote 1, Document 284.↩
Source : State Department
#Tunisia #US #Libya #Gadhafi #WesternSahara #BenYahia #Powell
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Ben Yahia : « Nous ne commettrons pas les mêmes erreurs que le Maroc en signant l’Accord d’Oujda » (docs déclassifiés)
Etiquettes : Ben Yahia, Tunisie, Libye, Maroc, Sahara Occidental, Kadhafi, Accord d’Oujda, Colin Powell,
366. Compte Rendu de Conversation
Washington, le 9 septembre 1988
OBJET : Réunion avec l’Ambassadeur sortant de Tunisie, Ben Yahia
PARTICIPANTS :
- Colin Powell
- William J. Burns, Équipe NSC
- Peter Burleigh, Secrétaire adjoint adjoint, Affaires du Proche-Orient et de l’Asie du Sud, Département d’État
- Ambassadeur Habib Ben Yahia
- M. Hedi Gharbi, Chef de mission adjoint
L’Ambassadeur Ben Yahia a effectué une brève visite d’adieu auprès du Général Powell le 9 septembre, après une séance photo avec le Président. Ben Yahia a remercié Powell pour son soutien à la Tunisie et a promis de tout faire, dans son nouveau poste au Ministère des Affaires étrangères, pour renforcer les relations tuniso-américaines.
Ben Yahia a ensuite longuement expliqué l’approche de la Tunisie dans ses relations avec la Libye. Il a déclaré que les récents progrès vers une coopération maghrébine accrue offraient un moyen de « confinement régional » de Kadhafi. Parallèlement, il existait une grande effervescence en Libye. Le relâchement partiel de certains contrôles internes par Kadhafi avait permis aux Libyens d’entrevoir les avantages des sociétés plus ouvertes. Depuis que la Tunisie avait ouvert ses frontières avec la Libye en 1987, un tiers de la population libyenne avait visité la Tunisie. Leurs expériences en Tunisie n’avaient fait que renforcer leur intérêt pour un assouplissement supplémentaire des contrôles économiques, sociaux et politiques de Kadhafi.
Ben Yahia a souligné que la méfiance profonde du gouvernement tunisien à l’égard de Kadhafi n’avait pas diminué d’un iota. Mais la Tunisie devait coexister avec la Libye, et le mouvement vers une intégration économique régionale accrue et les changements connexes en Libye donnaient à la Tunisie un moyen de faire face à la menace que représentait Kadhafi. La Tunisie restait profondément préoccupée par le programme d’armes chimiques (CW) de Kadhafi, son soutien aux groupes palestiniens extrémistes et ses efforts habituels pour déstabiliser ses voisins. La meilleure stratégie pour contrer cette menace, selon la Tunisie, consistait à instaurer des restrictions régionales sur le comportement de Kadhafi et à encourager le processus de changement interne en Libye qui était en cours. Cela ne signifiait pas pour autant des accords politiques ouverts avec Kadhafi ; Ben Yahia a insisté : « Nous ne commettrons pas les mêmes erreurs que le Maroc en signant l’Accord d’Oujda. »
Entre-temps, Ben Yahia a déclaré que la Tunisie restait fermement engagée dans une consultation étroite avec les États-Unis concernant la Libye. La coopération en cours avec le DOD et la CIA se poursuivrait. Les États-Unis devaient faire confiance au jugement de la Tunisie sur Kadhafi. Une politique de « négligence bénigne » pourrait être la meilleure approche américaine pour traiter avec Kadhafi, car cela lui refusait l’attention internationale dont il se nourrissait et qui amplifiait son rôle de manière disproportionnée par rapport à son importance réelle.
Le Général Powell a répondu que les États-Unis avaient une pleine confiance dans le jugement de la Tunisie. Nous préférions également que le rôle de Kadhafi ne soit pas exagéré. En même temps, Ben Yahia connaissait bien les préoccupations des États-Unis concernant les troubles persistants causés par Kadhafi. Son programme d’armes chimiques et son soutien aux terroristes étaient des questions très graves. Tant que ces activités se poursuivraient, il serait dangereux de lui accorder une respectabilité politique. Nous espérions que la Tunisie ne lui accorderait pas de crédibilité ou de légitimité qu’il ne méritait pas et qu’il n’avait pas gagnée.
Ben Yahia a rassuré Powell en affirmant que le gouvernement tunisien continuerait à traiter avec la Libye avec beaucoup de prudence. Il a ajouté que le Président Ben Ali était déterminé à avancer avec un programme audacieux de libéralisation politique intérieure et de réforme économique. Une plus grande démocratie et privatisation – en s’inspirant du modèle américain – étaient des objectifs très importants pour Ben Ali. Le Général Powell a déclaré que les États-Unis saluaient les efforts de la Tunisie.
Enfin, Ben Yahia a expliqué que Ben Ali avait été très déçu de ne pas pouvoir se rendre à Washington en septembre. Trois principales préoccupations l’avaient empêché de venir. Premièrement, le calendrier politique intérieur de la Tunisie était surchargé, car Ben Ali cherchait à achever une série de réformes avant l’anniversaire de sa prise de pouvoir le 7 novembre. Deuxièmement, la Tunisie était fortement impliquée dans la diplomatie régionale, en particulier les efforts pour négocier un règlement entre le Tchad et la Libye et promouvoir une résolution du conflit au Sahara occidental. Troisièmement, l’OLP n’avait toujours pas décidé si elle tiendrait la session d’automne du CNP à Tunis ou à Alger. Une réunion à Tunis créerait d’énormes problèmes de sécurité pour le gouvernement tunisien, et Ben Ali – « un homme très soucieux de la sécurité » – estimait qu’il ne pouvait effectuer de longs voyages à l’étranger tant que cette question n’était pas réglée.
Le Général Powell a noté qu’il regrettait que Ben Ali n’ait pas pu venir à Washington comme prévu. Cela avait causé quelques problèmes administratifs temporaires, mais n’aurait aucun effet négatif sur la solide relation tuniso-américaine. Il a conclu en félicitant à nouveau Ben Yahia pour sa nouvelle nomination et en réitérant la profonde reconnaissance du gouvernement américain pour le service exceptionnel de Ben Yahia à Washington.
Source : Bibliothèque Reagan, Dossiers de William J. Burns, Tunisie : 09/01/88–12/31/88. Secret.
Source : State Department
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